DÉLÉGATION À L'AMÉNAGEMENT
ET AU DÉVELOPPEMENT DURABLE DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N° 9

Mercredi 7 juin 2006
(Séance de 10 heures 30)

Présidence de M. Emile Blessig, président

SOMMAIRE

 

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- Examen du rapport d'information sur l'action culturelle diffuse, instrument de développement des territoires (M. Jean Launay et Mme Henriette Martinez, rapporteurs)

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La Délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire a examiné le rapport d'information de M. Jean Launay et Mme Henriette Martinez sur l'action culturelle diffuse, instrument de développement des territoires.

Le président Émile Blessig a exposé que l'idée des rapporteurs avait trouvé tout au long des travaux de la Délégation un accueil extrêmement positif et favorable. En effet, si les thèmes du contenu des politiques culturelles territoriales et de leurs effets sur le terrain, ainsi que de la capacité de la vie culturelle à créer de l'attractivité, sont des thèmes récurrents, ils ont jusqu'ici peu fait l'objet de travaux parlementaires. Ce rapport se situe aussi dans le droit fil des préoccupations de la Délégation : l'angle sous lequel les rapporteurs ont décidé d'analyser les questions d'action culturelle dans les territoires relève en effet pleinement du développement de ceux-ci, et même de leur développement durable.

M. Jean Launay, rapporteur, a exposé qu'en proposant cette question à la réflexion de la Délégation, les rapporteurs avaient bien l'intuition de l'existence d'un lien entre développement culturel et attractivité d'un territoire. En effectuant, dans le cadre du présent rapport d'information, nombre de déplacements, notamment dans des départements ruraux, ils ont pu conforter ces intuitions par des constats et conclure à la réalité de ce lien. Il ne s'agissait pas pour eux, en effet, de souligner les difficiles conditions de la conduite d'actions de développement culturel dans ces territoires, mais bien mais bien, au vu du travail qui y est fait en matière culturelle, de voir comment ce travail contribuait à développer leur dynamisme et leur attractivité.

Nombre de collectivités locales, communes, communautés de communes, départements et régions, ont fait de la culture un des axes de leur action, pouvant représenter jusqu'à 15 % de leur budget. Il s'agit de services aux populations (financement d'écoles de musique, de danse, d'équipements culturels), mais aussi de réalisations destinées aux loisirs culturels de populations extérieures au territoire monuments, musées, festivals d'été. La question est donc de savoir quel est l'effet de ces dépenses, et si elles produisent de l'activité et du développement pour les territoires où elles sont conduites.

Les rapporteurs ont mené de larges consultations : auprès d'universitaires, spécialistes de l'économie de la culture, auprès de responsables des ministères. Ils ont également fait plusieurs déplacements, au cours desquels ils ont entendu élus locaux, responsables d'équipements culturels, militants associatifs ; ceux-ci leur ont exposé leur action et les résultats qu'ils obtiennent. La Délégation a enfin auditionné le ministre de la culture.

M. Jean Launay a alors exposé les conclusions des rapporteurs. La première est que pour les territoires, la culture est un outil de développement. Le présent rapport permet d'affirmer clairement que les atouts culturels d'un territoire font partie de ses éléments de développement. Les pratiques culturelles créent du lien social et de l'emploi culturel. Elles font évoluer aussi les référentiels culturels. A une époque où l'économie intègre de plus en plus de culture, où, dans le domaine culturel les demandes sont les mêmes quel que soit le territoire, une vie culturelle dynamique crée de l'attractivité pour un territoire. La valorisation du patrimoine culturel d'un territoire, monuments, musées, festivals, peut aussi créer de l'activité économique pour celui-ci, notamment en termes de tourisme culturel. Certes, il y a des règles pour le succès de cette valorisation, qu'il s'agisse de tourisme monumental ou de festivals. Le rapport les présente longuement. L'action culturelle dans un territoire est cependant clairement un facteur de développement pour celui-ci. S'inscrivant comme un support continu de son potentiel, elle en est même un facteur de développement durable. De ce fait, pour le développement des territoires, de même qu'il existe une fracture numérique, il peut exister une fracture culturelle.

L'engagement important des collectivités locales, et notamment des communes, dans le domaine de l'action culturelle est donc légitime. Il est fondé pour elles de mener des politiques culturelles et d'y consacrer des budgets conséquents.

