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Première séance du mardi 20 juillet 2004

39e séance de la session extraordinaire 2003-2004



PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

    1

DÉPUTÉ ÉLU REPRÉSENTANT
AU PARLEMENT EUROPÉEN

M. le président. II résulte de la proclamation des résultats publiée au Journal officiel (Lois et décrets) du 23 juin 2004 que M. Philippe de Villiers a été élu représentant au Parlement européen le 13 juin 2004.

En application de l'article L.O. 137-1 du code électoral, il cesse d'exercer son mandat de député à compter du mardi 20 juillet.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Quelle tristesse !

M. le président. Toutefois, un recours ayant été formé (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste) contre les opérations électorales dans la circonscription Ouest, la vacance de son siège ne sera proclamée qu'après la confirmation de son élection au Parlement européen.

    2

ASSURANCE MALADIE

Explications de vote et vote sur l'ensemble d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi relatif à l'assurance maladie.

La parole est à M. le ministre de la santé et de la protection sociale.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale. Monsieur le président, monsieur le président de la commission spéciale, monsieur le rapporteur de la commission spéciale, mesdames et messieurs les députés, après plus de 140 heures de débat, après l'étude de plus de 8 500 amendements sur les quarante-cinq articles du texte, nous arrivons cet après midi dans l'hémicycle au terme de l'examen du projet de loi relatif à l'assurance maladie.

Avec Xavier Bertrand,...

M. Bernard Accoyer. Excellent !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. ...nous voudrions avant tout exprimer un sentiment de reconnaissance et de gratitude vis-à-vis de l'ensemble des députés et tout particulièrement de ceux qui ont participé activement au débat.

M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je voudrais dire d'emblée que je tire de toutes ces heures un enseignement majeur : votre assiduité et votre engagement sur tous les bancs ont montré à quel point vous attachiez de l'importance à l'assurance maladie. Au-delà de nos conceptions différentes, au-delà des clivages politiques, ce débat a montré que l'assurance maladie, héritée du Conseil national de la Résistance, était bien au cœur de notre pacte républicain.

Je voudrais aussi remercier le président de l'Assemblée nationale, Jean-Louis Debré. Vous avez montré, monsieur le président, deux qualités : votre autorité, que chacun connaît, et votre grand respect du débat démocratique. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Je voudrais également remercier tous les membres de la commission spéciale, à commencer par le président, Yves Bur, qui a montré hier soir encore, à minuit, ce qu'était le courage politique (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et par le rapporteur, Jean-Michel Dubernard (« Bravo » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Claude Évin. C'est la distribution des prix !

M. Jean-Marie Le Guen. Ou la cérémonie des adieux !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Votre tâche aura été marquée par trois caractéristiques. La première, c'est la rapidité car le calendrier fixé par le Premier ministre était très serré. La deuxième, c'est la compétence car vous avez donné un avis très éclairé sur tous les amendements. La troisième, c'est la créativité car vous avez permis, avec tous les amendements acceptés par la commission, de préciser et donc d'améliorer le texte du Gouvernement.

J'associe enfin à ces remerciements l'ensemble du personnel de l'Assemblée nationale que ce texte a fortement mobilisé pendant trois semaines. (Applaudissements sur plusieurs bancs.)

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, au terme de ce débat, j'ai trois certitudes. La première, c'est que cette réforme est nécessaire face à une assurance maladie en crise : crise financière avec plus de 23 000 euros par minute de déficit, crise d'organisation avec une dilution des responsabilités aboutissant à une non-prise de décisions parce que, quand personne n'est responsable, tout le monde est coupable, enfin, crise de confiance face à cette inexorable augmentation des dépenses d'assurance maladie, année après année.

Je voudrais ici citer le taux d'augmentation pour les cinq premiers mois de 2004 que nous connaissons depuis ce matin : plus 5,3 %. Cela montre que ce texte est nécessaire.

La deuxième certitude, c'est que cette réforme est innovante. Elle répond à deux logiques. La première est celle de la régulation médicalisée, fondée sur un changement durable des comportements, qu'il s'agisse des patients ou des professionnels de santé, et sur des outils qui n'avaient jusqu'à présent jamais été employés, le dossier médical personnel et le parcours personnalisé de soins.

La seconde logique, et c'est un parti pris, consiste à tourner le dos aux fausses solutions qui ont montré leur inefficacité par le passé. Je veux bien sûr parler de deux d'entre elles : la régulation comptable des dépenses d'assurance maladie, qui n'a jamais d'effets plus que quelques mois, et la culpabilisation des professions de santé car aucune réforme de l'assurance maladie ne peut marcher sans les professions de santé et, a fortiori, contre elles. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

La troisième certitude, c'est que cette réforme est juste car elle est fondée sur trois principes. Le premier, c'est le partage équitable des efforts. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Le deuxième, et cela nous oppose fondamentalement à d'autres ici, c'est que notre majorité croit en la responsabilité individuelle. Notre majorité croit impossible de parler d'organisation, de structures, ou de réseaux sans renforcer l'esprit de responsabilité individuelle, qu'il s'agisse des professions de santé ou du patient. Le troisième, c'est l'équité en donnant aux deux millions de Français qui ne pouvaient pas se payer une couverture complémentaire pour des raisons financières la possibilité de le faire, comme le Président de la République s'y était engagé en juin 2003. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Si j'avais une quatrième certitude, ce serait que ce projet, qui réforme en profondeur la gouvernance de l'assurance maladie, est structurant. Dans le respect de la prééminence des régimes de base, il institue un partenariat qui sera fructueux entre ces régimes et les régimes complémentaires dans le droit fil des recommandations du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie.

Là encore, nous avons eu des débats riches sur ces sujets et notamment sur la régionalisation. Là encore, les amendements qui ont été votés à l'initiative de la commission spéciale et de son président ouvrent des perspectives extrêmement intéressantes.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je terminerai comme j'ai commencé, par des remerciements. Un an après la réforme des retraites...

M. François Hollande. Ratée !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. ...sous la responsabilité du Premier ministre,...

Plusieurs députés du groupe socialiste. Jusqu'à quand ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. ...cette majorité poursuit son chemin pour donner à notre pays les réformes indispensables à la préservation de notre modèle de sécurité sociale. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Plusieurs députés du groupe socialiste. Tu parles !

M. François Hollande. Personne ne le croit !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je vous remercie de nous avoir soutenus dans cette voie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie.

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'État à l'assurance maladie. Monsieur le président, monsieur le président de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, je voudrais m'associer aux remerciements formulés par M. le ministre de la santé, Philippe Douste-Blazy. Je sais à quel point ces débats ont mobilisé l'ensemble des parlementaires de tous les bancs de cet hémicycle sur un texte d'une grande importance pour tous les Français. Et je ne voulais pas non plus oublier l'ensemble des personnels de l'Assemblée nationale et des groupes parlementaires sans lesquels ces débats ne pourraient avoir lieu.

Au cours de ces quelque 142 heures de travail en commun, nous avons eu dans cet hémicycle un débat d'une grande qualité, qui a porté ses fruits puisque le texte auquel nous avons abouti a été enrichi des nombreux amendements que vous avez votés, parfois à l'unanimité. Chacun a pu exprimer sa position sur la réforme du Gouvernement et sa conception sur l 'avenir de l'assurance maladie.

Après le temps du dialogue social, il était essentiel que nous prenions le temps du débat parlementaire. Au niveau du Gouvernement, nous avons fait des choix. Ici, mesdames et messieurs les députés, nous avons fait la loi.

Le texte s'est en effet enrichi par l'adoption de plus de 370 amendements proposés tant par la commission spéciale que par des députés de tous les groupes politiques.

Je pense tout d'abord au dossier médical personnel dont nous avons renforcé les garanties de confidentialité. Je crois que son déploiement sur l'ensemble du territoire ne sera possible que si les patients et les professionnels de santé y adhèrent et y participent. J'ai le sentiment que ce texte est de nature à garantir la confiance dans sa bonne mise en œuvre.

De la même façon, nous avons précisé un certain nombre de points dans les articles relatifs au médecin traitant. Mesdames et messieurs les députés, vous avez pu, là encore, répondre aux questions qui étaient posées. Ce médecin traitant pourra ainsi être un médecin généraliste ou un spécialiste et exercer en ville comme à l'hôpital.

Nos débats nous ont aussi permis de clarifier certains éléments du texte du Gouvernement. Je pense notamment aux conditions du remboursement des soins et à ses conséquences ou encore à l'intervention respective de la Haute autorité de santé et des différentes agences sanitaires.

S'agissant du volet « gouvernance », nous avons enrichi les compétences du conseil de l'hospitalisation dans un sens permettant d'avoir des décisions plus transparentes concernant le financement de l'hôpital.

De la même façon, l'intervention du comité d'alerte, les conditions du partenariat entre régimes de base et organismes complémentaires, le mode de fonctionnement de l'UNCAM ont été précisés et enrichis dans une direction positive.

Le vote d'aujourd'hui constitue une première étape. Le texte présenté par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin va être transmis à l'issue de ce vote au Sénat, où le travail parlementaire se poursuivra.

Lorsque le texte sera définitivement voté, après la phase parlementaire, commencera alors la troisième phase : ce que nous avons appelé le « service après vote » car il y a aussi une vie après la loi.

Nous nous sommes engagés devant vous et devant l'ensemble des Français à prendre très rapidement dès la promulgation de la loi les premiers décrets d'application. Et je sais combien ce sujet vous tient à cœur et à vous aussi, monsieur le président de l'Assemblée nationale.

Nous devons avoir à l'esprit qu'une fois le texte voté, il nous faudra suivre pas à pas la bonne application des mesures que nous avons adoptées et la mise en place de l'ensemble des outils de la maîtrise médicalisée des dépenses. La représentation nationale y sera bien évidemment associée tout au long du processus.

Au moment du vote solennel de ce texte, je voudrais vous redire combien Philippe Douste-Blazy et moi-même sommes et resterons mobilisés pour assurer la réussite de la modernisation de ce système d'assurance maladie à la française.

Face à cet enjeu de société, chacun ici, quelle que soit la place à laquelle il siège, a pris part à ce débat selon sa conscience. Or agir en conscience et pour l'avenir, c'est la responsabilité du politique. C'est aussi tout votre honneur ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Hervé Mariton, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

M. Hervé Mariton. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, réformer l'assurance maladie pour la sauver : tel est l'objet du projet de loi que le Gouvernement nous propose. Le gouvernement UMP... pardon, le groupe UMP votera pour. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Mes chers collègues !

M. Hervé Mariton. Le groupe UMP votera pour ce projet de loi, conscient de sa responsabilité, fier de faire œuvre utile, attentif aux Français qui soutiennent la réforme. Modeste aussi, car la réussite de cette réforme dépend surtout des changements de comportements et de la façon dont elle sera suivie, évaluée et adaptée. Aujourd'hui, des leviers sont mis en place pour réformer et sauver l'assurance maladie.

On aurait pu ne rien faire ou se contenter de colmater les brèches. Cela aurait été plus facile. Mais la responsabilité politique du groupe UMP, en tant que majorité, est bien d'engager la réforme.

Cette réforme est d'abord le fruit d'une méthode partagée.

