DÉLÉGATION AUX DROITS DES FEMMES
ET À L'ÉGALITÉ DES CHANCES
ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES

COMPTE RENDU N° 11

Mardi 2 mars 2004
(Séance de 17 heures)

Présidence de Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente

SOMMAIRE

 

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- Examen du rapport de Mme Geneviève Levy sur le projet de loi (n° 1338) adopté par le Sénat après déclaration d'urgence relatif au divorce

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La Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a examiné le rapport de Mme Geneviève Levy sur le projet de loi (n° 1338) adopté par le Sénat après déclaration d'urgence relatif au divorce.

Mme Geneviève Levy, rapporteure, après avoir souligné que le projet de loi relatif au divorce, par la simplification et la pacification apportées aux procédures, recueillait toute son approbation, a présenté à la Délégation un ensemble de recommandations qui, sur certains points, s'efforcent d'améliorer la prise en compte des droits des femmes du point de vue de l'égalité, de l'équité et dans les situations de violence.

Elle a d'abord suggéré d'instaurer, dans la nouvelle procédure du divorce par consentement mutuel, un délai de réflexion de trois mois entre la demande en divorce et l'audience devant le juge, permettant aux conjoints la maturation de leur décision et la finalisation de la convention de divorce. Elle a estimé que le respect d'un tel délai de réflexion, nécessaire à l'affermissement du consentement mutuel de chacun des époux, était le corollaire de la comparution unique, qui a pour effet de raccourcir la durée de la procédure.

Le problème du délai de cessation de la communauté de vie permettant le divorce pour altération définitive du lien conjugal, qui est une des innovations majeures du projet de loi, a été ensuite abordé. Pour Mme Geneviève Levy, rapporteure, le délai de deux ans avant l'assignation en divorce, retenu par le Sénat en première lecture, paraît raisonnable, compte tenu de l'évolution des modes de vie et de la nécessité pour l'époux qui n'y a pas consenti de reconstruire rapidement sa vie.

L'introduction de la médiation dans la procédure, proposée par le juge après l'échec de la conciliation, a été jugée très positive, à condition qu'elle soit largement accessible aux justiciables et que son coût, qui devrait bénéficier d'un financement public, ne soit pas un obstacle à son développement.

A propos du recours à la médiation familiale, lorsque des violences ont été constatées au sein de la famille, Mmes Marie-Jo Zimmermann, présidente, Geneviève Levy, rapporteure, et Danielle Bousquet ont estimé que la médiation, qui ne peut qu'envenimer les conflits, n'était absolument pas appropriée à de telles situations.

S'agissant de la prestation compensatoire, Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a fait part de sa préoccupation concernant les femmes d'un certain âge, divorcées après une longue durée de mariage et qui, du fait d'un choix de couple, n'auront, au moment de leur retraite, que des droits propres très insuffisants. Elle s'est notamment inquiétée de la situation des femmes qui ont travaillé à temps partiel et qui ne pourront prétendre qu'à de toutes petites retraites. Elle a craint une aggravation de la situation de ces femmes, d'ici dix ou quinze ans. Ces femmes, « premières épouses », doivent bénéficier d'une attention particulière de la part du juge, le souci de pacifier le divorce ne devant pas conduire à déresponsabiliser les époux, au risque d'évoquer la répudiation.

Dans cet esprit, Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, a souligné l'intérêt du thème d'étude sur le travail à temps partiel retenu par la Délégation pour l'année 2004.

Mme Danielle Bousquet a souligné le phénomène de nouvelle pauvreté des femmes que le temps partiel imposé, plutôt que choisi, ne fait qu'aggraver, alors qu'on raisonne comme si les hommes et les femmes étaient aujourd'hui à égalité dans le travail.

A l'initiative de Mmes Marie-Jo Zimmermann, présidente, et Danielle Bousquet, une précision a été apportée dans la rédaction de la septième recommandation, afin de tenir compte précisément des faibles droits personnels de ces femmes divorcées à la retraite.

Mme Josette Pons a précisé que le travail à temps partiel choisi correspondait à un choix de vie familiale.

Le problème des violences conjugales avant la requête en divorce et la possibilité pour le juge de prononcer l'éviction du conjoint violent du domicile conjugal a été ensuite évoqué.

Mme Geneviève Levy a présenté plusieurs recommandations visant à assurer l'efficacité d'une mesure hautement symbolique, mais qui ne doit pas demeurer seulement théorique : procédure contradictoire ; information du juge concernant les mains-courantes, les plaintes déposées, la procédure au pénal ; astreintes financières à l'encontre du conjoint violent récalcitrant ; précisions sur les modalités financières du maintien dans le domicile conjugal du conjoint victime et de la prise en charge du loyer ; prolongation jusqu'à six mois du délai au terme duquel les mesures prises deviennent caduques, à défaut de requête en divorce.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente, s'est félicitée de ces propositions, notamment celles concernant l'astreinte financière et les modalités de prise en charge du loyer.

Après que Mme Geneviève Levy ait suggéré la mise au point, dans un délai de trois ans, d'une évaluation de l'application de la loi, la Délégation aux droits des femmes a adopté l'ensemble des recommandations suivantes :

RECOMMANDATIONS ADOPTÉES
PAR LA DÉLÉGATION AUX DROITS DES FEMMES

1. Dans la procédure du divorce par consentement mutuel, dont le fondement repose sur la volonté librement exprimée et éclairée de l'un et l'autre conjoint, le principe de la comparution unique devant le juge retenue par le projet de loi devrait avoir pour corollaire le respect d'un temps de réflexion entre la demande en divorce et l'audience, qui pourrait être de trois mois minimum, permettant aux conjoints la maturation de leur décision et la finalisation de la convention réglant les conséquences du divorce.

2. S'agissant du divorce pour altération définitive du lien conjugal qui constitue l'innovation majeure de la réforme du divorce, la durée de la séparation qui le motive a été sujet de débat. Le délai de deux ans avant l'assignation en divorce retenu par le Sénat paraît raisonnable, compte tenu de l'évolution des modes de vie et de la nécessité d'une reconstruction de l'époux qui n'y a pas consenti.

3. La définition de la cessation de la communauté de vie, tant affective que matérielle, permettant le divorce pour altération définitive du lien conjugal, est ambiguë. Etant donné la subjectivité du terme « affectif », il serait préférable de reprendre la notion de séparation « de fait » du divorce actuel pour rupture de la vie commune.

4. La médiation proposée par le juge dans la procédure du divorce après l'échec de la conciliation, est une mesure extrêmement positive, mais elle a un coût. Elle devra, pour se développer, être impérativement ouverte à tous et dans toutes les juridictions, et bénéficier d'un financement public au titre de l'aide juridictionnelle ou dans le cadre de la protection sociale. Une contribution minimale des époux qui acceptent d'y recourir pourrait être requise.

Toutefois, la première rencontre aux fins d'information avec un médiateur familial que le juge peut enjoindre aux époux devra être gratuite.

5. En cas de situations de violences constatées au sein de la famille, des mesures de médiation familiale sont inappropriées.

6. Indépendamment des dommages-intérêts, qui peuvent être accordés à un époux en réparation des conséquences d'une particulière gravité qu'il subit du fait de la dissolution du mariage, des actions en responsabilité peuvent, en tout état de cause, être introduites sur le fondement de l'article 1382 du code civil. Le juge aux affaires familiales devra connaître de ces actions en cas de divorce.

7. Une attention particulière devra être apportée à la situation des épouses d'un certain âge, divorcées après une longue durée de mariage, dont les droits propres à la retraite, du fait de choix de couple, sont insuffisants.

Dans ces cas, l'attribution de la prestation compensatoire, à la fois sous forme de capital (droit d'usufruit du logement, par exemple) et sous forme de rente viagère devra être facilitée.

8. Le divorce mettant fin au devoir de secours, la situation du conjoint dont les facultés mentales se trouvent si gravement altérées qu'aucune communauté de vie ne subsiste entre les époux, devra également faire l'objet, notamment en cas d'altération définitive du lien conjugal, d'une attention particulière de la part du juge, lorsqu'il fixe la prestation compensatoire.

9. Afin de tenir compte dans l'évaluation de la prestation compensatoire des choix de couple faits pendant la vie commune, qui ne sont pas seulement d'ordre professionnel, le juge devra prendre en considération le choix de la vie familiale.

10. En cas de violences conjugales, la possibilité pour le juge de statuer sur la résidence séparée des époux et d'attribuer le logement conjugal à l'époux victime, devra être assortie de garanties juridiques, notamment le respect de la procédure contradictoire.

11. Le juge aux affaires familiales appelé à statuer selon cette procédure, devra être informé des mains courantes, de la plainte déposée par l'époux victime ainsi que de la procédure éventuellement engagée au pénal.

12. Afin d'assurer la sécurité de l'époux victime et des enfants, les modalités d'éviction du domicile conjugal du conjoint violent devront être précisées. Le juge pourra notamment condamner ce dernier à des astreintes financières.

13. Le juge devra préciser les modalités financières du maintien dans le domicile conjugal de l'époux victime des violences, notamment les conditions de la prise en charge du loyer.

14. Le délai de trois mois, au terme duquel les mesures prises en vertu de l'article 220-1 deviennent caduques si une requête en divorce n'a pas été déposée, devrait être porté à six mois.

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