La deuxième conclusion est que l'absence de mesure de l'effort culturel des territoires est incompréhensible. Le caractère incontournable, stratégique même selon les propos du ministre de la culture et de la communication devant la Délégation, de l'attractivité culturelle d'un territoire pour son développement rend particulièrement incompréhensible l'absence d'instruments de mesure fonctionnels de l'effort fait et des résultats obtenus en ce domaine par les acteurs publics, et tout particulièrement les collectivités locales Aujourd'hui, en 2006, pour se faire une idée approximative de la dépense publique en matière culturelle, il faut exploiter des données recueillies en 1996. Certes, la publication d'une étude plus récente est imminente, le ministre de la culture et de la communication en a même donné la primeur à la Délégation. Cependant les données analysées continuent à ne concerner que les communes de plus de 10 000 habitants. Il n'y a pas de données disponibles pour celles de moins de 10 000 habitants, où vit pourtant la moitié de la population française. De l'avis des rapporteurs, il ne s'agit pas d'une lacune mineure. Elle rend invisible une part considérable de la demande sociale et des efforts du pays en matière culturelle. Les rapporteurs considèrent aussi qu'il y a là une forme de négation ou d'absence de reconnaissance du fait associatif.

La troisième conclusion des rapporteurs est que l'action des pouvoirs publics est mal coordonnée et parfois disparate. L'organisation de l'action publique pour la culture dans les territoires laisse à désirer. Il arrive que des collectivités de niveau différent mènent, dans le même domaine, chacune sa politique ; un département et la région dont il relève peuvent ainsi avoir chacun une politique envers les festivals, sans que ces politiques soient coordonnées.

Toutes les collectivités locales n'ont pas non plus les compétences pour comprendre l'intérêt, pour un territoire, de disposer d'un réseau de pratiques culturelles, ou de valoriser un patrimoine. Elles n'ont pas forcément non plus l'ingénierie humaine nécessaire à la mise en oeuvre de tels projets ou dispositifs ; or ceux-ci, les projets de tourisme culturel notamment, peuvent comporter des risques qu'il faut connaître et maîtriser.

La quatrième conclusion est que l'Etat est largement absent de 1'aménagement culturel du territoire. Eu égard aux enjeux, cette absence paraît étrange. De ce fait, la politique culturelle de l'Etat n'est aucunement, aujourd'hui, une politique d'aménagement du territoire. Les conservatoires et écoles nationales de musique forment au mieux un maillage urbain ; un tel maillage n'existe même pas en matière de spectacle vivant ou de danse. L'Etat est inexistant ou presque pour tout ce qui relève des pratiques amateurs. Quant à son action en matière de patrimoine, elle va là où est le patrimoine qui lui appartient et est donc indifférente à l'aménagement du territoire.

Cette situation est corrélée avec les graves insuffisances statistiques relevée ci- dessus. Tant que l'Etat ne pourra pas avoir une vision à peu près complète de la répartition de l'effort culturel sur le territoire, le ministère de la culture ne pourra pas sortir du statut d'une sorte d'agence culturelle nationale, et ne pourra pas envisager de devenir le ministère de l'aménagement culturel du territoire, alors qu'il y a là pour lui un champ d'action légitime, nécessaire et attendu.

Ainsi, l'Etat, dans le domaine de la culture, n'est absolument pas, pour le développement de l'attractivité et des réussites des territoires, un Etat stratège, alors qu'il pourrait fixer des orientations, dynamiser les actions locales, améliorer leur cohérence, valoriser leurs résultats. Il y a là une situation insatisfaisante.

Enfin, cinquième conclusion, les rapporteurs considèrent que cette situation a des conséquences dommageables pour les territoires. En effet le maillage culturel et le professionnalisme des acteurs, culturels ou institutionnels, peuvent ainsi être extrêmement disparate selon les territoires, sans qu'il y ait, de plus, d'éléments pour en rendre compte. Ensuite, le positionnement de l'Etat introduit des ruptures permanentes au sein des territoires, et empêche une gestion culturelle harmonieuse.

Cela vaut aussi bien pour les pratiques culturelles que pour la mise en valeur du patrimoine. Il y a un monde entre les exigences des écoles nationales de musique et l'enseignement auquel peuvent accéder les enfants du monde rural. Il n'y a même pas de système de repères pour situer l'enseignement amateur par rapport aux exigences des écoles d'Etat. Dans chaque territoire, le grand patrimoine est géré par l'Etat comme un trésor à restaurer et à admirer, tandis que le patrimoine local, plus petit, est laissé aux collectivités, qui ont parfois du mal à le valoriser malgré leurs efforts, alors même qu'on peut trouver au fond des réserves des musées nationaux des pièces que des musées départementaux auraient profit à exposer.

Mme Henriette Martinez, rapporteure, a alors présenté huit axes d'action pour valoriser l'action culturelle au profit du développement du territoire. Un premier remède à la situation constatée, notamment aux disparités, est de travailler en réseau. Les échanges d'information, les comparaisons d'actions, doivent être systématiquement organisées, au niveau des acteurs culturels, mais aussi des collectivités. Un réseau des associations départementales de développement des arts fonctionne ainsi spontanément; il en est de même des artisans d'art; un réseau européen des villes neuves médiévales est en cours de constitution. Il s'avère aussi que dès qu'un réseau se constitue, il se crée une dynamique.

Les collectivités publiques devraient donc mieux échanger sur leurs actions, les tenants et aboutissants de celles-ci, leurs objectifs, leurs difficultés et leurs résultats. L'action culturelle n'est pas encore suffisamment identifiée comme un élément important et structurant des politiques locales. Trop souvent, faute d'identification de son importance, elle est l'élément secondaire des politiques publiques locales.

Le deuxième axe d'action est de traiter l'action culturelle dans le cadre de projets de territoires. La concertation doit aussi se développer territoire par territoire. L'action culturelle devrait être formulée par les acteurs publics dans le cadre de projets de territoire, Sur un territoire, que veulent obtenir les communes, le département, la région ? Quels seraient les souhaits de l'Etat? Comment ensemble arriver au résultat souhaité ? Il y a pour les territoires, la nécessité de s'accorder dans ce domaine sur des objectifs et des ambitions. La concertation est indispensable. Compte tenu de la situation actuelle, elle peut du reste avoir aussi des effets de rationalisation.

La question des charges de centralité est un problème récurrent, et d'autant plus difficile qu'il touche de petites communes centres, tandis que les bourgs ruraux qui les entourent mettent en avant les équipements qu'elles offrent et en même temps les faibles charges fiscales qu'eux-mêmes imposent. Les bourgs centres s'épuisent à financer des équipements pour les mettre à la disposition de tous. Il y a donc des organisations territoriales à trouver. Des dispositifs d'aides non coordonnées pourraient aussi être rationalisés.

A ces fins, la création par l'État de la notion de schéma de développement culturel, dont l'élaboration est confiée au département, est certainement un outil qui mérite d'être exploité par ceux-ci. Certains ont même anticipé la démarche.

Un troisième axe d'action est de mieux prendre en compte la valeur d'usage. L'approche en termes de projet de territoire vaut aussi pour les monuments historiques. Les monuments les plus importants créent par eux-mêmes du développement. Les autres doivent donc être abordés aussi de façon à en produire. La notion de valeur d'usage doit prendre sa place dans les projets de restauration des monuments. Le Château de Versailles a une valeur d'usage : il est occupé à l'année par 3 millions de touristes, qui y forment une présence continue. Le patrimoine plus petit ne peut avoir le même contenu de valeur d'usage. Il faut donc que les projets lui en affectent une, de façon inventive. De ce point de vue, la restauration des arènes d'Arles est un bon exemple, celle du château de Stanislas à Commercy ou de l'Espace Rohan à Saverne aussi.

Un quatrième axe d'action consiste à intégrer l'action culturelle dans des outils de contractualisation. Outil de développement des territoires, la culture doit pouvoir s'insérer dans les outils traditionnels de la contractualisation. Des projets culturels doivent pouvoir figurer dans les volets territoriaux des contrats de projets Etat-régions et, que ce soient des équipements destinés à la population ou des projets touristiques, figurer dans des demandes de crédits européens. Cela existe mais le ministère de la culture aurait intérêt à développer ces procédures.