M. Maxime Gremetz. Ah oui ?

M. Hervé Mariton. Notre méthode a consisté à rechercher la vérité sur la situation financière de l'assurance maladie, sur ses difficultés,...

M. Yves Bur, président de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à l'assurance maladie. Très bien !

M. Hervé Mariton. ...la vérité sur le niveau de dépenses de santé et d'assurance maladie, largement sous-estimé par nos compatriotes. Nous avons voulu comprendre, pour mieux le résoudre, le problème de l'accès difficile à la santé en certains points du territoire où à certaines spécialités.

Cette réforme a des alliés, et c'est ce qui lui permettra de gagner. Son premier allié, ce sont les Français.

M. François Liberti. Non, c'est le MEDEF !

M. Hervé Mariton. On le sait, 69 % des Français soutiennent la réforme (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains)...

M. Maxime Gremetz. On verra !

M. Hervé Mariton. ...et 90 % des Français soutiennent la mise en place du dossier médical personnel.

Les professionnels, eux aussi, soutiennent la réforme, pas uniquement les médecins mais l'ensemble des professionnels de santé.

Nous avons, mes chers collègues, vécu ici ces dernières semaines un débat complet, comme il sied à la première lecture d'un texte. Notre travail a connu différentes étapes : la mission présidée par M. Debré, ensuite les travaux de la commission spéciale, et enfin plus de 170 heures de débat dans cet hémicycle pour examiner plus de 8 000 amendements. Comme vient de le rappeler M. le secrétaire d'État, près de 400 amendements ont été retenus, dont un très grand nombre du groupe UMP. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

L'un des atouts de cette réforme est d'être menée dans un souci de méthode partagée.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Tu parles !

M. Hervé Mariton. C'est aussi son caractère ambitieux.

Rappelons brièvement quelques mesures clés de la réforme : le dossier médical personnel,...

Mme Martine Billard. Un euro par consultation !

M. Hervé Mariton. ...la désignation du médecin traitant, l'euro de responsabilité, les progrès en matière de gouvernance à travers les responsabilités du directeur de l'assurance maladie et la définition des missions régionales ; enfin, l'aide à l'accès aux mutuelles, qui traduit un engagement pris lors de la campagne électorale. Ce n'est pas si mal !

M. François Liberti. Et les assurances privées !

M. Hervé Mariton. Le débat nous a permis d'apporter des précisions qui rassurent et éclairent nos compatriotes, notamment sur le dossier médical personnel et sa mise en place dans le respect des libertés individuelles ou sur le perfectionnement de la carte Vitale. Nous avons par exemple pris, par voie d'amendement, une mesure approuvée par plus des trois quarts des Français : la carte Vitale comportera une photographie.

Notre système de santé, c'est vrai, se transforme : nous passons d'un système payeur passif à une organisation avisée.

Mais la réforme ne s'arrête pas là. Elle ouvre des perspectives, tout simplement parce qu'elle reflète un choix politique affirmé. La réforme de l'assurance maladie souhaitée par certains passait d'abord, et peut-être uniquement, par l'augmentation des prélèvements obligatoires. Tel n'a pas été notre choix.

M. Jean Glavany. Ah bon ?

M. Hervé Mariton. L'augmentation des prélèvements obligatoires aurait abîmé le présent et, parce que les prélèvements ont tendance à se stratifier, elle aurait mis en cause l'avenir. Nous faisons un pari différent, celui des changements de comportement, tout simplement parce que nous n'avons pas d'autre choix. Le choix que le Gouvernement nous a proposé et que nous soutenons est un choix responsable et équilibré, un choix tout entier fondé sur des réformes structurelles.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Où est l'équilibre ?

M. Hervé Mariton. Nous avons débattu hier soir de l'évolution de la dette. Cette dette, nous voulons et nous pourrons la maîtriser grâce aux réformes structurelles engagées.

Les apprentis sorciers qui veulent tuer le patient avant de le guérir sont sur les bancs de l'opposition. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) La première de leurs solutions, et peut-être l'unique, repose sur l'augmentation des prélèvements.

M. François Brottes. Et la CSG ?

M. Hervé Mariton. Ce n'est pas la solution que nous avons choisie. Ce n'est pas la bonne solution.

À dire vrai, chers collègues de l'opposition, vos critiques n'étaient pas convaincantes et vous n'avez pas proposé de projet alternatif. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Vous mentez !

M. Hervé Mariton. Nous avons entendu en boucle des arguments décevants. Vous nous avez sans relâche, sans nous convaincre et probablement sans conviction, parlé de l'arrivée d'un proconsul. Vous avez manié des concepts plutôt abscons sur une étatisation qui précéderait la nationalisation. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Vous avez combattu des mesures concernant la mise en œuvre de la réforme sans y être, dans l'absolu, réellement opposés. Vous avez constamment appelé de vos vœux l'augmentation des prélèvements obligatoires. Vous avez espéré, et peut-être espérez-vous encore aujourd'hui, l'affrontement entre les professionnels et l'affrontement avec les professionnels. Tout cela n'était pas convaincant.

On a entendu la question suivante : la réforme proposée par le Gouvernement est-elle une vraie réforme ? Oui, c'est une vraie réforme. (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Car la vraie réforme, c'est d'abord celle que l'on fait !

M. Jean Glavany. N'importe quoi !

M. Hervé Mariton. La réforme de l'assurance maladie, vous ne l'avez pas faite, mesdames, messieurs de l'opposition ! Nous soutenons le projet de loi du Gouvernement (« UMP » sur plusieurs bancs du groupe socialiste) parce qu'il propose une réforme structurelle, une réforme qui répond aux besoins de nos compatriotes. C'est vrai, le succès de la réforme dépendra pour une grande part de sa mise en œuvre, dans une recherche permanente de progrès.

Les Français ont soutenu la réforme. (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Il leur appartient maintenant de l'appliquer !

Nous vivons dans un monde qui bouge.

M. Maxime Gremetz. Ah oui ?

M. Hervé Mariton. Mais notre responsabilité, en tant que politiques, devant nos compatriotes, c'est de comprendre le monde...

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Apparemment, vous ne l'avez pas compris !

M. Hervé Mariton. ...et de l'expliquer. C'est d'apporter à nos compatriotes des éléments indispensables de stabilité, de réconfort et d'espoir. Pour répondre au pacte social qui fait la France, nous devons rassurer nos concitoyens. La réponse que nous apportons aujourd'hui était attendue et elle est comprise par tous les Français. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Nous assurons l'avenir de l'assurance maladie et apportons une réponse essentielle pour le pacte social de notre pays. En préservant l'avenir de la sécurité sociale, nous faisons œuvre utile. C'est pourquoi nous soutenons ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, après la réforme des retraites, la privatisation d'EDF-GDF et l'attaque contre les services publics, après la volonté d'atomisation du code du travail par touches successives, vous attaquez un nouveau pilier de notre pacte social : la sécurité sociale, née en 1945, l'une des plus grandes conquêtes sociales qui ont fait la grandeur de la France.

Tout au long de nos débats, qui ont duré plus de cent cinquante heures, nous avons voulu être à la hauteur du coup porté à notre système de santé, dont je vous rappelle qu'il est issu de la Résistance. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Claude Lenoir. Et vous n'y êtes pas arrivés !

M. Maxime Gremetz. Quand on parle de Résistance, de De Gaulle et d'Ambroise Croizat, vous êtes gênés ! Je vous signale que ce sont les communistes et les gaullistes qui ont créé ce système de solidarité nationale. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.) Cela vous gêne ? Moi, j'en suis fier. Vous reniez tout. C'est votre droit.

Nous nous étions engagés à présenter toutes nos propositions, une à une, sans renoncer, et nous l'avons fait. Ce sont près de 6 000 amendements que nous nous sommes efforcés de défendre, en nous appuyant sur des arguments solides. (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Et des répétitions !

M. Maxime Gremetz. Ce faisant, et de l'aveu même du ministre, nous avons été les seuls à défendre un véritable contre-projet alternatif à la réforme imposée par le Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Les seuls ?

M. Jean-Claude Lenoir. Les socialistes apprécient !

M. Maxime Gremetz. Mes chers collègues, c'est le ministre qui disait cela hier soir, mais vous avez le droit de le contredire. Il est vrai que vous n'étiez pas là ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Cela figure naturellement au Journal officiel !

Le contre-projet que nous proposons est totalement financé, comme nous vous l'avons expliqué. D'ailleurs, M. le ministre a reconnu la validité des chiffres : 20 milliards d'un côté, un peu plus de 20 milliards de l'autre. Ne parlez donc pas sans savoir !

Nous arrivons au terme de la première lecture de ce projet de loi, après un débat très riche d'enseignements et qui a permis à chaque groupe d'expliquer sa position sur les enjeux de cette réforme.

Nous sommes tous partis du même constat : les besoins de santé dans notre pays sont immenses et la sécurité sociale ne peut plus les satisfaire pleinement. Elle ne le peut plus, car le système a trop souffert de la multiplication des plans d'austérité qui visaient uniquement à réduire les dépenses, à contrôler les assurés sociaux et à réduire encore et toujours la participation financière des entreprises.

C'est pourquoi, je le rappelle, nous n'avons jamais voté les lois de financement de la sécurité sociale, même lorsque la gauche était au pouvoir. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Oui, notre système doit être réformé, mais dans l'esprit qui a guidé sa création en 1945,...

M. Bernard Deflesselles. Encore !

M. Maxime Gremetz. ...en valorisant l'universalité de la protection et la solidarité au niveau du financement, et en couvrant les besoins sans distinction ni discrimination de ressources. Mais vous avez travesti ce passé. Vous vous êtes écartés de ces principes fondateurs. Vous êtes devenus, faut-il le dire, les serviteurs du MEDEF et de la Fédération française des sociétés d'assurances. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

C'est ainsi que votre réforme a délibérément organisé le rationnement de l'offre de soins, orchestré la réduction des soins remboursables, dynamité la démocratie sociale et érigé en principe un financement inique à la seule charge des assurés sociaux.

Vous avez, monsieur le ministre, mesdames, messieurs de la majorité, consolidé la mainmise de l'État sur l'organisation du système, pour mieux en préparer la privatisation. Pour cela, vous avez créé une Union nationale des caisses d'assurance maladie, qui sera dirigée par un véritable « roitelet », puisque, nommé par le ministre, il sera le seul maître en son royaume ; il détiendra le pouvoir sans partage d'organiser et de gérer l'ensemble du système d'assurance maladie, notamment en matière de prise en charge collective des dépenses de santé. Vous avez cherché à consolider encore son absolutisme en liquidant purement et simplement le principe même de la représentation démocratique au sein des institutions de sécurité sociale.

Vous avez fait pire : vous avez imposé les acteurs privés de la santé dans la cogestion des dépenses de santé avec l'assurance maladie obligatoire. Les complémentaires de santé, organisées en union nationale, pourront en effet émettre des avis sur les décisions de l'UNCAM et participer à la définition du périmètre de prise en charge des dépenses de santé. Elles seront les actrices de la mise en place des paniers de soins.

