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Séance du jeudi 29 juillet 2004

53e séance de la session extraordinaire 2003-2004



PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS BAROIN,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

    1

MODERNISATION DE LA SÉCURITÉ CIVILE

Communication relative à la désignation
d'une commission mixte paritaire

M. le président. M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

              « Paris, le 28 juillet 2004

« Monsieur le président,

« Conformément à l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous faire connaître que j'ai décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de modernisation de la sécurité civile.

« Je vous serais obligé de bien vouloir, en conséquence, inviter l'Assemblée nationale à désigner ses représentants au sein de cette commission.

« J'adresse ce jour, à monsieur le président du Sénat, une demande tendant aux mêmes fins.

        « Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »

Cette communication a été notifiée à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

    2

SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

M. le président. M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel une lettre l'informant que, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, plus de soixante députés ont saisi le Conseil constitutionnel d'une demande d'examen de la conformité à la Constitution de la loi relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières.

    3

CONSEIL SUPÉRIEUR
DES FRANÇAIS DE L'ÉTRANGER

Discussion d'une proposition de loi
adoptée par le Sénat

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à modifier la loi n° 82-471 du 7 juin 1982 relative au Conseil supérieur des Français de l'étranger (nos 1498, 1775).

La parole est à M. le ministre délégué aux relations avec le Parlement.

M. Henri Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, la proposition de loi soumise aujourd'hui à votre examen vise à apporter au Conseil supérieur des Français de l'étranger une réforme nécessaire.

Le Conseil supérieur des Français de l'étranger a évolué de façon significative vers sa démocratisation.

Au début de la IVe République, les Français de l'étranger ne disposaient que de trois sièges de « conseillers de la République », confiés à des personnalités désignées. Toutefois, dès 1948, le Conseil supérieur des Français de l'étranger fut créé dans le souci d'offrir une représentation légitime, une représentation élue, aux expatriés.

La Constitution de 1958 a continué cette oeuvre en rendant constitutionnelle la représentation française hors de France. Le Conseil supérieur des Français de l'étranger devient alors un « collège unique pour l'élection des sénateurs des Français établis hors de France ».

La loi du 7 juin 1982 a achevé le travail de légitimation de la représentation des Français expatriés en instaurant l'élection des membres du Conseil supérieur des Français de l'étranger au suffrage universel direct.

Nous ne pouvons donc aujourd'hui que nous enorgueillir d'adopter la présente réforme en hommage aux 2 millions de Français expatriés qui nous représentent à l'étranger. Ceux-ci sont soutenus par le deuxième réseau diplomatique et consulaire du monde, après celui des États-Unis, et par le premier réseau culturel qui comprend les écoles françaises à l'étranger, les alliances françaises et les instituts culturels.

Si l'on veut que le nombre d'expatriés français soit suffisant face aux enjeux de la mondialisation et face à la nécessité de conquérir des marchés émergents, il est indispensable qu'ils voient leurs intérêts mieux défendus.

Il importe que nos compatriotes établis à l'étranger soient bien informés de l'importance de ce relais que représentera l'Assemblée des Français de l'étranger, aux côtés de nos postes diplomatiques et consulaires qui représentent les institutions de la République.

Ce sera à l'évidence l'un des défis de cette institution. La présente proposition de loi est une étape significative sur ce chemin. Certes, il restera encore à faire pour améliorer le système et les moyens de travail de cette assemblée. Mais le Gouvernement se félicite d'ores et déjà de pouvoir apporter sa contribution à cette œuvre consensuelle et collective.

Depuis 1948, le Conseil supérieur des Français de l'étranger relaie les préoccupations des Français établis hors de France auprès du ministre des affaires étrangères, qui en est le président. C'est en effet lui qui expose chaque année devant les membres du CSFE, réunis en session plénière annuelle ou en bureau, les grandes orientations de notre politique vis-à-vis des Français de l'étranger.

Le Premier ministre, en décembre 2002, s'exprimant devant le bureau du Conseil supérieur des Français de l'étranger, a montré tout l'intérêt qu'attachait le Gouvernement à cette institution et à ceux qu'elle représente.

Depuis que le Conseil est composé d'élus au suffrage universel, c'est-à-dire depuis 1982, le monde s'est effectivement transformé et les communautés françaises à l'étranger ont elles-mêmes profondément changé. Il fallait donc que sa composition s'adapte aux réalités d'aujourd'hui et que son organisation soit réformée.

En 2000, le Conseil supérieur a été invité à réfléchir à son organisation et à son fonctionnement interne. Il a saisi fort opportunément cette chance unique de pouvoir travailler sur sa propre réforme.

Le résultat de ce travail approfondi est devant nous, et je veux ici le saluer.

Conduit par la commission temporaire de la réforme, présidée par le sénateur Guy Penne, avec le sénateur Robert Del Picchia pour rapporteur, et dont les conclusions ont été accueillies avec un grand intérêt par Dominique de Villepin, ce travail s'est d'ores et déjà traduit par plusieurs mesures, notamment par la mise en place, en août 2003, d'une nouvelle architecture des commissions permanentes qui en rendent le fonctionnement plus dynamique.

La présente proposition de loi, dont la qualité mérite encore une fois d'être soulignée, constitue le volet législatif de la réforme. Le Conseil supérieur des Français de l'étranger apporte sa contribution à l'expression de la solidarité nationale envers les Français établis hors de France, à l'information des autorités françaises sur les difficultés et les attentes de ces derniers et au rayonnement de la France dans le monde.

Abandonner la dénomination de « Conseil supérieur », ainsi que le prévoit cette réforme, vise à conforter l'instance dans son rôle d'assemblée représentative des Français établis hors de France, ces Françaises et ces Français, citoyens à part entière, qui participent de façon concrète, quotidienne, et souvent avec courage, dans les pays où ils sont installés et auprès des peuples avec lesquels ils vivent, au rayonnement de notre pays.

Cette réforme renforcera aussi sa visibilité et sa représentativité auprès de la collectivité nationale. La carte des circonscriptions électorales devait être revue, pour tenir compte des évolutions démographiques, de la localisation des communautés françaises à travers le monde et des changements géopolitiques. Pour ne citer que deux exemples, les anomalies qui maintenaient l'Afrique du Sud isolée de son environnement géographique, ou la Birmanie séparée des neuf autres pays membres de l'ASEAN, ont ainsi été corrigées.

S'agissant du cas particulier de l'Allemagne, un rappel historique s'impose.

Le Land de Rhénanie-Palatinat relevait encore récemment de la circonscription consulaire du consulat de France à Mayence. À la fermeture de celui-ci, cette circonscription consulaire a été rattachée à celle du consulat général de France à Francfort.

Avec la nouvelle carte électorale qui vous est proposée, la Rhénanie-Palatinat devrait donc, à l'avenir, faire partie de la première circonscription électorale d'Allemagne. Cela étant, dans le cadre de l'aménagement du réseau consulaire, le moment venu, il sera encore possible, voire nécessaire, de réexaminer les délimitations des circonscriptions électorales en Allemagne. Mais cela n'est pas urgent, et je vous proposerai de rejeter l'amendement de M. René Dosière en ce sens. Il me paraît souhaitable de conserver le caractère consensuel de ce texte, que le Sénat, directement concerné, a su lui conférer.

Ont également été prises en compte les évolutions des moyens de transport et de communication, ce qui permettra aux élus de mieux remplir leur mandat en étant plus facilement en contact avec leurs électeurs. Cette plus grande proximité sera, espérons-le, de nature à raviver l'intérêt des Français établis hors de France pour les instances qui les représentent. Elle devrait favoriser une meilleure participation aux élections, conférant ainsi une légitimité accrue à cette représentation, ce dont on ne peut que se réjouir pour la vitalité de notre système démocratique.

Je sais que la nouvelle carte des circonscriptions a été établie par consensus. Elle facilitera les contacts entre les élus et l'ensemble du réseau consulaire. Forts d'une expérience de terrain reconnue, les représentants des Français établis hors de France apportent en effet à nos postes consulaires, en situation de paix comme en situation de crise, une aide précieuse et une contribution appréciée.

Cette aide, les représentants des Français établis hors de France la prodiguent notamment au sein des comités mis en place dans les ambassades et consulats pour favoriser les échanges et renforcer la proximité entre les services de l'État et les Français. Ces comités traitent des questions les plus diverses : sécurité, action sociale, bourses scolaires ou encore emploi et formation professionnelle.

En faisant une plus grande place aux élus, cette proposition de loi s'inscrit dans le sens de l'action du ministère des affaires étrangères, qui vise à les associer davantage à la définition des politiques menées, notamment dans les domaines de l'emploi, des affaires sociales et de l'enseignement, en faveur de nos compatriotes établis hors de France.

Les travaux du Conseil supérieur sont également enrichis par l'apport des membres désignés pour leurs connaissances et leurs compétences sur les questions touchant aux intérêts généraux de la France à l'étranger et des Français établis hors de France. Leur contribution particulièrement utile, par leur expertise reconnue et par leur expérience, est un élément très positif pour cette assemblée.

Enfin, par la vigilance qu'ils exercent sur les projets et propositions de loi, les sénateurs, et tout naturellement ceux qui représentent les Français établis hors de France, contribuent à l'adoption de textes qui tiennent compte opportunément des réalités spécifiques et des préoccupations particulières de nos compatriotes expatriés. À cet égard, je voudrais souligner une nouveauté : le Conseil supérieur est de plus en plus souvent sollicité pour donner un avis sur des projets du Gouvernement. Ainsi a-t-il été récemment associé à la réforme de l'immatriculation consulaire. Il a aussi examiné les textes relatifs à la fusion des listes électorales, qui permet aux Français établis hors de France de participer à l'expression du suffrage universel.

Cette réforme importante, souhaitée unanimement et de longue date par les membres du Conseil, conduira à une modification de la loi organique du 31 janvier 1976. Je puis, d'ailleurs, vous annoncer aujourd'hui que vous en serez prochainement saisis. Une proposition de loi organique, déposée dès avril 2003 et tendant à compléter et préciser le domaine de la loi en ce qui concerne les instances représentatives des Français établis hors de France, proposait déjà le changement d'appellation du Conseil supérieur des Français de l'étranger en une Assemblée des Français de l'étranger. La hiérarchie des normes en matière législative n'a donc pas été perdue de vue.

Le Sénat veille également à rappeler, à juste titre, le devoir de solidarité de la France envers nos compatriotes installés à l'étranger, particulièrement dans les moments d'épreuve, comme ce fut le cas l'an dernier en Côte d'Ivoire ou en République centrafricaine, ainsi qu'en Asie, lorsque nos compatriotes furent confrontés aux dangers de l'épidémie de pneumopathie atypique, ou plus récemment en Haïti.

L'action au bénéfice des Français établis hors de France ne peut être menée à bien sans la participation, la vigilance et le soutien de leurs élus. Notre devoir commun est d'écouter nos compatriotes, d'améliorer la qualité des services que nous leur rendons et de leur assurer la représentation la plus fidèle et la plus efficace possible. C'est pourquoi la réforme proposée ne peut que recueillir l'accord du Gouvernement. À ses yeux, elle va dans le sens souhaité en répondant concrètement et de façon parfaitement appropriée aux attentes légitimes de nos compatriotes établis hors de France, c'est-à-dire de celles et ceux qui, sur les cinq continents, représentent notre patrie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jérôme Bignon, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

M. Jérôme Bignon, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Conseil supérieur des Français de l'étranger est une institution à la fois intéressante sur le plan démocratique et originale puisque, si elle existe ailleurs dans le monde et particulièrement en Europe, elle n'est pas généralisée. Elle permet à nos compatriotes vivant hors de France, qui sont au nombre de 1,9 million, de participer à la vie nationale.

Cette institution, comme toutes les institutions représentatives - et vieillissantes -, a indiscutablement besoin de se transformer, la vie moderne faisant évoluer le rapport entre le citoyen et les institutions censées le représenter, ainsi que les techniques. Je vous rappelle que j'avais eu, il y a quelque temps, l'honneur de rapporter devant vous un texte relatif à l'instauration du vote électronique, notamment pour les Français de l'étranger vivant aux États-unis d'Amérique. C'est dire que nos compatriotes vivant à l'étranger expriment des préoccupations modernes. Bien qu'éloignés de notre pays, ils veulent continuer de participer à sa vie.

Sur les quelque 2 millions de Français qui vivent à l'étranger, 650 000 seulement sont inscrits sur les listes électorales et leur participation aux élections est relativement modeste. C'est ce qui a conduit nos collègues sénateurs, chargés de ces questions par la Constitution, à mener une réflexion longue et approfondie. Débutée en 2000, celle-ci s'est achevée par le dépôt d'une proposition de loi en 2003. Les sénateurs ont tenté de prévoir les évolutions les plus profondes possibles de manière consensuelle. C'est là l'originalité de la démarche. Monsieur le ministre, vous l'avez rappelé, la commission était présidée par M. Guy Penne, sénateur des Français de l'étranger et membre du groupe socialiste, et le rapporteur était M. Robert Del Picchia, qui fait partie de la majorité sénatoriale. C'est dire si nos collègues sénateurs avaient à cœur de s'entendre sur ces matières difficiles, qui pourraient donner lieu, si elles n'étaient pas maîtrisées, à des combats politiques. C'est le même souci qui nous anime lorsque nous tentons de faire évoluer notre règlement, dans le climat le plus consensuel possible. Saluons donc cette méthode choisie par les sénateurs, même si certains pourraient lui reprocher de n'avoir pas permis de satisfaire tous les souhaits exprimés.

M. René Dosière. Qui oserait émettre une telle réserve ? (Sourires.)

M. Jérôme Bignon, rapporteur. La recherche du consensus est parfois plus importante, dût-elle imprimer à la procédure législative un « rythme de sénateur », pour prendre le temps de la réflexion.

M. René Dosière. Attention, vous allez être méchant !

M. Jérôme Bignon, rapporteur. Je serai bref car ce texte, que la commission des lois a examiné avec beaucoup d'intérêt, lui a paru bien équilibré et ne pas devoir être modifié. Je me bornerai à rappeler, comme vient de le faire M. le ministre, les points de cette proposition de loi qui me paraissent les plus significatifs.

Ce texte comporte sept articles, qui peuvent être regroupés autour de quatre dispositions majeures. Deux d'entre elles sont purement formelles mais assez symboliques, à savoir la généralisation à tous les textes législatifs ordinaires du changement de dénomination du Conseil supérieur des Français de l'étranger en Assemblée des Français de l'étranger, dotée d'un bureau permanent, le Conseil tendant à devenir un organe délibérant aussi représentatif que possible et composé, à terme, uniquement d'élus. Une des raisons de la désaffection que l'on dénonce, à juste titre, de nos compatriotes est probablement le manque de notoriété du Conseil supérieur. En changeant sa dénomination et en la rapprochant de celle des assemblées plus classiques, l'objectif est de parvenir à le faire mieux connaître et à faire en sorte que nos compatriotes vivant à l'étranger se sentent davantage concernés par son existence.