L'intégration de certains projets fondés sur du tourisme culturel ou de l'artisanat d'art au sein des « pôles d'excellence rurale » est un premier pas. Mais ces pôles forment simplement aujourd'hui une opportunité. Il faut que la contractualisation puisse être un mode de développement pérenne en matière de culturel. Le plan Patrimoine antique conclu entre l'État, la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, les conseils généraux et les communes propriétaires, sur 10 ans (1999-2009) et pour 110 millions d'euros, est un bon exemple de ce qui peut être fait.

Mettre en oeuvre la péréquation constitue le cinquième axe d'action préconisé par les rapporteurs. L'intégration de l'action culturelle dans l'aménagement du territoire doit amener à y introduire aussi la logique de la péréquation. Les territoires défavorisés doivent pouvoir en bénéficier aussi dans ce domaine. Leur pauvreté n'est pas une pauvreté culturelle ; c'est une pauvreté de moyens. Par ailleurs les suppléments de coûts ne concernent pas les événements ou les équipements eux-mêmes ; en zone de montagne, ce sont les coûts de transport qui grèvent les projets. Il ne faut pas que rien ne soit possible parce que l'importance du budget des transports rend un projet inaccessible à une commune au regard de sa taille.

Le sixième axe d'action consiste à développer les dispositifs de repères. Même impécunieux, l'Etat peut être utile en élaborant des instruments de repère et de classification. La loi n° 2004-908 qui prévoit ainsi une classification des écoles de musique, hors de tout dispositif de critères de reconnaissance excluant les établissements qui ne les remplissent pas, va ainsi dans le bon sens. Le dispositif des villes et pays d'art et d'histoire élaboré par la direction de l'architecture et du patrimoine est aussi un utile instrument de labellisation.

Il faut également élaborer un dispositif statistique fonctionnel. Parmi les outils de repères que l'Etat doit pouvoir mettre en place figure un dispositif statistique national précis et régulièrement remis à jour. L'élaboration d'un tel dispositif est indispensable. Son absence a des conséquences trop dommageables à la fois sur la connaissance de l'effort national en matière culturelle, la reconnaissance de celui des communes de moins de 10 000 habitants, c'est-à-dire de la moitié de la population, et les capacités de déploiement et d'orientation du ministère de la culture. Alors que l'Etat dispose, avec l'INSEE, d'un instrument performant et reconnu, cette situation est incompréhensible.

Enfin, huitième axe d'action, il faut agir en faveur de l'artisanat d'art. Les métiers d'art constituent un potentiel de grand intérêt. Ce sont des métiers pour lesquels on peut se passionner, gagner sa vie et construire des carrières professionnelles et humaines. Pour les territoires, ils offrent aussi le grand intérêt d'être des métiers qui n'imposent pas une localisation à ceux qui les exercent. Il y a des territoires, comme la commune de Montdauphin, qui ont pu revivre grâce à l'implantation d'artisans d'art. Or, les métiers d'art sont mal connus ; leur potentiel aussi ; les formations ne sont pas toujours identifiées ; enfin, leur statut administratif est souvent confus et leur activité mal soutenue. Il y a donc, de la part de l'Etat et des collectivités locales, un effort de rationalisation à fournir. Cet effort a été entamé. Il faut le poursuivre. Il faut mieux présenter aux jeunes les potentiels de ces métiers. Il faut flécher les formations. Il faut soutenir les réseaux professionnels, leur fournir des guichets administratifs clairement identifiables et efficaces, et un appui à l'exportation.

En conclusion Mme Henriette Martinez a exposé que l'aide demandée par les territoires ruraux n'était pas d'abord composée de subventions, mais d'aides à l'organisation, de dispositifs d'évaluation, bref de mesures et d'instruments qui puissent leur servir de levier pour permettre à leurs populations d'avoir accès à la culture dans les mêmes conditions que les citadins.

Un débat a suivi l'exposé des rapporteurs.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont s'est félicitée du rapport présenté, qu'elle a trouvé très travaillé et très fouillé. L'intégralité des problématiques de la culture sur les territoires s'y trouve prise en compte. On ne peut qu'être d'accord avec les questions posées et les pistes proposées. Ce rapport sera un élément de référence pour la conduite des politiques culturelles du conseil général qu'elle préside.

Le caractère dommageable de l'absence, de longue date, de l'Etat dans les politiques culturelles des territoires devait être souligné. La conjoncture financière des collectivités locales est tendue, et ce sans doute durablement. Or, une enquête le montre, c'est aujourd'hui l'action culturelle qui en pâtit le plus. Les ressources pour faire face sont souvent recherchées dans le budget consacré à la culture. Il est indispensable que l'Etat retrouve une place centrale dans ce domaine non seulement pour contribuer au financement des actions, mais aussi pour rationaliser les interventions des collectivités locales.

Le domaine de l'action culturelle doit aussi entrer dans la contractualisation. La disparition du volet touristique au sein des contrats de projets Etat-régions est regrettable. Il faudrait le rétablir et y allier un volet consacré au développement culturel. Investir dans le développement culturel des territoires ruraux est important pour l'attractivité de ces territoires et pour contrer la déprise démographique. Par ailleurs, cela crée un impact corrélatif sur l'économie locale.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont a enfin jugé que, en élaborant un tel rapport, la Délégation était au coeur de la mission pour laquelle elle avait été créée.

M. André Chassaigne s'est déclaré particulièrement satisfait de l'élaboration d'un tel rapport. A sa lecture, on voit reprises les problématiques que les élus rencontrent tous sur le terrain. Indiscutablement, le rapport répond à ces questions.

Le développement culturel diffus en milieu rural répond à une exigence grandissante. En deux décennies on est passé dans les territoires ruraux d'un demande d'animation culturelle à une demande de développement culturel. Cette évolution est certes liée à l'installation dans ces territoires de nouveaux habitants, les néo-ruraux, niais aussi à la conviction que la qualité de vie sur les territoires ruraux inclut désormais la culture, et ce non seulement en ternies de diffusion, en possibilité d'assister à des spectacles par exemple, mais également en termes de pratique ; les questions relatives aux écoles de musique le prouvent.

La culture est un élément essentiel pour l'aménagement du territoire. Souvent la recherche d'un développement culturel est la clé d'entrée du développement. Il est arrivé souvent que des chartes de territoires soient élaborées à partir de préoccupations de développement culturel. Ainsi dans le cas du parc naturel régional du Livradois-Forez, le projet de développement culturel, par la mise en place de réseaux dans les domaines du théâtre, de la musique, de la lecture, a été presque le point d'ancrage, le point de l'identification de la population au territoire.

Il faut insister sur la nécessité, dans ce domaine, de travailler en réseau. Sur ce point il faut rappeler l'existence d'un réseau de collectivités locales, la Fédération nationale des collectivités locales pour la culture (FNCC) ; la FNCC réunit des communes, des conseils généraux et des conseils régionaux de toute sensibilité politique ; elle fonctionne bien, mais demande à être mieux connue.

La place de l'Etat dans l'affirmation et le développement des politiques culturelles locales est très insuffisante. L'Etat doit pouvoir intervenir non seulement à travers des subventions, mais aussi à travers la fourniture de capacités d'ingénierie aux projets mis en place par les acteurs locaux. Les conditions actuelles d'intervention produisent des effets dramatiques. Des dispositifs sont mis en place avec des aides incitatives de l'Etat. Celles-ci, après quelques années, disparaissent. Or, bien souvent, le milieu rural n'a pas les moyens de faire fonctionner le dispositif une fois les aides disparues. En conséquence, soit celui-ci s'arrête, soit les communes se tournent vers les conseils généraux et les conseils régionaux ; cependant, l'intervention de ceux-ci n'est pas plus que celle de l'Etat une intervention au long cours ; ils offrent des aides au lancement de projets, aides qui disparaissent ensuite ; ils financent des événements ; ils laissent en déshérence l'action diffuse continue.

Enfin, la méconnaissance de la réalité induite par le dispositif de recueil statistique, est tout à fait regrettable. Le milieu rural mène effectivement une action culturelle, notamment, mais pas seulement, par le moyen des intercommunalités et des parcs naturels régionaux. Cette action devrait être reconnue et mesurée.

Le président Émile Blessig s'est d'abord félicité que ce travail parlementaire ait été élaboré dans le cadre de la Délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire. La Délégation a une légitimité à mettre en perspective, compte tenu de la décentralisation, un certain nombre de facteurs de développement qui doivent s'inscrire collectivement dans le sens d'un progrès pour les territoires.

Il a ensuite fait observer que la culture était marquée d'une part par une très grande hétérogénéité des actions conduites, et ensuite par le fait qu'elle était facilement la variable d'ajustement des budgets des collectivités territoriales. La raison en est sans doute qu'il n'y a pas suffisamment de réflexion, en amont des actions, sur la place de la culture dans la société. Sur ce point, la structure du rapport est très intéressante : le rapport distingue bien d'une part ce qui tient à la vie culturelle des territoires, et de l'autre ce qui relève de l'économie culturelle comme facteur de développement d'un territoire. Or, l'action culturelle mélange sans cesse ces deux domaines. Ainsi, les festivals relèvent non pas de la vie culturelle des territoires, mais bien de l'économie culturelle. Ce qui relève de la vie culturelle, c'est l'offre de spectacles, l'animation culturelle, le soutien à la créativité, à l'année. Relèvent en revanche de l'économie culturelle non seulement les festivals, qui sont des événements ponctuels, mais l'ensemble du tourisme culturel et enfin également les métiers d'art. Les métiers d'art constituent toute une suite de niches de marché à promouvoir ; cette richesse est présente sur tous les territoires.

Dans ce contexte, le travail en réseau est nécessaire d'une part entre collectivités mais aussi entre collectivités et acteurs. Quant à l'Etat, son rôle devrait être celui d'un État stratège, améliorant les conditions de travail en réseau, voire imposant des critères aboutissant de fait à obliger ceux qui ne veulent pas travailler en réseau à le faire.

Par ailleurs la question de l'action culturelle décentralisée est peu abordée dans les travaux parlementaires, du fait sans doute que c'est une matière difficile à saisir, car dispersée et complexe. Les rapporteurs ont ainsi fait un travail de clarification extrêmement important. Ce rapport pourra servir aux élus, nationaux et locaux, de fil conducteur pour leur action culturelle.

Remerciant les intervenants, M. Jean Launay, rapporteur, a souligné l'importance, pour la vitalité culturelle des territoires, du tissu associatif et donc du bénévolat. La professionnalisation est très marginale par rapport à la capacité d'implication personnelle de beaucoup. La dynamique culturelle sur les territoires, dont les rapporteurs ont mesuré qu'elle se met en réseau, ne doit pas masquer la fragilité financière des actions ainsi menées. En mettant leur travail en exergue, on rend justice à l'action des associations et des bénévoles. Mais il est aussi nécessaire de les accompagner.

Mme Henriette Martinez, rapporteure, a rappelé que le rapport citait un très grand nombre d'exemples concrets, et que ceux-ci se recoupent quels que soient les territoires. La dynamique culturelle a pour point de départ l'action d'associations composées de bénévoles soutenue par des collectivités locales. Cependant, il y a un moment où cette dynamique s'essouffle : quand le projet prend de l'ampleur, le bénévolat n'arrive plus à l'assumer et le dispositif s'effondre. Quel que soit l'immense travail fourni par les bénévoles et sa qualité, le bénévolat est trop fragile pour permettre le développement des projets culturels dans la durée. Il y a donc une organisation à trouver. Les intercommunalités permettent déjà d'assurer un maillage important pour organiser des stratégies de développement culturel. Mais il faut aller plus loin. Elles doivent pouvoir s'appuyer sur les collectivités plus importantes, départements et régions. La question des transports a déjà été évoquée. Elle est insoluble au seul niveau intercommunal.

Enfin, il est vrai que les rapporteurs auraient pu chercher, plus qu'ils ne l'ont fait, à rencontrer des réseaux. La FNCC fournit un travail d'excellente qualité. Cependant, les rapporteurs, pour ce rapport, ont voulu d'abord aller au plus près des acteurs, et voir sur chaque terrain comment se passaient concrètement les choses en matière d'action culturelle. Ils ont d'abord voulu se donner les moyens de dégager eux-mêmes une vision d'ensemble et d'en faire une synthèse de première main à l'attention de leurs collègues députés et des élus locaux.

La Délégation a alors adopté, à l'unanimité, les conclusions présentées par les rapporteurs sur l'action culturelle diffuse, instrument de développement des territoires.


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