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Troisième séance du jeudi 22 juillet 2004

46e séance de la session extraordinaire 2003-2004


PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

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LIBERTÉS ET RESPONSABILITÉS LOCALES

Suite de la discussion, en deuxième lecture,d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales (nos 1711, 1733).

Discussion générale (suite)

M. le président. Cet après-midi, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Monsieur le président, j'informe dès à présent tous les commissaires aux lois que la commission se réunira, après la discussion générale, en application de l'article 91, alinéa 10, du règlement, pour examiner les amendements dont elle est maintenant saisie.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Bruno Bourg-Broc.

M. Bruno Bourg-Broc. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué à l'intérieur, mes chers collègues, dans un discours fondateur prononcé à Rouen, le Président de la République avait appelé de ses vœux un nouvel élan décentralisateur. Le Gouvernement, sous la conduite de Jean-Pierre Raffarin, a engagé, tout d'abord avec Nicolas Sarkozy et Patrick Devedjian, puis Dominique de Villepin et vous-même, monsieur le ministre, l'acte II de la décentralisation. Cette réforme politique et institutionnelle profonde va concrétiser une nécessaire exigence que nous partageons tous : administrer au mieux au plus près des citoyens.

Cette ambition, c'est celle de ce projet relatif aux libertés et responsabilités locales dont nous allons débattre une nouvelle fois dans cet hémicycle.

Ce projet contient de grandes avancées. Il s'est très sensiblement enrichi, et les débats qui se sont déroulés au Sénat et ici même ont permis d'apporter de nombreuses améliorations à ce texte essentiel.

Mes chers collègues, il me semble que la place de la commune et de l'intercommunalité à fiscalité propre a été renforcée, comme le principe de subsidiarité le commandait. J'étais de ceux qui le souhaitaient. Dans ce contexte, je me réjouis que les EPCI, au même titre que les communes, soient associés à l'élaboration des schémas ou des plans établis par la région ou le département, et qu'ils puissent participer à l'exercice de tout ou partie des compétences relevant de l'une ou de l'autre de ces collectivités.

J'approuve également le rétablissement par nos collègues sénateurs de la possibilité pour tous les EPCI de bénéficier d'une délégation de l'attribution des aides publiques à la pierre dès lors qu'ils sont compétents en matière d'habitat. En revanche, l'établissement d'un seuil de 50 000 habitants pour que les communautés de communes puissent solliciter une délégation de compétence en matière d'aide à la pierre constitue une discrimination non justifiée, car de nombreuses communautés de communes dont la population se situe en dessous du seuil de 50 000 habitants ont initié des actions ambitieuses et volontaires en matière de logement social et se verraient ainsi privées d'une chance de disposer de l'ensemble des outils nécessaires pour mener une politique globale et cohérente.

Enfin, j'approuve le rétablissement des dispositions permettant au maire ou, avec l'accord du maire, au président d'un EPCI compétent en matière d'habitat de se voir déléguer, sous le contrôle du préfet, le contingent préfectoral de réservation de logements sociaux. Cette solution me semble juste et de bon sens.

Une autre avancée positive de ce texte réside dans la possibilité pour la région et le département de participer au financement des frais de transport individuel des élèves vers les établissements scolaires dont ils ont la charge. Peut-être pourrait-on aller plus loin et poser, non pas la possibilité, mais l'obligation pour le département et la région de participer au financement des frais de transport scolaire. C'est en effet la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale qui a opéré un transfert, à titre facultatif ou obligatoire, de la compétence « transports scolaires » du département vers les EPCI à fiscalité propre. Cependant, cette loi votée par la majorité d'alors n'a prévu aucune disposition quant au transfert de ressources, et cette situation, nous le savons, est source de conflits et de difficultés financières pour certaines communautés.

Je souhaite que les débats à venir soient constructifs et qu'ils permettent d'améliorer encore ce texte, même si nous en avons déjà longuement débattu aussi bien dans les assises des libertés locales que dans nos commissions compétentes ou lors des longs, très longs débats, à l'occasion de la première lecture dans notre assemblée.

Ce texte doit être gage de plus d'efficacité, d'attractivité et de compétitivité pour toutes nos collectivités, tout en préservant la stabilité fiscale locale.

Il doit aussi favoriser un aménagement du territoire plus solidaire et, surtout, veiller à ne pas accroître les disparités entre les territoires, voire à les rectifier.

Les nouveaux transferts de compétences doivent avoir pour effets de clarifier le rôle de chaque collectivité et, surtout, de rendre l'action locale plus efficace. C'est pourquoi je considère qu'une procédure simplifiée devrait être instaurée dans le cadre de la délégation de compétences régionales et départementales au profit des communes et des EPCI. Cette procédure simplifiée pourrait être instituée, par exemple, pour certains domaines relevant de l'action sociale.

En effet, l'objectif de cohérence et l'application du principe constitutionnel de subsidiarité justifient que les communes, comme les EPCI, bénéficient, si elles en font la demande, d'une procédure simplifiée de délégation de compétence dans certains domaines, et ce tout en maintenant le rôle de chef de file du département ou de la région, car il est incontestable que les communes et leurs intercommunalités, particulièrement en milieu urbain, ont développé des politiques et des outils qui les rendent plus à même de connaître les besoins des citoyens et d'y répondre. Cette délégation simplifiée aurait pour corollaire une coopération étroite entre la collectivité chef de file et les villes ou les agglomérations délégataires.

Si j'approuve globalement cette réforme majeure qui va revivifier nos territoires, je regrette cependant que n'aient pas été retirées les dispositions qui prévoient que l'État transfère par convention aux départements et aux régions les concours financiers qu'il accorde aux communes pour le fonctionnement des écoles nationales de musique, de danse et d'art dramatique et des conservatoires nationaux de région. Ces dispositions impliquent en effet une dépendance des communes par rapport aux financements départementaux et régionaux. Elles comportent donc un risque en termes de tutelle, cette tutelle que l'on a voulu éviter, notamment au Sénat.

Je regrette également que les dispositions relatives au sport introduites par l'Assemblée nationale en première lecture aient été supprimées par le Sénat. Il me semble qu'il conviendrait non seulement de les rétablir - et je partage votre point de vue, monsieur le rapporteur, comme je le partage aussi s'agissant de la responsabilité de la médecine scolaire -, mais aussi de consacrer le rôle des communes et des intercommunalités à fiscalité propre dans le domaine sportif. Ces collectivités ont développé au profit de leurs habitants de nombreuses actions, et souvent même une politique globale, en faveur des activités sportives, et supportent de lourdes charges financières, qu'elles assument souvent seules. En effet, les départements et les régions ne participent pas systématiquement aux coûts de fonctionnement des équipements sportifs, ou ils le font souvent de façon insuffisante au regard des coûts réels. Aussi me paraît-il nécessaire de prévoir dans la loi les modalités de cette participation financière des départements et des régions.

Enfin, je n'approuve pas le retrait des dispositions relatives à la création d'une instance de concertation constituée de représentants des exécutifs régionaux et départementaux et des représentants des communautés urbaines et d'agglomération. Il me semble nécessaire de rétablir ces dispositions et de les enrichir en élargissant la composition de cette instance aux représentants des communautés de communes et aux maires qui concourent tout autant que les autres collectivités au développement local et à l'attractivité des territoires.

Mes chers collègues, la réforme décentralisatrice engagée il y a maintenant deux ans est aujourd'hui en bonne voie. Il nous revient d'en améliorer encore les modalités et la pratique afin que, d'une part, elle garantisse la compétitivité de nos territoires au sein de l'Europe et que, d'autre part, nos collectivités locales soient le mieux à même de répondre à l'attente de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Merci, monsieur Bourg-Broc de votre concision.

La parole est au président Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je m'exprimerai au double titre de parlementaire et de président de région - plus précisément de la Guadeloupe -, car les régions seront, après les contribuables locaux, les grandes victimes de ce texte.

En ma qualité de président de région, je tiens à rappeler solennellement l'opposition de vingt-quatre des vingt-six régions au texte. Elle a été maintes fois répétée tant au Premier ministre qu'à vous-même, monsieur le ministre.

En effet, après les élections des 21 et 28 mars, où les Français ont fait confiance à l'opposition pour gérer vingt-quatre régions sur vingt-six - malgré vos critiques récurrentes sur nos capacités et notre sens des responsabilités -, vous avez annoncé que votre projet, « la mère de toutes les réformes », serait remis sur le métier, mais que vous restiez ouvert au dialogue et à la concertation, apparemment.

Néanmoins, les reproches formulés par l'association des régions de France et par son président, Alain Rousset, demeurent. Nous ne pouvons que prendre acte que vous n'en avez tenu aucun compte et que le dialogue annoncé débouche sur un passage en force en cette fin de session extraordinaire. Nous nous attendons d'ailleurs à ce que vous brandissez l'arme ultime, l'article 49-3, ce qui, au cours d'une session extraordinaire, serait quasiment une première dans l'histoire de la Ve République.

Sans reprendre l'ensemble de ces reproches qui vous ont été adressés par les collègues qui m'ont précédé à cette tribune, je souhaite revenir sur deux d'entre eux. Le premier est connu : l'ensemble des régions est opposé au transfert forcé des TOS, qui n'apporte rien en termes de plus-value éducative. Nous nourrissons l'affreux soupçon qu'il s'agirait purement et simplement pour l'État de se délester d'une charge financière sur les régions, qui la verront apparaître dans toute son acuité et peser de tout son poids en 2006-2007, période cruciale, comme vous le savez, dans notre vie démocratique.

Par ailleurs, compte tenu des modalités de compensation, cette réforme est avant tout un transfert de déficit, l'État se défaussant sur les collectivités locales, et principalement régionales. Mais, depuis le 28 mars, cette défausse se double indéniablement d'une volonté évidente de fragiliser les territoires pour en affaiblir les gestionnaires, en très grande majorité de gauche. C'est ainsi que viennent s'ajouter aux transferts de charges que vous vous apprêtez à nous imposer de multiples désengagements de l'État, que ce soit au niveau des contrats de plan État-régions, au niveau du tarissement subit des crédits européens, ou encore d'un contrôle de légalité brutalement devenu d'un tatillon qui confine au kafkaïen !

Croyez-moi, ce brusque changement d'attitude des services de l'État apparaît avec évidence dans le traitement qui est infligé aux régions, et la Guadeloupe est emblématique de ces brimades nouvelles. J'en veux pour preuve trois faits récents. Ainsi, c'est la préfecture qui, à la demande des ministres de l'intérieur, de l'outre-mer et de la défense, s'est ingérée dans une procédure pénale diligentée contre moi à la demande de mon prédécesseur. Un juge adresse une commission rogatoire. Le préfet de région, qui la reçoit, convoque les OPJ et leur demande de soigner particulièrement le président de région que je suis. Le juge lui-même a porté plainte et a saisi le procureur de la République. Le procureur de la République vient de faire appel de l'ordonnance du juge.

Un autre exemple montre le caractère de contre-pouvoir du contrôle de légalité. Deux ministres, M. Devedjian et Mme Girardin, se sont engagés, au nom de l'État, à rebaser la DGF en Guadeloupe. Des propositions ont été faites, des engagements ont été pris en commission des lois et proclamés urbi et orbi outre-mer. On a rebasé au titre de 2003, en oubliant 2000, 2001 et 2002. Pour le seul département de la Guadeloupe, cela représente 160 millions de francs.

Enfin, lors de l'examen d'un texte pourtant consensuel sur l'octroi de mer, à la faveur d'un amendement, le Gouvernement n'a pas hésité faire payer à la Guadeloupe 49 millions d'euros au titre de onze années d'arriérés que mon prédécesseur avait refusé de payer.

C'est de la politique, avec un tout petit « p », pour reprendre l'expression du Président de la République, et cette politique-là est profondément préjudiciable aux collectivités régionales et, in fine, aux Français.

De surcroît, les régions d'outre-mer seront les plus gravement touchées. Naturellement, les régions les plus fragiles, celles qui endurent des retards structurels, verront leur situation s'aggraver davantage encore par rapport aux autres, venant consacrer ainsi une fracture territoriale durable. C'est explicitement ce que les quatre présidents de régions d'outre-mer, M. Vergès pour la Réunion, M. Marie-Jeanne pour la Martinique, M. Karam pour la Guyane et moi-même avons exprimé, dans une déclaration remise au Premier ministre que je n'hésiterai pas à citer très brièvement.

M. le président. Veuillez conclure.

M. Victorin Lurel. Dans cette déclaration, nous décrivions notre situation commune. Voici le texte que nous avons remis au Premier ministre :

« Ce projet de loi intervient dans un contexte de difficultés économiques et sociales aggravées pour nos régions. La gravité de notre situation est caractérisée par des retards structurels en matière d'équipements et de personnel dans les services publics et par l'importance du chômage, qui mine la cohésion sociale. La dynamique démographique de nos régions augmente chaque année ces difficultés.

« Or, force est de constater que ces paramètres, à forte évolutivité, ne sont pas pris en compte par les dispositions du projet de loi. »

M. le président. Monsieur Lurel, veuillez conclure.

M. Victorin Lurel. Monsieur le président, je plaide l'indulgence. Beaucoup d'orateurs ne se sont pas exprimés et je n'ai pas abusé de mon temps de parole.

M. le président. Monsieur Lurel, ici, on ne plaide pas, on intervient. Et cinq minutes, ce n'est pas dix minutes.

M. Victorin Lurel. Je poursuis : « En effet, le mécanisme proposé pour compenser les transferts - dotation calculée sur les dépenses que l'État consacrait antérieurement à la compétence transférée - est inopérant dans nos régions puisqu'il ne prend justement en compte ni ces retards, ni cette progression démocratique. Nous sommes en retard, mais nous progressons plus vite en matière de dépenses. La loi organique relative à l'autonomie financière des collectivités a ignoré superbement cette problématique. Ainsi, nous sommes unanimes à considérer qu'en l'état, ce texte fait courir le risque à nos territoires de voir obérer durablement leurs capacités de développement. »

Comment la région Guadeloupe, région la plus endettée de France - 680 euros par habitant, c'est l'héritage que j'ai reçu, contre 126 en moyenne nationale - et dernière région en termes de PIB par habitant, pourrait-elle prendre efficacement en charge de nouvelles responsabilités aussi lourdes que le transfert des TOS ou de la voirie, sans qu'auparavant les équipements, les moyens, voire les effectifs, soient remis à niveau dans le cadre d'un plan de rattrapage ?