Nos amis sénateurs ont omis de traiter un problème : l'appellation Conseil supérieur des Français de l'étranger existait dans des textes organiques. Ils n'ont pas pensé à déposer une proposition de loi organique qui aurait permis de gérer le problème globalement. Il y aura lieu de remédier à cette petite anomalie, puisque nous allons nous trouver, pendant quelques mois probablement, avec un Conseil supérieur des Français de l'étranger subsistant dans les lois organiques et une Assemblée des Français de l'étranger dans la loi ordinaire.

M. René Dosière. C'est un détail !

M. Jérôme Bignon, rapporteur. Mais la dynamique est en route et cette réforme finira par être totalement accomplie.

Deux autres mesures concernent l'organisation des opérations de désignation des délégués. La première prévoit l'institution d'un contrôle préalable de la recevabilité des déclarations de candidature à l'élection au Conseil supérieur, destiné à éviter la multiplication potentielle de contentieux. La seconde, introduite au Sénat à l'initiative du Gouvernement, ouvre la possibilité d'une organisation regroupée des opérations de vote par ambassade et par poste consulaire, parallèlement aux regroupements éventuels des postes eux-mêmes.

Parmi les modifications les plus importantes, figure celle de la composition même du CSFE. Un des points significatif est la réduction de 20 à 12 du nombre des personnalités qualifiées, nommées par le ministre des affaires étrangères. Leur voix ne sera plus que consultative.

Autres modifications : le nombre des délégués est porté de 150 à 155, le délégué de la principauté d'Andorre inclus, désormais élu et non plus désigné par le ministre des affaires étrangères, et l'actualisation de la délimitation des circonscriptions électorales au regard de l'évolution des inscriptions sur les listes. Cette adaptation de la carte électorale, d'ampleur d'ailleurs limitée, correspond exactement à celle retenue par la commission temporaire pour la réforme du CSFE, adoptée de manière consensuelle. On ne peut donc soupçonner la moindre manœuvre politicienne. Les sièges supplémentaires concernent les circonscriptions d'Amérique et de l'Asie et du Levant, passant respectivement de trente à trente-deux et de vingt et un à vingt-quatre. Compte tenu de ces deux modifications, le nombre de membres du Conseil diminuerait de quatre sièges, passant de 183, dont vingt et une personnes désignées, à 179, dont douze personnes désignées.

L'article 6 prévoit en outre que les dispositions relatives aux personnalités qualifiées et à la révision de la carte électorale ne s'appliqueront qu'à compter des renouvellements triennaux de 2006 et 2009. En revanche, les autres dispositions s'appliqueront dès l'entrée en vigueur de la loi. Lors de sa prochaine session, à la fin du mois de septembre 2004, le Conseil pourrait ainsi siéger, pour la première fois, sous l'appellation d'Assemblée des Français de l'étranger.

Telles sont les conclusions du rapport que, très succinctement, j'ai présentées devant vous, la commission des lois ayant adopté la proposition de loi telle qu'elle nous venait du Sénat. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Question préalable

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une question préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes le 29 juillet et le soleil resplendit à l'extérieur de cet hémicycle.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Que faisons-nous ici ?

M. René Dosière. La France veille et nous regarde peut-être. La « Grande Boucle » est terminée et un Américain a gagné. (Sourires.)

M. François-Michel Gonnot. Le Tour de France est terminé !

M. Bernard Accoyer. Vous êtes tout seul, monsieur Dosière, sur les bancs du groupe socialiste. Vos collègues seraient-ils déjà à la plage ?

M. René Dosière. Dans la sérénité de cet hémicycle, nous œuvrons, Gouvernement et Parlement, comme il est naturel à notre tâche, convaincus que notre peine n'est pas vaine et qu'au-delà des circonstances, c'est bien l'histoire de notre pays qui est en marche et qu'il y va de l'organisation de notre nation au service de nos compatriotes.

M. Pascal Clément, président de la commission. Nous sommes heureux de le faire !

M. René Dosière. Je ne peux faire miens les propos tenus ici même par M. de Villepin jeudi dernier, car, contrairement à lui, je considère que, avant d'entrer dans le vif du sujet, il convient de prolonger les préliminaires.

M. François-Michel Gonnot. Vous êtes un connaisseur !

M. René Dosière. En effet, comme le disait notre ministre de l'intérieur, en amour comme en politique, ils ne sont pas vains ; ils ont même leur importance.

M. Pascal Clément, président de la commission. Ca vous a plu, ça !

M. René Dosière. Comme chacun aura pu le constater, le récent recours à l'article 49, alinéa 3, de la Constitution aura permis de dégager le temps nécessaire pour examiner - dans une certaine précipitation, il est vrai, monsieur le président de la commission des lois, puisque la commission s'est réunie seulement hier et que le rapport est paru juste une demi-heure avant la séance - cette proposition de loi sénatoriale adoptée au palais du Luxembourg, il faut le rappeler, le 4 mars dernier.

Faut-il donc que ce texte soit important, pour que sa discussion intervienne durant la présente session extraordinaire, entre la réforme de l'assurance maladie et celle d'EDF, au point même, semble-t-il, d'obliger le Premier ministre à écourter le débat sur la décentralisation ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) D'ailleurs, lorsque je vois qu'il y a aujourd'hui trois fois plus de députés de l'UMP en séance - parmi lesquels son président, que je salue -...

M. François-Michel Gonnot. Il n'y a plus personne sur vos bancs !

M. Bruno Bourg-Broc. En dehors de vous, il n'y a pas un seul député socialiste dans l'hémicycle !

M. René Dosière. ...que lors de l'examen du projet de loi sur la décentralisation, je me dis qu'il s'agit donc bien là du texte phare de cette session.

M. Georges Colombier. C'est vraiment parler pour ne rien dire !

M. Jérôme Bignon, rapporteur. Et ce n'est pas gentil pour les Français !

M. René Dosière. Vous remarquerez, mes chers collègues, que les socialistes ayant le sens de la mesure, leur représentation ce matin est à la hauteur de l'importance qu'ils accordent à ce texte. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

J'avoue, cependant, qu'il y a là un mystère. Je vous ai écouté avec attention, monsieur le ministre. Vous avez sans doute lu le discours qu'avait préparé votre collègue, M. Muselier, qui ne peut être présent aujourd'hui, ce qui est dommage compte tenu de l'importance du texte, mais nous sommes toujours heureux de vous retrouver sur les bancs du Gouvernement car nous connaissons votre amitié pour l'Assemblée nationale. Mais puisque, en tant que ministre chargé des relations avec le Parlement, vous participez à la conférence des présidents, j'aurais aimé que vous nous expliquiez les motifs véritables pour lesquels il a fallu interrompre la discussion sur la décentralisation pour dégager le temps nécessaire à l'examen de ce texte fondamental et sans nul doute fondateur. Cette explication ne nous a pas été donnée mais peut-être qu'en répondant à mes interrogations éclairerez-vous la représentation nationale et, en particulier, mes collègues de l'UMP qui sont venus si nombreux participer au débat.

Je dois dire qu'à l'issue de la réunion de la commission des lois, j'ai eu le sentiment de ne pas être le seul à ne pas comprendre l'importance soudaine du texte que nous examinons aujourd'hui. Mais peut-être me trompé-je, monsieur le président de la commission ! En tout cas, c'est à ce moment-là qu'il m'a paru souhaitable de soutenir une question préalable.

Vous n'ignorez pas, mes chers collègues, que l'objet de cette procédure est, selon les termes mêmes de l'article 91 de notre règlement, de « faire décider qu'il n'y a pas lieu à délibérer ». Elle est souvent déposée pour des raisons politiques, voire politiciennes. Mais tel n'est pas le cas en l'occurrence car, comme il a été rappelé, la proposition de loi que nous examinons est consensuelle.

Je note, à ce propos, que notre rapporteur est devenu un partisan acharné des textes consensuels. Il fut un temps où le « consensus » - qui portait un autre nom quand il s'agissait de l'exécutif - aboutissait à des propositions un peu réductrices.

Mme Cerisier-ben Guiga, sénatrice socialiste qui a fait une excellente intervention à laquelle je me référerai souvent, a parlé, à propos de ce texte, d'un consensus « sur le plus petit dénominateur commun ». Très petit dénominateur, en vérité...

Je ne sais même pas, quand on voit le résultat, si l'on doit souhaiter ce type de consensus. Heureusement d'ailleurs que M. le rapporteur a été bref car il allait manifestement verser dans le persiflage. N'a-t-il pas osé dire que ce texte, que vous avez qualifié de « grand texte » ou de « texte de qualité », monsieur le ministre, résultait d'un travail mené pendant trois ans au sein d'une commission réunie à cet effet,...

M. Pascal Clément, président de la commission. Une commission ad hoc !

M. René Dosière. ...et présidée par mon excellent ami Guy Penne.

M. Pascal Clément, président de la commission. Ce n'est pas n'importe qui !

M. René Dosière. Tout à fait !

Que cette commission, très consensuelle, ait abouti, au bout de trois ans de travail, dont je ne doute pas qu'il fût acharné, au texte que nous examinons aujourd'hui, c'est vraiment, comme le faisait remarquer le rapporteur, avancer à un rythme de sénateur. Mais je ne me livrerai pas à une critique du Sénat, qui n'a pas sa place ici.

De quoi s'agit-il très concrètement ? Il faut bien, à un moment donné, entrer dans le vif du sujet.

M. Pascal Clément, président de la commission. Il serait temps !

M. René Dosière. Je ne cherche pas, mes chers collègues, à prolonger inutilement les débats (« Non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) car cette intervention m'évitera de reprendre la parole dans la suite du débat.

M. Pascal Clément, président de la commission. Cela m'étonnerait !

M. René Dosière. Comme nous avons encore quelques textes - secondaires - à examiner après celui-ci, je ne voudrais pas entraver le bon déroulement de cette session extraordinaire. Mais, comme je pense que mes collègues présents aujourd'hui ne sont pas tous familiarisés avec ces questions, il ne me semble pas inutile de faire quelques digressions et de donner quelques explications.

La présente proposition de loi a pour objet de modifier la loi de 1982 relative au Conseil supérieur des Français de l'étranger, le « CSFE ». Ce sigle est vraiment imprononçable. Il faut absolument le remplacer par « Assemblée des Français de l'étranger ». Cela sonne nettement mieux !

D'aucuns trouveront le terme un peu grandiloquent dans la mesure où les attributions de ce conseil ne sont pas changées.

Vous pourriez croire que, si je soutiens cette question préalable, c'est parce que je ne veux pas que soit modifiée la loi de 1982, que la majorité socialiste avait fait voter. Or il n'en est rien.

La loi de 1982 a certes représenté une grande avancée démocratique - tout le monde le reconnaît aujourd'hui - puisqu'elle a fait en sorte que les membres du CSFE soient désormais élus, et non plus désignés comme auparavant, et que les sénateurs représentant les Français de l'étranger soient eux-mêmes élus par ses membres. Mais ce progrès était insuffisant.

En effet, à quoi sert le CSFE, qui prendra le nom d'Assemblée des Français de l'étranger, si vous adoptez ce changement d'appellation ? Force est de reconnaître qu'il ne s'agit que d'une assemblée consultative. Je dirai même, en voulant résumer les choses de manière un peu rapide,...

M. Pascal Clément, président de la commission. Rapide, vous ? Vous n'en êtes pas capable !

M. René Dosière. ...qu'elle n'a aucun pouvoir.

Le CSFE donne son avis au Gouvernement sur les questions concernant la communauté française à l'étranger, informe les autorités françaises par des études de fond menées sur des problèmes précis, émet des vœux, des motions et des avis. Il se réunit en assemblée plénière une fois par an, le bureau permanent environ trois fois pas an, et les commissions en fonction de l'importance et de l'urgence des problèmes à traiter. Le mandat est exercé à titre bénévole et les délégués sont les interlocuteurs privilégiés des postes diplomatiques et consulaires de la communauté française à l'étranger. Bref, c'est une assemblée purement consultative.

Si je dis qu'elle n'a pas de pouvoirs, c'est parce que toutes les personnes qui y siègent, quelle que soit leur origine, nous le disent. Si vous reprenez les débats du Sénat, vous verrez que les membres de ce conseil aimeraient avoir davantage de pouvoirs. J'ai d'ailleurs quelques propositions à vous faire à ce sujet.

En dehors de son rôle consultatif, le CSFE est surtout un collège électoral car les 150 membres élus de ce conseil élisent les douze sénateurs représentant les Français établis hors de France selon un mode de scrutin proportionnel. Vous êtes tous capables de faire le calcul : cela signifie qu'il faut obtenir quarante voix pour être élu sénateur des Français de l'étranger !

M. François-Michel Gonnot. C'est bien !

M. René Dosière. Après le vote de ce texte, il en faudra peut-être quarante et une puisque le nombre des grands électeurs devrait passer de 150 à 155.

Comme l'a dit Mme Cerisier-ben Guiga au Sénat, le rôle principal, voire unique, du CSFE étant l'élection des sénateurs représentant les Français de l'étranger, cela en fait le champ clos de combats politiciens fratricides qui sont parfois, et même souvent, résolus par le clientélisme électoral. Mme Cerisier-ben Guiga fait partie du CSFE. Elle connaît donc le fonctionnement du Conseil de l'intérieur et a, elle-même, subi le test stressant de l'élection au sein de cet organisme.

Le fond du problème est donc qu'il faudrait doter le CSFE de moyens matériels, financiers et statutaires qui lui permettent de remplir pleinement son rôle.

Le peu de pouvoirs dont il dispose explique la faible participation aux élections de ses membres, d'autant qu'il faut, pour cela, s'inscrire sur une liste électorale spéciale, en plus de la liste consulaire pour participer aux élections nationales.

Comme vous le voyez, monsieur le président de la commission des lois, la Nouvelle-Calédonie n'est pas seule à connaître les listes électorales spéciales.

Il est d'autant plus dommage que vous soyez restés à la surface des choses et que vous n'ayez pas saisi l'occasion de ce texte pour approfondir la réflexion. J'en suis d'autant plus surpris que, lorsqu'a été abordée la question du vote électronique pour l'élection au CSFE, le 27 mars 2003, le secrétaire d'État aux affaires étrangères, M. Muselier, après avoir reconnu que nous avions fait « des suggestions intéressantes pour améliorer la représentation des Français de l'étranger », avait ajouté : « Le Gouvernement mène actuellement une réflexion sur un projet de loi ambitieux visant à rénover en profondeur le Conseil supérieur des Français de l'étranger et nous attendons que la commission chargée de sa réforme, présidée par le sénateur Guy Penne »...