Vous avez ainsi mis en place les structures qui vous permettront dorénavant de faire varier la prise en charge socialisée des dépenses de santé, afin de laisser croître le reste à charge pour l'assuré. Et l'odieuse campagne de culpabilisation des assurés sociaux dans laquelle vous vous êtes engagés ne vise qu'à légitimer les sacrifices que vous attendez d'eux. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Concernant l'offre de soins, vous avez réintroduit la notion de médecin référent, rebaptisé médecin traitant ; vous avez renforcé la rigueur des protocoles de prise en charge des affections de longue durée ; vous avez renforcé les contrôles des arrêts de travail, des prescriptions de transports médicaux et d'une façon générale de toutes les prescriptions. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Édouard Landrain. Enfin !

M. Maxime Gremetz. Vous avez confirmé, et même aggravé, les sanctions à l'encontre des assurés comme des professionnels ; vous avez multiplié les menaces et les mises en garde concernant les remboursements ; enfin vous avez créé une série de « gendarmes » financiers chargés d'alerter l'autorité publique en cas de dépenses anormales de santé. Il s'agit, par toutes ces mesures, de glisser, lentement mais sûrement, vers la définition restrictive d'un panier de soins, légitimant les déremboursements à venir de l'assurance maladie, pour le plus grand profit des complémentaires de santé.

Pour parachever votre sinistre entreprise, vous avez enfin désorganisé les financements, les éloignant toujours un peu plus des sources de création de richesses, au point de ne pas assurer le financement de votre réforme : Bercy l'a démontré, la CNAM l'a confirmé. Sur quinze milliards d'économies, un milliard seulement proviendra des entreprises ; le reste sera à la charge des seuls assurés sociaux. La création du forfait de un euro par consultation en est le point d'orgue. Votre cynisme vous a même poussés à ne pas exonérer de ce hold-up les consultations de prévention et celles nécessitées par une maladie professionnelle ou un accident du travail !

Vous avez en outre augmenté le forfait hospitalier, le faisant passer de treize à seize euros, alors que vous l'aviez déjà augmenté de 22 % en janvier dernier. Vous avez augmenté la CSG acquittée par les retraités et élargi l'assiette de celle des salariés, pour récupérer deux milliards d'euros. Décidément, monsieur le ministre, il vaut mieux dans ce pays être du côté du grand patronat et de la finance qui, comme d'habitude, se retrouvent quittes de tout effort, sinon une modeste contribution de 0,03 %, représentant un peu plus de 700 millions d'euros. Voilà le vrai visage de votre réforme.

Plus le débat avançait, plus le désenchantement gagnait l'opinion publique, et tout particulièrement les organisations syndicales, de salariés comme de professionnels de santé, qui condamnaient toujours plus fortement les mesures que vous proposiez. Comme nous, elles s'indignent devant des mesures qui aggraveront dangereusement les inégalités d'accès aux soins et qui érigeront en principe la médecine à deux vitesses.

En vérité vous avez fait le choix d'une réforme profondément injuste, qui aboutira à sanctionner les plus malades et les plus modestes, pour le plus grand bonheur des assurances. Elles le reconnaissent elles-mêmes d'ailleurs : « Les augmentations pratiquées cette année ont été encore plus importantes que celles de l'an passé, et atteignent des montants parfois supérieurs à 10 % en année pleine. » Ce n'est pas moi, Maxime Gremetz, qui le dis, c'est M. Johannet, entre autres.

À la question de savoir si la réforme du système de soins actuellement en cours va permettre d'infléchir la tendance, la réponse est non. La plupart des assureurs, ainsi que la Fédération nationale de la mutualité interprofessionnelle, la FNMI, anticipent déjà une hausse tarifaire minimum de 6 % l'an prochain, du simple fait de la réforme qui, si elle touche en premier lieu le régime obligatoire, se répercutera aussi sur les systèmes complémentaires. Le texte « semble devoir entraîner des transferts de charges certains et immédiats, comme la hausse du forfait hospitalier d'un euro par an pendant trois ans », explique-t-on aux AGF.

Mais les mesures de rationalisation mises en place pourraient aussi, à terme, profiter aux régimes complémentaires. « Des gains pourraient progressivement être dégagés en fonction de la rapidité et de l'efficacité de la mise en œuvre de certaines mesures de la réforme, comme le contrôle des arrêts maladie, la politique du médicament et notamment des génériques, ou encore le dossier médical partagé » précise Gilles Johannet, directeur des activités « santé » aux AGF.

Vous n'avez pas été à la hauteur de la question que nous avions posée au début de nos discussions dans cet hémicycle, et qui aurait dû structurer l'ensemble de la réforme : comment trouver les moyens d'une politique sanitaire globale, capable de couvrir l'ensemble des besoins de santé d'un individu, de sa naissance à sa mort ?

M. Bernard Deflesselles. Que ne l'avez-vous fait ? Vous aviez cinq ans pour cela !

M. Maxime Gremetz. La réponse à cette question est éminemment politique, en ce qu'elle traduit un choix de fond, un choix de société. Vous auriez pu répondre en reprenant nos propositions, qui visent à développer la prévention, à améliorer la couverture socialisée des besoins, à donner un nouvel élan à la démocratie sociale et à modifier en profondeur le financement de la sécurité sociale.

M. Richard Mallié. Pourquoi ne l'avez-vous pas fait quand vous étiez au pouvoir ?

M. Maxime Gremetz. Nous vous proposons de développer la prévention en assurant la prise en charge des actes de vaccination et de dépistage ; d'améliorer la couverture maladie en instaurant la prise en charge à 100 % des soins pour les assurés sociaux atteints d'une affection longue et coûteuse ou d'une maladie chronique. Afin d'impulser un nouvel élan à la démocratie sanitaire, nous avons proposé le rétablissement des élections à la sécurité sociale et la création d'un conseil consultatif, composé notamment de professionnels de santé et des représentants d'organismes de complémentaires santé et d'associations d'usagers.

Nous devons enfin mettre en œuvre un autre financement, plus juste socialement et plus efficace économiquement. Nous avons proposé en ce sens de réformer la cotisation sociale en la modulant, de taxer les revenus financiers des grandes entreprises, ou encore de supprimer les exonérations de cotisations patronales, qui représenteront l'an prochain 22,5 milliards d'euros, au nom de la lutte contre le chômage. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

On sait quelle est la situation actuelle de l'emploi. Or, comme nous l'avons démontré, 1 % d'augmentation de salaire, c'est 2,5 milliards d'euros de plus ; 100 000 chômeurs de moins c'est 1,3 milliard d'euros de plus pour la sécurité sociale. Alors que le montant de la contribution sociale sur les revenus financiers et les revenus boursiers est de 16 milliards d'euros, la suppression des exonérations de cotisations sociales patronales représente vingt milliards d'euros, et une augmentation d'un point des cotisations patronales six milliards. Cela fait un total de 45,8 milliards d'euros. Encore faut-il avoir le courage politique de le faire, et c'est précisément ce qui a toujours manqué. On a préféré resservir toujours les mêmes vieilles recettes, qui nous ont menés où nous en sommes !

Pour ces raisons, monsieur le président, messieurs les ministres, nous voterons contre ce texte, qui organise la mort de la sécurité sociale, et qui signe la fin de l'esprit de 1945, dont le Gouvernement s'est prévalu abusivement tout au long des débats. En réalité vous n'avez tiré aucun enseignement du passé, qu'il s'agisse du passé immédiat ou du passé le plus lointain. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Et vous ?

M. Maxime Gremetz. Encore une fois, ce n'est pas une réforme de progrès, mais un nouveau recul de civilisation que vous imposez aux Françaises et aux Français, qui sont une nouvelle fois les otages d'un gouvernement aux ordres du patronat et des intérêts boursiers.

Mais nous leur adressons un appel. Rien n'est joué. Vous avez été durement sanctionnés pour la réforme des retraites, que vous vous applaudissiez d'être parvenus à faire adopter. Vous le serez tout autant pour celle-ci. La rue n'a pas fini d'en parler, et nous n'aurons jamais fini d'y revenir. Nous prenons donc date aujourd'hui, devant témoins.

Voilà pourquoi, monsieur le président, nous voterons résolument contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, ce projet de loi est celui de la réforme délaissée, du temps perdu, et de la dette reportée. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Mallié. Tout à fait d'accord ! Du temps perdu par vous ! De la dette reportée par vous !

M. Jean-Marie Le Guen. C'est aussi le texte des orientations délétères.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est vous qui dites ça !

M. Jean-Marie Le Guen. La réforme que vous avez délaissée, c'est celle de la modernisation et du décloisonnement de notre offre de soins. Vous y avez renoncé, monsieur le ministre, et vous avez préféré stigmatiser les comportements des assurés, en tirant argument d'abus toujours marginaux, plutôt que de remettre en cause les rentes de situation et d'affronter les conservatismes de certains milieux professionnels. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

L'orientation délétère, c'est le décrochage systématique entre les dépenses assumées par l'assuré et celles qui lui seront remboursées par l'assurance maladie. Dans les espaces créés par ces baisses de remboursement, vous installez progressivement les assurances complémentaires. Le secteur privé prend ainsi la relève de l'assurance maladie obligatoire en profitant de ses reculs. Vous organisez le terrain d'une médecine à deux vitesses, sur lesquelles prospéreront les assurances privées.

Le temps perdu, c'est celui de l'accumulation de vos déficits et de vos renoncements. Chacun l'a désormais compris : en 2007, l'assurance maladie restera un dossier brûlant pour le nouveau gouvernement quel qu'il soit : il devra en faire sa priorité, car plus que tout votre projet sacrifie l'avenir. D'ici là en effet, la qualité de notre système de santé se sera gravement altérée, parce que la mutation nécessaire de l'organisation des soins n'aura pas été conduite. L'accès aux soins sera devenu plus difficile pour un plus grand nombre de nos concitoyens, qui auront du mal à acquérir une assurance complémentaire dont le coût aura explosé.

Enfin, les marges de manœuvre financières encore disponibles seront d'autant plus étroites que vous reportez sur les générations futures les déficits accumulés pendant les cinq ans de votre gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Vos déficits !

Mme Chantal Brunel. Quel culot !

M. Jean-Marie Le Guen. Vous n'avez en effet pas convaincu grand monde sur les objectifs que vous vous fixiez. Qui peut croire ici que vous réaliserez des économies grâce à l'apposition d'une photo sur la carte Vitale et la mise en place précipitée d'un dossier électronique, dont vous êtes bien en peine d'expliquer comment il marche ?

Vous installez une nouvelle gouvernance centralisée et autoritaire, mais qui sera impuissante à gérer la complexité des engagements humains autour de la santé, qui sera de plus profondément illégitime, parce que sans contrôle et sans assise.

Vous avez surtout, contre toute raison économique et contre toute éthique politique, renvoyé le bilan de votre inaction, c'est-à-dire plus de 60 milliards d'euros, sur le dos des générations futures.

Mme Élisabeth Guigou. Eh oui !

M. Jean-Marie Le Guen. Pourtant, il serait erroné de croire qu'il ne s'est rien passé ces trois derniers mois. Une page de l'histoire sociale de notre pays s'est tournée, le paradoxe étant, monsieur le ministre, que vous vous gardiez bien de revendiquer ce changement, bien réel celui-là.

Alors que les questions de santé et d'assurance maladie ont été longtemps considérées comme un dossier technique qu'il convenait de déléguer aux partenaires sociaux, ces dernières semaines de débat ont vu essentiellement s'affronter des paroles politiques. Désormais, les questions de santé deviendront l'un des principaux enjeux du débat politique dans lequel nos concitoyens seront amenés à s'impliquer.