C'est pourquoi nous avons demandé qu'un audit soit réalisé par les services de l'État, en concertation avec les collectivités locales, et pris en charge à 50 % de son coût, afin d'évaluer, dans tous les secteurs de compétence concernés, les retards, les contraintes, les besoins générés par la progression démographique et les moyens financiers devant accompagner ces transferts.

Dans l'esprit des possibilités offertes par l'article 73 de la Constitution, - dont le Gouvernement s'est engagé, lors de la réunion du 22 juin, à nous faire bénéficier - nous demandons que l'application de la loi à l'outre-mer soit différée tant que le rattrapage des retards n'aura pas été programmé et que les moyens financiers correspondants n'auront pas été définis. C'est exactement sur la base de ce raisonnement que le Sénat, à l'unanimité, a adopté l'article 128 de ce projet différant les transferts de TOS pour l'outre-mer tant qu'un rééquilibrage en termes d'effectifs n'aura pas eu lieu. Je rappelle la proportion : douze TOS pour 1 000 élèves, contre vingt et un en métropole.

Naturellement, les présidents de régions d'outre-mer seront extrêmement vigilants à ce que cet article, obtenu grâce à leur pression, ne soit pas remis en cause.

Mais permettez-moi pour terminer de vous indiquer les quelques pistes supplémentaires d'adaptation à nos régions, et singulièrement à la Guadeloupe. J'y reviendrai au cours de ce débat, en espérant naturellement que vous ne les récuserez pas par un usage abusif de vos prérogatives constitutionnelles.

M. le président. Monsieur Lurel, je vous prie à nouveau de conclure.

M. Victorin Lurel. Je serai très bref, monsieur le président.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Vous parlez déjà depuis un quart d'heure !

M. Victorin Lurel. Non, cela fait à peine dix minutes, et je termine.

L'économie générale de ce projet de loi étant inadaptée à l'outre-mer, nous vous demanderons donc de traduire dans les actes, donc dans ce texte, vos engagements, pris conjointement avec la ministre de l'outre-mer le 22 juin, de différer l'entrée en vigueur de ce texte dans nos régions tant que les demandes d'habilitation n'auront pas été transmises au Parlement.

Je rappelle d'ailleurs que les lois organiques pour l'adaptation et la dérogation n'ont jamais été prises pour l'outre-mer.

Concernant, d'autre part, les grands équipements, je proposerai une meilleure prise en compte de la spécificité guadeloupéenne en matière portuaire, - à savoir l'existence d'un port autonome - et en matière de voirie, où les retards structurels doivent être spécifiquement pris en compte.

M. Michel Piron. Combien de volumes pour cette intervention ? C'est plus prolixe qu'Eugène Sue !

M. Victorin Lurel. Enfin, en matière de spécificité géographique, je vous proposerai des solutions au lancinant et criant problème de la desserte intérieure, aussi bien maritime qu'aérienne, puisque la Guadeloupe, vous le savez, est un archipel. Je souhaiterais que nous puissions débattre de solutions en matière de desserte entre la métropole et l'outre-mer, par le biais du renforcement des pouvoirs des collectivités régionales à l'égard des compagnies aériennes, en nous donnant la possibilité de leur imposer des obligations de service public.

Aujourd'hui même, le collectif des Antillais, Guyanais et Réunionnais a organisé sur ce thème une opération escargot dans les rues de Paris.

Monsieur le ministre, je ne doute pas des engagements du Gouvernement. J'attends donc votre accord sur ces différents points. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Monsieur le président Lurel, vous devriez, en tant que président de région, être particulièrement attentif au respect du temps de parole.

C'est bien parce que le président de la commission, le ministre et le rapporteur sont portent le plus grand intérêt à l'outre-mer que je vous ai laissé parler plus longtemps que votre temps de parole ne vous y autorisait.

La parole est à M. Léonce Deprez.

M. Léonce Deprez. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pourquoi insérer dans le projet de loi marquant la deuxième étape de la décentralisation l'objectif d'une organisation territoriale de l'économie touristique ? Étant à l'origine de cette initiative, je tiens à répondre à cette question.

La France a, d'abord, besoin de croissance économique. Les semaines que nous venons de vivre à l'Assemblée nationale en ce mois de juillet 2004 nous ont tous convaincus d'une vérité : la clé de la réussite des réformes votées - qu'il s'agisse de la réforme de l'assurance maladie, de l'autonomie financière des collectivités territoriales ou de la réforme des retraites -, c'est un taux de croissance de 3 % et le retour à l'emploi de dizaines de milliers de Français. Le salut passe par la création d'emplois plus nombreux dans toutes nos régions de métropole et d'outre-mer.

Depuis des années, nous avons les yeux braqués sur les taux de croissance américain et asiatiques, qui ont explosé, et sur ceux de nos voisins européens. Mais nous devons commencer par saisir les chances de croissance qui sont à notre portée, sous nos yeux et parfois sous nos pieds, sur de nombreux territoires de notre pays : la France est le premier pays d'accueil de touristes de tous les continents.

Le projet de loi relatif à la réforme de la décentralisation doit mettre en évidence une réalité que nous vivons tous : l'économie touristique est « territorialisée » par nature, car elle est accrochée, pour ainsi dire, à la peau d'un territoire. Notre chance et notre devoir, c'est de faire en sorte que ce territoire soit d'abord le nôtre. Il était donc normal que le texte évoque, dans son chapitre premier, consacré au « développement économique », le gisement nouveau d'activités et d'emplois qui s'offre à la France en ce nouveau siècle.

J'ai déposé un amendement visant à ce que ce projet de loi exprime la volonté politique de faire du tourisme un facteur de développement économique. Il est apparu aux membres de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, du groupe tourisme, que je préside, et de la commission des lois que, dans le projet de loi sur les libertés et les responsabilités locales, il ne suffisait pas de consacrer un titre au tourisme. La loi devant exprimer une dynamique de création à partir des principes d'action que son texte formule en termes législatifs, j'ai proposé à la commission des lois que l'objectif législatif soit l'organisation territoriale de l'économie touristique.

Il est temps de mobiliser les énergies, les talents et les capitaux publics et privés en faveur des capacités de notre pays à valoriser les sources de vie touristique que lui offre déjà son territoire.

Les 2 280 communes qui se sont dotées de capacités d'hébergement destinées à une population extérieure l'ont fait grâce aux efforts de leurs élus municipaux pour les rendre attractives et pour faire du temps libre des personnes accueillies un temps de travail pour la population permanente qui les accueille. Et parce que l'accueil de ces populations extérieures et l'animation de leur séjour entraînent de lourdes charges pour leur budget d'investissement et de fonctionnement, ces 2 280 communes touristiques perçoivent de l'État une dotation complémentaire à la dotation globale de fonctionnement : la dotation touristique.

Les efforts d'investissement public entraînent des efforts d'investissement privé - création d'hôtels, de restaurants, d'équipements de thalassothérapie ou d'équipements sportifs et culturels. C'est ensemble que les investissements publics et privés doivent rendre l'économie touristique génératrice de chiffre d'affaires et d'emplois.

Sur ces 2 280 communes qui révèlent les atouts touristiques de la France et qui se classent, selon ces atouts, en stations thermales, de montagne ou littorales, ou en villes d'art et d'histoire, 510 ont atteint un niveau d'excellence par l'attrait de leur environnement, de leurs équipements ou des événements qu'elles organisent, et ont ainsi mérité depuis plusieurs décennies l'appellation de « stations touristiques classées ».

Avec, outre ces stations touristiques, les 80 à 100 villes de congrès - dont la métropole nationale et nos métropoles régionales - qui attirent un tourisme d'affaires, et les 800 à 1 000 « pays ruraux » déjà ouverts à l'accueil d'une clientèle touristique, la France doit pouvoir connaître un développement économique lié à des séjours touristiques créateurs d'emplois et de chiffre d'affaires et générateurs tant de TVA pour l'État que de devises contribuant à l'excédent des comptes de notre commerce extérieur.

La France doit rendre cohérente et stimuler cette organisation territoriale de l'économie touristique et favoriser l'ouverture de ces entités territoriales à une vie touristique en toute saison. C'est ainsi qu'elle pourra multiplier et rendre durables les emplois liés à une double mise en valeur économique - celle du territoire de ces trois mille pôles de vie touristique et des communes qui les entourent et celle du temps de vie des millions de Français et d'étrangers qui viennent y chercher périodiquement du bonheur de vivre hors de leur lieu de travail.

180 des 510 stations classées doivent à leurs efforts et à leur pouvoir d'attraction de disposer d'un casino. Il est impératif qu'elles puissent continuer à assurer la couverture de leurs charges d'investissement et de fonctionnement à partir du pourcentage qu'elles doivent continuer à percevoir sur le produit des jeux autorisés dans ces casinos. Il est également impératif que cette autorisation de jeux dans les casinos reste une dérogation au droit commun, accordée dans les seules stations classées et imposant une procédure rigoureuse placée sous l'autorité du ministre de l'intérieur.

Ce texte, qui marque la deuxième étape de la décentralisation, doit faire prendre conscience que l'économie touristique, qui repose sur le temps libre, doit pouvoir donner du travail à près de deux millions de Français. L'État et les collectivités territoriales doivent d'autant plus en tenir compte qu'il est désormais possible et nécessaire d'étendre aux quatre saisons de l'année les séjours touristiques dans trois mille lieux en France métropolitaine et outre-mer, ainsi que les voyages qu'ils génèrent.

À l'issue d'un nécessaire temps de formation, cette source de vie nouvelle que nous offre le territoire français doit être la source d'un développement économique et d'emplois durables. Il est important que ce projet de loi soit le point de départ d'une politique volontariste qui mette à profit les atouts de notre territoire et les évolutions du temps de vie engendrées par le progrès de notre société à l'aube de ce nouveau siècle.

Ces propositions doivent s'inscrire non seulement au Journal Officiel, mais aussi dans les esprits de tous ceux qui, dans notre pays, ont des responsabilités. Plutôt que de se plaindre de l'absence ou de l'insuffisance de la croissance, mieux vaut commencer par mettre à profit les capacités de notre territoire. C'est tout l'enjeu de la grande politique d'économie touristique que je propose pour la France et dont ce projet de loi doit favoriser l'application dans les prochaines années. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Geoffroy. Il y a des gens qui respectent leur temps de parole !

M. le président. La parole est à M. le président Christian Estrosi.

M. Christophe Caresche. À ma connaissance, M. Estrosi ne préside rien dans cette maison !

M. le président. Il est président d'un conseil général, comme M. Lurel d'un conseil régional. Peut-être serez-vous un jour, vous aussi, président de quelque chose, monsieur Caresche !

M. Christian Estrosi. Nous savons bien que, dans cette assemblée, il n'y a que des présidents ; on peut être président, de son quartier, de sa rue, de son pâté de maisons ou de son immeuble !

Je tiens à témoigner personnellement de l'enthousiasme sincère avec lequel je participe à ce débat et de mon incompréhension de voir que certains de nos collègues voudraient, en cette fin du mois de juillet, retarder encore un processus engagé depuis longtemps, voté en première lecture par l'Assemblée et en deuxième lecture par le Sénat. (« Pas du tout ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Alors que certains d'entre nous, et en particulier les présidents d'exécutifs régionaux, départementaux, intercommunaux et communaux, préparent leur budget pour l'année 2005 - comme le fait de son côté le Gouvernement - et ont besoin de savoir comment organiser leurs services dans la perspective des transferts de compétences,...

M. Christophe Caresche. Après dix-huit mois d'incertitude !

M. Christian Estrosi. ...d'autres cherchent à mettre en difficulté l'organisation territoriale de notre pays.

Comment, dans ces conditions, des élus locaux rigoureux, sérieux et déterminés, qui font preuve d'une volonté d'initiative, d'imagination et d'anticipation, peuvent-ils mener ce travail de manière crédible ?

Il est donc nécessaire de mettre les collectivités locales en mesure de mieux préparer cette échéance fondamentale pour moderniser à la fois l'organisation de l'État et la mise en cohérence territoriale de notre pays.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Très belle synthèse !

M. Christian Estrosi. Nous qui appartenons à cette majorité pouvons nous féliciter de le faire, pour la première fois depuis si longtemps ! Si j'avais été sur ces bancs en 1982,...

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Qu'est-ce qu'on aurait vu !

M. Christophe Caresche. Il faisait de la moto !

M. Christian Estrosi. ...j'aurais été tenté de voter les lois de Gaston Defferre.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C'est facile de le dire aujourd'hui !

M. Christian Estrosi. J'en étais loin, il est vrai, car je venais tout juste de sortir de l'adolescence, mais il faut reconnaître que les lois Defferre de 1982 ont engagé dans notre pays une dynamique dont nos territoires ont largement profité, et j'en rends hommage à leurs auteurs. (« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Geoffroy. Il faut savoir le dire !

M. Christian Estrosi. Je leur demande aujourd'hui de s'engager avec le même volontarisme dans ce deuxième acte, qui ne fait que prolonger, mes chers collègues, ce que vous avez initié à l'époque. Vous devriez pouvoir vous engager avec la même modestie dans cette direction.

M. Guy Geoffroy. Ce serait faire preuve d'ouverture d'esprit !

M. Christian Estrosi. Cependant, au vu des dérives observées depuis 1982, et notamment de l'explosion de la fiscalité, nous avons pris toutes les dispositions nécessaires...

M. Alain Gest, rapporteur de la commission des lois. Absolument !

M. Christian Estrosi. ...- qu'il s'agisse de la loi constitutionnelle votée par le Congrès ou de la loi organique qui vient d'être votée par l'Assemblée - pour que les collectivités auxquelles nous allons transférer des compétences se voient apporter toutes les garanties qu'elles disposeront des ressources appropriées. Les bons gestionnaires de collectivités ne doivent pas avoir à redouter cette décentralisation.