M. Pascal Clément, président de la commission. Un ami à vous !

M. René Dosière. ...« et dont le rapporteur est le sénateur Robert Del Picchia, ait remis son rapport définitif au ministère des affaires étrangères » pour, concluait le ministre, « traiter le dispositif de manière globale ».

Manifestement, on n'accorde pas aux mots la même signification. Il est, en effet, un peu abusif de voir là une réforme globale, en profondeur, traitant l'ensemble des problèmes des Français de l'étranger. C'est dommage, car nos compatriotes établis à l'étranger sont plus de 2 millions, soit à peu près autant que la population des départements d'outre-mer, compte non tenu des erreurs statistiques de recensement. Les Français de l'étranger seront très honorés de voir qu'un texte les concernant suscite autant d'enthousiasme que les débats dans notre assemblée sur les départements d'outre-mer.

Les Français de l'étranger portent loin le rayonnement de la France. Nous ne pouvons pas négliger cette population, dont la composition change. Aujourd'hui, on a affaire beaucoup plus à des émigrés qu'à des expatriés. Ces émigrés, tout en gardant la nationalité française, sont de plus en plus soumis pour la résolution de leurs problèmes à la législation du pays dans lequel ils vivent. Mais on ne peut pas ignorer leur volonté de garder un lien avec la France, ni tous les problèmes de scolarisation rencontrés et, pour les expatriés, ceux liés à la sécurité sociale, par exemple. Il faut donc essayer de leur donner la possibilité de garder ce lien avec la France. Cela pourrait être fait par le biais de cette Assemblée des Français de l'étranger, à supposer que le mot « assemblée » ne soit pas galvaudé et corresponde à une instance disposant de véritables pouvoirs.

De ce point de vue, il faut aller beaucoup plus loin. Ce n'est pas seulement en changeant le nom du « Conseil supérieur des Français de l'étranger » que l'on augmentera la participation électorale.

Référons-nous aux propos du rapporteur du Sénat : « D'abord, il s'agit de rendre plus perceptible, plus compréhensible pour les électeurs le nom de l'assemblée qui les représente. La participation électorale ne cesse de décroître et, fait plus troublant, ceux qui accomplissent leur devoir civique ne savent pas toujours dans quelle enceinte siègent leurs élus dont, pourtant, ils connaissent le rôle éminent. Il est évident que le sigle " CFSE " ne passe pas dans l'opinion et n'est ni significatif, ni porteur en termes d'image. Il faut une formule simple, claire, facile à comprendre et à situer. »

Je doute, monsieur le ministre, que le seul changement de nom soit de nature à favoriser la participation électorale.

Sans doute serait-il préférable d'encourager d'autres systèmes de vote, notamment le vote électronique. M. Bignon a rappelé qu'il avait été également rapporteur d'un texte autorisant une expérimentation, sur lequel nous n'avons pas eu beaucoup d'évaluations. On peut cependant constater que cela n'a pas beaucoup amélioré la participation électorale, autrement dit conclure que ce vote électronique ne sert à rien. Voilà qui va rassurer le ministère de l'intérieur et lui permettre de s'opposer à une initiative prise par le ministère des affaires étrangères. On avait senti que les deux ministères n'étaient pas sur la même longueur d'onde dans cette affaire.

Je sais, monsieur le président de la commission des lois, à quel point vous êtes soucieux de l'évaluation des expérimentations. Je ne doute pas de votre vigilance pour faire procéder à une véritable évaluation des résultats de ce vote électronique, afin d'en tirer les conséquences. Compte tenu des distances, on peut sans doute améliorer les choses.

J'espère que la majorité s'est aperçue que le changement du mode de scrutin pour les élections européennes n'a pas abouti aux résultats électoraux escomptés. La défaite de la majorité a été aussi forte que s'il y avait eu une circonscription unique !

M. Pascal Clément, président de la commission. Revenez au sujet !

M. René Dosière. Je ne l'ai pas quitté !

M. Didier Migaud. Quand on parle du suffrage universel, on n'est jamais hors sujet !

M. René Dosière. Je ne suis pas hors sujet car, à l'occasion du texte sur les élections européennes et du découpage en grandes régions, vous avez privé nos compatriotes français de l'étranger de leur droit de vote. Une grande partie d'entre eux qui votaient régulièrement aux élections européennes - plus de 250 000 - n'a pas eu la possibilité de le faire. Ils étaient inscrits sur des listes consulaires, et cela ne correspondait plus à une circonscription électorale. Je ne crois pas qu'en diminuant les possibilités de vote des Français de l'étranger, on améliorera leur lien avec la France. Telle était l'une des conséquences de ce découpage.

L'expérience montre que ce découpage n'a pas été concluant en termes de campagne et de résultats. Il me semble important que nos compatriotes fixés à l'étranger et gardant leur droit de vote puissent s'exprimer.

Je ne voudrais pas que l'on m'accuse de me cantonner dans une opposition stérile, ni qu'on prétende - comme certains le font trop souvent - que les socialistes sont incapables de faire des propositions. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Comment peut-on dire cela ?

Pour être sûr que vous ne pourrez pas reprendre une nouvelle fois de telles critiques sur ce texte fondateur, je présenterai des suggestions qui démontrent que nous avons des idées. Si nous mettons en évidence quelques inconvénients liés à ce texte, nous pensons que, avec un peu d'imagination, on aurait pu aller plus loin.

M. Pascal Clément, président de la commission. Quel bavardage !

M. René Dosière. Peut-être le consensus aurait-il été un peu moins fort. Mais, si l'on avait pu résoudre réellement les problèmes des Français de l'étranger, cela n'aurait pas été plus mal. J'avais déjà exprimé ces idées à votre collègue. Sans doute n'avait-il pas eu la possibilité de bien saisir tout le sens de ces propositions. Je ne doute pas que vous y serez attentif, monsieur le ministre.

Nous suggérons tout d'abord de créer une véritable collectivité locale des Français de l'étranger. Il ne suffit pas de changer son nom : il faut modifier ses pouvoirs, lui offrir la possibilité de donner son avis sur le budget du ministère et - comme le fait le comité des finances locales, excellemment présidé par Didier Migaud, pour les textes financiers relatifs aux collectivités - sur des projets concernant les Français de l'étranger, qu'il s'agisse d'action sociale, de formation professionnelle, de gestion des bâtiments scolaires, d'action culturelle de proximité, alors que les décisions sont prises aujourd'hui dans des ministères sans le moindre avis des intéressés.

La deuxième proposition consiste à faire représenter les Français de l'étranger à l'Assemblée nationale. Pourquoi seuls des sénateurs représentent-ils les Français de l'étranger ? Pourquoi n'aurions-nous pas un certain nombre de députés représentant les Français de l'étranger ? Il s'agirait bien entendu de députés élus au suffrage universel. Dans cette assemblée, personne n'a honte du suffrage universel, personne ne le craint. Certes, il serait nécessaire de modifier la Constitution. Mais on l'a déjà fait si souvent, par exemple pour que les textes relatifs aux Français de l'étranger soient examinés en première lecture par le Sénat, ce qui est quand même surprenant, puisque c'est encore nous qui avons le dernier mot. Je dis « encore » parce que, lorsqu'on entend certains ministres parler de la « seconde assemblée », on se demande si l'on n'est pas en train de déraper. Si des députés représentaient les Français de l'étranger, l'Assemblée pourrait mieux prendre en compte leurs préoccupations.

Notre troisième proposition concerne la réforme des conditions d'élection des sénateurs représentant les Français de l'étranger. En effet, permettre que trente-neuf, quarante, quarante et une voix suffisent pour qu'un sénateur représentant les Français de l'étranger soit élu entretient - selon les propos tenus par Mme Cerisier-ben Guiga, qui parle sans doute d'expérience - les luttes fratricides, le clientélisme. En utilisant le terme de « clientélisme » pour ce type d'élection...

M. Pascal Clément, président de la commission. Si l'on avançait ?

M. René Dosière. Sur ce point, je ne veux citer rien ni personne, pour ne pas choquer. Mais nous avons tous compris ! Nous avons déjà avancé des propositions, notamment dans le cadre d'un texte sur le Sénat, pour augmenter le collège électoral des Français de l'étranger, afin qu'il soit plus représentatif et au moins égal à celui de nos départements : environ 1 500 électeurs au lieu de 150. Ce serait beaucoup plus sain pour notre démocratie.

Nous avons déjà évoqué les moyens permettant d'améliorer la participation électorale. Aussi n'y insisterai-je pas.

En grattant un peu, on doit reconnaître que l'on trouve dans ces propositions matière à améliorer fondamentalement le rôle du Conseil supérieur des Français de l'étranger. Que nous propose en fait le texte ? Au-delà du changement de nom, une disposition plus fondamentale : le remplacement des mots « bureau permanent » par « bureau » tout seul. Voilà une avancée significative, pour reprendre vos propres termes, monsieur le ministre...

M. Pascal Clément, président de la commission. Avançons !

M. René Dosière. Allons, monsieur le président de la commission ! Vous en venez à donner le sentiment que vous ne vous rendez pas compte de l'importance de cette proposition de loi !

M. Pascal Clément, président de la commission. Je le reconnais...

M. René Dosière. Voyons ! Si autant de députés de la majorité sont présents ce matin, c'est bien que ce texte est au moins aussi important que le projet relatif à la décentralisation !

L'article 2 est quant à lui essentiel : il diminue le nombre de membres désignés. Nous aurions pu espérer qu'il irait jusqu'à les supprimer : on n'aime guère les désignations dans les assemblées démocratiques. Ce n'est malheureusement pas le cas : leur nombre passe simplement de 21 à 12. Le Sénat estime que c'est là un progrès, sans pour autant oser parler de progrès significatif. Admettons qu'il s'agisse d'un petit pas. Reste que ces douze membres continuent à être désignés par le ministre des affaires étrangères. C'est là un point sur lequel nous ne pouvons être d'accord car tous les ministres ont coutume de désigner leurs amis. Il n'est qu'à voir ce qu'a donné la dernière désignation de juin 2003 : sur dix membres, on a compté neuf UMP et un seul non catalogué UMP. On sait la manière dont tous les postes de la République sont progressivement colonisés par les membres d'un même parti ; pourquoi n'en irait-il pas autrement dans une instance aussi importante que le Conseil supérieur des Français de l'étranger ? Tout cela, reconnaissons-le, n'est pas très digne.

M. Jean-Marc Nudant. Mitterrand n'a jamais nommé ses amis, c'est bien connu !

M. René Dosière. Ce n'est pas parce que d'autres ministres ont pu procéder de la même manière qu'il faut poursuivre dans cette voie. C'était précisément l'occasion d'en finir avec cette pratique. Aussi ai-je proposé, par amendements, de supprimer purement et simplement ces douze personnes désignées ou, à défaut, de faire au moins en sorte que ce puisse être 12 députés désignés par le président de l'Assemblée nationale, dont on connaît l'impartialité...

M. Jean-Marc Nudant. Cela dépend de qui préside l'Assemblée nationale !

M. René Dosière. Ce serait un premier pas qui permettrait à l'Assemblée de savoir ce qui peut se passer chez les Français de l'étranger ; après tout, nous avons des représentants dans une série d'organismes, à l'exemple de l'assemblée parlementaire de la francophonie où notre collègue Bourg-Broc anime, avec la plus grande impartialité lui aussi, tout un travail sur la francophonie à travers diverses instances. Ne serait-il pas légitime que des députés soient désignés pour siéger à l'assemblée des Français de l'étranger ? C'est ce que je propose dans un amendement de repli, dont j'espère qu'il sera accepté, même si la commission des lois, tout en le jugeant intéressant, n'en a pas voulu. C'est d'ailleurs assez curieux : la commission des lois trouve toujours mes amendements intéressants, mais les refuse systématiquement. Je préférerais l'inverse, que vous les trouviez mal ficelés ou hors sujet et que vous les reteniez !

M. Pascal Clément, président de la commission. S'ils sont mal ficelés, raison de plus pour ne pas les accepter !

M. René Dosière. L'article 4 corrige quant à lui les circonscriptions électorales tout en portant le nombre des membres de l'Assemblée des Français de l'étranger de 150 à 155. Ce changement occasionnera par le fait plusieurs modifications électorales, puisqu'il faudra désormais 41 voix et non plus 40 pour être élu. Cela change tout (Sourires.) et rend l'exercice beaucoup plus difficile : il va falloir trouver la voix qui va manquer, « faire sortir le vote », comme on dit au Québec, autrement dit faire voter les gens et trouver un délégué de plus. Et lorsque ce délégué est au fin fond de l'Afrique et qu'il faut le faire venir à Paris, c'est tout un art !

M. Pascal Clément, président de la commission. Comme faire sortir Dosière ! C'est également tout un art ! (Sourires.)

M. René Dosière. Cela dit, je ne suis pas sûr que toutes ces modifications de circonscriptions électorales aient parfaitement respecté le rapport démographique auquel le Conseil constitutionnel est très attentif : à chaque redécoupage, le Conseil appelle systématiquement l'attention sur le fait que la représentation doit être essentiellement démographique.

Pour expliquer que ce découpage était parfaitement conforme à la jurisprudence constitutionnelle, le rapporteur du Sénat a fait référence à la récente décision du Conseil sur la réforme du statut de la Polynésie. Très franchement, il ne pouvait me faire davantage plaisir : on sait les conséquences du nouveau mode de scrutin que la majorité avait voté dans l'enthousiasme, puisque notre ami Oscar Temaru a finalement battu Gaston Flosse ! Vous ne saviez pas comment vous en débarrasser, paraît-il ; c'est chose faite, grâce précisément au nouveau statut...

M. Pascal Clément, président de la commission. Revenons au sujet !

M. René Dosière. Mieux vaut donc faire attention aux changements de statut : ils ont parfois des effets imprévus !

M. Pascal Clément, président de la commission. Ça, c'est vrai !

M. René Dosière. Pour résumer,...

M. Pascal Clément, président de la commission. Oh non !

M. René Dosière. ...puisque j'en arrive à ma conclusion, et bien faire comprendre le sens du vote que nous allons émettre, je rappellerai qu'on nous propose, premièrement, de changer le nom de Conseil supérieur des Français de l'étranger en Assemblée des Français de l'étranger...

M. Jérôme Bignon, rapporteur. Ça, on le sait !

M. René Dosière. Deuxièmement, de remplacer le « bureau permanent » par un simple « bureau ». Et ces deux décisions sont d'application immédiate. Les autres ne le sont pas, puisque leur application est remise à 2006 et 2009 - ce qui montre, au passage, à quel point il était urgent de débattre de ce texte.