Si le débat a duré plus longtemps que certains ne l'espéraient, sans que le président de l'Assemblée nationale ait d'ailleurs trouvé à redire à la qualité de ce débat, c'est parce que nous avons voulu non seulement nous opposer, mais aussi proposer une autre vision de l'avenir de l'assurance maladie.

M. Jean Leonetti. Nous ne l'avons pas entendue !

M. Édouard Landrain. Il n'y a rien dans votre projet !

M. Jean-Marie Le Guen. C'est parce que nous avons proposé une solution alternative que nous savons que votre projet ne prospérera plus désormais sur la résignation.

Ce que nous proposons s'oppose en effet point par point à ce que vous prétendez mettre en œuvre et plus encore à ce que vous faites. Oui, nous aurons à revenir en 2007 sur ce que vous voulez engager, mais aussi sur les réformes devant lesquelles vous reculez !

D'abord, nous réhabiliterons une politique de santé publique qui ne reculera pas devant la pression des alcooliers ou de l'industrie alimentaire.

Nous ferons de la santé au travail une priorité de l'amélioration de la vie quotidienne des Français, quand le MEDEF déclare ne plus s'intéresser à la santé des salariés. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Nous renforcerons les contrôles, la prévention et la taxation des accidents du travail et des maladies professionnelles dont l'impact sur la santé et le coût pour l'assurance maladie sont un enjeu capital sans que vous jugiez utile de faire quoi que ce soit en la matière.

M. Richard Mallié. Que ne l'avez-vous fait ?

M. Jean-Marie Le Guen. Il est d'ailleurs des plus significatif que vous n'abordiez dans ce texte les rapports du salariat à la santé qu'au travers de la chasse aux indemnités journalières. Pour nous, mes chers collègues, le salarié français n'est pas d'abord un tire-au-flanc, mais trop souvent une femme ou un homme dont on prend insuffisamment en compte les conditions de travail et leurs conséquences, notamment sur la santé. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Guy Teissier. Flagorneur !

M. Jean-Marie Le Guen. Nous assurerons sur l'ensemble du territoire un accès facilité aux soins de première intention.

M. Édouard Landrain. Démago !

M. Jean-Marie Le Guen. Nous supprimerons cette franchise de 1 euro qui n'est là que pour dissuader, alors que nous voulons tout au contraire accueillir le patient dans le système de soins pour l'aider à gérer sa santé.

Nous créerons un vrai statut de médecin traitant qui sera choisi et non imposé. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Celui-ci sera incité à gérer le parcours de soins et le dossier médical de son patient, et non plus, comme aujourd'hui, obligé de multiplier les actes au détriment de la qualité de sa pratique.

M. Jean-Luc Reitzer. Pourquoi ne l'avez-vous pas fait ?

M. Jean-Marie Le Guen. Nous mettrons en place des réseaux de santé où les professionnels de santé de différents horizons œuvreront ensemble autour du patient...

M. Jean-Luc Reitzer. Il fallait le faire !

M. Jean-Marie Le Guen. ...pour assurer notamment la continuité des soins entre la ville et l'hôpital, alors que vous figez notre organisation des soins dans un individualisme dépassé et un corporatisme rétrograde. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Nous assurerons la possibilité pour tous les professionnels de santé d'accéder à une formation et une information scientifiques indépendantes des pressions commerciales auxquelles vous ne voulez pas les soustraire.

Nous mettrons en œuvre un grand projet de mobilisation et de qualification des professions de santé pour faire face aux défis démographiques et à l'évolution des compétences et des carrières.

Nous mettrons en œuvre une politique industrielle et de recherche sur le médicament qui ne fera pas de la surconsommation du médicament son financement inavoué et de 1'assurance maladie sa vache à lait ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Nous maintiendrons les structures hospitalières de proximité, alors que vous les déstabilisez par des réformes mal conduites. Nous moderniserons et nous défendrons l'hôpital public, alors que vous voulez le privatiser. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Démago !

M. Jean-Marie Le Guen. Nous remettrons dans l'assurance maladie les moyens alloués aux soins de la dépendance et du handicap que vous voulez séparer pour mieux privatiser les risques. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Deflesselles. Demain on rasera gratis !

M. Jean-Marie Le Guen. Nous installerons des agences régionales de santé que vous n'osez mettre en œuvre par manque de courage politique parce que c'est désormais l'échelon efficace d'une régulation et l'outil incontournable pour décloisonner notre offre de soins entre le médical, l'hospitalier et le médico-social.

Nous assurerons à l'assurance maladie des finances pérennes et solidaires en lui affectant le revenu des taxes sur l'alcool et le tabac, comme vous l'aviez promis, mes chers collègues, et que, pourtant, vous ne faites pas.

Nous rétablirons la justice dans l'effort demandé aux Français en augmentant la contribution sociale sur les bénéfices des entreprises.

Nous lutterons contre la concurrence sauvage que vous instaurez dans l'assurance complémentaire en refondant les règles de la solidarité de ces contrats.

Nous tournerons la page de la gestion autoritaire et centralisée pour organiser la participation des usagers à tous les niveaux, comme l'exige une véritable démocratie sanitaire, socle moderne d'une nouvelle gouvernance.

Comme vous le voyez, monsieur le ministre, nous n'avons pas d'hésitation à refuser nos voix à votre texte. Nous le faisons désormais avec la conviction que nous avons, pendant ces trois semaines, très largement dissipé les illusions que vous aviez entretenues. Et nous prenons date devant les Français pour l'avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Avant de donner la parole au dernier orateur, je vais, d'ores et déjà, faire annoncer le scrutin.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Jean-Luc Préel. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la réforme de notre système de santé est urgente et indispensable : il connaît une grave crise à la fois morale, organisationnelle et financière.

Tous les secteurs, ambulatoire et hôpital, connaissent aujourd'hui des difficultés majeures.

De nombreuses commissions, de nombreux rapports dont ceux du Haut conseil et de la commission spéciale de notre assemblée, convergent et aboutissent à un diagnostic partagé.

Si, aujourd'hui, nous sommes bons pour le curatif, nous avons des progrès à faire dans les domaines de la prévention et de l'éducation à la santé, de la coordination des soins, de l'évaluation et de la qualité, de l'efficience, mais aussi de l'inadmissible séparation ville-hôpital.

Le déficit est abyssal, personne ne le nie : 32 milliards en trois ans, 14 milliards prévus en 2004. Ce déficit est certes dû en partie à la stagnation de l'économie, mais surtout à la non-maîtrise des dépenses, à l'absence de pilote du système, à un paritarisme dépassé et inefficace, enfin, à l'absence de responsabilité à tous les niveaux.

La réforme indispensable, trop longtemps différée, était donc très attendue.

Le Gouvernement s'y est attelé, reconnaissons-lui ce mérite. Il a expliqué aux Français que c'était la réforme de la dernière chance, la « der des der ». (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Ce projet de loi, présenté comme différent des précédents plans de financement, est-il à la hauteur des enjeux ?

M. Jean-Pierre Brard. Mauvais présage !

M. Jean-Luc Préel. Nous ne le pensons pas.

L'UDF a déposé 85 amendements pour tenter d'améliorer le projet ; seuls quelques-uns, mineurs, ont été adoptés. Nous avons compris que le Gouvernement ne voulait pas modifier son texte et ne nous permettait pas de corriger ce que nous considérions comme des défauts majeurs.

Certes, ce projet présente des propositions intéressantes.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur de la commission spéciale. Tout de même !

M. Jean-Luc Préel. Une offre de soins mieux organisée avec un parcours autour du médecin traitant. Mais ce parcours pose la question de l'accès au spécialiste, du niveau des honoraires libérés et de celui des remboursements. À l'UDF, nous pensons que plutôt que de sanctionner l'accès direct au spécialiste, il aurait été préférable de favoriser le patient et le médecin respectant le parcours et les bonnes pratiques.

Le dossier médical personnel est une excellente préconisation, mais sa finalité doit être l'amélioration de la qualité des soins. Le présenter comme source d'économies est une erreur.

M. François Bayrou. Très bien !

M. Jean-Luc Préel. D'ailleurs, sa mise en place effective sera onéreuse et prendra du temps. Il paraît clair qu'en attendre 3,5 milliards d'économies d'ici à 2007 relève du miracle. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

L'instauration d'une Haute Autorité doit être saluée si son rôle est bien d'évaluer les bonnes pratiques et le service médical rendu. Son rôle doit donc être essentiellement scientifique. Dès lors, il est curieux de proposer une nomination très solennelle, comme pour le Conseil constitutionnel, et de ne lui accorder qu'une fonction consultative.

Je ne peux reprendre les créations des multiples unions, commissions, comités prévus par le texte qui, parfois contradictoires, vont en définitive réussir à compliquer encore notre système déjà complexe. Il en est ainsi, par exemple, du comité d'alerte qui cohabitera avec la commission des comptes de la sécurité sociale, curieusement maintenue.

Mais la question essentielle que nous nous posons à l'issue des débats est de savoir si cette réforme est bien à la hauteur des nécessités, si elle est juste, si elle permettra de sauvegarder notre système pour garantir l'égal accès à des soins de qualité sur l'ensemble du territoire.

La première interrogation majeure est de savoir quel sort vous réservez au déficit cumulé de 32 milliards d'euros en trois ans, auxquels vous ajoutez les déficits envisagés pour 2005 et 2006.

Le Gouvernement a fait le choix, que nous ne contestons pas, de reporter ce déficit sur la CADES, créée par Alain Juppé en 1995. Mais pour financer cette nouvelle dette, vous voulez prolonger la durée de vie de la CADES de dix à douze ans pour absorber un déficit de trois à cinq ans. C'est-à-dire, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, que vous prolongez la CADES de trois ans par année de déficit. À ce régime, nos arrière-petits-enfants auront une bonne raison de ne pas nous oublier. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Ce report est moralement inacceptable. Il est inadmissible en effet de faire payer aux générations futures notre propre impéritie, ce que nous n'avons pas pu ou pas eu le courage d'assumer. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Pour avoir, avec Bernard Accoyer, devenu président du groupe de l'UMP, dénoncé avec vigueur la prolongation de la CADES, décidée par Martine Aubry, de 2009 à 2014, j'attendais que le même Bernard Accoyer dénonce avec la même virulence ce choix inacceptable. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française. - Sourires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Léonce Deprez. C'est scandaleux !

M. Édouard Landrain. Minable !

M. Jean-Luc Préel. En effet, si nos concitoyens doutent des politiques, n'est-ce pas parce qu'ils leur reprochent leur inconstance, changeant de position selon qu'ils sont dans la majorité ou dans l'opposition ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

J'attendais donc de l'UMP de la constance dans ses positions. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Édouard Landrain. Vous auriez pu faire l'économie de ces propos !

M. Jean-Luc Préel. Si M. Douste-Blazy était à l'époque président du groupe UDF, il était également sur la même ligne que nous ! J'attendais donc de l'UMP une même constance.

Tous nos collègues de l'UMP auraient dû, d'un même élan, refuser cette prolongation inadmissible.

En tout cas, l'UDF, fidèle à ses convictions voulant préserver les futures générations, en a fait d'emblée le critère majeur de son jugement sur l'ensemble du texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. .Christian Estrosi. Sans l'UMP vous ne seriez pas député ! Sans elle, vous ne le serez plus !