M. Christophe Caresche. Je vous rappelle que nous avons gagné les élections !

M. Christian Estrosi. Seuls pourraient la redouter ceux qui ont conscience d'être de mauvais gestionnaires de leurs collectivités et craignent, parce qu'ils ne seraient pas capables de faire face à ces nouvelles responsabilités qui leur seraient confiées, de ne pouvoir contenir les dépenses nouvelles et d'équilibrer l'ensemble des dépenses.

M. Christophe Caresche. Si vous étiez de bons gestionnaires, vous auriez gagné les élections !

M. Christian Estrosi. Voilà les raisons pour lesquelles je m'engage avec volontarisme dans cette direction.

Mais il nous faut aussi nous souvenir, avec un peu d'humour, de ce qui va simplifier la vie des Françaises et des Français, qui, dans des domaines qui ne doivent plus relever de l'autorité de l'État, ne supportent souvent plus d'être confrontés à tant de tracasseries et de difficultés dans leurs démarches.

M. Alain Gest, rapporteur. Le texte permet une clarification !

M. Christian Estrosi. En tant que président de conseil général, je me réjouis qu'au terme de cette discussion pratiquement tous les volets sociaux, toutes les relations sociales entre les citoyens et une grande collectivité doivent être transférés aux conseils généraux.

Aujourd'hui, lorsque vous engagez des démarches pour obtenir une pension pour vos parents âgés, on vous renvoie pendant des mois de guichet en guichet, de la DDASS à la DAMS - son équivalent relevant du conseil général -, puis à la DTEFP, la direction du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, avant que votre dossier soit complet et que vous puissiez obtenir une réponse.

Aujourd'hui, nous allons enfin rationaliser ces procédures et mettre dans les mains d'une seule collectivité tous les volets des relations sociales, de la conception au moment où l'on quitte cette terre, de la petite enfance à la gérontologie, avec toutes les questions sociales que cela suppose.

Prenez le problème du handicap : c'est une réalité, qu'il s'agisse des handicapés enfants, adolescents ou adultes. Nous sommes confrontés à je ne sais combien de guichets pour gérer ces difficultés. Enfin, tout cela va être rationalisé.

Je pourrais prendre aussi l'exemple des routes, où nos voiries départementales et nos voiries nationales seront enfin mises en cohérence pour qu'il n'y ait plus qu'un seul gestionnaire. Depuis des années, je dois me battre pour mettre en cohérence 6 235 kilomètres de voirie départementale avec 320 kilomètres de voirie nationale parce que, à aucun moment, les ingénieurs des services du département n'ont été capables de s'entendre avec ceux des services de l'État ! Nous allons ainsi soulager l'ensemble de nos concitoyens de nombre de difficultés dans leurs déplacements.

Par ces deux exemples, j'ai essayé de démontrer toute la pertinence de l'initiative qu'a prise le Gouvernement.

M. Guy Geoffroy. C'est réussi !

M. Christian Estrosi. Ne traînons pas plus. Enfin, mettons un point final à cette démarche engagée depuis près de deux ans.

Monsieur le ministre, je vous remercie du fond du cœur. Nous ne devons pas redouter ce formidable défi, ce formidable pari pour la mise en cohérence du territoire national, ni cette volonté de rapprocher le lieu de décision de l'ensemble de nos concitoyens. Ce sont eux qui seront les premiers vainqueurs de la décentralisation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est au président Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Monsieur le président, je n'aspire à aucune fonction présidentielle, de quelque nature que ce soit.

M. Guy Geoffroy. Quoique !...

M. René Dosière. On dit toujours ça avant, monsieur Caresche !

Mme Nadine Morano. Il faut en avoir le talent !

M. Christophe Caresche. Je m'étonne simplement qu'à l'Assemblée nationale soient évoquées les responsabilités locales des élus qui y siègent. Car l'Assemblée nationale n'est pas une collection d'élus locaux, mais la représentation nationale. C'est pourquoi je me suis un peu offusqué, monsieur le président, de la façon dont vous appelez un certain nombre d'entre nous. Mais je n'entends pas rompre le climat convivial que vous faites régner.

Je n'avais pas l'intention de revenir sur les conditions dans lesquelles se déroulent ce débat.

M. Guy Geoffroy. Elles sont excellentes !

M. Christophe Caresche. Mais, M. Estrosi nous ayant interpellé, il m'y incite. Il est tout de même paradoxal de reprocher à l'opposition la dérive de l'ordre du jour, alors que celui-ci est une prérogative du Gouvernement !

M. Christian Estrosi. Pensez aux Français, pas à l'ordre du jour !

M. Christophe Caresche. C'est un point important dont vous avez parlé. Nous ne vous reprochons pas d'examiner ce projet de loi aujourd'hui. Il y a eu un an et demi de discussions, et vous auriez pu...

M. Michel Piron. Vous, vous auriez pu proposer moins d'amendements !

M. Christophe Caresche. ...maîtriser l'ordre du jour pour que ce débat vienne plus tôt. Le ministre des relations avec le Parlement a indiqué que la session se terminerait en tout état de cause à la fin du mois. Nous savons que, lundi prochain, un projet important est prévu, sur les SDIS.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il y a anguille sous roche !

M. Christophe Caresche. D'autres projets de loi sont également inscrits en deuxième lecture. Nous contestons donc le fait d'arriver à la fin d'une session extraordinaire avec un embouteillage rarement égalé dans l'histoire de l'organisation des travaux de l'Assemblée nationale.

M. Michel Piron. C'est vrai qu'il y a beaucoup de véhicules : plus de 4 500 amendements !

M. Christophe Caresche. Cet embouteillage nous met évidemment dans une situation extrêmement difficile et périlleuse pour examiner sérieusement un texte qui nous est présenté comme la réforme phare de ce gouvernement et de cette législature.

La maîtrise de l'ordre du jour appartient au Gouvernement. Si nous nous retrouvons aujourd'hui dans cette situation et si le Gouvernement envisage de recourir au 49-3, c'est sa responsabilité : il n'a pas été capable de maîtriser lui-même l'ordre du jour et d'organiser correctement le travail de l'Assemblée. (Approbations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Christian Estrosi. Quel rapport avec le texte ? Avez-vous quelque chose à dire sur la décentralisation ?

M. Christophe Caresche. Monsieur Estrosi, vous-même avez consacré une partie de votre intervention aux conditions du débat, et j'essaye précisément de vous répondre.

M. Christian Estrosi. Parlez du fond !

M. Christophe Caresche. N'avez-vous pas parlé du fond ?

M. Michel Piron. L'ordre du jour est excellent : c'est votre dérive qui ne l'est pas, monsieur Caresche !

M. Christophe Caresche. Non, monsieur Piron. La dérive de l'ordre du jour résulte de l'incapacité du Gouvernement à maîtriser le travail de l`Assemblée. Nous ne sommes d'ailleurs pas les seuls à le dire puisque le président de cette assemblée s'est exprimé, avec évidemment la réserve liée à sa fonction, pour, lui aussi, déplorer les conditions dans lesquelles a lieu ce débat. N'en rajoutez pas !

Mon temps de parole est épuisé, monsieur le président ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Non. Je prends en compte le fait que des collègues de la majorité vous ont interrompu pour vous donner une minute et demie supplémentaire, monsieur Caresche. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Christophe Caresche. De toute façon, j'ai bien conscience de parler pour le Bulletin municipal officiel, le BMO.

M. le ministre délégué à l'intérieur. Pas le BMO, le Journal Officiel de la République française !

M. Christophe Caresche. Il est vrai que j'ai parfois l'impression de me retrouver au Conseil de Paris. De toute manière, nous savons ce qui se passera demain.

Par ailleurs, en tant que député de l'Île-de-France, je tiens à dire un mot sur les problèmes de cette région. Je sais que c'est un sujet difficile à évoquer à l'Assemblée nationale.

M. le président. Monsieur Caresche, la minute et demie est largement entamée. Je vous prie de conclure sur l'Île-de-France.

M. Christophe Caresche. Je regrette que cette question n'est pas été sérieusement traitée dans ce projet de loi.

Certes, il y a des points positifs : je pense à la réforme du syndicat des transports. Mais, pour l'essentiel, la réforme de cette région, pourtant urgente et nécessaire, n'a pas été abordée.

Quand on entend parler de « l'acte II de la décentralisation », de « la mère des réformes », il est difficile de comprendre pourquoi le Gouvernement n'a pas souhaité traiter ce problème. Car l'Île-de-France cumule de grandes difficultés, peut-être plus que d'autres régions,...

M. .Christian Estrosi. Non !

M. Christophe Caresche. ...dans le domaine des transports, des logements, du développement économique et du chômage ; elle a, sur le plan institutionnel, un certain nombre de particularismes. Ne pas s'attaquer au problème des relations entre les communes du centre et de la proche banlieue de Paris, ne pas clarifier les compétences, les niveaux de coordination et les rapports entre les différentes collectivités, c'est retarder une réforme nécessaire et urgente.

M. Jean-Pierre Balligand. C'est un rendez-vous manqué !

M. Christophe Caresche. ...et je répète que je le regrette. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est au président Jean-Christophe Lagarde. (« Encore un président ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Christophe Lagarde. Je suis tout au plus président du centre communal d'action sociale ! (Sourires.)

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence, eu égard à l'ordre du jour quelque peu perturbé, de nos collègues Pierre Albertini et Anne-Marie Comparini, qui ont plus particulièrement suivi ce texte depuis l'origine.

La seconde étape de la décentralisation, monsieur le ministre, est pour nous une affaire trop sérieuse pour être livrée aux délices de l'obstruction parlementaire, mais aussi à la tentation des procédures expéditives, comme celle de l'article 49-3 qu'on nous annonce. L'une et l'autre ne donnent pas du Parlement la meilleure image et ne nous permettent pas de débattre sereinement d'une réforme qui, pourtant, devrait instaurer un nouveau mode de fonctionnement des collectivités locales au cours des vingt ou trente prochaines années.

Cette réforme est pourtant souhaitée sur de nombreux bancs de notre assemblée. Il s'agit de préciser, d'approfondir le bloc des compétences, et d'adapter les structures administratives aux attentes de nos concitoyens. Ce devait être la grande affaire de la législature, la « mère des réformes » selon l'expression du Premier ministre.

Où en sommes-nous ce soir, 22 juillet ?

A l'issue de la première lecture, le groupe UDF s'était abstenu dans l'espoir d'émettre, en seconde lecture, un vote positif sur un projet de loi amélioré, dans sa forme comme dans son contenu.

M. René Dosière. Vous ne voterez pas le texte !

M. Jean-Christophe Lagarde. Les déclarations gouvernementales allaient d'ailleurs en ce sens. Ainsi, le 14 avril, le Premier ministre parlait d'un «projet refondé» avant d'être soumis à l'approbation parlementaire. Le même jour, le ministre de l'intérieur, nouvellement nommé à ce poste, invitait lui aussi « au dialogue et à la concertation ».

Trois mois après, que reste-t-il de ces déclarations frappées au coin du bon sens ? Poser la question, c'est, hélas, y répondre. Pourtant, y avait-il urgence, au coeur de l'été ? Le texte en discussion aurait pu être examiné début octobre dans de bien meilleures conditions.

En l'absence de toute réécriture, le jugement que nous portons n'est malheureusement pas positif.

La rédaction est lourde, inutilement bavarde, encombrée de dispositions de nature réglementaire.

M. Christophe Caresche. Il est encore plus sévère que nous !

M. Jean-Christophe Lagarde. On sait pourtant depuis la fin du XVIIIe siècle que les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires.

Nous regrettons que ce projet de loi comporte plus de procédures que de principes. Il ajoute ainsi de la complexité à l'enchevêtrement actuel et ne permettra pas au citoyen de mieux comprendre qui fait quoi, ce qui est pourtant essentiel en démocratie.

M. Jean-Pierre Balligand. M. Lagarde est UDF ?

M. Alain Gest, rapporteur. Oui, monsieur Balligand. Justement !

M. Jean-Christophe Lagarde. La lisibilité de l'action publique est devenue, en 2004, une condition de son efficacité. Je prendrai trois exemples : le logement, l'action économique, la formation professionnelle. On ne cesse de les modifier, par petits bouts, par touches successives, depuis vingt ans. Croit-on ainsi faciliter la concrétisation de politiques ambitieuses dans ces trois domaines où les besoins sont considérables ?

Mais, surtout, le projet en l'état ne témoigne d'aucune vision prospective sur le devenir et la complémentarité des collectivités locales, dans les rapports qu'elles entretiennent avec l'État ou même entre elles. Nous regrettons la méfiance suscitée entre les régions et les départements, notamment avec votre recul sur le développement économique : la région n'en n'est plus le chef de file, mais le simple coordonnateur. Une des rares dispositions originales a ainsi disparu. Cette disposition était d'autant plus urgente à mettre en œuvre, comme l'a montré le rapport de notre collègue Christian Blanc, que la région doit devenir le véritable chef de file économique. Ce rapport avait pourtant été favorablement accueilli, à la fois par le Premier ministre et par le ministre d'État, Nicolas Sarkozy.

Nous regrettons aussi l'oubli désespérant des communes et de l'intercommunalité, qui sont la cinquième roue du carrosse.

Nous regrettons enfin l'indifférence à l'égard des pays et des grandes aires urbaines, porteurs de nombreux projets de développement local.

Le défaut de méthode vous a conduits à travailler dans un cadre restrictif, à structures territoriales constantes, sans vous demander comment passer de l'émiettement actuel à la conduite de véritables politiques publiques. La recherche de l'efficacité et de la responsabilité implique que l'on s'interroge sur la vocation naturelle des collectivités locales, c'est-à-dire sur ce qu'elles sont capables d'accomplir de meilleur. L'intérêt général appelle le rassemblement autour de projets, non la gestion du statu quo ou la juxtaposition de compétences dispersées. Déplacer quelques pièces du puzzle n'est pas à la hauteur des défis que nous avons à relever ensemble.

Et que dire de la réforme de l'État qui devrait accompagner la décentralisation ? Les collectivités locales, pour réussir dans leurs missions, monsieur le ministre, ont besoin d'avoir des services extérieurs de l'État modernisés et regroupés autour des préfets. Or les décisions à prendre sont différées, aggravant leur inadaptation. Comme nous le voyons dans nos départements, les directions départementales de l'équipement ou de l'action sanitaire et sociale, par exemple, sont ainsi gravement malades et s'interrogent sur leur devenir.

Quant au transfert de 100 000 agents - que par ailleurs j'approuve pleinement -, tout porte à croire qu'il s'accomplira dans de mauvaises conditions, tant celles que vous définissez sont floues.

Enfin, les élus locaux éprouvent de sourdes inquiétudes sur le plan financier, que la discussion de la loi organique n'a malheureusement pas permis de dissiper totalement. Certes, l'évaluation des charges ne saurait être suspectée : l'État transférera les moyens qu'il consacrait antérieurement à de telles actions. Mais celles-ci correspondent, nous le savons, à des attentes sociales fortes, auxquelles l'État ne répondait pas : solidarité, insertion professionnelle, logement, santé, autant de sujets sur lesquels la pression des électeurs se fera plus forte sur les élus locaux, engendrant au fil du temps plus de dépenses pour les collectivités locales et leurs groupements. Elles risquent donc d'y perdre. Mais il est vrai que ce gouvernement n'inaugure rien en la matière : Laurent Fabius, alors Premier ministre, a été l'initiateur de ce type de décentralisation.

De même, le transfert de certains équipements - routes, ports, aéroports, par exemple - méritera une remise à niveau coûteuse, tant leur état est parfois dégradé, comme on en a fait l'expérience pour les lycées, les collèges et les écoles maternelles après la réforme de 1982. Car il est rare que l'État se dessaisisse des secteurs où il n'y a pas de problèmes.

En conclusion, monsieur le ministre, nous craignons que cette seconde étape de la décentralisation ne soit un rendez-vous manqué, à travers un texte que l'on cherche à faire passer au forceps. Il y a certes, de-ci de-là, quelques améliorations de portée secondaire. Mais au regard de l'ambition initiale, la démarche aboutit à une copie confuse, sans souffle ni originalité. La modernisation de l'État et des collectivités locales, la réconciliation de nos concitoyens avec la chose publique - que nous défendions tous il y a quelques mois à l'occasion des élections régionales et cantonales - seront encore malheureusement deux chantiers à ouvrir.

Le groupe UDF, profondément décentralisateur, regrette que ce texte cède plus à l'impressionnisme qu'il ne vise à mettre en œuvre la remise en perspective des efforts que notre pays doit accomplir.

Mais il regrette surtout que ce débat se déroule dans un contexte marqué par des rumeurs, des dépêches, des démentis, suivis d'autres dépêches selon lesquelles il pourrait être interrompu dès demain. Même si le Parlement a à connaître de ce projet de loi depuis plusieurs mois maintenant, il serait éminemment nécessaire qu'il puisse encore en débattre suffisamment longtemps, tant il est vrai qu'une réforme profonde n'est efficace que quand elle est acceptée et comprise par tous, pas quand elle est adoptée sans vote, sans discussion.

M. Michel Piron. Sans discussion ?... Quand même !

M. René Dosière. Alea jacta est !

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre délégué à l'intérieur.

M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je souhaite, parce que la discussion générale a été longue, prendre le temps nécessaire pour répondre à l'ensemble des orateurs qui se sont exprimés. Car c'est aussi le devoir du Gouvernement, à l'occasion de cette discussion générale, de réagir à chacune des interventions. Vous comprendrez que je le fasse en donnant très librement le sentiment qui est le mien sur tous les sujets qui ont été évoqués.

En ce qui concerne l'intervention de M. Chassaigne, je serai bref. Je lui ai longuement répondu tout à l'heure. Il ne peut être des nôtres ce soir. Je dirai simplement qu'il n'a pas été plus tendre dans la discussion générale qu'il ne l'avait été lors de la présentation de son exception d'irrecevabilité. Je l'ai regretté, parce qu'entre-temps j'avais pris le temps de lui répondre : et je m'étais dit que j'avais peut-être réussi à l'ébranler. En tout cas, avec l'enthousiasme que j'y avais mis,...

M. Christophe Caresche. Ça ne suffit pas toujours !

M. le ministre délégué à l'intérieur. ...j'avais l'espoir de retrouver dans ses propos quelque chose qui aurait pu ressembler, sur ce sujet, à une reconstitution entre nous de la ligne Malraux. Je n'y suis pas arrivé : je le regrette.

L'intervention de Michel Piron a une fois de plus mis en évidence son formidable talent oratoire.

M. Guy Geoffroy. Exceptionnel !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Nous ne nous lassons jamais de vous entendre, monsieur Piron.

M. Michel Piron. J'en rougis !

M. Christophe Caresche. Il a été très bon sur la Charte de l'environnement !

M. le président. Monsieur Caresche !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Je suis content que cela vous ait plu, monsieur Caresche. Par conséquent, je ne comprends pas pourquoi vous n'avez pas voté cette Charte qui est une avancée absolument spectaculaire dans le domaine du droit de l'environnement. Elle méritait sans doute mieux qu'une absence de vote de la part du groupe socialiste. Enfin, peu importe, revenons...

M. Michel Piron. À nos moutons.

M. le ministre délégué à l'intérieur. ...à nos moutons, en effet, car sur ce sujet je sais quel est l'enthousiasme de M. Piron. Je veux saluer ici l'analyse qu'il a développée concernant le volet de la déconcentration. Je pense comme vous, monsieur le député, qu'il n'est pas de décentralisation réussie si nous n'engageons pas dans le même temps la déconcentration de manière moderne et intelligente. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Christophe Caresche. Oui, mais qu'est-ce que vous allez faire ? C'est bien de le dire ; le faire, c'est mieux !

M. le ministre délégué à l'intérieur. La réforme de l'État est quelque chose d'absolument essentiel. Nous devons, les uns comme les autres, saisir cette occasion de mobiliser les administrations centrales de telle manière qu'elles accompagnent intelligemment la décentralisation. Vous le savez, dans ce domaine, Dominique de Villepin a donné des consignes très précises à l'ensemble des préfets pour que soient organisés dans chaque département des pôles de compétences qui soient le mieux à même de préparer l'administration de l'État à ce grand mouvement de déconcentration et de décentralisation.

M. Christophe Caresche. Ouf ! Nous voilà rassurés !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Vous avez souligné l'importance du nouvel article 1er. J'ai eu l'occasion de dire tout à l'heure combien il était effectivement essentiel à nos yeux. Il est le produit d'une très grande concertation que nous avons conduite avec d'autres collectivités que les régions. Il est vrai que celles-ci, malheureusement, n'ont accepté de nous rencontrer que très tardivement.

M. Christophe Caresche. C'est malheureux, hein, ces problèmes de calendrier ? Et puis il faut dire que le téléphone ne marche pas bien !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Ce n'est pas faute, pourtant, d'avoir déployé toute l'énergie dont je suis capable, d'avoir rendu mon Palm totalement disponible. Cela n'a hélas pas suffi. Du coup, j'ai été particulièrement sensible aux arguments très forts qui ont été avancés par des associations de communes, je pense par exemple à l'Association des maires de grandes villes de France, présidée par M. Bockel,...

M. Christophe Caresche. Décidément, vous l'aimez beaucoup, M. Bockel ! Mais arrêtez de dire du bien de lui, vous allez finir par lui nuire !

M. le ministre délégué à l'intérieur. ...lequel a insisté tout particulièrement auprès de nous sur l'inquiétude qu'il avait en imaginant que les régions pourraient exercer demain une tutelle, notamment dans le domaine du développement économique. Il nous a semblé que la modification introduite par le Sénat était de nature à contenter tout le monde, et surtout à rassurer ceux qui étaient un peu inquiets. Car c'est aussi le rôle d'un gouvernement que de rassurer ses interlocuteurs.

Monsieur Le Bouillonnec, vous avez beaucoup insisté sur les questions relatives à la construction et au logement. Vous avez raison, c'est un sujet passionnant et qui préoccupe beaucoup nos concitoyens. L'ambition affichée de ce texte est parfaitement claire en la matière. Il s'agit de donner aux responsables locaux les attributions et les moyens qui peuvent leur permettre d'aller de l'avant, en particulier par la reconnaissance des structures intercommunales.

Vous avez évoqué l'article 49A. Je voudrais vous dire que le Gouvernement a fait le choix de la confiance. C'est d'ailleurs ce qui nous a le plus opposé aux gouvernements de gauche. Il y a une tendance naturelle, à gauche, à vouloir une société de méfiance, de contrôle, de contrainte.

M. Christophe Caresche. Bien sûr, c'est connu, tout le monde sait cela !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Nous avons, vous le savez, une démarche inverse, une démarche de confiance. Nous préférons inciter que pénaliser.

M. Guy Geoffroy. C'est le seul moyen de réussir.

M. Christophe Caresche. On se demande vraiment pourquoi ça ne marche pas.

M. René Dosière. Les Français n'ont pas trop apprécié votre démarche !

M. le ministre délégué à l'intérieur. C'est l'une des nombreuses différences qui nous opposent. Les Français ont su faire la différence en 2002.

Nous voulons établir des relations de confiance avec les élus, dont nous souhaitons qu'elles leur donnent la capacité de prendre les décisions adaptées aux attentes de leurs populations, sachant qu'il appartient à l'État d'assurer la solidarité sur l'ensemble du territoire. Nous croyons à la concertation, au partenariat. Cela veut dire, par exemple, que le préfet pourra déléguer aux communes - ou le cas échéant aux départements -, sur la base d'une convention de partenariat. C'est là une parfaite illustration de ce que nous voulons mettre en œuvre demain.

Vous souhaitez une profonde modification de l'article 49 bis. Je ne peux pas vous suivre. Je pense au contraire qu'il s'agit là d'une amélioration majeure des conditions de gestion pour les organismes HLM. Une vraie stratégie de gestion de leur patrimoine et de modulation des loyers devient possible. C'est un élément absolument essentiel, qui tranche avec la gestion administrée que nous connaissons dans ce domaine.

Vous soulevez le problème du faible nombre des PLH en Ile-de-France. Ce point mérite une particulière attention. Nous avons d'ailleurs au moins un point commun dans l'intérêt que nous portons à cette région. Deux solutions sont envisageables. L'une serait de faire du conseil régional d'Ile-de-France le seul délégataire pour les aides à la pierre. L'autre, dont je ne vous cache pas qu'elle a ma préférence, consiste à tout faire pour encourager et développer les structures intercommunales. Parmi les nombreuses spécificités de cette région - qui n'est certes pas la seule à en avoir -, il y a le fait qu'elle a pris beaucoup de retard dans le domaine de l'intercommunalité. Il est nécessaire de développer celle-ci, et notamment pour la construction de logements. Une vraie politique peut être menée en ce domaine en partenariat avec la région. J'aurai l'occasion d'y revenir lorsque je répondrai à M. Caresche. Je vois d'un bon œil le projet de la région Île-de-France de créer une agence foncière pour l'acquisition de terrains. Cela peut contribuer à répondre à la crise du logement. Je le vois d'autant plus d'un bon œil que c'était l'un des points forts de la rubrique que j'avais créée pendant la campagne électorale, qui s'appelait « 3615 : J'inspire mes concurrents ».

M. René Dosière. Malheureusement, vous n'avez pas convaincu les électeurs !

M. Christophe Caresche. Ce sera pour la prochaine fois !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Cette rubrique avait eu beaucoup de succès, puisque j'ai pu constater que l'ensemble de mes propositions ont été allègrement reprises, notamment par M. Huchon. J'en suis donc ravi. Je n'ai aucune raison de ne pas soutenir une initiative que j'avais encouragée. Je suis content de voir que mes propositions ont inspiré l'un de mes principaux concurrents.

M. René Dosière. Vous en avez rêvé, nous l'avons fait !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Vous n'avez quand même pas inventé l'idée d'agence foncière, monsieur le ministre !

M. Christophe Caresche. M. Huchon ne vous a pas attendu pour faire cette proposition.

M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Il avait peut-être fait cette proposition, mais il ne l'avait pas concrétisée !

M. Jean-Christophe Lagarde. Il a attendu six ans ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le ministre délégué à l'intérieur. Messieurs les députés du groupe socialiste, je vous propose de vous détendre, parce que si chaque fois que je dis quelque chose, cela vous met dans tous vos états, je crains que le débat ne s'en trouve inutilement prolongé, un débat qui par ailleurs a de quoi être dense si j'en crois la suite du programme.

En tout état de cause, s'il s'agit de créer une agence foncière, je verrai d'un très bon œil que l'on puisse conventionner avec la région Ile-de-France pour résoudre ce problème terrible qu'est le logement des policiers dans cette région.

M. Jean-Christophe Lagarde. Très bien !

M. le ministre délégué à l'intérieur. C'est un vrai problème. Beaucoup de policiers sont formés dans notre région pour ensuite la quitter parce qu'elle est inhospitalière du point de vue des conditions matérielles de vie. Il y a là à l'évidence une piste à creuser. Je souhaite que l'on avance dans ce sens. Dominique de Villepin et moi-même ferons d'ailleurs des propositions très concrètes au président de la région Ile-de-France.

M. Christophe Caresche. Vous voulez que la région assume l'action de l'État ?

M. le ministre délégué à l'intérieur. Monsieur Caresche, vous gagneriez, vu votre jeune âge, à être parfois positif.

Monsieur Bourg-Broc, vous qui êtes un très bon connaisseur des questions communales, à la tête de l'association d'élus qui est la vôtre, vous avez eu tout à fait raison de souligner que la place de la commune et de l'intercommunalité sort renforcée des divers amendements que nous avons apportés à ce texte. C'était quelque chose de très important à mes yeux, et qui manquait sans doute dans la première version. Un certain nombre de rééquilibrages ont pu être opérés.

Je partage votre avis : ce mouvement de décentralisation est un gage d'efficacité, d'attractivité, de compétitivité. Mais, c'est vrai, nous avons un devoir, celui de compenser financièrement, à l'euro près, les transferts de compétences. À cet égard, sachez que tous les débats que nous avons eus sur la loi organique ont été l'occasion pour moi de confirmer la volonté du Gouvernement d'honorer cet engagement.

Monsieur Lagarde, quelle sévérité dans vos propos !

M. Michel Piron. Étrange, d'ailleurs !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Comme j'ai l'honneur et l'avantage de vous connaître dans la « vraie vie », celle qui n'oblige pas toujours à des postures,...

M. René Dosière. Oh !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois, et M. Alain Gest, rapporteur. Très bien !

M. le ministre délégué à l'intérieur. ...je sais que vous êtes un élu moderne, ouvert, peu adepte du sectarisme. C'est pour cela qu'en vous écoutant, je me suis dit que vous ne pouviez pas penser tout ce que vous affirmiez.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Bien sûr que non ! Il n'a pas écrit son intervention !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Vous ne pouvez pas à la fois déplorer l'obstruction du PS et critiquer à l'avance les dispositifs prévus par la Constitution dans le domaine du parlementarisme rationalisé, sauf à faire vôtre la position du « ni-ni » ! (Exclamations sur divers bancs.)

M. Jean-Christophe Lagarde. Ce n'est pas quand même pas parce qu'on change de Premier ministre que la France cessera de fonctionner...

M. le président. Monsieur Largarde !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Cela signifie que vous vous interdiriez toute perspective d'être un jour dans la position du décideur !

M. Jean-Christophe Lagarde. Non, mais j'attends le mois d'octobre !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Pourquoi n'avons-nous pas examiné ce texte au mois d'octobre, monsieur Lagarde ? J'apporterai à cette question pertinente une réponse dont j'espère qu'elle vous convaincra. Ce texte fondamental a été initié, voici dix-huit mois, à la demande du Premier ministre, par Nicolas Sarkozy et Patrick Devedjian. Nous avons pris le relais avec Dominique de Villepin pour le mener à bien. Pour qu'il entre en application le 1er janvier 2005, il sera nécessaire que des dizaines de milliers de fonctionnaires se préparent aux transferts de compétences et que d'autres rédigent avec moi les décrets d'application. Vous comprendrez donc aisément que nous ayons besoin de tout l'automne pour passer à la phase d'application.

Certains ministres pensent parfois que, lorsque le texte de loi qu'ils ont présenté au Parlement est adopté, leur travail est terminé.

M. René Dosière. Des noms !

M. le ministre délégué à l'intérieur. C'est un piège dans lequel je ne tomberai pas, car je pense exactement l'inverse : lorsque le texte est adopté, tout commence et nous devons alors être en mesure de prouver notre efficacité.

M. Christophe Caresche. On y veillera !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Ce qui compte, monsieur Largarde, c'est que les Français sachent ce qu'est l'action publique et comprennent ce que nous faisons concrètement pour eux.

M. Christophe Caresche. C'est beau comme du Sarkozy !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Car, au-delà de l'intérêt considérable de notre débat, nous savons bien qu'il n'engage que nous. Peu nombreux sont nos compatriotes qui reliront, dans la version finale du Journal officiel,...

M. Jean-Christophe Lagarde. Hélas !

M. le ministre délégué à l'intérieur. ...les déclarations que nous aurons faites : les miennes, les vôtres ou même celles de M. Caresche.

M. René Dosière. Cela dépend !

M. Christophe Caresche. Les vôtres seront lues, monsieur le ministre !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Dans ce contexte, j'ai écouté vos propos avec quelque tristesse, car je sais que, sur le terrain, vous êtes attaché à une décentralisation moderne et indulgent face à ces textes qui ont toujours des imperfections. Celui qui prend des risques mérite de la considération. J'aurais aimé entendre de votre part, monsieur Lagarde, un petit mot gentil ; peut-être le pensiez-vous, mais n'étiez pas en situation de le dire.

M. Jean-Christophe Lagarde. Vous n'avez pas tort, monsieur le ministre !

M. Guy Geoffroy. Il n'est jamais trop tard !

M. le ministre délégué à l'intérieur. M. Deprez a tenu un discours constructif. Il n'a pas oublié les encouragements, ce dont je le remercie. Je lui rends la pareille en saluant son engagement exceptionnel en faveur du développement du tourisme, dont il est un des acteurs essentiels. Sa proposition, qui vise à reconnaître plus clairement l'organisation territoriale de l'économie touristique est peut-être un peu compliquée, mais elle présente l'intérêt de marquer clairement notre engagement en faveur de l'économie touristique. Vous êtes nombreux, je le sais, à y consacrer tous vos efforts, et je saluerai en particulier le président du conseil général des Alpes-Maritimes, Christian Estrosi, qui a fait beaucoup dans ce domaine.

M. Deprez a évoqué, dans l'un de ses amendements, l'impossibilité pour les EPCI à fiscalité propre, qui réalisent des actions de promotion en faveur du tourisme, d'instituer un prélèvement direct sur le produit brut des jeux. Nous devrons trouver, sur ce point, une position équilibrée tenant compte des situations particulières. Nous aurons l'occasion d'y revenir au cours du débat.

M. Christophe Caresche. Il n'y aura pas de 49-3 ?

M. le ministre délégué à l'intérieur. Monsieur Estrosi, vous avez, avec beaucoup de talent, fait l'éloge de ce projet de loi. Militant courageux de la décentralisation, vous êtes, je le sais, personnellement très engagé dans ce domaine. Vous avez salué le travail accompli par M. Defferre voici vingt ans : vous étiez très jeune...

M. Christophe Caresche. Nous aussi !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Vous l'étiez encore plus, monsieur Caresche,  mais je ne vous ai pas entendu rendre hommage à la décentralisation Defferre, contrairement à Christian Estrosi, dont je salue l'impartialité et le courage politique. Je ne cesse, moi-même, depuis le début de ce débat, de dire du bien de Pierre Mauroy, dont le rapport de l'an 2000 nous procure une véritable rente de situation, car il nous permet de mettre les socialistes face à leurs contradictions, ce qui, il faut bien le reconnaître, même en cette heure tardive, fait un bien fou à tout le monde !

La gestion des ports de pêche et de commerce peut effectivement être améliorée. Vous proposez de la confier aux conseils généraux. J'y suis, pour ma part, très favorable. Je tenais à vous le préciser dès ce soir.

M. Christian Estrosi. Merci.

M. le ministre délégué à l'intérieur. Monsieur Caresche,...

M. Christophe Caresche. Je n'ai pas dit grand-chose !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Certes, mais cela m'a considérablement inspiré, car je m'interroge : avez-vous bien lu le projet de loi dont vous avez parlé ce soir ?

M. René Dosière. Évidemment, il l'a lu !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Quand Vous vous êtes inquiété du fait que la région Île-de-France n'y soit pas évoquée, je me suis demandé si nous parlions bien du même texte, celui qui réalise une avancée considérable en transférant les compétences du Syndicat des transports d' Île-de-France à la région.

M. Christophe Caresche. Je l'ai dit !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Mais vous balayez cela d'un revers de main, comme si c'était un détail, alors qu'il s'agit d'un progrès décisif ! Je profite d'ailleurs de cette occasion pour répondre à un certain nombre de présidents de région qu'il est totalement faux d'affirmer que nous leur enlevons leurs compétences. Dans le domaine des transports, le transfert des compétences à la région Ile-de-France est confirmé. C'est une responsabilité considérable dont, j'en suis sûr, le président de la région capitale saura se montrer digne et qu'il exercera au nom de l'intérêt général. Il va de soi que l'État accompagnera ce transfert de compétences afin qu'il se déroule le mieux possible dans l'intérêt des voyageurs d'Ile-de-France. Il est vrai que, dans ce domaine, il reste beaucoup à faire. J'avais, en un temps, proposé une carte orange à 45 euros : je regrette que mon adversaire ne s'en soit pas inspiré !

M. Christophe Caresche. On y avait déjà pensé !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec . Il y a déjà la carte Imagine'R !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Cela n'a rien à voir ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Pour conclure, je répondrai à Mme Bello et à M. Lurel qui ont longuement évoqué le sujet important de l'outre-mer, sur lequel nous n'avons pas toujours l'occasion de nous exprimer.

Madame Bello, les collectivités d'outre-mer sont soumises à un double principe. Le premier, qui n'est pas négociable, c'est leur appartenance pleine et entière à la République française. Le second, lié à leur éloignement de la métropole, suppose des organisations adaptées à celui-ci et à leur caractère insulaire. Tout cela pour dire qu'il ne faut pas se tromper de sujet. Si la Constitution prévoit bien que les DOM peuvent bénéficier d'adaptations législatives, et c'est le bon sens, elle dispose aussi que « les lois et règlements y sont applicables de plein droit ». Dans ces conditions, la décentralisation, qui est un principe de l'action publique, s'applique aussi dans les DOM.

Quant aux TOS, sujet évoqué au Sénat par M. Virapoullé, il appelle une réponse tout aussi limpide. Les établissements scolaires des DOM ne bénéficient d'aucune particularité de statut. Les procédures d'affectation des personnels y sont les mêmes qu'en métropole et, en conséquence, les écarts éventuellement constatés sont du même ordre. Mme Girardin et moi-même avons eu l'occasion de le souligner lorsque nous avons reçu les représentants des régions d'outre-mer et le président de la Réunion. Je ne peux donc qu'être défavorable aux dispositions de l'article 128 nouveau et j'en proposerai la suppression, d'autant que je les crois inconstitutionnelles.

M. Victorin Lurel. Mais non !

M. le ministre délégué à l'intérieur. S'agissant du financement des transferts de compétences, il y a effectivement un problème spécifique aux DOM, puisque la taxe spéciale sur les produits pétroliers, qui correspond à la TIPP, est une ressource déjà affectée aux conseils régionaux. En conséquence, comme pour le RMI, dont le paiement est remboursé aux départements par une dotation spéciale votée en loi de finances, des dotations spécifiques seront prévues en attendant que l'on trouve d'autres types de ressources fiscales à transférer pour qu'il n'y ait pas de perte en ligne.

Monsieur Lurel, vous avez effectivement remis à Mme Girardin et à moi-même une déclaration des présidents de région de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion, lors de notre rencontre avec le Premier ministre le 6 juillet dernier. J'apporterai des réponses précises sur les cinq points que vous avez rappelés dans votre intervention.

Vous soulignez, en premier lieu, les difficultés des régions d'outre-mer, en raison des « retards structurels en matière d'équipements, et de personnels, de services publics et en raison de l'importance du chômage ». Chacun ici déplore cette situation et nous nous employons à y remédier. Les contraintes économiques spécifiques aux régions ultramarines sont prises en compte dans des lois relatives à l'outre-mer. La loi de programme du 27 juillet 2003 a rénové le régime de la défiscalisation des investissements et mis en œuvre des exonérations spécifiques pour favoriser l'emploi. Je rappelle qu'au cours des six derniers mois, le chômage a été réduit de 7 % globalement et de 19 % pour les jeunes. Ce résultat remarquable, vous en conviendrez, est à mettre au crédit du dynamisme des agents économiques des départements d'outre-mer, mais aussi, peut-être, de la politique courageuse de notre gouvernement.

M. Jean-Pierre Balligand. Cela fait quatre ans !

M. le ministre délégué à l'intérieur. De même, la loi relative à l'octroi de mer du 2 juillet 2004 garantit aux régions et communes des départements d'outre-mer des ressources fiscales importantes. Ce dispositif fiscal spécifique est garanti pour une durée de dix ans et représente une recette annuelle moyenne de l'ordre de 750 millions d'euros.

Enfin, les régions d'outre-mer sont éligibles à l'objectif 1, qui concerne les régions  en retard de développement . À ce titre, elles bénéficient d'un montant de 3,3 milliards d'euros de fonds structurels européens sur la période 2000-2006.

Vous le voyez, monsieur Lurel, à travers l'ensemble de ces dispositifs, complétés par les mesures de rééquilibrage économique mises en place par Mme Girardin, nous avons là des réponses très concrètes, auxquelles s'ajoutent les effets péréquateurs par nature des contrats de plan.

En second lieu, vous craignez que les moyens financiers consacrés aux transferts de compétences ne soient pas à la hauteur des besoins de l'outre-mer, car ils ne prendraient en compte, avez-vous dit, ni les retards structurels ni les besoins générés par la progression démographique. Or ce projet de loi établit, ainsi que pour l'ensemble des départements et des régions métropolitaines, des transferts à 1'euro près dans le cadre de procédures parfaitement transparentes. Par ailleurs, une commission d'évaluation des charges fera un travail sérieux dans l'intérêt de toutes nos collectivités, donc de celles d'outre-mer. Chaque fois que des contraintes et caractéristiques particulières aux régions d'outre-mer sont identifiées, elles sont prises en compte par la loi relative aux responsabilités locales. Nous continuerons naturellement d'y veiller, qu'il s'agisse des transferts en matière de routes ou des rattrapages, des compensations et des rééquilibrages. Nous faisons notre devoir, comme il se doit, dans tous ces domaines, en matière de péréquation.

Sur le troisième point, les présidents des quatre régions considèrent que ce texte va obérer durablement leur capacité de développement et que la loi consacre un « divorce regrettable entre décentralisation et développement ». C'est tout à fait le contraire, monsieur le président Lurel. La décentralisation vous permettra à vous, élus locaux, de mieux gérer les affaires locales, de le faire au plus près des citoyens, et donc d'être beaucoup plus efficaces dans toutes les actions de développement que vous entendez conduire.

Quatrième point : vous contestez le transfert des TOS, mais il s'agit là d'une mesure de niveau national proposée, il y a trois ans, avec beaucoup de conviction par l'excellent Pierre Mauroy. Vous comprendrez donc que nous nous inscrivions dans cette perspective. Pour ma part, je m'opposerai, je l'ai dit tout à l'heure, à l'amendement qu'a déposé M. Virapoullé au Sénat, car les écarts relatifs au regard des TOS ne sont en rien différents de ceux que l'on peut rencontrer en métropole. En outre, je l'ai souligné, ces dispositions seraient inconstitutionnelles. (Dénégations sur les bancs du groupe socialiste.)

Vous avez enfin demandé que le Premier Ministre engage une « démarche appropriée à la prise en compte de votre situation spécifique » et souhaité une expertise permettant d'évaluer dans tous les secteurs le retard en équipements, en infrastructures, en moyens humains, ainsi que les besoins découlant de la progression démographique. Comme ce fut le cas pour la première loi de décentralisation, dite « loi Defferre », la décentralisation se fait à un moment donné et elle assure, ensuite, le transfert en fonction des critères arrêtés à une date fixe. Vouloir effectuer des transferts en fonction de critères imprécis et évolutifs rendrait complètement inapplicable toute réforme de décentralisation.

Enfin, monsieur Lurel, vous voulez absolument que nous transférions le port autonome de la Guadeloupe. Le projet de loi pose le principe général d'une décentralisation dans le domaine portuaire, à l'exclusion des ports autonomes, principe qui n'a pas été remis en cause dans le cadre de ce débat parlementaire. Cette exception se justifie par le statut même des ports autonomes, par leur vocation nationale, voire internationale, et par leur positionnement stratégique au regard de toute l'économie du pays. Dans ce contexte, l'État confirme son souhait de conserver toute sa responsabilité sur ces ports qui sont les plus importants.

Il faut bien comprendre le rôle particulier que jouent les principaux ports d'outre-mer, notamment face aux enjeux majeurs de la continuité territoriale avec la métropole. Le Parlement a donc adopté un amendement permettant éventuellement de ne pas décentraliser les ports d'intérêt national d'outre-mer. C'est encore dans cet esprit que nous nous inscrivons, d'autant que, s'agissant du port de la Guadeloupe, la structure de port autonome de l'État peut lui permettre de jouer un rôle plus important de pôle d'éclatement vers les Caraïbes. Voilà quelques bons motifs, me semble-t-il, pour que l'État conserve sa compétence et, par conséquent, pour que le Gouvernement soit défavorable à votre proposition.

Pardonnez-moi d'avoir été un peu long, mais j'ai eu à cœur de répondre précisément à vos interrogations car il me semble que, dans un débat de cette importance, rien ne doit jamais être oublié.

M. Alain Gest, rapporteur. Très bien !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. C'est du très bon travail, monsieur le ministre !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Tout doit figurer au Journal officiel de la République française. Décidément, monsieur Caresche, vous avez bien fait de nous rejoindre ce soir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Motion de renvoi en commission

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du règlement.

La parole est à M. René Dosière, pour une durée ne pouvant excéder trente minutes... mais qui peut être bien moindre. (Sourires.)

M. René Dosière. Monsieur le président, monsieur le ministre, je dois vous avouer, au moment où je prends la parole, ma grande perplexité.

M. Alain Gest, rapporteur. Je suis, moi aussi, perplexe : est-il vraiment nécessaire que vous interveniez ?

M. René Dosière. Bien entendu, monsieur Gest, et d'abord pour noter que M. le ministre a parlé d'un ton très assuré.

M. Michel Piron. Qui vous a convaincu !

M. René Dosière. Oh ! Il en a peut-être impressionné d'autres, par exemple mon ami Christophe Caresche, compte tenu de sa jeunesse. (Rires.) Pour ma part, j'ai trop d'expérience. Je me demande seulement si un ton aussi péremptoire...

M. le ministre délégué à l'intérieur. Vous parlez sans doute du ton de M. Caresche ?

M. René Dosière. ...n'est pas lié au fait que M. le ministre n'aura peut-être plus l'occasion de s'exprimer aussi longuement dans ce débat.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C'est tout le problème !

M. René Dosière. Par ailleurs, je me trouve dans une situation quelque peu inédite : ce n'est pas la première motion de renvoi en commission que je défends mais c'est sans doute la première qui sera satisfaite. (Rires.) J'ignore si vous allez la voter mais, même si, d'un point de vue juridique, elle n'est pas adoptée, je crois avoir compris que, de toute façon, nous retournerons en commission.

M. Michel Piron. Vous fantasmez !

M. René Dosière. Autrement dit, j'ai gagné par avance. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Guy Geoffroy. Et pourquoi donc ?

M. René Dosière. Il faudra bien que la commission se réunisse, monsieur Geoffroy.

M. Michel Piron. Ce n'est pas tout à fait ainsi que les choses se passeront !

M. Alain Gest, rapporteur. Mais c'est une bonne conclusion ! Il faut tirer les conséquences de votre remarque, monsieur Dosière, et vous arrêter là !

M. René Dosière. En effet, je serai un peu plus bref que prévu. Je ne développerai pas l'ensemble de mes arguments...

M. Guy Geoffroy. C'est bien !

M. René Dosière. ...car je n'ai pas besoin de vous persuader de réunir la commission : vous étiez déjà convaincus avant même que je ne prenne la parole.

Je ne rappellerai donc pas, car nous les avons suffisamment dénoncées, les conditions dans lesquelles ce débat est organisé, à supposer que l'on puisse parler d'organisation, eu égard à la manière dont il se déroule : outre l'insuffisance des temps de parole accordés, les coïncidences avec des réunions de commissions et les annonces intempestives, il n'ira vraisemblablement pas au bout et, par conséquent, l'éventuelle discussion des articles sera tout à fait virtuelle.

Il convient à cet égard de rappeler - car l'opinion pourrait être trompée - que l'ordre du jour est fixé par le Gouvernement et non par l'Assemblée. Le Gouvernement est par conséquent seul responsable de la manière dont nous travaillons et, en l'occurrence, du désordre que chacun peut constater.

Cela dit, je me contenterai de souligner les quelques points du texte qui, en l'état, appellent des remarques de notre part et sur lesquels nous aurions souhaité que nos amendements soient pris en compte, s'ils avaient été soumis à l'Assemblée.

Premièrement, nous proposons de rétablir le rôle de la région en matière de développement économique, c'est-à-dire de revenir au texte de la première lecture au nom des arguments invoqués au Sénat par le Gouvernement contre l'amendement présenté par M. Doligé. Malheureusement, en deuxième lecture, le Gouvernement ne s'y est plus opposé.

Pourquoi revenir sur cette mesure ? Tout simplement parce que nous devons avancer au même pas que les autres pays d'Europe, surtout au moment où celle-ci s'élargit, et ne pas nous crisper sur des problèmes du passé. Le maintien de la position du Sénat conduirait à de profonds dysfonctionnements et serait source de grande inefficacité dans le cadre de la construction de l'Europe élargie, en raison d'un manque de cohérence, de solidarité et de stratégie. S'il n'existe pas de taille type de la région européenne, la région n'en apparaît pas moins comme l'entité possédant la dimension nécessaire et les moyens adaptés pour assurer les principales fonctions déterminantes de la vie économique contemporaine, qu'il s'agisse du développement de sociétés de capital-risque, de l'organisation de la recherche ou de la gestion des transports, et pour promouvoir les indispensables visions stratégiques attachées au développement de ces fonctions.

De surcroît, c'est en plaçant la politique économique au niveau régional qu'on évitera les concurrences stériles entre territoires et les redondances et surinvestissements inévitables lorsque les aires d'action retenues sont trop petites pour remplir certaines fonctions.

La région apparaît en outre comme le bon niveau de conception et d'action pour articuler nombre de fonctions complémentaires dont elle a déjà la responsabilité, comme l'enseignement supérieur, la recherche, la formation professionnelle et l'apprentissage ou la gestion des transports ferroviaires. Associées à la responsabilité économique, ces cohérences s'imposent.

C'est aussi à l'échelon régional que l'État partage des responsabilités avec les collectivités territoriales, comme l'établissement du DOCUP - le document unique de programmation -, la rédaction des contrats de plan ou l'élaboration de certains schémas de développement. C'est donc au niveau des régions que peuvent être estimées les indispensables fonctions de solidarité entre territoires.

C'est enfin largement à ce niveau que peuvent se dessiner les partenariats avec les acteurs socioprofessionnels chargés de l'animation économique.

Voilà autant de motifs qui plaident en faveur du rétablissement du rôle de la région en matière de développement économique. Mais nous n'avons guère d'illusions, compte tenu de vos propos, monsieur le ministre, et du travail réalisé en commission. C'est pourquoi nous avons préparé un amendement de repli, que je me permets de présenter à l'Assemblée dès maintenant, car je ne suis pas sûr d'en avoir la possibilité demain :

« Par dérogation aux dispositions du premier alinéa de l'article 1er, la région Alsace se voit reconnaître le rôle de chef de file en matière de développement économique, dont elle est responsable sur son territoire, sous réserve des missions incombant à l'État. La région Alsace coordonne les interventions économiques des collectivités territoriales et de leurs groupements. L'extension de cette compétence à l'ensemble des régions est subordonnée aux résultats des élections régionales de 2010. »

M. Jean-Pierre Balligand. C'est logique !

M. Alain Gest, rapporteur. Et vous allez aussi nous dire que ce n'est pas de l'obstruction !...

M. René Dosière. Cet amendement de repli ne vise que l'Alsace, tant il est clair que le sort du scrutin régional a influencé la nouvelle rédaction de l'article adoptée par le Sénat en deuxième lecture. Dès lors, il nous semble cohérent de réserver à la région Alsace la compétence que le Gouvernement entendait conférer à l'ensemble des régions lorsque celles-ci étaient dirigées par des membres de la majorité parlementaire, et cela pourrait même relever d'une expérimentation. L'extension aux autres régions est subordonnée à la correspondance nécessaire entre majorité parlementaire et majorité régionale pour mettre en œuvre les transferts de compétences.

M. Jean-Pierre Balligand et M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Excellent !

M. René Dosière. Cet amendement de repli a au moins le mérite d'être clair, précis, et de rompre avec une certaine hypocrisie. (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe socialiste.) Et je ne doute pas que l'Assemblée aurait pu le voter ou le votera si elle en a le loisir.

Deuxièmement, monsieur le ministre, nous souhaitons éviter l'augmentation programmée des impôts locaux prévue dans votre texte.

M. Michel Piron. Une augmentation programmée ?...

M. René Dosière. Je vais vous expliquer, monsieur Piron.

M. Michel Piron. Ce ne sera pas facile.

M. René Dosière. C'est beaucoup plus simple que vous ne le croyez.

Le Gouvernement affirme avoir fixé des règles de compensation des transferts de compétences.

M. Michel Piron. C'est incontestable !

M. René Dosière. Mais j'ai suffisamment d'ancienneté, permettez-moi de vous le dire, pour savoir que ces règles sont identiques à celles que nous avions déjà fixées en 1983. La seule différence, c'est que vous les avez inscrites dans la Constitution...

M. Michel Piron. Tout de même !

M. René Dosière. ...alors que nous les avions laissées dans une loi ordinaire, ce qui, le cas échéant, facilitait leur modification. Mais la formulation était la même.

Nous savons - vous n'arrêtez d'ailleurs pas de nous le répéter - que les transferts de compétences de 1983 ont été insuffisamment financés. C'est à l'évidence exact s'agissant des lycées ; pour les autres transferts, c'est plus discutable, comme en témoignent les rapports disponibles à ce sujet. Mais peu importe, admettons. Les lycées ont été transférés aux régions dans un état préoccupant et, évidemment, l'État a reversé l'équivalent des dépenses qu'il engageait précédemment, pas davantage. Or la rédaction que vous proposez aujourd'hui est exactement la même qu'à l'époque : l'État reversera à l'euro près les sommes qu'il consacrait à la voirie nationale et aux personnels transférés. Nul n'en doute, monsieur Piron, mais le problème, c'est l'état dans lequel se trouve la voirie nationale.

M. Christophe Caresche. Eh oui !

M. Michel Piron. C'est un état inégal.

M. René Dosière. Quand il faudra la rénover, cela coûtera cher. Et qui paiera ?

De même, à combien s'élève le déficit en personnels TOS dans les établissements scolaires ? Monsieur Piron, je vous écoute toujours avec beaucoup d'attention, car vos propos sont invariablement intéressants et constructifs.

M. Michel Piron. Vous êtes trop aimable, mon cher collègue !

M. René Dosière. Or, tout à l'heure, vous avez laissé entendre que le transfert des personnels TOS ne posait aucun problème. L'un d'entre vous pourrait-il interroger les principaux des collèges et les proviseurs des lycées de sa circonscription pour leur demander si leurs personnels TOS sont en nombre suffisant ?

M. Michel Piron. Si vous posez la question ainsi, la réponse est claire !

M. René Dosière. Faites donc cette enquête vous-même, ou demandez à d'autres de la faire, et essayez de chiffrer les besoins : vous verrez qu'il manque du monde - Jean-Pierre Balligand a parlé de 30 000 à 35 000 agents.

M. Michel Piron. Il a peut-être un peu forcé le trait !

M. René Dosière. Ce chiffre semble un peu élevé...

M. Alain Gest, rapporteur. Voire un peu excessif !

M. René Dosière. ...mais M. Balligand a ses sources et il pourra nous les indiquer. Quoi qu'il en soit, nous savons tous qu'il manque des personnels. Et que se passera-t-il une fois le transfert réalisé ? Tout le monde va venir vous trouver pour vous demander de compléter la mise, sous peine de ne pas pouvoir faire fonctionner les équipements, et vous paierez, nous paierons, ce qui signifie, naturellement, que les Français verront augmenter leurs impôts locaux.

Entre nous soit dit, c'est d'ailleurs la raison pour laquelle l'État transfère cette charge. S'il avait suffisamment d'argent pour faire face à la tâche, il n'aurait pas besoin de la transférer.

J'ajoute que le coût de cet important transfert de personnel - il porte tout de même sur 30 000 agents de l'équipement et 80 000 TOS - sera évolutif. Bien entendu, les dotations financières ou transferts d'impôts partagés seront aussi évolutifs, mais je serais surpris qu'ils le soient autant que les dépenses de personnel, compte tenu du glissement vieillesse-technicité et de la fixation unilatérale par l'État du taux d'évolution des salaires des fonctionnaires.

Voilà pourquoi j'affirme que l'augmentation des impôts locaux est programmée : vu la nature des transferts effectués, les collectivités, on le sait dès le départ, supporteront des coûts supplémentaires, qui devront être financés par les contribuables locaux.

Il y aurait une manière de répondre à cette difficulté, c'est de prévoir, avant le transfert, une sorte d'audit pour déterminer les besoins, ce qui permettra de demander à l'État une éventuelle remise à niveau. Cela semble particulièrement justifié pour ce qui concerne les personnels, car toutes les régions ne sont pas traitées à égalité en la matière. L'outre-mer connaît de particulières difficultés, M. Lurel en a parlé longuement avec beaucoup plus de compétence que moi, mais même en métropole, il y a des écarts.

Ces deux amendements, - demandant un audit et une remise à niveau - vous les avez refusés. C'est bien dire que l'augmentation des impôts locaux est programmée !

Autre faiblesse de ce texte, l'intercommunalité reste en panne, quoi qu'en pense M. Bourg-Broc qui s'est félicité qu'elle soit prise en compte. En fait, il n'est prévu que quelques améliorations ponctuelles susceptibles de faire évoluer les choses dans certains domaines, avec aussi des aspects moins sympathiques, comme l'a souligné Jean-Pierre Balligand. Pour ma part, je vise plus loin. Les pouvoirs, les compétences, la fiscalité de l'intercommunalité ont atteint un tel niveau qu'on ne peut plus accepter que le citoyen reste en dehors du système et n'ait qu'une seule responsabilité, celle de payer des impôts locaux qui augmentent chaque année, et augmentent d'autant plus que ceux qui les décident savent parfaitement que le citoyen ne peut les contrôler.

Il faut aujourd'hui réfléchir à une phase nouvelle. Je ne prétends pas que ce soit facile, et je l'avais admis devant votre prédécesseur, monsieur le ministre, en première lecture,...

M. Alain Gest, rapporteur. C'est exact !

M. René Dosière. ...en lui suggérant de constituer, au sein du ministère, un groupe de travail sur cette nouvelle étape de la décentralisation, qui est importante mais préoccupante. D'ailleurs, les citoyens ne comprennent pas grand-chose à ce qui se passe.

Considérer ainsi l'intercommunalité serait se projeter dans l'avenir pour concevoir une véritable réforme administrative. Déjà, ce qui s'est produit en matière d'intercommunalité depuis 1992 est une véritable révolution. Reconnaissez que la gauche en est l'initiatrice, avec les lois de 1992 et 1999. J'ai cru comprendre, en entendant les discours, que tout le monde n'était pas encore convaincu que c'était une bonne chose.

M. Jean-Christophe Lagarde. C'est totalement inadapté à l' Île-de-France !

M. René Dosière. Il y aurait encore pas mal de résistances. Mais il faut avancer tout de même.

Ce texte traite beaucoup de questions importantes pour la vie quotidienne : formation professionnelle, logement, transports, etc. Pourtant, selon les sondages d'opinion et les enquêtes, les Français rejettent la décentralisation. Vous avez réussi l'exploit de leur en donner une mauvaise image !

M. Alain Gest, rapporteur. C'est de votre faute !

M. Michel Piron. Vous y avez mis du vôtre !

M. René Dosière. Certes, ils n'ont jamais montré beaucoup d'enthousiasme pour la décentralisation, même en 1982 : il a fallu un peu la leur imposer. Mais, depuis, ils ont pu se rendre compte que cela ne marchait pas si mal et ils en ont vu les réussites. Aujourd'hui - c'est votre plus grande défaite - il y a un fort recul de l'idée de décentralisation dans l'opinion publique et parmi les responsables. Les réactions à votre projet et les résultats électoraux du mois de mars - pardonnez-moi de les rappeler - le montrent bien.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C'est évident !

M. Alain Gest, rapporteur. Non, ça n'a aucun rapport !

M. René Dosière. Je pense, au contraire, que cela a joué sur les élections cantonales et régionales, même si ce n'est pas la première cause des résultats.

M. Alain Gest, rapporteur. C'est déjà bien de le reconnaître : encore un petit effort !

M. René Dosière. Vous n'avez pas choisi la bonne méthode, c'est-à-dire la voie de l'intérêt général. Quand on vous écoute, monsieur le ministre, vous et la majorité qui vous soutient, on est frappé de constater que vous ne faites qu'opposer les catégories de collectivités les unes aux autres...

Plusieurs députés du groupe UMP. Jamais !

Plusieurs députés du groupe socialiste. Toujours !

M. René Dosière. ...ou, en tout cas, que vous êtes très heureux de pouvoir les opposer ! Naturellement, vous vous réclamez du soutien de départements ou de villes dirigés par des socialistes. Je suis toujours frappé, d'ailleurs, d'entendre la droite parler en bien des socialistes lorsqu'ils sont morts, comme Léon Blum, mais jamais de leur vivant !

M. Jean Tiberi. C'est comme les socialistes avec de Gaulle !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Je n'ai pas le souvenir d'avoir dit du bien de Léon Blum !

M. Michel Piron. M. Mauroy est toujours vivant que je sache !

M. René Dosière. Ou alors, monsieur Piron, quand ils sont en dehors du jeu politique. Au cours du débat sur les retraites, combien de fois, les uns et les autres, avez-vous cité Michel Rocard ? Pourtant, lorsqu'il était au Gouvernement, vous ne l'appréciiez pas tant. Aujourd'hui, dès qu'il se montre un peu critique, vous l'adulez !

Vous nous citez donc sans cesse l'exemple des maires et des présidents de conseils généraux de gauche qui veulent défendre leur pré carré.

M. Christophe Caresche. Facile !

M. le ministre délégué à l'intérieur. C'est moche, la politique ! (Sourires.)

M. René Dosière. Nous connaissons parfaitement leur position, mais nous n'arriverons pas à faire progresser la décentralisation si nous ne gardons pas à l'esprit l'intérêt général. Il faut faire en sorte que les décisions soient prises au Parlement, à l'Assemblée nationale, même si c'est difficile du fait du cumul des fonctions, car c'est ici que l'on peut avoir une vision de l'intérêt général : les présidents de conseils généraux, eux, défendent les départements, les présidents de région, les régions, et les maires leurs villes ! Après tout, c'est leur rôle, on ne peut pas le leur reprocher. Mais nous devons, nous, aller au-delà.

Comme votre texte ne le fait pas, il est mal perçu par l'opinion. Ce n'est qu'un fatras législatif ! Même la chatte de l'Assemblée, qui doit en ce moment, par cette soirée un peu chaude, se prélasser sous la statue de Montesquieu, dans les jardins de l'hôtel de Lassay, n'y retrouverait pas ses petits ! (Sourires.)

Faisons encore un effort, mes chers collègues ! Dans quelques instants la commission va se réunir, quand vous aurez ainsi fait droit à ma demande de renvoi,...

M. Guy Geoffroy. Ne confondez pas !

M. René Dosière. Disons que je vous remercie d'avance d'accéder à ma demande de réunir la commission juste après le vote. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Soyons clairs : nous nous prononcerons, non pas sur la réunion de la commission, qui est déjà prévue, mais sur la motion de renvoi en commission. La chatte de l'Assemblée doit savoir qu'il ne s'agit pas de donner à M. Clément l'autorisation de réunir la commission, mais de décider si, réglementairement, le texte doit, oui ou non, être renvoyé en commission. (Sourires.)

La parole est à M. le président Gest. (Sourires.)

M. René Dosière. Président de quoi ?

M. Alain Gest, rapporteur. Peut-être d'un club de pétanque...

Si vous vouliez que votre demande soit plus rapidement satisfaite, monsieur Dosière, vous pouviez tout simplement vous dispenser de défendre votre motion : nous serions allés tout de suite en commission !

M. René Dosière. Nous avons encore le droit de nous exprimer dans cet hémicycle !

M. Alain Gest, rapporteur. Et vous pourrez encore le faire !

À l'article 1er, vous avez souhaité le rétablissement du texte adopté en première lecture. Vous avez encore cédé à votre quasi-obsession collective en niant le fait qu'avant même les élections cantonales et régionales, cet article posait problème. Je ne trouve rien à redire à votre amendement humoristique concernant l'Alsace...

M. Christophe Caresche. Alors, vous allez le voter !

M. Alain Gest, rapporteur. ...mais je ne suis pas certain qu'il réponde aux interrogations qu'ont toujours formulées certains de vos amis.

Ainsi, je citerai Jean-Claude Peyronnet, intervenant au Sénat : « Cet article confirme les craintes que j'avais formulées dans la discussion générale en parlant de régionalisme exacerbé. Je vois mal, en effet, comment vous pourrez interdire à la ville de Nice ou à la ville de Lyon, à l'agglomération de Nice ou à l'agglomération de Lyon, aux communautés urbaines de ces grandes villes, d'intervenir dans ce domaine, surtout compte tenu de la concurrence européenne qui se développe. Vous leur imposez un carcan étonnant en les obligeant à se conformer à un schéma régional qui ne peut que les paralyser. »

Pourquoi nier l'évidence ? Il y avait un débat très intense avant les élections, que le Sénat a entendu. Il a donc proposé une autre solution, celle de l'expérimentation, que la région Picardie, monsieur Dosière, ne manquera pas de mettre en œuvre, pour démontrer que M. Peyronnet a tort, en concevant un schéma régional laissant toute liberté aux autres catégories de collectivités. Au terme de cette expérimentation, nous aurons certainement progressé.

M. René Dosière. C'est l'illustration même de ce que j'ai dénoncé.

M. le ministre délégué à l'intérieur. Non, c'est une réponse à vos propos !

M. Alain Gest, rapporteur. Le Gouvernement de M. Jospin a, lui aussi, fait appel aux expérimentations, par exemple en matière de transports ferroviaires, et a ainsi montré qu'il avait raison puisqu'elles se sont avérées globalement positives.

Par ailleurs, vous dites que nous voulons transférer les TOS uniquement pour des raisons financières, alors que nous agissons avant tout par cohérence avec un système qui existe depuis toujours pour les communes.

M. Guy Geoffroy. C'est évident !

M. Alain Gest, rapporteur. Vous prétendez avoir essayé de trouver, apparemment sans succès, les autres raisons, les raisons de fond, pour lesquelles nous envisagions l'affectation de ces personnels auprès des collectivités territoriales.

M. René Dosière. Le rapport Mauroy !

M. Alain Gest, rapporteur. Voulez-vous que je vous en donne lecture ? Je préfère vous en dispenser, compte tenu de l'heure tardive. Cela étant, ces raisons coulent de source : cohérence et clarté dans l'exercice des compétences, meilleure évaluation des besoins et aptitude à y répondre plus rapidement. Le rapport Mauroy préconisait la mise à disposition des fonctionnaires tout en garantissant leur statut. Tel est précisément le contenu de ce projet.

M. René Dosière. Avez-vous lu ce que M. Mauroy a dit au Sénat ?

M. Alain Gest, rapporteur. M. Mauroy peut changer d'avis mais, pour ma part, je me réfère aux propositions de la commission qu'il présidait, très précisément aux points 22 et 23 concernant les transferts de personnel.

Enfin, monsieur Dosière, vous avez évoqué l'intercommunalité, qui semble être pour vous un sujet obsessionnel. À tel point que je vous soupçonne d'en rêver la nuit ! En réalité, vous vous demandez comment supprimer les communes et c'est pourquoi vous voulez faire élire les conseils des EPIC au suffrage universel. Je reconnais que vous avez le courage de vos opinions. Vous avez d'ailleurs tenu exactement les mêmes propos lors de la première lecture, ce qui prouve bien que nous en avons déjà largement débattu.

M. Michel Piron. Et comment !

M. Alain Gest, rapporteur. Le Gouvernement a fait le choix, et la majorité en est d'accord, de ne pas aller au-delà, pour l'heure, s'agissant de l'intercommunalité. Par conséquent, un renvoi en commission ne réglera rien, puisque c'est une question de principe. Vous avez le droit d'avoir un avis, souffrez que le nôtre soit différent !

M. René Dosière. D'autant que vous êtes politiquement majoritaires !

M. Alain Gest, rapporteur. Je ne suis pas de Saint-Nectaire ! (Sourires.)

Enfin, et c'est dur à entendre, vous proclamez qu'entre la décentralisation et les citoyens, le ressort est cassé. Mais à qui la faute ?

M. René Dosière. À ceux qui gouvernent !

M. Alain Gest, rapporteur. Qui est à l'origine des augmentations fiscales que nous vivons ces dernières années ? Certainement pas le gouvernement Raffarin ! Jusqu'à ce jour, tout ce que supportent les collectivités territoriales est le fruit de vos décisions. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Caricature !

M. Guy Geoffroy. Non, c'est la vérité !

M. Alain Gest, rapporteur. À ces fautes du passé s'ajoute la mystification à laquelle vous vous livrez depuis un an en mêlant sciemment les problèmes de l'éducation et ceux de la décentralisation, semant ainsi la confusion dans les esprits. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Christophe Lagarde. C'est vrai !

M. Alain Gest, rapporteur. Ne venez donc pas nous dire que, si désamour il y a, nous en portons la responsabilité. En réalité, nos concitoyens ont seulement besoin d'explications, car ils connaissent mal les responsabilités des élus locaux.

M. Guy Geoffroy. C'est un simple déficit d'information !

M. Alain Gest, rapporteur. Je suis le premier à le regretter. Je pourrais même dire que je suis, ou j'étais, payé pour le savoir !

Ne cherchez pas de mauvaises raisons au rapport difficile qu'entretiennent nos concitoyens avec la décentralisation. Car ce sont vos décisions passées et la mystification que vous avez nourrie sciemment l'année dernière qui en sont la véritable cause.

M. René Dosière. C'est un peu rapide !

M. Alain Gest, rapporteur. Et puisque le président Clément, répondant à votre demande, a annoncé que la commission allait examiner vos amendements, je vous propose, mes chers collègues, de rejeter cette motion qui n'a plus d'objet. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l'intérieur. M. Gest a fait une réponse remarquable, très convaincante, et comme lui, je suis profondément défavorable à l'adoption de cette motion de renvoi.

Pour compléter les propos du rapporteur, j'insisterai sur l'amendement que vous nous avez lu, monsieur Dosière, cette boutade visant à ce que seule l'Alsace puisse bénéficier d'un plan de développement économique.

M. René Dosière. Il a le mérite de la franchise !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Connaissant votre finesse légendaire, j'ai saisi l'allusion vaguement politicienne qui sous-tend cet amendement. Mais, parmi les milliers que l'opposition a déposés, j'avoue que celui-ci m'avait quelque peu échappé.

Si l'Alsace devait s'engager dans un processus de développement économique, elle pourrait le faire, non au regard de sa situation politique, mais dans le cadre d'une expérimentation qui est ouverte à tous les présidents de région qui le souhaiteront.

M. Christophe Caresche. Dans ce cas, pourquoi ne pas l'inscrire dans la loi ?

M. le ministre délégué à l'intérieur. Cela y figure, monsieur Caresche, mais votre esprit est tellement tourné vers la polémique que vous n'avez pas pris le temps de lire le projet. Et cette disposition s'applique également à la région Île-de-France. Vous avez bien fait d'être des nôtres ce soir, je le répète, car à défaut d'avoir lu le texte, vous aurez bénéficié d'une explication orale et gagné ainsi un temps fou !

M. Christophe Caresche. Arrêtez de donner des leçons !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Donc, monsieur Dosière, ne serait-ce que pour ce seul motif, je vous demande de retirer votre motion s'il en est encore temps. Si tel n'est pas le cas, sachez que le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Très bien !

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. Monsieur Dosière, vous avez longuement évoqué les transferts de charges et les augmentations d'impôts prétendument programmées.

En ce qui concerne les personnels, par exemple, vous avez sciemment instillé un malentendu. Vous ne pouvez laisser croire, en effet, qu'on ne transférerait aux départements et aux régions que des personnels débutants dont le coût salarial irait croissant à mesure qu'ils vieilliraient. Le transfert concerne à l'évidence des personnes de tous âges, certains en fin de carrière et d'autres débutants. Il n'y aura donc pas de charges supplémentaires. Seules des insuffisances pouvant être constatées ici ou là peuvent changer la donne. Mais, en disant cela, que faites-vous, sinon dénoncer les insuffisances de l'État centralisateur ? Si la décentralisation permet de faire mieux, permettez-nous de nous en réjouir !

M. René Dosière. Comme on se réjouit de la hausse des impôts locaux après le transfert des lycées !

M. Michel Piron. Sur le renvoi en commission, je dirai - répondant, je l'espère, aux exigences stylistiques de M. Brard - que vous craigniez que nous ne fussions convaincus avant même que vous ne prissiez la parole. (« Oh ! » sur divers bancs.) Cela me rappelle la fameuse réflexion de M. Guy Mollet : « Ils ne savent pas ce qu'ils font, mais ils savent déjà qu'ils sont d'accord. » Eh bien, nous ne sommes pas de ceux-là ! Nous n'étions pas convaincus avant de vous entendre et nous ne le sommes toujours pas après vous avoir entendu.

Quant au scepticisme de l'opinion concernant la décentralisation, il me semble que vous y êtes pour quelque chose, vous qui passez votre temps, jour après jour, matin, midi et soir, à la dénigrer. Il ne faut pas confondre le désaccord sur quelques points et la dénonciation frontale et permanente à laquelle vous vous livrez.

Pour ma part, comme je ne suis pas manichéen, je regrette profondément votre position caricaturale. Vous comprendrez donc que je ne puisse qu'inviter le groupe UMP à ne pas souscrire à votre demande. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. La démonstration faite par René Dosière a repris en grande partie les arguments que nous essayons de développer depuis le début de la discussion de ce projet, voire du précédent.

Si les réponses du ministre et du rapporteur avaient été satisfaisantes, le renvoi en commission ne serait pas nécessaire. Or nous n'avons pour toute réponse que celle d'un ministre qui n'accepte aucune remise en cause, aucune ouverture qui permettrait la plus infime amélioration du texte.

M. Guy Geoffroy. Nous avons accepté hier plusieurs dizaines d'amendements en commission !

M. André Chassaigne. À toutes les questions qui lui ont été posées depuis plusieurs jours, que ce soit sur ce projet de loi ou sur celui relatif à l'autonomie financière, le ministre oppose une attitude catégorique de fermeture, comme si ces textes, pour reprendre une expression populaire, étaient de bronze et qu'on ne pouvait y toucher.

Ce ministre, très sûr de lui, me rappelle un personnage de La Bruyère, Arrias, qui a « tout lu et tout vu ; il veut le persuader ainsi, car c'est un homme universel et il se donne pour tel. » Pas une fois le ministre ne doute.

Dans ces conditions, il ne nous reste que deux motifs d'espérer. Le premier, c'est que le renvoi en commission soit voté...

M. Michel Piron. Permettez-nous d'en douter !

M. André Chassaigne. ...afin que nous puissions pouvoir discuter à nouveau chaque article et tenter d'améliorer ce texte.

Le second est plutôt une certitude : celle d'avoir plusieurs jours de travail parlementaire devant nous.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C'est cela qui compte !

M. André Chassaigne. Nous pourrons ainsi défendre nos amendements et, dans un esprit d'ouverture, le ministre en acceptera sans aucun doute quelques-uns ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. le ministre délégué à l'intérieur. Le Sénat a adopté trente amendements issus des bancs de la gauche !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Balligand.

M. Jean-Pierre Balligand. Trente amendements ! C'est formidable, monsieur le ministre !

Je souhaite revenir un instant sur l'action économique et l'enjeu régional. Pour avoir présidé pendant plusieurs années le CNER - Conseil national des économies régionales - qui fédère les agences des villes, des départements et des régions, et pour présider aujourd'hui une agence départementale d'expansion économique,...

M. Édouard Landrain. Cumulard !

M. Jean-Pierre Balligand. Non, je suis conseiller général, c'est donc parfaitement logique.

...je sais qu'il n'est pas d'action économique possible sans pilotage par la région, ce qui n'exclut pas les agences dans les départements et dans les villes ou plutôt les agglomérations.

Je vous répète ce que j'ai dit à l'occasion de la question préalable et qui a été rappelé par René Dosière : il n'y avait rien d'indécent dans l'idée, qui était d'ailleurs celle du projet de loi originel, d'attribuer à la région le « chef-de-filat » en matière de développement économique - je préfère pour ma part le terme plus juridique d' « autorité organisatrice ». Une telle solution n'exclut en rien l'existence d'agences de développement relevant des agglomérations ou des départements. Mais la région est l'échelon le plus pertinent pour assurer les transferts technologiques, apporter un véritable soutien aux PME, articuler centres de recherche, pôles universitaires et sociétés d'investissement. Nous ne sommes pas fous et nous le savons bien, que nous soyons de gauche ou de droite : une société de capital-risque a besoin pour asseoir ses investissements d'un territoire de la taille au moins d'une petite région, parfois de deux. C'est une question de sécurité financière.

Alors, évidemment, ces problèmes sont plus sensibles dans le Limousin ou en Auvergne que dans des régions telles que l' Île-de-France, Rhône-Alpes ou PACA. Mais nous pouvons tous nous accorder pour dire que la taille régionale est le minimum nécessaire à un pilotage de l'action économique, d'autant que, disant cela, je ne fais que reprendre le projet initial de votre gouvernement et de son chef.

Ce serait peut-être tomber dans la provocation de dire que ce sont les élections qui vous ont fait changer d'avis. Je ne vous ferai donc pas cette injure, mais permettez-moi quand même de penser que cette proposition ne mérite pas d'être écartée d'un revers de la main. Ou bien ne nous parlez plus, dans ce cas, de la République des proximités, mais de la République des corporatismes, car c'est bien de cela qu'il s'agit.

Ma deuxième remarque portera sur l'intercommunalité. Elle est absente du projet, et cela depuis le début.

M. Michel Piron. Comment peut-on dire une chose pareille ?

M. Jean-Pierre Balligand. Vous le reconnaissez vous-mêmes : l'Assemblée des communautés de France, l'ADCF, que préside Marc Censi, a jugé d'emblée que l'intercommunalité était la grande absente de ce texte. Je me souviens que M. Daubresse lui-même, à l'époque rapporteur de ce projet de loi, avait reconnu que le niveau intercommunal y manquait. Il demandait même qu'arrive assez rapidement un acte III de la décentralisation, consacré à ce sujet. Je ne crois pas avoir, ce soir, travesti la pensée de M. Daubresse. Et les quelques mesures techniques relatives à l'intercommunalité que compte ce projet ne sont certes pas à la hauteur des enjeux fondamentaux que René Dosière a exposés il y a quelques instants.

Mon troisième point, que j'exposerai avec encore plus de gravité, concerne les départements. Vous aurez du mal, monsieur le ministre et monsieur le rapporteur, à faire de moi un antidépartementaliste forcené, moi qui ai été président de conseil général et qui viens d'être réélu conseiller.

C'est précisément parce que je connais la situation des départements que je suis embêté. Certains départements ont argué de la clause de compétence générale pour faire de l'action économique.

M. le président. Terminez, monsieur Balligand !

M. Christophe Caresche. Laissez-le parler, monsieur le président, c'est passionnant !

M. le président. Tous les propos qui sont tenus ici sont d'un grand intérêt. Il n'en reste pas moins que vous n'avez droit qu'à cinq minutes, monsieur Balligand.

M. Jean-Pierre Balligand. Nous pouvons, vingt ans après, avoir l'honnêteté de reconnaître que ce principe, posé par les lois de 1982-1983, n'était peut-être pas le meilleur choix. Il autorise en effet toute collectivité à exercer n'importe quelle compétence. Or les départements ont déjà à supporter la charge des SDIS, depuis leur départementalisation en 1996, date à laquelle cette question a été réglée par le ministre de l'intérieur de l'époque, M. Debré ; à quoi s'est ajouté le financement de l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA, créée par les socialistes, et celui du RMI-RMA, transféré aux départements par votre majorité. Les départements ont fini par être accablés par cette accumulation de dispositifs qui connaissent tous une très forte montée en puissance.

M. Christian Estrosi. C'est vrai !

M. Jean-Pierre Balligand. Comment, alors qu'ils ont déjà à assumer ces charges colossales, certains départements peuvent-ils, au titre de la clause de compétence générale, faire le choix d'exercer des compétences, telle l'action économique, qui ne leur sont pas dévolues par les lois Defferre de 1982 et 1983 ? Il est vrai qu'il vaut mieux, pour son image, couper des rubans pour inaugurer des bâtiments industriels plutôt qu'un centre d'action sociale...

Il faudra bien faire des choix à un moment donné. Et si nous n'aidons pas les départements à les faire, ne doutons pas que de graves difficultés attendent tous les conseils généraux de France, de gauche comme de droite : nous détenons à peu près le même nombre de présidences de conseils généraux. Or votre acte II de la décentralisation ne règle aucune de ces questions fondamentales.

Si nous vous avons proposé, par le truchement de René Dosière, le renvoi en commission de ce texte, afin que vous puissiez réexaminer quelques-uns de nos amendements, c'est que votre projet de loi a désormais perdu le peu de cohérence que conservait encore le texte originel et que cela nourrit de nombreuses inquiétudes. Libre à vous de penser que ce réexamen est inutile. Mais quand les difficultés se poseront, en particulier aux départements, vous aurez à assumer votre refus absolu d'ouvrir le jeu.

Le groupe socialiste vous demande d'accepter, dans un dernier, ou premier, sursaut de conscience, un vrai renvoi en commission, non pas simplement pour examiner rapidement les amendements déposés par notre groupe, mais pour revoir au fond ces questions centrales. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.

(La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Comme je m'y étais engagé, mes chers collègues, nous allons maintenant réunir la commission des lois, à moins que le groupe socialiste ne souhaite pas que ses amendements soient examinés : il ne s'agit en effet que d'amendements du groupe socialiste.

Je rappelle que, selon l'article 91, alinéa 10, de notre règlement, c'est au rapporteur et à moi-même qu'il revient de décider de réunir, ou non, la commission. Par esprit de dialogue et par souci d'écoute de l'opposition, je me plierai en l'espèce à la volonté du groupe socialiste.

M. Michel Piron. Quelle générosité, monsieur le président !

M. Guy Geoffroy. Quel coeur !

M. Édouard Landrain. Bel exemple d'ouverture !

M. le président. Souhaitez-vous répondre à la demande du président de la commission des lois, monsieur Dosière ?

M. René Dosière. Il est vrai, monsieur le président, que le groupe socialiste m'a mandaté...

M. le président. Pour retirer ses amendements ? (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. René Dosière. Nous n'avons pas varié depuis le début de l'examen de ce texte : en dépit des conditions difficiles dues à une mauvaise organisation de notre ordre du jour, dont le Gouvernement est responsable, nous souhaitons participer à un débat constructif pour améliorer ce texte, lui rendre la cohérence qui lui fait défaut, et traiter en profondeur des nombreuses questions qu'il ne fait qu'effleurer - ce qui justifie le grand nombre de nos amendements.

M. Christian Estrosi. C'est oui ou c'est non ?

M. René Dosière. En un mot, il s'agit, pour parodier le président Debré, de faire notre travail de parlementaire, comme nous l'avons fait à l'occasion du débat sur l'assurance maladie, ce pour quoi il nous a félicités. Or ce projet n'avait pas suscité moins d'amendements.

M. Christian Estrosi. Vous voulez ou vous ne voulez pas ?

M. René Dosière. Nous souhaitons, conformément à la volonté de notre président, étudier sérieusement ce texte en commission. Après avoir réclamé toute la journée que la commission se réunisse, nous ne pouvons qu'accepter la proposition de son président, et inviter tous nos collègues, même ceux qui ont voté contre la motion de renvoi, à retourner en commission !

M. Christian Estrosi. Eh bien voilà !

M. le président. Permettez-moi de corriger vos propos, monsieur Dosière : on peut citer le président Debré, se référer à ses déclarations : on ne le « parodie » pas !

Je pense, mes chers collègues, que, compte tenu de l'heure tardive, il est préférable de reporter à demain la suite de nos travaux dans l'hémicycle.

La suite de la discussion est donc renvoyée à la prochaine séance.

    2

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président. Vendredi 23 juillet 2004, à neuf heures trente, première séance publique :

Suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, n° 1711, relatif aux libertés et responsabilités locales :

Rapport, n° 1733, de M. Alain Gest, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

A quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

A vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-trois heures cinquante-cinq.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot