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Première séance du mercredi 21 janvier 2004

129e séance de la session ordinaire 2003-2004


PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe des député-e-s communistes et républicains.

SITUATION SOCIALE

M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes.

M. Jacques Brunhes. Monsieur le Premier ministre, chaque fois que l'on aborde ici les problèmes sociaux, pour vous exonérer de vos responsabilités, vous vous réfugiez derrière le bilan du gouvernement précédent. On l'a bien vu hier encore. Aussi vais-je être très précis.

Depuis bientôt deux ans que vous êtes aux affaires, la pauvreté et la précarité n'ont cessé d'augmenter dans notre pays, notamment l'an passé.

M. Charles Cova. Parce que ça n'existait peut-être pas avant !

M. Jacques Brunhes. J'en veux pour preuve l'accroissement de l'activité des Restos du Cœur. L'an dernier, ils ont distribué 60 millions de repas. Pour l'hiver 2003-2004, le nombre de sollicitations a augmenté de 30 % en Ile-de-France.

Toutes les associations caritatives doivent faire face à l'aggravation dramatique de la misère, reflet de la fracture sociale devenue rupture sociale en raison de votre politique. Cette politique qui consacre les licenciements, les délocalisations et les gels de salaire. Cette politique qui ne cesse de rogner sur les droits sociaux dans notre pays, comme en témoignent la diminution de l'ASS, de l'indemnisation du chômage, et l'exclusion de 200 000 personnes des ASSEDIC. Et le pire est encore à venir avec le RMA du « travailleur pauvre », ou le contrat de mission, véritable institution du « cadre jetable ». Autant de contrats de travail qui installent la précarité généralisée.

M. Maurice Giro. Il faut faire travailler les gens !

M. Jacques Brunhes. Monsieur le Premier ministre, quelles que soient vos dénégations, vous avez le monopole de la responsabilité de ces situations de plus en plus difficiles, voire dramatiques, pour bon nombre de nos concitoyens.

Je vous pose la question, mais, hélas ! sans illusion sur la réponse :...

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Alors ne la posez pas !

M. Richard Mallié. Au suivant !

M. Jacques Brunhes....allez-vous enfin prendre conscience du gouffre grandissant de la précarité dans lequel tombent de plus en plus de familles ?

M. le président. Monsieur Brunhes, veuillez poser votre question.

M. Jacques Brunhes. Allez-vous enfin entendre leur détresse tout comme le signal d'alarme que tirent les associations et agir en conséquence ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le député, je vous remercie d'abord de rendre hommage au travail des associations, en particulier aux Restaurants du cœur, dont vous conviendrez avec moi qu'il ne s'agit pas d'une association qui est née aujourd'hui. Vous conviendrez de la même manière qu'elle a largement prospéré ces dernières années alors même que la pauvreté augmentait fortement dans notre pays.

Si vous êtes dans votre rôle en dénonçant la politique sociale du Gouvernement et en appelant de vos vœux une politique qui serait radicalement différente, mais qui n'est pas celle que les Français ont choisie, vous ne pouvez pas vous exonérer de vos propres responsabilités dans la situation économique que nous connaissons. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. François Hollande. Et puis quoi encore !

M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. N'oubliez pas que c'est alors même que vous étiez au pouvoir que notre pays a dépassé le cap des 5 millions de pauvres. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Richard Mallié. Il faut le rappeler !

M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. N'oubliez pas que c'est alors même que vous étiez au pouvoir que l'intérim, les contrats à durée déterminée, la précarité ont explosé du fait de la politique économique que vous avez conduite. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Nous menons une politique sociale...

M. François Hollande. Injuste !

M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité....qui est une politique sociale...

M. François Hollande. Pour le MEDEF !

M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité....responsable. A la différence fondamentale de la vôtre, elle est financée et elle ne pèsera pas sur l'avenir de notre pays et sur les générations futures.

S'agissant de la très grande pauvreté, monsieur le député, vous savez que nous avons augmenté...

M. François Hollande. Le chômage !

M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité....les minima sociaux. Vous savez aussi que nous avons fortement augmenté les crédits destinés à l'hébergement d'urgence et que nous n'avons en rien rompu la chaîne de solidarité qui permet à chacun de nos concitoyens d'être aidé au nom de la solidarité nationale.

M. Richard Mallié. Bien au contraire !

M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Mais vous savez aussi que notre système social est aujourd'hui menacé de rupture, en particulier par l'augmentation considérable du nombre des demandeurs d'asile et par le fait que nombre d'entre eux, déboutés, restent sur notre territoire.

M. Jean Le Garrec. Ce n'est pas vrai !

M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a fait voter par le Parlement un texte qui devrait permettre à l'avenir d'alléger la pression dans ce domaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

LUTTE CONTRE LE CANCER

M. le président. La parole est à Mme Irène Tharin, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Mme Irène Tharin. Monsieur le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, le 14 juillet 2002, le Président de la République a fait de la lutte contre le cancer un grand chantier national. Le 24 mars 2003, il présentait le plan cancer dont l'ambition est de répondre aux besoins des patients, de leurs proches et des professionnels qui prennent en charge les personnes atteintes par cette maladie.

L'un des axes majeurs de ce plan était la généralisation d'ici à janvier 2004 d'un dépistage systématique du cancer du sein à destination des femmes de plus de cinquante ans, afin de détecter précocement les tumeurs et accroître ainsi les chances de guérison.

Le cancer du sein est la principale cause de mortalité chez les femmes : près de 12 000 décès pour l'année 2000. Or des expériences ont montré que la pratique d'une mammographie tous les deux ans permet de réduire d'environ 30 % cette mortalité spécifique. C'est dire toute l'importance de la prévention.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire si ce dispositif est aujourd'hui mis en place dans tous les départements ? Par ailleurs, pouvez-vous nous préciser quelles seront les conditions d'accès au dépistage et les modalités de la prise à charge pour les femmes concernées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Madame la députée, comme vous l'avez rappelé, la lutte contre le cancer est l'un des trois chantiers présidentiels. Le Président de la République s'est engagé au travers du plan cancer. Et je tiens à vous le dire tout de suite, le calendrier de ce plan, qu'il s'agisse de la prévention, du diagnostic, du soin, des équipements lourds, de l'innovation ou de la recherche, est parfaitement respecté.

Parmi toutes ces actions, le dépistage est particulièrement efficace. A cet égard, le cancer du sein revêt une importance emblématique.

En effet, c'est un cancer que l'on peut dépister pour mettre en place un traitement très précoce et sauver des vies. Cela grâce à la pratique systématique de la mammographie tous les deux ans chez les femmes de cinquante à soixante-quatorze ans. Et pour répondre votre question, cet examen non douloureux sera offert gratuitement.

La promesse du Gouvernement est tenue. Aujourd'hui, le dispositif est mis en place dans cent départements, à l'exception notable de la Guyane qui, en raison de ses spécificités géographiques, fera l'objet au mois d'avril d'une mission afin qu'une stratégie particulière soit mise en œuvre dans l'année.

Ce sont donc des échéances qui sont respectées. Ce sont des vies qui seront sauvées. Et, madame la députée, vous avez eu raison de souligner que la représentation nationale devait en être informée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

POLITIQUE DE L'EMPLOI

M. le président. La parole est à M. Henri Emmanuelli, pour le groupe socialiste.

M. Henri Emmanuelli. Monsieur le président, je voudrais d'abord saluer ici celles et ceux qui défendent aujourd'hui le droit de grève, garanti par notre constitution et vecteur fondamental du progrès social. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Cela dit, ma question s'adresse à M. le Premier ministre qui, depuis quelque temps, fait silence, comme d'autres font pénitence. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Monsieur le Premier ministre, vous dirigez un étrange gouvernement, un gouvernement qui proclame avec arrogance son savoir-faire économique alors que le taux de croissance de 0,1 % en 2003 est inférieur à la moyenne européenne. Au cours de la législature précédente, ne vous en déplaise, c'était l'inverse !

M. Bernard Accoyer. Quel sectaire !

M. Henri Emmanuelli. Et tout cela parce que, pour des raisons strictement politiques, vous avez choisi de privilégier l'épargne au détriment de la consommation, par le biais d'une politique fiscale aussi injuste qu'inefficace.

M. Jean Auclair. Conservateur !

M. Henri Emmanuelli. Un gouvernement qui glorifie ses résultats en matière de sécurité alors que les agressions contre les personnes ont progressé de 7 %.

M. Bernard Carayon. Menteur !

M. Jean Auclair. Et ringard !

M. Henri Emmanuelli. Peut-on faire comme si la sécurité des biens était comparable à celle des personnes ?

Un gouvernement qui, en matière d'emploi, affiche 200 000 chômeurs de plus, monsieur le ministre des affaires sociales, avec une augmentation du taux de chômage de 8,5 % chez les jeunes, lequel s'établit désormais dans cette catégorie à 20 %.

Vous avez supprimé 200 000 emplois-jeunes...

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Heureusement !

M. Henri Emmanuelli. ...pour mettre en place des contrats jeunes en entreprise, dont seulement deux titulaires sur dix sont recrutés parmi les chômeurs. Et vous ne comptabilisez que 25 000 CIVIS, dispositif dont vous attendiez pourtant beaucoup, à croire que la montagne a accouché d'une souris.

M. Jean Auclair. Attardé !

M. Henri Emmanuelli. Un gouvernement qui prétend réhabiliter le travail mais qui démantèle jour après jour le code du travail pour fluidifier, c'est-à-dire précariser, le marché de l'emploi.

Un gouvernement qui réduit de manière importante la fiscalité sur les plus-values et qui augmente le prix de l'essence pour ceux qui se rendent à leur travail en voiture.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. La question !

M. Henri Emmanuelli. Un gouvernement qui n'a pas de politique industrielle face à la multiplication des plans sociaux.

Etrange gouvernement dont les ministres, séance après séance, semblent considérer que, à défaut de résultats, agresser l'opposition suffira comme l'ont encore fait hier M. Sarkozy et M. Fillon. (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Emmanuelli !

M. Henri Emmanuelli. Ma question est la suivante : allez-vous écouter, monsieur le Premier ministre, l'ensemble des syndicats (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)....

Monsieur le président, les vociférations de la majorité sont une épreuve !

M. le président. Mais vous y êtes habitué !

M. Henri Emmanuelli. Non, monsieur le président, je suis habitué à la démocratie et au respect des principes républicains ! (Huées et claquements de pupitres sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je ne suis pas habitué à cela et je ne m'y habituerai jamais ! Ce n'est pas parce que vous avez la majorité que vous devez nier l'opposition ! (Mêmes mouvements.)

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. La question !

M. le président. Laissez M. Emmanuelli poser sa question !

M. Henri Emmanuelli. Monsieur le Premier ministre, allez-vous écouter l'ensemble des syndicats...

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Non !

M. Henri Emmanuelli. Je remercie les députés de la majorité pour cette réponse !

Allez-vous donc écouter les syndicats opposés à une nouvelle aggravation de la précarisation du travail que constituerait la mise en place du contrat de mission ou bien allez-vous céder aux exigences du MEDEF ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Dans cette dernière hypothèse, que votre ministre des affaires sociales ait la décence de laisser reposer en paix le gaullisme social qui, comme chacun le sait, ne se faisait pas, lui, à la corbeille ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur Emmanuelli, tout le monde ici défend le droit de grève. (« C'est faux ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Augustin Bonrepaux. Menteur !

M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Et la meilleure façon de le défendre, c'est de faire en sorte qu'il ne soit pas impopulaire aux yeux de la majorité de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

S'agissant maintenant de la politique que nous conduisons, vous ne pouvez pas vous exonérer de vos responsabilités. Vous ne pouvez pas nier que vous n'avez pas préparé notre pays à affronter les conditions du monde d'aujourd'hui. Et ce d'autant moins que tous les gouvernements européens, en particulier ceux qui sont proches de vous - enfin peut-être pas de vous, monsieur Emmanuelli, mais du parti socialiste dans son ensemble (Sourires et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) - pratiquent des politiques qui sont exactement similaires à la nôtre et qui visent à redonner à notre pays les bases d'une croissance durable...

M. François Hollande. Mais où est la croissance ?

M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité....et en particulier d'une croissance riche en emplois.

S'il a fallu dix-huit mois pour modifier les équilibres et corriger une partie - et une partie seulement - des effets négatifs de la politique que vous avez conduite, ce n'est pas là un délai insupportable, compte tenu de la durée pendant laquelle vous avez gouverné notre pays.

Mais vous me posez une question précise sur le code du travail, monsieur Emmanuelli, et je vais vous répondre. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Le contrat de mission, dont vous avez essayé de faire le symbole d'une attaque contre le contrat à durée indéterminée, n'a rien à voir avec la description que vous en avez fait.

M. Philippe Briand. Rien !

M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ce contrat s'adresse à des cadres très qualifiés (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), pour des projets précis qui seraient soumis à l'accord majoritaire des organisations syndicales, dans le cadre d'un accord de branche. L'un des objectifs de ceux qui préconisent sa création - le Gouvernement, pour le moment, n'a rien décidé (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste), mais il étudie cette formule parmi d'autres possibilités - est justement de lutter contre la précarisation qui se développe, et vos dénégations n'y changeront rien : jamais, dans notre pays, on n'a autant recouru aux CDD et à l'intérim que ces dernières années. Et, sur ce plan, nous faisons beaucoup moins bien que les autres pays européens. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Nous allons discuter de l'ensemble de ces questions, à partir de la semaine prochaine, avec les partenaires sociaux. Nous mettrons en place avec eux des groupes de travail et nous vous proposerons, dans les prochaines semaines, un texte visant à sécuriser les parcours professionnels...

M. François Hollande. Quand ?

M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ...et non à accroître la précarité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

PRIMES D'ASSURANCE AUTOMOBILE

M. le président. La parole est à M. Olivier Jardé, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Olivier Jardé. Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, en 2003, le nombre d'accidents de voiture a très nettement diminué, ainsi, fort heureusement, que le nombre de décès sur la route.

Les membres du groupe UDF, comme tous les parlementaires, se réjouissent de ces résultats, obtenus grâce à un véritable effort national : c'est, je tiens à le dire, une victoire de tous nos compatriotes.

Néanmoins, les Français, lorsqu'ils ont reçu leur avis d'échéance, ont eu la désagréable surprise de constater que les primes d'assurance ne diminuaient pas, voire qu'elles augmentaient.

Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Elles augmentent de 10 % !

M. Olivier Jardé. Tout en étant partisan du système économique libéral, on peut s'étonner que les assureurs n'aient pas enregistré cette modification du comportement de nos compatriotes et n'aient pas répondu à leur attente en réduisant les primes - ce qui, de plus, les aurait encore encouragés à accroître leur vigilance sur la route.

Monsieur le ministre, quelle action pensez-vous engager pour inciter les assureurs à diminuer les primes d'assurance proportionnellement au recul réel des accidents de la voie publique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur Jardé, on essayait, depuis trente ans, de faire changer le comportement des Français, et nous sommes tous d'accord pour constater que le déclic s'est produit il y a un an ou un an et demi. Tant mieux, et espérons que cela continuera, car il reste encore un bout de chemin à accomplir dans ce domaine, y compris en entretenant la peur du gendarme ou en plaçant opportunément quelques radars, pour atteindre les performances, par exemple, des Anglais, qui, dans ce domaine, sont imbattables.

Au passage, avant de parler du coût de l'assurance automobile, je rappellerai que moins le nombre d'accidents, notamment mortels, est élevé, mieux notre pays se porte, même sur le plan économique. Je suis donc très satisfait de cette évolution.

C'est dans ce contexte que nous avons pris l'initiative, avec les assureurs, d'expliquer aux Français comment est calculée la prime d'assurance, ce qui entre ou non en ligne de compte, et à quoi étaient imputables les variations survenues dans le passé : elles étaient liées à l'augmentation de la « sinistralité », comme on dit, ou à celle du coût de remboursement ou de réparation. Chaque conducteur ayant l'obligation de souscrire une assurance - en principe, tout le monde s'y plie -, il est logique que la transparence du marché soit renforcée.

J'ai pu lire certains commentaires dans lesquels on s'étonnait qu'un ministre soi-disant libéral s'occupe du bon fonctionnement du marché. A partir de jeudi prochain, une série de réunions vont en effet associer les représentants des automobilistes, les assureurs et, bien sûr, quelques spécialistes du ministère des finances, sous la présidence de son médiateur, et nous parviendrons très certainement, pour la transparence du marché et l'information du consommateur, à démontrer que des évolutions sont nécessaires et à mettre en lumière les raisons pour lesquelles ce qui était attendu demain se produira après-demain. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Jacques Desallangre et M. Pierre Goldberg. Et voilà !

POLITIQUE MONÉTAIRE ET BUDGÉTAIRE
DANS LA ZONE EURO

M. le président. La parole est à M. Michel Piron, pour le groupe UMP.

M. Michel Piron. Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, les variations monétaires importantes et parfois brusques qui affectent notamment, depuis plusieurs mois, le rapport euro/dollar suscitent des réactions de plus en plus diverses, voire divergentes.

M. Philippe de Villiers. Merci l'euro !

M. Michel Piron. Ce n'est pas vraiment l'objet de ma question, monsieur de Villiers.

Face à ces mouvements, qui pourraient compromettre la reprise de la croissance, la Banque centrale européenne semble éprouver quelques difficultés à définir une politique monétaire lisible, dans la mesure où celle-ci doit s'appliquer à des pays qui n'ont ni les mêmes politiques économiques ni les mêmes politiques budgétaires.

Aussi, monsieur le ministre, après avoir participé, avant-hier soir, à Bruxelles, avec l'ensemble de vos collègues, à une réunion de l'eurogroupe, et dans l'attente du prochain G7, pourriez-vous nous indiquer quel taux de change vous semble souhaitable pour réguler nos échanges et, surtout, quelles mesures vous pourriez proposer à nos partenaires européens pour favoriser une réelle convergence des politiques économiques et budgétaires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bonne question !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur Piron, une telle décision dépend évidemment de l'eurogroupe, en pleine association avec la Banque centrale européenne.

Contrairement à ce que vous pensez, malgré quelques déclarations entendues ces quinze derniers jours, émanant de pays qui n'étaient pas tout à fait en ligne, nous n'avons eu aucune difficulté à nous mettre tous d'accord sur le communiqué que vous connaissez : celui-ci exprime notre perplexité et notre préoccupation vis-à-vis du fonctionnement actuel du marché des changes. A tout moment, pour la moindre indication, si minime soit-elle, dans un sens ou dans un autre, on constate des fluctuations fortes qui dénotent une grande fébrilité et rendent la situation malsaine.

Il suffit de se remémorer le taux de change entre le dollar et l'euro d'il y a trois ans et de le comparer à celui d'aujourd'hui pour comprendre que ce marché est imprévisible et incontrôlable. Il n'en demeure pas moins que nous devons diffuser des messages aussi coordonnés que possible - celui-ci est très clair et toute l'Europe y adhère - pour essayer d'influencer le marché dans un sens conforme aux intérêts non seulement des différentes zones économiques, mais aussi des échanges. Car je vous rappelle que les échanges, dans le monde d'aujourd'hui, sont fondamentaux, y compris pour notre Europe.

En ce qui concerne la coordination économique, enfin, je vous rassure. Il peut y avoir des petits problèmes d'interprétation, mais nous avons tous signé un pacte et nous sommes absolument déterminés, vous le savez, à le respecter de plus en plus intelligemment pour coordonner nos politiques, en liaison avec la BCE - sans vouloir supprimer les différences entre Etats membres, car coordonner ne signifie pas uniformiser. Ce travail collectif nous permettra de créer les meilleures conditions pour la croissance de la zone euro et d'en tirer des conséquences concernant la valeur de la monnaie. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

AVENIR DE L'INDUSTRIE TEXTILE

M. le président. La parole est à M. Patrick Delnatte, pour le groupe UMP.

M. Patrick Delnatte. Madame la ministre déléguée à l'industrie, les difficultés du groupe textile VEV ont entraîné la mise en règlement judiciaire de deux de ses filiales tourquennoises, Christory et Filature des Archers, puis, avant-hier, le redressement judiciaire de l'ensemble des entreprises du groupe.

S'y ajoute une série de dépôts de bilan et de fermetures d'entreprises textiles dans le bassin d'emploi de Roubaix-Tourcoing-Vallée de la Lys. Tout récemment, à Tourcoing, c'est le Peignage de la Tossée, dernière entreprise de peignage de la laine du département du Nord, qui, faute de repreneur, s'est vu contraint de mettre fin à son activité principale.

Votre visite sur le terrain, la semaine dernière,...

Un député du groupe socialiste. Elle n'a servi à rien !

M. Patrick Delnatte. ... a donné l'occasion aux acteurs locaux de vous faire part de leurs inquiétudes et de leurs espérances.

Les causes de cette crise, qui touche toutes les zones textiles de France, sont connues : baisse importante des chiffres d'affaires par manque de compétitivité face à la concurrence des pays émergents à bas salaires, manque de flexibilité pour surmonter ces situations de crise et, maintenant, chute du dollar.

Avec la disparition de compétences et de certains métiers, c'est la survie de toute la filière textile française qui est menacée, et on constate une accélération des délocalisations de production.

Madame la ministre, comment l'Etat peut-il contribuer au sauvetage des activités viables du groupe VEV ?

Mais, au-delà de ce cas particulier, la question de fond que tout le monde se pose est la suivante : la France doit-elle et peut-elle maintenir une production textile sur son territoire ?

Enfin, les populations veulent savoir comment les pouvoirs publics et l'Europe, qui a aussi sa part de responsabilité, peuvent agir efficacement pour mener dans l'urgence la reconversion des bassins d'emplois sinistrés par des pertes d'emplois dans le textile. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à l'industrie.

Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Monsieur le député, je vous répondrai plus particulièrement à propos du groupe textile VEV. Sa mise en redressement judiciaire est d'abord un drame humain auquel personne, ici, n'est insensible, et je serais tenté de dire que, dans une telle situation, les querelles partisanes ne sauraient avoir leur place.

La réalité, et vous le savez, c'est que le groupe VEV est depuis longtemps en difficulté. Par ailleurs, les aides cumulées de l'Etat approchent les 50 millions d'euros et ne peuvent s'alourdir indéfiniment ; les échéances fatales n'en seraient que reportées, aggravant les choses pour tout le monde.

Je puis cependant vous assurer, monsieur le député, que le Gouvernement a tout fait pour prendre en considération la situation de salariés...

M. Gérard Bapt. Tu parles !

Mme la ministre déléguée à l'industrie. ... et rechercher des solutions viables, permettant d'éviter que les créances de l'Etat ne compromettent le financement de l'entreprise. La période de redressement judiciaire et la période d'observation de six mois seront l'occasion de bâtir des projets industriels ; nous veillerons, dans ce cadre, à ce que soient recherchées les solutions préservant au mieux ces emplois.

S'agissant de la revitalisation des bassins d'emploi fragilisés, plus spécifiquement dans votre département, mon ministère, vous le savez, est en première ligne et a confié plusieurs missions à la société de conversion FINORPA. Celle-ci travaille activement à la reconversion des bassins industriels : sur la seule année 2003, plus de 130 projets industriels, porteurs de 3 300 emplois et appuyés sur un engagement de 20 millions d'euros, ont été accompagnés et financés. Cette action déterminée de reconversion des bassins industriels s'inscrit pleinement, monsieur le député, dans le plan de lutte contre la désindustrialisation annoncé par le Président de la République, Jacques Chirac. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

TAUX DE TVA SUR LA RESTAURATION

M. le président. La parole est à M. Philippe Martin, pour le groupe socialiste.

M. Philippe Martin. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

M. Jean-Claude Lefort. Mais ce n'est pas lui qui y répondra !

M. Philippe Martin. Monsieur le Premier ministre, le 3 juillet 2002, dans votre discours de politique générale, vous preniez l'engagement de ramener à 5,5 % le taux de TVA sur la restauration.

M. Christian Paul. Eh oui !

M. Philippe Martin. En octobre 2002, répondant à une question de notre collègue Thierry Mariani, vous réaffirmiez, gestes à l'appui, que cet engagement du Président de la République serait tenu et, si j'ose dire, qu'on verrait ce qu'on verrait. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Emporté par votre élan, car vous en aviez à l'époque (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), vous aviez ajouté qu'il en serait de même à l'égard des jeunes qui attendaient la baisse de TVA sur le disque. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Monsieur le Premier ministre, je n'aurai pas la cruauté de vous interroger sur ce dernier point, je m'en tiendrai à la restauration.

De report en report - janvier 2003, janvier 2004 (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), courant 2004 -

M. Lucien Degauchy. Pourquoi ne l'avez-vous pas fait ?

M. Philippe Martin....il est désormais permis de douter que l'on puisse voir un jour ce qu'on devait voir !

Déjà, l'inscription de cette mesure en deuxième partie de la loi de finances de 2004 de avec son incidence financière de 3 milliards d'euros, avait éveillé les soupçons de mon excellent confrère Didier Migaud sur la réalité de vos propres convictions.

Car, monsieur le Premier ministre, contre toute évidence, vous avez fait croire à une profession et aux Français, que vous pouviez, seul, changer la donne. Or, il n'en est rien ! Hier, à Bruxelles, une énième demande de la France s'est vu opposer un énième et ferme refus de nos partenaires. Hier, à Bruxelles, votre ministre de l'économie en a été réduit à souhaiter que ce sujet reste un « sujet vivant », tout en admettant qu'il ne serait pas possible d'obtenir une nouvelle négociation avant deux mois.

Alors, monsieur le Premier ministre, mes questions sont simples.

Le « sujet vivant » qu'évoque votre ministre de l'économie n'est-il pas déjà en « coma dépassé » ?

Quand le ministre de l'économie parle d'un nouveau délai de deux mois, ne faut-il pas comprendre deux mois et une semaine, ce qui nous renvoie après les élections régionales ?

Enfin, quand conviendrez-vous, au lieu de faire de l'Allemagne un bouc émissaire facile dans ce dossier, que c'est d'abord le déficit abyssal dans lequel vous installez durablement notre pays (« C'est votre faute ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) qui suscite l'agacement et l'opposition de nos partenaires européens ?

Faute de répondre vous-même à ces questions...

M. le président. Posez votre question, monsieur Martin !

M. Philippe Martin....que se posent une profession et tous les Français, il nous restera à créer un impôt sur votre silence, mais vous serez alors lourdement taxé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Claude Lenoir. Scandaleux !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur Martin, contrairement à ce que vous pensez, le sujet est pleinement vivant ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Ecoutez la réponse, mes chers collègues !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je vous rappelle qu'un marché peut être animé y compris par une politique de prix. Un exemple récent, quantifié, a montré que lorsque l'on augmente les prix de 10 %, la consommation baisse de 10 %. On peut imaginer, à l'inverse, que si l'on baisse les prix de 10 % ou de 15 %, la consommation augmente de 10 ou 15 %.

Plusieurs députés socialistes. Ce n'est pas la question !

M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je vous explique que ce sujet a du sens !

En France, le secteur de la restauration occupe 800 000 personnes. Au passage, je vous indique que, au Royaume-Uni, c'est 1 800 000 personnes !

Ce marché a besoin qu'on le traite intelligemment (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste), comme une activité économique qui doit être développée. Il n'a pas jusqu'à présent fait l'objet de suffisamment d'attention, comme d'ailleurs d'autres activités françaises, tel le tourisme.

Dans ce contexte, et pour revenir à votre question (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste), rassurez-vous : le sujet est tout à fait vivant. Nous avons eu hier une discussion à propos de l'application du principe de subsidiarité : nous devrions être libres de faire, dans ce domaine, ce que nous voulons, de manière responsable !

M. Bolkestein, commissaire européen, n'a pas nié que les raisons pour lesquelles nous étions obligés de demander l'avis de tout le monde découlaient d'une conception de la TVA communautarisée qui n'avait plus lieu d'être car, entretemps, nous avons beaucoup changé d'avis. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Cela dit, nous sommes convenus, avec la présidence néerlandaise, que le sujet serait repris dès que j'aurai la possibilité, en accord avec la Commission, de faire une proposition constructive. Soyez sûrs que nous allons le faire (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) dans le délai le plus court possible ! Et si nous pouvons le faire avant les deux mois, nous le ferons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - De nombreux députés socialistes brandissent un carton rouge.)

RELATIONS ENTRE LA FRANCE ET LES ÉTATS- UNIS

M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel, pour le groupe UMP.

M. Philippe Vitel. Madame la ministre de la défense, vous avez rencontré récemment, à Washington, votre homologue américain, Donald Rumsfeld, ainsi que la conseillère pour la sécurité nationale auprès du Président Bush, Condolezza Rice.

Après avoir prononcé un discours devant les parlementaires américains, vous êtes intervenue devant les membres du Centre pour les études stratégiques et internationales, insistant sur la nécessité de retrouver le chemin de l'écoute réciproque, dans un esprit d'amitié sereine et de confiance.

A l'issue de ces entretiens, vous avez déclaré avoir perçu la volonté des Etats-Unis de tourner la page des tensions avec la France.

Madame la ministre, pouvez-vous évoquer devant la représentation nationale, les éléments qui vous conduisent aujourd'hui à espérer l'amélioration prochaine de nos relations ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la défense.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Monsieur le député, effectivement, lors de mes entretiens, à Washington comme à New York, j'ai perçu une nette détente et une volonté, pour reprendre l'expression de mes interlocuteurs, de « tourner la page ».

Qu'est-ce qui peut rendre cette attitude crédible ?

D'abord, le fait que, le temps passant, l'administration américaine ne peut, aux yeux de sa propre opinion publique, rester longtemps dans une situation de brouille avec un de ses alliés les plus anciens.

Ensuite, elle prend conscience que les difficultés rencontrées en Irak correspondent à certaines des mises en garde que nous avions formulées l'année dernière, ce qui rend notre attitude passée peut-être plus compréhensible.

Par ailleurs, et c'est peut-être l'essentiel, elle constate que notre coopération militaire, notamment en Afghanistan, mais également dans les Balkans, se déroule d'une façon exemplaire et que la France est un des rares alliés à faire un effort significatif de défense, ce qui lui a permis d'intervenir réellement en disposant d'une expertise et d'un crédit, notamment dans le monde arabe.

Je crois qu'il y a désormais une volonté affichée à Washington de renforcer le dialogue avec la France et avec l'Union européenne, ainsi que de rechercher les voies d'une meilleure coopération dans la lutte contre le terrorisme, contre la prolifération des armes de destruction massive et contre le trafic de drogue ou d'armes conventionnelles.

On constate aussi moins de réticences vis-à-vis de la politique extérieure et de sécurité de l'Europe et la volonté de mieux combiner l'action de la défense européenne et de l'OTAN.

Il y a également la volonté - et la demande a été exprimée notamment par M. Kissinger - de tenir un forum réunissant les occidentaux entre eux, notamment la France et les Etats-Unis, sur des sujets tels que la situation en Irak ou dans l'ensemble de cette région.

Bref, les bases d'une coopération renouvelée et solide sont posées. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

CRISE DE L'INDUSTRIE TEXTILE DANS LE NORD

M. le président. La parole est à M. Christian Vanneste, pour le groupe UMP.

M. Christian Vanneste. Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée à l'industrie et porte sur l'industrie textile.

Madame la ministre, vous êtes venue, la semaine dernière, dans le Nord, et vous avez pu constater l'état de crise profonde que traverse le bassin d'emploi Roubaix-Tourcoing-Vallée de la Lys dont l'industrie textile a été, pendant deux siècles, l'élément moteur : 2 685 emplois perdus, 800 menacés, des redressements judiciaires, des liquidations. Il est temps de prendre conscience de ce phénomène grave. Les causes en sont connues : abandon du plan Borotra, 35 heures, (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.), taxe professionnelle. Les effets en sont terribles : effets économiques, effets en chaîne - lorsqu'une teinturerie meurt, ce sont des filatures qui sont condamnées - et surtout effets sociaux car la reconversion, vous le savez bien, est plus difficile dans un bassin d'emploi où l'industrie a dominé. On ne passe pas directement du secondaire au tertiaire.

Bien sûr, des mesures du CIADT sont venues récompenser nos efforts et répondre à nos demandes, mais ce n'est pas suffisant et surtout leurs effets ne seront pa assez rapides.

Aussi, madame la ministre, quelles mesures pouvez-vous prendre dans l'immédiat pour remédier à cette grave situation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à l'industrie.

Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Après la question de M. Delnatte sur VEV, vous soulevez, monsieur Vanneste, la question plus générale de l'avenir des industries traditionnelles manufacturières qui ont fait l'histoire et la force de la France.

A plusieurs reprises, j'ai eu l'occasion de dire sur place que ces industries n'étaient pas en déclin inéluctable mais qu'elles devaient faire face à des défis d'adaptation pour inverser la tendance à la désindustrialisation. Je m'emploie depuis dix-huit mois à leur apporter mon concours en encourageant fortement l'innovation, par le financement de nombreux projets, labellisés par le réseau industriel pour l'innovation du textile-habillement, qui réunit, depuis deux ans, tous les acteurs concernés, et avec le plan innovation que j'ai présenté avec Claudie Haigneré et qui est en application depuis le 1er janvier dernier.

En effet, face à la concurrence des pays à faibles coûts salariaux, la réponse la plus efficace pour enrayer les délocalisations est la qualité, la créativité, la diversification des produits.

Par ailleurs, on constate que, chaque année, dans ces secteurs, des dizaines de milliers d'emplois sont détruits par la contrefaçon devenue un véritable fléau économique. Aussi, j'ai fait de la lutte contre la contrefaçon une priorité de mon action et j'ai confié à votre collègue François d'Aubert la présidence du Comité national d'action contre ce fléau.

En juillet prochain, la task force (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) que j'ai mise en place, composée des fédérations syndicales et des entreprises, déposera ses propositions dans le même temps où la Commission européenne déposera les siennes. En effet, nos partenaires européens, sous notre impulsion, sont désormais déterminés à mettre en œuvre une politique volontariste qui soutienne nos grands secteurs industriels, secteur par secteur. C'est une approche nouvelle, prometteuse, qui est susceptible de redonner espoir à la filière textile. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

TEXTE SUR LE REGISTRE INTERNATIONAL FRANÇAIS

M. le président. La parole est à Mme Marylise Lebranchu, pour le groupe socialiste.

Mme Marylise Lebranchu. Au Sénat, que vous connaissez bien, monsieur le Premier ministre, vous avez laissé passer, avec l'accord du Gouvernement, un texte qui aurait pu passer inaperçu, parce qu'il s'appelle RIF, nom difficile à comprendre, mais qui commet l'une des entorses les plus graves au code du travail et au droit social que l'on ait jamais connue dans notre pays.

M. Jean-Claude Lenoir. Démagogie !

Mme Marylise Lebranchu. Pas du tout !

Ce texte, en effet, veut créer un pavillon de complaisance français qui permettrait aux armateurs de notre pays de recourir à des officines, qui en ont le droit et la pratique, pour embaucher sur des contrats de neuf mois, sans garanties sociales ni de salaire - nous savons que, dans ces sociétés, on ne verse souvent le premier salaire qu'après plusieurs mois et qu'on n'en verse qu'une partie pour contraindre la personne à tenir jusqu'à la fin du contrat.

On aurait donc le droit, en France, de recourir à ces officines qui louent de la main d'œuvre en provenance des pays les plus gravement touchés par la misère sociale !

Les armateurs rétorquent que cela leur permettra de réinscrire nos bateaux en France, parce qu'ils auront la possibilité de n'avoir à bord que deux marins français.

Pourquoi, aujourd'hui, sous pavillon étranger, n'ont-ils pas deux marins français ?

C'est très grave ! Les marins français sont très touchés par cette disposition, parce que c'est une entorse globale à ce qui fait la force de notre pays. C'est aussi une réponse à ce qu'a dit tout à l'heure M. Fillon sur le contexte économique mondial : aujourd'hui, pour résister à cette horrible concurrence, il faudrait que les salariés français soient traités comme ceux des pays en grave difficulté ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Tirer la législation vers le bas, monsieur Fillon, ne vise pas à assurer le développement économique de notre pays, mais seulement à améliorer le retour sur investissement de certains actionnaires. C'est extrêmement grave. Je vous demande solennellement, monsieur le Premier ministre...

M. Georges Tron. Quel cinéma !

Mme Marylise Lebranchu. Non, monsieur, ce n'est pas du cinéma.

Je vous demande solennellement, monsieur le Premier ministre, de ne pas vous contenter du report de la discussion de ce texte à l'Assemblée nationale après les élections régionales. Vous devez contrecarrer l'offensive de M. de Richemont et de M. Josselin de Rohan, président du conseil régional de Bretagne, en annonçant que vous le retirez définitivement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Madame Lebranchu, au nom de M. Gilles de Robien et de M. Dominique Bussereau qui sont en déplacement à l'étranger, je voudrais dire combien l'ambition maritime que nous avons pour notre pays est grande. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

D'abord, nous devons assurer la sécurité en mer, et Dieu sait que nous devons progresser en la matière (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), comme nous avons pu le constater ces derniers jours.

Nous devons également soutenir le développement de notre flotte de commerce, et elle en a besoin. En vingt ans, alors que nous sommes le quatrième exportateur mondial, nous sommes passés, dans le classement des flottes de commerce, des tout premiers rangs au vingt-neuvième.

M. Bernard Accoyer. C'est le résultat de la politique socialiste !

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. La solution ne passe ni par une relance de la réglementation, ni par un repli sur soi. Il faut du dynamisme, de l'ouverture et de l'initiative économique.

Je n'ai pas reconnu dans vos propos, madame Lebranchu, la substance de la proposition de loi, adoptée par le Sénat le 11 décembre dernier, relative à la création du registre international français. Vous nous décrivez un monde apocalyptique. Au contraire, il s'agit d'un projet de modernisation de notre flotte française, qui sera examiné à l'Assemblée nationale au printemps. Le débat permettra de traduire enfin en la matière une véritable ambition économique pour notre pays, associée au progrès social. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe socialiste. C'est faux !

[_____PRÉSERVATION DE LA BIODIVERSITÉ_____]

M. le président. La parole est à M. François Grosdidier, pour le groupe UMP.

M. François Grosdidier. Madame la ministre de l'écologie et du développement durable, notre planète a connu cinq grandes vagues d'extinction des espèces. La première, il y a 438 millions d'années, et la dernière, il y a 65 millions d'années avec la disparition des dinosaures. Leurs causes étaient naturelles : période glaciaire, éruptions volcaniques, collisions avec des astéroïdes.

Nous sommes entrés - selon les chiffres - dans la sixième vague d'extinction des espèces, qui risque de faire disparaître d'ici à 2050 un quart des espèces animales et végétales, et qui, cette fois, n'est due qu'à nous. Il ne s'agit pas là du délire catastrophiste d'une secte apocalyptique, mais du résultat de la première étude scientifique modélisant les effets du réchauffement de la planète sur les espèces animales et végétales. Menée sous la conduite de Chris Thomas, de l'Université de Leeds, elle s'appuie sur les conclusions du groupe intergouvernemental d'experts de l'ONU, qui ne regroupe pas moins de 1 500 chercheurs dans le monde parmi les meilleurs dans chaque discipline.

Lorsque les menaces ne relevaient que du braconnage ou de perturbations locales du milieu naturel, on pouvait les considérer comme marginales au regard de la marche de l'humanité. Mais liées au réchauffement climatique, on les sait maintenant générales à l'échelle de la planète.

Menace certaine, contrairement au risque nucléaire, agité dimanche dernier encore par les manifestants contre ITER, et imminente, puisque les prévisions alarmantes ne sont plus à l'échéance de siècles, mais de décennies : elle touchera nos enfants et nos petits-enfants.

Certes, la France ne représente que 1 % de l'humanité, mais sa voix porte dans le monde entier. Ce qui est vrai en géopolitique peut l'être en écologie. Cependant, pour être crédible, la France doit être exemplaire.

Madame la ministre, quelles initiatives compte prendre le Gouvernement pour inverser ces tendances fatales au milieu naturel que nous avons le devoir de préserver et de léguer intact à nos enfants ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur Grosdidier, je commencerai en citant le premier et le deuxième considérant de la future charte de l'environnement : « Les ressources et les équilibres naturels ont conditionné l'émergence de l'humanité. L'avenir et l'existence même de l'humanité sont indissociables de son milieu naturel ».

Je partage votre diagnostic. Si nous ne faisons rien, le quart des espèces vivantes de faune et de flore aura disparu d'ici à 2025. Voilà pourquoi la France a intégré dans sa stratégie nationale de développement durable une stratégie pour la préservation de la biodiversité. Après la communication que j'ai faite au conseil des ministres en septembre, nous avons lancé une première phase qui fixe des enjeux et des objectifs. J'irai les présenter, fin février, à Kuala Lumpur, lors de la Convention internationale sur la diversité biologique.

Quels sont les principes de cette stratégie ?

Elle sera d'abord participative : il ne s'agit pas de ne protéger que des espaces naturels remarquables ou des espèces emblématiques. Le moindre insecte vaut autant qu'une espèce largement anthropomorphisée, une algue minuscule autant qu'une fleur magnifique. Tout le monde doit se sentir concerné par cette stratégie de la biodiversité.

Il faut ensuite reconnaître la valeur économique de la biodiversité, dans une société marquée uniquement par les valeurs marchandes. Hervé Gaymard a ainsi introduit dans son texte sur le développement des territoires ruraux un volet sur les zones humides.

Il faut également que cette stratégie soit « intégrative ».

Enfin, elle se fonde sur la connaissance acquise par un observatoire scientifique rigoureux.

Nous en sommes dorénavant à la deuxième phase, qui doit fixer des plans d'action qui seront formalisés en juin.

Vous avez raison, monsieur le député, en ce domaine, la France, tant en métropole qu'en outre-mer, se doit d'être exemplaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

[_____DEVOIR DE MÉMOIRE ET COMMÉMORATION DE LA LIBÉRATION_____]

M. le président. La parole est à M. Charles Cova, pour le groupe UMP.

M. Charles Cova. Ma question, à laquelle j'associe mon éminent collègue Jean-Marc Lefranc, s'adresse à M. le secrétaire d'État aux anciens combattants.

Le devoir de mémoire est souvent invoqué. A chaque commémoration, nous soulignons l'importance de transmettre aux jeunes des valeurs, des repères et des exemples.

Nous mesurons la nécessité impérieuse de transmettre les valeurs républicaines auxquelles nous sommes tous attachés et qui sont trop souvent ignorées, voire attaquées. Le Président de la République a réuni la semaine dernière le Haut conseil de la mémoire combattante. Il a annoncé sa participation aux cérémonies commémorant le soixantième anniversaire des débarquements de Normandie et de Provence et de la libération de Paris, qui ont conduit à la victoire sur la barbarie nazie.

Monsieur le secrétaire d'Etat, comment l'Etat entend-il commémorer ces étapes fondatrices de notre histoire nationale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État aux anciens combattants.

M. Hamlaoui Mékachéra, secrétaire d'État aux anciens combattants. Monsieur le député, je vous remercie de la question que vous venez de me poser. Elle me permettra d'informer, non seulement la représentation nationale, mais également tous nos concitoyens, sur les commémorations du soixantième anniversaire de la libération.

En effet, dans moins de cinq mois, nous célébrerons le soixantième anniversaire des débarquements de Normandie et de Provence ainsi que de la libération de Paris et de tout le territoire.

Dans ce but, le Premier ministre a nommé une commission interministérielle chargée de l'élaboration et de la coordination de l'action de l'Etat. Ces commémorations ont été au cœur des travaux de la réunion du Haut conseil de la mémoire combattante, que le Président de la République a réuni vendredi dernier. C'est pourquoi l'Etat est déjà totalement mobilisé pour faire de la commémoration du 6 juin 2004 un temps extrêmement fort.

Les collectivités locales et les associations s'affairent depuis plusieurs mois à organiser une multitude de commémorations, locales, départementales ou régionales. Ces commémorations auront une dimension internationale, puisqu'une quinzaine de chefs d'Etat et de gouvernement ont été invités à y participer sur invitation du Président de la République et du Gouvernement. La présence du Chancelier allemand leur donnera un poids particulier et nous permettra, dans le strict respect de l'histoire, de nous tourner vers l'avenir et la jeunesse. Ces commémorations seront une occasion unique de transmettre aux jeunes générations les valeurs de ceux qui ont débarqué en Normandie ou en Provence, les conduisant parfois jusqu'au sacrifice suprême.

Le chantier est ouvert et nous souhaitons qu'il soit une grande réussite. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de Mme Hélène Mignon.)

PRÉSIDENCE DE MME HÉLÈNE MIGNON,

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

2

DÉVELOPPEMENT DES TERRITOIRES RURAUX

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux (n°s 1058, 1333).

Discussion des articles (suite)

Mme la présidente. Jeudi soir, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à M. Jean Launay.

M. Jean Launay. Madame la présidente, monsieur le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, mes chers collègues, comme l'a dit Henri Nayrou en défendant l'exception d'irrecevabilité sur ce texte : « le développement des territoires ruraux n'est pas un enjeu politique, c'est un enjeu de société ». Nous partageons probablement tous ce point de vue - même si vous avez, monsieur le ministre, prévu le coup, si j'ose dire, en annonçant prudemment dans votre intervention liminaire qu'il ne s'agissait nullement d'une loi de société - et nos divergences portent plutôt sur les conditions à mettre en œuvre pour satisfaire cet ambitieux projet.

Permettez-moi donc, monsieur le ministre, vous qui avez utilisé le qualificatif de « boîte à outils » pour qualifier votre texte, d'apporter, à travers cette contribution et les amendements qui en découleront, un ustensile supplémentaire et de centrer mon temps de parole sur un seul sujet : la trufficulture, dont la relance pourrait à mon avis constituer une chance pour de nombreux espaces ruraux de notre pays.

Que ce soit dans le Quercy et le Périgord - au sens large : Lot, Dordogne, Corrèze -, dans le Sud-Est - Vaucluse, Drôme - et, plus surprenant en apparence, dans bien d'autres départements du Centre et de l'Est de la France, comme la Meuse, la truffe a été une production importante, couvrant même 70 000 hectares au début du siècle dernier. Aujourd'hui, la Fédération française des trufficulteurs, organisme unique depuis plus de dix ans, qui fédère tous les producteurs de notre pays - et pourrait donc à ce titre se voir agréé comme organisation professionnelle représentative - estime ces surfaces à 8 000 hectares.

Cette fédération nous rappelle également que l'Europe ne produit plus assez de truffes de qualité - telles que la tuber melanosporum que j'ai le plaisir de vous présenter ici - pour pouvoir répondre à une demande mondiale dix fois supérieure à l'offre européenne.

M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. La truffe que vous nous montrez là a de la valeur.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. C'est une vraie truffe ?

M. Jean Launay. Oui ! Rassurez-vous, nous la goûterons à l'issue de la séance !

M. Patrice Martin-Lalande. Cela contribuera à réduire l'absentéisme ! (Sourires.)

M. Jean Launay. Sachez que cette tuber melanosporum est mise en grand danger par la truffe de Chine. Avec le programme Adapt Demeter, la France, l'Italie et l'Espagne ont toutefois impulsé, entre 1997 et 2001, un nouvel élan aux producteurs de truffes. Le lancement d'un nouveau programme, d'une durée de cinq ans, permettrait à nouveau de faire progresser l'expérimentation, les connaissances scientifiques sur les pratiques culturales et la compréhension des relations entre la truffe et le climat.

Les trois pays producteurs européens - que la Hongrie rejoindra bientôt - ont donc présenté, le 14 novembre dernier, leur demande à la commission agricole du Parlement européen, et je crois savoir que le président de celle-ci, M. Joseph Daul, s'est montré particulièrement sensible à l'aspect portant sur la coordination des recherches.

Vous-même, monsieur le ministre, aviez exprimé votre soutien, sur ce dossier, à M. Alemanno, votre homologue italien, qui vient de présider pendant six mois le Conseil européen des ministres de l'agriculture, dont la réunion en novembre n'a toutefois permis de prendre aucune décision concrète.

J'en suis convaincu, seule une politique active de développement de la truffe et de la trufficulture peut permettre, outre une amélioration qualitative du produit, une augmentation significative de la production. Avec des plantations de 800 hectares de chênes par an, la trufficulture française pourrait atteindre dans dix ans une production annuelle d'environ 100 tonnes, ce qui nous laisserait encore bien en deçà de la production des années d'or : environ 1 000 tonnes étaient en effet produites chaque année au début du siècle dernier.

Monsieur le ministre, les régions et les départements concernés par la trufficulture se mobilisent de leur côté. Je veux rappeler l'exemple de la région Midi-Pyrénées, qui a décidé d'aider l'ensemble des trufficulteurs de la région, qu'ils soient ou non agriculteurs, à hauteur de 1 000 euros par hectare de plantation truffière et sur la base d'une dépense prévisionnelle maximale de 4 000 euros hors taxes par hectare.

Je veux également citer l'exemple du conseil général du Lot qui, lors de sa séance du 27 octobre 2003, a mis en place un dispositif complémentaire et adapté aux caractéristiques du département. Celui-ci comporte à la fois une aide à la réalisation de plantations optimisées, une aide à la rénovation des vieilles plantations et une aide à l'arrachage de vieilles plantations ou de vieux bois truffiers.

Monsieur le ministre, entre les projets d'intervention de l'Europe et les décisions mobilisatrices des régions et des départements, l'Etat ne peut rester inactif. Je sais d'ailleurs que vous êtes vous-même sensible à ce sujet : en réponse à une question orale de notre collègue de Corrèze Frédéric Soulier, vous avez en effet renvoyé au texte dont nous discutons aujourd'hui le débat sur la défiscalisation : les truffières pourraient être considérées comme des bois et non comme des vergers.

C'est pourquoi, avec les collègues de mon groupe - mais certains de nos collègues de la majorité l'ont fait de leur côté -, j'ai déposé un certain nombre d'amendements consacrés au statut des trufficulteurs, à la poursuite de l'exploitation des truffières en cas de cessation d'activité, à la transmission et à la licence.

J'ai souhaité employer les cinq minutes dont je dispose à convaincre la commission et l'ensemble de nos collègues, tous bancs confondus (« Nous sommes convaincus ! » sur les bancs du groupe socialiste), de la nécessité d'adopter la demi-douzaine d'amendements que j'ai déposés et qui sont destinés à favoriser le développement de la trufficulture. Ils représentent une contribution supplémentaire pour nourrir - avec un produit de qualité - le contenu du projet de loi.

M. Henri Nayrou. C'est le cas de le dire ! (Sourires.)

M. Jean Launay. Le sujet est tout sauf anecdotique. Il concerne une partie importante de notre territoire et répond à de nombreuses attentes de la part des trufficulteurs, qu'ils soient ou non agriculteurs. En se passionnant pour cette production mystérieuse, ces derniers contribuent efficacement à l'entretien de nos paysages et à l'occupation de nos espaces. Si nous les soutenons, ils pourraient demain faire beaucoup plus.

Au XIXe siècle, on prêtait déjà à la truffe le pouvoir de faire basculer un vote. Ne disait-on pas : « De nos festins tu décores la table ; et de ton suc, repu dès le matin, tel député, qu'on croyait intraitable, change de boule en allant au scrutin ? » (Sourires.)

La commission des affaires économiques, certes sensible au sujet, s'est pourtant montrée intraitable avec les amendements présentés. J'espère donc bien faire évoluer les positions durant nos débats sur le texte et les amendements. Et je vous invite à nouveau, monsieur le ministre, à goûter, à la fin de notre séance, la truffe que je vous ai montrée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Auclair.

M. Jean Auclair. Monsieur le ministre, votre loi se veut pragmatique : mon intervention essaiera de l'être aussi.

Pour enrayer la politique de la gauche, qui voulait transformer les départements défavorisés en déserts verts ou en réserves, la loi Pasqua avait créé les ZRR. La précédente législature, montrant ainsi son ignorance de la ruralité, les a enterrées, au risque de favoriser la fracture territoriale. C'est pourquoi vous devez, monsieur le ministre, passer aujourd'hui à la vitesse supérieure et mettre en place, en faveur de ces départements, parmi lesquels la Creuse, une véritable discrimination positive.

Sur le plan du désenclavement, le Gouvernement l'a bien compris en mettant enfin sur les rails le train TEOZ, en apportant pour la RCEA les crédits attendus depuis longtemps, et en consacrant des sommes importantes à la téléphonie mobile ou au haut débit.

L'attractivité de nos territoires ruraux doit être renforcée. Nombreux sont, en effet, nos compatriotes désireux de vivre à la campagne. Mais nous devons, dans ce but, leur procurer les services attendus et naturellement leur apporter du travail. En Creuse, par exemple, l'espace ne manque pas pour décentraliser et installer des entreprises.

Mais pour accueillir ces rurbains, nous devons mettre à leur disposition des logements décents. Et là, le problème se corse, car nos voisins d'outre-Manche achètent toutes les maisons disponibles, contribuant encore un peu plus à la désertification. Monsieur le ministre, il faut partir en guerre contre les volets fermés onze mois dans l'année !

Votre loi met certes en place des dispositions incitant les personnes privées à réhabiliter des habitations, mais lorsqu'il y a carence de l'initiative privée locale, il faut absolument aider les conseils municipaux à engager des opérations de réhabilitation du bâti rural à usage locatif.

La dépopulation n'est pas une fatalité. Cette tendance n'est pas irréversible, à condition que tous les leviers soient actionnés. Hélas, en Creuse, la majorité socialiste a cassé le système d'aide au logement que la droite avait mis en place. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Venez en Creuse, mesdames et messieurs, vous pourrez y observer les résultats de la politique de désertification conduite par le conseil général !

Pour accueillir des populations et les fixer, il faut donc proposer des services. A cet égard, la carte scolaire a des implications directes en termes d'aménagement du territoire et de services rendus à la population - le caractère interministériel du texte qui nous est soumis me permet d'aborder cet aspect. Les ZRR sont classiquement caractérisées par une faible densité de population. L'accès au savoir diversifié et de proximité est une exigence des enfants, des parents et des élus. C'est ainsi, par exemple, que la réalisation de pôles de compétences dans les lycées serait une erreur magistrale. J'ai déposé un amendement afin d'éviter de revivre les problèmes douloureux que nous subissons en Creuse en ce moment, à la suite des décisions absurdes du rectorat. (Exclamations sur certains bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Autre point sensible, que j'évoque à la demande des agriculteurs : ces derniers, monsieur le ministre, ne sont plus des paysans, mais des hommes de la terre et aussi des hommes d'affaires.

Les agriculteurs se sentent brimés, étouffés par des dispositions totalement inappropriées et ringardes - je pense en particulier à la loi d'orientation votée par la gauche. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Monsieur le ministre, il faut oser la réforme, notamment à la veille de la mise en place de la nouvelle politique agricole commune. Il faut libérer l'agriculture du carcan dans lequel on l'a jusqu'à présent enfermée en la soviétisant ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Ou nous mettons sur les rails le train du changement, ou l'agriculture française prendra un retard considérable et irréversible, notamment dans sa fonction de production. Et notre indépendance alimentaire risque d'être rapidement mise à mal.

Il faut par exemple réformer le versement de la DJA, notamment en ce qui concerne le stage de six mois. Vous avez voulu la simplification, maintenant nous devons nous attaquer à l'empilement des structures. Car il y aura bientôt plus de techniciens agricoles que d'agriculteurs. La composition des CDOA est pléthorique, et leur pouvoir est dictatorial. Le droit de propriété, pourtant inscrit dans la déclaration des droits de l'homme, est bafoué.

Enfin, monsieur le ministre, nous devons réformer les SAFER. C'est un gros morceau, mais il va falloir convaincre et vaincre le conservatisme. J'en prends mes collègues à témoin : il ne se passe pas un mois sans que nous recevions un agriculteur victime de l'activisme des SAFER. (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Cela ne peut plus durer !

Nous aurons l'occasion, à travers les amendements déposés, de reparler de tous ces sujets. Tous ne s'inscrivent peut-être pas dans le cadre de cette loi, mais ils auront au moins le mérite de s'attaquer au statu quo.

Monsieur le ministre, nous savons que vous participez à un gouvernement de mission, qui refuse l'immobilisme. Vous devez donc prendre ces problèmes à bras le corps, pour redonner à l'agriculture sa vraie fonction économique. Et vous pouvez compter sur les députés de l'UMP particulièrement motivés pour vous y aider. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marylise Lebranchu.

Mme Marylise Lebranchu. Je dirai d'abord à mon collègue Auclair que les agriculteurs de ma région ne demandent certainement pas une agriculture dénuée de subvention publique, de règlement et de protection.

M. Michel Vergnier. C'est un défenseur du libéralisme en matière agricole !

Mme Marylise Lebranchu. Nous ne devons pas vivre dans le même pays.

M. Jean Auclair. Je n'ai jamais voulu dire cela ! C'est une caricature !

Mme Marylise Lebranchu. Non, je vous ai bien écouté, monsieur Auclair. Mais nous y reviendrons.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mesdames et messieurs les députés, les territoires ruraux sont lieux d'authenticité, d'histoire naturelle et humaine mêlée d'identité. Il n'est pas anodin que nous parlions de régions et non plus de provinces, de territoires et peu de terroirs. Les ruraux sont aussi des citoyens du monde ouverts aux autres. Ils tâchent, pour la plupart, d'éviter de « transformer leur territoire en terrier » comme l'écrivait si bien le professeur Yves Morvan.

Les territoires ruraux sont aussi, parfois, lieux d'humiliations. Il y a peu, souvenez-vous, on parlait de « ploucs », de « crottés », de « culs terreux ». Leurs habitants ont nourri la cohorte des immigrés de l'intérieur, constituant une main-d'œuvre pour la production de masse et devenant la première population des banlieues dans les années 60. Enfin, les révoltes paysannes ont toujours marqué l'histoire : « pas de jacquerie », « il faut écouter le monde agricole » ont d'ailleurs été presque en permanence des mots d'ordre politique.

Au cœur du monde rural, le monde agricole a essayé d'échapper à son image, les entrepreneurs agricoles ont pris la place, pourtant si belle, des paysans. Brisés parfois d'avoir obéi à la demande de la suffisance alimentaire, donc à l'agriculture productiviste, certains ne dorment plus à cause des pollutions générées et des mises à l'index. D'autres demandent trop fort et violemment qu'on les laisse vivre !

Les territoires ruraux sont lieux de conflits, conflits d'occupation des sols, mais aussi conflits d'images avec « la ville tentaculaire » qui se nourrit de territoires où la solitude tient lieu d'avenir.

Les territoires ruraux sont lieux de rancœurs. Comment accepter de verser une bourse à un étudiant en médecine pour espérer qu'il s'installe là alors qu'ailleurs les bagarres pour une bonne installation font quasi rage ? N'est-ce pas reconnaître qu'il faut de l'argent pour compenser la difficulté d'être rural ? Est-ce les communes pauvres de ressources qui doivent reconnaître ainsi leur pauvreté de condition de vie et, qui plus est, s'appauvrir un peu plus ?

Mais les territoires ruraux sont aussi lieux d'innovation, d'intelligence, de valeur ajoutée. Je peux vous citer ces quatre communes du plateau de Ploudiry dans le Finistère, qui offrent aux enfants un accueil complet : crèche, lieux de devoirs et de repos, bibliothèque, ludothèque, installations sportives. Les enfants des quatre communes allant de l'une à l'autre, transportés en commun, sont comblés. Je peux vous citer encore vingt-cinq communes rurales de la communauté d'agglomération de Morlaix, dont les élus viennent ensemble d'inaugurer leur département d'IUT haut de gamme.

Si les désespoirs pointent souvent, surtout en pleine crise porcine et avicole, entre autres, la résignation, elle, n'est pas à l'ordre du jour.

Vous n'avez pas eu la chance, monsieur le ministre, de disposer de beaucoup de moyens. Pourtant, depuis la budgétisation du FISAC, des sommes importantes reversées au budget de l'Etat grâce à la taxation des grandes surfaces auraient pu être confiées à M. Dutreil et à vous- même pour réaliser ce que nous avions préparé, à savoir une aide aux services aux entreprises du monde rural, agricoles ou non, qui souffrent d'éloignement pour accéder aux bons conseils au bon moment.

Vous nous dites que la gauche a loupé la pluri-activité. Mais c'est à la demande des commerçants, artisans, hôteliers, restaurateurs, traiteurs, qui voulaient des conditions équitables de concurrence que cette proposition a été retirée de la loi d'orientation agricole. Et cette décision avait été préparée par mon prédécesseur d'alors, M. Jean Pierre Raffarin, dont j'ai défendu les positions, que je trouvais justes ! Grâce aux ressources du FISAC, cette question pourrait être réglée en compensant les différences de conditions fiscales des uns et des autres. Collectivités, associations, acteurs économiques ont tellement de projets non financés que ces fonds, judicieusement utilisés, pourraient apporter le plus qui manque souvent quand certains ont des velléités de s'installer loin des centres.

Monsieur le ministre, c'est l'ensemble de vos collègues qui auraient dû être à vos côtés pour l'examen de ce texte, parce que le milieu rural vit deux blessures que nous n'arrivons pas guérir. Et, si nous nous sommes présentés aux élections de 2002, mesdames, messieurs de la majorité, c'est parce que nous n'avions pas terminé notre tâche ; je ne doute pas que, à la fin de cette mandature, vous aurez, j'en suis certaine, la même impression que nous.

La première blessure, c'est d'être toujours dans l'attente d'une mise à niveau en matière d'équipements compte tenu des besoins et des évolutions technologiques. Après l'eau, l'électricité, le téléphone, c'est aujourd'hui le haut débit, la téléphonie mobile, l'accès au fret, la voie rapide. Mais pensons aussi à la déclaration faite par le président de la FNSEA lors de son audition par notre commission, demandant l'accès à la culture. Nous sommes fiers de nos salles polyvalentes, mais nous ne pouvons accueillir de créateurs en résidence, et, parfois, les salles de cinéma sont tellement éloignées que cela nous condamne à la télévision.

Votre texte a voulu répondre à certaines questions, mais vous n'avez pas obtenu les arbitrages nécessaires. Les mesures proposées sont parfois justes, mais elles sont difficiles à financer. Certaines font naître l'inquiétude, d'autres une opposition forte. En commission, nous n'avons pas été écoutés, et je pense que ce n'est pas seulement l'opposition socialiste qui l'a vécu ainsi, mais aussi un certain nombre de mes collègues de la majorité.

Pourtant, monsieur le ministre, nous sommes tous d'accord pour dire que, dans ce pays, il est nécessaire d'avoir une politique de la ville, le rôle de pôle de ressources est indispensable, les quartiers déstructurés sont grandement facteurs d'injustices. La seule autorité, nécessaire, ne masquera pas les ferments de révolte que nous n'avons pas le droit d'ignorer. Mais nous pensons que les deux politiques sont indispensables, d'autant que communes rurales ou périurbaines souffrent de la même pauvreté et contiennent le même ferment de révolte.

Il n'est pas suffisant d'autoriser les maires à verser des bourses aux étudiants en médecine, à déroger aux règles de la dépense publique sans étude d'impact, sans péréquation financière, reconnaissant ainsi la difficulté de vie du milieu rural.

Le droit sans ressource est un leurre, le droit inapplicable devient gadget inutile. Il en est de même lorsqu'on affirme le droit au travail devant des chômeurs sans espoir ou le droit au logement devant celui qui figure en vingt-cinquième position sur la liste d'attente lorsqu'il sait qu'il y a moins de deux logements libérés ou créés par an dans sa zone rurale. Vous nous avez reproché la fin des OPAH, mais nous avons les PLH, et que sont devenus les crédits de l'ANAH ou les PALULOS qui permettaient tant de belles réhabilitations au centre de nos bourgs ? Où une commune rurale peut-elle trouver les 10 000 euros par logement qui manquent pour réaliser des logements sociaux ?

Tous nos amendements rejetés au nom de l'article 40 répondaient au souci d'une « mise aux normes » d'accueil économique et social de nos territoires ruraux. Les territoires ruraux ne sont pas pauvres d'intelligence, mais pauvres de ressources humaines et, surtout, de ressources, tout simplement.

Indignés de se voir convier à l'expérimentation sans en avoir les moyens, les élus savent que ce sera un peu plus de culpabilisation pour eux s'ils ne réussissent pas.

Nous voulons réussir, au cours de ce débat, à vous convaincre, mais, surtout, à convaincre le Président de la république, le Premier ministre et le ministre des finances qu'ils peuvent encore fermer la porte aux coordinations, aux extrêmes, qui se trouvent si bien du découragement que crée l'inégalité des possibles générée par les territoires. Toutefois, si les services publics de base reculent encore, quelle chance aurons-nous donc de mobiliser les énergies pour éviter ce que trop constatent déjà dans leur pays, un territoire qui a du mal à résister à la résignation ?

Monsieur le ministre, vous avez de bonnes intentions, mais vous êtes victime d'une absence totale de moyens. Nous nous battrons tout au long de ces heures de débat parlementaire pour être entendus, parce qu'il n'est jamais trop tard pour travailler efficacement pour nos territoires ruraux. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Pourquoi ne pas vous le dire, monsieur le ministre, j'attendais un autre souffle. Je me faisais peut-être des illusions.

Le monde rural, je n'y exerce pas seulement mon mandat, j'y vis, j'ai décidé d'y élever mes enfants, j'y crois, dans mon cœur et dans mes tripes. Je crois aussi que c'est un élément d'équilibre pour notre pays. Il vaut le coup qu'on se batte pour lui.

J'avais aussi espéré un autre souffle parce que je suis peut-être nostalgique de la période 1993-1995, pendant laquelle, à l'initiative du plan Pasqua, un débat est intervenu, qui a réconcilié notre pays avec le monde rural. Rappelez-vous, c'était le moratoire sur les services publics, l'une des décisions les plus courageuses prises par le gouvernement Balladur à l'époque, c'était le coup d'arrêt à la grande distribution, si déstructurante pour le monde rural, voulu par le ministre de l'époque, Jean-Pierre Raffarin !

Toutefois, je me rallie à votre méthode pratique et pragmatique parce que c'est dans l'air du temps, et je ne crois pas que ce soit simplement lié à des problèmes budgétaires. Nous sommes dans un monde où les débats sur la délinquance, les banlieues, l'immigration sont tels que le monde rural passe trop souvent au second rang, et il le ressent parfois comme de l'ingratitude.

Je me rallie à votre méthode pratique et pragmatique. Encore faut-il qu'elle s'inscrive dans une logique, et je crois la ressentir.

Il faut d'abord mettre un terme à une logique de gauche. Qu'on le veuille ou non, il y a un clivage politique. Je ne veux surtout pas caricaturer, mais vous avez été, mesdames, messieurs de l'opposition, porteurs d'une politique fondée sur l'idée que le monde rural est fait pour la ville, qu'il est destiné à être un conservatoire - conservatoire environnemental, conservatoire de l'eau, conservatoire de l'espace, conservatoire foncier. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme Marylise Lebranchu. J'ai dit le contraire !

M. Marc Le Fur. Telle n'est pas notre politique, telle n'est pas notre logique.

M. André Chassaigne. C'est n'importe quoi !

M. Marc Le Fur. Encore une fois, je ne veux pas caricaturer,...

Plusieurs députés du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. Si !

M. Marc Le Fur.... des choses intéressantes ont été faites. La création des communautés de communes a été un plus pour le monde rural, elle a permis une révolution silencieuse, j'en conviens. Dans le même temps, nous avons dû subir les mesures anti-chasse, le harcèlement environnemental à l'égard des paysans, la fonctionnarisation de l'espace rural avec les CTE. Nous voulons mettre un terme à tout cela.

Nos compatriotes veulent vivre, travailler, décider, avoir des loisirs en monde rural. Le monde rural doit devenir un monde d'initiative, et cette initiative doit se traduire concrètement.

Cela veut dire aussi donner des réponses.

La commune de Saint-Gildas, petite commune de 300 habitants dans ma circonscription, perd 7 % de sa population entre deux recensements. Comment voulez-vous expliquer à son maire que l'on va, pour des raisons administratives et juridiques, refuser un permis de construire à une des rares familles qui veut habiter dans sa commune ? Pourtant, on le lui refuse. C'est inadmissible !

Je préside une OPAH. J'entends dire que les OPAH vont durer cinq ans. On me dit que la mienne ne peut durer que trois ans.

La règle des cent mètres est une règle technocratique s'il en est. Le problème est souvent évoqué dans nos permanences. Un agriculteur veut se développer, son voisin, qui est à moins de cent mètres, est d'accord. Le contrat pourrait permettre de déroger à la règle mais, en l'état de notre droit, ce n'est pas possible.

Deuxième élément d'initiative, les services. C'est un élément majeur. Là, nous devons reconnaître des évolutions extrêmement positives. La politique voulue par France Télécom est une bonne chose. On a vu revenir ces services dans le monde rural. L'ADSL est en train de couvrir notre territoire,...

M. Jean Lassalle. C'est vrai !

M. André Chassaigne. C'est du rêve !

M. Marc Le Fur....et c'est un plus, j'en suis le témoin dans mon secteur.

Cela dit, au moment même où nous allons prendre une excellente décision sur la filière cheval, sur le plan fiscal et sur le plan social, a lieu aujourd'hui dans ma circonscription, à Lamballe, une réunion sur le devenir des haras qui m'inquiète. On ne peut pas tenir un double langage. Je ne reviens pas à l'idée de moratoire, mais, malgré tout, ayons cette perspective à l'esprit.

Retenons aussi les services privés, en particulier les médecins. J'ai réuni ceux de ma circonscription : leur moyenne d'âge a dépassé les cinquante ans. Nous aurons donc un problème de renouvellement. Il faut savoir attirer des médecins, les retenir. Nous avons des techniques, nous avons des possibilités. Je crois que cette loi peut contribuer à améliorer les choses.

Autre élément d'initiative, les laboratoires vétérinaires privés. L'article 41 les inquiète, et je voudrais vous faire part de cette inquiétude.

La loi rurale ne sera pas une loi agricole. Pour autant, le monde rural est d'abord le monde agricole. S'il faut donner un temps de latence au monde agricole pour tirer les conséquences de la réforme de la PAC, il faudra néanmoins prendre des décisions à l'issue du grand débat qui est en cours pour connaître les conséquences du découplage. Le monde agricole doit trancher entre références historiques, régionalisation des aides, mutualisation. Voilà des éléments de fond. Je note la grande évolution de ce débat. Certains qui, il y a encore quelques semaines, étaient très opposés au découplage, veulent maintenant s'engager au plus vite dans la réforme de façon à donner au monde agricole la visibilité qu'il attend.

Cela dit, nous devons tout de même introduire dans ce texte un certain nombre de dispositions agricoles. J'en proposerai une, monsieur le ministre, sur la réforme des conseils départementaux d'hygiène. Voilà une structure essentielle pour les paysans, une structure qui décide du devenir des exploitations. Sur vingt-sept membres, combien y a-t-il d'agriculteurs ? Un ! Il n'y a pas le minimum de représentation qu'exige une décision qui, pour l'essentiel, concerne des sujets agricoles.

M. Jean Lassalle. Eh oui !

M. Marc Le Fur. J'espère qu'à l'occasion de ce texte, nous saurons évoluer, et je vous proposerai que, lorsqu'on traite de questions agricoles, un tiers au moins des membres de ces conseils soient des représentants du monde agricole.

Mme la présidente. Monsieur Le Fur, il faudrait conclure.

M. Marc Le Fur. Je vais vers ma conclusion, madame la présidente.

Je reviendrai sur les ZRR quand on abordera l'article 1er, mais je voudrais que chacun ici soit conscient du sujet majeur qui nous attend.

Nous disposions jusqu'à présent dans le monde rural d'un certain nombre d'aides européennes extrêmement précieuses,...

M. Jean Lassalle. C'est vrai !

M. Marc Le Fur. ...notamment pour les zones relevant de l'objectif 5 b, devenu l'objectif 2, ou pour les projets bénéficiant du programme Leader - je connais un peu le sujet, je préside une association qui gère un programme LEADER. Nous arrivons au terme, mes chers collègues. En 2006, tout cela ça s'arrêtera. Or 2006, c'est demain ! Il faut préparer la suite, c'est essentiel, car de nombreuses interrogations demeurent. Les ZRR, je vous le rappelle, ne concernent qu'un cinquième du monde rural. Il faudra bien prévoir des dispositifs spécifiques pour le reste et il est essentiel que nous nous mobilisions tous, quelles que soient nos convictions, pour faire passer cette idée simple que l'Europe doit, d'une manière ou d'une autre, continuer à s'intéresser au monde rural français. C'est indispensable pour passer à un moment donné du discours aux actes.

M. Jean Lassalle. Sinon, il n'y aura plus d'Europe !

M. Marc Le Fur. Je crois que cette loi peut constituer une étape, mais ce n'est qu'une étape. D'autres seront nécessaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Nicolas.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Nicolas.

M. Jean-Pierre Nicolas. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, après des décennies de politique d'aménagement du territoire en faveur des zones urbaines, il était temps, et juste, de faire jouer la solidarité nationale en faveur des territoires ruraux.

Je souhaite saluer l'ambition et le pragmatisme de ce texte à caractère interministériel et qui permet de prendre en compte la grande diversité de nos campagnes.

Si un Français sur quatre habite aujourd'hui en zone rurale, les situations sont en réalité très contrastées puisque quelque 8 000 communes sont en déclin démographique. Par ailleurs, si l'agriculture demeure le cœur de la ruralité, elle se déploie aujourd'hui davantage dans des espaces périurbains, où les conflits d'usage sont fréquents.

L'attrait des territoires ruraux repose sur de multiples facteurs. Ce texte, sans être un texte de société, embrasse les sujets essentiels à la préservation et au développement de la ruralité. Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous en féliciter.

Le développement économique des territoires ruraux est primordial. A cet effet, le toilettage du dispositif concernant les ZRR va dans le bon sens puisqu'il est de nature à revivifier le tissu économique des territoires en déclin démographique.

Le volet fiscal offre de réelles perspectives pour relancer l'activité dans ces territoires, avec notamment une prolongation de l'exonération totale de l'impôt sur les sociétés pour les entreprises nouvelles, laquelle passera de deux à quatre ans.

Avec ces nouvelles dispositions, nous approchons du dispositif des ZFU. Franchir le pas mérite sans doute une réflexion approfondie.

L'attrait économique des territoires ruraux se mesure également à leur capacité à créer des emplois. Les dispositions proposées faciliteront la concrétisation de cet objectif par l'assouplissement des conditions relatives à la pluri-activité à laquelle s'adaptent parfaitement les ruraux. Le soutien aux groupements d'employeurs et le cumul plus facile d'un emploi public et d'un emploi privé renforceront ce dispositif.

La rénovation du patrimoine rural bâti contribue également au développement des territoires ruraux et je me félicite de la relance des OPAH en milieu rural, quasiment gelées sous le précédent gouvernement.

L'accès aux services en milieu rural est essentiel, qu'il s'agisse de l'accès aux services publics ou de l'accès aux services à la personne, en ce qui concerne notamment les offres de soins. Dans le contexte actuel, il convient d'observer que la densité nationale des médecins généralistes et des spécialistes libéraux est de 335 médecins pour 100 000 habitants. Dans le département de l'Eure, cette densité n'est que de 206. De plus, le déséquilibre tend à s'aggraver à l'intérieur même des départements entre zones rurales et agglomérations.

Il est donc indispensable de proposer des solutions pour remédier à cette situation. Si le premier moyen est l'augmentation du numerus clausus, le second moyen est une meilleure répartition géographique des médecins à l'intérieur des départements. L'objectif est clair : il s'agit de donner à la population rurale les mêmes possibilités d'accès aux professionnels de santé que la population urbaine.

Néanmoins, le contexte actuellement tendu de la démographie médicale et la lenteur des effets positifs de l'augmentation du numerus clausus nous obligent dès maintenant à favoriser l'installation de professionnels de santé en milieu rural, en particulier des médecins généralistes, des dentistes et autres spécialistes. C'est pourquoi je me réjouis des mesures incitatives prévues dans ce projet de loi, mesures que les collectivités locales pourraient éventuellement enrichir en explorant les pistes d'aide à l'installation de cabinets secondaires.

Volontariste sur le plan économique, le texte qui nous est soumis s'inscrit également dans une perspective de développement durable, en recherchant un équilibre satisfaisant entre l'extension des villes et le maintien des cultures et espaces naturels essentiels pour l'environnement et le cadre de vie.

Je me félicite de la richesse de nos travaux en commission, qui ont permis de confier au département la responsabilité de la politique de protection et d'aménagement des espaces périurbains.

Par ailleurs, le dispositif d'aménagement foncier est rénové et l'effort de gestion et de restructuration des forêts est poursuivi, en vue de faciliter la constitution d'unités forestières viables.

La valorisation de la chasse participe de la volonté de trouver un compromis entre les différents usagers de la nature. L'équilibre agro-sylvo-cynégétique que tente d'instaurer le projet de loi est à cet égard perfectible, et je souscris totalement aux amendements présentés par notre rapporteur, Jean-Claude Lemoine, relatifs notamment à l'indemnisation des dégâts de gibier et l'organisation de l'ONCSF.

En conclusion, ce projet est bien le signe d'un changement, le début d'une refondation de la politique de la ruralité qu'il convient de poursuivre avec détermination.

Ainsi, la prochaine loi de modernisation agricole devra apporter des réponses aux interrogations des agriculteurs face à la nouvelle politique agricole commune et rénover en profondeur le code rural.

Ce texte sur le développement des territoires ruraux n'est donc que la première pierre d'un édifice que je souhaite solide, à la fois ancré dans la richesse de nos traditions et tourné vers l'avenir de nos campagnes. Vous avez pour cela, monsieur le ministre, ma totale confiance. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Mme la présidente. La parole est à M. Louis Cosyns.

M. Louis Cosyns. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le monde rural n'est pas seulement agricole, mais l'agriculture et les travailleurs de la terre que sont les agriculteurs en sont l'essence. Les productions agricoles nourrissent l'homme : la belle France, où des ministres dont on apprend encore le nom à l'école aujourd'hui, l'ont clamé haut et fort, ne doit jamais l'oublier.

La vocation première du monde rural est la production de nourriture. Satisfaire ce besoin est le labeur quotidien des agriculteurs. Bien entendu, le monde rural, c'est aussi celui de ceux qui ont fait le choix de venir y vivre. Mais le monde rural ne peut être la ville, des choses y sont immuables : le rythme des saisons, qui fixe l'emploi du temps des agriculteurs, les animaux, les cultures, les éléments climatiques qui, de plus en plus, viennent perturber la vie en milieu rural. Tout cela, celui qui fait le choix de quitter la ville pour venir vivre en milieu rural doit l'accepter. Aucune loi n'empêchera le chien d'aboyer ni le coq de chanter.

Aujourd'hui, être agriculteur, c'est être un gestionnaire, un spécialiste de la réglementation, de la gestion de projets et enfin un spécialiste de la terre, avec toutes les difficultés que cela implique. Je vous le dis, s'il y a un secteur où monter une entreprise est difficile, c'est bien le secteur agricole. Non seulement le travail est difficile mais la réglementation y est contraignante.

J'évoquerai d'abord le contrôle des structures et les dérives qu'on y rencontre tous les jours, et que je regrette. Des potentats ont vu le jour. Aujourd'hui, les SAFER violent la loi, sans qu'aucun contrôle ne soit mis en œuvre, sans qu'aucune évaluation ne soit faite, sans qu'aucune sanction ne soit prise. C'est une honte !

Aménager les outils ne réglera pas la question. Il faut aujourd'hui, dans le secteur agricole comme dans les autres secteurs de l'entreprise, plus de simplification, plus de souplesse, plus de liberté. Je pense à la liberté que l'agriculteur n'a plus, à ce droit de propriété qui est bafoué, à ce sentiment d'impuissance qu'il ressent face à des mafias de la terre qui entendent tout contrôler : syndicats, affectation des terres, installation...

Il convient de réformer profondément ce système, de redonner vie au droit de propriété et à la liberté d'entreprendre. C'est dans ce sens que vont les amendements que j'ai déposés avec un certain nombre de mes collègues.

Mais je ne pense pas qu'aux agriculteurs, je pense à tous ceux qui ont fait le choix de vivre dans nos campagnes et qui veulent bénéficier de la même qualité de service que les urbains. Or ce n'est pas le cas. Je salue les efforts consentis par les collectivités et l'Etat pour favoriser le développement de la téléphonie mobile et de l'accès à l'internet haut débit. Mais cela ne suffit pas. Nos campagnes ont besoin de leurs bureaux de poste, de leurs commerces, de leurs écoles, de leurs équipements collectifs, qu'ils soient culturels, sportifs ou de service, de leurs médecins, d'infrastructures de transport.

Les communes du monde rural ont aussi besoin d'avoir des élus et des personnels déterminés. Quand on voit aujourd'hui combien il est difficile et contraignant d'être maire d'une petite commune, on comprend qu'un grand nombre de maires sortants n'envisagent pas de se présenter à nouveau. Donnons davantage de souplesse aux communes rurales, que l'Etat renforce son aide par le biais des services des préfectures et des sous-préfectures.

Dans mon département, nous souffrons d'un déficit important de médecins. Certes des incitations fiscales peuvent motiver les jeunes médecins à venir s'y installer. Mais croyez-vous que cela suffise ? A l'heure où 65 % des étudiants en médecine sont des jeunes femmes, les premières mesures incitatives consistent à leur offrir des services : maternités, crèches et écoles de qualité pour leurs enfants, commerces, accès à la culture, au sport. Croyez-vous qu'après douze ou treize heures de travail, ces médecins dont nous manquons seront décidés à parcourir plus d'une heure sur une petite route de campagne pour aller au cinéma, au théâtre, à la piscine, pratiquer un sport collectif ou faire leurs courses ? Croyez-vous qu'ils resteront s'ils n'ont pas accès à des infrastructures de transport, s'ils ne bénéficient pas de liaisons transversales - elles nous manquent tant - leur permettant de rejoindre rapidement leurs familles, la région dont ils sont originaires ?

M. Yves Coussain, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Très juste !

M. Louis Cosyns. Eh bien non !

L'attrait de nos territoires passe donc par des mesures de maintien et de développement des équipements et des infrastructures, des mesures de sauvegarde de notre patrimoine, par le développement d'une politique d'aménagement du territoire équilibrée.

Pour que la France de nos provinces avance dans ce XXIe siècle, nous devons prendre des mesures fortes, des mesures efficaces, des mesures qui répondent aux besoins exprimés par les habitants du monde rural. C'est ce que nous nous efforcerons de faire en proposant d'amender le texte qui nous est soumis. Nous le ferons sans esprit de revanche, mais avec une grande volonté de progrès, fidèles aux attentes de ceux qui nous ont élus. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Spagnou.

M. Daniel Spagnou. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, « La ville a une figure, la campagne a une âme », écrivit en son temps Jacques de Lacretelle. C'est pourtant l'âme en peine que bon nombre de ruraux tentent de surmonter leurs difficultés quotidiennes.

Loin de faire une intervention grandiloquente, je voudrais vous dévoiler tout simplement la teneur d'une lettre que j'ai reçue lorsque j'ai été élu député en juin 2002, mais qui est toujours, hélas, d'actualité. C'est le cri du cœur d'un agriculteur, qui en dit long sur la situation dans les vallées de mon département des Alpes-de-Haute-Provence, à 100 % rural et de montagne. Je vous lis cette lettre :

« Monsieur le député,

« Si nous nous permettons de vous interpeller, c'est parce que la situation est grave. L'agriculture va mal, en particulier celle des zones de montagne sèche où nous nous trouvons.

« Des années de sécheresse, une canicule intransigeante, un système de production de plus en plus exigeant, des charges qui augmentent constamment, des aides en baisse et des prix moyens par agneau identiques à ceux pratiqués il y a quinze ans entament nos forces et nous poussent au découragement. »

M. Jean Lassalle. Eh oui !

M. Daniel Spagnou. Je poursuis la lecture de cette lettre :

« N'a-t-on pas, nous aussi, le droit de produire et d'essayer de vivre de nos produits ? Où allons-nous ? On ne veut plus de nous. Nous coûtons cher à la France et à l'Europe, mais que devons-nous faire ? Partir ? Pour aller où ? Dans vos villes surpeuplées ?

« Nous avons l'épée de Damoclès au-dessus de nos têtes. Faute de garantir la survie des agriculteurs de montagne, ne cherche-t-on pas à se voiler la face en favorisant les activités alternatives, voire aggravantes : un projet de carrière industrielle, maintenant celui d'un parc à loups. On ne s'y prendrait pas mieux pour nous faire partir.

« Les attaques des prédateurs, c'est toute l'année que nous en sommes victimes, avec des pertes et des coûts considérables.

« Quelle place veut-on laisser aux hommes, à leurs traditions et au bon sens séculaire dans les territoires ruraux ? C'est cela que M. le ministre de l'agriculture doit prendre en compte dans ses directives.

« On ne demande pas l'aumône. Nous voulons seulement vivre convenablement. Notre situation, monsieur le député, est aujourd'hui catastrophique. C'est celle de beaucoup en zone défavorisée de montagne. »

Vous l'aurez compris à la lecture de cette lettre, monsieur le ministre, le « blues des campagnes » n'est pas qu'une vue de l'esprit, mais un fait indéniable.

La France rurale se sent abandonnée et souffre d'avoir été négligée depuis de nombreuses années, notamment sous la précédente législature. La gauche a sciemment ignoré les besoins spécifiques de la ruralité. Sous l'influence d'une vision écologiste rétrécie, le monde rural a été relégué au rang de simple conservatoire du patrimoine naturel et des espaces de loisirs, favorisant la fracture entre le monde urbain et celui des campagnes, et réduisant de manière scandaleuse les interventions en faveur des territoires ruraux.

M. François Brottes. C'est grossier !

M. André Chassaigne. C'est caricatural !

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Non, c'est la vérité !

M. Daniel Spagnou. Les habitants de ces zones essentielles du paysage national craignent souvent d'être perçus comme une charge pour la société - et de voir les campagnes devenir des réserves d'Indiens.

Pourtant, le monde rural est une chance magnifique pour la France. La richesse de cette véritable « exception rurale » française s'exprime dans sa diversité, dans l'occupation homogène du territoire et dans la lutte contre la désertification. C'est une chance, aussi, pour l'entretien de nos espaces naturels, et pour cet héritage inestimable légué par les nombreuses générations qui ont façonné nos campagnes et préservé leurs valeurs propres.

C'est une chance, encore, pour préserver la cohésion sociale entre les Français, naturellement attirés vers les campagnes.

Le mouvement de notre société vers le mieux-vivre et le bien-être nous impose de réagir et d'en finir avec la fracture territoriale dont souffre notre pays. Il nous faut maintenir les services de proximité, développer les activités et l'emploi sur ces territoires, et nous donner les moyens de cette ambition. La défiscalisation, la promotion de la création et de la transmission des entreprises, la pluriactivité, la maîtrise foncière - qui suppose, notamment la protection des terres agricoles - et le maintien de l'offre de logements doivent être des éléments forts de ce bouquet rural que nous devons adopter.

Si l'agriculture n'est plus l'activité dominante dans nos campagnes, où sont apparues d'autres activités cruciales, comme le tourisme, il est incontestable que les agriculteurs en demeurent le cœur battant.

Les ruraux et les montagnards ne sont pas misérabilistes - loin de là ! Ce sont des hommes et des femmes fiers, attachés à leur terre. C'est pour cela que je me félicite du projet de loi préparé par Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, voulu par le Président de la République et défendu par le Premier ministre, projet dont nous allons très bientôt discuter les articles.

Ce texte, qui a fait l'objet d'une large concertation, va dans le bon sens. Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous en remercier et de vous féliciter pour votre implication personnelle en faveur des territoires ruraux que vous défendez avec courage et détermination, comme aucun ministre de l'agriculture ne l'a jamais fait avant vous.

Votre projet de loi, monsieur le ministre, est un élément majeur pour rendre à la campagne le goût de l'avenir, mais nous devons aller plus loin. La ruralité, en effet, a besoin d'un véritable plan Marshall,...

M. François Brottes. C'est un aveu !

M. Daniel Spagnou. ...et il faudra, tôt ou tard, le mettre en œuvre. A un territoire d'exception, il faut une politique exceptionnelle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. François Brottes. Ce n'est pas le cas !

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Madame la présidente, au terme de cette discussion générale, je propose, si vous en êtes d'accord, que Mme la ministre de l'écologie et du développement durable réponde maintenant aux questions relatives à la chasse et que je prenne la parole après la motion de renvoi en commission, sur les autres sujets abordés par les orateurs.

Mme la présidente. Nous allons donc procéder ainsi.

La parole est à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. Le président de la commission des affaires économiques a évoqué les engagements pris ici même lors de l'examen de la loi relative à la chasse du 30 juillet 2003. Le projet aborde l'ensemble des questions évoquées à l'époque et propose des réponses issues de nombreuses consultations menées depuis lors. Je remercie le président Ollier d'avoir bien voulu reconnaître que nous avions abordé ces questions de façon exhaustive, et conformément à nos promesses.

M. Jean-Pierre Decool a relevé également les thèmes abordés dans le volet chasse du projet.

Je ne veux pas entamer la polémique avec mon prédécesseur Yves Cochet, qui est absent.

M. André Chassaigne. Je le représente ! (Rires et exclamations sur divers bancs)

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. M. Chassaigne représente M. Cochet ? Cher André Chassaigne, j'en suis ravie (Sourires sur divers bancs), car vous avez, sur ces sujets, un esprit d'ouverture que je tiens à saluer.

S'il était là, je répondrais à Yves Cochet qu'il est facile d'ironiser sur le « tableau de chasse » de la ministre chargée de la chasse, mais que, contrairement à ses dires, le Conseil d'Etat ne m'a pas désavouée, puisqu'il a reconnu publiquement, dans un communiqué, le bien-fondé de la méthode que j'ai mise en place, à savoir la création d'un observatoire de la faune sauvage et des habitats, initiative également suivie avec attention par la Commission européenne.

La rencontre que nous avons organisée entre le Conseil d'Etat, la Commission européenne et mes services a confirmé la qualité de cette nouvelle approche, que les associations de protection de la nature ont saluée, même si certaines auraient souhaité des périodes de chasse moins généreuses pour les chasseurs.

Il faut saluer un événement historique qu'a permis le travail de l'observatoire : pour la première fois, les Conseil national de la chasse et de la faune sauvage a rendu un avis unanime - toutes tendances confondues, qu'il s'agisse des chasseurs ou des opposants à la chasse - sur les dates que j'avais proposées. C'est le signe que, progressivement, le débat sur la chasse est en train de s'apaiser, et vous m'en voyez extrêmement satisfaite.

Je répondrai tout à l'heure aux diverses questions qui ont été posées à propos des zones humides.

Je reviendrai sur la question de la chasse de jour lors de l'examen de l'article correspondant. En tout état de cause, le projet de loi ne vise pas à étendre la période de chasse, mais à simplifier et à sécuriser l'application d'un texte qui a été source de nombreux contentieux.

M. Nicolas a évoqué la nécessité d'un équilibre sylvo-cynégétique. Le texte y contribue. Il est, bien sûr, perfectible, et le travail de la commission et les amendements du rapporteur ont permis de l'améliorer sur ce point.

Sur le sujet épineux de la chasse, le Gouvernement a commencé un travail en profondeur. Nous y attachons une grande importance, et je suis heureuse que le texte relatif au développement des territoires ruraux m'ait donné l'occasion de contribuer à cet apaisement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Motion de renvoi en commission

Mme la présidente. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du règlement.

La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, il a été beaucoup question, depuis quelques semaines, de l'espace rural dans l'enceinte de cette assemblée, et il va sans doute en être encore beaucoup question, car sa diversité, d'un secteur ou d'une région à l'autre, en fait un sujet inépuisable.

L'espace rural, qui représente 80 % de notre territoire, mais 20 % seulement de la population, est un territoire très fluctuant, selon la définition que l'on donne de l'espace « périurbain » qui, par définition, était le rural d'hier et sera l'urbain de demain. Cet espace se reconstitue au détriment du secteur rural, ce qui n'est pas sans poser certains problèmes.

M. Jean Lassalle. C'est vrai !

M. Jean Gaubert. Le secteur rural n'est plus seulement agricole, comme il l'était au XIXe siècle et pendant la première moitié du XXe, où il se caractérisait par une agriculture de subsistance, et parfois, paradoxalement, par une agriculture pluriactive que l'on cherche aujourd'hui à reconstituer pour donner de nouvelles perspectives au monde agricole.

Si les agriculteurs ne sont plus majoritaires, tout au moins en nombre, leur contribution à la vie rurale reste, toutefois, très importante et mérite notre attention.

Dans de nombreuses régions, beaucoup d'emplois agricoles ont disparu, mais, dans certaines d'entre elles, d'autres ont été créés en amont et en aval, en particulier dans l'agroalimentaire - la région dont je suis l'élu en est un témoignage parfait.

L'agriculteur est aussi, de plus en plus, considéré pour sa contribution à l'entretien et à la mise en valeur du territoire. Cette contribution est, d'ailleurs, diversement appréciée - positive pour certains, elle est négative pour d'autres, qui ne comprennent pas toujours les évolutions de l'agriculture.

Mais le monde rural voit aussi augmenter le nombre de résidents autres que les agriculteurs. Ce sont, d'abord, des salariés. Dans le monde rural d'il y a cinquante ans, le salariat était essentiellement agricole, et les salariés, qui dépendaient entièrement de l'agriculture - que ce soit dans l'exploitation agricole voisine ou, parfois, au château -, en comprenaient le mode de fonctionnement. Ce n'est plus le cas.

Ce sont aussi, souvent, des artisans - et je regrette, monsieur le ministre, que votre texte ne traite ni de l'artisanat, ni du commerce, sur lesquels je reviendrai plus tard. Ce sont encore, dans bien des régions, des propriétaires de résidences secondaires et des « rurbains », qui bénéficient de l'amélioration des transports - routes ou TGV. Ce sont, enfin, des retraités.

Tous ces gens, qui ne connaissent pas le monde agricole, ont des idées parfois très arrêtées sur les ruraux, et les jugent durement.

L'espace rural est aussi le lieu de conflits d'usage. On a beaucoup évoqué ici, ces dernières années, le sujet de la chasse, mais je crois que ni les uns ni les autres ne l'avons bien traité jusqu'à présent,...

M. Jean Lassalle. Ça, c'est vrai !

M. Marc Le Fur. Les uns plus que les autres !

M. Jean Gaubert. ...car il a été abordé, le plus souvent, en fonction de nos oppositions, alors que le vrai problème est celui de conflits d'usage.

Il y a trente, quarante ou cinquante ans, seuls les chasseurs, le plus souvent issus du monde agricole, manifestaient l'envie de se promener dans la campagne pendant leurs temps de loisirs. Aujourd'hui, non seulement les chasseurs ont changé, mais nos autres concitoyens veulent s'approprier, en quelque sorte, le milieu rural pour leurs loisirs. D'où le conflit entre les chasseurs et les randonneurs - à pied, à cheval ou en VTT.

Nous savons tous que, dans nos communes, le fond des débats n'est pas tant de constater que tel ou tel est un prédateur du milieu naturel que de reconnaître que la cohabitation est difficile entre ceux qui portent un fusil et ceux qui veulent se promener en famille.

Ce problème, que l'on avait voulu traiter en 1999 avec l'instauration d'un jour de non-chasse, mériterait d'être abordé de nouveau, car il n'est nullement réglé, et est peut être aggravé encore par les mesures que vous avez prises. Il aurait été souhaitable de travailler davantage sur ce point.

L'espace rural est aussi le lieu de conflits qu'on peut qualifier de culturels. On y trouve des agriculteurs qui ont changé leurs méthodes de travail, comme on a pu le faire dans tous les autres espaces de la société - dans les entreprises, les usines ou l'administration -, mais on y voit aussi, trop souvent, des gens issus du milieu agricole et qui y reviennent avec des idées bien arrêtées sur ce qu'il convient de faire, ce qui pose le problème en termes de conflits.

Mais ce sont également des conflits d'intérêt portant sur la destination du sol. Ils sont parfois, paradoxalement, alimentés par les anciens agriculteurs qui, ayant changé de statut, ont aussi changé d'intérêt et donc de discours. La répartition des terres entre l'urbanisation et les plantations suscite des tensions, car la terre n'est pas un bien extensible. Au contraire, la terre à destination agricole est un bien qui, de plus en plus, se réduit, puisque 100 000 hectares de terres sont affectés chaque année à d'autres usages, dont 60 000 hectares jusqu'alors destinés à l'agriculture. Le chiffre de 100 000 hectares n'est pas forcément parlant pour tout le monde. Mais si je vous dis que cela correspond à l'urbanisation de l'équivalent d'un département rural français tous les six ou sept ans, chacun se rend bien compte qu'il faut prendre des mesures pour en maîtriser les conséquences. Et ceux qui sont venus déclarer à cette tribune qu'il fallait libérer les propriétaires en supprimant toutes les contraintes qui pèsent sur eux, n'ont pas pris la mesure du problème. Ils n'ont pas pris en compte le fait que la terre n'est pas un bien comme un autre, susceptible d'être reconstruit ou déplacé. La terre ne se déplace pas, c'est un bien que nous devons partager avec ceux qui peuvent en avoir besoin, nos enfants entre autres.

Il y a aussi les conflits d'usage, alimentés par le tourisme rural qui, pourtant, devrait être appréhendé comme un moyen d'aider au développement économique de nos régions. Il est parfois vécu comme une source de conflits entre ceux qui se destinent à cette pluri-activité rurale ou agricole et ceux qui sont désireux de perpétuer une exploitation agricole plus traditionnelle et plus conforme à l'agriculture des années passées. Nous sommes bien placés pour le savoir en Bretagne, à cause des problèmes d'environnement, mais je sais que ce problème est aussi très souvent présent dans d'autres régions.

De plus, il faut prendre en compte les difficultés liées à la reforestation sauvage et inorganisée, qui ne seront pas non plus réglées par les propositions que vous nous avez faites, d'autant plus - et j'y reviendrai - que beaucoup de propositions émanant des élus de montagne ont été trop vite repoussées. Elles auraient mérité un meilleur accueil de la part de la commission.

Mais le milieu rural est un espace qui ne vit pas seul. J'appelle l'attention de mes collègues qui à plusieurs reprises, à cette tribune, ont systématiquement essayé d'opposer le rural et l'urbain. Au lieu d'opposer leurs habitants, il vaut mieux appréhender l'apport de chacun à la collectivité. Personne ne peut nier qu'à un secteur rural doit correspondre un pôle urbain, même petit. Le secteur rural a besoin d'un pôle urbain, dont il constitue le poumon et la réserve, car il y trouvera l'essentiel de ses éléments vitaux, y compris en matière de culture, ainsi que l'a souligné Marylise Lebranchu ; l'homme ne vit pas simplement de travail ou de repos, il vit aussi de ce qui peut l'élever. La culture en milieu rural est absolument nécessaire, mais elle doit être complétée par la possibilité d'avoir accès à des espaces culturels où la confrontation avec d'autres milieux est possible. Nous avons besoin en milieu rural de fréquenter les autres.

Le pôle urbain s'avère aussi et surtout un pôle de services publics. Il est clair que tous les services publics ne peuvent pas être présents partout, au pied de notre maison ou de notre ferme, mais il faut qu'ils soient accessibles et donc, dans nos régions, aménagés autour des petites villes. C'est également vrai pour l'hôpital : un secteur hospitalier développé, doté des spécialités médicales et capable de répondre aux urgences, doit être présent dans l'ensemble de ces pôles. Il y a trente ans, s'agissant des médecins généralistes, on parlait de la « médecine de campagne » ; aujourd'hui, on parle de la « médecine de ville ». Je reviendrai sur le problème particulier de la démographie médicale.

Il faut aussi souligner l'importance du maintien des services de l'Etat, tels le Trésor public ou les services de la direction départementale de l'équipement.

Ce pôle est aussi le lieu de l'enseignement, grâce aux collèges et aux lycées. C'est d'ailleurs là que se nouent à présent les amitiés, et c'est une des explications du changement de fonctionnement du milieu rural par rapport aux années passées. Il y a cinquante ans, les amitiés entre les ruraux se nouaient à la communale, elles supposaient donc une organisation de la vie locale sur un espace beaucoup plus restreint. Aujourd'hui, les amitiés des ruraux se nouent comme celles des autres, au collège ou au lycée, ce qui nous conduit à réfléchir en fonction d'espaces de vie beaucoup plus larges. Si chacun se rend bien compte de la nécessité de ces petits pôles urbains en milieu rural, il comprend dès lors qu'il faut s'attacher à ces chefs-lieux de canton ou d'arrondissement, qui perdent peu à peu leur substance, pendant que leurs hôpitaux perdent des services, que les médecins ne s'installent plus, que la DDE désinvestit et que des services de l'Etat comme le Trésor disparaissent - et peut-être, demain, la sous-préfecture. Il ne s'agit pas de faire de la démagogie en parlant de la commune rurale, mais de considérer que nous ne pourrons lui permettre de se maintenir, voire de se développer, qu'en agissant sur les leviers du milieu urbain, liés à la présence des services publics.

L'affaiblissement des services de santé a suscité beaucoup de débats. L'affaiblissement est d'ailleurs paradoxal, car si l'on examine la situation à travers le prisme de la démographie médicale, donc en rapportant le nombre de médecins au nombre d'habitants, c'est dans les zones rurales où la déprise est la plus forte que cette démographie est la plus importante. Cela prouve qu'il ne faut pas mesurer ainsi, mais que le critère pertinent est celui de la distance...

M. Jean-Claude Lemoine, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour les dispositions relatives à la chasse. Ce n'est pas vrai !

M. Jean Gaubert.... et de l'accessibilité pour les uns et les autres.

En outre, chacun sait que, demain, la situation sera encore beaucoup plus grave. Le sénateur honoraire Charles Descours se réfère, dans un rapport très documenté qu'il vient de remettre, à l'héliotropisme : les médecins ne s'installent pas forcément là où il y a du travail, ils privilégient parfois l'accès facile aux loisirs.

Madame la ministre, monsieur le ministre, ce tableau que je dépeins, et que nombre de mes collègues reconnaissent, va encore subir des altérations à cause d'une politique qui est voulue et assumée, à savoir la politique de libéralisation. Si celle-ci n'a pas créé la déprise en milieu rural - qui existait déjà -, elle l'a accentuée. A cause de cette politique, La Poste n'est plus appréciée qu'en termes de rentabilité. Dès lors, il sera impossible de continuer à distribuer le courrier dans certains secteurs de notre pays, à moins que des mesures s'inscrivant dans le cadre d'une réflexion différente ne soient prises. Le repli de l'Etat sur ses missions régaliennes, qui était déjà une théorie en vogue quand nous étions majoritaires et dont nous tentions de freiner l'expansion, va accroître les difficultés de nos petites communes. Le repli de la DDE et de la DDA hors de nos cantons et de nos départementaux ruraux va obliger nos communes à recourir à des cabinets privés. Jusqu'à ces dernières années, l'ingénieur de la DDA les conseillait et percevait pour cela des honoraires bien évidemment sans commune mesure avec ceux pratiqués aujourd'hui par les cabinets privés. C'était, pour l'Etat, une manière d'aider les collectivités locales rurales. Aujourd'hui déjà et demain plus encore, cela ne se fera plus du tout.

Cela aura d'ailleurs une autre conséquence : ces cabinets qui fleurissent en milieu rural ne sont pas toujours strictement indépendants, contrairement aux fonctionnaires. Ce sont d'ailleurs, très souvent, des filiales de grands groupes présents dans les secteurs des ordures ménagères, de l'eau, de l'assainissement. A ceux qui refusent l'intervention de la puissance publique, je demande s'ils sont prêts à accepter cette intervention de groupes privés, qui fera que, à droite comme à gauche, nous nous retrouverons pieds et poings liés, soumis à des intérêts contraires à ceux de nos habitants. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

D'autres mesures et d'autres lois nous sont encore annoncées pour les mois qui viennent. Après La Poste, après certains services publics comme la DDE ou le Trésor, d'autres services publics suivront. Et que dire de la déréglementation du secteur de l'électricité ? Combien de temps va durer en France la péréquation tarifaire, qui me semble complètement incompatible avec une déréglementation du marché électrique et une privatisation des services de l'électricité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme Marylise Lebranchu. Exactement !

M. Jean Gaubert. Chacun comprend bien que si, demain, nous en arrivons au même point que certains pays, toutes les entreprises mesureront le pour et le contre avant de s'installer en milieu rural. Elles préfèreront s'implanter là où elles trouveront des services compétents qui ne risqueront pas de s'en aller, là où elles seront sûres d'avoir des moyens de transport efficaces, avec la certitude que le courrier leur sera distribué tous les jours par La Poste et que le gaz ou l'électricité leur seront fournis dans des conditions leur permettant de fonctionner. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. André Chassaigne. Il a raison !

M. Jean Gaubert. Ces entreprises ne s'installeront sans doute pas ailleurs. On peut même déjà dire que celles qui sont encore installées dans une zone rurale dépourvue pôle urbain n'y resteront pas.

M. André Chassaigne. Il faut tenir jusqu'au bout !

M. Jean Gaubert. Quant aux réponses que vous nous proposez pour répondre à cette situation, monsieur le ministre de l'agriculture, nous les connaissons depuis longtemps puisqu'il s'agit d'exonérations fiscales temporaires. Peut-on répondre à des handicaps structurels par des mesures conjoncturelles ? A votre avis, chers collègues ? Il est évident que nous décrivons des handicaps structurels - j'en reparlerai pour les médecins - qui ne peuvent pas être compensés par des mesures transitoires, applicables pour quelques années seulement. Les chefs d'entreprise savent compter, ils sont capables d'évaluer l'espérance de vie d'un établissement - dix, quinze ou trente ans -, et de juger où est leur intérêt.

Mme Marylise Lebranchu. Exactement !

M. Jean Gaubert. Ce constat alarmant est largement partagé au-delà des bancs de l'opposition. Monsieur le ministre, il fallait donc une loi. Quand vous nous l'avez annoncée, nous avons considéré que c'était une bonne décision. Vous avez pu constater, ainsi que le président de la commission, auquel je rends hommage pour les conditions dans lesquelles nous avons pu travailler, que les élus socialistes y ont pris toute leur part et ne demandent pas mieux que de continuer ainsi. Cette annonce a été, en effet, interprétée comme une bonne nouvelle, d'autant plus que, au risque de déplaire, je tiens à rappeler que nous avions déjà ouvert la voie - Marc Le Fur l'a évoqué tout à l'heure. Sans remonter aux calendes grecques, je rappelle que la loi de 1992 relative à l'administration territoriale de la République avait mis en place la coopération intercommunale, que les élus locaux ont su s'approprier. Nous avions posé là un des fondements de l'organisation du milieu rural en donnant aux communes la capacité de s'organiser pour devenir plus fortes et pour relever les défis qui leur sont lancés.

De même, la loi d'orientation agricole de 1999, même si, à la demande de certains lobbies, elle avait été, comme le disait tout à l'heure Marylise Lebranchu, amputée d'un certain nombre de dispositions qui auraient dû toucher à la pluriactivité - des dispositions que nous retrouvons, présentées d'une façon tout aussi timide, dans ce texte -, contribuait de manière éminente à l'amélioration des conditions de vie en milieu rural.

Les CTE, que vous avez promptement supprimés, monsieur le ministre, à la demande insistante, je le sais, d'un certain nombre de députés de l'UMP à qui il fallait bien donner des gages dès votre arrivée au pouvoir,...

Mme Marylise Lebranchu. Tout à fait !

M. Jean Gaubert. ...ces CTE, que vous n'avez quasiment pas remplacés à ce jour, étaient aussi un moyen d'aider le milieu rural à se prendre en charge et à gagner une gageure dont nous savons tous combien elle est difficile.

Enfin, un certain nombre de dispositions figuraient dans le projet de loi relatif au commerce et à l'artisanat, dont l'examen fut interrompu en 2002 en raison des élections présidentielle puis législatives.

Mais nous savions bien qu'il fallait aller plus loin. Nous savions bien que l'ensemble de ces mesures méritaient d'être agrégées les unes aux autres. A cet égard, ce que vous nous avez proposé au départ, c'est-à-dire un travail transversal, nous paraissait important. Mais la réalité de ce que vous faites est tout autre.

Votre loi sur l'initiative économique traite effectivement de l'artisanat, mais non des particularités de l'artisanat en milieu rural. Chacun sait pourtant qu'elles existent et que l'entreprise en milieu rural doit relever des défis qui ne sont pas les mêmes qu'en milieu urbain.

Votre loi de modernisation agricole, qui nous avait été annoncée à grands renforts médiatiques, et dont vous nous avez dit qu'elle viendrait en discussion à l'automne, aurait mérité d'être un préalable au travail que nous faisons aujourd'hui. En effet, des dispositions qu'elle comportera - et qui seront, comme vous l'avez vous-même souligné à juste titre, la conséquence des accords européens récents - dépendra en partie l'avenir du secteur rural. Quelle modulation allez-vous nous proposer, monsieur le ministre, après avoir promptement démantelé celle qui avait été mise en place il y a quelques années ? Et quel découplage, alors que l'on sait qu'il conditionnera le devenir des productions et surtout les quantités produites ? Pour l'agriculteur, vous pourrez peut-être trouver des moyens de compensation à travers les aides, mais si le découplage devait être total ou trop important, il aurait des conséquences énormes sur l'amont et sur l'aval. Le risque de diminution drastique de la production, parfois au profit de pays qui vont entrer dans l'Union européenne - et je ne vous dis pas quel jugement je porte sur cette situation, dont nous pourrons débattre à d'autres moments -, ...

M. François Brottes. Si, il faut le dire !

M. Jean Gaubert. ...ce risque est extrêmement important : dans les années qui viennent, l'engin agricole le plus acheté pourrait être le gyrobroyeur, qui permet d'entretenir les terres mais plus de produire puisque, de toute façon, on aurait les primes.

M. André Chassaigne. C'est bien l'objectif !

M. Jean Gaubert. Je veux vous rendre attentif, monsieur le ministre, mais je sais que vous y réfléchissez, aux difficultés que cela peut provoquer dans le monde agricole, d'abord pour l'identité même du paysan, mais aussi, et davantage encore, pour les entreprises de l'amont et de l'aval, qui ne manqueraient pas de devoir, comme on dit, « s'adapter », terme pudique que l'on utilise dans le monde économique pour signifier des suppressions d'emplois.

Mais de toutes les décisions que vous aurez à prendre dans les mois qui viennent, les plus importantes seront peut-être celles concernant la commercialisation ou non des droits à produire. Nous aurions aimé connaître dès aujourd'hui le contenu des décisions que vous prendrez sur ce sujet. Certes, l'accord européen permet de décider cette commercialisation. Mais est-ce parce qu'il le permet qu'on doit le faire ? Je vous invite tous à réfléchir sur ce que serait aujourd'hui la production laitière dans notre pays si l'on avait permis la commercialisation des quotas laitiers en 1984.

Mme Marylise Lebranchu. Très juste !

M. Jean Gaubert. Déjà à cette époque, chacun considérait que les quotas laitiers allaient déstructurer l'agriculture. Et de fait, ils ont pesé sur l'évolution du nombre de paysans. Mais si l'on avait permis la commercialisation de ces droits, nous n'aurions plus aujourd'hui que quelques grosses entreprises de production laitière dans chacun de nos cantons. En fonction des décisions que vous prendrez, nous assisterons ou non à une concentration accentuée de la production, nous verrons ou non s'installer de jeunes agriculteurs. Certes, j'ai bien entendu ce que vous avez dit sur le sort particulier que vous voulez réserver à l'installation des jeunes agriculteurs. Mais les mesures que vous prendrez n'auront une certaine efficacité que s'il n'y a pas concurrence entre ceux qui pourraient payer les quotas laitiers et ceux qui obtiendraient des quotas administrés, que l'Etat aurait forcément rachetés à des prix plus bas. Vous savez bien, monsieur le ministre, qu'une telle situation ne serait pas tenable très longtemps, et que l'installation des jeunes agriculteurs en pâtirait.

Mme Marylise Lebranchu. Exact !

M. Jean Gaubert. Et puis, cette vente de droits à primes, assez particulière, convenez-en, se retournerait très rapidement contre le monde agricole. Que dirait la société d'un système où le droit à primes serait vendu préalablement par le retraité ou par le candidat à la retraite, par celui qui se retire, comme on dit chez nous ? Il vendra son droit à primes à celui qui s'installe ou qui veut s'agrandir, lequel rachètera, en fait, les subventions qu'il percevra de l'Union européenne dans les années futures. Comment expliquer à la société que celui qui est théoriquement bénéficiaire des aides agricoles les a déjà par avance redonnées à quelqu'un qui n'est plus agriculteur ? C'est peut-être un moyen de régler le problème du niveau des retraites agricoles, mais ce n'est certainement pas un moyen de régler les problèmes de revenus des agriculteurs de notre pays.

Mme Marylise Lebranchu. Très juste !

M. Jean Gaubert. Et puis, monsieur le ministre, parlera-t-on de « références historiques » ou rebattra-t-on les cartes ? Chacun sait bien que les agriculteurs ne sont pas tous logés à la même enseigne au regard des primes européennes. Il y a un écart entre les agriculteurs, mais aussi entre les régions. Dans certaines, on touche moins de 3 000 euros de primes européennes alors que dans d'autres, on touche plus de 75 000 euros. Et encore, je me borne ici à souligner l'écart entre les régions, afin de ne pas être accusé de tomber dans la caricature. Car si l'on considère les cas individuels, l'écart est encore plus criant, puisque certains ne touchent rien alors que d'autres touchent jusqu'à 300 000, voire 400 000 euros.

Toutes ces questions, qui conditionnent l'avenir du monde rural, méritaient de recevoir des réponses avant que nous entrions dans l'examen du texte.

Mais l'agriculture, vous le savez, bien, monsieur le ministre, ce n'est pas simplement des productions qui reçoivent des aides européennes. Ce sont aussi des productions qui, sans recevoir d'aides, sont souvent dépendantes de mesures européennes. Je pense en particulier à la production porcine, à la production de volaille, aux fruits et légumes. C'est pourquoi je voudrais insister auprès de vous pour que l'on puisse aussi progresser dans la définition de meilleures règles européennes. Celles-ci doivent être applicables à tous, mais elles doivent aussi et surtout être appliquées à tous.

Souvent, le monde agricole se plaint de l'Europe. Elle est trop tatillonne, surtout quand elle vient nous contrôler, mais aussi trop laxiste quand elle contrôle les autres. Et c'est sans doute cette image qu'il faut corriger. Oui, il y a des productions - vous les connaissez aussi bien que moi - qui sont aujourd'hui victimes d'un certain nombre de dysfonctionnements européens. Je ne les citerai pas tous, mais je voudrais quand même m'arrêter sur l'un d'entre eux. Vous savez, monsieur le ministre, qu'aujourd'hui encore la notion de contrôle, et en particulier de contrôle de la qualité sanitaire, est différemment interprétée d'un pays à l'autre. C'est vrai dans l'Europe des Quinze et ce sera encore plus vrai dans celle des Vingt-Cinq ou des Vingt-Six. Nous avons besoin d'un contrôle uniforme pour que chacun puisse évoluer dans les mêmes conditions, pour que les règles soient appliquées partout de la même façon, mais surtout pour que les produits importés chez nous répondent aux mêmes critères de qualité que ceux que nous produisons. Le monde agricole ne comprend pas pourquoi des produits venant des pays tiers sont acceptés chez nous alors qu'ils ne répondent pas à nos critères. Le consommateur, lui aussi, peut avoir le sentiment d'être floué. Il croit, parce qu'il y a eu sur ce sujet un grand battage médiatique, qu'il n'y a plus de farines de viande dans les produits qu'il mange. Erreur : nous continuons d'acheter de la volaille, du porc, et parfois du bœuf, en provenance d'autres pays où la réglementation est différente. Il croit que certains antibiotiques ne sont plus utilisés. Erreur : il y a encore quelques mois, arrivaient sur le territoire européen en provenance du sud-est asiatique des produits dans lesquels on a trouvé des traces de chloramphénicole.

M. Gabriel Biancheri. Exact !

M. Jean Gaubert. Il croit que ce qu'il mange est exempt d'OGM. C'est vrai en France, mais pas dans les autres pays européens. Il croit que les pesticides interdits sont vraiment interdits. C'est vrai chez nous, ce n'est pas toujours vrai ailleurs.

Monsieur le ministre, nous avons besoin, les agriculteurs ont besoin de sécurité. Il ne s'agit pas d'abaisser la garde. Il s'agit de vérifier que les produits qui entrent sur le territoire européen soient contrôlés de la même façon que ceux que nous produisons. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Je le répète, des réponses à ces questions dépendent l'avenir de l'agriculture comme celui du monde rural. Mais vous n'avez pu y répondre, ou vous n'avez pas cru bon d'y répondre avant que nous débattions de ce texte. C'est pourquoi il nous faut le renvoyer en commission.

J'ai dit tout à l'heure que le milieu rural était divers. Je ne vous reprocherai donc pas d'essayer de répondre à un certain nombre de problèmes. Un parlementaire de la majorité a dit que ce texte aurait pu s'intituler « Diverses dispositions d'aménagement des territoires ruraux ». Il avait sans doute raison, mais ce n'est pas là pour nous une raison de refuser l'examen de ce texte. Ce qui nous importe, c'est de savoir s'il répond à toutes les questions que nous nous posons.

Certes, il contient un certain nombre de dispositions très intéressantes, qui sont comme des gouttes d'huile fort utiles. Il y a des simplifications que tout le monde vivra bien, dans le milieu rural. Il y a aussi quelques avantages, par exemple en ce qui concerne l'installation des jeunes. La défiscalisation de la DJA est une bonne chose. Mais il faudra aller plus loin : les aides que les collectivités locales apportent doivent pouvoir être défiscalisées, et elles doivent pouvoir l'être même quand il s'agit d'installations non aidées au regard de la réglementation européenne.

Nous aborderons de nouveau les règles de construction lors de l'examen des amendements. Pourquoi ne pas concevoir que là ou la pression est moins forte, les règles peuvent être moins contraignantes ?

L'harmonisation des zones de revitalisation rurale avec la nouvelle carte de la coopération intercommunale mérite aussi toute notre attention.

Les sociétés d'investissement pour le développement rural -les SIDER- qui sont de bons outils en tant que tels, serviront-elles à quelque chose ? Pouvons-nous être certains qu'elles ne connaîtront pas, dans quelques années, un sort identique à celui des SDR ?

Mme Marylise Lebranchu. Absolument !

M. Jean Gaubert. La difficulté dans le monde rural n'est pas de trouver de l'argent, puisque les banques en ont, mais de présenter des garanties. Les SIDER obéiront rapidement aux mêmes ratios. En effet, comme les collectivités auront investi, la Cour des comptes et la Chambre régionale des comptes ne manqueront pas de faire remarquer que l'argent de la collectivité locale n'a pas été bien utilisé. On ne pourra empêcher que les investisseurs demandent un retour garanti sur leurs fonds. Je crains bien que, dans quelques années, les SIDER rejoignent, au cimetière des bonnes intentions vite disparues, les sociétés de développement régional.

Vous nous parlez de propositions généreuses. C'est vrai. Vous rendez ainsi possibles les exonérations fiscales, mais il n'est pas envisageable de répondre par des mesures temporaires à des questions structurelles. Vous incitez, en fait, monsieur le ministre, à une solidarité entre pauvres puisque ces exonérations fiscales ne seront pas ou guère compensées par l'Etat. Une solution devra donc être trouvée. Sinon, les élus ruraux se trouveront, de ce fait, mis en cause.

Mme Marylise Lebranchu. C'est très juste !

M. Jean Gaubert. Ils participeront davantage et feront appel pour cela à l'argent des contribuables locaux, déjà très inégalement ponctionnés. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. François Brottes. Il n'auront que le droit de payer !

M. Jean Gaubert. Les compensations urbaines, je vous le rappelle, sont à la charge de l'Etat. Nous considérons qu'il ne faut pas opposer territoires urbains et territoires ruraux, mais ce n'est pas une raison pour défavoriser le milieu rural.

Certaines mesures sont quasiment inapplicables, en particulier l'octroi de bourses communales, sans compensation, aux étudiants en médecine. Quelles garanties juridiques nous propose-t-on ?

Mme Marylise Lebranchu. Aucune !

M. Jean Gaubert. Une collectivité, qui aura accordé une bourse à un médecin en vertu d'un contrat quasiment « de droit privé », pourra-t-elle exiger qu'il passe l'essentiel de sa carrière sur son territoire ? Je n'ai pas trouvé, dans ce texte, de réponse à mes questions et je suis persuadé qu'il n'y en a pas.

Mme Marylise Lebranchu. Non, il n'y en a pas !

M. Jean Gaubert. D'autres mesures ne seront pas totalement compensées. Ainsi, tout l'aménagement foncier relèvera du département - c'est sans doute une bonne chose- et sera, nous dites-vous compensé.

M. Augustin Bonrepaux. Comment ?

M. Jean Gaubert. Certes, mais sur les dernières années ! Or, depuis de longues années, l'Etat ne s'investit plus dans ce secteur en termes de moyens. Ainsi, comptons-nous moins d'ingénieurs et d'expertises dans nos directions départementales de l'agriculture.

M. Jean Auclair. Il sait de quoi il parle !

M. Jean Gaubert. La compensation ne sera pas évaluée sur dix ans, mais sur un ou deux ans. Chacun comprendra qu'elle ne pourra, en conséquence, être totale.

S'agissant de la démographie médicale, ce texte ne doit pas se limiter aux seuls médecins, pharmaciens et vétérinaires. Il existe d'autres composantes du milieu rural. Nous devrons faire preuve de plus d'imagination pour rompre l'isolement et régler les problèmes de distance. Il conviendrait d'ailleurs de parler de temps de transport plutôt que de distance. Ce serait sans doute plus favorable au milieu rural. Trop souvent, la distance apparaît rédhibitoire à ceux qui ne connaissent pas ce milieu. Evoquer le temps de transport permettra d'envisager une évolution différente dans ce domaine.

M. François Brottes. Surtout en montagne !

M. Jean Gaubert. Nous avons également débattu insuffisamment du problème de la démographie des pharmaciens. D'anciens textes, auxquels les pharmaciens installés tiennent beaucoup, nous sont aujourd'hui opposés. La distance et le temps de transport rendent, là aussi, les pharmacies quasiment inaccessibles dans des territoires ruraux entiers. Les règles doivent être modifiées afin de faciliter leur installation.

M. Gérard Dubrac. C'est n'importe quoi !

M. Jean Gaubert. Oh, je sais que la difficulté n'est pas technique, mais financière. C'est si vrai que les pharmaciens installés depuis longtemps voient leurs fonds de commerce valorisés notablement. Accepter la création d'autres fonds commerces ferait baisser la valeur des officines existantes. Chacun en a conscience. Mais revient-il au législateur de prendre en compte cette notion ?

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Non !

M. François Brottes. C'est dur d'entendre la vérité !

M. Jean Gaubert. Le législateur doit-il plutôt prendre en compte les besoins de la population ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. Il fallait supprimer le numerus clausus ?

M. Jean Gaubert. On nous parle alors de la sécurité sociale. C'est nous faire croire que ce serait le pharmacien qui prescrit ! Le pharmacien ne prescrit pas ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. S'il fallait supprimer le numerus clausus pourquoi ne l'avez-vous pas fait ?

M. Jean Gaubert. Ce n'est pas parce que nous ne l'avons pas fait que nous ne devons pas l'envisager ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Quel aveu !

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. En cinq ans, c'était facile !

M. Jean Gaubert. Madame la ministre, vos amis passent beaucoup de temps à nous reprocher ce que nous n'avons pas fait. Ils ont au moins raison sur un point, c'est que nous serions davantage d'élus sur ces bancs, si nous avions pris certaines mesures ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Ah voilà !

M. Jean Gaubert. Pour éviter qu'il arrive à vos amis la même mésaventure, ...

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. On y arrive plus vite qu'on ne le pense !

M. Jean Gaubert. ... il serait intéressant pour eux d'écouter nos conseils ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Auclair. Nous n'avons pas besoin de vos conseils ! Gardez-les pour vous !

Mme la présidente. S'il vous plaît, un peu de calme ! Je vous demande de laisser l'orateur poursuivre son propos.

M. Jean Gaubert. Quant aux services publics, je citerai l'exemple de la maison de service public. Au départ, nous pensions que c'était un bâtiment, pour comprendre ensuite qu'il s'agissait d'un concept. Les amendements proposés tendront à revenir à la notion de bâtiment. Pour autant, cette maison de service public aurait mérité davantage d'attention lors de l'examen de ce texte en commission. Quels seront les gens compétents qui seront en mesure de répondre aux questions des ruraux ? Les habitants des territoires sont, en effet, capables de poser des questions aussi pertinentes que ceux qui vivent en milieu urbain ! Comment être certain que la personne sera suffisamment polyvalente pour apporter des réponses pertinentes aux uns et aux autres dans des domaines tels que ceux de La Poste, d'EDF, de la DDE, du Trésor public ? Sera-t-elle une simple boîte aux lettres permettant uniquement d'aiguiller les gens ?

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Il faut avoir confiance !

M. Jean Gaubert. Nous aurions dû consacrer davantage de temps à ce problème. Ainsi, il aurait sans doute fallu avoir le temps d'auditionner les responsables de La Poste, et ceux du ministère.

M. Yves Coussain, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. On les a auditionnés !

M. Jean Gaubert. Sans doute les avez-vous auditionnés, monsieur le rapporteur, mais nous n'étions pas présents ! Votre travail n'exclut pas que nous puissions travailler davantage en commission.

Il aurait dû être possible de les entendre et de leur adresser un certain nombre de propositions.

Ce texte comporte également des propositions surprenantes. Il assimile - c'est une bonne chose- l'ensemble de la production équine à l'agriculture au risque, si l'on n'y prenait toutefois garde, que cela ne concerne aussi les courses du PMU, ce qui n'est pas de même nature. Il est donc essentiel que nous soyons en mesure de régler ces problèmes.

Le débat en commission nous a pris déjà beaucoup de temps.

M. Jean-Claude Lemoine, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire pour les dispositions relatives à la chasse. Donc, nous avons suffisamment travaillé !

M. Jean Gaubert. Je n'en suis pas sûr au regard du nombre d'amendements qui ont été déposés, du nombre d'amendements que nous avons eu à examiner : de 1 300 à 1 500, selon les estimations. Certains auraient mérité que l'on y passe plus de temps. D'autres étaient surprenants, mais après tout ils étaient dans la ligne des propos tenus à cette tribune.

Il a été question de supprimer les SAFER, au motif de quelques dysfonctionnements que chacun d'entre nous rencontre dans sa circonscription. Mais ne serait-il pas préférable de remédier aux dysfonctionnements, plutôt que de supprimer les SAFER ? Chacun aura compris que le territoire rural a besoin d'un outil d'intervention efficace et compétent plébiscité dans la très grande majorité des cas par les élus locaux comme par l'ensemble des responsables agricoles auxquels, les uns et les autres, vous référez souvent.

De la même façon, nous proposer de supprimer les ADASEA, ces structures qui permettent là aussi de mettre de l'huile dans la relation en milieu rural...

M. Jean Auclair. Des difficultés, oui !

M. Jean Gaubert. Je ne le crois pas, monsieur !

M. Jean Auclair. Vous êtes un conservateur, monsieur Gaubert !

M. Jean Gaubert. Je ne crois pas que nous puissions être qualifiés de conservateurs...

M. Jean Auclair. Si, avec de pareilles déclarations !

M. Jean Gaubert. ...quand nous considérons que la solidarité en milieu rural est certainement plus productrice pour l'avenir que votre système totalement individualiste où le renard libre dans le poulailler libre aura tout son temps dans les mois et les années qui viennent.

D'autres amendements ont été, à mon sens, trop vite évacués. Nous aurons l'occasion d'y revenir, monsieur le ministre, par ce que vous êtes sensible aux amendements déposés par les élus de montagne. Beaucoup d'entre eux méritent que nous nous y attardions.

Monsieur le ministre, en écoutant les représentants de votre majorité, j'ai eu le sentiment que certaines de leurs frustrations rejoignaient les nôtres, notamment à propos de ces multiples amendements tombés sous le couperet de l'article 40. Je dois pourtant noter, je le répète, la bonne volonté du président, le travail de Titan des rapporteurs accompli dans des délais très brefs, mais vous ne nous avez pas facilité la tâche, monsieur le ministre, en nous soumettant jusqu'au dernier moment des amendements du Gouvernement. C'est la preuve que ce débat était difficile. Vous nous avez souvent reproché de manquer de sensibilité rurale, mais la vôtre ne semble pas être aussi grande que vous voudriez bien nous le faire croire !

Nous nous trouvons devant un texte relatif au développement des territoires ruraux qui ne parle pas de l'agriculture ou si peu ! Il ne propose pas de compensation digne de ce nom au handicap. Les mesures y sont mal définies. Des amendements ont été parfois acceptés pour être repoussés la semaine suivante. C'est l'exemple, entre autres, de l'exercice de l'insémination artificielle par les vétérinaires, mais je pourrais en citer beaucoup d'autres. Des amendements déposés tardivement n'ont pu être étudiés. Ce texte mérite, en conséquence, plus que le débat que vous nous proposez aujourd'hui.

Parce que nous faisons tous preuve de bonne volonté et que nous aurions intérêt à attendre vos propositions en matière agricole, nous devons renvoyer ce texte en commission. Donnons-nous en le temps, monsieur le ministre, le monde rural le mérite ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. André Chassaigne. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, je voudrais faire quelques de remarques de fond et de forme, sans revenir sur tous les sujets qu'a abordés M. Gaubert, au cours de sa riche intervention, et sur lesquels nous aurons l'occasion de revenir au cours du débat.

Je rappelle en premier lieu que, contrairement à ce que vous avez affirmé, monsieur Gaubert, le commerce et l'artisanat n'ont été oubliés ni dans la loi pour l'initiative économique, ni dans les décisions du CIADT du 3 septembre 2003, ni dans le projet de loi que nous examinons. Ils bénéficient, en effet, dans le dispositif des zones de revitalisation rurale, d'une exonération, pendant quatre ans, de l'impôt sur les sociétés - qui n'est pas, que je sache, un impôt local -, d'un amortissement exceptionnel à 25 % la première année de la rénovation des bâtiments industriels, commerciaux et artisanaux, en plus de la construction, d'une exonération de taxes foncières et de taxes consulaires portée de deux à cinq ans pour les entreprises, d'une renégociation avec Bruxelles de l'encadrement des aides aux TPE, de la relance des dispositifs d'installation-formation pour les artisans, de la mise en place des SIDER ou de l'amortissement exceptionnel à 100 % pour les paraboles et satellites haut débit. Bref, on ne peut pas dire de bonne foi que le commerce et l'artisanat sont les grands oubliés de ce texte, pas plus que de la politique gouvernementale.

Ma deuxième observation porte sur les CTE. Puisque vous vous faites les chantres de ces contrats, vous devriez nous féliciter ! En effet, quand nous sommes arrivés aux affaires, il n'y avait que 76 millions d'euros pour honorer la facture. En 2002, nous avons fait l'effort de dégager 200 millions d'euros pour honorer les CTE déjà signés. En 2003, nous avons fait mieux encore, puisque nous y avons consacré 300 millions d'euros, ce qui montre bien que nous avons su tenir les promesses que vous n'aviez pas financées. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Augustin Bonrepaux. Mais vous reconnaissez ainsi qu'il ne s'agissait pas d'une mauvaise mesure !

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. D'ailleurs, en matière de contractualisation, les CTE n'ont rien apporté de nouveau. Les mesures OGAF « article 21 » leur ont préexisté et, quand, dans certains départements, on les a arrêtées en plein élan, tout le monde l'a déploré.

Pour notre part, nous avons simplement voulu dire la vérité aux paysans. Ceux qui leur ont expliqué qu'il existait un « droit au CTE », comme à une prestation sociale illimitée, leur ont menti, puisque le dispositif précédent n'était pas plafonné. A notre arrivée, les montants des CTE atteignaient 44 000 euros en moyenne et concernaient le plus souvent des régions très aidées par la PAC. En outre, ces sommes n'étaient pas financées par le produit de la modulation des aides, puisque celui-ci, pour les gestions des années 2000 et 2001, était gelé à Bruxelles et que nous n'en avons obtenu le dégel que depuis quelques mois. Nous avons donc voulu tout simplement rebâtir un dispositif, le simplifier et le recentrer sur des mesures agro-environnementales utiles : les contrats d'agriculture durable.

S'agissant des décisions à prendre dans la continuité des accords de Luxembourg du 26 juin dernier, j'aurai l'occasion dans les semaines qui viennent de m'exprimer sur le choix de la date d'application. Mais pour ce qui est du choix de la formule, nul ne s'étonnera qu'après m'être battu pour la sauvegarde du découplage partiel, je sois favorable à cette formule - et je suis heureux que vous nous rejoigniez dans ce combat.

Pour ce qui est de la gestion des droits à paiement, nous poursuivons actuellement un travail de concertation avec les organisations professionnelles et syndicales agricoles, qui débouchera sur la configuration d'un système, au mois d'avril ou de mai.

Ma dernière observation concerne la dimension sanitaire. Nous partageons, dans ce domaine, la même vision des choses. Jean Lassalle ici présent, qui se trouvait à Cancún avec d'autres parlementaires, sait bien qu'il s'agit là d'une dimension très importante de la mondialisation. En effet, quand l'Europe parle d'étiquetage et de traçabilité des produits, au nom du respect et de la cohérence des règles en matière de sécurité sanitaire et alimentaire, les pays libéraux et ultra-libéraux - et même le Brésil de M. Lulla, je le signale au passage - n'y voient que des obstacles commerciaux ou des barrières non tarifaires, qui relèveraient d'un protectionnisme déguisé. Mais je suis d'accord avec vous, monsieur le député : l'étiquetage et les indications de provenance doivent être loyaux et sincères, de façon à ce que les consommateurs sachent exactement ce qu'ils ont dans leur assiette et que nos agriculteurs ou nos producteurs ne subissent pas de concurrence déloyale.

Voilà les quelques observations que je voulais faire sur le fond.

Sur la forme, loin de moi l'idée de me substituer au président de la commission et aux orateurs des groupes. Mais j'ai observé qu'au cours de ces dernières semaines, la commission des affaires économiques, par laquelle j'ai été auditionné, avait beaucoup travaillé. Je ne suis donc pas sûr qu'un renvoi en commission s'impose. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. M. Ollier, souhaitez-vous intervenir au nom de la commission ou au nom de votre groupe ?

M. Patrick Ollier, président de la commission. Je parle au nom de la commission, madame la présidente.

Monsieur Gaubert, je tiens tout d'abord à vous remercier de la manière dont vous avez abordé le débat. En effet, en tant que président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, je me réjouis de l'ambiance qui règne au sein de celle-ci et du travail que l'opposition y apporte, dans une ambiance sereine, qu'on ne retrouve pas toujours dans l'hémicycle. Ayant participé à tous nos débats, vous faites partie de ceux qui y ont été le plus assidus. C'est pour cela que j'ai été étonné des propos que vous venez de tenir. Car vous avez consacré les trois quarts de votre exposé à un constat, pour ne vous intéresser qu'à peine aux travaux de la commission. Vous me permettrez, pour ma part, d'inverser ces proportions.

Au reste, tous les parlementaires ici souscrivent, je pense, au constat que vous dressé avec un brio indéniable et même avec une précision quasi chirurgicale. Car nous avons fait le même. Et c'est précisément la raison pour laquelle notre gouvernement présente aujourd'hui ce texte, afin de mettre un terme à la dévitalisation et à la déstructuration du monde rural que vous avez décrite.

M. Augustin Bonrepaux. Reste à savoir comment ! Il n'y a rien dans le texte !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Et c'est parce que vous avez raison dans votre argumentation, qu'il est urgent de voter le texte présenté par le Gouvernement, qui apporte des solutions aux problèmes qui n'ont malheureusement pas été réglés au cours des années précédentes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Si l'on se réfère au passé, comme vous l'avez fait, monsieur Gaubert, rappelons quand même qu'en 1994, quand a été votée, sous l'égide de Charles Pasqua, à l'issue de sept mois de travail, la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, le gouvernement d'alors avait mis en place une architecture, correspondant à une volonté politique. J'étais le rapporteur de ce texte. Je me souviens très précisément de notre fierté d'avoir porté haut, à cette occasion, les valeurs de l'aménagement du territoire.

M. Augustin Bonrepaux. Au détriment de la solidarité entre les territoires !

Mme la présidente. Monsieur Bonrepaux, s'il vous plaît !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Ce n'est pas de la faute de notre majorité d'aujourd'hui, monsieur Bonrepaux, si Mme Voynet (Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), que vous avez soutenue, a abrogé la loi que nous avions votée alors. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Mallié. Eh oui, monsieur Bonrepaux !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Que n'avez vous protesté, dans cet hémicycle, quand Mme Voynet a abrogé la loi d'aménagement et de développement du territoire. Nous vous aurions soutenu, à ce moment-là ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Augustin Bonrepaux. Votre projet de loi ne contient que des promesses !

Mme la présidente. S'il vous plaît !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Mais je comprends que vous ne l'ayez pas fait : solidarité oblige. (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mais, monsieur Gaubert, si je vous rejoins sur le constat que vous avez dressé, je ne souscris en rien au tableau que vous avez dressé du travail de la commission. Car celle-ci a tenu onze séances. Je me réjouis d'ailleurs de voir ici la plupart de nos commissaires : ils pourront en témoigner, tout comme moi et comme vous, monsieur le député - ou comme vous, monsieur le ministre, qui êtes venu en audition.

Trois auditions ont été consacrées aux organisations agricoles. Nous avons veillé à entendre tout le monde.

Je vous rappelle, monsieur Gaubert, que M. Bailly a été auditionné par la commission des affaires économiques, pendant plus de deux heures. Et vous avez eu le loisir de dissiper toutes vos inquiétudes, car M. Bailly était venu pour vous répondre.

Au cours de ces onze séances de commission, notre commission a examiné 1 400 amendements - c'est dire si, quel que soit leur groupe, les députés se sont investis dans la préparation de ce texte. Ils ont consacré près de trente heures à la discussion du fond, pour passer ensuite plus rapidement, dans le cadre de l'application de l'article 88, à l'ensemble des amendements.

Au sein de la commission, j'ai créé, pour préparer ce texte - à la demande d'un certain nombre d'entre vous - une mission d'information, qui a réuni les députés représentant les différentes zones de montagne de notre territoire. Nous avons souhaité en confier la présidence à M. Brottes, actuellement secrétaire général de l'Association des élus de la montagne, de telle sorte que le consensus puisse fonctionner. Son rapporteur a été M. Yves Coussain, député du Cantal, qui est aussi rapporteur de ce texte. Cette mission en amont de la discussion du texte a travaillé pendant près de quatre mois.

On ne peut donc pas dire, monsieur Gaubert, que nous n'ayons pas pris toutes les précautions pour permettre au Gouvernement de répondre à toutes les questions qu'on a pu lui poser.

C'est pourquoi je rends hommage à M. le ministre de l'agriculture, parce qu'il n'est pas facile, quand on prépare un texte interministériel et horizontal, de mettre en place une coordination. Je lui sais gré d'avoir répondu favorablement aux interrogations des rapporteurs ici présents et d'avoir accepté d'ajouter à ce texte un relais « montagne », qui lui avait été demandé par la représentation nationale.

L'ensemble de ces travaux a occupé plus de trois mois.

On ne peut pas dire non plus que, lors du travail réalisé avec Mme Bachelot pour le secteur chasse, avec notre rapporteur M. Lemoine, on n'ait pas consacré tout le temps nécessaire à la concertation, de manière à poursuivre le débat qui a eu lieu dans cet hémicycle, il y a un an, sur la chasse.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont. Nous y étions !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Là aussi, madame la ministre, je vous donne acte de votre écoute pour faire évoluer ce dossier.

Enfin, M. Delevoye, qui va nous rejoindre pour le volet relatif à l'aménagement du territoire, a fourni lui aussi - notamment lors d'une audition, puis en donnant suite à chacune de vos interventions - tout le travail nécessaire pour répondre à notre attente.

Au cours de la préparation de ce débat, mes chers collègues, notre commission n'a-t-elle pas apporté la démonstration que ce travail parlementaire avait abouti ?

Enfin, voter un renvoi en commission, ce serait faire fi de l'excellent travail accompli par nos rapporteurs. Or je tiens à rendre hommage à MM. Coussain, Lemoine et Saint-Léger, qui n'ont pas eu la tâche facile - vous l'avez reconnu vous-même, monsieur Gaubert.

Ce travail mené en commission a été magistral.

Il serait donc absurde que l'on puisse, dans l'hémicycle ou dans les médias, accréditer l'idée que cette motion de renvoi en commission pourrait être autre chose qu'une démonstration de politique générale, ce qui, au reste, n'est pas illégitime.

Mais, pour ma part, je refuse d'y voir une remise en cause de l'excellent travail réalisé par la commission.

C'est pourquoi je demande à nos collègues de la majorité de voter contre le renvoi de ce texte en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. Nous en arrivons aux explications de vote sur la motion de renvoi en commission.

Monsieur Ollier, souhaitez-vous reprendre la parole au nom de votre groupe ?

M. Patrick Ollier, président de la commission. Je crois avoir été suffisamment clair, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Lassalle, pour le groupe UDF.

M. Jean Lassalle. Il y a urgence à examiner ce texte. Bien sûr, nous aurons l'occasion d'étudier les points qu'il conviendrait d'améliorer, et j'espère que de nombreux amendements seront retenus. Mais il me semble que le renvoi en commission ne s'impose pas, car celle-ci a beaucoup travaillé sur le projet de loi. Nous tenons d'ailleurs à rendre hommage à Patrick Ollier, son président, ainsi qu'aux rapporteurs, dont la tâche n'était pas facile. Je veux également saluer l'esprit dans lequel l'ensemble des groupes a participé à ces travaux.

Encore une fois, j'espère que nous améliorerons ce texte, car il en a besoin, mais je ne pense pas qu'il soit nécessaire de le renvoyer en commission.

Dans le prolongement des réflexions que vient d'exposer l'un de nos collègues, je veux souligner que le monde rural n'a, c'est vrai, plus beaucoup d'avocats aujourd'hui. Bien sûr, nous sommes tous, ici, ses défenseurs, et ce n'est déjà pas si mal. Mais à Bercy et à Bruxelles, ils sont beaucoup moins nombreux. (Sourires.) Je profite de cette occasion pour demander - et je réitérerai ma demande - l'abrogation de la directive Natura 2000 qui, au-delà de toutes les discussions, achèvera de plomber le monde rural. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Nous voterons contre la motion de renvoi en commission.

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. André Chassaigne. Bien entendu, je considère que le renvoi en commission s'impose. En effet, Jean Gaubert vient de démontrer, dans une intervention de grande qualité, que je qualifierai de fulgurante (Sourires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), à quel point ce texte est inachevé.

Par ailleurs, qu'ils se soient exprimés la semaine dernière ou cet après-midi, tous les députés - notamment ceux de la majorité, que l'on pouvait s'attendre à voir monter à la tribune en fantassins, voire en artilleurs - se sont transformés de fait en avocats du monde rural (« Naturellement ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), car chacun d'entre nous mène des actions de développement local, a une expérience, un vécu, dans ce domaine et des propositions à faire.

M. Jean-Pierre Balligand. Et ses contradictions !

M. André Chassaigne. Bien souvent, les députés de la majorité ont démontré, en contrepoint de leurs interventions, que le projet de loi était insuffisant, mal ficelé, inachevé, que manquait le souffle nécessaire. Ainsi, tel le bourgeois gentilhomme qui faisait de la prose sans le savoir, ils ont fait la preuve, sans le savoir, que cette loi n'était pas à la hauteur.

M. Jean Gaubert et M. Jean Launay. Très bien !

M. André Chassaigne. Certes, de nombreux amendements ont été déposés et examinés en commission, laquelle a accompli un excellent travail, dans une ambiance agréable. Mais à quelle vitesse ont-ils défilé ! Et ceux qui ont été présentés par l'opposition ont été quasi systématiquement écartés d'un revers de main !

M. Yves Coussain, rapporteur et M. Patrick Ollier, président de la commission. C'est faux !

M. André Chassaigne. Pour ma part, j'ai présenté plus de cent amendements. Or un seul, qui plus est marginal, a été retenu,...

M. Patrick Ollier, président de la commission. Parce qu'il était bon !

M. André Chassaigne. ... comme on donne un hochet à un député de l'opposition. Pourtant, ces amendements ont été élaborés dans le cadre de conseils de circonscription par plus de cent personnes qui, pendant six mois, ont réfléchi sur le monde rural.

C'est une raison supplémentaire de considérer que ce texte apporte des semblants de réponse. Il se refuse à aller au fond, puisque les propositions de fond ne sont pas étudiées quand elles sont présentées par l'opposition. Quoi qu'il en soit, je le répète, la quasi totalité de nos amendements a été rejetée.

M. Yves Coussain, rapporteur. Ce n'est pas vrai !

M. André Chassaigne. Nous en ferons la démonstration !

J'ai dit, lors d'une précédente intervention, que ce texte pouvait être qualifié de véhicule brinquebalant et poussif. Certes, comme le disait Jean Gaubert tout à l'heure, on a ajouté quelques gouttes d'huile. Mais elles ne suffiront pas à le rendre opérationnel. Il faut donc le renvoyer au garage, non pas pour l'y reléguer définitivement, mais pour le reconstruire, car ce projet de loi est insuffisant. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Giraud, pour le groupe socialiste.

M. Joël Giraud. Au terme de cette discussion générale, nous constatons qu'une avalanche d'amendements - 1 500 environ - a été déposée en commission, dont la plupart proviennent d'ailleurs des rangs de la majorité. Nombre d'entre eux ont été renvoyés à la loi de modernisation rurale, mais ils sont tellement nombreux que l'on peut légitimement se demander pourquoi ces deux textes ont été ainsi séparés. D'autres, comme ceux qui sont relatifs aux problèmes posés par la loi littoral à l'intérieur des terres, ont été renvoyés à des groupes de travail. Pendant ce temps-là, en montagne notamment, on ne peut toujours pas construire de stations d'épuration au bord des plans d'eau, alors qu'on le peut en bord de mer.

Certains amendements n'ont même pas pu être examinés en commission, sans que nous sachions exactement ce qu'il est advenu d'eux.

Ceux qui concernaient les saisonniers et les pluri-actifs ont été purement et simplement rejetés sans avoir fait l'objet d'un examen attentif, alors que ces catégories sociales sont au cœur du développement économique des territoires ruraux.

Plus grave pour l'élu de la montagne que je suis, les travaux remarquables, menés dans un total œcuménisme politique par l'association nationale des élus de la montagne pour améliorer les dispositions de ce texte relatives aux zones de montagne, ont été pour l'essentiel négligés, sans même que nous obtenions l'engagement du Gouvernement d'inscrire à l'ordre du jour, d'ici à la fin de la législature, la nouvelle loi « montagne », déposée dans les mêmes termes par tous les groupes de l'Assemblée nationale et du Sénat. Pourtant, j'ai encore en mémoire l'élan d'enthousiasme du Premier ministre qui, en octobre 2002, à Gap, saluait la qualité de ces travaux. Le Gouvernement souffre-t-il d'une amnésie générale sur ce sujet ?

Enfin, que signifie une loi consacrée au développement des territoires ruraux, quand nous constatons un « déménagement » sans précédent des services au public et que ce texte ne prévoit aucun moyen supplémentaire ?

Pour toutes ces raisons, et pour toutes celles qui ont été exposées par Jean Gaubert de manière très constructive et sans polémique aucune, et parce que, à l'évidence, au regard de l'ampleur de la tâche, nous n'avons pas assez travaillé, le groupe socialiste et apparentés votera la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme la présidente. Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.

(La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. En accord avec Patrick Ollier et avant que ne s'engage la discussion des articles, je voudrais rappeler les conditions dans lesquelles j'ai appliqué l'article 40 de la Constitution.

Afin d'être le plus pédagogique possible, je veux vous rappeler, mes chers collègues - car je comprends que cela soit difficile -, qu'il convient de bien distinguer les amendements portant sur les dépenses de ceux qui concernent les recettes.

Tout amendement diminuant une ressource publique doit être gagé, et correctement gagé - les administrateurs de l'Assemblée sont là pour vous aider le cas échéant. Ainsi, je n'ai pu accepter des amendements étendant le champ des zones de rénovation rurale qui ne comprenaient qu'un gage fiscal. En effet, les entreprises situées dans ces zones disposent également d'exonérations de cotisations patronales, ce qui nécessite de prévoir une compensation pour les régimes de sécurité sociale.

En ce qui concerne l'augmentation des charges publiques, aucun gage n'est possible. L'article 40 interdit de compenser l'aggravation d'une charge par la diminution d'une autre charge ou l'augmentation d'une recette. Il ne sert donc à rien de prévoir un gage dans des amendements qui augmentent les charges publiques.

J'ai considéré, en appliquant une jurisprudence constante de mes prédécesseurs, quelle que soit leur sensibilité, que des amendements qui élargissent les possibilités de préemption par une personne publique ou permettent à une collectivité publique de grever une propriété privée d'une servitude indemnisable créent une charge publique. En effet, même si une telle mesure permet à terme de faire des économies en achetant moins cher ou en aménageant un espace rural, même si la réalisation de la charge n'est que facultative, l'article 40 interdit aux parlementaires de proposer que des personnes publiques dépensent davantage.

De la même façon, et même s'il s'agit d'une proposition intéressante - j'en ai vu qui l'étaient -, j'ai dû opposer l'irrecevabilité à un amendement octroyant la garantie d'une collectivité locale aux emprunts contractés par l'héritier qui reprend une entreprise familiale agricole pour la maintenir.

Je rappelle également que tout transfert de compétences entre catégories de collectivités territoriales est irrecevable, car la création d'une charge nouvelle pour une collectivité ne peut pas être gagée par la diminution de charges pour une autre collectivité. Il en a été ainsi, par exemple, des outils de protection des espaces périurbains, confiés à la région par le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux. Seul le Gouvernement conserve la possibilité, je le rappelle, de proposer par voie d'amendement de confier ces outils aux départements. Le fait que vos amendements aient été déclarés irrecevables n'empêche donc pas le ministre - si vous parvenez à le convaincre - de les reprendre.

Enfin, de manière tout à fait traditionnelle depuis une décision du Conseil constitutionnel de 1961, tout amendement prévoyant une nouvelle affiliation au régime de sécurité sociale de base des exploitants agricoles, par exemple pour les concubins ou les pacsés, est irrecevable car créateur d'une nouvelle charge publique.

Au total, chers collègues, seuls 11 % des 1 500 amendements qui ont été déposés ont été déclarés irrecevables au titre de l'article 40.

M. Augustin Bonrepaux. Ce n'est pas mal !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Certes, monsieur Bonrepaux, mais cela permet largement d'engager le débat.

Je vous remercie beaucoup de votre attention, car je fais un travail qui n'est pas toujours agréable. Je sais ce que l'application de l'article 40 peut avoir de désagréable,...

M. André Chassaigne. Très désagréable, surtout pour les auteurs des amendements !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. ... pour un collègue dont l'amendement ne vient pas en discussion.

Toutefois, je rappelle à nos collègues de l'opposition que plusieurs réformes de la Constitution ont eu lieu. Or, aucun des gouvernements précédents, quel qu'il soit, n'a songé à modifier l'article 40 de la Constitution. Je souhaite donc que vous économisiez des débats à ce sujet. Telles sont, en tout cas, les précisions que je souhaitais apporter pour éviter que ne soient sans arrêt soulevées ces difficultés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Richard Mallié. C.Q.F.D. !

M. Jean-Pierre Balligand. Nous pouvons aller dans la cour, mais nous n'avons pas le droit de jouer !

Mme la présidente. Cette déclaration n'appelle pas de discussion : M. Méhaignerie a effectué une mise au point.

M. Jean-Pierre Balligand. C'était une déclaration de police !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Mesdames, messieurs les députés, dans la première partie de mon intervention, je n'ai répondu, à la demande du ministre de l'agriculture, que sur les dispositions concernant la chasse. Je souhaite répondre maintenant, après la dernière motion de procédure, sur l'ensemble du volet « zones humides ».

Je veux d'abord vous remercier, monsieur le président de la commission des affaires économiques, pour le soutien que vous avez apporté aux mesures visant à préserver les zones humides. Nous l'avons évoqué tout à l'heure lors de la séance des questions au Gouvernement, notre action en faveur des zones humides est un élément majeur de la stratégie de préservation de la biodiversité.

Je veux remercier Jean-Pierre Decool d'avoir insisté sur l'importance et l'opportunité de ce volet « Zones humides ». J'ai bien noté, monsieur Decool, votre souhait d'une concertation la plus large possible pour l'identification des zones humides, et je ne peux que m'y associer.

Jean Lassalle m'a interpellée sur la question de Natura 2000. C'est certainement par le biais de la concertation et de l'écoute que nous sortirons de cet épineux dossier. Je veux sortir de cette conception bloquée, autoritaire, technocratique, presque théologique, de Natura 2000, par la relance de la concertation. Depuis un an et demi, c'est grâce à cette concertation que j'ai enregistré des succès incontestables, et que j'ai pu proposer de nombreux sites à la Commission européenne. Je crois que nous pouvons mener ensemble une politique de préservation de sites remarquables, où tout le monde se retrouve.

M. André Chassaigne. Jean Lassalle est convaincu !

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Yves Cochet, qui m'avait interpellée de façon peu élégante sur la question de la chasse, ne s'est pas rattrapé avec les zones humides, sujet auquel il a fini par s'intéresser. Lorsque M. Cochet évoque les moyens du ministère de l'écologie et du développement durable, j'ai l'impression qu'il n'a pas remarqué que notre Gouvernement a considérablement augmenté les sommes consacrées en 2004 à ces zones humides, par rapport à ce qu'il avait fait quand il exerçait précédemment les fonctions de ministre de l'environnement.

Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est tout à fait vrai !

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Je l'invite donc à une analyse plus fine et plus détaillée de la loi de finances.

Je veux maintenant répondre à Mme Perrin-Gaillard, dont je connais l'intérêt pour ces questions. Vous parlez, madame Perrin-Gaillard, d'un « effet d'annonce » pour le Marais poitevin. Certes, notre Gouvernement a dû se saisir vigoureusement de cette question, car c'est un sujet que nos prédécesseurs avaient laissé aller - sans vouloir faire de jeu de mots - à vau-l'eau. C'est une question que je connais particulièrement bien, puisque je préside la commission de l'environnement et de l'aménagement du territoire de la région des Pays-de-la-Loire, et vous n'ignorez pas que c'est sur le territoire de cette région que se trouve la majorité du territoire du Marais poitevin.

Connaissant votre intérêt ancien pour les zones humides, je m'étonne d'entendre, de votre bouche, des critiques que j'attendais de personnes plus mal renseignées que vous. La définition législative des zones humides n'est nullement modifiée, et encore moins remise en cause, par ce projet de loi. Il s'agit simplement d'apporter des précisions techniques rendues nécessaires par de nombreux contentieux locaux occasionnés par les différences d'interprétation de cette définition. Voilà à quoi sert un décret d'application.

Vous critiquez les zonages introduits par le projet de loi. Hélas ! les limites administratives actuelles n'ont pas grand-chose à voir avec le périmètre des zones humides. Comment imaginez-vous de développer des programmes d'action pour ces territoires, sans commencer par les identifier et les délimiter ? Vous êtes d'ailleurs l'auteur, me semble-t-il, d'un rapport qui ne dit pas autre chose. Quant à nier que certaines zones humides ont un rôle stratégique, cela reviendrait à refuser toute priorité. En conclusion, vous regrettez qu'aucun gouvernement - dont le gouvernement précédent - n'ait eu le courage de s'attaquer au problème des zones humides. Dont acte. Faute avouée est à moitié pardonnée. J'espère qu'aujourd'hui vous êtes satisfaite, puisque nous agissons vraiment, plutôt que de nous limiter à des incantations.

Au début de son intervention, M. Gaubert a évoqué la chasse, et les conflits d'usage qui peuvent en résulter. A ce sujet, je voulais remercier M. Chanteguet pour ses propos très mesurés, reconnaissant les avancées permises par le projet du Gouvernement, ainsi que les progrès réalisés dans la gestion du difficile dossier des dates de chasse. Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire lors de l'examen de la loi de finances initiale, et du budget consacré au ministère de l'écologie et du développement durable, je crois que sur des sujets aussi difficiles que le développement des territoires ruraux, sur des sujets aussi passionnels que la chasse, sur des sujets aussi complexes que la gestion des zones humides, le monde politique s'honore à aborder ces questions de façon technique et mesurée. C'est en tout cas ainsi que M. Gaymard et moi-même aborderons maintenant la discussion des amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Je souhaite faire un certain nombre de remarques et d'observations concernant les très intéressantes contributions qui viennent d'être apportées à ce débat. Jean-Paul Delevoye vient de nous rejoindre, ce qui prouve, s'il en est besoin, le caractère interministériel de ce texte.

Je voudrais, avant toute chose, saluer la mémoire d'Olivier Guichard, qui a lancé au début de la Ve République la politique d'aménagement du territoire, dans le prolongement de ce qu'avait fait Eugène Claudius-Petit sous la IVe République, ce qui montre bien que cette politique d'aménagement du territoire, cette politique en faveur du développement du monde rural, doit nous réunir au-delà de nos légitimes différences, car c'est la vitalité des territoires ruraux qui fait la force de la République.

Je remercie Patrick Ollier pour sa très importante contribution au débat qui nous réunit en ce moment, mais également pour tous les travaux qui ont précédé, notamment les travaux préparatoires de la loi Pasqua, ainsi que vos trois rapporteurs, Yves Coussain, Francis Saint-Léger et Jean-Claude Lemoine, pour les nombreuses propositions qu'ils ont formulées, visant à améliorer et enrichir ce texte.

Quand il parle d'un texte partenarial, qui doit réunir l'ensemble des acteurs de l'aménagement du territoire, Emile Blessig, président de la délégation, montre qu'il a bien compris ce qui préside à l'élaboration de ce texte. Yves Censi et Antoine Herth ont également fait des remarques extrêmement judicieuses au sujet des différentes mesures qui figurent dans ce projet de loi, ainsi que Jean-Pierre Nicolas, qui a insisté sur le pragmatisme du texte et sa dimension interministérielle.

Si nous partageons un certain nombre de constats avec M. Nayrou et Mme Pérol-Dumont, nous ne portons pas le même jugement sur ce texte, mais j'espère que la discussion qui va s'engager va permettre de rapprocher les points de vue pour le seul bénéfice du monde rural. De même, je voudrais dire à M. Brottes que le débat qui nous réunit ne doit pas être un débat idéologique. Quand il parle de « choix libéraux non assumés », dans le même registre, je pourrais évoquer Vilvorde ou d'autres exemples, mais l'heure n'est pas à la polémique. S'agissant du développement des territoires ruraux, nous devons essentiellement faire preuve de pragmatisme.

André Chassaigne, évoquant son conseil de circonscription, m'a rappelé ce que j'ai fait naguère en créant un comité de bassin d'emploi avec une présidence tournante, associant élus, syndicalistes, et chefs d'entreprise. Ce sont les initiatives locales de ce type qui favorisent le développement local. Si l'Etat et le législateur doivent faciliter ce développement, les meilleures mesures qu'ils prendront ne pourront avoir d'effet que s'il y a une mobilisation à la base de l'ensemble des forces vives, des acteurs du terrain. C'est ce que nous faisons dans nos départements et dans nos circonscriptions, et cette dimension de l'engagement personnel sur le territoire pour le développement local est extrêmement importante.

Depuis deux tiers de siècle, le sentiment du déclin du monde rural imprègne notre pays. Jean Lassalle a prononcé - sans la chanter (Sourires) - une phrase forte : « Cela sent le deuil ». Marylise Lebranchu a également parlé du sentiment de retrait, d'ostracisme, ou d'humiliation, parfois éprouvé par le monde rural. Dans les années trente, Daniel Halévy, dans sa Visite aux paysans du Centre, parlait de cette « terre qui meurt ». Un photographe, Pierre Collombert, a publié un livre bouleversant, Le cri des paysans, recueil d'une trentaine d'années de photographies de la presse agricole et rurale, où l'on voit la table en formica remplacer le vaisselier ou la table en bois dans nos campagnes, qui ont subi l'exode rural. Tous, nous percevons ce sentiment de desespérance et de déclin.

L'objet de ce projet de loi est précisément de valoriser le monde rural et de refuser la fatalité de ce déclin à la fois économique et psychologique. Ce texte, ainsi que les mesures du CIADT de septembre dernier, sont une manifestation de notre foi en l'avenir du monde rural.

Jean Dionis du Séjour et Michel Bouvard ont évoqué la question très importante de la péréquation et de la ressource des collectivités locales en milieu rural, et je sais que votre rapporteur Yves Coussain partage cette préoccupation. Patrick Devedjian et Nicolas Sarkozy vous diraient, comme je vous le dis, que ce sujet est au cœur des problématiques auxquelles s'attache le Gouvernement, notamment dans le cadre de l'élaboration du projet de loi sur les finances locales.

Après ces quelques observations générales, je voudrais maintenant aborder des sujets plus spécifiques, qui ont fait l'objet de débats et de propositions très intéressantes.

S'agissant tout d'abord des ZRR, je ne vais pas anticiper sur ce qui va être dit lors de l'examen de l'article 1er, qui sera l'occasion pour Jean-Paul Delevoye d'exprimer la position du Gouvernement. Je voudrais simplement dire à Yves Coussain, Yannick Favennec, Jean Auclair et Marc Le Fur, que Jean-Paul Delevoye et moi-même souhaitons revitaliser ces ZRR, un instrument imaginé il y a dix ans, mais peu utilisé jusqu'à présent.

Il a fallu tout remettre sur le métier et procéder à une évaluation pour permettre à cet instrument important d'être effectif. Sans vouloir polémiquer, on peut considérer que celles des dispositions de la loi Pasqua qui n'ont pas été abrogées n'ont pas fait l'objet, c'est le moins qu'on puisse dire, d'une application très suivie et très active par le Gouvernement précédent.

S'agissant du volet foncier - et là je réponds à la fois à Yves Coussain, à Antoine Herth, à Jean Auclair et à Jean-Pierre Decool -, deux problématiques se croisent : l'organisation de l'urbanisation sur notre territoire afin d'éviter notamment le mitage des zones périurbaines, et la dimension proprement agricole de la politique foncière et de la politique des structures agricoles.

A cet égard, le projet de loi amendé par votre commission prévoit désormais la possibilité pour les conseils généraux, et non plus seulement pour les régions, d'intervenir en matière foncière dans les zones périurbaines.

Les travaux de la commission ont d'ores et déjà substantiellement amélioré le texte initial du Gouvernement. Mais peut-être pourrait-on encore mieux faire en cette matière qui concerne au premier chef Gilles de Robien. Il est vrai que toutes les questions relatives à l'urbanisme et à l'organisation concertée de l'occupation de l'espace sont extrêmement importantes.

S'agissant de la dimension agricole - et là je réponds à Jean Dionis du Séjour et à Louis Cosyns -, il nous a paru qu'il était prématuré d'engager une loi de modernisation de l'agriculture maintenant. Après concertation avec les organisations professionnelles et syndicales agricoles, il nous a semblé qu'il fallait scinder les deux exercices, qui sont complémentaires. Nous sommes ici dans le cadre d'une loi rurale, qui comporte d'ailleurs d'importantes dispositions concernant l'agriculture. Et nous avons considéré qu'il fallait prendre le temps du débat avant de redéfinir pour notre pays une politique agricole ambitieuse, qui tienne compte des nouvelles règles de la politique agricole commune et de l'obsolescence de certaines dispositions des lois d'orientation de 1960 et 1962.

C'est la raison pour laquelle le Président de la République et le Premier ministre ont souhaité que 2005 soit l'année d'une loi de modernisation de l'agriculture. Nous engagerons ainsi la concertation à partir du printemps 2004.

S'agissant des services publics ou des services au public - et là je réponds à Mme Pérol-Dumont, à M. Mesquida, à M. Nicolas et à M. Le Fur -, nous pensons avec Jean-Paul Delevoye qu'il faut, là encore, avoir une démarche pragmatique et ambitieuse. Ce qui compte, on le sait bien, ce sont les services rendus aux citoyens. D'où le principe des expérimentations arrêté par Jean-Paul Delevoye. Il ne faut pas partir vers des logiques verticales institutionnelles dont l'expérience prouve qu'elles ne mènent à rien.

Certes, le moratoire peut paraître séduisant. Nul n'ignore, cependant, qu'il ne règle rien sur le fond. Geler quelques semaines ou quelques mois les évolutions ne permet pas de poser les problèmes dans toute leur ampleur ni surtout de résoudre ces derniers.

S'agissant de la question de l'offre de soins en milieu rural, Jean-François Mattei viendra au banc du Gouvernement lorsque les dispositions en la matière seront abordées. Nous le savons, c'est là un défi extrêmement important. Il est lié non seulement à des considérations budgétaires et financières, mais également à l'organisation des gardes d'urgence et des rythmes de vie et de travail en milieu rural. Du reste, le rapport du sénateur honoraire Charles Descours, auquel il a souvent été fait référence, met bien en lumière les différents problèmes que nous allons devoir régler ensemble. Un certain nombre de réponses figurent d'ores et déjà dans les décisions du CIADT et dans ce projet de loi.

Jean Auclair et Marc Le Fur ont également évoqué la question du logement en milieu rural, qui est un point important. Là aussi, il faut faire preuve de pragmatisme et de souplesse. Il faut déplorer le retrait de l'engagement public constaté au cours de ces dernières années et redonner la priorité au logement en milieu rural. Un certain nombre de dispositions en ce sens figurent dans ce texte. Sans doute conviendra-t-il de les améliorer encore.

Je voudrais remercier particulièrement Francis Saint-Léger, François Vannson et Michel Bouvard pour leurs propos sur le volet montagne de ce projet de loi. Je sais, pour être l'un de ceux-ci, que les élus de la montagne auraient souhaité une loi autonome. La densité du calendrier parlementaire nous a cependant conduits à procéder autrement : une partie du présent texte est consacrée à la montagne. En cette matière aussi, je crois que, tous ensemble, nous ferons du bon travail.

S'agissant de la pluriactivité, je ferai observer à Mme Lebranchu et à M. Giraud que ce sujet devrait nous réunir au lieu de nous diviser. J'ai très précisément en mémoire les dispositions qui ont été votées dans la loi du 3 janvier 1995 portant modernisation de l'agriculture. Il s'agissait de régler deux questions. Tout d'abord celle des cotisations minimales trop élevées, spoliatrices pour les pluriactifs. Certains d'entre eux, en effet, par le jeu du cumul des cotisations minimales dans deux régimes sociaux différents, payaient, à revenu égal, plus de cotisations qu'un monoactif. La loi du 3 janvier 1995 et le décret de janvier 1996 ont permis de résoudre le problème.

La seconde question à traiter concernait la mise en place d'une caisse pivot dont le projet remontait à la loi montagne de 1985, soit dix ans auparavant. Nous buttions sur la définition de l'activité principale. Nous avions donc décidé que le critère de rattachement relèverait de la liberté de choix de l'assuré social. Le décret est sorti en temps et en heure. Malheureusement, au cours de la discussion de la loi Voynet, un amendement gouvernemental adopté au Sénat a purement et simplement abrogé les dispositions de la loi de janvier 1995.

Sur la pluriactivité, nous n'avons donc pas de leçon à recevoir. Contrairement à ce que certains prétendent, le présent texte prévoit un certain nombre de dispositions qui amélioreront la situation des pluriactifs, notamment du point de vue de l'emploi et de leur protection sociale.

Francis Saint-Léger a soulevé la question des biens sectionnaux, qui se pose dans nombre de départements. Un rapport vient d'être rendu public. Vous le savez, le problème ne se pose pas de la même manière partout en France. Une distinction s'établit, en effet, entre le grand Massif Central et l'Est ou le Nord-Est de notre pays. Sans doute, sur la base de ce rapport, pourra-t-on trouver des dispositifs pragmatiques et efficaces qui permettront de régler les situations telles qu'elles existent sur notre territoire.

S'agissant du marais Poitevin, évoqué par Mme Perrin-Gaillard, je ne reviendrai pas sur ce qu'a dit Mme Bachelot. Sur l'aspect agricole, j'ajouterai simplement en complément que j'ai mis en place, voilà maintenant plus de six mois, un dispositif spécifique pour les marais de l'ouest, au-delà de ce qui figure dans les CAD. L'ensemble des partenaires agricoles se sont montrés satisfaits de ce « cousu main » destiné à l'agriculture des marais.

Juliana Rimane a évoqué un certain nombre de sujets concernant la spécificité de la Guyane notamment en matière d'opérations foncières. J'aurai l'occasion de lui répondre en détail par écrit. Pour l'heure, qu'elle sache qu'avec Brigitte Girardin, nous avons bien pris en compte ses importantes remarques. Nous relèverons les défis spécifiques posés à l'agriculture guyanaise.

S'agissant de la viticulture, je dirai à Jean-Claude Perez qu'aucune taxe sur le vin n'est prévue.

M. Patrice Martin-Lalande. Très bien !

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Il ne sert donc à rien de susciter des peurs sans fondement. Je précise en outre que, pour la région Languedoc-Roussillon - et il y a un certain nombre de parlementaires de cette région dans l'hémicycle - le plan de reconversion qualitative différée du vignoble que nous avons mis en place, d'abord à titre expérimental et désormais à titre pérenne, a rencontré l'assentiment de l'unanimité des organisations professionnelles et syndicales de la viticulture languedocienne, et je m'en félicite.

Pour terminer, je voudrais remercier Jean Launay pour la poésie de son intervention autour de la truffe. (Sourires.) Il a rappelé l'essentiel : la chute dramatique de la production sur un siècle, l'importance de cette production pour l'aménagement du territoire dans nombre de nos zones rurales et la nécessité de progresser tant au plan communautaire qu'au plan national.

Je me suis rendu, voilà maintenant un an, au marché de la truffe, en Corrèze, au sud de Brive. Il y a quelques semaines, nous avons également travaillé avec les professionnels de la Drôme provençale, à la Maison de la truffe. Sachez que je salue l'intervention des collectivités décentralisées que vous avez citées. Une approche européenne est en effet nécessaire. En tout cas, les pouvoirs publics sont mobilisés. J'ajouterai encore que les outils peuvent également être fiscaux. Mais c'est un sujet qu'il faut toujours aborder avec circonspection. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Discussion des articles

Mme la présidente. J'appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

Avant le titre Ier

Mme la présidente. Avant le titre Ier, je suis saisie de l'amendement n° 25.

La parole est à M. Pierre Morel-A-L'Huissier, pour le soutenir.

M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Cet amendement vise à créer un titre liminaire dans lequel l'Etat affirme les engagements de solidarité nationale en faveur des territoires ruraux et de montagne. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Monsieur le ministre, il me semble que dans un projet de loi sur le développement des territoires ruraux, un tel principe devait être inscrit très solennellement. C'est en définitive la traduction d'une véritable volonté gouvernementale telle que je la ressens aujourd'hui. C'est également un principe juridique qui doit permettre d'éviter des discriminations négatives et qui doit engager le pouvoir réglementaire, et par delà les juridictions administratives, vers une conception favorable à la ruralité et à la montagne.

C'est tout le sens que je donne à ce titre liminaire. Si vous me suivez dans cette démarche, la représentation nationale permettra au monde rural d'obtenir au fil des ans un cadre juridique et plus particulièrement jurisprudentiel plus sécurisant et plus lisible. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires économiques pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 25.

M. Yves Coussain, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Je pense que tous nos collègues adhèrent à ce principe de solidarité envers les territoires ruraux et de montagne. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Bien entendu, j'y souscris aussi. Mais il a semblé à la commission qu'il s'agissait là d'une pétition de principe.

Par ailleurs, un amendement adopté par la commission après l'article 1er reprend à son compte ce principe, mais en l'assortissant d'obligations véritablement normatives. La commission est donc défavorable à cet amendement.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Il sera satisfait plus loin !

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Je ne veux pas entrer en contradiction avec la commission, mais je m'apprêtais à émettre un avis favorable. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je pense que nous aurons l'occasion de revenir sur ce point.

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Ce débat commence dans l'allégresse générale, et c'est très bien. (Rires.) Dans la mesure où nous présenterons dans quelques instants, moins en amont du texte, un amendement qui reprend ce principe, peut-être de façon moins sibylline, nous soutiendrons cet amendement. (« Ah ! » sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est très important. D'ailleurs, je félicite mes collègues, car je ne sais pas comment ils ont fait pour passer au travers de l'article 40.

Quand on dit que l'Etat assure la solidarité nationale, cela veut dire évidemment que l'Etat devra mettre la main au porte-monnaie. Sinon, cela n'a pas de sens. Si c'est juste pour le plaisir d'être tous ensemble, cela ne suffit pas. Derrière cet amendement - c'est ce que je comprends - il y a la notion de solidarité, de « discrimination positive », voire l'idée d'un Etat au service des territoires ruraux. Je crois que c'est ce qui est derrière cet alinéa. C'est pourquoi nous le soutiendrons sans aucune réserve. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Nous nous en souviendrons tout au long de ce texte, lorsque nous défendrons un certain nombre d'amendements se rattachant à cette ligne-là. J'espère que ces amendements, qui n'ont pas eu la faveur de la commission, pourront avoir celle de l'hémicycle, compte tenu de la portée de cet alinéa que nous sommes tous, j'en ai l'impression, prêts à voter.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Morel-A-L'Huissier.

M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Il s'agit d'un concept juridique. C'est une pétition de principe. C'est peut-être sibyllin pour certains, mais il est très important de le dire aujourd'hui et de le réaffirmer. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 25.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je constate que le vote est acquis à l'unanimité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Avant l'article 1er

Mme la présidente. Avant l'article 1er, je suis saisie d'un amendement n° 1229.

La parole est à M. Jean Lassalle, pour le soutenir.

M. Jean Lassalle. Cet amendement a pour but d'ouvrir le débat aux préoccupations des habitants du monde rural face à la disparition des services publics, qui est au cœur de leurs craintes les plus vives. Cet amendement n'a pas pour but de demander que soient conservés tous les services publics existants - c'est malheureusement impossible en l'état - mais qu'il soit possible de discuter avec les acteurs concernés.

La force du monde rural, c'est aussi son sens du dialogue et sa pratique à encourager la démocratie tout au long de son histoire.

Or ce qui était prévu n'existe plus aujourd'hui. Lorsque nous apprenons que tel service public va partir, nous ne pouvons plus en discuter. Nous demandons donc qu'il nous soit possible d'en discuter.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Coussain, rapporteur. Cet amendement tend à rendre obligatoire dans les communes de plus de 5 000 habitants la création d'une commission consultative des services publics locaux. La commission, considérant qu'elle était source de complexité pour les collectivités locales, en particulier les plus petites d'entre elles, a rejeté cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire, pour donner l'avis du Gouvernement sur cet amendement.

M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'État et de l'aménagement du territoire. Monsieur le député, en réalité vous évoquez un principe lorsque vous souhaitez être informé et consulté sur les réorganisations des services publics. Nous aurons l'occasion d'en discuter lors de l'examen des articles 13 et 37. J'ajoute que je partage totalement votre analyse d'élu local quand vous dites qu'on ne supporte plus aujourd'hui de subir une réorganisation sans être informé.

A contrario, votre proposition d'article additionnel consiste à modifier les dispositions de la loi sur la démocratie de proximité et à abaisser le seuil de population à partir duquel une commission consultative des services publics locaux doit être créée.

La situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui a été créée par la loi de 2002, qui a relevé les seuils prévus par la loi Pasqua de 1996, cela dans un souci de rationalisation des dispositifs de participation des habitants à la vie des services publics.

Or, moins de deux ans après le vote de cette réforme législative, il ne nous apparaît pas opportun de changer à nouveau les règles établies, en l'absence de tout élément à caractère évaluatif.

Nous émettons donc un avis défavorable, mais nous confirmons à M. Lassalle que nous aurons évidemment l'occasion de revenir, lors de la discussion des articles concernant les services publics, sur le sujet de cette interpellation, faite avec force et à laquelle nous souscrivons.

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je soutiens cet amendement, parce qu'il répond véritablement à une attente, qui est démontrée dans son exposé des motifs. Dans la mesure où on fait, de plus en plus, appel aux collectivités locales pour financer le maintien des services publics, je crois que la règle élémentaire est de prévoir une consultation beaucoup plus approfondie qu'elle ne l'est aujourd'hui. Pour ma part, je crois que cet amendement se justifie tout à fait.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1229.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 1230.

La parole est à M. Jean Lassalle, pour le soutenir.

M. Jean Lassalle. Toujours dans le même esprit, avec un aspect symbolique très fort, cet amendement ouvre une réflexion sur le développement des territoires ruraux et l'ensemble des problématiques - logement, services publics, ouverture à la culture - rencontrées par les populations locales.

Je pense que cet élément est très important, et comme je le disais tout à l'heure, nous avons le sentiment très fort qu'on ne parle plus suffisamment dans ces milieux où, pendant des siècles, on a su trouver tous ensemble, localement, puis avec les puissances centrales et l'Etat, des solutions qui souvent étaient intelligentes.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Coussain, rapporteur. Dans le dernier alinéa de l'article L.111-1 du code rural, les mots « agricole et forestier » ont justement pour objet de préciser la notion d'espace rural qui est utilisée, elle, dans le premier alinéa de ce même article. Ce changement lui ayant paru inutile, la commission a rejeté cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Nous partageons l'avis de la commission.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1230.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 1231.

La parole est à M. Jean Lassalle, pour le soutenir.

M. Jean Lassalle. Même argumentation que pour les deux amendements précédents.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Coussain, rapporteur. Même argumentation pour la commission, et avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1231.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 888.

La parole est à M. Nayrou, pour le soutenir.

M. Henri Nayrou. Cet amendement est en parfaite cohérence avec l'amendement n° 25, qui a donné le départ du marathon des amendements de manière tonitruante.

Cet amendement a vocation à introduire un article déclaratif. Autrement dit, cela va sans dire mais cela va mieux en le disant. On s'attendait d'ailleurs à ce que de telles positions de principe se retrouvent dans un projet de loi digne des constats unanimes qui ont été entendus dans cet hémicycle, digne des attentes des ruraux, des enjeux des territoires, digne également d'être mis en œuvre, en un mot digne d'une grande loi pour le monde rural.

Ces principes spécifiques des territoires, qui ont été oubliés ou sous-estimés dans votre projet de loi, monsieur le ministre, figurent en revanche dans la proposition de loi de modernisation de la politique de la montagne, élaborée par l'association nationale des élus de la montagne.

Cet amendement, si vous l'acceptiez, introduirait dans votre texte un contenu qui viendrait conforter l'amendement n° 25. Vous ne sauriez être contre le renforcement des dispositifs d'intervention dans les zones concernées, l'accès aux nouvelles technologies et aux grands réseaux de transport, contre l'accroissement de l'offre de logements, l'accès à la culture, contre enfin l'achèvement de l'intercommunalité.

On aurait pu également, dans le cadre de cet amendement, décliner les trois types de ruralité - rural accessible, rurbain et rural profond - qui exigent des solutions différenciées.

Dans le droit fil de l'amendement n° 25, que vous avez accepté, monsieur le ministre, nous comprendrions mal pour quelle raison vous refuseriez cet amendement.

M. François Brottes. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Coussain, rapporteur. Cet amendement a été rejeté par la commission, qui a accepté après l'article 1er un autre amendement qui rappelle les obligations de l'Etat dans les zones de revitalisation rurale. La commission pense que cet amendement est inutile ; elle a même trouvé son énumération dangereuse, car limitative.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Monsieur le député Nayrou, je reconnais votre habileté, à vouloir mêler l'amendement n° 25 et l'amendement n° 888, mais quelquefois, sous les plus belles intentions, se cachent des choses qui peuvent se retourner contre la cause que vous entendez défendre.

M. Henri Nayrou. Absolument pas !

M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Nous sommes dans une société en pleine évolution, et vous-même dans votre argumentation vous indiquiez qu'il existe des territoires différents, reprenant en cela l'étude de la DATAR. D'ailleurs, vous avez raison de mentionner les trois types de ruralité que sont le rural profond, le rurbain, le rural accessible.

Mais on voit bien le danger d'un tel article, à un moment où le Gouvernement noue des contrats de confiance avec les territoires. Je suis de ceux qui pensent que l'égalité des chances des territoires passe par la différence des traitements et des contrats par rapport à leurs spécificités.

Je crois qu'encadrer des politiques ainsi définies dans une loi ne correspond pas du tout à un texte d'intention, mais à un texte normatif, qui pourrait nous poser problème si demain l'innovation, l'inventivité, de nouvelles donnes économiques survenaient. On dit que plus de 50 % des produits qui apparaîtront dans les années qui viennent ne sont pas encore connus ! De grâce, n'enfermons pas une politique de développement dans un texte normatif qui serait inscrit dans la loi, qui certes répondrait à de bons objectifs, mais en réalité limiterait la capacité d'invention et de créativité des élus locaux.

C'est la raison pour laquelle, si je peux partager votre objectif et l'esprit de votre texte, j'émets un avis défavorable, car paradoxalement les propositions que vous faites iraient à l'encontre de l'objectif que vous poursuivez.

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je trouve pour ma part cet amendement particulièrement pertinent. Au cours de la discussion générale, de nombreux députés, sur tous les bancs, ont dit que ce projet de loi manquait de souffle. Or cette proposition lui apporte un souffle nouveau, qui permet de bien voir où on veut aller, parce qu'il est indispensable en milieu rural de se fixer des objectifs politiques, des objectifs à atteindre, pas seulement pour rêver !

Nous sommes avec cet amendement devant des axes prioritaires. Cela ne veut pas dire, monsieur le ministre, qu'il ne peut y avoir d'autres axes, mais ces axes prioritaires correspondent justement aux attentes du monde rural, pour atteindre un véritable développement.

Ne pas accepter cet amendement serait reconnaître à quel point vous manquez d'ambition pour cette loi, qui - si vous l'acceptiez - pourrait être un peu moins asthmatique.

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Je ne veux pas refaire du « Chassaigne » dans le texte ; il le fait tellement mieux que quiconque ! (Sourires.)

Je signale à M. le rapporteur qu'on ne peut pas dire que notre demande sera reprise dans un amendement après l'article 1er, parce que celui-ci - tant mieux - se limite aux zones de revitalisation rurale. Or nous ne voulons pas limiter ces objectifs aux ZRR, mais les appliquer à l'ensemble du milieu rural.

Quant à M. le ministre, il nous dit : « Attention, vous figez les choses, vous êtes trop normatifs, vous n'êtes pas exhaustifs ». Sur l'exhaustivité, je pense que mon collègue Nayrou sera d'accord avec moi pour, dans le deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement, ajouter le mot « notamment », ce qui donnerait la phrase suivante : « Les axes prioritaires de développement des territoires ruraux sont notamment les suivants ». Cela permettrait d'ouvrir le champ des possibilités, de ne pas les figer et pourrait faire l'objet d'un sous-amendement qui ferait évoluer la position du Gouvernement.

Je voudrais dire à M. le ministre qu'il s'agit d'objectifs et de principes, et non de méthodes. Bien sûr, les méthodes doivent être différenciées en fonction de l'approche qui est la nôtre en matière de développement rural. Bien sûr, les réponses ne doivent pas être les mêmes partout. Mais que tout le monde ait un logement, que tout le monde puisse être transporté, que tout le monde ait accès aux nouvelles technologies, ce sont des principes et des objectifs qui, en tout état de cause, doivent être partagés par les populations de l'ensemble des territoires.

Si vous le permettez, madame la présidente, je proposerai à M. Chassaigne de déposer un sous-amendement. Cela nous permettrait de trouver un accord et de nous rallier à cet objectif puissant, que notre assemblée a voté à l'unanimité, en adoptant l'amendement n° 25.

Mme la présidente. La parole est à M. Henri Nayrou.

M. Henri Nayrou. Monsieur le ministre, à quoi bon fixer des évidences dans le marbre de la loi, si c'est pour passer à côté de l'essentiel du travail législatif ? Suivant une progression en escalier, je commencerai par dire que votre texte manque de souffle et de déclarations de principe, comme l'a dit M. Chassaigne ; je poursuivrai en vous faisant observer que, puisque vous avez accepté l'amendement n° 25, qui parle de « spécificité », il était parfaitement normal qu'on décline ensuite les spécificités dont le principe vient d'être approuvé de manière unanime dans cet hémicycle.

Pour reprendre la formule de notre collègue Chassaigne, je souhaite que souffle désormais sur notre débat le vent de la cohérence et de la raison.

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je voudrais, afin de répondre à l'attente, légitime, de M. Delevoye, tout simplement modifier l'amendement, en précisant que les axes prioritaires de développement des territoires ruraux sont « notamment les suivants ». Ainsi on échappe au caractère limitatif de la définition, que déplorait M. Delevoye. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Yves Censi. Ça ne veut rien dire !

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur la modification qui vient d'être proposée ?

M. Patrick Ollier, président de la commission. Je m'interroge, madame la présidente, sur la rédaction de cet amendement. Il faut, si on veut faire un travail législatif sérieux, éviter de se laisser entraîner par des déclarations de principe trop généreuses.

Certes nous souscrivons aux principes qui ont été exposés.

M. François Brottes. Ce sont ceux qui sont exposés par la loi Pasqua !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Je vous conseillerais, monsieur Brottes, de lire cette loi au plus tôt, pour savoir ce qui y est effectivement écrit. Vous auriez même peut-être dû la lire avant de rédiger votre amendement.

J'aimerais que vous répondiez en effet aux deux questions suivantes : que signifie la phrase « l'espace à dominante rurale est constitué de territoires structurés autour des campagnes » ?

M. Yves Censi. Rien !

M. Patrick Ollier, président de la commission. J'avais cru comprendre que la campagne c'était déjà un peu l'espace rural !

M. François Grosdidier. Qu'est-ce qu'ils connaissent à la campagne !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Expliquez-moi aussi ce qu'est une « dotation suffisante », car nous sommes là pour faire la loi.

Il ne s'agit pas de donner des leçons de sémantique, de grammaire ou de rédaction, mais reconnaissez, monsieur Brottes, que la définition que vous proposez des territoires ruraux semblent avoir été rédigée par des gens qui connaissent mieux la ville que la campagne. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je crois très sincèrement que nous commettrions une action fort dommageable aux territoires ruraux en retenant une telle définition. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 888 tel qu'il vient d'être corrigé ?

M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Il est défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes pour une dernière intervention, avant de passer au vote.

M. François Brottes. Madame la présidente, je veux juste indiquer nos sources à M. le président de la commission. Il s'agit d'expressions utilisées dans des textes de la délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale...

M. François Grosdidier. Les textes de la DATAR n'ont pas force de loi !

M. François Brottes....chère à M. le ministre. Nous nous sommes contentés de reprendre des expressions courantes dans ce contexte.

Mme la présidente. Je veux bien passer la parole à M. Nayrou, mais ensuite on passe au vote !

M. Henri Nayrou. Je voudrais, sans m'étendre sur le mode de fonctionnement de cette assemblée, faire remarquer rapidement à M. le président de la commission, que ce genre de travail devrait normalement être fait en commission.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 888, tel qu'il vient d'être corrigé.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 834 corrigé n'est pas défendu.

Je suis saisi d'un amendement n° 1233.

La parole est à M. Jean Lassalle, pour le soutenir.

M. Jean Lassalle. Je voudrais tout d'abord rendre hommage à Pierre Morel-A-L'huissier, qui, avec un certain nombre de nos collègues, a pris l'initiative de lancer cette réflexion.

Il s'agit de mettre en place un observatoire du monde rural, chargé du suivi le plus précis possible de toutes ses activités. Il permettrait de coordonner l'action de la multitude d'organismes qui s'occupent aujourd'hui de nos campagnes. Cet organisme, en fournissant un bilan annuel des travaux engagés, démontrerait à nos populations que nous prenons « le taureau par les cornes ».

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Coussain, rapporteur. Comme vous le savez, cher collègue, la commission a examiné l'article 75 avant l'article 1er pour les raisons que vous connaissez , et elle a adopté un amendement portant article additionnel après l'article 75, qui va dans le même sens que le vôtre. Celui-ci est donc satisfait.

Je vous signale en outre que le CIADT a prévu l'existence d'un tel observatoire.

Mme la présidente. Vous retirez votre amendement, monsieur Lassalle ?

M. Patrick Ollier, président de la commission. le débat est reporté après l'article 75.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Je veux simplement dire à M. Lassalle que sa demande est en réalité satisfaite. En effet le CIADT, qui s'est tenu le 13 décembre, a décidé la création d'un observatoire des territoires, dont l'animation a été confiée à la DATAR, dans une perspective interministérielle.

Un programme spécifique de suivi des territoires ruraux sera bien évidemment organisé au sein de cet observatoire, en vue d'établir et d'animer un système statistique homogène sur l'ensemble du territoire national. Nous avions tous conscience en effet - et je veux remercier à cette occasion M. le président de la commission, ainsi que la DATAR, de nous avoir fait part de leurs observations à cet égard - que les statistiques dont nous disposions ne reflétaient pas réellement les possibilités de développement, ou de déclin, des territoires ruraux.

Je veux ajouter - et M. le délégué de la DATAR est ici présent - que nous serons très attentifs à associer le Parlement aux travaux de cet observatoire, de façon à ce que sa participation ne se limite pas à la lecture des résultats, mais qu'au contraire il concoure activement à l'animation de cet observatoire, dans l'esprit que vous indiquiez.

Nous aurons, avec le président Ollier, l'occasion de mieux définir les modalités de cette participation.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Lassalle.

M. Jean Lassalle. Je pense désormais que mon souhait est effectivement satisfait, bien que cela ait mal commencé ! J'étais mené trois à zéro, mais mon score s'améliore quelque peu !

Mais je propose à la suite un autre amendement, qui va peut-être être discuté dans les mêmes conditions ?

Mme la présidente. Non. Le suivant n'aura plus d'objet dès lors que celui-ci aura été retiré.

M. Jean Lassalle. C'est ce que je voulais dire. J'imagine en effet que si on crée cet observatoire, c'est pour le faire travailler, comme le disait à l'instant M. le ministre. J'exposerai donc mes arguments plus tard dans le débat ?

Mme la présidente. Voilà, après la discussion de l'article 75.

M. Jean Lassalle. Je me bornerai donc à dire que je suis très satisfait, et que je vais dîner de bon cœur. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Je souhaite, au nom de la commission, remercier M. le ministre de l'avancée importante permise par le CIADT. Puisqu'il s'agit maintenant de transcrire cette mesure essentielle dans la loi, je proposerai à la commission que nous acceptions la proposition du ministre, et que nous débattions de la manière dont le Parlement pourra être représenté au sein de cet observatoire tel qu'il nous est proposé.

Je pense que dans ces conditions l'amendement de M. Lassalle est satisfait.

Mme la présidente. Vous retirez bien votre amendement, monsieur Lassalle ?

M. Jean Lassalle. Oui, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 1233 est retiré.

En conséquence, l'amendement n° 1232 est sans objet.

La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Je veux simplement, madame la présidente, que M. le ministre et M. le président de la commission nous précisent que la mise en place de cet observatoire ne fera pas disparaître la délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire de notre assemblée, créée par la loi Voynet, qui permet un suivi extrêmement pointu de l'ensemble des dispositions, présentes et à venir, prises dans le domaine de l'aménagement du territoire.

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je demanderai moi aussi une précision du même ordre.

Il existe en effet, dans le cadre du commissariat général au plan, un conseil national de l'évaluation des politiques de développement rural, qui diffuse régulièrement des informations sur l'évolution de ces politiques, et qui effectue aussi un travail prospectif, conformément à la nouvelle orientation donnée par le commissariat général du plan. Nous ne sommes pas par principe opposés à la création de ce type d'observatoire ; nous nous demandons simplement s'il est nécessaire de charger un observatoire supplémentaire de fonctions qui sont déjà assumées par le commissariat général au plan, comme le montre l'ouvrage Les Politiques de développement rural, que j'ai ici, qui résulte de ce travail d'évaluation et de prospective.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Je me permets de parler avant M. le ministre, afin qu'il puisse dans sa réponse tenir compte de ce que je vais dire.

Notre assemblée est très soucieuse d'organiser ses travaux comme elle l'entend, d'une manière totalement indépendante. Ce n'est quand même pas à vous, mes chers collègues, que je vais apprendre que le Gouvernement n'a pas à nous demander de supprimer une instance que nous avons créée, en usant souverainement des prérogatives qui sont les nôtres. C'est au Parlement de décider de la manière dont il s'organise, et non au Gouvernement, excusez-moi de vous le rappeler.

Mme la présidente. Je donne cependant la parole à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire !

M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Je veux juste donner un avis !

Je vous remercie, monsieur Brottes, de l'humilité, voire de la soumission, dont vous venez de faire preuve publiquement à l'endroit du Gouvernement. Nous refusons cependant votre proposition. Nous sommes trop respectueux, en effet, de votre indépendance d'esprit et de vos prérogatives pour, comme le disait le président Ollier, ne pas vous laisser totalement libres de vous organiser. À moins, monsieur Brottes, que vous demandiez qu'on révise complètement les dispositions qui régissent les relations entre le Parlement et le Gouvernement ! Mais je ne crois pas que c'était l'esprit de votre question.

Monsieur Chassaigne, si j'ai bien compris vos propos, vous demandez à M. Lassalle de retirer son amendement parce que vous estimez qu'il existe déjà un organisme similaire dans le cadre du commissariat général au plan. Mais ce qui est prévu n'est pas du tout de même nature.

C'est précisément au vu des travaux de la délégation à l'aménagement du territoire de l'Assemblée nationale, que nous avions constaté la nécessité de créer un organisme chargé d'évaluer très concrètement l'efficacité des politiques de développement, selon des indicateurs qu'il conviendra de mettre en place, comme le proposait l'amendement n° 1232 de M. Lassalle.

La DATAR assurera la mission essentielle de dégager les lignes de force des dynamiques de développement ou de déclin des territoires, de façon à mieux ajuster les politiques publiques pour enrayer le déclin ou conforter le développement.

Bien évidemment, comme le président Ollier l'a souligné, nous partageons la volonté qui est la vôtre, et dont je vous remercie, que les parlementaires soient totalement associés à ce travail important d'évaluation et de suivi, qui nous permettra de savoir comment nos territoires évoluent aujourd'hui.

Mme la présidente.Nous ne discuterons pas plus avant à propos d'un amendement qui a été retiré.

Article 1er

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Lemoine, premier orateur inscrit sur l'article 1er.

M. Jean-Claude Lemoine. Pardonnez-moi, messieurs les ministres, de revenir sur la question des zones de revitalisation rurale, dont vous avez déjà parlé longuement, mais l'article 1er y est consacré.

Si je veux y revenir, ce n'est pas pour demander que soit étendu le périmètre des territoires susceptibles de bénéficier d'un certain nombre d'avantages, encore moins pour remettre en cause les ZRR. Je crois simplement que les conditions requises pour qu'un territoire soit classé en ZRR mériteraient d'être revues : il serait justifié d'accorder une place beaucoup plus importante aux critères d'ordre économique.

À mes yeux, en effet, la démographie d'un territoire ne reflète pas à elle seule son « état de santé ». Nous connaissons tous - et vous tout particulièrement, monsieur le ministre de l'agriculture - un grand nombre de communes rurales qui vivaient de l'économie agricole, secteur d'activité qui compte désormais de moins en moins d'actifs, et qui souffrent de ce fait de la disparition progressive des commerces, des artisans et des professions libérales. Elles connaissent maintenant des difficultés financières importantes, ce qui les empêche d'assumer la charge d'investissements pourtant absolument nécessaires à leur survie.

Je crois donc qu'il serait bon que la définition des territoires en déclin prenne en compte certains critères de richesse, tel le potentiel fiscal par habitant. En effet, certaines communes - il est inutile d'en citer une en particulier, car nous en connaissons tous - satisfont aux critères actuels de classement en ZRR, alors que leurs ressources sont fort importantes, et qu'elles bénéficient de beaucoup d'atouts, ce qui leur permet de supporter les investissements nécessaires à leur développement. Tant mieux pour elles ; mais il s'agit maintenant de penser à celles qui, bien que plus démunies, ne bénéficient pas de certaines réductions d'impôts, telles celles proposées par ce texte.

Je veux revenir aussi, très rapidement, sur le critère démographique. La population totale d'un territoire doit en effet, pour que celui-ci soit classé en ZRR, être en déclin. Or beaucoup de communes rurales, qui connaissent une stagnation, voire une augmentation de leur population, sont pourtant en grande difficulté. Je ne citerai que l'exemple des communes périurbaines dites « communes dortoirs ». La plupart de ceux qui résident dans ces communes font vivre surtout les villes dans lesquelles ils travaillent, leurs commerces, leurs artisans, plus que les villes qu'ils habitent ; or celles-ci doivent faire face à de lourds investissements du fait du nombre de leurs habitants, ne serait-ce que pour assurer l'assainissement, les lotissements, la voirie, et autres charges.

Je voudrais aussi vous interroger sur le critère du nombre d'emplois. Il est vrai que le déclin de l'emploi est un critère significatif. Mais je voudrais savoir dans le cas présent s'il s'agit uniquement d'emplois à temps plein, assurés par des personnes qui résident sur le territoire des ZRR, ou bien si on prend en compte des emplois de type saisonnier, par exemple, même si ceux qui les exercent résident dans d'autres communes. Il faut bien reconnaître que certaines communes, classées pourtant en ZRR, bénéficient des retombées d'une économie saisonnière qui leur apporte des richesses non négligeables. Tant mieux pour elles, encore une fois, mais pensons à celles qui ont des difficultés au moins aussi importantes, sans bénéficier des mêmes avantages.

Enfin, vous avez pris en compte les EPCI dans la définition du zonage, en précisant que, lorsqu'au moins 50 % de la population des établissements était incluse dans la zone de revitalisation rurale en application de certains critères, l'ensemble de l'EPCI pouvait bénéficier de ces avantages. Monsieur le ministre, vous savez bien que, les EPCI étant souvent cantonaux ou regroupés autour d'une commune centre, la limite de 50 % de la population ne permettra que rarement aux territoires de bénéficier de cette mesure et d'entrer dans cette catégorie. J'avais proposé que le seuil soit abaissé à 20 %, mais mon amendement a été refusé, au titre de l'article 40.

Le Gouvernement pourrait-il nous informer de sa position sur ce sujet ? Nous pourrions ainsi présenter de nouveaux amendements en seconde lecture, ou en confier la défense à nos amis sénateurs.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, j'ai constaté dans mon département, le Loir-et-Cher, que, depuis plusieurs années, les ZRR avaient été mises au placard, bien que cet outil puisse se révéler fort utile pour les zones les plus fragiles. Aussi, je suis heureux de constater que, dans ce texte, le Gouvernement nous propose d'actualiser le zonage, qui a été défini il y a une dizaine d'années et qui était fondé sur des critères liés aux classifications européennes. Jean-Claude Lemoine l'a souligné, nous devons nous efforcer de mieux tenir compte de la réalité économique, et pas seulement de la réalité démographique.

Au-delà de cette actualisation du zonage, les dispositifs fiscaux proposés représentent d'excellentes formules, que ce soit la prorogation et l'extension aux travaux de rénovation de l'amortissement exceptionnel pour les immeubles implantés en ZRR, l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties des logements situés en ZRR acquis au moyen d'une aide financière de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, ou la prolongation de l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties, de taxe professionnelle ou des taxes consulaires dont peuvent bénéficier les entreprises nouvelles dans les zones d'aménagement du territoire. Tous ces outils sont très prometteurs.

Je voudrais cependant insister sur deux points.

D'une part, il faudra assurer la promotion du dispositif et développer une véritable ingénierie des projets locaux, afin qu'ils puissent réellement bénéficier des mesures qui leur sont offertes : cela n'a pas été le cas dans la période précédente.

Il conviendra, d'autre part, de mettre le dispositif en œuvre avec souplesse. Je pourrais citer le cas d'entreprises du bâtiment de ma circonscription qui, ayant eu le malheur d'aller chercher des chantiers à l'extérieur de la zone de revitalisation rurale où elles étaient établies - puisqu'il faut bien que l'offre aille vers la demande -, se sont vu refuser le bénéfice de l'exonération, ont été durement pénalisées et se sont trouvées dans l'obligation de rembourser. À l'occasion du débat sur la loi de finances pour 2004, Michel Bouvard et moi-même avons pu faire adopter un amendement assouplissant ces conditions. Pour les zones de revitalisation rurale aussi, la souplesse est un facteur de réussite.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Morel-A-L'Huissier.

M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'article 1er du projet de loi s'inscrit dans le droit fil des conclusions du rapport de la DATAR et a pour objectif de redéfinir les périmètres de ZRR en actualisant le zonage et en prenant en compte le développement des établissements publics à fiscalité propre. C'est une bonne chose.

Mais un autre point me préoccupe : je souhaite un renforcement des aides allouées aux ZRR. Les remèdes aux maux de la ruralité existent : encore faut-il les administrer par le biais de mesures concrètes, pragmatiques, pratiques, à introduire dans notre arsenal législatif et réglementaire. Dans ces territoires, le soutien à l'activité prend la forme d'exonérations fiscales et sociales, et d'aides financières. J'avais préconisé de telles mesures lorsque j'ai proposé la création de zones franches rurales.

Monsieur le ministre, appuyons-nous sur les conclusions du rapport d'évaluation sur les ZRR, qui considère que le dispositif est « complexe et peu visible ». « Les mesures d'incitations fiscales et sociales en faveur des TRDP et des ZRR se sont complexifiées et alourdies au fil des textes juridiques. Le dispositif se compose de seize mesures fiscales et de trois mesures sociales, ce qui rend ses objectifs peu lisibles et son application sur le terrain peu visible. Les règles européennes d'attribution des aides ne contribuent pas à simplifier cet enchevêtrement de mesures. »

Le dispositif, dit encore le rapport, est « mal connu, peu évalué », mais les partenaires y sont « attachés ». « Ce dispositif ne fait pas l'objet d'un pilotage précis, ni de suivi, encore moins d'évaluation. »

« Pour autant, les partenaires rencontrés apprécient de pouvoir disposer d'une politique spécifique en faveur des territoires ruraux fragiles et y voient un véritable signe de reconnaissance des handicaps et des difficultés de ces territoires. »

« Ils regrettent la complexité et la difficulté d'application des mesures et proposent des améliorations et des mesures nouvelles, souvent orientées vers la consolidation du tissu de PME-PMI. »

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire si vous entendez consentir un effort particulier pour les dispositifs nouveaux des ZRR renforcées ?

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, au risque de décevoir M. Chassaigne, je ne donne jamais mon approbation sans le savoir.

Le premier article que nous examinons me semble tout aussi emblématique de la loi qui nous est soumise que révélateur d'une pratique politique. Il est emblématique, certes, puisqu'il nous invite d'emblée à considérer les inégalités territoriales - 8000 de nos communes sont en déclin démographique -, en mettant l'accent sur les zones menacées de déshérence, qui ont précisément besoin d'être reconnues et soutenues par des mesures de revitalisation rurale. Comment ne pas voir, dans l'actualisation des critères de zonage et dans la prise en compte nouvelle de l'intercommunalité, dans le rappel de la loi de 1995 et des dernières conclusions du CIADT, la volonté de rétablir des solidarités concrètes dans et entre nos territoires ? Concrètes, elles le sont parce que la politique du fil de l'eau fait place à la discrimination positive, dans la meilleure et peut-être la seule acception qui vaille, celle qui concerne les territoires, mais aussi parce que la diversité des réponses tente ici d'épouser celle des situations et des problèmes.

Telle est en effet la pratique politique que traduisent plusieurs mesures sélectives propres à corriger les difficultés et à encourager les initiatives du terrain. Avec l'amortissement accéléré des installations de haut débit, la prolongation de l'exonération de la taxe parafiscale pour les professions de santé, les aides prioritaires à l'habitat, la création de sociétés d'investissement pour le développement rural, vous avez, avec raison, voulu entendre, comme vous le dites, monsieur le ministre, « la voix trop souvent méconnue du réel ».

Ce discours de la méthode - car c'en est une - ne pouvait cependant que vous rappeler - et nous rappeler - les contraintes et limites d'un tel exercice commencé, ici et maintenant, dans un contexte économique encore difficile. Si la loi projetée n'est pas, selon votre expression, « une loi de société », elle présuppose cependant de vrais enjeux de société dans l'approche institutionnelle - avec la décentralisation -, économique et financière - avec les infrastructures, les nouvelles initiatives économiques, la réforme de la DGF -, environnementale - avec la loi sur l'eau -, culturelle et sociale, et requiert des réponses qui ne pouvaient trouver place dans ce texte.

Voilà aussi pourquoi, à l'heure où la tutelle explicite de l'Etat est relayée par celle, implicite, des financeurs, les moyens de cette loi appelleront d'autres moyens pour d'autres lois. Aussi bien, en vous relisant, monsieur le ministre, et stimulé par votre citation de René Girard, je me suis dit que, si le concret n'épuise pas le réel - et c'est heureux pour l'art -, il sert d'abord les territoires les plus fragiles - et c'est heureux pour la politique.

Mme la présidente. La parole est à Mme Henriette Martinez.

Mme Henriette Martinez. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, je me réjouis que l'article 1er reconnaisse l'EPCI, plutôt que le canton, comme zone de revitalisation rurale. Mais je suis tout de même inquiète en voyant les critères qui ont été retenus. Si la nouvelle définition du territoire me paraît pertinente, le maintien des anciens critères l'est moins. Ainsi, j'aurais souhaité que soit retenu l'amendement que j'avais proposé dans le cadre du groupe « montagne » et qui fixait le seuil d'éligibilité à 80 % des communes adhérentes classées en ZRR, plutôt qu'à 50 % de la population.

En effet, dans mon département, une petite communauté de communes de 5500 habitants, comportant un bourg centre de 3000 habitants et sept communes adhérentes en tout, se trouve exclue des ZRR, pour la seule raison que le bourg centre représente un peu plus de la moitié de sa population. Pourtant, cette communauté de communes n'est pas plus riche - et l'est même beaucoup moins - que d'autres qui seront classées en ZRR, et, si elle avait simplement deux ou trois petites communes adhérentes de plus, si elle était donc un peu plus riche du point de vue fiscal, elle aurait le droit d'être en ZRR. Cette situation me paraît d'autant plus injuste que, le 1er janvier, la petite communauté en question est passée à la taxe professionnelle unique : ainsi, au moment où elle jouait le jeu de la solidarité fiscale, elle se voyait coupée de la solidarité avec les petites communes, pour la seule raison que son bourg centre est un peu trop important. Cette disparité est d'autant plus criante que les avantages accordés aux ZRR seront désormais plus importants.

Dans mon département des Hautes-Alpes, sur vingt-deux cantons ruraux, seuls quatre ne sont pas classés en ZRR. Les communautés de communes étant aujourd'hui à l'échelle des cantons, quatre cantons sont exclus du dispositif ZRR sous prétexte que leurs bourgs centres sont un peu trop importants ou leurs petites communes pas assez peuplées. Je regrette le caractère particulièrement injuste de ce critère : dès lors qu'on formulait une nouvelle définition des territoires, ne pouvait-on aussi prévoir une définition de critères mieux adaptés ?

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bobe.

M. Jacques Bobe. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'actualisation du périmètre des zones de revitalisation rurale était une nécessité, car le zonage actuel, fondé sur des données déjà anciennes, ne correspond plus ni aux conditions démographiques réelles, ni au développement économique des territoires concernés, ni au développement des établissements publics de coopération intercommunale constaté ces dernières années.

Avec ses critères ciblés et précis, cette actualisation s'inscrit dans le cadre des communautés de communes : même si elles ne couvrent pas encore la totalité du territoire national, elles ont prouvé, là où elles existent, qu'elles sont indispensables à l'exécution efficace et généralement rationnelle des missions intercommunales.

Non seulement les précisions qu'apportent les amendements adoptés en commission me semblent correspondre à la nécessaire réactualisation, mais elles permettront aussi de rendre les EPCI à fiscalité propre plus efficaces. À cet égard, il est essentiel de mettre en place un dispositif à long terme, qui évite la délocalisation au détriment des villes moyennes, en considérant l'ensemble du périmètre des EPCI dont plus de la moitié de la population est en zone de revitalisation rurale. Toutefois, comme M. Lemoine, je considère que ce seuil de 50 % est un peu trop élevé, puisqu'il élimine de très nombreux territoires ruraux en difficulté - et je pourrais, à mon tour, citer quelques exemples.

Peut-être serait-il souhaitable, messieurs les ministres, d'abaisser ce pourcentage à 30 %.

M. Patrice Martin-Lalande. Très bien !

M. Jacques Bobe. En tout cas, cela me semblerait raisonnable.

Sous cette réserve, l'article 1er permettra des avancées significatives en matière d'aménagement et de développement des territoires ruraux en difficulté, ce dont il faut se féliciter.

Mme la présidente. La parole est à M. François Guillaume.

M. François Guillaume. Messieurs les ministres, je relève, dans l'article 1er du projet de loi, deux problèmes délicats.

Le premier porte sur les nouveaux critères de classement en ZRR, qui seront fixés par décret en Conseil d'Etat. Nous l'avons vu, chacun de nos collègues a son idée de ce que devraient être ces critères et une idée d'autant plus précise qu'elle permettrait d'englober dans ces ZRR certains territoires qui leur sont proches !

Bref, ces critères vont entraîner beaucoup de contestations. Aussi puis-je vous demander si vous avez déjà votre idée des nouveaux critères qui seront retenus ?

Le second problème a trait à la nouvelle définition du périmètre des ZRR.

Le projet de loi précise que les EPCI à fiscalité propre dont au moins 50 % de la population se trouverait déjà en zone de revitalisation rurale, sont inclus dans ces zones pour l'ensemble de leur périmètre. Comme plusieurs de mes collègues, je trouve que ce pourcentage est trop élevé. En effet, si l'on sait parfaitement ce que représente le périmètre d'un canton ou d'un arrondissement, il n'en va pas de même de celui d'une structure intercommunale.

Des communes qui bénéficiaient jusque-là des avantages d'une ZRR, ne risquent-elles pas de perdre leur éligibilité du seul fait qu'elles auront adhéré à une telle structure intercommunale ?

Pour celles qui étaient incluses dans une ZRR mais qui, pour rester autonomes, n'ont adhéré à aucun EPCI à fiscalité propre, il est proposé qu'elles restent éligibles jusqu'en 2006. Mais qu'en sera-t-il ensuite ?

Alors que nous disposions déjà de structures claires et nettes à partir des cantons et des arrondissements, la création d'intercommunalités avec des périmètres fixes pose donc des problèmes auxquels il était parfaitement répondu notamment avec les syndicats intercommunaux à vocation multiple.

Mme la présidente. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. A lire le projet de loi et à vous écouter, monsieur le ministre de l'agriculture, on se demande si vous connaissez réellement la situation dramatique des territoires ruraux. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Que constate-t-on en effet depuis un an et demi, et surtout depuis le début de cette année, sinon la disparition des services publics ? Dans la plupart des départements de montagne, soit ces services publics ferment, qu'il s'agisse de la Banque de France - ce qui n'est pas rien ! -, des trésoreries, des gendarmeries,...,

M. Gabriel Biancheri. Non ! Pas les gendarmeries !

M. Augustin Bonrepaux. ...ou encore des bureaux de poste, soit ils se regroupent dans les zones les plus peuplées, comme les services d'EDF et de GDF ou de France-Télécom.

Et ne savez-vous donc pas que ces territoires vivent de véritables catastrophes économiques ? Car l'Ariège n'est pas la seule à en connaître, même si elle a été particulièrement éprouvée par la fermeture de Pechiney, laquelle a entraîné la disparition de 500 emplois, et d'autres entreprises dans les secteurs du textile, où 160 emplois ont été perdus, de la métallurgie, où FORTECH a débauché 150 personnes, ou encore de la papeterie, où l'on déplore la perte de 15 emplois, soit au total la disparition de plus de 800 emplois en un an.

Face à cela, quelles mesures de discrimination positive, puisque le mot semble plaire à certains, ou de solidarité nationale proposez-vous ? Certes, un amendement vient d'être voté à cet égard. Mais il ne faudrait pas qu'il se réduise à une déclaration d'intention.

Des moyens existent pour les villes en difficulté, qu'il s'agisse des contrats de site ou des zones franches urbaines. Et il est vrai que lorsque survient vraiment une catastrophe en zone rurale, un dispositif de revitalisation rurale peut être adopté comme ce fut fait lors du dernier CIADT pour le pays de Tarascon-Vicdessos où l'entreprise Pechiney ferme ses portes.

Mais faut-il attendre une telle catastrophe pour que l'Etat intervienne ? Et les crédits qu'il dégage dans ce cas ne sont-ils pas relativement limités ? Ne pourrait-on pas envisager que les zones rurales en difficulté bénéficient des mêmes moyens que les zones urbaines dans la même situation ?

Je prends à nouveau l'exemple de l'Ariège qui est sinistrée : dans le même temps, l'agglomération toulousaine bénéficie d'une zone franche et d'un contrat de site, absorbant ainsi les crédits européens disponibles.

Si déjà nous arrivons à survivre, ce sera donc beaucoup. Mais pouvons-nous espérer tout de même inverser la tendance ? Ce ne sera en tout cas pas possible avec les moyens que vous nous attribuez.

Lorsque pour financer des contrats de pays par exemple, nous nous tournons vers l'Etat et même vers l'Europe, on nous répond toujours qu'il n'y a plus d'argent, tous les crédits ayant été consommés. N'est-ce pas d'ailleurs ce qui va se passer lorsque les projets de l'agglomération toulousaine seront examinés par la région Midi-Pyrénées ?

Il ne s'agit plus, dans ces conditions, de développement mais de désertification accélérée !

Monsieur le ministre, je vous ai entendu en commission des finances expliquer à mes collègues de la majorité, qui, bien sûr, ne pouvaient qu'en être satisfaits, que ce projet de loi ne coûterait rien. Et il est vrai que lorsque l'on examine ce dernier, on ne voit pas très bien quels moyens l'Etat va attribuer.

Il serait pourtant intéressant, au moment où commence notre débat, que vous nous précisiez exactement, comme cela se fait pour la plupart des projets de loi, ce que l'Etat compte apporter en termes de crédits de développement, de défiscalisation, par exemple. Nous pourrions alors en discuter. Mais pour l'instant nous ne voyons à la lecture du projet de loi et de vos amendements qu'un catalogue de bonnes intentions.

En fait, c'est aux collectivités locales qu'il revient selon vous de régler le problème. Quelle étrange conception de l'aménagement du territoire que de considérer que le développement des territoires ruraux est d'abord l'affaire des collectivités ! Vous les invitez à voter des allégements ou des exonérations de la taxe professionnelle pendant trois ou quatre ans pour une entreprise, pour des vétérinaires ou pour des médecins qui veulent s'installer. Mais avec quels moyens, alors, pourront-elles assumer d'autres besoins si elles sont obligées à procéder à des baisses de taxe professionnelle - dont souvent certaines ne bénéficient même pas ?

Comment concevez-vous exactement l'aménagement du territoire ? Quelle est la solidarité qui est inscrite dans ce texte quand vous en laissez la plus grande charge aux collectivités locales ? Je crains bien, en fait, que la seule solidarité que vous préconisiez ne soit la solidarité entre pauvres. Ce n'est tout de même pas la meilleure façon de concevoir la solidarité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je voudrais d'abord souligner le caractère positif de cet article dans la mesure où il tend à encourager le développement économique des territoires ruraux en s'appuyant sur les dynamiques locales, comme c'est le cas avec le critère d'appartenance à une communauté de communes, et notamment à un établissement public de coopération communale à fiscalité propre.

Un autre point positif est que les critères de classement en ZRR seront, semble-t-il, à peu près objectifs, conformément d'ailleurs aux recommandations du rapport de l'instance d'évaluation des politiques de développement rural auquel je faisais allusion dans mon intervention précédente. Celui-ci soulignait en effet la nécessité, pour toute politique de zonage, de fixer des critères objectifs, ce qui éviterait les pressions diverses, et actualisés, ce qui permettrait de tenir compte des changements de situation. Ces zones ne doivent pas, en effet, entraîner des effets d'aubaine, ce qui ne pourrait que créer un sentiment d'injustice, comme cela a déjà été relevé par certains de nos collègues, dans les zones qui seraient exclues.

Rejoignant cependant sur ce point l'intervention d'Augustin Bonrepaux, il ne faudrait pas que l'Etat puisse en quelque sorte se dédouaner sur les collectivités et abandonner toute politique de soutien économique en faveur des territoires ruraux. En effet, si la politique de zonage présente un intérêt pour les zones les plus en difficulté, elle n'est pas forcément la mieux adaptée pour accompagner les actions de développement local. De telles actions, y compris en dehors des zones retenues dans le cadre des ZRR, peuvent être encouragées par l'Etat. Celui-ci doit prendre ses responsabilités et ne pas se limiter à proposer des remèdes aux collectivités qu'il leur reviendrait de financer seules.

L'Etat doit continuer d'intervenir, notamment au moyen des contrats de site ou de territoire, et il aurait été d'ailleurs préférable de graver dans le marbre de la loi le principe de cette intervention dans les zones en difficulté.

Cela aurait permis d'affirmer très fortement la volonté politique de ne pas laisser les seules collectivités locales payer, en soulignant que l'Etat est prêt à assumer toutes ses responsabilités pour aider les territoires à résoudre leurs difficultés.

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

Mme la présidente. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de la discussion du projet de loi, n° 1058, relatif au développement des territoires ruraux.

MM. Yves Coussain, Francis Saint-Léger et Jean-Claude Lemoine, rapporteurs au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire (rapport n° 1333).

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)

      Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

      jean pinchot