Le problème, c'est que la commission des lois a bien fait son travail et s'est aperçue que ces deux dispositions ne pouvaient pas s'appliquer immédiatement, pour la bonne raison qu'il manque une loi organique. Les sénateurs ont sans doute péché par précipitation et sont allés trop vite dans leur réflexion. Nous leur avions déjà donné une année supplémentaire ; il leur en aurait fallu une deuxième. Ils se seraient aperçus que les mots « Conseil supérieur des Français de l'étranger » comme les mots « bureau permanent » figurent dans des textes de loi organique...

M. Pascal Clément, président de la commission. Vous l'avez déjà dit et nous le savons !

M. René Dosière. Or une loi ordinaire, vous le savez tous, ne peut modifier une loi organique. Seule une autre loi organique peut le faire.

Je pense en particulier à la loi organique du 31 janvier 1976 - je m'étonne que les sénateurs aient pu l'oublier - sur le vote des Français établis hors de France pour l'élection du Président de la République. Que lit-on dans son article 5 ? « Chaque liste de centre est préparée par une commission administrative [...] composée d'un agent diplomatique ou consulaire [...] et de deux personnes désignées [...] par le Conseil supérieur des Français de l'étranger ou par son bureau permanent ». Ces dispositions ne peuvent être supprimées ou modifiées par une loi ordinaire.

Ainsi, les deux dispositions dites d'application immédiate ne le sont même pas et ne serviront que très modérément. Il faudra une loi organique pour qu'elles prennent véritablement effet. Et pour ce qui est des autres dispositions, le nouveau découpage prévu à l'article 2 et le changement de la composition du CSFE à l'article 4, la proposition de loi elle-même prévoit qu'elles ne seront applicables qu'en 2006.

Autrement dit, monsieur le ministre, on nous demande de voter un texte qui, dans l'immédiat, ne sert à rien puisqu'il n'aura aucune application pratique - non qu'il soit inutile : je l'ai moi-même qualifié de texte fondateur de notre République. (Sourires.) Mais faute de loi organique, il n'aura pas d'application. La session extraordinaire était-elle vraiment le meilleur moment pour l'examiner ? On peut se le demander.

Voilà pourquoi, mes chers collègues, vous pouvez sans problème voter cette question préalable qui n'a, je le répète, aucune signification politique dans la mesure où nous avons affaire à un texte consensuel. En vous demandant de la voter et en la votant moi-même, je vais sans doute causer un grand déplaisir à mes collègues sénateurs socialistes qui, sans pour autant manifester un grand enthousiasme, étaient d'accord avec ce texte qu'ils considéraient comme un petit pas. Mais si nous prenons la peine de leur expliquer ce qui leur avait échappé, à savoir que ce texte n'aura aucune portée pratique sans une loi organique nous leur laisserons, en votant cette question préalable, le temps d'élaborer une proposition de loi organique et nous pourrons alors, ensemble, dans le consensus et l'enthousiasme, voter un texte qui révolutionnera le fonctionnement de l'assemblée représentant les Français de l'étranger. Mais si vous adoptez cette proposition de loi comme l'a fait hier la commission des lois, ce ne sera finalement qu'un vote blanc.

Pour la dignité même de l'Assemblée, tâchons de voter des textes significatifs !

M. Pascal Clément, président de la commission. Raison de plus pour adopter celui-la !

M. René Dosière. Ainsi, mes chers collègues, en est-il du projet sur lequel nous aurons à nous prononcer tout à l'heure, ou encore du projet de loi relatif à la décentralisation - même s'il a, il est vrai, moins retenu votre attention -, et de quelques autres encore. Mais celui-ci, dans l'immédiat, est parfaitement inutile.

Vous êtes comme moi attachés à la dignité de l'Assemblée nationale ; vous avez vu comme nous le mal qu'a eu le Gouvernement à organiser notre ordre du jour, au point qu'il s'est vu contraint de « réduire » certains textes pour permettre la discussion sur les autres. Ne croyez-vous pas qu'il soit temps de lui demander de faire preuve d'un peu plus d'égards vis-à-vis du Parlement, de cesser de nous traiter ainsi et de nous transmettre des textes qui ne servent à rien ? En toute franchise, si l'on nous avait présenté un texte d'application immédiate, je l'aurais voté, sans enthousiasme certes, mais je l'aurais voté, comme l'ont fait nos collègues sénateurs. Notre assemblée se grandirait en refusant d'examiner un texte aussi peu consistant. Renvoyons la copie ! Nous l'adopterons lorsqu'elle aura été un tant soit peu améliorée.

C'est la raison pour laquelle, mes chers collègues, je vous invite à voter cette question préalable. Nous nous épargnerons ces plaidoiries et gagnerons ainsi de précieuses minutes...

M. Pascal Clément, président de la commission. Que vous nous avez fait perdre !

M. Jean-Marc Nudant. Et que nous continuons à perdre !

M. Jean-Marie Binetruy. Allez dire cela à vos amis sénateurs !

M. René Dosière. ...dont nous avons besoin pour adopter le texte présenté par M. Sarkozy, et qui, lui, est concrètement d'une indéniable importance.

M. Didier Migaud. Ce n'est pas davantage un grand texte !

M. René Dosière. Tout est relatif, mon cher collègue...

M. Didier Migaud. Certes !

M. le président. Ne relancez pas le débat !

M. René Dosière. On peut difficilement être moins consistant que la proposition de loi qui nous est présentée.

M. Alain Cortade. Merci, monsieur Penne !

M. René Dosière. Précisément : je n'hésiterai pas à le dire à mon ami Guy Penne. Il aura tout loisir de prendre connaissance de mes propos et saura parfaitement ce que je pense de ce texte. Je suis du reste certain qu'il n'en portera pas ombrage et qu'il trouvera que j'ai eu raison d'avoir à cœur de voter un texte applicable ; or cette proposition de loi, en l'état actuel des choses, ne l'est pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, M. Dosière ayant réussi le tour de force de parler pendant trois quarts d'heure,...

M. Jean-Marc Nudant. Pour ne rien dire !

M. Pascal Clément, président de la commission. ...je me sens capable de relever le défi et je pense que je prendrai une grosse demi-heure pour lui répondre (Sourires) tout en prenant l'engagement de ne pas être plus lassant que lui !

M. René Dosière. Ce n'est pas gentil !

M. Georges Colombier. Mais c'est la vérité !

M. Pascal Clément, président de la commission. Au préalable, je voudrais remercier le président Bernard Accoyer pour la présence massive des collègues du groupe UMP. Contrairement à ce qu'a dit M. Dosière, nous avons en effet toujours été nombreux, plus de soixante, pendant tout le débat sur la décentralisation.

M. René Dosière et M. Didier Migaud. Oh !

M. Pascal Clément, président de la commission. Ce matin encore, nos collègues sont nombreux pour l'examen de la proposition de loi sénatoriale, sur laquelle je vais m'étendre quelque peu. Je les remercie donc de leur présence. Mais il est vrai que nous leur avions annoncé une intervention particulièrement attrayante, à savoir le discours de M. René Dosière ! (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Michel Piron. C'est vrai !

M. Pascal Clément, président de la commission. Vous avez été, en effet, nombreux à vouloir assister à ce grand moment oratoire, dont vous n'êtes d'ailleurs pas sortis indemnes sur le plan intellectuel. Vous avez beaucoup appris ! (Sourires.)

Je commencerai par m'offrir, en guise de prolégomènes, une digression semblable à celle de M. Dosière sur l'amour...

M. René Dosière. Je n'ai fait que citer un bon auteur !

M. Pascal Clément, président de la commission. Je vais donc moi aussi choisir un sujet, qui n'a rien à voir avec le texte que nous examinons, mais qui sert de prétexte pour parler. D'ailleurs, le lieu où nous sommes s'y prête, car nous sommes là pour ça ! (Sourires.)

Je vous invite à méditer sur la richesse de nos provinces en attirant votre attention sur le fait que les deux premiers orateurs de cette discussion sont tous deux Picards ! Le premier fut le rapporteur, le second M. Dosière ! (Sourires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Comment une même région, la Picardie, peut-elle être à la fois la terre d'origine de notre rapporteur, sobre, synthétique mais qui dit l'essentiel, et de notre collègue Dosière, disert, bavard, aimant les digressions, adorant mettre l'accent sur les sujets qui fâchent ?

M. François Guillaume. Janus !

M. Pascal Clément, président de la commission. En un mot, un homme au caractère méridional et qui pourtant a grandi dans le Nord-Est de la France ! Quelle belle région que la Picardie ! (Sourires.)

Après ce constat qui ne manque pas d'intérêt sociologique,...

M. Michel Piron. Certes !

M. Pascal Clément, président de la commission. ...je pourrais aisément aller plus loin sur l'influence de la géographie sur la psychologie de l'homme qui devient député ! (Sourires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Michel Piron. C'est Michelet !

M. Pascal Clément, président de la commission. Je note que mon ami Michel Piron, qui connaît, comme moi, ces questions, aurait lui aussi envie de s'exprimer, et peut-être le fera-t-il ! (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il n'y a pas de raison ! Pourquoi, seul M. Dosière aurait-il le droit de monopoliser la parole dans cet hémicycle ?

M. René Dosière. Le règlement m'y autorise !

M. Pascal Clément, président de la commission. Vous n'avez pas manqué, mes chers collègues, de vous rendre compte qu'en fait M. Dosière ne s'était pas aperçu qu'il ne s'agissait pas d'un projet de loi d'origine gouvernementale, mais d'une proposition de loi !

Pas plus qu'il ne s'est aperçu que cette proposition de loi était d'origine sénatoriale, qu'elle avait été portée pendant trois ans par onze sénateurs sur douze représentants les Français de l'étranger, et que le chef d'orchestre de ce travail de qualité n'était autre que le sénateur Guy Penne.

M. René Dosière. Je l'ai dit ! Mais ce n'est pas lui qui a écrit la partition.

M. Pascal Clément, président de la commission. Le chef d'orchestre, Guy Penne, je l'explique à mes collègues, car les propos de M. Dosière ne pouvaient pas le deviner, est un membre du groupe socialiste.

M. Michel Piron. En effet !

M. Bruno Bourg-Broc. On ne l'aurait pas imaginé !

M. Pascal Clément, président de la commission. Il s'agit donc d'un ami personnel et politique de M. René Dosière. Or vous aurez noté la sévérité de M. Dosière à son égard !

M. Georges Colombier. Tout à fait !

M. Pascal Clément, président de la commission. Voyant comment les membres de cette famille politique se traitent les uns les autres, j'ai eu, je vous l'avoue, de la peine pour le sénateur Guy Penne !

M. Bruno Bourg-Broc. Pourtant, M. Guy Penne est un brave homme !

M. Pascal Clément, président de la commission. M. Dosière a été intraitable ! Il n'a fait preuve d'aucune indulgence pour un homme qui fut membre du cabinet d'un ancien président de la République. Bref, un homme éminent, quasiment ridiculisé ! J'en étais gêné pour lui. M. Dosière est allé jusqu'à dire que cette proposition se contentait de changer quelques mots et prévoyait des dispositions qui ne seraient applicables qu'en 2007, alors qu'il a fallu trois ans pour que cette proposition de loi voie le jour.

Vous savez bien, chers collègues, que la principale raison d'être de cette session extraordinaire, a été de faire plaisir au Sénat et, pour être franc, au sénateur Guy Penne, et pour conclure, au groupe socialiste du Sénat ! (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

On veut faire plaisir au groupe socialiste du Sénat, et voilà que M. Dosière s'en plaint. Voilà qui est tout de même extraordinaire !

M. René Dosière. Faites plaisir aux socialistes de l'Assemblée !

M. Pascal Clément, président de la commission. Le but de M. Dosière est de ridiculiser un groupe de sénateurs dont le chef d'orchestre est un de ses amis !

Mme Martine Aurillac. Est-il picard, lui aussi ? (Sourires.)

M. Pascal Clément, président de la commission. C'était la première observation en introduction de mon introduction !

Je ferai une deuxième observation.

M. Dosière a eu le choix entre deux motions de procédure, l'exception d'irrecevabilité et la question préalable. En optant pour cette dernière, il a fait le mauvais choix ! Quitte à bavarder, il fallait défendre l'exception d'irrecevabilité.

En choisissant la question préalable, mon cher collègue, vous avez infligé une vexation au sénateur Guy Penne en affirmant qu'il n'y avait pas lieu à délibérer sur le remarquable travail qu'il avait accompli. Vous auriez pu lui donner une leçon de droit, certes désagréable pour lui, mais qui pouvait être au premier regard fondée.

M. René Dosière. Je ne suis pas un donneur de leçon !

M. Pascal Clément, président de la commission. Au premier regard seulement, car je vais répondre à la question que vous n'avez pas posée : l'inconstitutionnalité !

Les sénateurs ont mis trois ans pour préparer une proposition de loi ordinaire. Or ils auraient dû travailler à une proposition de loi ordinaire et organique. Là, vous auriez eu un motif d'inquiétude.

Pourquoi les sénateurs ont-ils créé la nouvelle assemblée des Français de l'étranger par une proposition de loi ordinaire et non organique alors que l'appellation « Conseil supérieur des Français de l'étranger » continuera à figurer dans la loi organique relative aux élections ? Ce motif d'inconstitutionnalité n'est qu'apparent car le Conseil constitutionnel, dans sa sagesse, observant que, parfois, le Parlement allait vite, a déjà admis qu'une loi ordinaire ajoute « de la République » au titre du « Médiateur », alors que la loi organique qui lui interdit de se présenter à des élections parlementaires n'a pas, elle, été modifiée.

Je cherche en vain, mesdames, messieurs, les raisons qui ont poussé notre collègue René Dosière, à prendre la parole pour tenter de nous convaincre qu'il n'y a pas lieu à délibérer, à moins d'être comme moi habitué à ces séances de la commission des lois où ses collègues s'éclipsent sur la pointe des pieds quand il prend la parole, pour ne pas le déranger et ne revenir qu'une heure plus tard - M. Dosière parlant toujours -, sûrs d'entendre dans sa conclusion l'essentiel de son propos !

M. René Dosière. Vous devenez désagréable !

M. Pascal Clément, président de la commission. En fait, notre collègue est frappé par la maladie professionnelle du député : la logorrhée !

M. Didier Migaud. Vous semblez l'être aussi !

M. Pascal Clément, président de la commission. À des degrés divers.

M. Didier Migaud. Vous, c'est grave !

M. Pascal Clément, président de la commission. Je m'efforce de suivre ses pas ! Mais cette fois, la logorrhée a frappé très fort !

M. Didier Migaud. Parlez pour vous !

M. Pascal Clément, président de la commission. Je pourrais aller au-delà de cette approche juridique de la question...

M. Didier Migaud. Cela ne nous paraît pas utile !

M. Pascal Clément, président de la commission. Nous avons longuement écouté M. Dosière et nous avons passé un excellent moment avec lui.

M. Didier Migaud. Vous avez bu trop de café !

M. Pascal Clément, président de la commission. Il est temps d'en venir au vif du sujet en repoussant d'une main distraite cette question préalable et de nous empresser de faire plaisir à la Haute assemblée en adoptant cette proposition de loi sénatoriale qui, malgré quelques imperfections juridiques, je vous l'accorde, a le mérite d'exister ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué aux relations avec le Parlement. L'essentiel ayant été dit avec talent par Pascal Clément, je me contenterai de relever la causticité un peu solitaire de M. Dosière. En effet, au début de son intervention, il était le seul représentant du groupe socialiste. Je remarque qu'il a eu quelques légers renforts. Mais cette causticité n'a pas masqué la faiblesse de ses arguments.

Je ne peux pas laisser passer les propos de M. Dosière sur le Conseil supérieur des Français de l'étranger. Les travaux de la commission temporaire de la réforme du CSFE, je le rappelle, ont été engagés en 2000. Que cette proposition de loi soit inscrite à l'ordre du jour de la session extraordinaire n'a donc rien de choquant : c'est l'aboutissement d'un processus.

J'ai eu l'impression, monsieur Dosière, que vous regrettiez que le groupe socialiste ne soit pas maître de l'ordre du jour. Mais la Constitution confère cette maîtrise au Gouvernement, et vous comprendrez que nous en usions, dans le sens de l'intérêt général.

Vous avez par ailleurs indiqué que le rôle du CSFE était très secondaire. Ce n'est pas convenable de réduire comme vous l'avez fait son rôle. Vos propos ont sûrement dépassé votre pensée. En tout cas, c'est ce que je veux croire.

M. René Dosière. Les membres du CSFE le disent !

M. le ministre délégué aux relations avec le Parlement. Au cours de ces derniers mois, le CSFE a rendu un avis sur la réforme des institutions consulaires, sur l'enseignement, sur la fusion des listes des électeurs résidant à l'étranger, sur les passeports et les cartes d'identité, sur la carte consulaire, sur la télé-administration, bref sur un grand nombre de sujets, monsieur Dosière, qui intéressent beaucoup nos compatriotes expatriés. Il était donc malvenu de vous exprimer comme vous l'avez fait.

Vous avez également évoqué les difficultés pour nos compatriotes de voter pour les élections européennes. Je me permets de vous rappeler que 52 % de nos compatriotes expatriés le sont en Europe et qu'ils ont pu voter dans les pays partenaires où ils résident.

M. René Dosière. Je n'ai pas dit le contraire !

M. le ministre délégué aux relations avec le Parlement. Si, vous avez dit qu'ils avaient été dans l'incapacité de voter.

M. René Dosière. 250 000 !

M. le ministre délégué aux relations avec le Parlement. Quant aux élections législatives, il est toujours possible de voter par procuration. Et jamais personne n'a prétendu que c'était moins démocratique.

Je crois sincèrement, monsieur Dosière, que vous avez voulu prolonger le débat, sans parvenir à en modifier le cours. C'est la raison pour laquelle je souhaite que la question préalable soit rejetée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Pascal Clément, président de la commission. Très bien !

M. le président. Je ne suis saisi d'aucune demande d'explication de vote.

Je mets aux voix la question préalable.

(La question préalable n'est pas adoptée.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Philippe Rouault.

M. Philippe Rouault. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi sénatoriale s'inscrit dans le cadre plus général de la refonte et de la modernisation du fonctionnement du Conseil supérieur des Français de l'étranger.

Ce dernier évolue de façon significative vers la démocratisation depuis 1946. En effet, au début de la IVe République, les Français de l'étranger ne disposaient que de trois sièges de conseillers de la République confiés à des personnalités désignées. Toutefois, dès 1948, le Conseil supérieur des Français de l'étranger a été créé dans le souci d'offrir une représentation légitime et élue aux expatriés.

La Constitution de 1958 a poursuivi cette œuvre en instituant la représentation française hors de France. Le Conseil supérieur des Français de l'étranger devient alors un collège unique pour l'élection des sénateurs des Français établis hors de France. Puis la loi du 7 juin 1982 a instauré l'élection des membres du Conseil supérieur des Français de l'étranger au suffrage universel direct.

Nous ne pouvons aujourd'hui que nous féliciter de cette réforme, qui est un hommage aux Français expatriés, qui nous représentent à l'étranger. En effet, plus de l, 9 million de nos compatriotes résident à l'étranger. Ils sont soutenus par le deuxième réseau diplomatique et consulaire du monde, après celui des États-Unis, et par le premier réseau culturel, qui comprend les écoles françaises à l'étranger, les alliances françaises et les instituts culturels.

Si l'on veut que le nombre de Français expatriés soit suffisant en regard des enjeux de la mondialisation et de la nécessité de conquérir des marchés émergents pour maintenir une croissance économique, il faut leur offrir la meilleure défense possible de leurs intérêts, afin qu'ils puissent vivre pleinement leur citoyenneté.

Lors du renouvellement triennal des délégués du Conseil supérieur des Français de l'étranger le 18 juin 2000, sur les deux millions de Français établis hors de France, seuls 642 000 étaient inscrits sur les listes électorales et seuls 19 % d'entre eux dans la zone Europe-Asie-Levant ont participé au vote.

Comme l'a souligné le rapporteur, M. Jérôme Bignon, le fort taux d'abstention peut s'expliquer par une difficulté à reconnaître le rôle du Conseil supérieur des Français de l'étranger. Pourtant, par sa possibilité de donner des avis au Gouvernement sur les questions intéressant les Français installés hors de France, ses élus sont aptes à défendre les intérêts des Français expatriés.

Les compétences du Conseil supérieur des Français de l'étranger paraissent toutefois réduites, ce qui n'incline pas nos ressortissants expatriés à penser qu'ils jouent un rôle décisif dans la politique nationale. Un véritable travail de légitimation, de reconnaissance et de démocratisation est donc nécessaire.

Aujourd'hui, vingt membres de cette institution sont nommés par le ministre des affaires étrangères. Aussi, abaisser le nombre de membres désignés et limiter leur rôle à une fonction consultative apparaît comme une étape nécessaire de la réforme du CSFE.

Le point qui a suscité le plus de remous au sein de la commission des lois du Sénat est le changement de nom du Conseil supérieur des Français de l'étranger. En effet, il convient de mesurer les effets induits par la volonté du Conseil supérieur des Français de l'étranger de se renommer Assemblée des Français à l'étranger. Si, du point de vue symbolique, cette nouvelle appellation est souhaitable, la future assemblée ne détiendra pas les attributs d'une assemblée en tant que telle. Il s'agit en quelque sorte d'une concession linguistique. Il conviendra de réfléchir aux compétences dont nous souhaiterions la doter.

M. René Dosière. Ne réduisez pas l'importance de ce texte !

M. Philippe Rouault. J'ai noté l'embarras de M. Dosière face aux divergences entre les députés et les sénateurs socialistes sur cette question, que le président de la commission des lois, M. Pascal Clément, a fort bien relevées.

Cette proposition de loi votée en première lecture par le Sénat a le mérite de prendre en considération les intérêts spécifiques des Français à l'étranger et représente un pas décisif dans la mutation d'une institution vitale pour la France, notamment pour sa représentation à l'échelle mondiale. Aussi notre groupe la votera-t-il avec enthousiasme et détermination. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La discussion générale est close.

Discussion des articles

M. le président. J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte du Sénat.

Article 1er

M. le président. L'article 1er ne fait l'objet d'aucun amendement.

Je le mets aux voix.

(L'article 1er est adopté.)

Article 2

M. le président. Sur l'article 2, je suis saisi d'un amendement n° 1.

La parole est à M. René Dosière, pour soutenir cet amendement.

M. René Dosière. Il s'agit de supprimer les personnalités désignées au sein de ce Conseil, afin qu'il ne soit plus composé que de membres élus. La procédure de désignation n'est pas dans la tradition de notre République moderne. Encore en vigueur au début de notre République, quand des sénateurs étaient nommés à vie, elle est d'autant moins justifiée depuis que le Conseil supérieur des Français de l'étranger est devenu l'Assemblée des Français de l'étranger.

M. le président. Dans votre élan, monsieur Dosière, je vous suggère de soutenir également les amendements nos 2 rectifié et 3.

M. René Dosière. Volontiers !

M. le président. Vous avez la parole.

M. René Dosière. L'amendement n° 2 rectifié est un amendement de repli. Il vise à ce que tous les membres désignés soient des députés, c'est-à-dire que douze députés soient nommés par le président de l'Assemblée nationale, ce qui permettrait à celle-ci d'avoir un pied dans l'Assemblée des Français de l'étranger. Ce serait un premier pas vers une éventuelle élection - mais ceci est beaucoup plus compliqué - de députés représentant les Français de l'étranger. Ils accompliraient un travail au moins aussi utile que ceux nommés par copinage politique.

Quant à l'amendement n° 3, il s'agit également d'un amendement de repli.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les trois amendements ?

M. Jérôme Bignon, rapporteur. Avis défavorable à l'amendement n° 1. Il peut être utile de faire siéger dans cette assemblée des personnes qualifiées. J'appelle l'attention de M. Dosière sur le fait que la proposition va dans son sens, puisque leur nombre a été diminué et que leurs compétences ont été réduites à une fonction consultative. Leur présence ne peut donc qu'enrichir les débats et ajouter à la qualité de l'Assemblée des Français de l'étranger, et elle n'a pas vocation à se substituer aux membres élus.

S'agissant de l'amendement n° 2 rectifié, l'idée est intéressante, mais risque de se heurter à l'article 24 de la Constitution, qui dispose que « Les Français établis hors de France sont représentés au Sénat », donc, par des sénateurs. L'idée, qui pourrait être reprise par les sénateurs dans une réflexion ultérieure, n'est donc pas mûre.

Quant à l'amendement n° 3, le ministre des affaires étrangères paraît le plus qualifié pour désigner les personnalités qualifiées avec voix consultative. Qui mieux que lui connaît celles et ceux qui sont à même d'assurer la défense des intérêts de nos compatriotes vivant hors de France ?

Pour ces raisons, la commission a repoussé les trois amendements présentés par M. Dosière.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations avec le Parlement. Le bon sens est, à l'évidence, du côté de la commission. Même avis que le rapporteur.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 est adopté.)

Article 3

M. le président. L'article 3 ne fait l'objet d'aucun amendement.

Je le mets aux voix.

(L'article 3 est adopté.)

Article 4

M. le président. Sur l'article 4, je suis saisi d'un amendement n° 4 rectifié.

La parole est à M. René Dosière, pour soutenir cet amendement.

M. René Dosière. Il s'agit de modifier le découpage démographique afin de rétablir l'équilibre entre les deux circonscriptions électorales d'Allemagne, créées après la chute du mur de Berlin, en prévoyant cinq sièges pour chacune. En effet, pour la première circonscription, quatre sièges de délégués seraient à pourvoir pour représenter 55 697 immatriculés, tandis que dans la deuxième circonscription, six sièges sont proposés pour 52 077 immatriculés, soit près de quatre mille de moins, écart qui pourrait d'ailleurs être aggravé par une modification en projet.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jérôme Bignon, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement. L'argument lié à la démographie est certes pertinent, mais il est insuffisant. La proposition de loi tient compte non seulement de l'évolution démographique, mais aussi du contexte géopolitique, des possibilités opérationnelles de transport et des regroupements opérés dans le réseau consulaire. Je rappelle que le texte fait suite à un travail préparatoire consensuel.

M. Pascal Clément, président de la commission. Et long !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux relations avec le Parlement. Même avis. J'ai d'ailleurs déjà répondu à M. Dosière dans mon intervention.

M. le président. La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière. Monsieur le rapporteur, je ne suis pas convaincu par votre argumentation. Je pense plutôt qu'il s'agit, en session extraordinaire, d'adopter le texte le plus rapidement possible, compte tenu de son importance, quitte à sacrifier au vote conforme un amendement justifié.

J'ajoute que le vote conforme vers lequel nous nous acheminons est le fait de la présence au Sénat d'une majorité de droite. En effet, à entendre le président de la commission des lois et le rapporteur, on pourrait croire le Sénat dirigé par une majorité socialiste. Vous présentez cette proposition comme consensuelle, mais, sur les douze sénateurs qui représentent les Français de l'étranger, huit sont de droite et quatre de gauche, dont trois socialistes. Ce ne sont donc pas eux, et encore moins mon ami Guy Penne, qui sont en mesure de faire la loi au Sénat. Nous le regrettons, mais n'inversons pas les rôles.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 4.

(L'article 4 est adopté.)

Articles 5, 5 bis et 6

M. le président. Les articles 5, 5 bis et 6 ne font l'objet d'aucun amendement.

Je vais les mettre successivement aux voix.

(Les articles 5, 5 bis et 6, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

Explication de vote

M. le président. Au titre du groupe socialiste, la parole est à M. René Dosière pour une explication de vote sur l'ensemble de la proposition de loi.

M. René Dosière. Monsieur le président, mes chers collègues, je veux simplement indiquer que le groupe socialiste s'abstiendra sur l'ensemble de la proposition de loi.

Vote sur l'ensemble

M. le président. Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

(L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures quinze, est reprise à onze heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

    4

SOUTIEN À LA CONSOMMATION
ET À L'INVESTISSEMENT

Transmission et discussion du texte
de la commission mixte paritaire

M. le président. M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

              « Paris, le 21 juillet 2004

« Monsieur le président,

« Conformément aux dispositions de l'article 45, alinéa 3, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous demander de soumettre à l'Assemblée nationale, pour approbation, le texte proposé par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour le soutien à la consommation et à l'investissement.

« Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire (n° 1739).

La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur de la commission mixte paritaire.

M. Gilles Carrez, rapporteur de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire, mes chers collègues, la commission mixte paritaire a donc abouti sur le projet de loi pour le soutien à la consommation et à l'investissement, ce qui n'était pas difficile étant donné qu'elle travaillait sur un excellent texte, et chaque semaine qui passe le démontre davantage encore. Il y a deux mois environ, j'avais insisté sur le caractère opportun de ce projet, qui arrive à point nommé pour encourager le redémarrage de la croissance. Depuis lors, les événements ne cessent de le confirmer.

Je l'ai déjà dit, le texte parvient à un équilibre entre le soutien à la consommation des ménages et l'investissement des entreprises. Là aussi, on voit bien que la reprise de la croissance passe par la consommation - les chiffres du mois de juin sont excellents - et l'investissement.

Le dispositif qu'il met en place est efficace, notamment parce qu'on peut le comprendre sans avoir à trop se creuser la tête. Les Français l'ont bien compris. L'exonération totale de droits pour une donation de 20 000 euros, sans aucune formalité : voilà une mesure simple et qui marche ! Quoi de plus simple pour un chef d'entreprise, quoi de plus incitatif pour investir que l'exonération de taxe professionnelle sur les nouveaux investissements ! Mes chers collègues, si nous voulons que nos textes législatifs marchent, il faut que nos compatriotes puissent les comprendre et se les approprier.

En tant que rapporteur général du budget, j'insiste sur le fait que ce texte n'est pas coûteux.

M. Didier Migaud. Ah ça !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission mixte paritaire. C'est une grande chance !

M. Gilles Carrez, rapporteur. Il met en place un certain nombre d'avantages fiscaux ciblés, mais il vise à faire revenir la croissance, et l'on voit d'ores et déjà que nous autofinançons ces différentes mesures par le biais de l'impôt sur les sociétés et la TVA.

M. Didier Migaud. La cagnotte !

M. Gilles Carrez, rapporteur. En première lecture, l'Assemblée avait introduit un dispositif cher au président de la commission des finances visant à favoriser les dispositifs de location-accession dans le domaine du logement social par le biais, d'une part, de l'éligibilité au taux réduit de la TVA et, d'autre part, de l'exonération du foncier bâti pendant quinze ans.

M. Jean-Marc Nudant. Très bien !

M. Gilles Carrez, rapporteur. Cet amendement avait été accepté par le Gouvernement et par nos collègues du Sénat. Nous avions ainsi réparé une lacune de la loi de finances pour 2004.

Nous avions proposé un dispositif sur le financement de l'archéologie préventive, un « serpent de mer » qui revenait depuis des années. La CMP, sur la base de la proposition de l'Assemblée nationale, a trouvé la bonne formule, celle que nous avions essayé d'adopter il y a un an et demi, mais en vain.

Dorénavant, le financement reposera, pour l'essentiel, sur un adossement à la taxe locale d'équipement. Ainsi, le paiement sera proportionnel à l'investissement puisque la TLE est assise sur la surface hors œuvre nette, ce qui présente l'avantage d'équilibrer la charge entre les opérations en milieu rural ou peu dense, qui étaient très défavorisées, et celles en milieu urbain. En effet, nous avons dû résoudre des cas aberrants, comme celui d'une construction de quelques dizaines de mètres carrés en montagne, sur un terrain de plusieurs dizaines d'hectares, pour laquelle il fallait payer une redevance dix, vingt, voire cinquante fois supérieure à l'investissement lui-même ! C'était inacceptable, c'est désormais réparé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) De surcroît, le recouvrement sera efficace. La TLE existe depuis trente ans et les DDE savent donc comment s'y prendre. Enfin nous touchons au port !

Sur la base d'une nouvelle proposition du Gouvernement, nos collègues sénateurs ont considérablement amélioré le dispositif d'aide à l'emploi dans la restauration. Là aussi, il s'agit d'une véritable simplification : tous les emplois payés au SMIC dans l'hôtellerie-restauration bénéficieront d'une aide sur la base d'un forfait unique de l'ordre de 114 euros par mois. L'Assemblée avait voté un dispositif compliqué où il fallait pondérer en fonction de la part respective de la restauration et de l'hôtellerie. Autrement dit, le serveur bénéficiait de l'aide, mais pas la femme de chambre. Le système était manifestement absurde dans un hôtel-restaurant. Lorsque nous avons examiné le texte il y a un mois et demi, le Gouvernement nous avait expliqué que la contrepartie de cette aide serait, bien entendu, la sortie du SMIC hôtelier, mais on ne savait pas si les partenaires sociaux accepteraient. L'accord général qui vient d'être signé avec toute la profession permettra de sortir des centaines de milliers de salariés du SMIC hôtelier.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Absolument !

M. Gilles Carrez, rapporteur. Voilà donc, mes chers collègues de l'opposition, une nouvelle mesure de relance du pouvoir d'achat, de valorisation du travail et des bas salaires, dans un secteur qui est particulièrement créateur d'emplois. Je peux donc le dire à cette tribune aujourd'hui, nous allons voter une excellente mesure, très efficace sur l'emploi et le pouvoir d'achat. C'est un modèle de procédure puisque nous sommes partis d'un dispositif législatif qui n'avait d'intérêt que s'il était relayé par les partenaires sociaux. On a certes mis la pression sur eux, mais on a obtenu un accord. Et le dispositif marchera ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Nos collègues sénateurs ont complété le dispositif d'aide à la reprise d'activités de proximité. L'État consentait déjà pour de telles opérations, par exemple la reprise de commerces en centre-ville, une exonération de ses propres droits de mutation. Le Sénat a souhaité que les collectivités locales, qui sont aussi bénéficiaires des droits de mutation, puissent faire aussi un effort, mais sans compensation de la part du contribuable national.

La CMP a suivi le Sénat, qui avait proposé d'indexer l'épargne sur l'inflation. Elle a donc proposé de supprimer l'interdiction qui durait depuis des décennies au nom de la lutte contre l'inflation, d'indexer les prêts, notamment sur l'inflation.

Enfin, le Sénat a bénéficié de l'indulgence du Gouvernement, qui a accepté ce qu'il nous avait refusé, à savoir un amendement qui nous est cher, et qui permet au Comité professionnel de développement économique de bénéficier d'un impôt affecté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Nous avions eu cette discussion en première partie de loi de finances sans avoir gain de cause. Le dispositif que nous avions proposé a été repris.

Le texte qui, déjà au départ, était bon, simple et efficace, a encore été amélioré à l'issue d'un accord avec nos collègues sénateurs, qu'il a été facile de trouver. C'est pourquoi je vous propose, sous réserve de l'adoption d'un amendement rédactionnel que le Gouvernement a déposé à propos de l'exonération des droits de mutation décidée par les collectivités locales, de voter ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, si nous sommes d'accord sur un point, c'est bien l'intitulé de ce projet de loi relatif au « soutien à la consommation et à l'investissement ». Chacun sait bien qu'ils sont les moteurs essentiels de la croissance économique.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Ça commence bien !

M. Jean-Claude Sandrier. Malheureusement, là s'arrête notre approbation.

Comme nous l'indiquions lors du débat en première lecture, il y a une certitude : vos mesures diminueront les ressources de l'État. Mais l'incertitude est grande quant à leur impact positif sur les recettes. Ne laissez donc pas croire, comme vous venez de le faire à l'instant, que vous connaissez les résultats d'un projet avant même qu'il ne soit voté ! Dans le même temps, vous multipliez les discours alarmistes sur la dette. Après tout, ce n'est pas une nouveauté : le Gouvernement nous a déjà fait le coup quand il a diminué l'impôt sur le revenu ! C'est ce qu'un prix Nobel d'économie américain a appelé « l'économie vaudou ».

Par ailleurs, ce projet de loi comporte des dispositions qui n'auront qu'un effet très marginal : l'exonération des droits de mutation sur les dons, le déblocage anticipé de l'épargne salariale ou encore l'exonération d'impôt sur le revenu ou sur les sociétés des plus-values professionnelles réalisées à l'occasion de cessions d'activité. D'autres dispositions, comme la réduction d'impôt au titre des prêts à la consommation, présentent l'inconvénient de cumuler un effet minimum sur l'économie et un danger maximum pour le consommateur en l'incitant à l'endettement. À cet égard, la modification apportée au texte en première lecture ne suffira pas à le protéger, et le risque n'est pas imaginaire puisque, en 2003, le nombre de ménages surendettés a augmenté de 16 %.

Quant aux mesures de soutien à l'investissement, malgré l'objectif affiché, on cherche en vain les contreparties en termes d'emploi. Empêtrés dans la promesse du Président de la République de réduire à 5,5 % la TVA dans la restauration que le Gouvernement se faisait fort de tenir en 2002 ou 2003, vous avez concocté une aide, mais en refusant notre amendement visant à obtenir en contrepartie l'embauche de 40 000 personnes, ce qui correspondait pourtant strictement au chiffre annoncé par les professionnels. Ce dispositif, c'est vrai, rétablit une certaine justice, mais ne lui attribuez pas d'autre vertu.

Aucune contrepartie non plus n'est exigée pour le dégrèvement de taxe professionnelle.

Enfin, pendant que vous accordez une aide pour le maintien des activités de proximité, notamment commerciales et artisanales, vous consentez diverses facilités aux grandes surfaces, notamment en multipliant par deux les possibilités d'ouverture le dimanche.

Au total, vous présentez un projet sans envergure et contradictoire, ne comportant aucun engagement en termes d'emploi et parsemé de dispositions contradictoires.

Preuve supplémentaire de vos contradictions, vous prétendez vouloir soutenir la consommation, mais, dans le même temps, vous décidez ou annoncez des hausses de prix à la SNCF, à la RATP et à EDF. S'y ajoutent les impôts locaux, qui ont augmenté en moyenne de 4 %, et les tarifs des mutuelles qui annoncent des hausses de 6 %. En outre, le relèvement de la CSG, de la CRDS et du forfait hospitalier vont ponctionner le pouvoir d'achat des retraités et des salariés, tandis qu'une partie de la hausse du SMIC risque d'être remise en cause... En poussant, sans l'avouer, à l'allongement de la durée du travail sans augmentation des salaires, vous bloquez à la fois le pouvoir d'achat et le développement de l'emploi. Votre dureté pour les salariés et les retraités n'a d'égale, si l'on a bien compris, que votre tendresse pour les capitaux illégalement expatriés.

Certains des amendements retenus n'ont rien à voir avec l'intitulé du projet de loi.

Ainsi, la réforme de la redevance d'archéologie préventive, si elle apporte la preuve de l'échec de votre loi du 1er août 2003, ne règle aucun des problèmes et ne garantit pas, qu'il s'agisse des missions ou des ressources, la maîtrise publique alors que la connaissance scientifique de notre patrimoine historique est en jeu. Plutôt que de traiter ce sujet à la sauvette, mieux vaudrait reprendre la concertation avec les organismes, institutions et salariés concernés pour obtenir l'assurance que le caractère public des missions et des financements sera préservé, c'est-à-dire la qualité scientifique du travail de recherche.

De même, l'amendement concernant les salariés de l'Imprimerie nationale, introduit après l'article 10, n'a rien à voir avec le soutien à la consommation et à l'investissement. En effet, déposé à la hâte par le Gouvernement, il n'a même pas été présenté à l'Assemblée Nationale en première lecture. Son contenu n'a été l'objet d'aucune concertation avec les fonctionnaires et leurs organisations syndicales, qui ont pourtant des propositions à présenter quant à leur avenir. La moindre des choses serait de retirer cet amendement, qui vise à accélérer la casse d'un outil industriel national, et d'ouvrir des négociations pour aboutir à une réforme législative réfléchie et concertée. C'est ce que je vous demande au nom du groupe des député-e-s communistes et républicains.

Au total, ce projet de loi témoigne de votre enfermement dans les dogmes d'une société pour vous immuable, soumise à des lois non écrites, les lois de la nature, et ceux d'une économie que le professeur Jacquard qualifie très justement de « barbare ». Un éditorialiste d'un quotidien économique l'a décrite crûment, en expliquant qu'il faut rallonger la durée du travail car « la réalité économique internationale se chargera d'imposer sa logique du moins-disant ». Cette « logique du moins-disant » est particulièrement révélatrice de ce que devient notre société aujourd'hui : la « société du moins », en tout cas pour le plus grand nombre. Et cet éditorialiste a eu le mérite d'aller au bout du dogme en précisant : « Il faudra bien se résigner à accepter de rapprocher nos coûts de production de ceux des pays à bas coûts. »

Ce discours idéologique, qui nous invite à nous coucher devant une sorte de réalité intangible, mue par une force invisible et mystérieuse que l'homme ne pourrait dompter, est également l'expression de votre politique, enlisée dans l'acceptation d'un monde qui semble, aujourd'hui, s'autodétruire plus vite qu'il ne se construit.

Une confirmation nous en a été récemment donnée par un phénomène relativement nouveau : la croissance a de plus en plus de mal à créer de l'emploi, et pas seulement chez nous, parce que l'essentiel de ses fruits est accaparé par la rémunération du capital, et non par celle du travail, ce qui freine la consommation et l'investissement.

Oui, pour relancer l'emploi, il convient de prendre des mesures en faveur de la consommation et de l'investissement ! Elles doivent être néanmoins d'une tout autre ampleur et d'une tout autre nature que celles que vous proposez.

Des efforts sont à effectuer dans trois grandes directions.

Premièrement, les charges qu'il convient de réduire - au profit non seulement des entreprises, mais de l'ensemble de la société - sont les charges financières et les charges de rémunération du capital. Personne en effet ne saurait accepter, sans que l'on exige quoi que ce soit du capital, ou si peu, que Bouygues augmente le dividende de ses actionnaires de 39 % quand le produit intérieur brut et l'inflation augmentent de 2 %, ni qu'Aventis augmente les siens de 24 %, ou que les bénéfices nets des ciments Lafarge augmentent de 59,6 %, ceux de Renault de 28,5 %, ceux de Total de 18,3 % et, cerise sur le gâteau, que M. Michelin s'augmente de 146 % tout en annonçant 2 900 suppressions d'emplois !

De telles augmentations posent non seulement un problème d'ordre moral, alors que vous demandez un effort à la très grande majorité des Français, mais également un problème d'ordre économique. L'augmentation toujours plus forte de la rémunération du capital est en train de tuer le travail et l'investissement productif. Soutenir l'investissement, c'est donc principalement mettre en place une baisse sélective du taux d'intérêt des crédits bancaires destinés à l'investissement, en faveur notamment des PME, en contrepartie d'un engagement en termes de formation et de maintien, voire de créations d'emplois.

Le soutien à la consommation, principal facteur de croissance, est le deuxième pilier d'une politique efficace : il passe non par des cadeaux fiscaux pour quelques-uns mais par des mesures d'envergure, notamment l'augmentation des salaires et des pensions - ce qui suppose de réduire la rémunération du capital -, la baisse de la TVA, ciblée sur les produits de première nécessité et le blocage, pour une durée déterminée, des prix, tarifs et prélèvements, en premier lieu, de ceux que décident l'État et les entreprises publiques.

Le troisième et dernier grand levier à mettre en œuvre pour stopper la guerre mondiale économique consiste dans l'établissement de règles visant à orienter les capitaux vers le travail. Il en existe dans d'autres domaines. Certes, la question ne dépend pas seulement de nous, mais encore faut-il y penser ! Il conviendrait de supprimer les paradis fiscaux, d'instaurer une taxe Tobin, de créer une taxe sur les investissements directs à l'étranger et sur les délocalisations, dont le but est d'accroître le taux de profit des entreprises, ainsi qu'une taxe proportionnée aux différentiels sociaux sur les importations à faibles coûts.

Telles sont les propositions que, face aux vôtres, nous plaçons dans le débat. Elles constituent, à nos yeux, la voie sur laquelle nos sociétés doivent s'engager, pour ne pas se retrouver demain dans la situation qu'a décrite M. Dahrendorf, sociologue et économiste du parti libéral d'Allemagne que j'ai déjà cité : « Pour rester concurrentiels sur les marchés mondiaux de plus en plus importants, les États sont obligés de prendre des initiatives qui engendrent des dommages irréparables pour la cohésion des sociétés civiles. »

Pendant qu'il en est encore temps, ne convient-il pas de penser à une autre répartition des richesses, qui soit plus favorable aux revenus du travail qu'à ceux du capital ? Monsieur le ministre, vous prétendez sans cesse vouloir revaloriser le travail : voilà un bon moyen de le faire ! Parce que le projet de loi ne fait pas ce choix, nous voterons contre.

M. le président. La parole est à M. Philippe Rouault.

M. Philippe Rouault. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, c'est grâce à la consommation des ménages que nous avons échappé, l'an dernier, à la récession. Tel est le constat sur lequel a été bâti le projet de loi relatif au soutien à la consommation et à l'investissement. La consommation des ménages a progressé en effet, en 2003, de 1,7 %, alors que le produit intérieur brut ne progressait que de 0,5 %. De plus, on a observé la même année une diminution tant des investissements que des exportations.

Les chiffres du premier trimestre 2004 sont tout aussi révélateurs : c'est encore le dynamisme de la consommation qui tire la croissance, laquelle est plus forte - 0,8 %.

Les prochains mois devraient voir les investissements et les exportations repartir. Mais souhaiter un redémarrage durable de la croissance implique que l'on agisse sans tarder. Anticiper puis conforter la croissance : tel est l'objet du projet de loi. Le groupe UMP s'en réjouit. Des mesures volontaristes et pragmatiques imprègnent le texte, lesquelles tendent non seulement à stimuler la croissance économique de notre pays mais également à favoriser la création d'emplois.

Les dispositions proposées peuvent représenter un appoint significatif pour la croissance. Dans un souci d'efficacité, elles ont été sélectionnées en vertu de deux critères : le premier est la lisibilité - le rapporteur général Gilles Carrez l'a souligné - et le second, l'efficacité, pour un bon rendement de l'effet de levier.

Le coût global pour l'État des mesures de relance de la consommation serait compris entre 0,4 et 1 milliard d'euros sur deux ans, pour une augmentation à court terme de la consommation des ménages comprise entre 4 et 10 milliards d'euros, soit entre 0,25 et 0,6 point de PIB. Le rapport entre le coût et l'efficacité des diverses mesures envisagées apparaît donc relativement élevé, les effets de levier attendus étant importants.

La relation entre l'épargne et l'investissement constitue l'axe central sur lequel le texte entend agir. Tel est le sens de la réduction d'impôt sur le revenu sur les intérêts payés en 2004 et 2005, à raison de certains prêts à la consommation contractés entre le 1er mai 2004 et le 31 mai 2005. La réduction d'impôt sera égale à 25 % du montant des intérêts payés en 2004 et en 2005, soit 150 euros par an pour les prêts à la consommation.

Un tel dispositif permettra aux ménages français de ne plus culpabiliser lorsqu'ils emprunteront, leur donnant la possibilité d'investir et de faire des projets, bref de croire en l'avenir et de participer in fine à la croissance.

Une autre mesure phare, dont le groupe UMP se félicite, relève d'une véritable politique familiale : c'est l'exonération des droits de mutation, dans la limite de 20 000 euros, entre le 1er juin 2004 et le 31 mai 2005, pour les dons consentis aux enfants, aux petits-enfants ainsi qu'aux arrière-petits-enfants, voire aux neveux et nièces, pour le cas où le donateur n'a pas d'héritier en ligne directe. On ne peut pas prétendre croire à la famille et, dans le même temps, taxer à de multiples reprises le produit de toute une vie de travail, au moment précis où il pourrait servir utilement aux nouvelles générations. En accélérant le transfert d'épargne entre les générations, une telle mesure, limitée dans le temps, favorisera bel et bien la consommation. Il conviendra d'en mesurer l'impact pour vérifier si elle mérite d'être poursuivie.

De telles mesures, auxquelles s'ajoute le déblocage des réserves de participation, devraient contribuer à soutenir la consommation des ménages et donc stimuler la croissance, même si l'on ne peut exclure qu'une partie des sommes ainsi libérées reste épargnée.

Un autre point auquel le groupe UMP souscrit très fortement est l'incitation fiscale complétant le dispositif de location-accession. Bien fondamental touchant à la dignité humaine, le logement est l'un des premiers leviers d'intégration sociale, économique et culturelle. Il nous appartient de le favoriser à tout prix. Nous bénéficierons cette année de la baisse du taux d'intérêt du livret A, laquelle nous permettra de construire plus de logements que les années précédentes. Le nouveau prêt social locatif d'accession complète le prêt à taux zéro, qui est un véritable succès. La loi de finances avait fixé un volume de 10 000 prêts. Les avantages en sont un taux de TVA de 5,5 %, une exonération de la taxe sur le foncier bâti pendant quinze ans et la possibilité de repasser de l'accession à la location, en cas de difficulté familiale ou professionnelle. La loi de finances, en revanche, ne précisait pas les conditions d'exonération fiscale. C'est désormais chose faite, grâce à un amendement déposé à l'initiative du président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, Pierre Méhaignerie.

Le groupe UMP se réjouit que le texte accompagne également les entreprises dans la création d'emplois, notamment en incitant les employeurs à revaloriser les salaires les plus bas dans le secteur de la restauration et de l'hôtellerie, secteur où, depuis de nombreuses années, quelque 70 000 offres d'emploi ne sont pas satisfaites. Chacun sait ici que c'est la dureté du travail combinée à une rémunération inadéquate à l'effort fourni qui provoque une pénurie de main-d'œuvre. Nous approuvons donc pleinement les mesures qui tendent à réduire les charges dans ce secteur et accompagnent la sortie du SMIC hôtelier. Les offres d'emploi seront alors plus attrayantes. Un nombre d'autant plus grand de personnes souhaitera travailler dans ce secteur qu'elles seront mieux rémunérées.

Une autre mesure phare, d'un impact budgétaire limité en 2005, mais très coûteuse en 2006 et 2007, est le dégrèvement temporaire de la taxe professionnelle afférente à certains investissements réalisés entre le 1er janvier 2004 et le 30 juin 2005. Les députés UMP se félicitent d'un tel dispositif, qui permettra de libérer la capacité d'investissement de nos entreprises, en attendant le remplacement de la taxe professionnelle par un nouveau dispositif qui ne pénalise pas l'industrie et qui prenne mieux en compte la diversité des activités économiques. Il s'agissait là d'une ardente nécessité.

Quant à l'exonération de l'impôt sur la plus-value et de la part de l'État des droits de mutation en cas de cession d'un fonds de commerce, en vue de stimuler le petit commerce dans les centres-villes et dans les bourgs, elle a le mérite d'exister. Il conviendra d'en évaluer l'impact.

Enfin, le groupe UMP souscrit avec force à la mise en place d'un nouveau système destiné à pallier les difficultés liées au mode de calcul de la redevance d'archéologie préventive. Telle qu'elle est aujourd'hui calculée, cette redevance conduit à des aberrations qui constituent un frein à l'investissement. Ainsi, pour une opération qui ne consiste qu'en la création de quelques mètres carrés mais dont le terrain d'assiette compte plusieurs hectares, la redevance d'archéologie est souvent d'un montant prohibitif et peut remettre en cause l'économie même du projet.

La reprise économique est annoncée. Elle tient pour une large part à la bonne tenue de la consommation des ménages, mais cette tendance reste fragile du fait d'un certain nombre de menaces : augmentation des prix du pétrole, hausse des taux d'intérêt ou dérapage toujours possible des prix.

Le projet de loi sur le soutien à la consommation et à l'investissement vient donc opportunément conforter une évolution favorable. Les diverses mesures que ce plan met en œuvre sont adaptées à notre faible marge de manœuvre budgétaire. Elles constituent autant de signaux positifs de nature à rétablir la confiance.

Pour toutes ces raisons, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le groupe UMP apportera un large soutien au projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je me limiterai à quelques brèves observations générales, laissant à Patrick Bloche et à Marc Dolez le soin d'aborder des sujets précis - l'archéologie préventive et l'imprimerie nationale.

Monsieur le secrétaire d'État, la navette législative et la CMP n'ont pas changé l'appréciation que nous portions sur votre texte en première lecture. Il est fait de petites mesures - nous avons déjà eu l'occasion de montrer -, qui ne sont malheureusement pas susceptibles de soutenir la consommation et l'investissement. Ces mesures sont, en outre, particulièrement ciblées, comme le sont presque toutes les mesures que vous prenez depuis deux ans et demi. Elles vont toujours dans le même sens. Elles sont profondément injustes puisqu'une bonne partie de la population française n'est pas concernée, alors que c'est cette partie-là de la population qu'il conviendrait d'aider en vue de soutenir la consommation.

Telle est la raison pour laquelle, monsieur le président, nous n'avons pas multiplié les demandes d'intervention. Ce n'est pas la peine de donner de l'importance à un texte qui n'en a pas ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Quel mépris !

M. Didier Migaud. Nous ne pratiquons pas la langue de bois, monsieur le rapporteur !

Peut-être le secrétaire d'État n'est-il pas loin de partager mon opinion, d'ailleurs, puisqu'il nous a dispensés d'une intervention liminaire.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Je voulais vous écouter auparavant, monsieur Migaud !

M. Didier Migaud. Lors de son passage au Sénat, ce texte s'est sensiblement alourdi : les sénateurs, férus d'équitation, se sont encore laissés aller à leur inclination pour les cavaliers ! Il conviendra que le Conseil constitutionnel tranche sur ces articles complètement étrangers au texte initial.

La croissance est actuellement plus forte qu'il n'était prévu dans la loi de finances pour 2004. Nous nous en réjouissons.

M. Daniel Prévost. Ah bon ? Vous en doutiez pourtant il y a quelques semaines !

M. Didier Migaud. Nous nous en réjouissons parce qu'il s'agit de l'intérêt des Français ! Vous aviez prévu 1,7 % de croissance, alors que nous atteindrons 2,3 ou 2,4 %, voire 2,5 %. Cette hausse produira davantage de recettes, et même, pour reprendre une expression employée par le Président de la République un certain 14 juillet,...

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. En d'autres temps !

M. Didier Migaud. ...une cagnotte, laquelle s'élèverait à 3, 4, voire 5 milliards d'euros.

M. Yves Censi. Celle-là, vous ne l'avez toujours pas digérée ! (Sourires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Didier Migaud. Mais si ! J'essaie seulement d'employer le même vocabulaire que la majorité.

M. Jean-Marc Nudant. Allons donc ! C'est Fabius qui a inventé l'expression !

M. Didier Migaud. Rendons à César ce qui est à César : le premier à avoir utilisé le terme, je le maintiens, est le Président de la République.

Certes, je lui emboîte le pas en confondant, comme il le faisait alors, cagnotte et recettes supplémentaires, ces dernières étant le fruit d'une augmentation de la croissance.

M. Gilles Carrez, rapporteur. Le fruit d'une bonne gestion, surtout !

M. Didier Migaud. Mais ces recettes supplémentaires, qu'en faites-vous, monsieur le secrétaire d'État ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Nous remboursons vos dettes !

M. Didier Migaud. Hélas non : vous remboursez en grande partie les dettes que vous avez vous-mêmes contractées, tout en contribuant par ailleurs à augmenter encore la dette. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Vous aviez prévu un déficit budgétaire de 3,6 %...

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Non : ce chiffre est celui du déficit des finances publiques !

M. Didier Migaud. Vous avez raison, monsieur le secrétaire d'État. Je m'en voudrais de faire la même confusion que le Premier ministre entre le déficit de l'État et le déficit des finances publiques !

Dès lors que la croissance est plus forte, ce déficit des finances publiques devrait baisser. Or tel n'est pas le cas, semble-t-il. Où est l'erreur ? Votre politique ne serait-elle pas si efficace que vous le prétendez ?

M. le président. Il faut conclure, monsieur Migaud.

M. Didier Migaud. Je conclus, monsieur le président, tout en vous faisant observer que nous avons renoncé à déposer des motions de procédure qui nous auraient permis de bénéficier d'un peu plus de temps de parole...

M. le président. Il ne s'agit pas de jouer la martingale !

M. Didier Migaud. Je vous demande seulement un peu plus de souplesse. Nous ne sommes pas à deux minutes près !

Monsieur le secrétaire d'État, depuis le début de l'année, vous nous annoncez une régulation budgétaire. La confirmez-vous ? Est-elle encore utile, alors que les recettes augmentent ? Quand allez-vous nous en livrer le détail ? Quels seront les ministères touchés ? Dans les départements et les régions, les représentants de l'État nous affirment qu'ils ne sont pas en mesure de répondre à nos questions en raison, précisément, de cette régulation annoncée.

Vous utilisez à l'excès l'outil fiscal, et toujours dans le même sens. Mieux valait augmenter la PPE ou rétablir un dispositif de TIPP flottante, à l'heure où le prix du baril de pétrole atteint des sommets - près de 43 dollars ! Vous n'avez pas fait ce choix.

Au total, ce sont des petites mesures, ne suscitant chez vous qu'une petite mobilisation lors d'une petite séance, pour un petit vote,...

M. René Couanau. Et un petit orateur !

M. Yves Censi. Cela manque de conviction, monsieur Migaud !

M. Didier Migaud. ...ce qui ne nous empêchera pas de voter résolument contre ce texte, qui reflète bien l'injustice de votre politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. René Couanau. Petits bravos !

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, décidément, juillet n'est pas un mois faste pour l'archéologie préventive. Voilà exactement un an, il nous était proposé de modifier dans la précipitation la loi du 17 janvier 2001 en créant artificiellement un marché concurrentiel des fouilles archéologiques, ce qui est une aberration économique.

Et puis patatras ! Nous revenons, un an plus tard, à la redevance archéologique, la solution miracle votée en juillet 2003 et promulguée le 1er août ayant aggravé encore les défauts de la loi de 2001, notamment en accroissant le déséquilibre avec les zones rurales. Il s'agit donc de recalculer la redevance, mais j'ai du mal à partager l'optimisme du rapporteur lorsqu'il assure que la question est définitivement réglée. Nous vous donnons rendez-vous à la discussion du prochain projet de loi de finances.

L'important à vos yeux, monsieur le rapporteur, est d'adosser la redevance archéologique à la taxe locale d'équipement. Vous vous souciez surtout de la collecte : de la même manière, vous allez adosser la redevance audiovisuelle à la taxe d'habitation.

Mais il ne reste plus grand-chose de la redevance archéologique, puisque le nouveau dispositif que vous nous proposez réduit de près de 75 %, excusez du peu, les surfaces imposables, abaisse le taux et prévoit des exonérations supplémentaires dont profiteront largement quelques aménageurs privés. L'augmentation de la redevance en milieu urbain, dont nous approuvons la logique, ne compensera pas cette réduction vertigineuse des moyens.

Il y a un an, nous nous étions au moins appuyés sur le rapport d'une mission d'information, présenté par Laurent Hénart. Aujourd'hui, nous travaillons sans aucune évaluation, sans aucune étude de faisabilité. On s'est contenté de faire marcher les calculettes, si bien que le système mis en place ne pourra être que précaire. Sans doute partagez-vous la philosophie du sénateur Marini, selon qui « il ne faut pas partir de la dépense pour chercher la recette, mais faire l'inverse » : l'important n'est pas d'agir en fonction des besoins, mais en fonction des moyens.

Or nous devons faire face à un très grave problème de financement de l'archéologie préventive, et notamment de ce grand établissement public qu'est l'INRAP. Vous ne vous êtes jamais préoccupés des moyens financiers nécessaires pour sauvegarder les informations archéologiques, comme nous y contraint pourtant la convention de Malte, signée par la France. Aussi notre souci de préserver la mission de service public de l'archéologie préventive, dont nous redoutons la fin programmée, nous conduit-il à exprimer de nouveau notre inquiétude.

Le succès des journées du patrimoine atteste l'attachement de nos concitoyens au patrimoine national. Nous ne contestons pas qu'il fallait tenir compte des déséquilibres frappant les zones rurales. Les projets d'aménagement des petites collectivités territoriales ne doivent pas être désavantagés financièrement. Mais doit-on, pour autant, revenir à la logique funeste des années 1960-1970, qui consistait à effacer toute trace du passé pour construire l'avenir ? Nous ne le croyons pas.

Rendez-vous, donc, à la fin de l'année pour en débattre à nouveau. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Marc Dolez.

M. Marc Dolez. Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite vous interroger sur un article introduit après l'article 10 et tendant à modifier la loi du 31 décembre 1993 relative à l'Imprimerie nationale. Nous n'avons pas pu en discuter en première lecture, puisqu'il a été introduit à la dernière minute par le Gouvernement lors de l'examen au Sénat, sans même que la commission compétente puisse l'examiner. Sur un tel cavalier législatif, je suis impatient de connaître l'appréciation du Conseil constitutionnel !

Cet article modifie le statut des personnels de l'Imprimerie nationale. Ceux-ci ont découvert cette initiative avec une immense surprise, car elle n'avait été précédée d'aucune concertation avec les salariés et les organisations syndicales. Le procédé est d'autant plus choquant que des discussions vont s'ouvrir, comme vous le savez pertinemment, sur la définition d'un plan social rendu nécessaire, malheureusement, par les très graves difficultés que rencontre l'établissement. Cela fait plusieurs semaines que les organisations syndicales demandent à vous rencontrer pour évoquer l'avenir de l'Imprimerie nationale et le sort réservé aux personnels. Voilà qui contredit singulièrement la conception du dialogue social que vous vous plaisez, le ministre d'État et vous-même, à afficher !

Les salariés que j'ai rencontrés ressentent très mal cette initiative, qu'ils interprètent comme un coup de force. Ils ont le sentiment d'être très mal traités. Faut-il rappeler que la plupart d'entre eux comptent vingt-cinq à trente-cinq ans d'ancienneté, parfois plus ? Vraiment, ils ne pensaient pas avoir mérité un tel mauvais coup en plein été !

M. Gérard Bapt. Un de plus !

M. Marc Dolez. Au nom du groupe socialiste, je proteste vivement contre cette manière de faire et vous demande, monsieur le secrétaire d'État, de vous expliquer sur les raisons qui ont amené le Gouvernement à passer en force. Si, comme vous l'avez laissé entendre au Sénat, la justification de cette initiative est justement de favoriser le reclassement des personnels dans le cadre du plan social qui doit être discuté, pourquoi ne pas vous être concerté au préalable avec les organisations syndicales, pour venir ensuite nous proposer de modifier la loi ?

Je tiens aussi à vous faire part des vives inquiétudes des salariés et des organisations syndicales sur le contenu même des dispositions, qui remet en cause le statut des fonctionnaires techniques de l'Imprimerie nationale et qui dispose de l'avenir des ouvriers sous décret.

Ces grandes inquiétudes sont liées aux incertitudes que révèle le texte : pour les fonctionnaires techniques, qu'en sera-t-il des progressions indiciaires et des barèmes d'indemnités dont ils bénéficient aujourd'hui ? Dois-je vous rappeler que, pour beaucoup d'entre eux, les primes représentent une partie très importante de leur rémunération, parfois plus de 50 % ? Les inquiétudes des ouvriers sous décret ne sont pas moindres en ce qui concerne le maintien à titre personnel de leurs prestations s'ils sont reclassés dans une autre collectivité publique.

Monsieur le secrétaire d'État, tout cela devrait plaider pour une suspension de ce texte et pour un retrait de cet amendement. Mon collègue Sandrier l'a demandé au nom du groupe communiste, et je m'y associe bien volontiers au nom du groupe socialiste. Cette suspension permettrait à la discussion et à la négociation avec les organisations syndicales de se dérouler dans des conditions normales et convenables.

Si tel n'était pas le cas et si, malheureusement, vous mainteniez cet article ajouté par surprise, il faudrait au moins que le Gouvernement s'engage à ce que les organisations syndicales soient étroitement associées à l'élaboration des décrets d'application prévus par les deux articles concernés, que nous ne pouvons pas accepter. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, nous achevons donc, après la réunion de la commission mixte paritaire, la discussion du projet de loi pour le soutien à la consommation et à l'investissement.

Avec Nicolas Sarkozy, nous avons souhaité vous présenter, comme l'a rappelé M. le rapporteur, un texte compréhensible, facile, volontariste, ayant pour ambition de contribuer à relancer sans attendre la consommation et l'investissement.

Monsieur Sandrier, vous avez émis quelques doutes sur les objectifs et sur leur réalisation, mais ça marche, et je vais vous expliquer pourquoi.

Nous venons d'avoir les chiffres de l'INSEE sur la consommation des ménages en juin : ils sont tout à fait exceptionnels. L'augmentation par rapport à mai est de +4,2 %, ce qui constitue la plus forte progression mensuelle depuis - notez bien l'année, monsieur Migaud - 1996.

M. Didier Migaud. Cela n'a rien à voir avec ce texte !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. J'ai précisé l'année car, à partir de 1997, les choses sont allées différemment. Nous avions envisagé une croissance, en élaborant le projet de loi de finances pour 2004, de 1,7 %. Si cette tendance se confirme, si l'on extrapole - mais il faut toujours être prudent parce que les événements économiques internationaux doivent nous inciter à la prudence - à partir de la croissance de la consommation, de la croissance de l'investissement et de celle des exportations dont nous avons eu hier les chiffres pour les cinq derniers mois, nous pourrions avoir une croissance du PIB autour de 2,3 %. Certains économistes parlent même de 2,4 %-2,5 %.

Cela signifie en effet, monsieur Migaud, qu'il y aurait des rentrées fiscales supplémentaires, en particulier de TVA. Nous aurons bientôt les chiffres de l'impôt sur les sociétés, qui seront certainement de bonne qualité.

M. Jean-Claude Sandrier. Ce n'est pas grâce à ce texte !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Je ne parle pas de ce texte, je réponds à M. Migaud puisqu'il a abordé la situation de la consommation.

Nous allons utiliser cet argent pour rembourser en partie nos déficits. N'en cherchons pas une autre utilisation. C'est un impératif absolu vis-à-vis l'Europe. Vous avez rappelé que nous devions tenir un chiffre maximal de déficit de nos finances publiques de 3,6 % du PIB. Nous n'allons pas faire un mauvais emploi de l'argent public comme le gouvernement de M. Jospin, qui ne s'en était pas servi pour combler les déficits mais pour créer toujours plus de fonctionnaires et plus de dépenses.

M. Carrez et M. Migaud m'ont demandé si nous allions procéder, dans un souci de bonne gestion, à des annulations de crédits. La réponse est oui. Nous allons procéder à des annulations, à la suite de la régulation budgétaire, dans les jours à venir.

M. Didier Migaud. Le 15 août !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Nicolas Sarkozy et moi-même proposons une fourchette comprise entre 1 milliard et 1,5 milliard d'euros d'annulation de crédits, pour participer à la bonne gestion de 2004 et pour arriver à cet objectif de déficit de 3,6 %.

Dans le cadre de cette tendance aujourd'hui favorable, ce projet de loi participe de notre volonté de renforcer notre croissance et de soutenir l'emploi, afin que chaque Français, comme Philippe Rouault l'a rappelé, puisse en bénéficier le plus rapidement possible. Nous avons la conviction que ce projet de loi y contribuera de manière significative.

Je tiens à remercier l'ensemble des députés qui ont participé à l'examen de ce texte et qui l'ont profondément amendé. L'Assemblée nationale et le Sénat lui ont apporté une valeur ajoutée. Le président de cette CMP, Pierre Méhaignerie, et son rapporteur, Gilles Carrez, n'ont pas ménagé leur peine pour arriver à un équilibre satisfaisant.

Je commenterai en quelques mots les avancées réalisées.

S'agissant de la mesure « donation » en faveur des jeunes générations, l'Assemblée a étendu, par un amendement de M. de Courson, le dispositif aux neveux, avant que le Sénat ne l'étende aux arrière-petits-enfants.

M. Gilles Carrez, rapporteur. C'est normal pour des sénateurs ! (Sourires.)

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Cela donnera plus de force à cette disposition, dont les débuts très encourageants, monsieur Migaud, nous montrent qu'elle répond à un véritable besoin. C'est un souci de justice. Au mois de juin, quand nous l'avons appliquée préalablement par instruction fiscale, il y a eu 17 496 donations, pour un total de 349,4 millions d'euros transférés vers les jeunes générations.

S'agissant de la mesure relative au déblocage anticipé des droits acquis au titre de la participation et de l'épargne salariale, une disposition introduite par la commission des finances du Sénat va permettre le déblocage des sommes bloquées jusqu'au 16 juillet, et non plus jusqu'au 16 juin. Cela permettra d'éviter que les salariés qui avaient bloqué leur intéressement faute d'information suffisante, la loi n'étant pas votée, soient ensuite dans l'incapacité de le débloquer. Cet ajustement pragmatique assure l'efficacité de la mesure et évitera bien des incompréhensions.

Un mot, également, sur les mesures en faveur du commerce de centre-ville. Je sais que beaucoup d'entre vous y sont très attachés. Grâce à l'avancée obtenue par les sénateurs, l'exonération couvre dorénavant les droits de mutations relevant des collectivités locales, qui pourront d'ailleurs moduler leurs interventions. Cela permettra à ce dispositif, auquel participeront l'État et les collectivités locales, de gagner en efficacité.

Le Gouvernement sait aussi ce qu'il doit aux parlementaires, et notamment à M. Carrez, pour l'amélioration attendue du dispositif relatif à la redevance d'archéologie préventive. Je sais bien que Patrick Bloche nous a donné rendez-vous à l'automne, mais je ne partage pas son pessimisme, même s'il l'exprimait de manière courtoise, car nous pensons que la nouvelle redevance donnera le produit prévu et que le dispositif que vous allez adopter fonctionnera.

Enfin, je tiens à souligner la contribution très précieuse du Parlement s'agissant de la question de la revalorisation des salaires dans le secteur de l'hôtellerie et de la restauration : c'est la fin du SMIC hôtelier. La vigilance que vous avez manifestée, avec constance, a été utile afin que les contreparties que Nicolas Sarkozy a exigées des professionnels soient parfaitement comprises de tous. La profession a pris des engagements fermes, qui permettront à l'ensemble de notre économie d'en tirer bénéfice. La façon dont a été calibrée cette aide à l'emploi a permis de débloquer la négociation avec les professionnels. Cet avenant historique à la convention collective signée il y a quinze de jours, doit beaucoup au fait que vous avez parfait la disposition initiale.

Monsieur Dolez, si l'amendement concernant l'Imprimerie nationale a été introduit au Sénat, c'est pour permettre aux salariés de rejoindre la fonction publique, dans le cadre d'un plan social difficile qui nécessitera, comme vous l'avez indiqué à juste titre, de la concertation. L'Imprimerie nationale doit s'adapter. Nous avons le souci de lui donner un avenir et de faire un plan social exemplaire. Monsieur Dolez, en refusant cet amendement, au lieu de faciliter des perspectives nouvelles pour ses salariés, vous les désespéreriez.

M. Gilles Carrez, rapporteur. Exactement !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Je souhaite donc ardemment que la majorité vote le texte de loi issu de la commission mixte paritaire.

L'ensemble de ces avancées témoignent d'une réelle convergence de vues entre le Parlement et le Gouvernement. Cela montre que nous sommes attachés, les uns et les autres, à ne pas rater le rendez-vous de la croissance. J'espère que celle-ci, qui redémarre fortement, aura également avant la fin de l'année des conséquences heureuses pour l'emploi. En tout cas, c'est le souhait que nous devons tous formuler. C'est en ce sens que le Gouvernement agit, et il vous remercie par avance de bien vouloir adopter ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous en venons au texte de la commission mixte paritaire.

Texte de la commission mixte paritaire

M. le président. Avant de mettre aux voix ce texte, conformément à l'article 113, alinéa 3, du règlement, je vais appeler l'Assemblée à statuer d'abord sur l'amendement dont je suis saisi.

La parole est à M. le secrétaire d'État, pour soutenir l'amendement n° 1.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. À la relecture des travaux de la CMP, nous nous sommes aperçus qu'il y a une erreur matérielle à l'article 7 ter qui pourrait entraîner une confusion dans son interprétation. L'amendement n° 1, purement rédactionnel, vise à la corriger.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement est adopté.)

Vote sur l'ensemble

M. le président. Je ne suis saisi d'aucune demande d'explication de vote.

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire modifié par l'amendement n° 1 qui vient d'être adopté.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

    5

ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président. Vendredi 30 juillet 2004, à neuf heures trente, première séance publique :

Discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'assurance maladie :

Rapport, n° 1778, de M. Jean-Michel Dubernard.

Discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la politique de santé publique :

Rapport, n° 1777, de M. Jean-Michel Dubernard.

À quinze heures, deuxième séance publique :

Discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales :

Rapport, n° 1779, de M. Alain Gest.

Discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de modernisation de la sécurité civile :

Rapport, n° 1780, de M. Thierry Mariani.

Éventuellement, à vingt et une heures trente :

Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures trente.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot