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-Deuxième séance du jeudi 29 janvier 2004

143e séance de la session ordinaire 2003-2004



PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

DÉVELOPPEMENT DES TERRITOIRES RURAUX

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux (n°s 1058, 1333).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Conformément à ce qui a été précédemment indiqué, nous en venons maintenant aux articles 48 à 61, ainsi qu'aux articles additionnels qui leur sont rattachés.

Avant l'article 48

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, n°s 494 et 873, portant article additionnel avant l'article 48, qui peuvent être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Jean-Louis Léonard, pour soutenir l'amendement n° 494.

M. Jean-Louis Léonard. Monsieur le président, madame la ministre de l'écologie et du développement durable, cet amendement vise à modifier l'intitulé du chapitre III. Le titre qui nous est proposé ne mentionne pas les mots : « la préservation, la restauration et la valorisation » des zones humides.

Le but de ce texte, madame la ministre, et nous vous en remercions, a été la préservation, la restauration, la protection, mais aussi la valorisation des zones humides. Ne pas inscrire la notion de valorisation dans le titre serait un message fortement négatif adressé à tous ceux qui vivent dans le marais et surtout qui le font vivre. Je pense aux éleveurs, aux chasseurs, aux pêcheurs, à tous ceux qui valorisent les marais.

Notre amendement vise donc à rédiger ainsi le titre du chapitre III : « Dispositions relatives à la préservation, à la restauration et à la valorisation des zones humides ».

M. le président. L'amendement n° 873 n'est pas défendu.

La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 494.

M. Yves Coussain, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. La commission y est favorable, car cet amendement permet de compléter utilement l'intitulé du chapitre III.

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 494.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. Avis favorable.

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Cet amendement a toute sa place dans ce projet de loi.

Comme l'a dit mon collègue Jean-Louis Léonard, beaucoup d'habitants de ces zones humides ont longtemps souffert d'être dévalorisés. Il est donc nécessaire, indispensable qu'à un moment donné, on puisse montrer qu'aussi bien la représentation nationale que la communauté, dans son ensemble, confèrent à ces zones une valeur patrimoniale importante.

Nous soutenons donc cet amendement.

M. le président. La parole est à M Jean-Louis Léonard.

M. Jean-Louis Léonard. Je voudrais remercier Mme Geneviève Perrin-Gaillard dont je connais l'attachement à nos marais, puisque nous sommes tous les deux élus du Marais poitevin.

Cet amendement permettra de faire apparaître toutes les actions de valorisation menées et notamment les mesures réglementaires prises récemment par le Gouvernement, pour donner à tous les maraichins, qu'ils soient éleveurs ou non, la capacité de rester dans le marais, par le versement d'indemnités de compensation du handicap naturel que constitue ce marais.

Je sais que Mme Perrin-Gaillard et moi-même avons quelques différences d'interprétation. En effet, elle n'aime pas les mots « indemnités » et « handicaps ».

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Certes !

M. Jean-Louis Léonard. Je remercie le Gouvernement pour les mesures réglementaires qui ont été prises récemment.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 494.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1049.

La parole est à M. Charles de Courson, pour le soutenir.

M. Charles de Courson. Cet amendement de notre collègue Philippe Folliot a pour objet de préciser la nature des cours d'eau et leur tracé.

Des contentieux très irritants existent, dus à la méconnaissance de la source et de l'endroit où finissent les cours d'eau.

L'amendement a pour objet d'améliorer la sécurité juridique des divers intervenants, en permettant de déterminer a priori ce qui est cours d'eau et ce qui ne l'est pas, en établissant des cartes, commune par commune, en apportant une définition des cours d'eau, afin que la loi sur l'eau puisse s'appliquer de façon simple et claire.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Coussain, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Je voudrais commencer par une courte explication technique, avant de donner un avis réservé, défavorable, à l'amendement de M. Folliot malgré l'excellente plaidoirie de M. de Courson.

La définition du cours d'eau a été forgée sur la base de la jurisprudence, depuis plusieurs siècles, adaptée à la diversité des situations que l'on peut rencontrer.

Un cours d'eau, régime méditerranéen, à sec l'été, donne naissance à un cours d'eau abondant en hiver, quelle que soit la qualification juridique des cours d'eau.

J'ai donné des instructions fermes à Mmes et MM. les préfets, pour s'en tenir à cette jurisprudence et pour harmoniser la position des différents services de l'Etat et de ses établissements publics.

J'ai engagé également une réflexion, l'année dernière, pour réformer les services chargés de la police de l'eau, afin de regrouper les services actuellement éclatés et d'en assurer la cohérence. Ce travail mené en concertation, aboutira dans quelques semaines.

Cet amendement est donc satisfait par les réformes que j'ai engagées. De plus, même si nous entrions dans une logique de cartes, en tout état de cause l'échelon du bassin versant serait sans doute plus approprié, puisque, souvent, les cours d'eau servent de limites entre les communes.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je suis prêt à retirer l'amendement de M. Folliot, puisque les explications que vous avez fournies, madame la ministre, lui permettent d'obtenir satisfaction.

Cela dit, je n'ai pas très bien compris si vous envisagiez d'envoyer une circulaire à tous les services pour préciser la notion de cours d'eau et rappeler la jurisprudence ou si c'était déjà fait.

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. C'est fait !

M. Charles de Courson. Je vous remercie et je retire l'amendement n° 1049.

M. le président. L'amendement n° 1049 est retiré.

Article 48

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Perrin-Gaillard, inscrite sur l'article 48.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Je ne voudrais pas allonger trop le débat, car nous avons encore beaucoup d'amendements à examiner sur ce projet de loi.

Je voudrais simplement compléter mes propos tenus lors de la discussion générale. Je me réjouis que ce texte de loi puisse être examiné et adopté aujourd'hui. Je fais partie des parlementaires qui ont demandé depuis longtemps à tous les gouvernements une loi concernant des zones humides, à l'instar de ce qui existe pour d'autres territoires de notre pays.

Mais les articles qui nous sont proposés aujourd'hui ne me paraissent pas suffisants, parfois trop « saucissonnés ». C'est pourquoi je défendrai un certain nombre d'amendements à cet article 48.

Je voudrais rappeler amicalement à Mme la ministre que le rapport cité en réponse à mon intervention, que j'avais cosigné avec M. Philippe Duron, s'intitulait : « Du zonage au contrat ». Nous avions formulé une proposition n° 10 : « A l'horizon 2006, remplacer le système de zonage par une contractualisation fondée sur des projets de territoire, liant mesures de développement économique et de protection de l'environnement, dans le cadre des pays, des agglomérations et des parcs naturels régionaux. »

Or nous trouvons dans ce texte un certain nombre de zonages par rapport à l'eau, qui vons à l'inverse des propositions figurant dans ce rapport. Cela me choque. Rajouter des zonages à des zonages ne fait qu'embrouiller les choses.

En revanche, M. Philippe Duron et moi-même avions préconisé, dans ce rapport, l'exonération de la taxe sur le foncier non bâti, et cette mesure est reprise. Je déposerai un amendement sur le sujet car certaines dispositions me paraissent contradictoires et le mécanisme retenu ne me satisfait pas totalement. Je suis cependant ravie car je pense que cette mesure permettra d'alléger les finances des propriétaires, des agriculteurs, des exploitants sans pénaliser les collectivités puisque je l'espère, cette exonération sera compensée.


Il y a donc de bonnes choses sur le fond. Cela dit, d'autres mesures me paraissent contestables. Aussi ne manquerai-je pas de faire des propositions allant dans le sens d'une reconnaissance de la valeur des zones humides, de toutes les zones humides, car je ne défends pas seulement le Marais poitevin. J'espère que tous ensemble, majorité et opposition, nous améliorerons encore ce texte, et je sais pouvoir compter sur M. Léonard qui a beaucoup travaillé le sujet.

M. Jean-Louis Léonard. La perche est habilement tendue. (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande. Nous attendons depuis longtemps, madame la ministre, des mesures en faveur des zones humides. Ce projet de loi s'emploie à apporter un certain nombre de réponses.

Cela dit, je voudrais à nouveau tirer le signal d'alarme au sujet de la prolifération des cormorans. Si on laisse ces oiseaux exercer leurs ravages, on prend le risque de voir, à terme, disparaître l'activité piscicole dans certaines régions, comme la Sologne. Or cette activité est importante dans la gestion des zones humides. Je n'ose imaginer les conséquences de son éradication. Nous avons donc à prendre en compte cette dimension économique.

Par ailleurs, la protection des oiseaux relève de l'Europe. Un certain nombre d'assouplissements ont été apportés concernant l'autorisation de prélèvement des cormorans. Mais il faudrait, au niveau européen, obtenir que les classifications établies pour protéger des espèces à un moment donné, puissent être revues de manière très régulière, afin qu'évolue en conséquence le niveau de protection. Il faudrait pouvoir faire évoluer les critères en fonction des besoins actuels de protection, car s'agissant des cormorans, ceux-ci remontent à vingt-cinq ans.

Nous avons besoin d'une réelle prise de conscience européenne et d'une action efficace, faute de quoi, nous mettrions en péril une partie importante de l'activité économique en zones humides. La pisciculture disparaîtra et nous ne disposerons plus des moyens nécessaires pour faire vivre les zones humides.

Pouvez-vous nous dire, madame la ministre, comment nous allons avancer sur ce sujet, mieux que nous ne l'avons fait jusqu'à présent ? Pour l'instant, tout est resté inefficace à tel point d'ailleurs que les tribunaux, et le Conseil d'Etat assez récemment, ont reconnu que la protection excessive de ces oiseaux entraînait des préjudices pour la pisciculture et que les pouvoirs publics allaient être mis dans l'obligation de les compenser. Je reviendrai sur ces questions avec un amendement que j'ai déposé.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. J'ai, monsieur Martin-Lalande, accru de 20 % cette année la possibilité de destruction des cormorans, qui sont effectivement, après avoir été une espèce protégée, une espèce destructrice de la biodiversité.

Mais certains chasseurs se révèlent donc bien maladroits... (Sourires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Patrice Martin-Lalande. Avez-vous déjà essayé, madame la ministre, de chasser le cormoran ? Je vous souhaite bien du plaisir, car c'est loin d'être évident.

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Chez moi, comme dans toutes les familles de chasseurs, les femmes ne chassaient pas. Cela dit, les femmes seraient peut-être plus habiles à la chasse aux cormorans en surnombre. (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Nous sommes nombreux avec notre collègue Martin-Lalande à avoir appelé l'attention des ministres successifs sur le fait qu'on ne peut à la fois prétendre défendre les zones humides et ne pas régler le problème des cormorans. Celui-ci est complexe.

Certes, vous avez augmenté le quota de chasse, mais insuffisamment. Cependant, vous allez dans la bonne direction. Le problème, comme vous l'avez dit, c'est de le réaliser. Pourquoi est-ce si difficile ? Pour une raison technique, mes chers collègues. Comme vous le savez, les cormorans chassent en bande et certains d'entre eux sont des guetteurs. Sans une carabine 22 long rifle à lunette, vous n'arriverez pas à les tuer. Or cette arme est proscrite et vous serez donc sanctionnés si vous l'utilisez. Pour réaliser les quotas, il faudrait, madame la ministre, que vous autorisiez la possibilité d'utiliser des armes adaptées.

J'ai dans ma circonscription la plus forte concentration française de cormorans. Lors de la vidange décennale du lac du Der, on a dénombré 5 400 cormorans ! On aurait cru voir des pingouins sur la banquise ! Malheureusement, ils ont complètement détruit le cheptel piscicole non seulement celui du lac de Der, mais aussi celui de toute la vallée de la Marne dans un rayon de près de cinquante kilomètres. Ils vont jusqu'à Epernay. En vol direct, si je puis dire, cela représente soixante-cinq kilomètres.

Le problème est réel et, comme le suggérait notre collègue Martin-Lalande, il faudrait agir aussi dans le sens d'un élargissement des zones sur lesquelles on peut les chasser. Aujourd'hui, mes chers collègues, on ne peut chasser le cormoran qu'à proximité des zones piscicoles, et pas ailleurs.

Je sais, madame la ministre, qu'une partie de votre administration vous pousse dans le sens opposé. Ne l'écoutez pas. Privilégiez la protection de la biodiversité. Sinon, on assistera à un véritable effondrement de la pisciculture et de la pêche de loisir.

M. Patrice Martin-Lalande. C'est hélas en cours !

M. le président. M. Priou a souhaité que Jean-Louis Léonard s'exprime à sa place, car il ne peut être présent parmi nous en ce début d'après-midi.

La parole est à M. Jean-Louis Léonard.

M. Jean-Louis Léonard. Je vous remercie de votre compréhension, monsieur le président. Notre collègue Priou vous prie de bien vouloir excuser son absence, car il s'est rendu à la cérémonie en mémoire d'Olivier Guichard et n'a pu revenir à temps.

Il m'a prié de vous faire part, madame la ministre, de sa satisfaction de voir exister, dix-huit mois après son élaboration, un chapitre sur les zones humides.

Enfin, et notre collègue Perrin-Gaillard partage cet avis, nous reconnaissons pour la première fois officiellement ces territoires et, surtout, les activités qui s'y déroulent.

En cinquante ans, 50 % des zones humides françaises ont disparu.

M. Jean-Claude Lemoine. C'est vrai !

M. Jean-Louis Léonard. C'est une véritable catastrophe. Les acteurs de terrain ont déserté ces zones trouvant davantage d'intérêt à les retourner pour y cultiver du maïs ou autres oléagineux, ou carrément à les déserter pour des terres hautes beaucoup plus appropriées pour l'élevage.

Ce projet est donc un grand progrès. Si nous n'y trouvons pas tout, nous y trouvons énormément de choses. L'agriculture de marais et tous les maraîchins vous remercient, madame la ministre, avant même le vote du texte, d'avoir fait preuve de suffisamment de persuasion pour intégrer dans cette grande loi un chapitre sur les zones humides. C'est un début, et nous aurons à y revenir régulièrement, car les zones humides sont des milieux très évolutifs. Des directives européennes nous imposent désormais d'en prendre soin, le Marais poitevin en est un exemple cuisant et extrêmement coûteux.

L'initiative que vous avez prise en liaison avec Hervé Gaymard est excellente. Le débat que nous allons avoir ne pourra que conforter vos idées.

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1159.

La parole est à Mme Geneviève Perrin-Gaillard, pour le soutenir.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Cet amendement vise à supprimer le I de l'article 48.

Il existe une définition des zones humides à l'article L. 211-1 du code de l'environnement, définition qui correspond à celle consacrée par la convention de Ramsar.

Il ne nous paraît donc pas opportun qu'un décret en Conseil d'Etat définisse la notion de zones humides. Autant je comprends que, pour la délimitation des zones humides, un décret soit nécessaire quand des problèmes se posent au niveau des parcelles cadastrales parce qu'une partie se trouve dans la zone humide et l'autre non, autant leur définition ne peut pas relever d'un décret en Conseil d'Etat.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Coussain, rapporteur. C'est précisément parce que nous estimons que cette définition est trop floue et qu'elle donne lieu à de nombreux contentieux, qu'il paraît utile de s'en remettre à un décret en Conseil d'Etat. Celui-ci devra bien entendu respecter la définition législative des zones humides.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Vous êtes une femme de terrain, madame Perrin-Gaillard. Vous connaissez fort bien ces zones et vous savez bien, peut-être plus que quiconque, les difficultés et l'insécurité juridique qu'a engendrées la définition des zones humides proposée dans le code de l'environnement. Nous ne modifions pas, bien entendu, cette définition, qui garde toute sa valeur, mais celle-ci a besoin d'être éclairée et affinée.

Il est tout de même dommage que ce soient les tribunaux qui légifèrent plutôt que le pouvoir législatif ou réglementaire.

Il faut réduire cette insécurité juridique pour que chacun soit pleinement informé de la réglementation qui le concerne. Je vous suggère donc de retirer votre amendement. A défaut, j'y serai défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. J'entends bien les arguments du rapporteur et de Mme la ministre. Il peut y avoir des problèmes juridiques sur la délimitation des zones humides, j'en conviens. Mais on ne peut laisser à un décret en Conseil d'Etat le soin de définir la notion de zone humide. La définition existe. Certes, je veux bien admettre que parler de « terrains, exploités ou non, habituellement inondés... », peut sembler flou. Mais qu'apportera ce décret ? Sur quels critères scientifiques s'appuiera-t-il pour déterminer qu'une zone plutôt qu'une autre peut être déclarée zone humide ? Devra-t-elle avoir été inondée une fois, deux fois, dix fois ?

Le législateur ne peut pas voter un tel article dans l'ignorance de ce que sera la définition des zones humides. Je maintiens donc mon amendement, car c'est le bon sens. Mais je veux bien croire que sur la délimitation il y a des problèmes juridiques, sur des parcelles cadastrales bien déterminées.

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Je voudrais, au contraire, relayer l'inquiétude des agriculteurs du Lot-et-Garonne et vous demander que la définition soit précisée. Dans la vallée de la Garonne et du Lot, il y a régulièrement des inondations. Le code de l'environnement parle de zones inondées. Nous avons besoin de savoir dans quelle mesure nos régions sont concernées par la définition des zones humides. A cet égard, la démarche du projet de loi paraît raisonnable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1159.

(L'amendement n'est pas adopté.)


M. le président
. Je suis saisi d'un amendement n° 495.

La parole est à M. Jean-Louis Léonard, pour le soutenir.

M. Jean-Louis Léonard. Cet amendement, bien qu'il soit assez proche de celui notre collègue Mme Perrin-Gaillard, s'en distingue quelque peu. Nous ne contestons pas qu'un décret soit nécessaire, mais nous considérons que la définition du code de l'environnement est suffisante. Elle fixe des critères plus qu'européens, internationaux, qui sont conformes à la convention de Ramsar.

Sortir de cette définition en introduisant des précisions d'ordre national présenterait un double inconvénient : le Conseil d'État alourdirait l'utilisation du code de l'environnement sans apporter d'amélioration, car les contentieux qui sont apparus ne portent pas sur la définition des zones humides mais sur son application par les autorités. Nous souhaitons qu'à partir de la définition du code de l'environnement qui, elle, sera reconnue internationalement, soit rédigé un mode d'emploi à l'usage des préfets. Nous souhaitons qu'un décret simple précise leur latitude pour appliquer la loi.

Les seuls problèmes liés à cette définition sont des problèmes d'interprétation. On n'interprète par la définition des zones humides en Champagne-Ardenne pour le lac du Der comme on l'interprète dans la vallée de la Garonne ou dans la Marais poitevin. Les biotopes sont différents, les structures agricoles sont différentes, les terroirs sont différents et, en tout cas, les zones humides sont très différentes. Les autres pays font de la convention de Ramsar une application assez souple, laissée à l'appréciation des agents de terrain.

Il faut en rester à cette définition du code de l'environnement et publier un décret simple ou une circulaire ministérielle précisant aux préfets quelle est leur latitude d'interprétation. On coupera ainsi court à pratiquement tous les contentieux administratifs.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Coussain, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement. Si c'était aussi clair, il n'y aurait pas autant de contentieux.

M. Jean Dionis du Séjour. Très bien !

M. Yves Coussain, rapporteur. La question doit donc faire l'objet d'un travail approfondi validé par le Conseil d'État.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Il y a une incompréhension des mécanismes juridiques. Je perçois la crainte qu'éprouvent certains de voir le Conseil d'État s'emparer, de façon peut-être trop technocratique, d'une définition que nous voulons la plus proche possible du terrain. Bien entendu, c'est nous qui préparerons le décret, en concertation avec les élus. Mais la relecture du Conseil d'État nous apportera la sécurité juridique d'un texte qui nous mettra à l'abri des contentieux, ce qui n'est pas le cas actuellement

Je suis donc défavorable à l'amendement.

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Il existe en effet une grande incompréhension, en particulier de la part de mes collègues de l'UDF. Il est vrai que les mots « habituellement inondés » peuvent manquer de précision. Toutefois, je vous rappelle que la définition des zones humides s'appuie sur d'autres critères, notamment des caractères biologiques et scientifiques précis. J'entends bien les arguments de Mme la ministre, mais le Conseil d'État ne nous apportera aucun éclaircissement quant à l'expression « habituellement inondés ».

Je soutiendrai donc l'amendement de M. Léonard. Nous nous retrouvons sur ce point. Pour connaître tous les deux les zones humides, nous ne voyons d'autre solution que de conserver la définition de la convention de Ramsar.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Relisons le 1° de l'article 211-1. On entend par zone humide les terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d'eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire. La végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l'année.

Mes chers collègues, dans ces conditions, une vallée sèche où il y aurait de l'eau une journée par an pourrait être considérée comme une zone humide. Cela montre bien que le texte mérite d'être précisé. Ne nous en remettons pas au juge, comme on le fait souvent au Parlement, pour faire notre travail à notre place.

Il est vrai que l'on aurait pu, pour apaiser Mme Perrin-Gaillard, demander à Mme la ministre, dont j'appuie la démarche, quels sont les quelques critères qui serviront à élaborer le décret. Mais je soutiens sa position.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. On ne peut pas me demander tout et son contraire. On ne peut pas me demander de travailler dans la concertation afin d'examiner ensemble les difficultés de cette affaire et de vous apporter le travail tout mâché.

M. Jean-Louis Léonard. Tout à fait !

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Il y a un problème. Une définition a ouvert la voie à de nombreux contentieux. Nous allons travailler ensemble sur cette définition. Vous êtes ici pour la plupart des élus des zones humides, et je le suis également. Nous allons donner des définitions, mais seul un décret en Conseil d'État permettra d'affiner, sur le fond et sur la forme, notre travail, en vue d'assurer la plus grande sécurité juridique. Le cheminement me semble limpide. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Léonard.

M. Jean-Louis Léonard. Je répondrai à notre excellent collègue M. de Courson qu'une inondation occasionnelle peut, tout au plus, se transformer en bassin de rétention de crue, mais qu'elle ne peut en aucun cas permettre de classer un terrain en zone humide car, précisément, on n'y trouvera pas de végétation hygrophile. Par conséquent, le problème ne se pose pas ainsi. Ce n'est pas le débat que nous devons avoir.

M. Charles de Courson. Ce n'est pas un critère impératif !

M. Jean-Louis Léonard. Au risque de décevoir Mme Perrin-Gaillard, ce que je vient de dire Mme la ministre me convient. Nous avons été choqués, nous élus, en lisant la retaille du texte qui nous est parvenue au mois de septembre, parce que nous trouvions qu'elle nous privait de nos droits de législateurs, mais c'était une mauvaise interprétation.

En revanche, tirant la leçon du remarquable travail de concertation que nous avons réalisé ensemble, avec vous-même et avec vos services, et après ce que vous venez de nous dire, je vous fais entièrement confiance, madame la ministre. Je pense que cette concertation sera très profitable. C'est pourquoi, monsieur le président, je retire mon amendement.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Je le reprends.

M. le président. L'amendement n° 495, présenté par M. Jean-Louis Léonard, est repris par Mme Perrin-Gaillard.

Je le mets aux voix.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 108 n'est pas défendu.

Je suis saisi de deux amendements, n° 497 et 86, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Jean-Louis Léonard, pour soutenir l'amendement n° 497.

M. Jean-Louis Léonard. Ce pourrait presque être un amendement rédactionnel. Dans le II de cet article, sont citées certaines activités pouvant contribuer à la préservation des zones humides. Mais cette liste est trop restrictive et c'est pourquoi nous proposons de la faire précéder du mot « notamment » . Nous ajoutons le tourisme, car le tourisme des zones humides est un tourisme raisonné, adapté, certes, mais il existe. C'est une source non négligeable de revenus pour les acteurs du marais. Or, vous le savez, les acteurs touristiques sont soumis à de telles règles qu'ils sont de véritables ouvriers d'entretien du marais.

M. le président. L'amendement n° 86 n'est pas défendu.

Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 497 ?

M. Yves Coussain, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 497.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Les amendements nos 87, 707 et 874 ne sont pas défendus.

Je suis saisi d'un amendement n° 498.

La parole est à M. Jean-Louis Léonard, pour le soutenir.

M. Jean-Louis Léonard. C'est un amendement très important, bien qu'il se limite à quelques mots.

Dans le deuxième alinéa du III de l'article 48, il est précisé que « le préfet peut procéder à la délimitation de tout ou partie des zones humides définies à l'article L. 211-1 ». Nous pensons que laisser au seul préfet l'initiative de la définition de la délimitation n'est pas cohérent. N'oublions pas que les collectivités territoriales et leurs groupements, c'est-à-dire non seulement les associations syndicales, mais aussi les syndicats intercommunaux de marais, les SAGE et autres, ont leur mot à dire. Puisqu'on les sollicite pour financer les travaux et faire respecter des règles nationales et européennes, il est anormal qu'il n'y ait pas concertation.

En outre, sans méconnaître la parfaite connaissance des services de l'État en matière de zones humide, je sais que les personnels des DIREN, des DDE ou des DDAF tournent et n'ont pas l'intéressant recul que peuvent avoir les acteurs de marais.

Si nous trouvons normal que l'autorité administrative ait le dernier mot, en revanche il importe d'imposer l'instauration d'une concertation avec les collectivités territoriales ou leurs groupements qui ont de plus en plus la compétence en matière de gestion des zones humides et des bassins de rétention.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Coussain, rapporteur. Favorable. Il est normal qu'il y ait une concertation locale avec les collectivités territoriales.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Au début, soucieuse de ne pas alourdir des procédures déjà complexes, j'y étais assez défavorable. Puis, à la réflexion et à la lumière de mon expérience de la relance des procédures Natura 2000, mon point de vue a évolué. J'ai sorti du bourbier un certain nombre de procédures Natura 2000 en organisant une concertation très soignée avec les élus locaux et en leur rendant le pouvoir...

M. Jean-Louis Léonard. Je vous remercie !

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. ...car je sais bien qu'on ne fait pas de protection du patrimoine naturel sans les élus locaux.


Peut-être allons-nous « perdre » un peu de temps, mais ce sera pour en gagner à terme.

Je suis donc favorable à l'amendement.

M. Jean-Louis Léonard. Je vous remercie.

M. le président. La parole est à M. Jean Lassalle.

M. Jean Lassalle. Madame la ministre, je suis tout à fait d'accord avec vous. Vos propos ne m'étonnent pas, tant vous faites preuve de bonne volonté pour essayer de trouver des solutions à la plupart de nos problèmes. Il y a longtemps que nous n'avons pas eu un ministre de l'environnement comme vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Toutefois, Mme la ministre de l'avenir durable (Sourires) se trompe s'agissant de Natura 2000. Certes, il est bon de donner aux préfets un peu plus de prérogatives, mais ils ont mieux à faire que de s'occuper d'un tel problème, compte tenu de la situation actuelle. Mais ni le préfet, ni les instances de gestion locale, ni même Mme la ministre ne peuvent rien contre Natura 2000. Il faut que d'ici à trois ans, c'est-à-dire d'ici à la fin de mon mandat de député, j'obtienne de M. le Président de la République qu'il veuille bien enfin accepter de me recevoir, car il doit demander, au nom de la France, qui après avoir été la fille aînée de l'Eglise, est la fille aînée de l'Europe, l'abrogation de cette directive qui nous bâillonne totalement et qui fait que nous ne sommes plus maîtres de notre destin ni de notre territoire.

M. Jean-Claude Lemoine. Très bien !

M. le président. Monsieur Lassalle, je veux tout de même souligner que Mme la ministre n'est pas ministre de « l'avenir durable » mais du « développement durable ». (Sourires.)

M. François Brottes. L'un n'empêche pas l'autre !

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je suis tout à fait favorable à l'amendement de M. Léonard qui est très proche d'un amendement que nous avions présenté dans le cadre de l'examen de l'ordonnance relative notamment au réseau Natura 2000. Nous avions écrit, si je me souviens bien : « après avis des collectivités territoriales concernées et de leurs groupements ayant compétence en la matière ». Nous avions préféré les termes « après avis » à ceux de « en concertation. Peut-être M. Léonard pourrait-il accepter de sous-amender ainsi son amendement.

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Je suis pleinement d'accord sur le fond. On ne peut pas prendre de décisions de cette nature sans avoir travaillé, à un moment donné, avec les collectivités territoriales et leurs groupements.

Toutefois, je souhaite insister sur la méthode utilisée. On sait que les conflits d'usages sont considérables dans les zones humides, que la concertation peut s'éterniser et quelquefois aller dans le sens inverse du but recherché. Il faudrait donc prévoir un cahier des charges et une méthodologie bien précise.

Je souhaite donc qu'on mette à profit les « navettes » pour améliorer la rédaction de l'amendement de manière à ne pas faire durer indûment des procédures, ce qui irait totalement à l'encontre du développement, de la valorisation et de la pérennisation des zones humides.

M. Patrice Martin-Lalande. Vous êtes contre la concertation durable !

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Léonard.

M. Jean-Louis Léonard. Monsieur de Courson, le terme « concertation » est très important, car il implique automatiquement un travail en commun, l'avis pas forcément.

Chacun sait ce que veut dire être consulté pour avis, dans un conseil municipal, un conseil communautaire ou syndical. Le préfet, par exemple, ne réunit pas les gens à qui il demande un avis. Les avis ne sont donc pas toujours donnés de manière cohérente. En tout cas, aucune méthodologie n'est apposée. En revanche, c'est le préfet qui déclenche la concertation, et cela lui permet d'imposer une méthodologie. Je pense qu'il appartient au préfet, dans ce cadre-là, de définir la méthodologie, comme c'est le cas dans d'autres affaires où le préfet organise une concertation qui lui est imposée par la loi. Il est donc important de maintenir le terme « concertation ».

A l'origine, nous avions proposé d'ajouter le terme « compétence » de manière à être cohérent, j'en conviens, notamment avec les mesures Natura 2000. Notre souci a été d'alléger le texte, sachant qu'on n'imagine pas qu'un groupement de communes puisse se saisir de quelque chose dont il n'aurait pas la compétence. Toute décision qu'il lui serait amené à formuler ou à prendre dans ce cadre, serait automatiquement illégale. Voilà pourquoi nous n'avons pas souhaité introduire ce terme.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Madame Perrin-Gaillard, il en est de la concertation comme de la démocratie : on n'obtient pas toujours les réponses qu'on aurait souhaité entendre ! Mais c'est toute la beauté de la chose...

Je me rallie pleinement à vos propos, monsieur Léonard. Effectivement, l'avis est une procédure formelle beaucoup plus lourde et beaucoup plus inefficace. La rédaction de votre amendement est donc bien meilleure.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 498.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 496.

La parole est à M. Jean-Louis Léonard, pour le soutenir.

M. Jean-Louis Léonard. Je retire l'amendement n° 496 qui, lié à l'amendement n° 495 visant à repousser le décret en Conseil d'Etat, n'a plus lieu d'être.

M. le président. L'amendement n° 496 est retiré.

Je mets aux voix l'article 48, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 48, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1164.

La parole est à Mme Geneviève Perrin-Gaillard, pour le soutenir.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Il s'agit de supprimer le troisième alinéa du I de l'article 49 qui organise un sous-zonage des zones humides. Il ne me paraît pas opportun de distinguer des zones humides d'intérêt environnemental particulier, et des zones stratégiques pour la gestion de l'eau. Les zones humides, dans leur globalité, sont toutes stratégiques pour la gestion de l'eau. Par conséquent, on ne peut pas faire des sous-zonages, sauf à créer à nouveau des conflits d'usages et d'intérêts. Je ne vois pas du tout comment on peut définir d'abord une zone humide - où l'eau est importante -, ensuite des sous-zones humides.

La zone humide est pleine et entière, on la définit, elle est délimitée. Il n'est donc pas nécessaire de faire des sous-zonages.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Coussain, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement, parce que s'il est vrai que la zone humide est pleine et entière, elle est diverse. Le projet de loi a une vraie cohérence en distinguant diverses catégories de zones humides, selon l'intérêt qu'elles présentent du point de vue environnemental ou pour protéger la ressource en eau potable. Chacune d'elles nécessite donc des mesures appropriées qui ne sont pas forcément identiques.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Pour protéger les zones humides, il faut évidemment une loi, une prise de conscience, mais il faut aussi fournir aux acteurs qui vont les protéger des outils. L'article 49 du projet de loi crée le premier de ces outils, la mise en place de programmes d'actions élaborés en concertation avec l'ensemble des acteurs locaux réunis en un comité local de gestion. Ce programme précisera les pratiques à pourvoir, ainsi que les moyens associés pour maintenir une activité comparable avec le maintien du caractère remarquable de la zone humide. Certaines pratiques seront obligatoires et pourront évidemment, le cas échéant, bénéficier d'aides.

Cet outil est destiné à être utilisé sur des zones humides dont l'enjeu est important sur le plan environnemental, notamment en termes de biodiversité et de paysages pour lesquels on estime que la voie de la concertation est à privilégier. Mais il faut également définir le territoire sur lequel on souhaite utiliser cet outil.

Par ailleurs, la mise en œuvre de ce programme d'actions nécessitera vraisemblablement une maîtrise d'ouvrage et nous savons bien que cette question sous-tend l'ensemble de l'action que nous voulons mener. La délimitation d'un territoire sur lequel le maître d'ouvrage aura sa légitimité est indispensable.

Je ne peux qu'être défavorable à cet amendement qui supprime le principal outil que je veux mettre au service de la gestion des zones humides.

(M. Jean Le Garrec remplace M. Éric Raoult au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean Le Garrec,

vice-président

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Monsieur le rapporteur, vous avez dit que la zone humide est diverse. Non, ce sont les zones humides de France qui sont diverses. Une zone humide, par définition, est une et indivisible. Par conséquent, il ne faut pas se tromper de débat.

Madame la ministre, j'entends bien vos arguments, mais j'aimerais savoir, et je sais que cela intéressera M. Léonard, ce que seront, dans le Marais poitevin, la zone humide d'intérêt stratégique pour l'eau et la zone humide d'un intérêt environnemental particulier. Si on ne le sait pas, on va introduire une confusion.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. J'ai bien indiqué que la méthode qui serait privilégiée pour la gestion des zones humides et des programmes de gestion y afférant serait fondée sur la concertation. Et vous me demandez aujourd'hui de vous présenter une carte où seront indiquées les zones précisément délimitées du Marais poitevin ? C'est évidemment totalement impossible !

Je connais bien le Marais poitevin, puisque la majeure partie de son territoire est située sur la région où j'exerce la fonction de présidente de la commission de l'environnement. Nous verrons, avec les élus, les acteurs socio-professionnels, les associations de protection de la nature, comment définir à la fois les zones, les territoires et les moyens de gestion.

M. le président. Madame Perrin-Gaillard, êtes-vous convaincue ?


Mme Geneviève Perrin-Gaillard
. Je ne suis pas convaincue du tout. Je crains que les problèmes rencontrés pour mettre en place de tels sous-zonages ne soient encore pires !

M. le président. La parole est à M. Jean Lassalle.

M. Jean Lassalle. Madame Perrin-Gaillard, ce n'est pas la peine de harceler Mme la ministre de l'avenir durable (Sourires) parce que les cartes que vous demandez existent déjà, elles remontent à Natura 2000. Tout est prêt.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Non, non !

M. Jean Lassalle. Il suffit de demander. Je dois même pouvoir me procurer les informations pour vous les donner !

Cela étant, entendons-nous bien. Je suis sincèrement partisan de la protection des zones humides. Mais pour ce faire, il n'est nul besoin d'une directive européenne comme Natura 2000, qui est à la protection de la nature ce que l'abrogation de l'édit de Nantes fut à la pacification de la France. (Rires.) Nous n'avons pas besoin de tout cet attirail. Nous devons agir, comme l'indique Mme la ministre, par le biais de comités créés sur place qui puissent décider avec l'ensemble des acteurs concernés, et en cohérence avec le mouvement de décentralisation souhaité par le Gouvernement. Ce sera la meilleure façon de rendre service non seulement à notre région, à notre pays, mais encore à l'Europe tout entière, voire à l'humanité. (Mêmes mouvements.)

Je vous informe, monsieur le président, que je vais voter contre tous les rapports et amendements à venir de peur d'apporter mon soutien à Natura 2000. Je me permettrai tout à l'heure de déposer un sous-amendement, j'ignore encore à quel moment de la discussion...

M. le président. Chaque chose en son temps, monsieur Lassalle.

M. Jean Lassalle. Je préviens, monsieur le président.

Je demanderai, puisque c'est possible, l'autorisation de chasser sur tous les sites protégés par Natura 2000. Il faut seulement que les chasseurs en fassent la demande.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Léonard.

M. Jean-Louis Léonard. Je comprends la demande de Mme Perrin-Gaillard dans la mesure où, dans le passé, certains sous-zonages ont provoqué des imbroglios inextricables. Mais nous avons changé de régime et de méthode ! Aujourd'hui, la concertation est en vigueur. Et je m'appuie sur l'excellent rapport de Mme Perrin-Gaillard sur les zones humides dans lequel elle préconisait d'agir sur des zones précises pour dire qu'il est difficile de supprimer aujourd'hui la faculté de procéder dans la concertation à des zonages secondaires qui feront l'objet de plans d'action importants. Se priver d'une telle possibilité nous ferait courir le risque d'avoir à renoncer à certaines actions, voire à certaines aides qui peuvent être apportées à des zones très particulières.

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Je ne voudrais pas qu'on laisse croire que le rapport « Du zonage au contrat : une stratégie pour l'avenir » recommandait les sous-zonages. Il n'y avait rien de tel dedans. Certes, il comportait une série de mesures en faveur des zones humides. Mais nous affichions, Philippe Duron et moi-même, la volonté de sortir progressivement de la politique des zonages. Je veux bien reconnaître avoir écrit qu'il fallait exonérer de la taxe sur le foncier non bâti les parcelles situées en zone humide, qu'il fallait que les collectivités se réapproprient les terrains abandonnés dans les zones humides, mais jamais je n'ai proposé de sous-zonage.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1164.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 89 de M. Chassain n'est pas défendu.

Je suis saisi d'un amendement, n° 258.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Yves Coussain, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de clarification.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 258.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 500.

La parole est à M. Jean-Louis Léonard, pour le soutenir.

M. Jean-Louis Léonard. Faire référence aux associations de protection de l'environnement, aux fédérations de pêche et de chasse, est trop vague. Les premières abondent, elles ont même tendance à apparaître spontanément. Pour nous assurer du sérieux de nos interlocuteurs, nous proposons seulement de préciser que les diverses associations citées doivent être « agréées » et d'ajouter celles qui regroupent les pêcheurs professionnels. Il ne faut pas les oublier même s'ils ont quasiment disparu à cause du recul des zones humides. Ils représentent un potentiel économique et culturel, voire touristique.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Coussain, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 500.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, n°s 259, 499 et 563.

La parole est à M. Jean-Louis Léonard, pour les défendre.

M. Jean-Louis Léonard. Dans le 4° b) du I, il est question « d'actions visant à restaurer, gérer et mettre en valeur » les zones humides. Il faut ajouter « préserver » dans la mesure où ce texte va s'appliquer aux plans d'action prévus dans le code de l'environnement. Sinon, nous risquons de compromettre de très nombreuses opérations dans le marais.

En effet, la préservation est un aspect fondamental de notre politique. C'est bien de préservation qu'il s'agit quand un agriculteur doit curer ses fossés ou consolider une « palisse » dans le marais.

Or les plans d'action sont aussi destinés à aider ce type de travaux. En l'état actuel du texte, il se trouvera toujours un grincheux pour dénoncer qu'une action particulière ne relève pas de la gestion ou de la restauration des zones humides, mais de leur entretien. C'est pourquoi il faut impérativement expliciter la rédaction car 50 % environ des actions visées concernent la préservation.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Coussain, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. J'ai vu que l'amendement n° 259 était co-signé par M. Cochet et je ne résiste pas au plaisir d'émettre un avis favorable. (Rires.)

M. Patrice Martin-Lalande. Tout baigne !

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Je voulais préciser que nous aussi sommes très favorables à ces amendements.

M. Jean Lassalle. Pas moi !

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. On ne peut pas passer sous silence la préservation des zones humides.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 259, 499 et 563.

M. Jean Lassalle. Contre !

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 708 n'est pas défendu.

Je suis saisi d'un amendement, n° 607.

Vous avez la parole pour le soutenir, madame la ministre.

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Il s'agit de tenir une promesse que j'avais faite lors de l'examen du projet de loi sur les risques naturels et technologiques. Je trouvais à l'époque fort bien venue la proposition du Parlement et je la reprends dans cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Coussain, rapporteur. La commission est bien sûr favorable à l'amendement du Gouvernement qui permet d'octroyer des aides non seulement aux propriétaires mais aussi aux exploitants, et elle remercie Mme la ministre d'avoir tenu sa promesse.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 607.

M. Jean Lassalle. Contre !

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements n°s 88, 260 et 1163 tombent.

Les amendements n°s 875, 1160 et 951 ne sont pas défendus.

Je mets aux voix l'article 49, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 49, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 49

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 896.

La parole est à Mme Geneviève Perrin-Gaillard, pour le défendre.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Cet amendement propose d'étendre le dispositif de l'ICHN - indemnité compensatoire de handicaps naturels - actuellement applicable en zone de montagne. Nous savons tous qu'il est expérimenté avec succès dans le Marais poitevin. L'octroi de compensations à des exploitations faisant face à des contraintes naturelles nous apparaît souhaitable.

Mon collègue Jean-Louis Léonard a eu raison de rappeler que je n'aime pas le terme de « handicap ». Mais ce n'est pas une raison suffisante pour ne pas permettre à d'autres zones humides de bénéficier d'une telle mesure.

En effet, les éleveurs connaissent dans ces zones de très graves difficultés. Ils ont dû développer des savoir-faire particuliers et ils éprouvent parfois de la lassitude à travailler dans ces conditions. Il faut donc leur apporter un plus, en particulier par le biais des droits à produire. Nous examinerons une loi d'orientation agricole dans quelques mois, je le sais, mais il est important de souligner dès à présent que tant que les droits à produire ne pourront pas être attribués en fonction de critères environnementaux dans les zones humides, en particulier dans le Marais poitevin, nous nous bornerons à des incantations. Elles ne suffiront pas à faire revenir les éleveurs ou à les empêcher de partir, au risque de voir ces territoires abandonnés faute de pouvoir y maintenir une activité agricole.

Tel est le sens de cet amendement. Je n'ignore pas qu'il va soulever des problèmes, notamment aux yeux de Mme la ministre, mais, sur le fond, elle devrait partager notre objectif. Il faut au moins en débattre.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Coussain, rapporteur. Avis défavorable. Les ICHN ont été conçues pour la montagne et je ne pense pas qu'on puisse se contenter d'un « copier-coller » pour transposer le dispositif dans les zones humides.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Mme Perrin-Gaillard soulève un vrai problème, celui du maintien des activités agricoles dans les zones humides, là où les contraintes économiques et écologiques sont nombreuses. Je souscris totalement à son idée de mettre en place des dispositifs spécifiques et le Gouvernement agit constamment en ce sens. Il ne vous a pas échappé que les arrêtés nationaux annuels qui encadrent la redistribution des droits à produire prévoient déjà des dispositions qui favorisent les zones soumises à des contraintes environnementales spécifiques.

Cela dit, je crois que votre proposition n'est pas la bonne. Nous ne parviendrons pas à la mettre en œuvre, car augmenter les droits à produire d'un côté suppose de les réduire de l'autre, soit à l'intérieur d'un même département, soit ailleurs. De surcroît, selon la nature des droits concernés, un accord européen est nécessaire, n'est-ce pas, monsieur Lassalle ?

Je ne puis donc que vous demander de retirer votre amendement, madame la députée. A défaut, j'y serai défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Perrin-Gaillard.


Mme Geneviève Perrin-Gaillard
. J'ai bien compris la réponse de Mme la ministre. Sur le fond, nous sommes d'accord pour reconnaître que des moyens doivent être trouvés afin de permettre le maintien d'activités agricoles sur ces territoires. Je persiste à penser qu'il s'agit d'aller encore plus loin en matière de droits à produire - je suis pugnace sur le sujet.

Je rappellerai également à M. le rapporteur que, certes, les ICHN ont été mises en place pour la montagne, mais les zones humides ont aussi leurs spécificités et, à titre expérimental, le dispositif des ICHN est actuellement appliqué sur la plus grande zone humide de France, le Marais poitevin. Dans ces conditions, pourquoi cette mesure ne pourrait-elle pas être étendue à des zones humides d'un intérêt tout aussi grand ?

M. le président. La parole est à M. Jean Lassalle.

M. Jean Lassalle. Je vous remercie, madame la ministre, du clin d'œil que vous m'avez adressé, en m'indiquant que la France ne pouvait strictement rien sur la question soulevée par Mme Perrin-Gaillard puisque la réponse était du ressort d'une directive européenne.

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Mais non !

M. Jean Lassalle. La caution de l'Europe est nécessaire, madame Perrin-Gaillard. Vous ne pouvez rien faire sans l'accord de l'Europe en la matière.

Cela dit, je suis d'autant moins opposé au principe de l'extension du dispositif des ICHN aux zones humides qu'elle est aujourd'hui pratiquée à titre expérimental. Mais je crains que, dans le contexte actuel, les agriculteurs ne subissent un malheur qui viendrait s'ajouter à tous ceux qu'ils connaissent déjà dans ces zones-là - malheurs que Mme Perrin-Gaillard a remarquablement décrits et qui ressemblent à ceux que connaissent tous les agriculteurs de France : celui d'être phagocytés en étant contraints d'accepter Natura 2000 en échange de l'argent qu'ils recevraient. Étant donné le flou dont est actuellement entourée la question, je suis tout à fait opposé à l'adoption de cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Léonard.

M. Jean-Louis Léonard. Je souhaiterais rappeler brièvement à M. le rapporteur qu'il ne saurait prétendre que les ICHN ne s'appliqueront qu'à la montagne. Ils sont appliqués aujourd'hui de façon expérimentale dans le Marais poitevin, en vue précisément de créer un parallèle entre agriculture de montagne et agriculture en zone humide. On sait que les programmes mis en place dans l'agriculture de montagne, et suggérés par M. Hervé Gaymard avant qu'il ne devienne ministre, sont exemplaires. Il convient évidemment de faire une telle transposition. Le « copier-coller » n'est peut-être pas l'expression adaptée, mais cette transposition est possible et l'objectif de notre démarche tout au long de ce texte est parti du constat que l'agriculture de montagne avait donné d'excellents résultats et que des possibilités de transposition devaient impérativement être offertes un jour ou l'autre. Cet amendement va dans ce sens. Il est en revanche évident que la création des ICHN en zone humide ne relève absolument pas du domaine législatif, mais du domaine réglementaire. Mais, monsieur le rapporteur, ne prétendez pas que la transposition des ICHN de la montagne aux marais est impossible : ce serait un propos malheureux.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 896.

(L'amendement n'est pas adopté.)

___________

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1150.

La parole est à Mme Geneviève Perrin-Gaillard, pour le soutenir.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Déposé en cohérence avec celui relatif à l'article 49, cet amendement, qui s'oppose à la création de sous-catégories de zones humides, vise à supprimer les I et II de l'article 50.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Coussain, rapporteur. Défavorable par cohérence.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. L'article 50 permet la mise en place de servitudes qui sont un outil pour prescrire diverses actions à l'intérieur de la zone concernée. Ce dispositif permet de préserver et de restaurer - tels sont les termes fréquemment employés - les zones humides, zones qui jouent un rôle majeur dans le cycle de l'eau et dont la disparition présenterait un risque pour la ressource en eau, potable notamment, et remettrait en cause les objectifs d'usage en matière de bon état des eaux. Je vous rappelle que nous avons commencé le cheminement conduisant à l'objectif prescrit par la directive-cadre sur l'eau. Il s'agit donc de dispositions qui ne peuvent pas attendre.

Elles génèrent des contraintes. J'ai souhaité la plus grande concertation possible en vue d'identifier les zones susceptibles de voir s'appliquer de telles servitudes. C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité que cette concertation soit confiée aux SAGE, qui sont les lieux même de la concertation.

Or, madame Perrin-Gaillard, votre amendement vise à supprimer cette étape de concertation ! C'est contredire la philosophie que vous-même avez définie comme étant le moyen de sauvegarder les zones humides. Je ne peux qu'être totalement défavorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1165.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 952 n'est pas défendu.

Je suis saisi d'un amendement n° 501.

La parole est à M. Jean-Louis Léonard, pour le soutenir.

M. Jean-Louis Léonard. Cet amendement que Christophe Priou et moi présentons est un amendement de cohérence. Je tiens à préciser que Patrice Martin-Lalande s'est associé au travail que nous avons mené sur l'ensemble de ces amendements.

Le texte qui nous est proposé fait référence à la qualité des eaux. Or la directive-cadre sur l'eau 2000/60/CE du 22 décembre 2000 parle du « bon état des eaux ». Il convient d'être en cohérence avec la loi de transposition de cette directive qui est déjà passée devant les assemblées. Afin de ne pas créer un autre critère d'appréciation, l'amendement propose donc de faire référence au « bon état des eaux » tel qu'il est défini dans la directive européenne et dans la loi de transposition. Il me paraît important de ne pas courir le risque d'ouvrir des contentieux. Qui dit « qualité des eaux » dit critères chiffrés et nous risquons d'en arriver à des systèmes extrêmement compliqués.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Coussain, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 501.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Les amendements n°s 710 et 709 ne sont pas défendus.

Je suis saisi d'un amendement n° 261.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Yves Coussain, rapporteur. Afin de lever une ambiguïté du projet de loi, l'amendement prévoit que les zones stratégiques pour la gestion de l'eau sont délimitées par le SAGE et non par le préfet.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 261.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 262.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Yves Coussain, rapporteur. Rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 262.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 263.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Yves Coussain, rapporteur. Rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 263.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 962.

La parole est à Mme Geneviève Perrin-Gaillard, pour le soutenir.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Si la création d'une nouvelle servitude à l'article L.211-12 apparaît comme un élément qu'il s'agit d'encourager, il convient néanmoins d'ajouter aux prérogatives du préfet la possibilité de réguler l'utilisation d'intrants agricoles et la pratique de l'irrigation.

Chacun sait très bien que dans les zones humides de telles pratiques ont une énorme influence sur la quantité et la qualité des eaux. Si l'on veut véritablement protéger les zones humides le préfet, à un moment donné, doit pouvoir limiter, en certains endroits, les pratiques d'irrigation ou d'utilisation trop intensive d'engrais ou de pesticides, intrants qui pénètrent directement les cours d'eau ou la nappe phréatique.

M. Jean Lassalle. Très bien.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Coussain, rapporteur. Défavorable. Cet amendement tombe dans le travers de toute liste : on risque toujours d'oublier quelque chose.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Je souscris à l'observation du rapporteur sur le fait que les listes sont comme les comités de soutien : on n'y remarque que ceux qui n'y sont pas.

Un autre argument doit être apporté : les pratiques qui sont mentionnées dans l'article entraînent des modifications irréversibles des sols, comme le remblaiement ou le retournement des prairies. Ce n'est pas le cas de l'irrigation ou de l'utilisation d'engrais ou de pesticides qui relèvent de la réglementation générale sur l'eau.

Jean-Louis Léonard. Absolument !

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Ne mettons pas dans un texte sur les zones humides des mesures qui relèvent d'un autre type de démarche, réglementaire en l'occurrence. Je ne suis évidemment pas défavorable à cet amendement parce que je ne souscrirais pas à la nécessité d'une réglementation sur les pesticides ou toutes sortes d'autres substances que nous aurons l'occasion d'examiner lors du débat sur la loi relative à l'eau ou à la transposition de la directive-cadre et des directives PHI - programme hydraulique international - mais l'amendement n'est pas à sa place dans cette partie « zones humides » du texte. Je vous demande donc, madame la députée, de le retirer.

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Je ne suis pas convaincue par les arguments de Mme la ministre. Le remblaiement ou le retournement des prairies ne changent pas plus la nature des sols que le drainage. En revanche, l'utilisation d'engrais ou de pesticides a une influence sur la nature des sols...

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Personne ne dit le contraire.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. ...et l'irrigation peut entraîner de si graves conséquences pour les zones humides que le texte que nous étudions aujourd'hui pourrait ne pas être suivi d'effet. Certes, l'irrigation, en vue du maraîchage, est nécessaire mais elle doit être maîtrisée. L'irrigation du maïs sur des parcelles en pleine zone humide nécessite de telles quantités d'eau que les nappes phréatiques ou les cours d'eau s'en trouvent asséchés. C'est ainsi que dans certaines zones - ce que M. Jean-Louis Léonard sait fort bien - l'eau salée de la mer remonte le long des cours d'eau. Ces pratiques doivent être abandonnées si l'on cherche véritablement à sauver les zones humides.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.


MM. Charles de Courson
. A mon sens, cet amendement est excessif. En cas de grande sécheresse dans une zone humide, on peut avoir besoin, pour éviter que les prairies soient complètement détruites, de prélever dans la nappe. C'est un exemple parmi d'autres.

Une interdiction générale, à laquelle votre amendement, tel qu'il est rédigé, pourrait conduire, madame Perrin-Gaillard, me paraît donc inadaptée. La sagesse commande de laisser le préfet, comme il en a la possibilité et comme il le fait régulièrement, prendre des arrêtés d'interdiction. Ceux-ci, d'ailleurs, sont toujours temporaires et adaptés aux conditions particulières de la période.

Je suis donc défavorable à l'amendement n° 962.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Léonard.

M. Jean-Louis Léonard. Je trouve l'amendement non seulement excessif, mais encore destructeur. Interdire de manière systématique, sur tout le territoire national, l'irrigation des zones humides reviendrait à mettre sur la paille - fût-ce de la paille de maïs (Sourires sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) - un certain nombre d'agriculteurs.

Je suis le premier à regretter que ces producteurs en aient été réduits, un jour, à retourner des zones humides, mais on ne peut malheureusement pas refaire le passé. Par contre, plusieurs mesures ont été mises en œuvre. Leur application est garantie par la police de l'eau, dont l'action est bien réelle. On a ainsi remplacé les compteurs horaires par des compteurs volumétriques, ce qui représente une évolution considérable. On a également imposé aux irriguants des matériels dont le rendement est bien meilleur : de l'ordre de 85 à 90 %, par exemple, pour les conduites. Les fuites que l'on connaissait par le passé n'existent plus.

De plus, comme l'a souligné Charles de Courson, les préfets ont entre leurs mains un véritable arsenal de possibilités qui, s'il ne rend pas l'irrigation merveilleuse, en limite du moins les effets pervers.

Cet été, par exemple, en pleine canicule, dans un marais de Charente-Maritime proche du Marais Poitevin, nous sommes arrivés à maintenir un minimum d'irrigation précisément parce que les cours d'eau, même ceux qui étaient le plus asséchés, avaient gardé un peu d'humidité et que les nappes phréatiques étaient surveillées comme le lait sur le feu. Ainsi, même dans une telle période, même dans des zones extrêmement sensibles, le préfet a réussi à gérer la situation au mieux avec les outils dont il disposait.

Je le répète, accepter l'amendement de Mme Perrin-Gaillard, ce serait conduire l'ensemble des agriculteurs concernés à une faillite certaine. Vous pouvez en imaginer les conséquences...

M. François Brottes. On ne peut pas présenter les choses comme cela !

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Il ne faut pas me faire dire ce que je n'ai pas dit ! Le texte de l'article précise bien que « l'arrêté préfectoral peut obliger les propriétaires et les exploitants à s'abstenir de tout acte de nature à nuire au bon fonctionnement, à l'entretien et à la conservation de la zone », etc. Ce n'est donc pas une interdiction globale, mais une possibilité, qui concerne « notamment le drainage, le remblaiement ou le retournement de prairie ». J'aimerais que vous m'expliquiez, monsieur Léonard, pourquoi il ne serait pas convenable d'ajouter à cette liste, comme nous le proposons, « l'irrigation, l'utilisation d'engrais et de pesticides ».

Cela fait peut-être vingt ans, cher collègue, que nous travaillons ensemble sur le terrain pour préserver et valoriser les zones humides du Marais Poitevin et des marais de l'Ouest. Faute d'avoir pu prendre des arrêtés de cette nature, nous avons vu la surface du Marais Poitevin se réduire de plus de 10 000 hectares en quelques années. Nous devons donc avoir le courage d'affirmer ce que nous voulons vraiment.

Pour que ce texte contribue véritablement à la préservation et à la valorisation des zones humides, il doit donner les moyens de prendre des mesures efficaces. Et celles-ci, du même coup, permettront aux gens de vivre : n'oubliez pas que, même pour le Marais Poitevin, on trouve en bout de chaîne des conchyliculteurs qui demain risquent de ne plus pouvoir exercer leur métier si, comme cela s'est déjà produit, la qualité des eaux devient trop mauvaise. Que deviendront alors tous ces gens ?

Il faut se donner les moyens de conduire une vraie politique. Dans cette optique, mon amendement est loin d'être excessif, puisqu'il laisse au préfet le soin d'intervenir.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Cet amendement ne me semble pas avoir sa place dans l'examen de ce texte.

Tout d'abord, comme l'a rappelé M. de Courson, le préfet dispose déjà de pouvoirs qui lui permettent de réguler le problème de l'irrigation.

En second lieu, vous n'ignorez pas, madame Perrin-Gaillard, que la commission des affaires économique est en train d'étudier les conclusions d'une mission d'information, dont elle avait confié la présidence à M. Herth et le rapport à Mme Ramonet, sur les activités agricoles et la protection de l'environnement. La question des engrais et des pesticides y est évidemment traitée.

Le rapport a été transmis au Gouvernement il y a quelques semaines. Il s'ensuivra, sans nul doute, des initiatives en faveur de mesures équilibrées. Nous devons éviter, comme l'a souligné M. Léonard, d'adopter de façon irréfléchie - et donc irresponsable -, au détour d'un amendement, des dispositions dont nous n'aurions pas mesuré les conséquences. Ce serait là rendre un bien mauvais service aux causes que nous voulons défendre.

Sur le fond, vous avez raison, madame, mais il est de meilleure méthode d'attendre les résultats du travail actuellement en cours, plutôt que d'adopter cet amendement qui créerait plus de problèmes qu'il n'en résoudrait.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 962.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement, n° 264.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Yves Coussain, rapporteur. Cet amendement vise à préciser que l'obligation de publicité foncière ne porte que sur la nouvelle servitude relative aux zones humides.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Je voudrais faire part non seulement de mon accord, mais également de mon enthousiasme à l'égard de cet amendement absolument indispensable. (Sourires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Les servitudes de rétention temporaire des eaux de crue sont un volet essentiel de la politique de prévention des inondations. Le temps perdu à leur publication est également perdu pour le maître d'ouvrage, ce qui revient à retarder la prévention des inondations.

Votre assemblée a déjà débattu de la question de la non-inscription des servitudes de prévention des inondations auprès du bureau des hypothèques - ou, en Alsace et en Moselle, au livre foncier - lors de l'examen du texte de la loi du 30 juillet 2003. Je ne souhaiterais pas qu'au détour de ce projet on revienne sur sa décision.

S'il est nécessaire d'informer les usagers, différents rapports parlementaires, comme on l'a noté, ont mis en évidence la lourdeur et le coût de cette inscription aux hypothèques : ainsi le rapport de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, présenté par M. le sénateur Miquel, et, plus récemment, l'excellent rapport de la commission des affaires économiques auquel le président Ollier a fait allusion, présenté par Marcelle Ramonet et Antoine Herth, et que nous sommes en train d'analyser très finement.

Cet amendement s'avère donc tout à fait indispensable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 264.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de l'amendement n° 789.

La parole est à M. Pierre Lang, pour le soutenir.

M. Pierre Lang. Cet amendement concerne une disposition particulière au droit local en Alsace-Moselle, où les servitudes sont inscrites non pas au bureau des hypothèques, mais au livre foncier, tenu par un magistrat.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur

M. Yves Coussain, rapporteur. Il me semble que cet amendement est satisfait. C'est pour cette raison que la commission ne l'a pas adopté. Je demande donc à mon collègue de le retirer.

Le texte de l'article indique bien que les servitudes concernées « font l'objet d'une publication dans les services de publicité foncière », lesquels sont, en Alsace-Moselle, le livre foncier.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Je souscris à l'analyse du rapporteur.

M. Pierre Lang. Je retire l'amendement.

M. le président. L'amendement n° 789 est retiré.

J'appelle l'amendement n° 611.

La parole est à Mme la ministre, pour le soutenir.

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. C'est un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Coussain, rapporteur. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 611.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Nous en venons à l'amendement n° 1319.

C'est un amendement rédactionnel, monsieur le rapporteur ?

M. Yves Coussain, rapporteur. Oui.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1319.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1312 n'est pas défendu.

J'appelle maintenant l'amendement n° 1318.

C'est encore un amendement rédactionnel, monsieur le rapporteur ?

M. Yves Coussain, rapporteur. En effet.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1318.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. J'appelle l'amendement n° 1166.

La parole est à Mme Geneviève Perrin-Gaillard, pour le soutenir.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. C'est un amendement de cohérence avec les amendements examinés précédemment, qui visaient à éviter un morcellement supplémentaire des zones humides.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Coussain, rapporteur. Par cohérence également, la commission a rejeté.

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. De même, l'avis du Gouvernement est défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1166.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. J'appelle l'amendement n° 608.

La parole est à Mme la ministre, pour le soutenir.

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. L'article L. 211-12 du code de l'environnement, introduit par la loi relative à la prévention des risques technologiques et naturels, est complété par le présent projet de loi. Il convient donc de l'ajouter dans la liste des articles concernés par la définition des agents habilités à constater les infractions correspondantes ou à prendre les sanctions administratives éventuelles.

Cet amendement ne pose pas de problème particulier : il est, pour ainsi dire, de bonne gouvernance.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Coussain, rapporteur. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 608.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 50, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 50, ainsi modifié, est adopté.)


Article 51

M. le président. L'amendement n° 790 n'est pas soutenu.

Je suis saisi d'un amendement n° 502 rectifié.

La parole est à M. Jean-Louis Léonard, pour soutenir cet amendement.

M. Jean-Louis Léonard. Cet amendement a été rectifié, car il était déjà en partie satisfait par l'amendement n° 265, qui va venir en discussion.

Lorsque nous en avons vu le texte initial, nous avons eu peur. Didier Quentin, qui m'a chargé de défendre cet amendement et qui est le président du Conservatoire du littoral, s'est rendu compte qu'il lui faudrait multiplier par dix ses effectifs et par quinze ses budgets, ce qui risquait de poser quelque problème à Mme la ministre. Autant revenir sur sa rédaction.

A l'origine, tel qu'il était proposé, cet amendement aboutissait à prendre en compte dix-sept départements supplémentaires comprenant des lacs de plus de 1000 hectares, simplement parce qu'on faisait référence au littoral. Comme la loi littoral le précise en effet, le littoral s'entend pour tout plan d'eau de 1000 hectares ou plus, qu'il soit marin ou non. Et le Conservatoire du littoral aurait explosé ! Par ailleurs, cet amendement visait à alléger les interventions du Conservatoire ; or l'amendement n° 265 y participe largement.

Une fois rectifié, cet amendement permet de prévoir un dispositif pour les zones humides dans les départements limitrophes des départements côtiers. Cela est important. Aujourd'hui, de fait, il est très difficile d'intervenir dans ces départements limitrophes, alors que les zones humides peuvent concerner plusieurs départements. C'est par exemple le cas du Marais Breton en Loire-Atlantique - et je parle sous le contrôle de Christian Priou - qui se continue du côté du Maine-et-Loir. Que l'action du Conservatoire s'arrête aux limites des départements côtiers n'aurait évidemment aucun sens.

Voilà pourquoi nous avons élargi, par cet amendement, le champ d'intervention du Conservatoire du littoral aux départements limitrophes des départements côtiers - notion que nous conservons, afin de contenir cette intervention dans des proportions raisonnables.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Coussain, rapporteur. Cet amendement rectifié qui vise, notamment, à alléger la procédure d'intervention du Conservatoire du littoral en zone humide, avait été repoussé dans sa première version pour des raisons de forme. Ces problèmes étant résolus, à titre personnel, j'y suis tout à fait favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Merci à M. Jean-Louis Léonard de rappeler que, contrairement à ce que pourrait laisser penser notre discussion, il n'y a pas que le Marais Poitevin parmi les zones humides. (Sourires.)

Comme à M. le rapporteur, la première rédaction de cet amendement ne nous convenait pas, car elle était trop extensive. La seconde nous convient et j'émets un avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je soutiens la position de notre collègue. Dans ma circonscription, se trouve le plus grand lac de France, le lac du Der, à cheval sur deux départements, la Marne et la Haute-Marne. Nous rencontrons des problèmes d'intervention, en raison des textes existants. L'amendement de notre collègue permettant de les résoudre, j'y suis tout à fait favorable.

M. Jean-Louis Léonard. Non !

M. Charles de Courson. Si, puisqu'on peut prendre en compte les cantons limitrophes, y compris ceux du département d'à côté.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Léonard.

M. Jean-Louis Léonard. Il n'est pas question d'aller au-delà des départements côtiers et de leurs départements limitrophes. En l'occurrence, il ne s'agit pas de départements littoraux. Faites très attention : le Conservatoire du littoral n'interviendra pas sur toutes les zones humides.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Le dernier paragraphe de l'amendement, qui concerne l'intervention du Conservatoire du littoral, est ainsi rédigé : « Elle peut, par dérogation, être étendue dans les mêmes conditions au zones humides situées dans un département limitrophe d'un département côtier... » Ce département limitrophe n'est donc pas forcément côtier.

Le cas ne se pose pas pour l'Aube, qui est un département côtier, dans la mesure où il comprend des lacs de plus de 1000 hectares. Quand bien même il n'en aurait pas, ce dernier paragraphe, dont je vous lis la fin, permet d'étendre sur la périphérie d'un département qui n'est pas côtier l'intervention du Conservatoire lorsqu'il s'agit de la même unité écologique : « lorsque l'unité écologique concernée est très majoritairement située dans un département côtier et que le complément ne concerne qu'un seul département limitrophe d'un département côtier. »

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. L'important, c'est qu'il y ait continuité !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 502 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 1167 tombe.

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 265 qui fait l'objet de deux sous-amendements, n°s 1463 et 1471.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 265.

M. Yves Coussain, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Je suis favorable à cet amendement, mais je réserve mon avis jusqu'à l'adoption des deux sous-amendements de M. Priou.

M. le président. La parole est à M. Christophe Priou, pour soutenir les sous-amendements nos 1463 et 1471.

M. Christophe Priou. L'emploi du mot « comprend » peut avoir une incidence juridique non souhaitée. En effet, la composition des conseils de rivage a été redéfinie par un décret du 29 août 2003 et, nous semble-t-il, l'objet n'est pas de la modifier à nouveau.

Une nouvelle modification n'est pas souhaitable pour deux raisons : la première est liée au caractère ponctuel qu'auraient les dossiers d'intervention en zone humide présentés aux conseils de rivage. Ce caractère ponctuel ne justifie pas la modification pérenne de ceux-ci. La seconde serait la modification en profondeur de l'équilibre de la représentation des élus dans les instances du Conservatoire. En effet, en introduisant des représentants de conseils généraux non côtiers, le caractère littoral du Conservatoire se diluerait et sa mission perdrait de sa lisibilité.

L'association d'un représentant du conseil général lorsqu'un dossier sur une zone humide de son département est présenté au conseil de rivage doit s'entendre comme la possibilité, pour celui-ci, d'avoir accès à toutes les informations et de donner son avis sur le dossier concerné.

Quant au sous-amendement n° 1463, il est de simple coordination.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux sous-amendements ?

M. Yves Coussain, rapporteur. Ils n'ont pas été examinés par la commission, mais j'y suis favorable à titre personnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Favorable aux deux sous-amendements.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 1463.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 1471.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 265, modifié par les sous-amendements adoptés.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de l'amendement n° 1462.

La parole est à Mme la ministre, pour soutenir cet amendement.

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Le paragraphe que cet amendement vise à insérer est relatif à la mise à disposition de certains personnels auprès du Conservatoire du littoral.

Vous venez d'étendre le territoire d'intervention du Conservatoire du littoral dans des proportions très importantes, comme M. de Courson l'a souligné. Cette extension a vocation à se faire le plus souvent à la demande des collectivités territoriales. La question des moyens dont disposera le Conservatoire pour assumer ces nouvelles missions est évidemment posée.

En outre, les partenariats très spécifiques, prévus par la loi du 27 février 2002 et qui lient le Conservatoire du littoral et des rivages lacustres aux collectivités territoriales des régions littorales, ont pris une dimension remarquable, qui est le témoignage du succès de cet établissement public. De nombreux cas existent où des collectivités locales ont souhaité renforcer les moyens d'intervention locaux du Conservatoire par une mise à disposition d'agents. Or cette mise à disposition d'agents est aujourd'hui interdite par la loi.

Il semble donc opportun de permettre aux collectivités territoriales qui le souhaitent, de mettre leurs personnels à disposition du Conservatoire national, dans le cadre de missions ou de conventions.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Coussain, rapporteur. La commission n'a pas examiné cet amendement. Mais comme le Conservatoire va avoir de nouvelles missions, il semble bien normal qu'on puisse mettre à sa disposition de nouveaux agents. A titre personnel, avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Jean Lassalle.

M. Jean Lassalle. Ce personnel risque-t-il de travailler sur la directive Natura 2000 ? Même question s'agissant du personnel qui pourra être ainsi embauché. Si tel était le cas, je voterais contre cet amendement. Cela dit, de toutes façons, je voterai contre. (Rires.) Car si on me répondait le contraire, je pense qu'il y travaillerait un peu tout de même...

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le député, je travaille en toute transparence. Et on ne peut pas exclure le cas où seraient concernés des territoires du réseau Natura 2000. Les personnels des collectivités locales pourraient donc être amenés à travailler aussi dessus.

M. Jean Lassalle. Merci, madame la ministre.

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Le personnel communal de M. Lassalle y travaille sans doute aussi.

M. Jean Lassalle. Pas tant qu'il sera sous mes ordres, madame !

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Les missions élargies du Conservatoire ayant été élargies, il était important de permettre à celui-ci d'augmenter son personnel. Nous sommes donc favorables à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Christophe Priou.

M. Christophe Priou. Je profite de l'occasion pour revenir sur un amendement qui nous a été refusé en commission.

Nous sommes tout à fait d'accord pour que le Conservatoire du littoral dispose des moyens nécessaires et pour que ce texte, présenté avec vigueur et ferveur par M. Gaymard et Mme Bachelot, les lui accorde. Mais certains moyens existent déjà ; nous pensions à la taxe départementale des espaces naturels sensibles.

Je souhaite qu'au cours d'autres lectures, ou au Sénat, on puisse aborder la question. Cette taxe, qui est à la discrétion des départements, n'est souvent que partiellement utilisée. Elle représente une manne et pourrait permettre de payer des personnels ou d'entretenir certaines zones, humides notamment, là où justement nous manquons de moyens ; je pense aux parcs naturels, par exemple.

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. S'il n'y avait que moi, cette mesure serait déjà adoptée.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je voudrais obtenir quelques précisions sur le dernier alinéa de l'amendement du Gouvernement, selon lequel, en application du III du L.322-1 du code de l'environnement, le Conservatoire peut également disposer d'agents contractuels d'établissements publics intervenant dans les zones humides sous forme de mise à disposition. Or, si on se rapporte à l'article L. 322-1, on trouve un paragraphe permettant d'étendre le champ d'intervention du Conservatoire. A quoi correspondent donc les établissements publics visés dans l'amendement ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. En ce domaine, monsieur le député, l'imagination est au pouvoir. Mais on peut très bien envisager que, à l'intérieur du périmètre du ministère, interviennent les agences de l'eau, le Conseil supérieur de la pêche ou l'Office national de la chasse et de la faune sauvage. Tout dépend des missions faisant l'objet de la convention passée entre la collectivité, l'établissement public et le Conservatoire du littoral.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Pourquoi n'avez-vous pas proposé : « collectivités territoriales ou établissements publics nationaux ou locaux » ? Un conseil général ne pourrait procéder à une telle extension de mise à disposition dans le cadre du III de l'article L.322-1. Ai-je bien saisi ?

M. le président. Monsieur de Courson, il faudrait reformuler votre question, parce qu'elle ne correspond pas à votre première intervention.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. La question de M. de Courson est traitée dans le paragraphe I et nous sommes au paragraphe III.

M. le président. Tenons-nous en là. Nous aurons l'occasion de procéder à certains ajustements.

Je mets aux voix l'amendement n° 1462.

M. Jean Lassalle. Je vote contre !

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 51, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 51, ainsi modifié, est adopté.)


Article 52

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 504.

La parole est à M. Jean-Louis Léonard, pour le soutenir.

M. Jean-Louis Léonard. Cet amendement est rédactionnel, mais néanmoins important. Le texte qui nous est soumis inscrit dans le statut des associations syndicales un rôle de préservation, de restauration et de gestion des zones humides. C'est une imprécision qui risque de conduire à une incompréhension totale de la mission dévolue à ces associations, qui constituent un maillage irremplaçable du territoire en matière de gestion quotidienne des ouvrages des zones humides. La rédaction du texte laisse à penser qu'il pourrait s'agir d'une gestion beaucoup plus large, qui s'étendrait aux périmètres Natura 2000, chers à notre collègue Jean Lassalle (Sourires), ou à l'ensemble des zones humides. Il faut faire très attention.

Nous souhaitons maintenir les associations syndicales dans la mission qui leur a été confiée par la loi de 1865 de gestion quotidienne des dispositifs hydrauliques collectifs. Pour ramener le texte à cette dimension, nous proposons la rédaction suivante : des travaux « destinés à la préservation et la restauration des zones humides, notamment le maintien et la gestion des dispositifs hydrauliques collectifs contribuant à ces objectifs favorables aux zones humides ». Il conviendrait, d'ailleurs, d'y ajouter la valorisation, en cohérence avec l'amendement adopté plus haut.

Ce sont des missions fondamentalement différentes du rôle d'assèchement qu'elles tenaient de la loi de 1865 que l'on confie aujourd'hui aux associations syndicales. Ne leur donnons pas, en plus de l'entretien, du maintien, de la préservation et de la valorisation, une charge lourde qu'elles seraient bien incapables d'assumer et que les syndicats d'aménagement hydraulique ou les communes gèrent parfaitement.

Je voudrais encore remercier Mme la ministre de redonner, à travers cet article, confiance à ces associations qui se sont senties terriblement menacées, croyant que le texte confirmerait ce que nos prédécesseurs avaient préparé. Prétextant que les associations syndicales n'étaient plus représentatives, ils avaient imaginé de les remplacer par des « super-machins » très administratifs. Cela témoignait d'une terrible méconnaissance du terrain. Mais je sais que nous sommes d'accord, avec Mme Perrin-Gaillard : ces associations sont irremplaçables dans le maintien, la préservation et la valorisation de nos zones humides.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Coussain, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Favorable.

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Je suis favorable à cet amendement. Moi-même, j'avais déposé de nombreux amendements à l'article 52 mais, j'ignore pourquoi, ils ne sont pas arrivés en séance. Je le regrette et je m'interroge, car il me semblait les avoir déposés dans les délais requis.

De la même façon que l'on s'intéresse à la loi de 1865, devenue totalement obsolète, on aurait pu se pencher sur l'ordonnance de 1833 qui reste d'actualité et peut susciter, dans certaines zones de marais, incompréhensions et mauvaises interprétations.

S'agissant des associations syndicales, il est important de travailler avec elles sur la définition de leurs objectifs. Pour ma part, j'aurais souhaité qu'ils soient complétés par la gestion des poissons migrateurs. Elle est, certes, traitée dans quelques textes, mais pourrait être confiée à plusieurs opérateurs sur le terrain. Le Monde d'aujourd'hui indique que les anguilles et les civelles sont en voie d'extinction dans les zones humides. Les civelles sont pêchées de manière excessive pour être envoyées dans les pays de l'Est, tandis que les anguilles sont parfois pêchées d'une drôle de façon et n'ont pas le temps de remonter les cours d'eau. Les associations syndicales mériteraient que leurs statuts énoncent des objectifs de cette nature, ainsi que d'irrigation, de drainage et de colmatage. Mais cela nécessiterait probablement un texte plus spécifique.

Par ailleurs, je n'ose comprendre la signification du II de l'article. Monsieur Léonard, vous avez prétendu que nous voulions supprimer les associations syndicales.

M. Jean-Louis Léonard. Pas vous, madame Perrin-Gaillard !

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Ces associations sont très utiles, mais c'est leur fonctionnement qui doit être revu. Il serait bon d'examiner avec elles, par exemple, la meilleure façon pour elles d'être représentées dans notre société. C'est la raison pour laquelle je pense ce deuxième paragraphe prématuré, d'autant qu'il prévoit que ces associations peuvent être dissoutes si elles se révèlent gênantes pour l'exécution de certains travaux. Je suis réservée s'agissant de cette possibilité de dissolution. Je suis plutôt partisane de travailler sur le terrain avec elles, parce que nous en avons besoin, et de revoir leurs objectifs et leurs statuts. Ainsi, nous avancerons beaucoup mieux. J'avoue mon inquiétude sur le sort qui leur est réservé. Que veut-on en faire ?

M. le président. La parole est à M. Jean Lassalle.

M. Jean Lassalle. Je voudrais savoir si l'amendement de M. Léonard s'appliquerait à toutes les associations syndicales de France et de Navarre, y compris celles qui ne sont pas en zone humide. Nous avons chez nous des associations foncières qui jouent un rôle très utile dans le remembrement et le désenclavement. Tout cela fonctionne très bien parce que les propriétaires en font leur affaire sans que les élus soient trop impliqués.

Je suis prêt à suivre notre collègue à condition qu'il n'enferme pas toutes les associations syndicales dans un rôle de préservation et de restauration des zones humides, même là où il n'y en a pas. Cela dit, je prends acte avec plaisir que l'amendement veut leur éviter d'avoir à gérer Natura 2000.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Léonard.

M. Jean-Louis Léonard. L'amendement est clair, monsieur Lassalle : il ne concerne que les associations syndicales de marais, pas les associations foncières, AFU ou autres, de montagne. Nous aurions, certes, pu le préciser.

M. Jean Lassalle. Très bien !

M. le président. Vos explications précisent le sens de l'amendement qui a reçu un avis favorable.

M. Jean-Louis Léonard. Comme beaucoup d'autres, les associations syndicales vivent sur des terrains largement touchés par la directive Natura 2000.

Madame Perrin-Gaillard, il ne faut pas confondre associations syndicales et agents de la police de l'eau.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Bien sûr !

M. Jean-Louis Léonard. Les associations syndicales n'ont pas pour objet de gérer les infractions aux règles de la pêche à la civelle et à l'anguille. La civelle est pêchée dans les exutoires. Certes, les associations syndicales manipulent ce que l'on appelle chez nous les pelles, c'est-à-dire les écluses, et font au quotidien, selon des protocoles très précis de hauteur d'eau, de la gestion différentielle de marais. Mais il y a aussi les margoulins qui forcent les cadenas posés par ces associations sur les pelles pour faire sortir les civelles. Ce sont deux motivations bien différentes. Les présidents d'associations syndicales veillent extrêmement jalousement sur ces pelles, mais il n'est pas question de les armer pour répondre à ces méfaits.

Nous avons beaucoup travaillé sur le devenir des associations syndicales. Loin de moi l'idée de penser que vous auriez pu en vouloir la suppression. L'ordonnance de 1833 n'est pas en cause ici, car elle est déjà battue en brèche par de nombreux textes. En revanche, la loi de 1865, qui régit jusqu'à maintenant le statut des associations syndicales, est complètement obsolète. Nous l'avons toilettée assez largement en concertation avec ces associations. Le problème c'est qu'elles sont très dispersées et qu'il faudrait les rassembler, les fédérer. Pour donner un exemple précis, nous avons travaillé, avec les services du ministère, avec l'Union des marais qui rassemble les 270 associations syndicales de la Charente-Maritime. C'est un modèle que tous nos collègues des zones humides devraient transposer chez eux car une telle fédération constitue un véritable maître d'œuvre, hors de portée des simples associations syndicales.

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Il ne faut pas confondre les objectifs et les statuts. L'article énumère les objectifs et votre amendement les précise. Mais nous aurions pu saisir l'occasion de les redéfinir plus profondément, car cela n'a pas été fait depuis 1865. Le statut des associations syndicales doit également être revu, notamment pour abandonner le principe de la représentation à la surface de parcelle, devenu obsolète, au profit de celui d'« un homme une voix ». Encore une fois, nous aurions pu saisir l'occasion qui nous était offerte de procéder, avec les associations syndicales, à un toilettage de leur statut.


Enfin, je me suis interrogée sur le sens du paragraphe II de l'article 52. Le fait de prévoir la dissolution d'une association au motif qu'elle est susceptible de « gêner » ne correspond pas à l'idée que je me fais de la démocratie et mérite donc des explications. Or, je n'ai eu aucune réponse.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Monsieur le président, arrêtons là les échanges. L'Assemblée est assez informée !

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Léonard.

M. Jean-Louis Léonard. Je vous remercie, monsieur le président, de me redonner la parole.

Il faut être clair. Si je défends cet amendement, c'est parce que nous avons trop souvent vu une association syndicale, voire quelques membres de celle-ci, bloquer des travaux d'intérêt général. L'intérêt général n'est pas la somme des intérêts particuliers. Lorsque les travaux d'un bassin de 15 000 hectares sont interrompus parce qu'une association syndicale fait de la résistance, il y va de l'intérêt général d'intervenir. C'est pourquoi il est important que le préfet puisse, sur la base d'un rapport documenté, dissoudre l'association.

Le décret devra, par ailleurs, préciser que toutes les charges et recettes de cette dernière seront transférées soit au SIAH - le syndicat intercommunal pour l'aménagement hydraulique - soit à la commune, soit au groupement de communes qui aura pris en charge l'aménagement.

M. le président. Le débat sur cet amendement me paraît avoir été suffisamment nourri. Nous allons maintenant passer au vote.

Je mets aux voix l'amendement n° 504.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 791.

Cet amendement est-il défendu ?

M. Patrice Martin-Lalande. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Coussain, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 791.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 266.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Yves Coussain, rapporteur. Cet amendement, qui corrige une erreur de référence, doit, lui-même, être rectifié en ajoutant les mots : « du I » avant les mots : « de l'article L. 211-7 précité ». C'est donc la correction de la correction d'une erreur de référence que je vous propose. (Sourires.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement, sur l'amendement n° 266 ainsi rectifié ?

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 266, tel qu'il vient d'être rectifié.

(L'amendement, ainsi rectifié, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1317. Cet amendement, présenté par M. Coussain, est rédactionnel.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 52, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 52, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 52

M. le président. Après l'article 52, je suis saisi d'un amendement n° 1225.

La parole est à M. Charles de Courson, pour le soutenir.

M. Charles de Courson. Il s'agit, par cet amendement, que M. Morin m'a demandé de défendre en son nom, d'exonérer de la taxe foncière sur les propriétés non bâties des éléments remarquables du paysage rural qui participent de sa diversité, c'est-à-dire les haies, les talus ou les petits bosquets qui séparent notamment des parcelles agricoles. C'est donc un amendement qui sent bon le bocage normand.

Cette exonération fiscale, d'un coût très modeste pour l'Etat, permettra de mieux préserver ces éléments de notre patrimoine naturel et complète utilement une disposition adoptée dans la loi urbanisme et habitat du 2 juillet 2003 qui permet aux communes d'interdire la destruction de ces éléments du paysage.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Coussain, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement car l'article L. 126-6 du code rural permet déjà au préfet de prononcer la protection des haies, qui bénéficient alors d'exonérations fiscales.

M. le président. Même avis que la commission, madame la ministre ?

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Oui, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Il aurait été intéressant que Mme la ministre s'exprime sur la disposition déjà existante. Conseille-t-elle aux préfets de l'utiliser ? Si tel est le cas, je retirerai l'amendement au nom de mon collègue.

M. le président. Je redonne donc la parole à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Des structures paysagères sont bien entendu classées sur les documents d'urbanisme mais les éléments auxquels fait allusion l'amendement - haies, talus et arbres qui clôturent et séparent des parcelles - ne sont pas identifiés sur le cadastre ou tout autre parcellaire officiel.

De plus, la demande de M. Morin est déjà satisfaite car la loi de 1993 sur la protection et la mise en valeur des paysages a étendu l'exonération du foncier non bâti accordé aux terrains plantés en bois aux boisements linéaires, aux haies et aux plantations d'alignement protégées, en application de l'article L. 126-6 du code rural.

Il ne paraît pas nécessaire d'aller au-delà. Je vous remercie donc, monsieur de Courson, d'avoir proposé de retirer cet amendement.

M. le président. Retirez-vous l'amendement, monsieur de Courson ?

M. Charles de Courson. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 1225 est retiré.

Article 53

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 267.

La parole est à M. Jean-Claude Lemoine, pour le soutenir.

M. Jean-Claude Lemoine, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour les dispositions relatives à la chasse. Le projet de loi instaure une exonération de la taxe sur le foncier non bâti au bénéfice des seules zones humides qui sont en nature de prés ou de landes et qui sont classées dans les deuxième et sixième catégories d'une instruction ministérielle de 1908.

Or ces catégories sont bien plus vastes que les seules propriétés « en nature de prés ou de landes ». Elles visent en effet les prés et prairies naturels, herbages et pâturages - deuxième catégorie - et les landes, pâtis, bruyères, marais, terres vaines et vagues - sixième catégorie.

Le champ de l'exonération prévue par le projet de loi est donc restreint par rapport aux catégories de terrains visées par l'instruction ministérielle de 1908. C'est pourquoi le présent amendement a pour objet de faire porter cette exonération sur l'ensemble des parcelles classées dans la deuxième et la sixième catégories de cette instruction. Cette disposition est nécessaire pour préserver nos zones humides.

M. le président. Cet amendement a été adopté par la commission puisqu'il est cosigné par M. Coussain en tant que rapporteur.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. La rédaction actuelle du projet de loi vise les seuls prés et landes car il a pour objectif de cibler l'avantage sur les prairies naturelles humides fauchées et pâturées, qui sont les plus exposées au retournement ou à la mise en culture et, donc, de fait, les plus menacées. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle l'exonération est subordonnée à un engagement de gestion du propriétaire et, le cas échéant, du preneur.

Cela étant, monsieur Lemoine, rien ne s'oppose à ce que l'ensemble des parcelles classées dans les deuxième et sixième catégories de propriétés prévues par l'instruction ministérielle de 1908, dont l'essentiel est constitué par les prés et landes au sens strict du terme, bénéficient de l'exonération du foncier non bâti en faveur des zones humides.

Vous aurez compris, monsieur le président, que je lève le gage.

M. Jean-Claude Lemoine, rapporteur. Je vous remercie, madame la ministre.

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Le deuxième paragraphe de l'amendement n'a donc plus d'objet et j'en demande la suppression.

M. le président. Je précise que le paragraphe II de l'amendement, dont Mme la ministre demande la suppression, prévoyait la compensation de la perte de recettes pour les collectivités territoriales par une augmentation de la dotation globale de fonctionnement et, par conséquent, la création d'une taxe additionnelle pour compenser la perte de recettes pour l'Etat.

Monsieur Lemoine, êtes-vous d'accord avec la modification proposée par Mme la ministre ?

M. Jean-Claude Lemoine, rapporteur. Je suis d'accord, monsieur le président.

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Je suis satisfaite que les prés et les landes ne soient plus seuls à bénéficier d'une exonération de la taxe sur le foncier non bâti car d'autres terrains situés en zones humides méritaient de bénéficier de cet avantage. Par contre, je regrette que cette exonération ne soit pas compensée et soit à la charge des collectivités. Cela ne représente pourtant pas une somme exorbitante : à peine 2 % des quatre vieilles ! Je suis déçue de cette décision.

M. le président. La parole est M. le rapporteur.

M. Yves Coussain, rapporteur. Vous n'avez aucune raison d'être déçue, madame Perrin-Gaillard car, dans le II de l'article 53, il est prévu que « l'Etat compense les pertes de recettes supportées, l'année précédente, par les communes et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre en raison de l'exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties ».

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Mme la ministre lève le gage de l'amendement mais le II de l'article est maintenu. Donc les dispositions de ce dernier s'appliquent également aux cas visés par l'amendement. Ce n'est pas parce qu'il y a levée du gage et extension du champ d'exonération qu'il n'y a plus de compensation par l'Etat.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. La compensation est prévue par l'article 53. Comme l'amendement propose une extension du champ d'exonération par rapport au texte du Gouvernement, son auteur était obligé de le gager.

M. Jean-Claude Lemoine, rapporteur. Exactement.

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Dès lors que je suis favorable à l'extension proposée par l'amendement, l'économie générale du projet de loi s'applique.

M. le président. La parole est à M. Jean Lassalle.

M. Jean Lassalle. Une exonération totale n'est-elle pas un encouragement à faire classer ces territoires dans le réseau « Natura 2000 » ?

Comme il n'y a pas eu de débat dans cet hémicycle sur la directive Natura 2000, pas plus que sur celle de la chasse, directive qui, je me permets de le rappeler, a été transposée par ordonnance parce que personne n'a eu le courage dans cette enceinte d'expliquer au peuple et aux territoires français ce à quoi ils s'exposaient, il me paraît important de l'ouvrir et c'est pourquoi je me permettrai d'en reparler régulièrement, monsieur le président. Je souhaiterais déjà une réponse sur le point que je viens de soulever.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.


Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.
Les parcelles concernées pourraient se trouver sur un site Natura 2000. Je ne peux pas vous dire le contraire, monsieur Lassalle. La vérité, toute la vérité, rien que la vérité !

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. L'article 53 propose une exonération de la taxe sur le foncier non bâti de 100 % pour les parcelles qui sont situées dans une zone protégée - y compris celles relevant de Natura 2000 - et de 50 % pour les autres. Pour ma part, j'aurais préféré un taux unique d'exonération, qu'il soit de 100 % ou de 50 %, pour éviter les sous-zonages.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 267, compte tenu de la suppression du gage.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de l'amendement n° 727.

La parole est à M. Jean-Claude Lemoine pour le soutenir.

M. Jean-Claude Lemoine. Mon amendement porte l'exonération de la taxe foncière sur les propriétés non bâties en nature de prés ou de landes situées dans les zones humides à 100 % dans un souci d'efficacité de la mesure. Il faut en effet tenir compte du coût d'entretien des zones humides.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Coussain, rapporteur. Défavorable.

Toutes les zones humides ne présentent pas le même intérêt environnemental et ne nécessitent donc pas toutes la même protection. Il est légitime d'opérer une distinction entre elles.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Même avis que celui de la commission : défavorable. Un différentiel d'aide semble logique, car les enjeux écologiques et les contraintes de gestion ne sont pas les mêmes selon les zones.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Léonard.

M. Jean-Louis Léonard. Je ne suis pas d'accord avec cette argumentation et je soutiens l'amendement de M. Lemoine. Cette exonération doit constituer un socle pour l'ensemble des zones humides.

Les autres compensations sont déjà fortement modulées en fonction des contraintes. Par exemple, la compensation Natura 2000 est encore un peu floue aujourd'hui et nous ne disposons pas encore des DOCOB - documents d'objectifs. En revanche, on sait exactement à quoi s'engagent les agriculteurs et les éleveurs qui signent un CAD ou un contrat OAE - qui prennent la suite des OLAE. Ces dispositifs modulent déjà considérablement les indemnités versées aux agriculteurs de marais. Il n'y a donc aucune raison de moduler à nouveau.

Cette exonération, je le répète, doit constituer un socle pour l'ensemble des zones humides. Tel était le sens de la demande qui avait été faite au Gouvernement et accueillie favorablement. Les modulations liées aux différents niveaux de contraintes environnementales relèvent d'autres dispositifs d'ordre réglementaire.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Toujours dans le souci de mettre en place une politique qui soit au plus près des instruments que nous avons créés en faveur de l'aménagement du territoire, il ne faut pas instaurer un mécanisme automatique, mais un soutien pour les territoires qui présentent une qualité particulière et qui font des efforts spécifiques pour la préserver, qu'il s'agisse d'un parc naturel, d'un parc national ou d'une réserve naturelle.

Si vous supprimez toute différenciation, vous affaiblissez considérablement l'effet incitatif et vous remettez en cause l'architecture de cette politique. Je comprends que l'on souhaite étendre le champ d'application du taux d'exonération à 100 % sur tout le territoire, mais il faut établir une distinction pour encourager plus à certains moments et moins à d'autres. Cela dit, sur ce point, j'en appelle à la sagesse de M. Léonard.

M. le président. La parole est à M. Jean Lassalle.

M. Jean Lassalle. Je tiens à préserver Mme la ministre des retombées de la directive Natura 2000, car, malheureusement pour elle, c'est au cours de son mandat que l'affaire va éclater : les habitants de nos campagnes vont bientôt se rendre compte que cette directive, qui n'a jamais été discutée ici, les dépossède de leur territoire, comme d'ailleurs la directive sur la chasse. Nos lois ne pèsent pas lourd par rapport aux directives européennes, puisqu'en la matière, ce n'est pas le ministre français qui décide, mais la Commission européenne.

Je vois bien qu'il y a anguille sous roche : il est clair que cette exonération différenciée vise à inciter au classement en zone Natura 2000. J'entends bien ce que dit M. Ollier. Mais, comme lui, dans une vie antérieure, j'ai été président d'un parc national - celui des Pyrénées pour ce qui me concerne, celui des Ecrins pour ce qui le concerne - et je vous assure que c'est une notion bien définie, appréhendée par l'ensemble des citoyens français. C'est la même chose pour un parc régional. Mais qui sait ce qu'est une réserve Natura 2000 et quels territoires en font partie ?

Certains bénéficieraient donc d'une exonération de 100 % parce qu'ils en feraient partie - même à leur corps défendant -, alors que d'autres, qui n'en feraient pas partie, en resteraient à une exonération de 50 %.

Je me rallie donc à ce qu'ont dit Jean-Claude Lemoine et Charles de Courson. Cessons d'évoluer dans le flou et le mensonge d'Etat, le mensonge européen, afin de progresser. Tout le monde à 100 % ou rien !

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Ce débat est extrêmement intéressant. En fait, on a découpé les zones humides en sous-zones, en définissant des zones stratégiques pour l'eau ou des zones d'intérêt environnemental particulier. Aujourd'hui, s'agissant de l'exonération de la taxe sur le foncier non bâti, il y a encore deux poids deux mesures : 50 % dans un cas, 100 % dans l'autre.

Je partage le sentiment de mon collègue Jean-Louis Léonard : je suis pour un taux unique d'exonération qui pourrait être de 100 %, mais aussi de 50 %. Je n'ai pas d'idéologie sur la question. Quant à la durée d'application de cette mesure, elle doit être plus longue que les cinq ans prévus, car elle ne sert à rien si elle est trop limitée dans le temps. D'autant que sur certaines parcelles plantées en peupliers l'exonération dure dix ans. Il subsistera donc des différences sur une même zone humide. Il ne faut pas multiplier les régimes différents, au risque d'entretenir un flou savant.

Je pense, comme M. Léonard, qu'il vaut mieux exonérer la totalité des parcelles situées sur le territoire d'une zone humide.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur Lassalle, je pilote moi-même un site Natura 2000 qui s'étend sur 100 kilomètres le long de la Loire et je connais les contraintes d'une zone humide qui vit au rythme des inondations, d'autant que j'y ai été élue en 2002, pour la quatrième fois consécutive. Je peux vous assurer que nous vivons cette inscription aussi comme une chance de développement : une concertation intense a lieu entre tous les acteurs pour préserver ce site exceptionnel. La Loire vaut bien la vallée d'Aspe, monsieur le député !

Dès lors que les documents d'objectifs sont élaborés dans la concertation entre tous les acteurs concernés - chasseurs, pêcheurs, propriétaires forestiers, agriculteurs, et élus locaux - et que les contraintes sont celles que nous avons décidées - on chasse sur les sites Natura 2000 dans les conditions fixées par la loi, ni plus ni moins qu'ailleurs - ce classement peut être une chance.

Pour en revenir à l'exonération fiscale, si le Gouvernement souhaite des taux différenciés, ce n'est pas, comme vous pourriez le penser, pour des raisons budgétaires. Evidemment, comme je suis défavorable à votre amendement, je ne lèverai pas le gage. Il faut jouer le jeu ! Mais au-delà, les contraintes de gestion ne sont pas identiques à l'intérieur d'une même zone. Celles qui sont liées à la partie asséchée d'un territoire que vous connaissez bien, le marais poitevin, ne sont pas le mêmes que pour le marais mouillé.

Ne vous privez pas de cet outil de gestion ! Vous vous lieriez alors les mains. Il est juste que les contraintes de gestion plus fortes reçoivent une rémunération. Les gestionnaires de zones humides que vous êtes se priveraient d'un outil qu'ils regretteraient ensuite. Je vous demande d'y être attentifs. Je vous parle aussi en tant qu'élue locale.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 727.

(L'amendement n'est pas adopté.)


M. le président
. L'amendement n° 131 n'est pas défendu.

Je suis saisi de deux amendements, n°s 944 et 829, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement n° 944 n'est pas défendu.

La parole est à Mme Geneviève Perrin-Gaillard, pour soutenir l'amendement n° 899.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. J'ai expliqué tout à l'heure les raisons pour lesquelles nous souhaitons porter à dix ans la durée de l'exonération de la taxe sur les propriétés foncières non bâties.

Je voudrais toutefois attirer l'attention de Mme la ministre sur le cas des parcelles situées en zone humide et plantées en peupliers. Nous sommes en effet en pleine contradiction : d'un côté, ces parcelles font l'objet, pendant dix ans, d'une exonération de la taxe, alors que les peupliers consomment beaucoup d'eau, et de l'autre, des parcelles qui mériteraient de bénéficier d'une exonération aussi longue ne sont exonérées que pendant cinq ans, soit à 50 %, soit entièrement - puisque l'amendement précédent a été repoussé.

Il faudrait surmonter cette contradiction, faute de ne pas être compris sur le terrain : on serait ainsi exonéré en faisant le contraire de ce qu'exige la préservation des zones humides ? C'est ennuyeux !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Coussain, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Nous avons choisi une période de cinq ans pour nous caler sur la durée des programmes de gestion et des mesures agri-environnementales, durée bien connue des acteurs de terrain. C'est donc un choix parfaitement lisible.

Par ailleurs, l'article 53 prévoit la possibilité de renouveler l'exonération, ce qui permettra de s'adapter aux spécificités que vous soulevez très justement, et donc de lever toute difficulté.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Répondez-moi au sujet des peupliers !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 899.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 268 rectifié.

La parole est à M. le rapporteur pour le soutenir.

M. Yves Coussain, rapporteur. Cet amendement vise à préciser que la liste des parcelles bénéficiant d'une exonération de taxe sur le foncier non bâti pour les zones humides et que les modifications qui y sont apportées font l'objet d'un affichage en mairie.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 268 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 726.

La parole est à M. Jean-Claude Lemoine pour le soutenir.

M. Jean-Claude Lemoine. La signature du preneur sur le document d'engagement souscrit par le bailleur apparaît inutile. Aussi est-il proposé de supprimer cette disposition. L'amendement suivant, n° 269, tend à préciser que l'engagement doit être notifié préalablement par le bailleur au preneur par lettre recommandée avec avis de réception postale, plutôt que d'être cosigné par le preneur.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Coussain, rapporteur. Défavorable, car nous préférons justement l'amendement n° 269.

M. le président. M. Lemoine en est d'ailleurs également signataire.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Défavorable.

M. le président. Maintenez-vous votre amendement, monsieur Lemoine ?

M. Jean-Claude Lemoine. Je retire mon amendement au profit de l'amendement n° 269.

M. le président. L'amendement n° 726 est retiré.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 269.

M. Yves Coussain, rapporteur. Cet amendement prévoit que le bailleur devra, afin d'informer le fermier, notifier préalablement l'engagement de gestion qu'il aura souscrit pour bénéficier d'une exonération de taxe sur le foncier non bâti en zone humide.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Je suis plutôt défavorable à cet amendement, monsieur le président.

S'agissant en effet d'une exonération sur le foncier non bâti avec un engagement de gestion favorable aux zones humides, il est nécessaire que le bailleur et le preneur connaissent bien les règles qui s'appliquent sur les terrains concernés.

Lorsque les parcelles sont exploitées par le propriétaire, l'exonération lui est accordée s'il respecte les engagements de gestion. Lorsqu'elles sont données à bail, le preneur est bien entendu le principal acteur de la mise en œuvre des engagements de gestion. Il est donc logique qu'il soit partie prenante dans cet engagement, et ce d'autant plus qu'il bénéficie indirectement de la réduction de la taxe.

De plus, la suppression de la cosignature ne garantirait pas au propriétaire le respect de l'engagement de gestion qu'il a signé.

Pour l'ensemble de ces raisons, je vous suggère, monsieur le rapporteur, de bien vouloir retirer l'amendement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Yves Coussain, rapporteur. Il me paraît excessif d'exiger que l'engagement soit cosigné par le fermier. Je maintiens donc l'amendement.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Nous soulevons là un vrai problème, celui des relations entre le propriétaire et l'exploitant.

On peut se demander si l'amendement n° 269 est compatible avec le respect du droit de propriété. En effet, sauf disposition contraire, la taxe sur le foncier non bâti est payée par le propriétaire. En droit, l'exonération bénéficiera donc à ce dernier. Mais est-il obligé de la répercuter ? Voilà le problème, et je n'ai pas trouvé de réponse dans le projet de loi. Il est vrai que l'exploitant peut parfaitement se renseigner pour savoir si le propriétaire bénéficie d'une exonération à 100 % ; et si c'est le cas, ce dernier ne pourrait rien réclamer.

En revanche, certaines obligations auxquelles s'engage le bailleur peuvent poser problème au regard du droit de propriété. Il peut arriver, par exemple, qu'un exploitant s'engage dans un mode de culture pouvant entraîner une dégradation du fonds, c'est-à-dire contraire aux engagements prévus dans le bail. On voit donc mal comment nous pourrions éviter une cosignature. La position du Gouvernement m'apparaît donc sage.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Léonard.

M. Jean-Louis Léonard. Ce genre de disposition existe déjà sur le plan réglementaire. Par exemple, pour bénéficier d'une OLAE sur des terrains communaux, la commune et l'exploitant doivent être cosignataires. Le même principe s'applique ici, et le Gouvernement a donc eu raison de prévoir cette disposition dans son texte.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 269.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 945 n'est pas défendu.

Je suis saisi d'un amendement n° 897.

La parole est à Mme Geneviève Perrin-Gaillard pour le soutenir.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Je ne reviendrai pas sur la contradiction fondamentale que j'ai relevée tout à l'heure, mais puisque la loi reconnaît désormais la particularité des zones humides, nous devrions trouver un dispositif permettant d'éviter que l'exonération, qui en France est de règle pour toutes les plantations d'arbres, n'aille à l'encontre de la préservation de ces zones.

M. Jean-Louis Léonard. C'est vrai.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Coussain, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Tout à l'heure, Mme Perrin-Gaillard m'a interpellée sur une question qui me tient particulièrement à cœur, celle de la populiculture. Son intervention était alors un peu décalée par rapport à l'objet de l'amendement, mais celui-ci me donne l'occasion de lui répondre.

Rappelons que l'article L. 126-1 du code rural permet déjà au préfet de définir des zones dans lesquelles les plantations d'essences forestières peuvent être interdites afin d'assurer la préservation des milieux naturels ou de paysages remarquables. Et en tant que présidente du conservatoire régional des rives de la Loire et de ses affluents, je me sers de cet instrument, avec l'aide des préfets, pour protéger les paysages des bords du fleuve, très menacés par les plantations de peupliers.

En cas de plantation effectuée dans ces zones, les exonérations d'impôt et les avantages fiscaux de toute nature prévus en faveur des propriétés boisées sont supprimés et les propriétaires peuvent être tenus de détruire le boisement irrégulier.

L'exonération totale ou partielle du foncier non bâti qui est prévue dans l'article 53 ne concerne que les terrains en nature de prés et de landes classés en deuxième et sixième catégories fiscales, et non les espaces boisés.

Par ailleurs, les programmes d'action prévus aux articles 49 et 50 du projet de loi permettent d'interdire certaines pratiques et d'en rendre d'autres obligatoires.

Toutes ces procédures répondent donc déjà à l'argumentation, justifiée, selon laquelle il ne faudrait pas que des pratiques que nous condamnons pour de multiples raisons bénéficient d'exonérations que l'on pourrait qualifier de scélérates.

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Malgré l'existence de tous ces mécanismes, il est parfois très difficile pour les préfets, soumis à la pression de certains groupes, de les faire appliquer. Vous le savez bien, madame la ministre. Et M. Léonard pourrait aussi en témoigner : dans des zones comme le Marais poitevin, si la loi ne vient pas à notre secours, nous ne parviendrons jamais à protéger les zones humides.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 897.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 53, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 53, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 53

M. le président. Nous en venons aux amendements portant article additionnel après l'article 53.

Je suis saisi d'un amendement n° 1308.

Cet amendement est-il défendu ?

M. Yves Boisseau. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Coussain, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1308.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, n°s 270 et 634.

M. Patrice Martin-Lalande. L'amendement n° 634 est défendu.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 270.

M. Yves Coussain, rapporteur. Cet amendement a pour objet d'étendre le régime des carrières soumises à déclaration aux carrières de craie.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Je n'y suis pas favorable, monsieur le président.

Il s'agit, bien entendu, de la réglementation relative aux installations classées.

Vous avez adopté, je le rappelle, l'amendement n° 326 qui étend aux petites carrières de craie le régime de déclaration applicable aux petites carrières de marne et d'arène granitique, et ce dans les conditions prévues par l'article L. 515-1 du code de l'environnement, ce qui rend d'ailleurs une partie de l'amendement sans objet.

Vous envisagez par ailleurs de nouveaux critères pour distinguer quel régime - de l'autorisation ou de la déclaration - doit s'appliquer aux carrières de matériaux destinés au marnage des sols. Mais ces critères ne donnent pas une base juridique de distinction aussi sûre que ceux décrits dans le premier alinéa de l'article L. 515-1 précité. Dans un souci de sécurité juridique, notamment pour les exploitants de carrières, il est donc préférable d'en maintenir la rédaction actuelle, modifiée par l'amendement n° 326. C'est pourquoi je suggère de retirer ces amendements.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.


M. Yves Coussain
, rapporteur. J'ai bien entendu vos explications, madame la ministre. Je vous en remercie et je retire l'amendement n° 270.

M. le président. L'amendement n° 270 est retiré.

Et l'amendement n° 634, monsieur Martin-Lalande ?

M. Patrice Martin-Lalande. N'en étant pas l'auteur, monsieur le président, je ne me sens pas autorisé à le retirer.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. C'est un vieux problème.

Dans la Marne, de la craie est extraite de nombreuses petites carrières, appartenant à des communes ou à des associations foncières, pour entretenir les chemins. Or on a parfois interdit toute extraction à des associations foncières. Résultat, il faut faire venir les matériaux de cinquante ou cent kilomètres à un coût qui a explosé.

On a à plusieurs reprises essayé de régler le problème, il y a cinq ans déjà, puis avec l'amendement dont vous avez parlé, madame la ministre. Ces amendements me paraissent pleins de bon sens. Cela peut gêner tous ceux qui veulent tout réglementer, mais il s'agit de carrières purement locales pour l'entretien des chemins.

Les carriers font pression sur les DRIRE pour demander la fermeture de toutes ces petites carrières qui permettent d'entretenir les chemins à bon marché, souvent d'ailleurs avec de la main-d'œuvre bénévole. Si vous avez une solution à proposer, madame la ministre, je suis prêt à ne pas voter l'amendement. Sinon, je vote pour, parce qu'on ne peut pas continuer ainsi.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Votre observation est justifiée, monsieur de Courson, mais votre demande est satisfaite par l'amendement n° 326, dans de bien meilleures conditions.

M. Charles de Courson. Vous êtes d'accord sur le fond ?

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Je suis d'accord sur le fond mais l'amendement n° 326 répond à votre argumentation. C'est la raison pour laquelle M. le rapporteur a accepté de retirer son amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 634.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 271.

La parole est à M. le rapporteur pour le défendre.

M. Yves Coussain, rapporteur. Cet amendement a pour but d'adapter la loi littoral afin de faciliter l'implantation d'exploitations agricoles, implantation qui est pratiquement impossible aujourd'hui.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Cet amendement a pour objet de déroger aux règles de protection des espaces littoraux. Une pression constante est exercée sur ces espaces. Or j'ai la conviction que leur richesse première doit être préservée, et ce sont les espaces naturels et paysagers. Partout où cette règle a été enfreinte, l'avenir a été compromis. La loi littoral a posé le principe d'un équilibre entre préservation et mise en valeur. C'est une loi qui a été approuvée à l'unanimité par le Parlement, et elle constitue un véritable atout pour les régions littorales.

Je reconnais, monsieur le rapporteur, que la gestion du littoral pose des problèmes mais, comme l'a souligné Hervé Gaymard hier, ces difficultés relèvent toutes du champ réglementaire. Ainsi, un décret élaboré par le gouvernement précédent a de fait, avec sans doute les meilleures intentions du monde, mis en péril les activités ostréicoles situées en bord de mer, ce qui, vous serez d'accord avec moi, confine à l'absurde. Je signerai d'ailleurs dans les jours à venir un nouveau décret pour régler le problème. En outre, le développement d'outils au service d'une gestion intégrée des zones côtières sera au cœur du prochain comité interministériel de la mer en février.

J'insiste donc, monsieur le rapporteur, pour que vous retiriez cet amendement, car il porte en lui des germes de destruction d'un texte auquel nous sommes tous très attachés et qu'il convient de ne toucher qu'avec beaucoup de prudence, et pas au détour d'un amendement qui n'a pas été suffisamment concerté avec tous les acteurs locaux de la gestion du littoral.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Yves Coussain, rapporteur. J'en conviens, madame la ministre, mais c'est un amendement de la commission. A titre personnel, je ne le voterai pas mais je ne peux pas le retirer.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Patrick Ollier, président de la commission. Je soutiens tout à fait le Gouvernement.

Lorsque la commission s'est réunie au titre de l'article 88, nous avons étudié près de 400 amendements en un peu plus d'une heure et certains ont été adoptés dans un enthousiasme de circonstance qui n'a pas permis d'examiner à fond toutes leurs conséquences. Très franchement, il ne serait pas opportun d'adopter un tel amendement sans qu'il y ait eu un réel débat.

S'agissant de la montagne, nous avons ouvert le débat, créé une mission d'information, nous en avons tiré les conséquences, et le Gouvernement a accepté un certain nombre d'amendements, dont nous avons discuté avec M. Gaymard, pour assouplir la gestion des territoires de montagne.

Sur le littoral, une mission d'information, présidée par M. Deprez, doit rendre ses conclusions dans un mois à peine. Attendons pour en discuter avec le Gouvernement, et, de grâce, ne votons pas un tel amendement au détour de ce texte sans en avoir sérieusement débattu ensemble.

Très sincèrement, je crois, madame la ministre, que votre position mérite d'être soutenue. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 271.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Puisque nous arrivons à la fin du volet concernant les zones humides, je voulais tous vous remercier pour l'ambiance dans laquelle ces discussions se sont déroulées. Il est vrai que les zones humides sont un élément tout particulier de notre patrimoine naturel et qu'elles méritaient bien un débat sans polémiques. J'ai senti que chacun ici portait une part de son territoire, Mme Perrin-Gaillard le marais poitevin, ou Jean Lassalle, le basquo-béarnais, sa vallée d'Aspe. Je remercie tout particulièrement M. Léonard et M. Priou, qui ont étroitement participé à l'élaboration de ce texte, qui est en grande partie le leur, pour le travail très approfondi qu'ils ont fourni. Je remercie bien sûr le président de la commission pour son appui. Il est venu plusieurs fois au secours du Gouvernement avec la conviction qu'on lui connaît. Je remercie enfin le rapporteur, qui a été très coopératif. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Avant l'article 54

M. le président. Nous abordons maintenant le chapitre IV, qui contient des dispositions relatives à la chasse.

La parole est à M. Jean-Claude Lemoine, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour les dispositions relatives à la chasse.

M. Jean-Claude Lemoine, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour les dispositions relatives à la chasse. Avant que nous n'abordions ce volet sur la chasse, madame la ministre, il me paraît utile de rappeler que, grâce à la loi de juillet dernier, les chasseurs et les paysans dans leur ensemble, ont repris confiance. Vous les avez responsabilisés. Vous avez effacé les humiliations qu'ils avaient subies...

M. François Brottes. Caricature !

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Pourquoi dites-vous cela ?

M. Jean-Claude Lemoine, rapporteur. ...et, contrairement à ce que l'on peut entendre dans la bouche d'une infime minorité, vous avez dépolitisé ce dossier. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. François Brottes. Au contraire !

M. Jean-Claude Lemoine, rapporteur. Cette première étape, comme vous l'aviez dit alors, était insuffisante pour résoudre tous les problèmes et reconstruire durablement une chasse apaisée dans un environnement et un climat satisfaisants pour tous les utilisateurs de nos campagnes, ceux qui y travaillent et ceux qui les fréquentent pour leurs loisirs ou leur plaisir.

Pour ce faire, il fallait mettre en place de nombreuses et nouvelles dispositions intégrant l'évolution de notre société, les nouvelles aspirations de tous nos concitoyens, l'état de conservation de la faune et de la flore, aujourd'hui tellement différent de celui des décennies précédentes, pour permettre non pas un partage de l'espace, mais une cohabitation harmonieuse de tous.

C'est ce que vous nous proposez dans votre texte.

Certes, quelques-unes de vos propositions sont encore source d'inquiétudes pour certains. C'est normal, chat échaudé craint l'eau froide. Mais je suis sûr, après avoir bien analysé avec mes collègues de la commission ou du groupe chasse les différents articles, que, grâce à leur bien-fondé, une grande confiance effacera dans l'esprit de tous ce qui peut persister de méfiance.

Votre projet réorganise la chasse : il prend en compte les intérêts économiques agricoles et forestiers ainsi que la préservation et la gestion de la faune et de la flore ; il construit un équilibre agro-sylvo-cynégétique aujourd'hui rompu, et il le fait grâce aux orientations régionales de gestion de la faune et des habitats, dont la mise en place prouvera l'intérêt, et grâce aux plans de chasse, aux plans de gestion et aux règles d'agrainage par exemple ; il clarifie et simplifie la pratique cynégétique, pour éviter toutes les sources de conflits ; il dote, comme vous l'aviez promis, la chasse d'un office aux missions techniques, scientifiques et de promotion affirmées, dont le financement sera assuré par les redevances cynégétiques certes, mais aussi par l'Etat pour la totalité des missions régaliennes assurées par cet établissement ; il encadre la police de la chasse, grâce à une garderie formée et gérée par l'office et sous l'autorité du préfet dans chaque département, ce qui était souhaité par tous.

Au cours des semaines passées, à la demande et sous l'autorité du président Ollier, qui s'est beaucoup impliqué dans ce dossier, nous avons auditionné tous ceux qui, de près ou de loin, sont concernés par la pratique cynégétique : les représentants des associations de chasseurs, bien évidemment, mais aussi les agriculteurs, les forestiers, les représentants de ceux qui fréquentent la nature pour leurs loisirs et ceux qui vivent de la chasse. Nous les avons écoutés et nous avons pris en compte leurs observations. Comme eux, dans leur grande majorité, je pense que cette loi, complémentaire de celle de juillet dernier, permettra de construire une chasse durable pour le XXIe siècle, garante de la biodiversité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous allons commencer l'examen des différents amendements portant articles additionnels avant l'article 54, sachant que je suspendrai la séance à dix-huit heures trente pour que s'engage ensuite le débat sur les textes concernant la Polynésie française.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Une question de procédure, monsieur le président. Le rapporteur vient de faire une déclaration préalable. Les différents groupes sont-ils autorisés à faire de même avant que nous n'attaquions l'examen des amendements ?

M. le président. Monsieur de Courson, il n'est pas prévu de débat général sur ce volet du texte.

M. François Brottes. Le rapporteur a été très polémique !

M. le président. Il y a toute une série d'amendements portant articles additionnels avant l'article 54. Le plus simple, c'est que le débat s'engage sur l'article 54, sur lequel je vais d'ores et déjà vous inscrire.


Je suis saisi d'un amendement n° 10.

Sur cet amendement, M. de Courson a présenté un sous-amendement n° 1353.

La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l'amendement n° 10.

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. L'amendement n° 10 tend à permettre à l'Office national de la chasse et de la faune sauvage de se porter partie civile lorsqu'il subit un préjudice direct ou indirect par rapport aux intérêts qu'il défend en matière de chasse et de protection de la nature.

C'est le cas par exemple lorsqu'il réalise une étude sur un territoire, situé hors d'une réserve, et qu'une tierce personne met en péril ce travail.

De nombreux établissements ont déjà cette possibilité. C'est le cas par exemple de la Caisse nationale des monuments historiques et des sites, dont le nom a changé et est devenu le Centre des monuments nationaux. Ne soyez donc pas étonnés de voir le Centre des monuments nationaux mentionné ici : cet amendement nous donne l'occasion de toiletter son appellation.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir le sous-amendement n° 1353.

M. Charles de Courson. Ce sous-amendement a pour objet de préciser que la possibilité pour l'ONCFS de se porter partie civile est strictement limitée aux intérêts qu'il défend, conformément aux missions qui lui sont attribuées par l'article L. 421-1 du code de l'environnement.

Ce sous-amendement me donne l'occasion d'interroger le Gouvernement. Quelle disposition interdit aujourd'hui à l'Office national de chasse de se porter partie civile ?

Je souhaiterais que l'on précise que cela s'inscrit dans le cadre de ses missions qui sont fixées à l'article L 421-1 du code de l'environnement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement du Gouvernement et sur le sous-amendement de M. de Courson ?

M. Jean-Claude Lemoine, rapporteur. La commission a repoussé le sous-amendement n° 1353, considérant que l'amendement n° 10 du Gouvernement restreint déjà la possibilité pour l'Office de se porter partie civile pour les seuls faits qui portent préjudice aux intérêts qu'il défend. Le sous-amendement de M. de Courson, parfaitement bien rédigé, paraît donc inutile car il n'y a pas lieu de craindre que l'Office déborde de son champ de compétences.

La commission est bien entendu favorable à l'amendement du Gouvernement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 1353 ?

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Je suis défavorable au sous-amendement de M. de Courson. Il ajoute une précision qui va de soi et qui est déjà comprise dans l'amendement du Gouvernement.

De surcroît, ce sous-amendement a quelque chose de vexatoire envers l'Office national de la chasse puisqu'il le singularise parmi les autres organismes visés à l'article L.132-1 du code de l'environnement.

Votre crainte que l'Office national de la chasse déborde de ses prérogatives est déjà parfaitement prise en compte par l'amendement du Gouvernement

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Si Mme la ministre estime que mon sous-amendement est satisfait par le texte de son amendement,...

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Tout à fait.

M. Charles de Courson. ... je suis prêt à le retirer.

Toutefois, en l'état actuel des textes, qu'est-ce qui empêche l'Office d'intervenir devant une autorité de justice ? Quelle est la réelle portée de l'amendement gouvernemental ? Si le Gouvernement a déposé un amendement, c'est qu'il y a un problème. Certains ont dû probablement dire que l'Office ne pouvait, dans tel ou tel domaine, se porter partie civile. Pourquoi avons-nous besoin de cet amendement  ?

M. Patrice Martin-Lalande. Bonne question !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Ce qui empêche l'Office de se porter partie civile, c'est que les établissements qui le peuvent sont définis, à l'article L. 132-1, par une liste exhaustive : il convient donc de l'y ajouter.

M. le président. Monsieur de Courson, cette réponse vous satisfait-elle ?

M. Charles de Courson. Pas tout à fait, monsieur le président. L'Office national de la chasse est un établissement public.

M. Patrice Martin-Lalande. Il a la personnalité juridique.

M. Charles de Courson. Absolument. Il est tenu à la règle dite de la spécialité, c'est-à-dire qu'il ne peut intervenir que dans son champ. Je persiste à ne pas bien voir ce qu'apporte l'adjonction de l'amendement par rapport à l'état actuel du droit.

Quelle est la portée de l'amendement gouvernemental ? Y a-t-il eu des contentieux interdisant telle ou telle action à l'Office ?

M. Patrice Martin-Lalande. Et si oui, pourquoi ?

M. Charles de Courson. Tout à fait !

M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Ce débat est intéressant. L'ONCFS est un établissement public. Tout ce qu'il peut faire devant les tribunaux est recevable s'il a intérêt à agir. C'est le droit commun. La remarque de M. de Courson nous semble justifiée.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. L'Office a voulu le faire et cette possibilité lui a été refusée sur la base des textes en vigueur. Nous avons donc voulu lever cette impossibilité.

M. le président. Cette fois-ci, la réponse de Mme la ministre vous satisfait-elle, monsieur de Courson ?

M. Charles de Courson. L'amendement gouvernemental doit être interprété au vu des explications données par le Gouvernement. En cas de contentieux, c'est sa parole et l'approbation du Parlement qui vaudront.

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Tout à fait.

M. Charles de Courson. Dans ces conditions, je retire mon sous-amendement. Je reste néanmoins interrogatif car je ne mesure pas très bien quels sont les cas visés par Mme la ministre qui empêchent actuellement l'Office de se porter partie civile.

M. le président. Monsieur de Courson, le problème porte moins sur votre sous-amendement, qui est retiré, que sur l'interprétation que vous faites de l'amendement du Gouvernement. Je pense que cette question ne manquera pas de se clarifier.

Le sous-amendement n° 1353 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 10.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1220.

La parole est à M. Charles de Courson pour le soutenir.

M. Charles de Courson. Cet amendement a pour objet de conforter la place qu'occupe la chasse dans la France rurale et de gommer l'approche négative qui avait été choisie dans la loi sur la chasse du 26 juillet 2000, dite « loi Voynet ».

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Arrêtez !

M. François Brottes. Caricature !

M. Charles de Courson. La chasse ne s'exerce pas en contrepartie de quoi que ce soit. Elle contribue, et c'est un fait acquis, à la sauvegarde de la biodiversité.

Le groupe UDF ne considère pas la chasse comme un élément extérieur à la protection de l'environnement : elle s'y intègre. Sans les chasseurs et leurs fédérations on assisterait à un effondrement de la biodiversité de la faune.

C'est la raison pour laquelle nous proposons donc de remplacer, dans l'article L. 420-1 du code de l'environnement, la dernière phrase du dernier alinéa par les deux phrases suivantes : « Par leurs prélèvements raisonnés sur les espèces dont la chasse est autorisée, les chasseurs contribuent à la gestion équilibrée des écosystèmes ainsi qu'au maintien de la biodiversité. Ils participent de ce fait au développement des activités économiques et écologiques dans les milieux naturels, notamment dans les territoires à caractère rural ».

M. Philippe Folliot. Très juste. Il a raison !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Claude Lemoine, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement. (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Nous comprenons bien - M. de Courson l'a d'ailleurs parfaitement expliqué - la nécessité de réhabiliter la chasse, et tout ce qui y contribue est une bonne chose.

En revanche, cet amendement supprime la notion de contrepartie, pourtant justifiée par le fait que le gibier n'appartient à personne. C'est en contrepartie de prélèvements raisonnés que les chasseurs doivent contribuer à la gestion équilibrée des écosystèmes.

Nous avons peur que l'acceptation d'un tel amendement ne contribue pas à un climat apaisé. C'est la raison pour laquelle nous l'avons repoussé.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard et M. Jean-Paul Chanteguet. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Cet amendement est une pétition de principe, qui pose des concepts importants dont je partage globalement l'analyse. Il reconnaît le rôle de la chasse dans la gestion des espèces et des habitats lorsqu'elle est pratiquée de manière raisonnée, selon une conception de la chasse durable et dans des conditions de respect des populations.

Cet amendement n'apporte rien à la rédaction actuelle. Il n'a aucune portée législative - sauf sur un point, et ici je rejoins l'analyse du rapporteur : le chasseur s'approprie le gibier qui, par nature, est res nullius, il n'est la propriété de personne.

La notion de contrepartie, évoquée dans l'exposé des motifs, a donc un sens et se traduit concrètement par les efforts que font les chasseurs pour aménager les territoires et gérer la faune.

Je suis donc défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. L'amendement de M. de Courson est très bon. Il pose des principes de fond sur la place des chasseurs comme acteurs positifs et particulièrement bien impliqués dans la défense de l'environnement et dans la préservation de la biodiversité à laquelle nous sommes tous ici attachés.

Adresser un signal positif à l'ensemble des acteurs de la chasse ne peut qu'aller dans le bon sens, d'autant qu'il s'agit d'un loisir éminemment populaire.

M. Jean Dionis du Séjour. Très bien !

M. Philippe Folliot. S'engager, par le biais du vote de cet amendement, permettra de pacifier ce qui mérite de l'être dans l'approche de cette question complexe de la chasse.

On ne peut que soutenir l'excellente proposition de notre éminent collègue Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je demande la parole.

M. le président. Monsieur de Courson, vous n'allez pas ajouter au plaidoyer de M. Folliot !

M. Charles de Courson. Si, monsieur le président !

M. le président. Vous avez la parole, monsieur de Courson.

M. Charles de Courson. Je rappelle que l'amendement ne supprime pas l'avant-dernière phrase du dernier alinéa de l'article L. 420-1, qui prévoit que : « En contrepartie de prélèvements raisonnés sur les espèces dont la chasse est autorisée, les chasseurs doivent contribuer à la gestion équilibrée des écosystèmes. »

Mon amendement se substitue à la dernière phrase qui avait fait l'objet, je vous le rappelle, de débats passionnés lors du vote de la loi dite « loi Voynet ». Je cite cette phrase : « La chasse s'exerce dans des conditions compatibles avec les usages non appropriatifs de la nature, dans le respect du droit de propriété. » C'est ce que l'on appelle dire dans la même phrase, tout et son contraire ! Avec M. Martin Lalande, M. Lemoine - le rapporteur - et beaucoup d'autres ici présents, j'avais ferraillé contre cette phrase. Bref, quand il y aura des contentieux le juge ne saura plus s'il doit appliquer les usages non appropriatifs de la nature ou le respect du droit de propriété !

M. Jean Dionis du Séjour. Le rapporteur doit nous rejoindre !

M. le président. M. le rapporteur est maître de ses positions.

La parole est à M. le président de la commission.


M. Patrick Ollier
,
président de la commission. Ce débat est très important, et il faut qu'il ait lieu. Nous sommes un certain nombre, ici, à soutenir que la chasse fait partie de notre culture et de nos traditions. C'est particulièrement le cas de ceux d'entre nous qui sont issus de territoires ruraux, qui y ont vécu et qui, par héritage familial et par passion, aiment vivre ces moments particuliers de communion avec la nature que leur offre la pratique de la chasse.

Cette tradition, cette culture, cette passion, doit aujourd'hui s'inscrire lisiblement dans la loi. Il ne faudrait pas que, dans une société où 20 % de la population vit sur 80 % du territoire, on puisse croire que, pour les chasseurs, cette passion exclut toute autre responsabilité. La chasse est parfois mal interprétée, et certains, dans notre pays, n'acceptent pas qu'elle existe. Nous essayons de leur expliquer - étant chasseur, je parle en connaissance de cause - que, pour nous, vivre notre passion ne revient pas à agresser la nature, mais, au contraire, à participer à une gestion équilibrée de l'écosystème.

C'est ce qui donne toute son importance à la mention, dans la loi, d'une contrepartie qui permette aux chasseurs de fonder, comme ils en ont la volonté, l'acte de chasse sur une telle contribution. En voulant la supprimer, le débat a toutes les chances de se retourner contre la chasse et les chasseurs, et d'aboutir, donc, à l'effet inverse de celui qui est recherché.

Monsieur Folliot, nous vivons la même passion, avec le même sentiment - là n'est pas la question. Je soutiens résolument la position du Gouvernement et, on le sait, j'œuvre depuis des années pour que la chasse soit reconnue pour ce qu'elle est. Certains voudraient nous imposer leurs oukases et nous interdire une pratique culturelle qui nous est chère.

M. Philippe Folliot. Très juste !

M. Patrick Ollier, président de la commission. Si vous voulez, chers collègues, que nous ayons des arguments pour continuer à défendre la chasse, ne touchez pas le texte existant, et ne remettez pas en cause le juste équilibre qu'il propose. Aucun chasseur, en effet, ne refuse cette contribution à la gestion équilibrée des écosystèmes.

Il ne faut pas voter cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Je suspecte une confusion : l'article L. 420-1 ayant été remanié récemment, la dernière phrase de l'article, relative aux usages non appropriatifs et au respect du droit de propriété, a été supprimée. Or, c'est celle que les auteurs de l'amendement veulent remplacer. (« Voilà ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Je propose une rédaction qui me semble offrir un terrain d'entente entre la position du Gouvernement et celle qu'exprime l'amendement de M. de Courson. La première phrase de l'amendement serait supprimée et la dernière, qui me paraît excellente, serait conservée : « Ils participent, de ce fait, au développement des activités économiques et écologiques dans les milieux naturels, notamment dans les territoires à caractère rural ».

M. le président. Je viens d'être saisi par le Gouvernement d'un sous-amendement, n° 1532, qui tend à substituer au premier alinéa et à la première phrase du dernier alinéa de l'amendement n° 1220 la phrase suivante : « Le dernier alinéa de l'article L. 420-1 du Code de l'environnement est complété par une phrase ainsi rédigée : ».

Monsieur de Courson, que pensez-vous de cette proposition ?

M. Charles de Courson. Je suis d'accord. Pour être précis, il s'agit donc de compléter le dernier alinéa de l'article L. 420-1 du code de l'environnement par la deuxième phrase de mon amendement.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. J'ai été très sensible à l'argumentation de M. le président de la commission. La disposition proposée ajoute, en effet, une sécurité juridique à la rédaction de la première phrase telle qu'elle résultait de notre premier débat.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement ?

M. Patrick Ollier, président de la commission. Madame la ministre, je suis très sensible à votre sens de la conciliation. Ajouter cette phrase à celle que j'ai défendue, et qui me paraît essentielle, revient à souligner la contrepartie que représente la contribution des chasseurs à la gestion équilibrée des écosystèmes, ce qui n'offre, à mes yeux, que des avantages.

Le rapporteur se joint à moi pour donner un avis favorable de la commission.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 1532.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1220, modifié par le sous-amendement n° 1532.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.


Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures trente-cinq, est reprise à dix-huit heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Éric Raoult.)

PRÉSIDENCE DE M. Éric Raoult,

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

2

STATUT D'AUTONOMIE DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE

Transmission et discussion des textes de la commission mixte paritaire

M. le président. M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre les lettres suivantes :

            « Paris, le 22 janvier 2004.

« Monsieur le président,

« Conformément aux dispositions de l'article 45, alinéa 3, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous demander de soumettre à l'Assemblée nationale, pour approbation, le texte proposé par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique portant statut d'autonomie de la Polynésie française.

« Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »

            « Paris, le 22 janvier 2004

« Monsieur le président,

« Conformément aux dispositions de l'article 45, alinéa 3, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous demander de soumettre à l'Assemblée nationale, pour approbation, le texte proposé par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française.

« Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion de ces deux textes, qui, conformément à la décision de la conférence des présidents, vont donner lieu à une discussion générale commune (n°s 1373, 1 374).

La parole est à M. le rapporteur de la commission mixte paritaire.

M. Jérôme Bignon, rapporteur de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame la ministre de l'outre-mer, mes chers collègues, je vais vous rendre compte, dans le laps de temps qui m'est imparti, des travaux de la commission mixte paritaire.

Elle s'est réunie dans notre assemblée et a été présidée, avec toute l'autorité nécessaire, par M. Pascal Clément. Nous sommes parvenus à un résultat satisfaisant, après le travail qu'avait déjà accompli le Sénat et que nous avions utilement complété. Sur les 198 articles du projet de loi organique, les deux tiers avaient été adoptés sans modification et, sur les vingt-six articles du projet de loi ordinaire, quinze étaient conformes.

La commission mixte paritaire a examiné quatre-vingts amendements adoptés par l'Assemblée nationale. Nos collègues sénateurs ont bien voulu considérer qu'une quarantaine d'entre eux n'ayant qu'une fonction de coordination ou une portée purement rédactionnelle, il n'y avait pas lieu d'en débattre davantage, tandis qu'une grande partie des autres apportaient aux textes des compléments opportuns et conformes aux options prises par le Sénat.

La discussion en CMP a donc essentiellement porté sur le niveau du seuil électoral ouvrant l'accès à la représentation au sein de l'assemblée locale. Chacun se souvient que la réforme électorale proposée par le statut prévoit une élection à un tour avec une prime majoritaire, et un seuil initialement fixé à 10 % des électeurs inscrits, rapporté par un amendement à 5 % - un pas qui allait déjà dans la bonne direction. Lors des travaux de la CMP, le sénateur-président Gaston Flosse a proposé de l'abaisser encore, et nous sommes arrivés, après un débat intéressant et assez technique, à la conclusion que, conformément à l'esprit d'ouverture qui doit caractériser ce type de scrutin, et dès lors que la prime majoritaire assure la stabilité gouvernementale à la Polynésie, un seuil de 3 % permettrait à toutes les formations politiques existantes de participer à la répartition des sièges. C'est ce qui caractérise le bon équilibre d'un scrutin proportionnel : assurer à la fois la stabilité de la majorité et la représentation de la minorité. Nous avons donc bien œuvré en adoptant le seuil de 3 % des suffrages exprimés.

M. René Dosière. Et vous avez évité la censure du Conseil constitutionnel !

M. Jérôme Bignon, rapporteur. Il y a eu un débat entre les partisans de la suppression de tout seuil et ceux favorables au maintien des 5 %. Mais le doyen Gélard, notre collègue constitutionnaliste du Sénat, a souligné que l'existence d'un seuil était conforme à la tradition constitutionnelle française. J'ai rappelé à nos collègues socialistes qu'un seuil de 3 % avait été prévu dans une réforme proposée sous la précédente législature, et qu'en conséquence le texte devenait ainsi équilibré en matière électorale.

M. René Dosière. Vous pourriez même préciser que j'avais été le rapporteur de ce projet de réforme !

M. Pierre Lang. Toujours modeste !

M. le président. Monsieur Dosière, n'interrompez pas M. le rapporteur pour rappeler vos travaux passés. Vous aurez tout à l'heure trente minutes pour y revenir.

Poursuivez, monsieur le rapporteur.

M. Jérôme Bignon, rapporteur. C'est ainsi que la commission mixte paritaire a adopté ces deux textes. Je ne rentrerai pas davantage dans le détail, car les autres modifications intervenues sont mineures et techniques, Seul ce changement du seuil électoral me paraissait digne d'être signalé, car il renforce la capacité des groupes politiques à être représentés.

En conclusion, je tiens à souligner solennellement que nous sommes en train de vivre une période importante pour la Polynésie, qui a commencé en mars 2003, quand la réforme constitutionnelle voulue par le Président de la République, mise en œuvre par le Gouvernement et adoptée par le Parlement, a permis de doter la Polynésie française d'un statut d'autonomie tenant compte, conformément à l'article 74 de la Constitution, de ses intérêts propres au sein de la République. C'est assurément un acte de confiance que nous inscrivons aujourd'hui dans notre droit positif, car cette autonomie renforcée va assurer un nouvel élan au développement économique. Que ce soit à l'occasion du budget ou lors de l'examen de ces textes, nous avons longuement parlé des capacités formidables de la Polynésie et de sa volonté d'inscrire son développement social et son identité culturelle dans un développement économique fort qui lui assure une vraie autonomie. L'autonomie juridique et institutionnelle n'aurait pas de sens sans une autonomie économique importante qui lui permette de subsister par elle-même et de dépendre le moins possible des forces économiques de la République. Cette autonomie renforcée va donner un nouvel élan au tourisme, à la perliculture, à la pêche et à l'agriculture.

Ce sont les axes que vous avez choisis, amis polynésiens. Ils sont porteurs de beaucoup d'espoir pour votre territoire. Vous allez être dotés de nouveaux outils : les lois du pays, prévues à l'article 139 de la loi organique ; les compétences partagées, qui constituent une innovation extrêmement intéressante car vous pourrez travailler en partenariat avec l'Etat sur un certain nombre de compétences régaliennes ; la mise en œuvre, tant attendue chez vous, de ce nouveau concept de discrimination positive, que ce soit pour régler les problèmes fonciers ou les difficultés d'accès au travail des Polynésiens, dans des conditions qui donnent à vos jeunes l'espoir de vivre décemment au pays. Les nouvelles compétences transférées sont particulièrement renforcées en matière internationale. Tout cela constitue l'acte de confiance qui permettra, j'en suis convaincu, de garantir à la Polynésie son maintien au sein de la République, dans le cadre d'une relation renouvelée et renforcée, fondée sur cette autonomie très marquée et sur le maintien de ce lien si fort qui unit votre archipel à la France métropolitaine depuis tant d'années.

C'est pourquoi la commission mixte paritaire vous demande, mes chers collègues, d'adopter les textes qui vous sont soumis. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'outre-mer.

Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, je ne reviendrai que brièvement sur l'excellent travail réalisé par la commission mixte paritaire. Il a permis d'aboutir à une rédaction commune pour les articles qui n'avaient pas été votés dans les mêmes termes par le Sénat et par l'Assemblée nationale.

Le Gouvernement se rallie très volontiers aux textes issus des travaux de la CMP et les soumet à votre approbation.

S'agissant du mode de scrutin applicable aux élections à l'assemblée de la Polynésie française, les travaux de la commission mixte paritaire permettent de concilier tout à la fois l'exigence de pluralisme, la nécessité de constituer une majorité de gouvernement et la représentation équilibrée des différents archipels. Par cohérence avec les nouvelles modalités retenues par la CMP pour l'admission à la répartition des sièges à l'assemblée de la Polynésie française, il convient d'ouvrir le remboursement des frais de propagande et des dépenses de campagne électorale aux listes ayant obtenu au moins 3 % des suffrages exprimés. En effet, le seuil retenu pour le remboursement de ces frais ne doit pas être supérieur au seuil des suffrages exprimés requis pour l'admission à la répartition des sièges, sauf à encourir un risque d'inconstitutionnalité pour rupture du principe d'égalité entre les candidats proclamés élus. Je vous informe donc que le Gouvernement présentera un amendement en ce sens au projet de loi ordinaire. Il s'agit d'une simple mesure de coordination.

Le projet de loi organique portant statut de la Polynésie française et le projet de loi ordinaire la complétant, qui vous sont soumis aujourd'hui pour adoption définitive, résultent d'un important travail accompli par le Parlement. Ils sont la première traduction effective du principe d'autonomie consacré par l'article 74 de la Constitution, en application de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003. Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire devant vous, ces deux textes constituent un bon compromis entre un très large accroissement des compétences locales et la préservation des attributions de l'Etat. Ils concilient parfaitement les libertés locales et l'Etat de droit, dans le cadre d'un statut rénové qui s'inscrit dans le respect des principes de la République.

C'est pourquoi le Gouvernement vous demande d'adopter les conclusions de la commission mixte paritaire, sous réserve de l'amendement que je vais vous présenter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Exception d'irrecevabilité

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement, sur le projet de loi organique portant statut d'autonomie de la Polynésie française.

La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière. Monsieur le président, madame la ministre de l'outre mer, mes chers collègues, ainsi donc la page se tourne et, pour l'opinion métropolitaine, la Polynésie va retourner dans le silence. C'est d'autant plus regrettable que l'un des problèmes de cet archipel est que la métropole ne s'intéresse guère à ce territoire magnifique, lointain et utile. Toutefois, pour que la représentation nationale s'intéresse à la Polynésie, encore faudrait-il lui en fournir l'occasion.


Et je dois dire que ce n'est pas la comédie qui se termine ce soir qui est susceptible de favoriser cet intérêt de la représentation nationale.

Je relève que ni le Sénat ni l'Assemblée nationale n'ont été en mesure de procéder à un examen approfondi de ce texte. Le rapport du Sénat est une paraphrase du projet de loi - dans le passé, M. Lanier nous a maintes fois transmis des documents plus fournis que celui-ci. Quant au rapport de l'Assemblée nationale, il n'est que la paraphrase du texte qui nous vient du Sénat. Dans un cas comme dans l'autre, cette situation n'est pas étonnante, étant donné le temps dont les rapporteurs et leurs collaborateurs ont disposé pour rédiger ces rapports.

Je relève également que le texte a été modifié au Sénat sur des points sensibles, par des amendements déposés en séance par le sénateur Flosse. Ce fut notamment le cas sur le mode de scrutin, sur le référendum local, sur le contournement, le dessaisissement du tribunal administratif. Je note d'ailleurs que ces amendements ont aussitôt été acceptés par le Gouvernement. Ils ne vous ont donc pas surprise, madame la ministre. C'est sans doute qu'ils avaient été rédigés en commun. J'ai été dans la majorité, et je sais comment on pratique dans ces cas-là.

S'agissant de ces amendements, qui sont quelquefois importants, on peut se demander si le Gouvernement n'a pas trouvé là l'occasion de contourner l'avis du Conseil d'Etat, dont on sait qu'il lui a créé quelques problèmes en d'autres occasions. L'avis de la collectivité territoriale a également été contourné au passage. Je relève d'ailleurs que votre projet initial comportait un article - je crois que c'était l'article 9 - prévoyant que les amendements déposés au Parlement devaient être soumis au préalable à l'assemblée territoriale. Entre nous, cette disposition aberrante, et d'ailleurs anticonstitutionnelle, aurait au moins eu le mérite d'empêcher que des amendements aussi importants puissent être déposés en séance.

Quant aux dispositions que nous avons adoptées en première lecture - qui aura été pratiquement une lecture unique, puisque vous avez déclaré l'urgence, une urgence dont on se demande toujours quelle est la signification -, elles montrent que l'Assemblée a quasiment ratifié le texte du Sénat, à l'exception de quelques virgules et de quelques modifications d'ordre rédactionnel.

Enfin, en commission mixte paritaire, on a vu le sénateur Flosse, qui avait essayé de museler son opposition par les amendements qu'il avait déposés, découvrir qu'il fallait désormais permettre à l'opposition d'être représentée sans aucun seuil. Il est vrai que c'est la sagesse qui l'a conduit à accepter ce dispositif, car on peut penser que la censure du Conseil constitutionnel aurait joué sur ce point. Mais enfin, tout cela montre bien à quelle comédie l'examen de ce texte nous a valu d'assister.

Que penser de ce texte ? A mon avis, il est inefficace du point de vue de l'autonomie, il est dangereux pour les libertés publiques et il est inquiétant pour l'avenir de la Polynésie.

L'autonomie, dont il faut rappeler encore une fois que ce sont les socialistes qui l'ont mise en place pour la première fois en 1984, est non seulement nécessaire, mais également indispensable pour gérer un territoire aussi éloigné, géographiquement et culturellement, de l'Hexagone. Alors, que l'on cesse de nous faire le procès qui consiste à nous dire que nous proposons ce que nous proposons parce que nous sommes contre l'autonomie et que nous voulons museler le gouvernement local. Absolument pas ! Toute notre pratique, toute notre histoire, s'agissant des rapports entre la France et l'outre-mer, démontre le contraire.

A cet égard, il n'est pas mauvais de relire ce très beau texte de Georges Lemoine, l'auteur du statut de 1984 : « J'étais allé dans un atoll qui avait beaucoup souffert, raconte-t-il, et j'avais été accueilli par une classe qui, selon la tradition, chantait La Marseillaise. Et les enfants chantaient à tout moment : "Qu'un sang impur abreuve l'océan", au lieu de "abreuve nos sillons". Alors, j'ai bien écouté, poursuit-il, je suis allé voir, à la fin, l'institutrice. Et elle m'a dit : "Oui, ici, ce n'est pas la peine de parler de sillons. Il n'y a pas de charrue et les enfants ne savent pas ce que c'est qu'un sillon." Ce qui compte, conclut-il, c'est que nous ayons la même musique, mais les paroles, il faut les adapter à la réalité. La spécificité, c'est ça. »

Il faut également souligner que cette autonomie se situe dans la logique de la décentralisation républicaine des années 1982-1986. C'est une notion qui, dès 1988, a été approfondie - et de quelle manière ! - en Nouvelle-Calédonie par Michel Rocard, ce qui n'est pas étonnant quand on connaît son parcours, puis par Lionel Jospin en 1998. Là, nous avons eu une véritable révolution juridique et constitutionnelle, qui, jusqu'à présent, n'a pas été appliquée en Polynésie malgré la tentative de 1999, une tentative que vous m'avez reprochée hier, madame la ministre, lors des questions au Gouvernement, mais dont il faut rappeler que tous vos amis politiques - à l'exception de trois sénateurs - s'y étaient associés en votant le texte qui leur était soumis. Ils étaient donc à l'époque parfaitement d'accord pour dire qu'il fallait aller plus loin en matière d'autonomie. C'est la raison pour laquelle j'ai parlé de bricolage juridico-administratif à propos du présent texte, car il se refuse à aller jusqu'à l'autonomie politique, qui est la véritable issue qu'il faut proposer à la Polynésie au sein de la République. Elle ne doit pas être handicapée par le statut de collectivité territoriale, qui ne lui convient pas.

C'est pourquoi nous ne sommes pas hostiles à ce que, dans le cadre de l'autonomie, le gouvernement local et l'assemblée locale disposent de pouvoirs importants. Mais si le texte qui va être voté les leur accorde, il ne fait pas une place suffisante à la prévention des excès de pouvoir et ne garantit pas une saine pratique de la vie démocratique, laquelle exige des contre-pouvoirs.

A cet égard, qu'il me soit permis de citer les propos d'un ancien haut-commissaire, qui a laissé, je crois, un bon souvenir en Polynésie. Il s'agit de Paul Roncière. Au moment de son départ - il vaut mieux dire certaines choses au moment où l'on part -, il a accordé une interview au magazine TAHITI-Pacifique, un magazine très intéressant. Le rédacteur lui pose la question suivante : « Pacte de développement, pacte de progrès, "manne Chirac", on a parfois l'impression que tout ça est utilisé pour du clientélisme politique. Quelle est votre opinion ? ». Voici la réponse du haut-commissaire Roncière : « Il faut bien voir que les dotations dont bénéficie la Polynésie sont souvent des dotations globales. Du fait de l'autonomie, il appartient aux autorités élues territoriales de les mettre en œuvre. Certains reprochent, et je l'ai entendu, que ces moyens financiers, dont une large part viennent de l'Etat, sont quelque peu détournés d'une utilisation impartiale pour des objectifs qui sont de nature plus politique, voire clientélistes. Alors on nous dit : "les fare MTR sont distribués aux gens qui ont la carte du "parti qui va bien" ; les DIJ, c'est la même chose ; tout cela, c'est à des fins électorales." Je ne veux pas dire, souligne le haut-commissaire, que ces appréciations sont totalement infondées. [...] Nous devons veiller à ce que les objectifs de développement, notamment sur le plan social, soient respectés. Cela signifie que l'Etat, avec le territoire, doit mettre en œuvre une évaluation des politiques publiques et voir quelles sont les dispositions à prendre pour qu'il n'y ait pas une dérive dans l'usage de ces dotations. Et là, c'est déjà plus difficile. Vous savez que les contrôles que l'Etat fait sont des contrôles de nature financière, mais il ne peut aller jusqu'au contrôle d'opportunité. Ce qui m'inquiète le plus, c'est que l'essentiel des moyens soit géré par une seule collectivité, le territoire. Je pense que si les communes étaient beaucoup plus associées qu'elles ne le sont à la gestion et au développement économique et social, nous aurions moins de critiques sur un certain "monopole d'emploi". [...] Là se trouve une des bases de la démocratie. Est-il normal qu'un programme de logements sociaux soit réalisé dans une commune sans que celle-ci, sans que le maire de la commune n'y soit associé ? Est-il normal que certaines mesures pour l'emploi, tels les DIJ, semblent être privilégiées sur tel ou tel secteur de la Polynésie au détriment d'autres secteurs ? Ces questions, conclut le haut-commissaire, méritent d'être posées. »

Eh bien, ce que dit ici le haut-commissaire Roncière résume bien notre conception de la décentralisation républicaine, qui se décline, pour les territoires d'outre-mer, en autonomie politique républicaine. Et si l'autonomie doit consister à engloutir 1,2 milliard d'euros - versés par les contribuables métropolitains - dans une politique d'assistanat et de clientélisme enrichissant certaines familles, alors cette autonomie, que l'on veut nous présenter comme un rempart contre l'indépendance, constituera au contraire un véritable tremplin pour l'indépendance.

Les critiques que nous formulons contre telle ou telle disposition, les propositions que nous faisons pour mieux contrôler l'usage des fonds publics - dont je note que la majorité de notre assemblée les a toutes refusées - ne constituent donc aucunement une mise en cause de l'autonomie, mais de l'usage qui en est fait par certains. Ce ne sont pas des attaques contre la Polynésie ou les Polynésiens, qui nous sont très chers. Ce sont des attaques contre des pratiques qui constituent, oui, autant de dérives de la vie démocratique. Car ce qui est primordial en Polynésie, c'est bien le développement économique, plus que les dispositions statutaires.

II ne faudrait pas, en effet, que les revendications statutaires soient l'occasion de dissimuler les difficultés économiques de la Polynésie, dont beaucoup sont structurelles et appellent des réponses du Gouvernement, lequel dispose - depuis longtemps déjà - des compétences économiques, sociales et fiscales. La première et principale difficulté provient de l'extrême dépendance de la Polynésie à l'égard des transferts financiers de la métropole, qui a induit un type de développement caractérisé par un profond déséquilibre et une atteinte à l'identité polynésienne. Ces transferts - toutes dépenses confondues - s'élèvent, je l'ai dit, à 1,2 milliard d'euros, soit un tiers du PIB. Et je vous signale au passage, monsieur le rapporteur, car cela peut vous intéresser, que cette somme représente, ramenée à l'habitant, 45 % de plus que les dépenses de l'Etat en Picardie, région qui nous est chère à tous les deux.

M. Pascal Clément, président de la commission de la commission mixte paritaire. Hommage rendu au futur président de la région ! (Sourires.)

M. René Dosière. On comprend qu'il en résulte « une consommation de pays développé », comme le titre un récent bulletin de l'Institut statistique de la Polynésie en analysant les divers postes de consommation. Ce type de consommation, je dois le dire, n'est certainement pas le mieux adapté à la société polynésienne car il génère des inégalités fortes et une population d'exclus qui atteint une proportion de l'ordre de 20 %. Un Polynésien sur cinq !

J'ai déjà évoqué les principales inégalités, et je n'y reviens pas, mais voici quand même quelques données. Alors que le salaire moyen mensuel des salariés s'élève à 1 747 euros en 2002, les 1 300 employés dans les services domestiques gagnent cinq fois moins, soit 370 euros ; quant aux 6 000 salariés de l'hôtellerie, leur salaire moyen est de 1 200 euros, c'est-à-dire qu'il est inférieur de 40 % au salaire moyen de la Polynésie. Il est vrai qu'à l'opposé, les 1 500 salariés des banques et assurances gagnent 60 % de plus que le salaire moyen, soit 2 900 euros. Quant aux 15 000 membres de la fonction publique, leur salaire moyen atteint 2 220 euros : il est de 25 % supérieur à la moyenne. Mais dans la fonction publique, certains salaires atteignent des sommets. Ainsi, un directeur de cabinet gagne - salaire et indemnités - 16 000 euros par mois.

Quant aux élus, leur rémunération est sensiblement supérieure au salaire moyen : 7 000 euros mensuels pour un membre de l'assemblée, 8 800 euros pour la présidente, et 9 700 euros pour un ministre. Bien entendu, tous ces chiffres s'entendent hors avantages en nature et indemnités « per diem ». Et ces revenus, faut-il le préciser, ne sont pas soumis à l'impôt sur le revenu, qui n'existe pas en Polynésie puisque le gouvernement local, qui est compétent en matière fiscale depuis des années, en a toujours refusé l'instauration.

L'importance de ces rémunérations s'explique par le fait, unique en France, je tiens à le rappeler même si je l'ai déjà dit hier, que les élus - membres de l'assemblée et du gouvernement - fixent eux-mêmes le niveau de leur rémunération. Nous avons d'ailleurs connu cette situation en métropole, entre 1982 et 1992. A quoi cela a-t-il abouti ? A des progressions de revenus considérables. J'ai eu l'occasion, et j'en suis fier, de contribuer à fixer par la loi un plafond, ainsi qu'une indexation modérée de cette rémunération et sa fiscalisation, dont je sais que les conséquences n'ont pas toujours été accueillies avec un enthousiasme débordant.


Lors de la discussion des articles, j'ai proposé de fixer dans la loi un plafond aux indemnités que perçoivent les élus de la Polynésie. La majorité a refusé, suivant en cela l'avis du Gouvernement. Tout est donc parfaitement clair. En refusant de mettre fin à des pratiques qui ne peuvent que conduire à des dérives financières, vous offrez aux Polynésiens une triste image de la politique, laquelle n'a pas pour finalité l'enrichissement personnel, mais le service de la population. Si les élus eux-mêmes ne cherchent pas à être exemplaires au regard des rémunérations, comment seraient-ils à même de prendre des mesures propres à réduire les inégalités de la société polynésienne ? Au reste, ces inégalités ont-elles tendance à augmenter ou à se réduire ? Nous disposons de peu d'éléments pour répondre à cette question.

Il est une autre inégalité, plus dramatique encore, celle qui sépare ceux qui ont un travail de ceux qui n'en ont pas. D'après les derniers comptes économiques connus, ceux de l'année 2002, on note une croissance forte des demandeurs d'emploi - plus 13 % en une année -, portant leur nombre à 4 300 ! C'est dire que les emplois créés sont en nombre insuffisant.

Qui sont ces chômeurs ? Vraisemblablement des jeunes, dont le nombre devrait pourtant constituer une richesse - la moitié de la population polynésienne a moins de vingt-cinq ans -, et des habitants des îles qui émigrent toujours plus nombreux vers Tahiti, ainsi que l'indique le dernier recensement. Comment s'étonner, dans ces conditions, si Tahiti regroupe 70 % de la population de Polynésie ?

Comment sont scolarisés ces jeunes, avenir de la Polynésie ? On sait que les retards scolaires sont importants, alors que la formation est la clé du développement. La situation a-t-elle tellement changé depuis cette période où notre collègue Guy Allouche, sénateur et bon connaisseur de la Polynésie, déclarait à la tribune du Sénat « Papeete et ses environs connaissent des difficultés énormes de logement, d'emplois, sans oublier, hélas, la progression de la délinquance et de la consommation de drogue » ? Or, tout comme le développement économique, la formation des jeunes est une compétence pleine et entière de la Polynésie, au point d'ailleurs que le texte sur les signes religieux dans les établissements scolaires ne s'y appliquera pas.

Face aux difficultés économiques qui, depuis deux ans, atteignent la Polynésie, nous aimerions disposer d'une explication un peu plus poussée. Tout n'est pas seulement affaire de conjoncture, compte tenu du financement particulier de l'économie polynésienne par la France, financement qui n'a pas diminué durant cette période.

Faut-il rappeler que, depuis longtemps déjà, la politique économique, sociale et fiscale est une compétence de la Polynésie ? L'Etat ne saurait donc être tenu responsable de ce qu'il ne peut faire.

Quelles sont les compétences économiques supplémentaires figurant dans ce texte ? J'en dénombre principalement deux. La première concerne l'ouverture de casinos. Je doute fort que les dérogations figurant à l'article 25 bis de la loi ordinaire et l'ouverture de casinos sur les navires de croisière aient un impact économique. Je crains, en revanche, des conséquences plus négatives en matière financière.

La seconde disposition, qui consiste à permettre au gouvernement local de prendre des participations au capital de toutes les sociétés commerciales, sans autre limite que l'intérêt général, dont la définition lui reviendra, aboutira à fausser la concurrence et la liberté du commerce. Je suis très surpris qu'une majorité, qui se proclame libérale, accepte aussi allègrement la mainmise des capitaux publics sur l'économie de marché sans même fixer quelques règles. Nous sommes là très loin de l'économie mixte, qui associe capitaux publics et privés pour faire fonctionner dans de bonnes conditions des services publics qui doivent supporter parfois de lourdes contraintes.

Avec ce dispositif, on est très loin de l'objectif fondamental du pacte de progrès économique, social et culturel qui consiste à « permettre à la Polynésie d'opérer une mutation profonde de son économie dans le sens d'un meilleur équilibre, d'une moindre dépendance à l'égard des transferts financiers de la métropole et d'un plus grand dynamisme local ».

Au lieu de conforter et de développer, un secteur marchand créateur d'emplois, on fait du secteur public un acteur prépondérant dans l'économie du territoire. Déjà, le budget d'investissement du territoire fait de ce dernier le principal donneur d'ordres aux entreprises. En outre, de nombreux services territoriaux sont devenus des établissements publics industriels et commerciaux, renforçant le contrôle du territoire sur l'économie locale. Je pense à l'OPT - Office des postes et télécommunications et à l'OPH, Office polynésien de l'habitat. Ajoutons-y les sociétés anonymes d'économie mixte d'aménagement, de communication, d'environnement, de pêche, sans oublier les filiales, comme Mana et Vini, qui permettent à l'OPT de s'assurer du monopole de la connexion Internet et des téléphones mobiles. Dans ces conditions, que reste-t-il au secteur privé ? Croyez-vous que c'est ainsi que l'on va inciter les Polynésiens qui ont de l'argent, car l'argent ne manque pas en Polynésie, à investir sur place ? Ce n'est pas en plaçant les capitaux disponibles à l'étranger que l'on incitera les étrangers à investir en Polynésie.

Sans doute, y a-t-il quelques investisseurs, mais rares sont ceux qui s'installent pour la rentabilité de leur projet. Si le nombre d'hôtels a augmenté depuis dix ans, ce n'est pas pour satisfaire une clientèle qui n'augmente pas dans les mêmes proportions, mais pour permettre à de grosses sociétés de payer moins d'impôts en utilisant les possibilités de défiscalisation offertes par la réglementation nationale et par le code local des investissements.

Les monopoles locaux ont remplacé les monopoles anciens de l'Etat, ce qui permet de maintenir des prix élevés, notamment en matière de communications.

Alors que l'économie polynésienne, pour offrir aux jeunes les emplois et les logements qu'ils réclament, a besoin de respirer, de s'ouvrir à la concurrence, le gouvernement local, aidé en cela par la majorité, est en train de la contrôler et de la verrouiller.

Lorsque l'on voit de quelle manière le territoire contrôle la quasi-totalité de l'économie locale, on peut se poser la question : l'autonomie pour quoi faire ? Pour satisfaire les besoins de la population locale ou pour maintenir les privilèges de tous ceux qui profitent - le mot est bien adapté - de cette autonomie ? La véritable limite entre autonomie et indépendance, elle est là. Plus les inégalités seront étalées au grand jour, plus la colère de tous ceux et de toutes celles qui sont exclus éclatera un jour contre les responsables de cette situation. Si l'on veut préserver l'ordre, il est préférable de ne pas créer les conditions du désordre.

Désordre économique, sans doute, mais aussi désordre moral, car les deux sont liés. Comme le disait Péguy « la révolution sociale sera morale ou elle ne sera pas ».

Nous avons pu constater, lors de notre bref séjour, l'importance de la religion sur le territoire - je mets volontairement le terme au singulier -, mais nous n'avons pu rencontrer les responsables religieux. Je souhaite que l'influence de la religion, qui est forte en Polynésie, contribue à faire primer les valeurs traditionnelles de la société polynésienne sur le culte effréné de l'argent que véhicule la société de consommation. Sait-on d'ailleurs laquelle de ces sociétés est la plus moderne ?

Où sont les contre-pouvoirs dans ce texte ? J'en vois quatre : les droits des minorités, le pouvoir des communes, la justice et l'Etat. Examinons-les tour à tour pour voir dans quelle mesure ce texte permet leur existence.

S'agissant des droits des minorités, tout est renvoyé au règlement intérieur, c'est-à-dire à la volonté majoritaire. Le règlement intérieur dans une assemblée est un code de bonne conduite. Il devrait d'ailleurs permettre au règlement d'être voté à l'unanimité. C'est en tout cas la règle que j'ai toujours observée dans les collectivités territoriales que j'ai présidées. Cela suppose de prendre naturellement en compte les demandes des minorités.

Je note que la contestation juridique du règlement intérieur a été renvoyée au Conseil d'Etat, situé à 18 000 kilomètres de Papeete, ce qui ne me semble pas être une mesure de simplification, et que vous avez supprimé l'amendement, qui avait été adopté en commission des lois, prévoyant la rédaction du règlement intérieur dans le mois suivant chaque élection. Il est vrai que certains de nos collègues ignoraient cette disposition du code général des collectivités territoriales et s'imaginaient que le règlement intérieur était rédigé pour l'éternité.

D'autres dispositions protectrices des droits des minorités, que je proposais au nom du groupe socialiste, ont été refusées. Ainsi, la constitution et le fonctionnement des groupes ont été renvoyés au règlement intérieur au nom de l'autonomie. Or, en métropole, cette disposition figure dans la loi et s'applique aux conseils régionaux, aux conseils généraux et aux conseils municipaux. C'est parce qu'elle figure dans la loi qu'elle permet justement de protéger les minorités. Elle prévoit même, dans ce but, des modalités financières de fonctionnement.

S'agissant de la préparation du budget de l'assemblée, j'ai proposé que toutes les composantes de l'assemblée y soient associées. Vous avez refusé.

S'agissant de la création de commissions d'enquête, j'ai proposé qu'elle soit de droit lorsque la demande émane d'un septième des membres de l'assemblée. Vous vous y êtes également opposés.

S'agissant des séances de questions, vous avez refusé que les questions et les réponses soient diffusées au Journal officiel. Ainsi, en Polynésie, a-t-on le droit de poser des questions, ce qui est la moindre des choses, puisque cette disposition a cours dans toutes les collectivités, mais on ne peut faire connaître ni la nature de la question ni celle de la réponse.

Enfin, s'agissant de la limitation des pouvoirs, j'ai proposé à plusieurs reprises, que les pouvoirs de l'assemblée puissent être accrus dans un certain nombre domaines. Par exemple, lorsqu'il s'agit d'ouvrir des représentations à l'extérieur décidées par le Gouvernement, nous avons proposé qu'elles soient décrétées par l'assemblée. Nous avons également proposé que l'assemblée décide des prises de participation dans les sociétés commerciales et de leur volume financier. Vous avez préféré que ces décisions soient prises par l'exécutif. En effet, à la différence des séances de l'assemblée, qui sont publiques, celles de l'exécutif sont secrètes ! Or la publicité est, en matière de démocratie, un élément fondamental.

Tels sont quelques-uns des éléments que j'ai relevés. Il en est d'autres. Soucieux de faire plaisir au président de séance et de respecter le règlement de notre assemblée en ne dépassant pas mon temps de parole, je m'en tiendrai là et je vous invite, mes chers collègues, à adopter cette exception d'irrecevabilité.

M. Jérôme Lambert. Très bien !

M. le président. Monsieur René Dosière, la présidence est particulièrement sensible au fait que vous souhaitiez lui faire plaisir.

Souhaitez-vous intervenir, monsieur le président de la commission mixte paritaire ?

M. Pascal Clément, président de la commission mixte paritaire. Tout a été dit, et même un peu plus !

M. le président. Souhaitez-vous vous exprimer, madame la ministre ?

Mme la ministre de l'outre-mer. Je ne souhaite pas intervenir.

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Jérôme Lambert, pour le groupe socialiste.

M. Jérôme Lambert. Le groupe socialiste salue le travail et l'énergie de René Dosière. Il a traité là de sujets qu'il connaît bien, peut-être mieux que chacun d'entre nous. Nous savons, par ailleurs, combien la défense des intérêts du peuple polynésien lui importe.

Les questions qu'il a posées au cours de ce débat et les inquiétudes qu'il a manifestées sont tout à fait légitimes. Ce territoire est lointain, mais cela n'excuse en rien la légèreté de certaines dispositions que l'on entend y appliquer. C'est dans l'urgence et dans l'indifférence que le Gouvernement a voulu légiférer, mais le groupe socialiste, par l'intermédiaire de René Dosière, a su éventer cette manœuvre. Ce texte est inefficace, dangereux et inquiétant et notre collègue l'a démontré. Tout cela contribue à donner une triste image de la République en Polynésie, territoire de plus en plus inégalitaire, socialement et économiquement.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, le groupe socialiste vous invite à voter l'exception d'irrecevabilité.

M. le président. Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.

(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)


Exception d'irrecevabilité

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement, sur le projet de loi ordinaire.

La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, on a beaucoup parlé, à l'occasion de l'examen de ce texte, des pouvoirs des communes, mais, en réalité, si l'on a élargi leurs compétences, on n'a pas augmenté les ressources dont elles disposent, les condamnant à continuer de vivre essentiellement des subventions du territoire. Pour notre part, nous avons tenté de faire en sorte que les communes puissent disposer de plus de compétences et que celles-ci ne soient pas à la discrétion du territoire, mais la majorité a systématiquement rejeté nos propositions.

Elle a notamment refusé, rappelons-le, que les maires aient un droit d'attribution des logements sociaux : en Polynésie, on construit donc des logements financés par l'Etat sans que le maire ait son mot à dire sur leur attribution. Vous imaginez bien toutes les dérives auxquelles cette situation peut conduire - je ne reviendrai pas sur les propos du haut-commissaire Roncière.

Nous avons aussi émis le souhait que soient accrues les ressources du FIP, le fonds intercommunal de péréquation, qui sont principalement destinées aux communes, mais vous vous y êtes naturellement opposés. Vous préférez que les communes soient financées par le territoire, dans des conditions que j'ai eu l'occasion de rappeler : certaines d'entre elles reçoivent des montants dix ou quinze fois plus élevés que d'autres ; ce sont bien entendu les « bonnes communes ».

Et surtout, vous avez accepté que le territoire puisse apporter son concours aux communes : « La Polynésie française peut participer au fonctionnement des services municipaux par la mise à disposition de tout personnel de ses services », y compris celui des cabinets ministériels. Vous mettez ainsi au service des communes les agents les plus politiques, recrutés à la discrétion des ministres. Inutile de vous dire que nous appellerons l'attention du Conseil constitutionnel sur cette disposition, puisque nous le saisirons sur la loi ordinaire comme sur la loi organique.

Votre texte court-circuite aussi la justice administrative. Je me dois, à cet égard, de citer le président de la commission des lois de l'Assemblée... Ah ! J'en suis désolé pour l'actuel président de la commission, mais il s'agit de celui qui était en poste en 1996, Pierre Mazeaud. A l'époque, déjà, il était pratiquement question de supprimer le tribunal administratif, et voilà ce que Pierre Mazeaud indiquait, comme en témoigne le compte rendu intégral des débats de la deuxième séance du 1er février 1996 de l'Assemblée nationale, page 558 : « l'un des principes fondamentaux, presque institutionnels, de notre droit qui assure la garantie de nos libertés individuelles et de la défense de nos intérêts propres, réside dans la possibilité de pouvoir s'adresser d'abord à un premier juge - en matière administrative comme en droit commun -, puis à un deuxième, voire à un troisième, en cassation ».

Pour les habitants des îles, le tribunal administratif de Papeete est déjà éloigné - les îles Marquises, par exemple, sont situées à 1 500 kilomètres de Tahiti. Le recours au Conseil d'Etat, qui a été étendu au-delà de ce que la Constitution a prévu, constituera une difficulté supplémentaire.

Comme le disait le rapporteur du texte de 1996 - c'est le même aujourd'hui, mais je dois dire que je préférais le Bignon 1996 au Bignon 2004 -, ...

M. Jérôme Bignon, rapporteur. Le cru 1996 était excellent !

M. Pascal Clément, président de la commission mixte paritaire. Pour les bordeaux, c'est l'un des meilleurs !

M. René Dosière. ... « il importe que ces délibérations ne portent pas atteinte aux droits des justiciables et que ceux-ci disposent d'une justice propre et d'un double degré de juridiction ». Il y a huit ans, monsieur le rapporteur, vous étiez favorable à une justice de proximité ; aujourd'hui, vous avez changé d'avis. C'est votre droit, naturellement, mais c'est aussi le mien de penser que vous aviez raison en 1996 et que vous avez tort aujourd'hui. Là encore, le Conseil constitutionnel tranchera - mais en attendant, le citoyen aura le sentiment que la justice s'est éloignée et qu'elle coûte beaucoup plus cher.

Pour ce qui est du pouvoir judiciaire, faut-il rappeler que la politique de ce gouvernement est de reprendre les parquets en main, de leur donner des instructions ? C'est justement à cause de cela que la réforme constitutionnelle de 1999 n'a pu voir le jour, car l'opposition d'alors a changé d'avis au dernier moment et le Président de la République a stoppé la procédure d'adoption. Il a encore changé d'avis depuis, mais on commence à avoir l'habitude...

M. Pascal Clément, président de la commission mixte paritaire. Je vous en prie, monsieur Dosière ! Ce n'est pas le sujet !

M. René Dosière. Le sujet, c'est que le parquet, en Polynésie comme en métropole, reçoit des instructions, et que, de surcroît, en Polynésie, il est particulièrement éloigné de Paris. Au reste, je vais vous donner un exemple des difficultés de la justice et de l'application des décisions judiciaires.

Un maire, également conseiller territorial, a fait l'objet, de la part de la cour d'appel de Papeete, d'une condamnation pour trafic d'influence, entraînant une inéligibilité de cinq ans. Il avait en effet offert un emploi public à un sympathisant de son parti, qui l'avait soutenu durant la campagne électorale précédente - il s'agissait d'un emploi de chauffeur, pour un homme qui n'avait pas le permis de conduire... Mais peu importe. (Sourires.) Cette condamnation est devenue définitive à partir du 22 novembre 2002, mais il a fallu attendre le 20 mai 2003, six mois plus tard, pour que deux arrêtés du haut-commissaire, publiés au Journal officiel de la Polynésie française du 5 juin 2003, démettent d'office l'intéressé de ses fonctions de maire et de membre de l'assemblée de Polynésie. Il a cependant continué à exercer ses fonctions à l'assemblée, où il était président de la commission permanente, attendant septembre 2003 avant d'envoyer enfin une lettre de démission à la présidente de l'assemblée. A chaque étape, afin d'obtenir les arrêtés du haut-commissaire en mai et le départ de l'intéressé en septembre, il a fallu qu'un citoyen polynésien l'assigne devant le tribunal correctionnel pour non-respect de la loi.

Voilà une affaire banale, dira-t-on, mais suffisamment intéressante pour être évoquée sur le territoire, en particulier par Tahiti magazine, car les conséquences en sont graves en matière de respect de l'Etat de droit. Comment l'habitant de la Polynésie n'aurait-il pas le sentiment que certains hommes politiques sont protégés et qu'il existe une justice à deux vitesses, « selon que vous serez puissant ou misérable » ? Vous pardonnerez à un élu de l'Aisne, patrie de La Fontaine, de déclamer ce vers.

Il aura par conséquent fallu dix mois pour que la décision de justice soit enfin appliquée, et, entre-temps, l'intéressé aura continué à percevoir 7 710 euros par mois d'indemnité majorée à l'assemblée territoriale, somme à laquelle il convient d'ajouter les 1 680 euros d'indemnité de maire, soit une somme, non soumise à l'impôt, rappelons-le, de 9 390 euros, soit cinq fois le montant du salaire moyen de la Polynésie.

Et un tel comportement n'est pas unique : un autre membre de l'assemblée, qui n'appartient pas au même parti, d'ailleurs, est dans le même cas depuis près d'un an. L'Etat éprouve donc bien des difficultés pour faire respecter le droit en Polynésie.

Enfin, puisqu'il ne faut pas abuser de la patience de l'Assemblée,...

M. Jérôme Bignon, rapporteur. Ah !

M. René Dosière. ... je terminerai mon intervention par un sourire.

Par certaines de ses dispositions, ce projet de loi, je dois le dire, atteint au surréalisme, tant apparaît énorme l'écart entre le texte et la réalité. Il en est ainsi de l'article 160, selon lequel le président du gouvernement, parmi d'autres, est tenu « de déposer, dans le délai requis, une déclaration de situation patrimoniale dans les conditions prévues par la législation relative à la transparence financière de la vie politique. »

La loi en question, qui impose aux principaux élus d'effectuer une déclaration de patrimoine en début et en fin de mandat, a pour objet de vérifier l'absence d'enrichissement illicite. Et si le défaut de déclaration entraîne une inéligibilité d'un an, les dissimulations et omissions dans la déclaration ne sont pas sanctionnées. Et ce sont justement les déclarations de patrimoine de M. Flosse déposées en 1996 et 1997 qui en ont apporté la démonstration.

Au vu de ces déclarations, la commission nationale a réclamé des éclaircissements qui ne sont jamais venus, et elle a été amenée à poursuivre l'intéressé devant le tribunal correctionnel de Paris pour faux et usage de faux, procédure tout à fait exceptionnelle puisque, depuis la création de cette commission, qui a reçu plusieurs dizaines de milliers de déclarations, seules deux personnes ont été poursuivies en justice.

Le jugement rendu le 24 octobre 2001 est saisissant, en ce qu'il révèle l'ampleur des dissimulations et, du même coup, l'importance du patrimoine de l'intéressé, qui démontre que, en Polynésie, au moins, on peut faire fortune en faisant de la politique.

On découvre en effet que le président du gouvernement a fourni de fausses indications sur la valeur des parts détenues dans la SCI Rikitea, dont il est gérant et qui a acquis, en 1992, un appartement situé Paris 16e, rue Eugène-Labiche, au prix de 8 930 649 francs, puis, en octobre 1994, un hôtel particulier, toujours à Paris 16e, 90 rue du Ranelagh, au prix de 11 000 000 de francs, selon la déclaration de 1996, somme qui passe à 12 000 000 de francs dans la déclaration de 1997, auxquels s'ajoutent 1 092 941 francs de frais, les deux déclarations omettant d'indiquer la valeur des travaux effectués et estimés à 4 millions de francs.

Les investigations menées au cours de la procédure ont également révélé que deux prêts de 2 millions de francs chacun, ne figurant pas dans la déclaration de 1996 alors qu'ils avaient déjà été souscrits, ont été consentis par la société Pacer Limited - enregistrée au Vanuatu, archipel situé à 8 000 kilomètres de la Polynésie -, à des conditions étonnantes : pas de prise de sûreté réelle, ni d'hypothèque ou de nantissement ni d'assurance vie de l'emprunteur. Lors de l'audience, l'intéressé n'a donné aucune explication sérieuse pour justifier l'octroi de tels prêts à des conditions si avantageuses, hormis ses relations avec la personne se disant le représentant légal de la société Pacer-navel, dont le tribunal a noté que les autres sociétés de cette personne employaient le fils du président du gouvernement, pour un salaire de 5 040 euros mensuels, sans que l'activité de conseiller de ce dernier leur ait été d'un grand secours. En termes plus crus, il s'agit d'un emploi fictif.

Le tribunal a relevé que « l'omission de déclaration de ces éléments ne peut être que délibérée de la part du prévenu, qui souhaitait manifestement cacher l'existence de ces prêts à une commission qui pouvait légitimement s'interroger « -  elle n'est pas la seule - » sur l'intérêt pour une société de confier de telles sommes à de telles conditions au seul motif de l'amitié existant entre l'emprunteur et le représentant légal de la société Pacer Limited ». Il a également constaté que « les dissimulations opérées par l'intéressé ont mis de façon évidente la commission dans l'incapacité d'accomplir sa mission ».

Et pourtant, l'intéressé a été relaxé car le tribunal s'est fondé sur le motif selon lequel le législateur n'a pas prévu de sanction spécifique concernant les déclarations fausses ou inexactes des élus sur leur patrimoine.


Et c'est pourquoi d'ailleurs la commission, dans son onzième rapport, paru au Journal officiel du 18 juillet 2002, conclut, avec un brin d'amertume, qu'il résulte clairement de cette décision que le faux devant la commission pour la transparence financière de la vie politique n'est pas répréhensible, alors même que le tribunal reconnaît que la flosse - pardon, la fausse -déclaration de patrimoine a empêché la commission d'exercer son contrôle. La commission constate qu'elle est totalement désarmée et elle estime indispensable que le Gouvernement et le législateur prennent les initiatives utiles pour qu'une infraction spécifique soit créée.

Découvrant cette « anomalie » à l'occasion de ce texte, j'ai donc décidé de déposer très prochainement une double proposition de loi, organique pour les parlementaires, ordinaire pour les autres élus, afin de remédier à ce malheureux état de fait.

Ainsi donc, vous le voyez, mes chers collègues, la loi que nous votons est une chose, son application sur le terrain en est une autre ! Les quelques exemples que j'ai cités montrent qu'il existe entre les deux des différences notables.

Au terme de ces débats, je voudrais saluer les Polynésiens.

M. Pascal Clément, président de la commission mixte paritaire. Enfin !

M. René Dosière. Je n'ai fait, monsieur le président de la commission, que penser à eux !

M. Pascal Clément, président de la commission mixte paritaire. C'est vrai ! Mais mal !

M. René Dosière. Quand nous souhaitons la réduction des inégalités, je pense à tous ceux qui subissent durement les conditions de la vie en Polynésie et à tous ceux qui sont privés d'emploi.

Eh bien, je salue les Polynésiens et je leur dis que, nonobstant le vote qui va intervenir ce soir, car nous en connaissons d'avance le résultat, les socialistes continueront à agir et à lutter...

M. Jérôme Bignon, rapporteur. A parler dans le désert !

M. René Dosière....pour faire en sorte que l'Etat de droit soit enfin respecté en Polynésie et pour qu'il soit mis fin aux dérives et aux injustices que l'on peut y relever.

Les Polynésiens peuvent, à bon droit, s'interroger sur une politique qui privilégie le renforcement des pouvoirs en place sur la bonne application des lois en vigueur sous le contrôle du juge, la promotion de certains élus par la promotion de leurs titres sur l'éducation, la formation et l'égalité des chances au sein de la République.

Les habitants de la Polynésie - qu'ils vivent à Tahiti ou dans les archipels - qui attendent de l'Etat un recours, qui y voient une garantie pour leur avenir, seront profondément déçus par un texte qui limite tous les contre-pouvoirs, pourtant légitimes dans une société démocratique.

C'est un double recul de l'Etat et du droit que ce texte organise de manière systématique. Bien entendu, le parti socialiste ne peut s'y associer, pas plus qu'il ne saurait se réfugier dans l'abstention.

Lorsque les valeurs de la République sont en cause, le devoir républicain est de dire non. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. On l'aura compris : la parole est libre dans cet hémicycle, même quand on a tendance à lire les rapports des renseignements généraux !

Dans les explications de vote, la parole est à M. Jérôme Lambert, pour le groupe socialiste.

M. Jérôme Lambert. Je ne suis pas sûr, monsieur le président, que ce soit ce qu'a fait René Dosière, mais il pourra vous le dire lui-même.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, Le Parlement est le lieu où l'on se parle mais il serait utile aussi qu'on s'y écoute.

Notre collègue, René Dosière, vient de nous tenir des propos très éclairants, dont nous devrions tous tenir compte dans notre vote.

Comment, en effet, ne pas prendre en considération la réalité dépeinte par son intervention ? Souvenons-nous des conditions dégradées qui ont conduit à l'indépendance de certains de nos territoires coloniaux, dans des circonstances parfois tragiques.

Il est fort à craindre que le peuple polynésien, qui ne se sentira plus protégé par l'Etat, se voyant abandonné à l'autorité des pouvoirs locaux, dont la nature nous est maintenant parfaitement connue, que le peuple polynésien, dis-je, auquel je pense avec amitié, ne pouvant plus croire à la France et à ses valeurs, ne trouve d'autre issue que l'expression d'un profond malaise, d'un grand mécontentement et d'une révolte.

Le soutien à des pouvoirs locaux qui s'arrogent des droits exorbitants et qui les exercent sans contrôle est un piège tendu à la République. Les principes de celle-ci étant bafoués, il convient de voter l'exception d'irrecevabilité présentée par René Dosière au nom du groupe socialiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Frédéric de Saint-Sernin, pour le groupe UMP.

M. Frédéric de Saint-Sernin. Je n'avais pas prévu d'intervenir. Si je le fais, c'est parce que j'ai été surpris par la façon dont M. Dosière a défendu son exception d'irrecevabilité. Il m'est apparu qu'elle n'avait qu'un seul but : dénigrer la personne du président de la Polynésie française. Je n'ai entendu aucun argument pour démontrer l'inconstitutionnalité de la loi ordinaire, dont nous avons beaucoup débattu au cours des dernières semaines, puis dans le cadre de la CMP. Nous avons, je crois, élaboré le meilleur texte possible et nous le voterons dans quelques instants.

Je ne vois pas dans quel cadre juridique se situe l'exception d'irrecevabilité. Aussi, le groupe UMP votera contre.

M. le président. Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.

(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)

Discussion générale commune

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Béatrice Vernaudon.

Mme Béatrice Vernaudon. J'ai beaucoup de respect pour M. Dosière et, surtout, beaucoup d'admiration pour tout le temps qu'il a passé, ces dernières semaines,...

M. Jérôme Lambert. Pas seulement !

Mme Béatrice Vernaudon. ...à lire toute la littérature qui concerne la Polynésie, et peut-être aussi les rapports des renseignements généraux,...

M. René Dosière. Non, les conclusions du tribunal correctionnel de Paris !

Mme Béatrice Vernaudon. ...mais j'ai l'impression qu'avant de prendre l'avion pour la Polynésie, il y a quelques mois, il a acheté au duty free de l'aéroport de Paris des lunettes déformantes ! (Sourires.) Il a collecté tous les faits divers qu'il a trouvés et les a racontés à sa manière.

M. René Dosière. J'ai les mêmes lectures que vous, ma chère collègue !

Mme Béatrice Vernaudon. Mais passons aux choses sérieuses.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre vote de ce soir fera date dans l'histoire de la Polynésie.

Le nouveau statut d'autonomie dont nous allons doter la Polynésie française, va constituer, en effet, comme vous le rappeliez, monsieur le rapporteur, la clé de son développement économique, social et culturel pour les années à venir.

Je voudrais rappeler à nouveau à ceux qui persistent à remettre en cause la procédure d'urgence utilisée, que l'élaboration du nouveau statut remonte à 1998 et qu'en 1999, l'Assemblée et le Sénat, à l'unanimité, avaient voté pour une évolution qui allait encore plus loin, en créant une citoyenneté polynésienne. Le Congrès n'ayant pu se réunir à Versailles, ce projet n'avait pas abouti.

La révision constitutionnelle du 28 mars 2003, relative à l'organisation décentralisée de la République, a offert le socle indispensable à cette évolution, attendue depuis cinq ans.

Dès le début de l'autonomie, en 1984, il était bien clair que plusieurs étapes viendraient marquer le transfert progressif des compétences et permettre l'évolution en conséquence des institutions polynésiennes.

Je souhaiterais rappeler les lignes de force de ce nouveau statut.

L'Etat transfère de nouvelles compétences à la Polynésie française, notamment en matière de droit civil, de droit commercial, de droit du travail, d'importation et de commerce des hydrocarbures, de dessertes maritime et aérienne.

Les institutions de la Polynésie française sont habilitées, sous le contrôle de l'Etat, à participer à l'exercice des compétences que celui-ci conserve dans le domaine législatif et réglementaire, comme l'autorité parentale, l'entrée et le séjour des étrangers ou la communication audiovisuelle.

La Polynésie française pourra aussi participer à l'exercice des missions incombant à l'Etat en matière de police, de recherche et constatation d'infractions, ou encore, et c'est important, dans l'élaboration de la carte universitaire et de la recherche.

Dans ses domaines de compétences, la Polynésie française pourra négocier des accords avec tout Etat, territoire ou organisme international. Elle pourra aussi, dans les domaines de la compétence de l'Etat, négocier et signer des accords avec les Etats, territoires et organismes régionaux.

Dans les matières relevant du domaine de la loi qui, soit ressortissent de la compétence de la Polynésie française, soit sont prises au titre de la participation de la Polynésie à l'exercice des compétences de l'Etat, l'assemblée de Polynésie votera des lois de pays. Ces lois de pays seront soumises en premier et dernier ressort au contrôle juridictionnel du Conseil d'Etat.

L'assemblée de Polynésie pourra abroger ou modifier, sous réserve de l'accord du Conseil constitutionnel, les dispositions législatives empiétant dans ses domaines de compétence.

L'assemblée de Polynésie pourra adopter des mesures préférentielles en faveur de la population en matière d'emploi ou de protection du patrimoine foncier.

Aux côtés de l'Etat et du gouvernement de la Polynésie française, les quarante-huit communes voient leur rôle et leurs compétences renforcés. Elles pourront créer des impôts directs locaux qui leur assureront des ressources propres. Le gouvernement de Polynésie pourra leur apporter son concours technique et financier et déléguer aux maires les mesures individuelles d'application des lois du pays.

L'Etat est habilité, par voie d'ordonnance, à étendre, en les adaptant, les dispositions du code général des collectivités territoriales et à définir le statut des fonctionnaires communaux. Ces ordonnances, très attendues, doivent intervenir dans les vingt-quatre mois à compter de la promulgation de la loi.

Le statut renforce les institutions de la Polynésie qui se composent désormais du président de la Polynésie française, du gouvernement, de l'assemblée et du Conseil économique, social et culturel. Il étend, enfin, à la Polynésie française les procédures de pétition et de référendum local pour augmenter la participation des électeurs à la vie de la collectivité.

Certes, ce nouveau statut modifie aussi le mode d'élection des représentants à l'assemblée en créant une nouvelle circonscription dans l'archipel des Tuamotus, ce qui entraîne un rééquilibrage des sièges à l'assemblée, dont le nombre passe de 49 à 57.

La mesure la plus décriée par l'opposition locale, relayée dans cet hémicycle, est l'introduction d'une prime majoritaire d'un tiers des sièges. Mais cette mesure, nécessaire à la stabilité de nos institutions et donc à l'efficacité de nos politiques, n'est-elle pas, comme la parité homme-femme, un signe de modernité de nos institutions, en métropole comme ailleurs ?

C'est vrai, ce nouveau mode de scrutin renforcera sans doute la majorité locale actuelle à laquelle Michel Buillard et moi-même appartenons depuis de nombreuses années. Mais si cette majorité est réélue, sans discontinuer, depuis 1991, c'est grâce au dynamisme de son chef de file, M. Gaston Flosse, et c'est aussi parce qu'elle a beaucoup travaillé. Elle a relevé, avec l'aide de la solidarité nationale, le défi que constituait le passage d'une économie fondée sur la rente nucléaire à une économie aujourd'hui fondée sur le développement de ses ressources propres.

Comme partout ailleurs dans la République, nous vivons dans un Etat de droit, contrairement, mes chers collègues à ce que l'on veut vous faire croire. La justice reste de la compétence de l'Etat, et les missions de la chambre territoriale des comptes sont encore clarifiées dans ce nouveau statut.

Alors de grâce, que l'on cesse de stigmatiser notre collectivité, sa population et ses élus ! Acceptons de reconnaître l'harmonie sociale qui y règne, le rééquilibrage qui s'est opéré au profit des archipels éloignés, l'ouverture à la modernité dans le domaine des nouvelles technologies et le rattrapage opéré dans le domaine de l'éducation, du logement, de la protection et de l'aide sociale.

Cette reconnaissance, les autorités de l'Etat, heureusement, nous l'ont manifestée au travers de ce nouveau statut.

Je voudrais donc, au nom de tous ceux qui m'ont accordé leur confiance pour les représenter dans cette assemblée, exprimer ma gratitude à M. le Président de la République, à M. le Premier Ministre, à vous, madame la ministre de l'outre-mer, à M. le président de la commission des lois et à tous ceux qui ont manifesté leur intérêt pour la Polynésie et son nouveau statut.

Je ne doute pas, mes chers collègues, que vous l'adopterez ce soir.

Dès demain, ce statut nous permettra de poursuivre dans la voie du développement durable, solidaire et responsable.

Déjà nos forces vives sont réunies pour élaborer la « charte de Tahiti Nui 2015 » qui sera notre feuille de route économique pour les dix années à venir.

D'autres grands chantiers sont en cours comme la déconcentration administrative et la modernisation des communes.


Nos deux principales richesses sont la beauté naturelle de nos îles et notre population, jeune, pluri-culturelle, mais fortement ancrée dans ses racines polynésiennes.

Nous voulons préserver ce capital naturel et cette harmonie sociale pour les générations à venir.

Ancrés constitutionnellement au sein de la République française, mais autonomes, Français et pleinement Polynésiens, c'est avec dignité et confiance que nous regardons l'avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean Lassalle.

M. Jean Lassalle. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, quand j'entends le mot « Polynésie » je pense, comme tout un chacun, à ces longues plages de sable blanc, à ces palmiers, à ces mers chaudes et aux Révoltés du Bounty - souvenirs d'enfance et d'évasion. En ces durs froids hivernaux, il n'est pas inutile de nous réchauffer le cœur avec des images paradisiaques et pleines de chaleur.

Mais au-delà de ces clichés touristiques et cinématographiques, la Polynésie, c'est aussi Gauguin et Brel - artistes devant l'Eternel - qui avaient choisi ces terres lointaines pour résidence.

M. René Dosière. Eh oui ! Dans un beau cimetière marin !

M. le président. Monsieur Dosière, n'interrompez pas monsieur Lassalle !

M. René Dosière. J'approuve ce que dit M. Lassalle !

M. Jean Lassalle. J'ignore, parce que je n'ai pas eu l'honneur de me rendre là-bas même si j'en ai tellement entendu parler, ...

Mme Béatrice Vernaudon. Je vous invite !

M. Jean Lassalle. ... l'emplacement exact dans le Pacifique de ces archipels, territoires français depuis quelques siècles.

Ce que l'on connaît encore moins, à l'exception des participants à ce débat qui ont eu la chance de s'y rendre, c'est l'immensité géographique de ce territoire.

D'Oslo à Toulouse, m'a-t-on dit, de Brest à Bucarest, telles sont les limites territoriales de la Polynésie française. Si j'évoque ces distances, c'est bien pour montrer la particularité de ces îles, qui nécessitent dès lors des adaptations institutionnelles, ce dont nous discutons ce soir.

Je souhaitais faire ces quelques remarques liminaires, avant d'entrer dans le vif du sujet.

M. René Dosière. C'est plus vaste que la vallée d'Aspe !

M. Jean Lassalle. Lors de l'unique examen de ce texte devant l'Assemblée nationale, Jean Christophe Lagarde avait activement participé aux débats, en se félicitant de certaines avancées et en regrettant les nombreuses lacunes que comporte le projet de loi. Je ne recommencerai pas la même démonstration, mais je tiens à rappeler quelques points importants qui justifient notre position.

Il convient d'indiquer, au préalable, que nous sommes favorables sur le principe à des adaptations nécessaires concernant une plus grande autonomie.

Les mesures en faveur de la protection de l'emploi local, du droit foncier et l'extension du contrôle de la chambre des comptes vont dans le bon sens. Tous ces problèmes que tente de résoudre ce texte devaient être pris en considération au plus vite, et nous nous félicitons que ce soit chose faite.

De même, l'élargissement du pouvoir des communes recueille notre approbation, même si les avancées en la matière auraient pu être plus importantes. Ne pas inclure la responsabilité de l'urbanisme ou l'attribution de logements démontre que les communes n'ont pas tout à fait la totalité des compétences qu'elles auraient dû se voir attribuer. C'est le territoire qui décide des conditions de la compétence de l'urbanisme. Les distances élevées constituent un handicap important dans le fonctionnement des institutions polynésiennes. Cela démontre surtout la mainmise du pouvoir central et la centralisation excessive qui règne en Polynésie française.

Ce refus de décentralisation interne semble paradoxal au regard de la demande d'une plus grande autonomie. L'étendue du territoire couvert par la Polynésie nécessiterait une plus grande décentralisation interne. N'oublions pas non plus que les communes et leurs groupements constituent les seuls contre-pouvoirs qui existent en Polynésie française. Ne pas leur donner de compétences supplémentaires montre que ce projet de loi est destiné avant tout à servir les desseins de quelques- uns. Nous espérons d'ailleurs que les garanties apportées par Mme la ministre concernant le souci de développer l'intercommunalité seront respectées.

J'en arrive au point le plus fâcheux du texte, qui recueille notre désapprobation et montre à quel point cette loi demeure une loi de circonstance.

M. René Dosière. Très juste !

M. Jean Lassalle. Le combat de l'UDF pour le respect du pluralisme trouve à nouveau un terrain d'expression au travers de ce texte, tant il est vrai que la réforme du mode de scrutin vise à instaurer un bipartisme. En effet, l'application de la nouvelle loi électorale aboutira à un débat entre le parti majoritaire en place et le parti indépendantiste, écartant par là même toute autre expression.

Entre l'instauration d'une prime d'un tiers pour un scrutin à un tour, le redécoupage des circonscriptions et un seuil de 3 % des inscrits, nous sommes face à une véritable loi de complaisance envers le parti majoritaire actuel.

A ce sujet, l'abaissement du seuil à 3 % semble donner l'impression que l'on respecte les droits de l'opposition et le pluralisme, ce qui est, effectivement, le cas. Mais il intéresse aussi énormément le parti majoritaire puisqu'il va inciter toutes les petites listes à se présenter et par conséquent diviser l'opposition. « Diviser pour mieux régner », tel est le credo qui semble être adopté et retenu. Cette diversion occulte dès lors le véritable problème, c'est-à-dire la prime majoritaire, sur laquelle n'est pas revenue la CMP. Pourtant, l' Assemblée de Polynésie n'a pas connu de difficultés de fonctionnement ou d'instabilité.

Quel est alors le but de ces contorsions électorales, si ce n'est d'assurer une forte majorité et une pérennité à un parti déjà fortement implanté, comme l'a souligné M. Jean-Christophe Lagarde ?

Je conclurai mon propos sur une disposition relative aux moyens des groupes politiques. Nous avions souhaité que ces moyens soient expressément prévus par la loi organique. La commission mixte paritaire a supprimé cette disposition. Pouvez-vous nous assurer, madame la ministre, que cela se fera dans le cadre du futur règlement intérieur ?

Pour toutes les raisons que je viens d'invoquer, le groupe UDF s'abstiendra, regrettant une fois de plus que l'on ait sacrifié de réelles avancées en matière d'autonomie à d'autres considérations.

Je voudrais conclure mon intervention en demandant aux élus de ce si beau territoire de France de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour que celui-ci n'ait jamais envie de se séparer de nous. Nous sommes tellement fiers, tellement heureux de compter ce territoire au sein de la République, parmi nous, de l'évoquer jusque dans les Pyrénées, au pays des Basques et des Béarnais. Je sais pouvoir compter sur vous pour que nous puissions tous, un jour, espérer nous rendre en cette belle Polynésie de France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.).

M. le président. Monsieur Lassalle, le président ne peut pas applaudir, mais ce n'est pas l'envie qui lui en manque.

M. René Dosière a renoncé à faire son intervention, considérant qu'il s'était déjà exprimé largement sur les deux exceptions d'irrecevabilité.

M. René Dosière. Absolument !

M. le président. La parole est à M. Michel Buillard.

M. Michel Buillard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la Polynésie française va célébrer ses vingt ans d'autonomie avec un nouveau statut que nous adopterons ce soir.

De nos débats relatifs à ce statut d'autonomie, je souhaite retenir la reconnaissance par tous les groupes politiques - c'était le cas surtout en commission - de la réussite du développement économique et social de la Polynésie française.

Je suis sûr que l'histoire enfouira dans sa partie la moins noble toutes les basses attaques personnelles proférées à l'encontre de notre président Gaston Flosse par les socialistes, qui lui vouent une haine farouche car ils n'ont jamais réussi à s'implanter en Polynésie. II est dommage que ce grand moment de l'histoire de notre pays soit gâché par de viles manœuvres politiques, qui discréditent leurs auteurs.

La réussite de la Polynésie c'est la réussite de l'autonomie et de son plus ardent défenseur, notre Président Gaston Flosse. Il est à présent acquis que l'autonomie est le mode de gouvernement idéal pour la Polynésie française. Le développement économique est le résultat des transferts de compétences et de la gestion par les Polynésiens de leurs propres affaires, selon leurs aspirations et leur sensibilité.

Notre taux de croissance économique est de 5 % par an depuis 1995, le PIB par habitant a augmenté d'un tiers depuis dix ans, et les ressources propres de la Polynésie progressent de façon continue. Le soutien financier de l'Etat et les bénéfices du développement ont été réinvestis dans l'équilibre social et l'harmonie humaine. Des milliers de logements sociaux ont été construits, des mécanismes originaux d'insertion professionnelle ont été imaginés. La protection sociale généralisée a été mise en place - c'était une première en France en matière de couverture maladie universelle.

L'autonomie, c'est également la réussite du partage et le soutien aux plus démunis. Elle apporte des réponses adaptées à des problèmes spécifiques. Je voudrais citer quelques exemples édifiants en matière de santé publique. Comment répondre aux nécessaires évacuations sanitaires vers des établissements hospitaliers à la pointe du progrès, quand les heures sont comptées et la métropole à l'autre bout du monde ? Nous avons dû négocier et conclure des conventions avec les établissements de Nouvelle- Zélande. Cette démarche a, sans aucun doute, sauvé de nombreuses vies. La compétence en matière de santé nous a également permis d'être épargnés par le drame de l'affaire du sang contaminé. Nous avons, en temps utile, opté pour des tests de qualité du sang, préalables aux transfusions, et différents de ceux de la métropole.

Je souhaite également me faire le porte-parole des Polynésiens qui ont été déçus par certaines allégations au sujet du fonctionnement des contre-pouvoirs dans leur pays. La réalité est que ces contre-pouvoirs sont certainement supérieurs à ceux auxquels sont assujetties les collectivités métropolitaines. Ces contre-pouvoirs sont d'abord politiques. A l'instar de ce qui se passe au niveau national par le contrôle parlementaire de l'exécutif, le gouvernement polynésien peut être renversé par une motion de censure.

M. Pascal Clément, président de la commission mixte paritaire. Absolument !

M. Michel Buillard. Ce contrôle n'existe pas dans une région ou un département de la métropole, où l'exécutif est installé pour la mandature.

La justice assume pleinement ses responsabilités. En matière d'utilisation des fonds publics et dans sa volonté de discréditer les institutions du territoire, notre collègue René Dosière a avancé des chiffres erronés sur l'activité de la chambre territoriale des comptes. Or cette chambre a adressé plus de rapports d'observations définitifs que dix autres chambres. Sur les vingt-six chambres de la République, ce résultat la place à un excellent rang.

Comme dans toutes les démocraties, les autres contre- pouvoirs constitués par les libertés médiatiques, les libertés d'expression et de manifestation, sont parfaitement respectés en Polynésie.


A propos de la liberté de manifester par exemple, je souhaite vous rappeler à vous, monsieur Dosière, et à M. Mamère qui malheureusement n'est pas là ce soir, que ce sont vos amis qui ont appelé ouvertement les Polynésiens à réagir contre la reprise des essais nucléaires. Cela a conduit à l'incendie de l'aéroport international de Tahiti-Faaa et à celui de la ville de Papeete. Et c'est le gouvernement de M. Flosse et moi-même, en tant que maire de Papeete, qui avons dû reloger et aider financièrement les dizaines de familles qui se sont retrouvées à la rue à la suite de ces incendies. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Nous nous honorons d'entretenir des relations d'amitié suivies avec le Président de la République ainsi qu'avec le groupe de l'UMP.

M. Pierre Lang. Très bien !

M. Michel Buillard. Je n'en dirai pas autant pour ce qui concerne le parti socialiste de M. Hollande. En effet, comment qualifier la démarche entreprise en catimini par ce parti tendant à offrir ses services au parti indépendantiste de M. Temaru, qualifié pudiquement, et selon une terminologie chère à la gauche, de « force progressiste » ?

M. Pascal Clément, président de la commission mixte paritaire. Bravo !

M. Michel Buillard. Cette démarche, mesdames et messieurs, visait ni plus ni moins à renverser le gouvernement de M. Flosse, élu démocratiquement par les Polynésiens au suffrage universel.

M. Pierre Lang. C'est du terrorisme !

M. Michel Buillard. Dans cette offre de services, on peut relever pêle-mêle les déclarations habituelles sur les grandes inégalités sociales et économiques engendrées par une situation post-coloniale. Cela se passait en 1995, en 1998 et en 1999.

A-t-on oublié que le parti socialiste était, à quelques parenthèses près, au pouvoir depuis 1981 ? Si l'on s'en tient à un raisonnement simpliste, manichéen, on peut dès lors considérer que le parti socialiste est grandement responsable de ces inégalités !

M. Pascal Clément, président de la commission mixte paritaire. Très juste.

M. Michel Buillard. Au devoir de justice sociale que vous brandissez à tout vent, et que nous partageons, nous vous opposons le devoir de vérité historique.

M. Pascal Clément, président de la commission mixte paritaire. Très bien !

M. Michel Buillard. Le nouveau statut renforce encore les garanties démocratiques. La place enfin consacrée des communes au sein des institutions, le référendum décisonnel local, le dépôt plus aisé d'une motion de censure, le rôle accru du Conseil économique social et culturel, représentant la société civile, participent de cette exigence d'équilibre politique.

Ce projet de statut procède à d'importants transferts de compétence, nécessaires au développement. Le président Mitterrand disait en 1989, sans l'avoir concrétisé, qu'il était envisageable de transférer toutes les compétences, hormis trois régaliennes.

Le président Chirac va plus loin puisqu'il permet à la Polynésie d'être associée à ces compétences régaliennes, sous le contrôle de l'Etat et du juge administratif.

Ce nouveau statut fait de la Polynésie « un pays qui se gouverne librement ». L'autonomie est consacrée au sein de la Constitution et différenciée de la décentralisation territoriale. Un nouveau pas est franchi dans le partage des responsabilités et donc dans la préservation de l'indivisibilité de la République.

Ce qui est également inédit dans ce statut, c'est l'idée que plus l'autonomie se développe, plus son bon fonctionnement exige un dispositif spécifique de protection juridique. C'est le cas des actes les plus importants de la Polynésie française pris dans le domaine de la loi. Ainsi, notre protection sociale généralisée était financée par une fiscalité réglementaire. En tant qu'acte administratif, et contrairement à la fiscalité nationale qui est législative, elle a été facilement attaquée et annulée par le juge administratif. Les finances territoriales ont ainsi été dans une situation délicate pendant plusieurs années. Il a fallu attendre une loi de validation tardive pour enfin conforter le dispositif juridique. Des lois de pays à valeur législative pourraient contribuer à surmonter ces difficultés.

En matière d'emploi local, nous avons aussi besoin d'une protection particulière. La moitié de la population a moins de vingt-cinq ans. Chaque année, ce sont 3 500 jeunes de plus qui arrivent sur un marché de l'emploi comptant 60 000 salariés. En raison de l'insularité et de l'éloignement, ce marché n'est pas extensible. Le projet de statut permet de grandes avancées en la matière que l'avenir viendra sans doute confirmer.

La Nouvelle-Calédonie a obtenu satisfaction sur les lois du pays à valeur législative et la protection de l'emploi. Pour justifier ces avancées, le statut transitoire de ce pays est invoqué, mais à l'issue du référendum d'autodétermination, les Néo-Calédoniens pourraient très bien choisir le maintien dans la République française, et c'est souhaitable. Je n'imagine pas, alors, que la République leur retire leur citoyenneté, la protection de leurs emplois et leurs lois du pays.

Ces dispositifs constituent des mesures de bonne gouvernance outre-mer. L'outre-mer français suit de proche en proche la voie des autres outre-mer européens : du Royaume-Uni, des Pays-Bas, du Danemark, de la Finlande, sans pour autant remettre en question le principe de l'unité de l'Etat.

Dans l'outre-mer britannique, le pouvoir de circulation et d'établissement des nationaux est réglementé. Pouvoir législatif et officialisation des langues régionales caractérisent l'outre-mer danois - Groenland et îles Féroé -, l'outre-mer finlandais - îles Aland - et l'outre-mer hollandais : Antilles néerlandaises et Aruba.

Je voterai donc avec enthousiasme et reconnaissance ce nouveau statut, porteur d'espoir pour notre développement, pour notre jeunesse. Et une fois n'est pas coutume, au nom de tous mes compatriotes polynésiens, je vous remercie dans notre belle langue polynésienne : Mauruuru maitai ia outou paatoa.

Mes remerciements vont également à Mme la Ministre et au Président Jacques Chirac qui nous ont donné les moyens de notre développement économique, politique, social et culturel. Nous espérons ainsi représenter dignement la France et ses valeurs républicaines dans la région Pacifique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La discussion générale est close.

Texte de la commission mixte paritaire sur le projet de loi organique

M. le président. Nous en venons au texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique portant statut d'autonomie de la Polynésie française.

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi organique, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.

M. René Dosière. Le groupe socialiste vote contre.

(L'ensemble du projet de loi organique est adopté.)

Texte de la commission mixte paritaire sur le projet de loi

M. le président. Nous en venons au texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française.

Avant de mettre aux voix ce texte, conformément à l'article 113, alinéa 3, du règlement je vais appeler l'Assemblée à statuer d'abord sur l'amendement dont je suis saisi.

La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l'amendement n°1.

Mme la ministre de l'outre-mer. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, il s'agit d'un amendement de coordination. Par souci de cohérence avec les nouvelles modalités retenues par la commission mixte paritaire pour l'admission à la répartition des sièges à l'assemblée de la Polynésie française, il convient d'ouvrir le remboursement des frais de propagande et des dépenses de campagne électorale aux liste ayant obtenue au moins 3 % des suffrages exprimés.

En effet, le seuil retenu pour le remboursement de ces frais ne doit pas être supérieur au seuil des suffrages exprimés requis pour l'admission à la répartition des sièges, sauf à encourir un risque d'inconstitutionnalité pour rupture du principe d'égalité entre les candidats proclamés élus.

M. le président. Quel est l'avis de la commission?

M. Jérôme Bignon, rapporteur. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n°1.

(L'amendement est adopté.)

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière. Je veux, à l'intention du procès-verbal, souligner que le groupe socialiste a voté contre la loi organique et votera contre la loi ordinaire.

Je précise d'ailleurs que nous déférerons la loi ordinaire au Conseil constitutionnel et que nous ferons un certain nombre d'observations sur la loi organique.

M. le président. La parole est à M. Jean Lassalle.

M. Jean Lassalle. Nous nous sommes abstenus sur la loi organique et nous voterons pour la loi ordinaire.

Vote sur l'ensemble

M. le président. Personne ne demande plus la parole ? ...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire, modifié par l'amendement n°1.

(L'ensemble du projet de loi, ainsi modifié, est adopté.)

3

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président. Ce soir, à vingt-deux heures, troisième séance publique :

Suite de la discussion du projet de loi, n° 1058, relatif au développement des territoires ruraux :

MM. Yves Coussain, Francis Saint-Léger et Jean-Claude Lemoine, rapporteurs au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire (rapport n° 1333).

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures vingt-cinq.)

      Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

      jean pinchot