M. Jean-Luc Préel. On verra bien !

Les compteurs remis à zéro par le transfert de la dette, le projet est-il financièrement crédible ? Atteindrons-nous l'équilibre en 2007, comme vous l'envisagez ? Nous ne le pensons pas.

En effet, si les 5 milliards de recettes sont quasi assurés, les 10 milliards d'économies sur les dépenses sont très aléatoires.

D'ailleurs, si, pour les recettes, l'UDF souhaite depuis toujours que les taxes sur l'alcool et le tabac servent à financer les soins et la prévention, ce que semblent aujourd'hui demander les socialistes, oubliant un peu vite qu'ils avaient, il y a peu, utilisé ces mêmes taxes au financement des 35 heures (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française), nous constatons que ce transfert de 1 milliard, considéré comme des recettes par le Gouvernement, creuse d'une somme équivalente le déficit déjà considérable de l'État.

Nous n'approuvons pas l'augmentation inégalitaire de la CSG qui pose un problème constitutionnel. Nous souhaitons l'égalité de tous nos concitoyens devant l'impôt.

Quant aux économies de dépenses prévues, elles ne seront pas au rendez-vous. Nous avons déjà dit que le dossier médical coûtera cher avant de permettre d'éventuelles économies qui n'atteindront certainement pas 3,5 milliards en 2007.

S'il est possible de faire des économies grâce au développement des génériques, il conviendrait de tenir compte du coût des médicaments nouveaux et innovants que nous attendons tous. Il est probable que la ligne « médicaments » ne diminuera guère.

Mais surtout, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, votre réforme de la gouvernance ne résoudra rien. Qui, demain, pilotera le système ? Quel sera le rôle du Gouvernement ? Quel sera le rôle du Parlement ?

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Lisez le texte !

M. Jean-Luc Préel. Vous n'avez pas voulu trancher et vous tentez de remettre en selle un paritarisme dit « rénové » − qui n'a aucune raison de gérer la santé, laquelle concerne l'individu de sa naissance à sa mort et n'a par conséquent pas de lien avec le travail −, tout en le cantonnant dans un comité d'orientation alibi, aux pouvoirs imprécis.

Le vrai pouvoir sera concentré dans les mains d'un directeur général tout puissant, nommé par l'État. Vous renforcez encore de fait une étatisation déjà quasi achevée, alors même que vous ne cessez de proclamer que vous n'en voulez pas.

M. Pierre Micaux. Abrège ! Tu te prends pour qui, Préel ? Rentre chez toi !

M. Guy Teissier. Mettez-moi ça dehors ! (Vives protestations sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Jean-Luc Préel. Qu'a-t-il dit, monsieur le président ? « Mettez-moi ça dehors » ?

M. François Hollande. Les députés UMP n'ont aucune dignité ! C'est scandaleux !

M. Jean-Luc Préel. Admettons que je n'aie rien entendu.

M. Christian Estrosi. Passez donc à gauche !

M. Jean-Luc Préel. Pire, vous ne résolvez en rien la séparation, ô combien préjudiciable, de la médecine de ville et de l'hôpital. Il s'agit là pourtant d'un des défauts majeurs de notre système. D'ailleurs, la réforme présentée ne concerne pas l'hôpital, qui pèse pourtant dans 50 % des dépenses.

Vous avez dit, monsieur le ministre, qu'il n'y avait pas d'autre projet.

M. Bernard Accoyer. C'est bien long !

M. Jean-Luc Préel. Pourtant, tout au long des débats, le groupe UDF vous en a proposé un vrai, solide et cohérent. (« C'est trop long ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Pierre Micaux. Le groupe UDF était absent !

M. Jean-Luc Préel. Nous demandons la création d'une caisse spécifique pour les accidents du travail et les maladies professionnelles, gérée paritairement.

Pour la santé, l'UDF propose une vraie régionalisation permettant une politique de proximité, prenant en compte les besoins, permettant surtout de responsabiliser tous les acteurs, professionnels et malades.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Des mots !

M. Jean-Luc Préel. Nous pensons que seule une maîtrise médicalisée fondée sur l'efficacité pourra résoudre nos problèmes. Mais elle ne sera possible que si tous les acteurs sont associés aux prises de décision et à la gestion, ce que, malheureusement, votre projet ne prévoit pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française. − Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

L'UDF réclame donc, sans attendre la prochaine réforme, des agences régionales de santé, avec un unique responsable régional pour la prévention et les soins, réunissant les établissements et la médecine de ville, ainsi que des conseils régionaux de santé élus par collèges.

M. Jean Leonetti. C'est l'heure !

M. Jean-Luc Préel. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, vous ne l'avez pas voulu et, malgré leurs souhaits, les députés n'ont pu l'imposer. La création des agences régionales de santé aurait pu être votée à l'unanimité. Ainsi, on a gâché une chance de conduire la nécessaire réforme.

Depuis un an, le Gouvernement a présenté, dans le domaine de la santé, des textes multiples, sans cohérence entre eux.

M. Jean Leonetti. C'est long !

M. Claude Goasguen. Rendez-nous Gremetz !

M. Jean-Luc Préel. Ainsi, dans la loi relative à la santé publique, vous confiez la prévention aux préfets. Comment peut-on séparer les soins de la prévention ?

Après avoir, comme tous nos concitoyens, attendu cette réforme nécessaire et urgente, le groupe UDF ne peut que regretter ce gâchis, cette chance perdue. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Demain, avec cette réforme, en dehors d'une augmentation des prélèvements et d'une complexité accrue, rien ne sera réglé. Les déficits persisteront. Tout sera à reprendre en 2007, dans un contexte électoral sans doute difficile. (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Pierre Micaux. À cause de vous !

M. Jean-Luc Préel. C'est à cette date que nous jugerons l'efficacité de la réforme.

Nous avions indiqué dès le début des débats que nous ne pourrions accepter le report du déficit sur nos enfants et petits-enfants. C'est pourquoi le groupe UDF ne votera pas votre projet de loi. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Pierre Micaux. Quelle surprise !

M. Jean-Luc Préel. Certains des nôtres s'abstiendront, considérant que la réforme présente cependant quelques éléments techniques intéressants.

Merci pour votre écoute et votre compréhension : je les ai beaucoup appréciées ... (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française. − Huées sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix l'ensemble du projet de loi.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

                    Nombre de votants 568

                    Nombre de suffrages exprimés 553

                    Majorité absolue 277

        Pour l'adoption 358

        Contre 195

L'Assemblée nationale a adopté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mes chers collègues, je vais maintenant suspendre la séance.

Elle sera reprise à l'issue de la réunion de la conférence des présidents, vers dix-huit heures.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à dix-huit heures, sous la présidence de M. Jean Le Garrec.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC,

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

    3

ORDRE DU JOUR DE L'ASSEMBLÉE

M. le président. L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au vendredi 30 juillet inclus a été fixé cet après-midi en conférence des présidents.

Cet ordre du jour sera annexé au compte rendu.

    4

RAPPELS AU RÈGLEMENT

M. Alain Bocquet. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Alain Bocquet, pour un rappel au règlement.

M. Alain Bocquet. Monsieur le président, je tiens, au nom du groupe des député-e-s communistes et républicains, à protester contre le fait que le Gouvernement inscrive à l'ordre du jour de cette session extraordinaire des textes nombreux et importants.

M. Didier Migaud. Cela révèle un profond mépris du Parlement !

M. Alain Bocquet. Nous pouvions penser que nous aurions achevé nos travaux après le vote du projet de loi relatif à l'assurance maladie. Avec un mépris pour le Parlement égal à celui qu'il a affiché après la sanction électorale due aux élections régionales puis européennes, le Gouvernement, veut passer au chausse-pied, si je puis dire, une loi de décentralisation dont personne ne veut, en particulier les élus locaux. Cette obstination nous oblige à siéger dans des conditions ubuesques, en pleine période estivale.

Nous ne pouvons travailler de cette manière, au risque de dénaturer le rôle du Parlement et donc de mettre en cause, contrairement aux apparences, la démocratie et la République.

Le Gouvernement veut passer en force. C'est la question même du rôle du Parlement qui se trouve ainsi posée.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, au nom du groupe socialiste, je tiens, comme mon collègue M. Bocquet, à émettre la plus vive protestation après la décision du Gouvernement, annoncée voilà quelques instants en conférence des présidents, d'inscrire à tout prix le texte sur la décentralisation à l'ordre du jour de nos travaux.

M. Didier Migaud. C'est un coup de force ! Le fait du prince !

M. Jean-Marc Ayrault. Outre le fait, comme l'a souligné Alain Bocquet, que l'ordre du jour de cette session extraordinaire, qui sort vraiment de l'ordinaire, est déjà extrêmement chargé, la décentralisation est une question suffisamment sensible sur le plan politique pour que le Gouvernement non seulement nous écoute, monsieur le ministre délégué à l'intérieur, mais nous entende.

Il y a quelques mois, lorsque le texte a été présenté à l'Assemblée nationale, nous avons eu un débat long, vif, dense et intéressant sur cette question. Le Gouvernement s'est alors rendu compte de certains problèmes, en particulier celui des conséquences financières et fiscales pour les régions, les départements et les communes.

Le sujet, apparemment technique, était finalement apparu comme extrêmement politique aux Français, qui n'ont pas manqué, en votant aux élections régionales et cantonales, de prendre en compte les conséquences qu'aurait cette loi de décentralisation si elle était définitivement votée.

Le Gouvernement avait entrouvert la porte en laissant entendre qu'il y aurait un dialogue lors du passage au Sénat puis en deuxième lecture à l'Assemblée. Ce dialogue n'a pas eu lieu, bien au contraire ! Au moment où sonne l'heure de ce rendez-vous, la porte se referme. C'est pour nous le signe que le Gouvernement veut passer en force sur ce qu'il appelle une réforme. Cela est extrêmement grave. M. Raffarin en prend la responsabilité.

M. Didier Migaud. Il n'est même pas là !

M. Jean-Marc Ayrault. Les Français se sont pourtant prononcés. On dira qu'il ne s'agissait pas en l'espèce d'une élection nationale, c'est-à-dire une élection législative ou présidentielle. Mais à quoi sert une élection locale sinon à se prononcer sur des questions locales telles que les conséquences de la décentralisation ? Celle-ci a donc bien connu une sanction politique de la part des citoyens !

Nous souhaitons un débat approfondi et non, comme cela se prépare, un examen à la hussarde, à marche forcée, dans des conditions qui ne sont pas dignes de la représentation nationale.

M. Didier Migaud. C'est infamant !

M. Jean-Marc Ayrault. La situation est inacceptable. Nous voulons un débat de fond et nous comptons bien, puisque le Gouvernement veut que ce texte vienne en discussion, que ce débat ait lieu dans cet hémicycle en dépit des conditions déplorables qui nous sont faites.

Nous avions espéré jusqu'au bout que le Gouvernement ferait preuve de sagesse. Cela n'a pas été le cas. Ce qu'il a annoncé lors de la conférence des présidents est un fait nouveau et je vous demande, monsieur le président, une suspension de séance d'une heure pour réunir mon groupe.

M. le président. Monsieur Ayrault, le Gouvernement est maître de l'ordre du jour.

M. Alain Bocquet. Nous ne sommes pas des valets !

M. Didier Migaud. Il y va de l'image du Parlement !

M. le président. M. le ministre délégué à l'intérieur vous a écouté attentivement. Je lui donne la parole.

M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, d'abord je vous remercie d'être venus si nombreux pour cette séance consacrée à l'examen de la loi organique relative à l'autonomie financière des collectivités locales.

Aux présidents de groupe, M. Ayrault et M. Bocquet, je veux dire très courtoisement que le Gouvernement a la volonté très forte de faire examiner ce texte, mais avec le plus grand esprit de dialogue. Je ne m'inscris donc pas, à ce stade, dans une logique polémique.

Monsieur Ayrault, vous avez dit qu'il n'y avait pas eu de dialogue. Permettez-moi de m'inscrire en faux contre une telle assertion. Depuis le mois d'avril, date à laquelle j'ai pris mes nouvelles fonctions au côté de Dominique de Villepin, nous avons, l'un et l'autre, fait un très gros travail de concertation. Nous avons ainsi rencontré toutes les organisations syndicales, notamment pour évoquer les transferts de personnels, ainsi que toutes les associations d'élus. Je regrette simplement, monsieur Ayrault - j'ai eu l'occasion de le souligner en d'autres circonstances - que l'association des présidents de région ait tardé à accepter de nous rencontrer. Mais nous avons maintenant trouvé une date.

Tout cela a nourri le débat que nous avons eu au Sénat, et qui fut approfondi et passionnant. Je ne donnerai qu'un seul exemple, parmi beaucoup d'autres : la moitié de la soixantaine d'amendements adoptés provenait des rangs de l'opposition. Le souci a été celui d'un débat de fond et je forme le vœu que l'Assemblée nationale aborde de la même manière cette importante discussion.

Le chantier, je le rappelle, a été ouvert il y a dix-huit mois et le moment du vote est sans doute venu pour avancer dans cette réforme qui est essentielle pour le pays et que les Français attendent.

Vous avez rappelé monsieur Ayrault, le résultat des élections régionales. On peut en tirer beaucoup d'enseignements, tels que l'impatience des uns et le mécontentement des autres. Néanmoins s'il est un sentiment qu'elles n'ont pas traduit, c'est une opposition à la décentralisation. Nos concitoyens demandent plutôt une action publique plus efficace, plus proche du terrain.

Ce chantier répond assez largement, je crois, à cette attente. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, avant que vous ne nous accordiez une suspension de séance...

M. le président. Peut-être pas d'une heure !

M. Jean-Marc Ayrault. ...je souhaite, pour éclairer mon groupe, obtenir une précision sur un point très important.

Si j'en crois la jurisprudence du Conseil constitutionnel, la loi ordinaire qui porte transfert de compétences de l'État vers les collectivités locales ne pourra être examinée qu'après la promulgation de la loi organique dont nous allons commencer la discussion ce soir. Or, selon l'ordre du jour qui a été fixé par le Gouvernement, l'examen de ce projet de loi ordinaire doit commencer à partir de demain après-midi, c'est-à-dire juste après celui de la loi organique. Le Conseil constitutionnel n'aura donc pas eu le temps de s'en saisir. Il dispose d'ailleurs d'un délai d'un mois au maximum et de quelques jours au minimum pour rendre sa décision dans des conditions normales.

Il est donc risqué d'entamer un débat de fond à l'Assemblée nationale sans attendre la réponse du Conseil constitutionnel sur la loi organique dont il sera automatiquement saisi.

Il y a là une certaine légèreté, en même temps qu'une volonté de passer à tout prix, et un certain parfum de revanche électorale. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Michel Bouvard. On ne peut pas laisser dire cela !

M. Jean-Marc Ayrault. C'est inacceptable. Cela peut avoir des conséquences sur le bon fonctionnement de nos institutions.

La question est grave, monsieur le président, et c'est pourquoi j'ai besoin, avant de pouvoir réunir mon groupe, de connaître la position du président de la commission des lois et celle du Gouvernement. Celui-ci doit nous dire s'il a des assurances du Conseil constitutionnel, ce qui serait étonnant parce que tant que ce dernier n'a pas examiné la loi organique, personne ne peut savoir quelle sera sa décision. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Le débat qui s'ouvre est très important tout autant que l'esprit qui y préside.

Monsieur le ministre, vous parlez d'un esprit de dialogue. Je parlerai plutôt de souci de la mise en scène et du faire semblant.

Certes, vous employez un ton patelin, avenant, doucereux - vous auriez certainement fait un excellent bedeau ! (Rires)-...

M. Michel Piron. Oui, Monseigneur !

M. Jean-Pierre Brard.... Mais où est l'esprit démocratique ? Nous avons l'impression que, après ces échéances électorales, c'est finalement sur le mode du « cause toujours, tu m'intéresses » que vous réagissez, encore que je ne sois même pas sûr que l'on vous intéresse ! C'est la tactique de l'édredon : vous encaissez les coups, de préférence l'été, pendant que nos concitoyens ont la tête ailleurs, comme si vous vouliez finir d'administrer la purge avant de passer à autre chose.

Vous avez évoqué ces élections du printemps ; vous avez même dit que vous aviez vu les résultats. Je ne sais pas comment on peut voir des résultats quand on est aveugle, ni comment on peut les entendre quand on est sourd. Or vous semblez affectés de ces deux infirmités.

Nous sommes confrontés, plus de deux millénaires après, au mythe de la caverne, chère à notre collègue M. Piron.

M. Michel Piron. Ah !

M. Jean-Pierre Brard. Nous regardons des ombres et vous essayez de nous faire croire que c'est la réalité.

M. Michel Piron. C'est le contraire du mythe de la caverne, çà !

M. Jean-Pierre Brard. Je propose, monsieur Piron, que vous fassiez une explication de gravure à M. Copé, ainsi qu'à M. Raffarin ; cela leur sera fort utile.

M. le président. Monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard. J'en reviens à notre sujet.

Vous dites que vous avez accompli un gros travail, mais vous avez été désavoués. Aujourd'hui, vingt régions sont dirigées par l'opposition. Pour instaurer le dialogue, il faut commencer par arrêter les compteurs et tout remettre à plat avec les exécutifs régionaux.

Vous faites une exégèse tout à fait étonnante : vous ne trouvez rien dans les résultats des élections qui contredise votre point de vue et vous dites qu'au Sénat le débat a été important. Or même M. Hoeffel, dont on connaît la modération, par vocation et par tradition, vous ne l'écoutez pas, monsieur le ministre.

Vous avez été désavoués, et aux élections du printemps, et aux élections européennes, mais vous refusez de l'entendre. N'est-ce pas un déni de démocratie ? N'est-ce pas la marque d'une mentalité de putschiste à froid ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Bien sûr que si !

M. le président. Monsieur Brard !

M. Georges Colombier. Il ne va pas recommencer !

M. Jean-Pierre Brard. En procédant ainsi, vous niez l'esprit démocratique de nos institutions, vous altérez tous les débats qui nous attendent, dans le seul but de mieux administrer aux Français la potion amère que vous leur avez préparée.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Monsieur Ayrault, je vous rassure : le Conseil constitutionnel ne souhaite rien. Il n'y a, dans ce domaine, aucune jurisprudence mais une réalité juridique qui est la suivante.

Une loi organique doit préciser l'article 72-2 de la Constitution, que nous avons réformé. Le Conseil constitutionnel en sera automatiquement saisi. La loi ordinaire, quant à elle, ne pourra être promulguée par le Président de la République qu'après que le Conseil aura rendu son avis sur la loi organique. En attendant, rien ne nous empêche de l'examiner. Il n'y a aucune ambiguïté sur ce point. Le Conseil constitutionnel ne peut en aucun cas donner un ordre impératif à l'Assemblée lui interdisant d'examiner un texte.

Si c'était ce que vous craigniez,...

M. Jean-Marc Ayrault. Non !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. ...je vous rassure : il n'en est pas question.

Le Parlement est totalement libre d'examiner aujourd'hui la loi organique et, demain, ou après-demain, quand nous le pourrons, la loi ordinaire.

M. Gilles Carrez. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. Vous ne m'avez pas rassuré, monsieur le président de la commission des lois.

Dans l'hypothèse où des dispositions importantes de la loi organique seraient censurées, ce qui pourrait changer la manière de concevoir la décentralisation d'un certain nombre de compétences, comment l'Assemblée nationale s'y prendrait-elle si elle avait déjà commencé, voire terminé, puisque le Conseil constitutionnel a un mois pour se prononcer, l'examen en deuxième lecture du projet de loi ordinaire ? Vous n'allez tout de même pas nous faire siéger encore un mois ! (« Si ! Si ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Imaginons que la décision du Conseil constitutionnel vienne contredire le travail qui aurait été réalisé par l'Assemblée nationale. Il faudrait alors tout reprendre. Donc, ne jouez pas sur les mots ; il y a bien un problème, et j'aimerais que le Gouvernement nous dise clairement ce qu'il en pense avant que nous ne commencions l'examen de ce texte. Cela est très important ; ce n'est pas une argutie, monsieur le ministre.

M. Dino Cinieri. Si !

M. Gilles Carrez. Il n'y a aucun problème.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Je veux vous rappeler, monsieur Ayrault, de quoi il s'agit.

M. Didier Migaud. On le sait !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. La loi organique doit préciser l'article 72-2 de la Constitution, qui traite de l'autonomie financière des collectivités territoriales. Plus exactement, la loi organique précisera ce qui doit être considéré comme faisant partie de cette autonomie financière et ce qui n'en fait pas partie. A ce sujet je vous renvoie au futur long discours de M. de Courson, qui est imbattable sur ce point.

Quant à la loi ordinaire, elle déclinera les compétences. Cela n'a rien à voir.

M. Jean-Marc Ayrault. Mais si !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Non ! La loi organique concerne le financement et si des conséquences devaient être tirées de la décision du Conseil constitutionnel, elles le seraient à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances.

M. Jean-Marc Ayrault. Mais non !

M. Dino Cinieri. Si !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Nous l'avons déjà expliqué cent fois. Il est dommage d'avoir à répéter des choses aussi simples.

M. Jean-Pierre Brard. Sans doute n'êtes-vous pas un bon pédagogue !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. C'est pour cela que je recommence, la répétition étant la base de la pédagogie.

M. Jean-Pierre Brard. Absolument ! Mais essayez de vous améliorer alors.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Je vous rappelle en outre, monsieur Ayrault, avec une joie qui n'est pas feinte, que c'est le gouvernement que vous souteniez qui a, sûrement légitimement, réformé les lois de finances pour qu'aucun transfert de recettes ne puisse intervenir en dehors d'une loi de finances. Cette réforme du gouvernement Jospin, nous l'avons intégrée, et dans nos esprits et dans notre pratique législative. C'est à cause d'elle que nous devons voter la loi organique qui doit préciser l'article 72-2 de la Constitution préalablement adopté.

La loi ordinaire, je le répète, ne serait pas concernée si une disposition de la loi organique devait être annulée par le Conseil constitutionnel. Honnêtement, cela n'a rien à voir.

M. Didier Migaud. Mais si !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Vous pouvez discutailler, ce que je vous dis est incontestable.

M. Jean-Marc Ayrault et M. Didier Migaud. Non ! Non !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. La loi organique et, demain, la décision du Conseil constitutionnel pourraient en revanche avoir des conséquences sur la loi de finances, mais pas sur la loi ordinaire.

Je vous explique les choses calmement, monsieur Ayrault, je ne fais pas de politique. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jean-Pierre Brard. Bien sûr que non !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Non, c'est de la technique juridique pure.

En revanche, si, vous, vous faites de la politique, je comprends pourquoi ma pédagogie ne passe pas : nous ne parlons pas de la même chose. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l'intérieur. Monsieur le président, ce débat est passionnant et je suis un peu triste de penser qu'il va se clore par une suspension de séance car nous aurions envie de commencer tout de suite la discussion de la loi organique.

Monsieur Ayrault, le président Clément a raison.

M. Augustin Bonrepaux. Il change d'avis constamment ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Bonrepaux !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Monsieur Bonrepaux, je me ferais un plaisir de vous donner un résumé de l'épisode précédent que vous avez raté, mais, pour le moment, je préfère m'en tenir à l'essentiel.

Comme Pascal Clément l'a excellemment démontré, les deux sujets sont parallèles et il n'existe aucun obstacle juridique pour nous empêcher d'examiner ces deux projets de loi successivement.

Je soumets deux arguments supplémentaires à votre réflexion de façon à purger également cet aspect des choses.

Première remarque : je rappelle que le transfert du RMI-RMA aux départements est intervenu le 1er janvier 2004, donc avant la promulgation de la loi organique.

M. Augustin Bonrepaux. Ça se passe mal !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Comme vous l'avez constaté, le Conseil constitutionnel, dans sa sagesse, ne l'a pas invalidé alors que, s'il avait jugé cela inconstitutionnel, il aurait eu la possibilité de le faire.

Seconde remarque : la loi ordinaire sur les transferts ne sera applicable qu'à compter du 1er janvier 2005. Or nous savons tous dans cet hémicycle que, en tout état de cause, la loi organique sera promulguée bien avant le 1er janvier 2005. Il n'y a aucune ambiguïté.

Enfin, j'avais prévu de l'annoncer plus tard mais je l'indique dès maintenant pour nourrir éventuellement votre réflexion durant la suspension de séance et parce que je veux agir de manière tout à fait transparente vis-à-vis de vous : je suis ouvert à ce qu'un amendement à la loi ordinaire prévoie que cette dernière n'entrera pas, quoi qu'il arrive, en application avant que ne soit promulguée la loi organique. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Ainsi, vous seriez totalement rassurés.

M. Jean-Pierre Brard. Cela ne ferait que respecter la Constitution! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre délégué à l'intérieur. Pas du tout, mais si cela peut vous rassurer...

Nous avons déjà beaucoup parlé, mais je suis à votre disposition pour poursuivre ce débat quand vous le souhaiterez.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. Quelle intolérance !

M. Jean-Marc Ayrault. Votre dernier propos, monsieur le ministre, ne nous rassure pas, bien au contraire. Un tel amendement n'aurait aucune utilité.

M. le ministre délégué à l'intérieur. Je suis d'accord.

M. Jean-Marc Ayrault. À moins que ce ne soit une façon de vous protéger vous-même, mais je n'y crois pas.

Le problème ne tient pas seulement à la date de promulgation de la loi ordinaire. Il s'agit surtout de savoir si celle-ci devra prendre en compte certains éléments de la décision du Conseil constitutionnel concernant la loi organique.

M. le président de la commission des lois a dit que nous n'avions rien compris. Il est vrai qu'il est extrêmement fort et que nous ne pouvons que nous incliner, avec humilité, devant sa compétence et son excellence.

M. Jean-Pierre Brard. Son omniscience !

M. Jean-Marc Ayrault. En tout cas il nous aura appris au moins une chose, c'est qu'il ne fait pas de politique. (Sourires.)

M. Dino Cinieri. C'est vrai !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Absolument !

M. Guy Geoffroy. C'est son droit !

M. Jean-Marc Ayrault. C'est une nouvelle fort intéressante !

Trêve de plaisanterie, monsieur le président de la commission des lois, vous avez bonne mémoire, je le sais.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Pas toujours !

M. Jean-Marc Ayrault. Vous vous souvenez donc parfaitement que, lorsque nous avons examiné en première lecture la loi de décentralisation, les députés socialistes n'ont cessé de demander que la loi ordinaire soit précédée de l'examen de la loi organique. Vous avez eu du mal à nous donner satisfaction, mais vous avez fini par y arriver.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. C'est vrai !

M. Jean-Marc Ayrault. Vous avez même avoué, monsieur le président de la commission des lois, que vous compreniez notre argumentation et qu'il était nécessaire de mettre les choses dans l'ordre.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. C'est le cas.

M. Jean-Marc Ayrault. Et vous avez même pris l'engagement qu'il en soit ainsi.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. C'est le cas !

M. Jean-Marc Ayrault. Cette cohérence, vous l'avez oubliée, je le constate. Aujourd'hui, vous usez d'arguties juridiques pour essayer de retomber sur vos pieds politiques, mais vous ne nous avez pas convaincus. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

C'est pourquoi, monsieur le président, la suspension d'une heure que j'ai demandée pour réunir mon groupe m'apparaît plus que jamais nécessaire.

M. le président. La séance est suspendue pour une demi-heure.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt-cinq, est reprise à dix-huit heures cinquante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

    5

AUTONOMIE FINANCIÈRE
DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Discussion, en deuxième lecture,
d'un projet de loi organique

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi organique pris en application de l'article 72-2 de la Constitution relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales (nos 1638, 1674).

Rappels au règlement

M. Augustin Bonrepaux. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour un rappel au règlement.

M. Augustin Bonrepaux. Mon rappel au règlement concerne le déroulement de cette séance et la façon dont le Gouvernement interprète la loi organique.

Vous nous avez dit tout à l'heure, monsieur le ministre, que le vote de la loi portant décentralisation du RMI n'avait posé aucun problème. Certes, il n'en a posé aucun au Gouvernement, mais il en pose beaucoup aux collectivités locales, aux départements surtout qui ne reçoivent pas les ressources nécessaires pour payer l'allocation.

Le Conseil constitutionnel a fait savoir que les dispositions du troisième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution ne pouvaient être utilement invoquées tant que ne sera pas promulguée la loi organique qui devra définir les ressources propres des collectivités territoriales et déterminer, pour chaque catégorie de collectivités territoriales, la part minimale que doivent représenter les recettes fiscales et autres ressources propres dans l'ensemble de leurs ressources.

Je me demande, monsieur le ministre, si vous n'envisagez pas aujourd'hui de faire la même chose que pour la loi décentralisant le RMI , à savoir transférer de nouvelles charges aux collectivités sans que le Conseil constitutionnel puisse se prononcer. C'est, à mon avis, pour lui échapper que vous souhaitez faire adopter aussi rapidement le projet de loi relatif aux responsabilités locales. Cela, bien sûr, nous ne pouvons pas l'accepter. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Il nous faut une réponse claire sur tous ces points pour que nous puissions examiner ce texte en toute sérénité. C'est pourquoi, monsieur le président, je demande une suspension de séance d'une demi-heure. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Dino Cinieri. Assez !

M. Éric Raoult. Ça suffit !

M. Augustin Bonrepaux. J'espère que, pendant ce temps, M. le ministre pourra étudier la question et nous apporter une réponse plus sérieuse que celle qu'il nous a faite tout à l'heure, où il a surtout voulu nous en mettre plein la vue.

M. Dino Cinieri. N'importe quoi !

M. Jean-Claude Abrioux. Il connaît son boulot !

M. Augustin Bonrepaux. La séance commence mal !

Vous préparez un transfert de charges sur les impôts locaux, mais les contribuables sont de plus en plus sensibles à ce type de procédés : même s'ils ne se doutent pas tous du mauvais coup que vous leur préparez, ils s'apercevront bientôt que le département doit payer le RMI avec des moyens dont il ne dispose pas.

M. Gabriel Biancheri et M. Dino Cinieri. Et l'APA ?

M. Michel Bouvard. Et les SDIS ?

M. Augustin Bonrepaux. Vous asphyxiez la caisse d'allocations familiales. Sans les moyens qui lui venaient du département, que vous privez lui-même des subsides de l'État, celle-ci menace de réclamer des intérêts de retard au département, qui va à son tour se retourner vers le Gouvernement. (« Et l'APA ? » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Voyez dans quel imbroglio vous nous placez ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Éric Raoult. Débranchez-le !

M. Augustin Bonrepaux. Je crois qu'il faut être responsable et attendre la promulgation de la loi organique avant de poursuivre ce débat.

M. Jean-Pierre Brard. Tout à fait !

M. le président. Monsieur Bonrepaux, une demi-heure de suspension vient déjà d'être accordée au groupe socialiste, ce qui me semble un délai de réflexion raisonnable.

M. Michel Bouvard. En effet !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, mon rappel au règlement se fondera sur trois points.

M. Michel Bouvard. Sur la base de quel article ? (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Tout d'abord, il est nécessaire de ramener de la sérénité dans cette assemblée. Nos collègues de l'UMP me semblent en effet fort excités. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Dino Cinieri. Provocateur !

M. Jean-Pierre Brard. Un temps de concentration ou de retraite leur sera certainement fort utile pour permettre à certains d'entre eux de renoncer aux onomatopées et de retrouver l'usage de la belle langue ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard. Mais oui, mes chers collègues, vous dodelinez de la tête. Pourtant, vous n'êtes pas là pour vous exprimer par mimiques ! Je suis sûr que, si vos électeurs vous voyaient, ils seraient bien déçus. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Dino Cinieri. C'est de la provocation !

M. le président. Monsieur Brard, vous vous éloignez d'un rappel au règlement sur l'organisation de nos travaux !

M. Dino Cinieri. On n'est pas au théâtre !

M. Jean-Pierre Brard. Deuxièmement, M. Bussereau a fait une déclaration un peu inquiétante, qui sent la menace, la trique ou, plutôt, l'article 49, alinéa 3. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Va-t-on nous laisser débattre ou non ?

M. Jean-Pierre Grand. Cela ne dépend que de vous !

M. Jean-Pierre Brard. Il me semble, monsieur le ministre délégué à l'intérieur, que vous n'êtes pas le plus mal placé pour répondre à cette question, puisque le Gouvernement doit délibérer pour autoriser éventuellement le Premier ministre à recourir au 49-3.

Troisièmement, au nom du président de notre groupe, M. Bocquet, je souhaite attirer l'attention de la présidence sur une absence fort dommageable. Pour ramener la sérénité dans cet hémicycle, ne faudrait-il pas dépolitiser le débat ? Or le président de la commission des lois, qui nous a dit tout à l'heure qu'il ne faisait plus de politique, est malheureusement absent ! (Sourires.)

M. le président. Allons, monsieur Bard !

M. Éric Raoult. Il en rit lui-même !

M. Jean-Pierre Brard. Ce n'est pas moi qui l'invente ! Le président de la commission des lois a lui-même employé ces termes. Or nous savons que sa science est incommensurable.

M. le président. Monsieur Brard !

M. Dino Cinieri. Faites-le taire, monsieur le président !

M. Jean-Pierre Brard. Je pense, par conséquent, qu'il faut que nous suspendions nos débats pour lui permettre de nous rejoindre, afin qu'il puisse nous éclairer de ses avis.

M. le président. Le président de la commission des lois va certainement revenir parmi nous.

M. Jean-Pierre Brard. Quoi qu'il en soit, je demande une suspension de séance au nom du président de notre groupe, afin que nous puissions nous réunir.

M. André Chassaigne. Le président de la commission des lois est très compétent ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Je ne me ferai certainement pas l'écho de cette remarque très politique, si élogieuse qu'elle soit à l'égard du président de la commission des lois.

M. Jean-Pierre Grand. Votre seul programme, c'est l'obstruction !

M. le président. Ne pensez-vous pas qu'il serait utile d'entendre le ministre avant de poursuivre notre débat ?

Un député du groupe Union pour la démocratie française. En tout cas, cela aurait été courtois !

M. Jean-Pierre Brard. Quel ministre ? (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Bard, cette remarque n'est pas correcte. Le ministre qui a la responsabilité de défendre ce texte est assis au banc du Gouvernement.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Des excuses !

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Monsieur le président, je vais essayer d'être calme, serein et courtois,...

M. Jean-Pierre Grand. Cela vous sera difficile !

M. Didier Migaud. ...même si, quand j'examine l'ordre du jour de cette session extraordinaire, je m'interroge sur la courtoisie du Gouvernement à l'égard du Parlement.

M. Bonrepaux et M. Ayraut ont soulevé une question de fond. Or la réponse qui nous a été donnée par le ministre ne nous semble ni exacte ni pertinente à propos de la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur le transfert du RMI et du RMA vers les départements.

Par ailleurs je veux également soulever une question de forme, puisque nous venons de prendre connaissance de la décision de la conférence des présidents. À cet égard, nous aurions besoin de précisions.

En effet, je ne peux pas imaginer, en tant que député, que la conférence des présidents ait accepté de nous faire siéger ce soir et demain matin, pour examiner le projet de loi organique relatif à l'autonomie financière des collectivités locales.

Je suis membre de la commission des finances, dont le rapporteur général est également le rapporteur pour avis du texte en discussion. Or on nous propose de reprendre nos travaux dès demain matin, au moment même où une commission mixte paritaire est convoquée afin d'examiner le projet de loi pour le soutien à la consommation.

M. Augustin Bonrepaux. C'est lamentable !

M. Pierre Cohen. Honteux !

M. Didier Migaud. Est-ce là une bonne méthode de travail ?

M. Dino Cinieri. Provocateur !

M. Jean-Pierre Brard. Bien sûr que non ! Poser la question, c'est y répondre !

M. Didier Migaud. Ce qui a été décidé tout à l'heure en conférence des présidents est une marque d'irrespect - le mot est faible - vis-à-vis du travail parlementaire. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Augustin Bonrepaux. C'est scandaleux !

M. Didier Migaud. Je le dis avec beaucoup de tristesse.

M. Dino Cinieri. On va pleurer !

M. Didier Migaud. Nous sommes tous attachés à ce que l'Assemblée nationale accomplisse un travail de qualité et ne soit pas considérée par le Gouvernement comme une simple chambre d'enregistrement. Cela devrait être notre position à tous, quelle que soit notre sensibilité politique.

Ce que je constate, c'est le fait du prince. J'ai entendu le Président de la République dire qu'il décidait et que les ministres n'avaient qu'à exécuter. En l'occurrence, c'est le Premier ministre qui décide et nous qui devons exécuter.

M. Augustin Bonrepaux. Disons que la majorité exécute !

M. Didier Migaud. Ce n'est pas la conception que j'ai du rôle de l'Assemblée nationale et je suis persuadé que ce n'est pas non plus celle de nos collègues de la majorité, du moins quand ils s'expriment dans les couloirs ou au cours de conversations privées. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Migaud, un peu de calme.

M. Augustin Bonrepaux. C'est important, monsieur le président !

M. Didier Migaud. Je suis calme, mais triste à la fois de voir que nous nous couchons systématiquement devant la volonté du Gouvernement. Quand nous parlons des pouvoirs du Parlement et du respect que le Gouvernement doit à l'Assemblée nationale, nous en avons plein la bouche. Mais ce qui a été arrêté tout à l'heure en conférence des présidents - donc avec l'accord de certains députés - traduit une fois de plus un profond irrespect vis-à-vis de l'ensemble de la représentation nationale.

M. le président. Merci, monsieur Migaud !

M. Didier Migaud. Par conséquent, monsieur le président, je voudrais que vous nous indiquiez comment nous allons travailler demain. Nous ne pouvons pas nous dédoubler. Faudra-t-il que nous demandions une suspension de séance, afin de pouvoir siéger en commission mixte paritaire ?

M. Jean-Pierre Brard. Ce n'est pas possible !

M. Didier Migaud. Comment le rapporteur général de la commission des finances, qui est aussi rapporteur pour avis de ce texte, pourra-t-il assister aux deux séances qui réclament sa présence ? Je sais bien que personne n'est indispensable, mais nous devrions pouvoir organiser nos débats !

M. le président. Merci, monsieur Migaud !

M. Didier Migaud. J'appuie par conséquent la demande de suspension de séance qui vient d'être formulée par deux groupes.

M. le président. Je rappelle que l'ordre du jour a été adopté en présence des présidents de groupes et ceux qui l'ont désiré ont eu l'occasion d'exprimer leur point de vue. Ils vous le confirmeront, si nécessaire.

La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. Lors de la conférence des présidents, M. Bocquet et moi-même avons vivement protesté face à la décision, non de la conférence elle-même, qui ne fait qu'organiser les débats, mais du Gouvernement, qui a seul la maîtrise de l'ordre du jour.

Les propos de M. Migaud, à la suite de l'intervention de M. Bonrepaux, justifient pleinement notre demande de suspension de séance, car je rappelle que nous ne nous livrons pas, en ce moment, à un travail d'obstruction destiné à retarder le débat de quelques minutes ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Dino Cinieri. Si ! Si !

M. Gabriel Biancheri. Et vous n'avez même pas le courage de le reconnaître !

M. Jean-Pierre Grand. Vous ne faites que cela ! C'est votre programme !

M. Jean-Marc Ayrault. Vous devriez écouter, mes chers collègues de l'UMP et vous devriez réfléchir. Alors même que votre majorité, de 363 députés, est écrasante, vous donnez l'impression d'être toujours pressés d'en finir !

Alors qu'une majorité aussi pléthorique devrait être sereine, vous donnez l'impression d'avancer à marches forcées.

M. Jean-Claude Abrioux. Parce que vous n'avez rien fait pendant cinq ans !

M. Jean-Marc Ayrault. Et, lorsque le Gouvernement veut accélérer la cadence, vous vous mettez au garde-à-vous. Ce n'est plus du parlementarisme rationalisé, mais du parlementarisme caporalisé, puisque les conditions de travail qu'on nous impose ne permettent plus la libre expression des parlementaires. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Dino Cinieri. Caricature !

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le ministre, en tant qu'ancien ministre des relations avec le Parlement, vous connaissez parfaitement les contraintes et les exigences de notre travail, et vous êtes, plus qu'un autre, capable de comprendre qu'un calendrier aussi chargé, qui fait coïncider les commissions ordinaires, les commissions mixtes paritaires et les débats en séance plénière ne permet pas un débat digne de la représentation nationale.

C'est là notre première préoccupation.

M. Jean-Pierre Grand. Vous voudriez travailler trente-cinq heures par semaine ?

M. Jean-Marc Ayrault. Si nous demandons une suspension de séance, c'est avant tout pour pouvoir travailler dans de meilleures conditions. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Éric Raoult. Il vient d'y en avoir une !

M. le président. La parole est à M. Alain Bocquet.

M. Alain Bocquet. En premier lieu, je veux revenir, après M. Ayrault, sur la manière dont la conférence des présidents a décidé régulièrement, nous dit-on, et de manière coutumière de l'ordre du jour. M. Ayrault et moi-même avons protesté, au nom de nos groupes respectifs. Nous n'avons pas accepté officiellement l'ordre du jour que nous a imposé le Gouvernement avec l'accord de la majorité UMP-UDF. À cet égard, les choses doivent être bien claires.

Nous vivons aujourd'hui une situation inacceptable. Je pense à cette boisson horrible qui a la couleur de l'alcool et l'odeur de l'alcool, mais qui n'est pas de l'alcool. Ne sommes-nous pas nous-mêmes sous un régime qui a la couleur de la démocratie, l'odeur de la démocratie, mais qui est en fait un déni de démocratie ? (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Grand. Vous n'avez pas envie de travailler ! Vous ne rêvez que d'une chose : partir en vacances !

M. Alain Bocquet. Il n'est pas acceptable de faire voter des textes aussi importants, en plein été, dans de telles conditions. Cela témoigne d'un mépris pour le Parlement et les parlementaires, quels que soient les bancs sur lesquels ils siègent.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Parlez pour vous !

M. Dino Cinieri. On ne se plaint pas !

M. Alain Bocquet. Cela doit se savoir, y compris en dehors de notre hémicycle. Nous ne pouvons pas continuer à travailler à ce rythme, dans des conditions indignes.

M. Jean-Claude Abrioux. Il faut redresser la France !

M. Alain Bocquet. Nous avons tous bien compris que le Premier ministre voulait profiter de la période estivale pour faire passer toute une série de lois qui remettent en cause des acquis sociaux et démocratiques. Je rappelle en effet que ce gouvernement a été fortement contesté lors des dernières élections régionales et européennes.

M. Jean-Pierre Grand. Votre groupe ne représente lui-même que 5 % du pays !

M. Alain Bocquet. Les paroles doucereuses dont on voudrait nous bercer sont tout sauf crédibles, quand on voit les conditions dans lesquelles nous travaillons.

M. Migaud a posé tout à l'heure une vraie question. Puisque nous n'avons pas le don d'ubiquité, les membres de la commission des finances seront frustrés de ne pas participer à la séance programmée demain matin, alors que, traditionnellement, nous ne siégeons pas quand se tient le conseil des ministres.

Il faut donc arrêter cette politique du bulldozer (Rires et exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...

M. Dino Cinieri. Vous connaissez !

M. Gabriel Biancheri. Surtout M. Mercieca !

M. Alain Bocquet. ...qui prétend imposer au Parlement des conditions de travail inacceptables.

Je renouvelle par conséquent la demande de suspension de séance qui a été faite, afin que nous puissions débattre de ces questions.

M. le président. Monsieur le ministre, souhaitez-vous prendre la parole ?

M. le ministre délégué à l'intérieur. Non.

M. le président. Je dois faire droit à la demande de suspension, mais, compte tenu de l'heure, il me semble préférable de lever la séance.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    6

SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

M. le président. J'ai reçu de M. le président du Conseil constitutionnel une lettre m'informant que, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs ont saisi le Conseil constitutionnel de demandes d'examen de la conformité à la Constitution de la loi relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel et modifiant la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

    7

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, deuxième séance publique :

Suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi organique, n° 1638, pris en application de l'article 72-2 de la Constitution relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales :

Rapport, n° 1674, de M. Guy Geoffroy, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quinze.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot