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Troisième séance du jeudi 26 février 2004

169e séance de la session ordinaire 2003-2004



PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

RESPONSABILITÉS LOCALES

Suite de la discussion d'un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif aux responsabilités locales (n°s 1218, 1435).

Cet après-midi, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles, s'arrêtant aux amendements n°s 1499 et 1009, mis en discussion commune, à l'article 8.

Je rappelle par ailleurs que, sur le vote de l'article 8, j'ai été saisi, par le groupe socialiste, d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Article 8 (suite)

M. le président. Je suis donc saisi de deux amendements, n°s 1499 et 1009, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Christian Paul, pour soutenir l'amendement n° 1499.

M. Christian Paul. Nous allons voir si la majorité souhaite procéder au deuxième acte du sacrifice de l'AFPA ! Nous avons vécu en direct le premier avant la levée de la séance de l'après-midi.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Vous parlez de la loi « Démocratie de proximité » ?

M. Christian Paul. Je veux bien que nous la relisions ensemble, monsieur le ministre. Que disait-elle ? Qu'il fallait créer un cadre contractuel pour l'action de l'AFPA en région. C'est une très bonne chose et nous y sommes favorables !

M. le ministre délégué aux libertés locales. C'est ce que nous faisons !

M. Christian Paul. Non, vous transférez les budgets de l'AFPA aux régions et vous mettez en place un système de mise en concurrence des opérateurs de formation professionnelle. Vous ne procédez pas à la décentralisation de l'AFPA, vous créez les conditions de sa disparition dans un certain nombre de régions françaises !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. C'est vous qui le dites !

M. le ministre délégué aux libertés locales. Vous ne croyez vraiment pas à l'AFPA puisque vous pensez qu'elle ne supportera pas la concurrence !

M. Christian Paul. Je peux comprendre ce choix mais j'ai un peu de mal à accepter, je vous le dis avec cordialité, monsieur le ministre, que vous ne l'assumiez pas. Il y a quelque cynisme à provoquer la disparition au moins partielle de cet organisme public. Je sais bien que vous considérez que ce n'est pas un service public...

M. le ministre délégué aux libertés locales. Juridiquement, ce n'en est pas un, c'est une association !

M. Christian Paul. Certes, et je ne vais pas vous faire un cours de droit. Sans doute, sur le plan organique, il ne s'agit pas d'un service public puisque c'est une association mais, sur le plan matériel - décidément, vous voulez une leçon de droit !...

M. le ministre délégué aux libertés locales. Nous sommes à l'Assemblée nationale : on y fait du droit, pas de la sociologie !

M. Christian Paul. De la politique aussi ! En l'occurrence, de la politique publique de formation professionnelle !

Par notre amendement, nous voulons sécuriser les financements de l'AFPA, au moins pour ce qui va en rester au niveau national. Il tend donc à préciser quelle est la part des crédits de l'AFPA qui est décentralisée et celle qui relève encore d'une commande publique de l'Etat.

Tel est le sens de cet amendement. Je sais que le Gouvernement souhaite, lui, transférer le plus possible des crédits qui étaient jusqu'à présent alloués par voie de subventions à l'association. Nous voudrions, nous, qu'une partie des crédits de ce programme d'action subventionné soit réservée aux actions concourant à la politique de l'emploi que le Gouvernement a pour responsabilité de mettre en œuvre.

Nous prévoyons en quelque sorte un filet de sécurité.

M. le président. L'amendement n° 1009 n'est pas défendu.

La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 1499.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. M. Paul veut réaliser une fausse décentralisation de l'AFPA, laquelle est une association à gestion tripartite, exerçant une mission d'intérêt général.

M. Michel Bouvard. Tout à fait !

M. Christian Paul. Ce n'est donc pas pour vous un service public ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Juridiquement non. Il s'agit, je le répète, d'une association exerçant une mission d'intérêt général.

Sur la forme d'abord, votre amendement souffre d'une rédaction approximative. Que signifient, en effet, les mots « la plus grande partie des crédits » ? Quelle précision apportent-ils donc au projet ?

Les seuls crédits de l'AFPA qui sont transférés correspondent évidemment aux compétences dévolues aux régions. La lettre de cadrage du ministère des affaires sociales, à laquelle j'ai fait allusion cet après-midi, pour le prochain contrat de progrès avec l'AFPA précise bien que celle-ci conservera une subvention nationale au titre de la politique de l'emploi.

Quant au deuxième alinéa de votre amendement, c'est une déclaration qui n'a aucune valeur juridique, une fois de plus ! On ne voit pas ce qu'il apporte au texte de loi. A-t-il même sa place ici ?

Enfin, le dernier alinéa est superfétatoire puisque la subvention nationale versée à l'AFPA ne peut concerner que la politique de l'emploi.

Pour ces trois motifs, nous sommes défavorables à l'amendement n° 1499.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux libertés locales, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 1499.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Le Gouvernement a le même avis que la commission.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Je crois qu'il est utile, à ce point du débat, de préciser certaines choses.

Certains affirment que l'on veut faire disparaître l'AFPA mais que l'on ne nous propose pas de solution alternative, si ce n'est de maintenir le cadre actuel avec certes quelques améliorations à la marge.

Mais le Parlement doit aussi avoir le souci de l'efficacité de la dépense publique et chercher - c'est d'ailleurs le but de la décentralisation - de quelle manière on peut obtenir de meilleurs résultats et donc atteindre les objectifs d'une politique publique, par une gestion plus proche des citoyens.

C'est la raison pour laquelle, je suis, pour ma part, favorable aux dispositions prévues par le texte.

J'ai eu la curiosité, après avoir reçu des lettres de l'AFPA, de me replonger dans les travaux réalisés par l'Assemblée nationale sur le fonctionnement de cette association. Selon le rapport de la mission d'évaluation et de contrôle, intitulé « Pour un meilleur usage des fonds de la formation professionnelle », le fonctionnement et les objectifs de l'AFPA ne sont pas clairs. Il est même écrit dans ce rapport adopté par la commission des finances, alors que Didier Migaud était rapporteur général : « L'ampleur des moyens mis en œuvre contraste avec la faiblesse relative des résultats. Les membres de la commission se sont également interrogés sur la stratégie de long terme adoptée par le Gouvernement pour l'AFPA. »

Il lui est également reproché la fin des interventions dans le secteur concurrentiel.

Aujourd'hui, nous en tirons les enseignements afin de stimuler l'AFPA, de mieux définir ce qu'elle doit faire, pour que la mise en concurrence au niveau régional soit de nature à favoriser l'évolution de l'institution et à lui permettre d'atteindre de meilleurs résultats et donc de perdurer. C'est bien là l'objectif auquel nous invitent non seulement nos propres travaux mais aussi les rapports de la Cour des comptes. Faute de temps, je ne remonterai pas au rapport le plus ancien, qui date de 1996 ou de 1997 et qui était extrêmement sévère, mais celui de 2000 constatait, entre autres, que les objectifs qui avaient été fixés à l'AFPA, notamment dans le cadre des accords avec l'ANPE, n'étaient pas atteints : « Le bilan de l'accord ne fait toutefois apparaître qu'un faible taux de réalisation des objectifs, à peine 50 %. »

Il ne faudrait rien changer et l'AFPA devrait continuer à fonctionner telle qu'elle est ? Dans ce cas, il ne faudra pas s'étonner demain qu'un énième rapport vienne déplorer un manque d'efficacité de la dépense publique et donc un gaspillage des ressources que l'on demande soit aux entreprises soit aux contribuables.

Il est absolument indispensable d'aller vers l'évolution proposée. Elle ne sera pas facile mais je fais confiance, car ils en ont la capacité, aux personnels et aux dirigeants de l'AFPA pour y faire face et s'adapter.

M. Alain Gest. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. L'AFPA, comme tout organisme public, a vocation à être « audité », évalué et apprécié.

M. Jacques Le Guen. C'est une association !

M. Michel Bouvard. Sous tutelle du ministère, et avec des ressources publiques !

M. Christian Paul. Oui, mais elle est encore, que je sache, le bras de la politique de l'Etat et du ministère de l'emploi en matière de formation professionnelle. Ce n'est pas une association de boulistes ! (Rires et exclamations sur divers bancs.) Je n'ai d'ailleurs rien contre ce genre d'association ! Depuis la loi de 1901, chaque association a son objet social, je ne vous apprends rien !

L'AFPA, elle, a vocation à être régulièrement modernisée ou transformée. Mais, en l'occurrence, ce que vous proposez, ce n'est pas une transformation, c'est une mise à mort, au moins dans une partie des régions françaises !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. C'est vous qui le dites !

M. Alain Gest. Finissons-en avec les mauvais procès !

M. Christian Paul. Là réside l'essentiel de notre critique.

Monsieur le rapporteur, l'AFPA ne pourra pas se contenter, pour résister au choc que vous voulez lui faire subir, de la lettre de M. Fillon en date du 6 juin 2003, que vous avez citée à plusieurs reprises, et que j'ai, comme vous, lu attentivement, car elle ne constitue en rien une garantie. Elle ne fait que donner des instructions à l'association. La loi va maintenant créer pour elle un environnement de travail et des conditions d'interventions tout à fait différents, avec une mise en concurrence totale dans l'ensemble des régions françaises.

M. Michel Bouvard. En effet ! Mais la Cour des comptes le recommande !

M. Christian Paul. Il faut en anticiper les conséquences, ce que vous ne faites pas, je le crains, parce que vous ne tenez pas compte de la diversité des situations dans les régions. Il y en a où l'AFPA est très présente, y compris au profit d'autres régions françaises. Dans de tels cas, comment cela va-t-il se passer ? Vous n'en dites mot.

Ainsi, pour la région Limousin...

M. le ministre délégué aux libertés locales. Comme par hasard !

M. Christian Paul. C'est parce que, en Corrèze, l'AFPA est très présente, par les hasards de l'histoire, et qu'elle y intervient au profit de beaucoup de régions françaises !

Vous nous direz, monsieur Devedjian, que, dans ce cas, on établira des conventions. Pour tout stagiaire recruté, pour tout nouveau programme de formation lancé, on passera une convention avec l'ensemble des régions françaises ! Je trouve un tel mode de fonctionnement pour le moins curieux.

Il existait jusqu'à présent une politique nationale de formation, qu'il aurait été bon de conserver.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1499.

(L'amendement n'est pas adopté.)


M. le président.
L'amendement n° 1010 n'est pas défendu.

Je suis saisi d'un amendement n° 1500.

La parole est à M. Christian Paul, pour le soutenir.

M. Christian Paul. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1500.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, n°s 1501 et 1011 corrigé, pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement n° 1011 corrigé n'est pas défendu.

La parole est à M. Christian Paul, pour soutenir l'amendement n° 1501.

M. Christian Paul. Il s'agit d'inscrire dans la loi la force que nous souhaitons donner au contrat de progrès national passé entre l'AFPA et ses ministères de tutelle afin de lui conserver, malgré tout ce que vous avez dit ce soir, sa vocation nationale, notamment pour les formations qui doivent se dérouler au profit d'un certain nombre de régions et non d'une seule.

Il importe que la dimension nationale de l'AFPA soit réaffirmée.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. La régionalisation a le grand intérêt de donner aux parties la liberté de déterminer elles-mêmes le contenu de la convention qu'elles vont conclure et de s'adapter à la réalité de leur territoire, sachant que les deux éléments essentiels de cette convention, le schéma régional des formations et le programme d'activité régional de l'AFPA, devront y figurer. Je suis donc défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Excellente observation de M. Daubresse à laquelle le Gouvernement se rallie. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1501.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je vais mettre aux voix l'article 8.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.

Le scrutin est ouvert.

............................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin sur l'article 8 :

      Nombre de votants 35

      Nombre de suffrages exprimés 33

      Majorité absolue 17

    Pour l'adoption 24

    Contre 9

L'Assemblée nationale a adopté.

Article 9

M. le président. Sur l'article 9, je suis saisi de plusieurs amendements.

L'amendement n° 1012 n'est pas défendu.

Je suis saisi d'un amendement n° 1570.

La parole est à M. Dominique Tian, pour le soutenir.

M. Dominique Tian, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Il s'agit d'un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1570.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 482.

La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour le soutenir.

M. Dominique Tian, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Cet amendement vise à supprimer le III de l'article 9, ce qui ne devrait a priori pas poser de problème puisqu'il s'agit également de coordination.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 482.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 9, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 9, ainsi modifié, est adopté.)

Article 10

M. le président. Sur l'article 10, je suis saisi d'un amendement n° 1013.

C'est amendement n'est pas défendu.

Je mets aux voix l'article 10.

(L'article 10 est adopté.)

Article 11

M. le président. L'article 11 fait l'objet de plusieurs amendements.

L'amendement n° 1014 n'est pas défendu.

Je suis saisi de deux amendements, n°s 1503 et 312, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Christian Paul, pour soutenir l'amendement n° 1503.

M. Christian Paul. Il s'agit de préciser la force normative du deuxième alinéa de l'article 11, qui concerne l'article L. 214-12-1 du code de l'éducation.

Il n'est pas concevable que la région organise les actions d'accueil prévues sans travailler spécifiquement avec les conseils généraux puisqu'il s'agit des programmes de formation à destination, notamment, des bénéficiaires du revenu minimum d'insertion. Il importe que la loi fixe l'obligation de convention entre la région, en charge de la formation professionnelle, et les départements, en charge des politiques d'insertion.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Le projet de loi prévoit déjà que les régions peuvent passer des conventions avec les autres collectivités territoriales, donc avec les départements. Au nom du principe de liberté contractuelle, il n'est pas souhaitable de définir a priori le contenu de ces conventions. D'ailleurs, la liste proposée ici n'est pas exhaustive.

Quant à l'amendement n° 312, que je défends par la même occasion, vous donne satisfaction sur un point, monsieur Paul, puisque la signature de la convention n'est plus une possibilité, mais une obligation.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les deux amendements en discussion ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 1503.

En revanche, il accepterait l'amendement n° 312 sous réserve d'une modification.

Cet amendement est utile parce qu'il ajoute les groupements de communes à la liste des structures pouvant signer des conventions. Mais il rend ces dernières obligatoires, ce qui porte atteinte au principe de liberté contractuelle.

Par conséquent, si M. Daubresse voulait bien substituer au mot « passe » les mots « peut passer », le Gouvernement serait très favorable à l'amendement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. J'accepte cette rectification.

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Je note que nous ne sommes pas à une contradiction près dans ce débat. Lorsque l'opposition présente un amendement visant à donner une force normative à la loi, notamment quant à la nécessité pour la région de passer des conventions avec le conseil général, le rapporteur nous oppose la liberté des collectivités. Or lui-même défend ensuite un amendement passant outre à ce principe - le ministre le lui a d'ailleurs fait remarquer - en proposant une rédaction très normative.

Pour autant, je soutiens la rédaction initiale de l'amendement du rapporteur, même s'il a employé des arguments qu'il ne reprend pas à son compte pour rejeter l'amendement que je propose.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué aux libertés locales. Monsieur Paul, le Gouvernement aurait pu accepter votre amendement. Il ne pose pas de problème du fait qu'il vient de l'opposition. D'ailleurs, nous en avons accepté trente du parti socialiste au Sénat. Je suis prêt à en accepter autant à l'Assemblée nationale, à condition qu'ils soient pertinents !

En l'occurrence, votre amendement souffre de ne pas mentionner, contrairement à celui de M. Daubresse, les EPCI...

M. Christian Paul. Ils sont tout naturellement inclus !

M. le ministre délégué aux libertés locales. Oui, mais ils ne figurent pas dans votre amendement, auquel je serais favorable si vous les rajoutiez.

En outre, le principe de libre administration des collectivités, qui est de valeur constitutionnelle, posé comme tel, doit être respecté. Reconnaissez que des conventions obligatoires n'auraient aucun sens. Le principe de la liberté contractuelle doit être préservé.

Si vous étiez d'accord sur ces deux points, je serais enchanté de donner un avis favorable à votre amendement.

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Monsieur Devedjian, je ne vois pas comment imaginer que certaines régions mettent en place des programmes de formation professionnelle en matière d'insertion sans agir en relation étroite avec les conseils généraux, qui possèdent cette compétence. C'est un principe comme un autre. Pour ma part, je préfère m'inspirer d'un principe d'efficacité opérationnelle afin d'éviter des concurrences observées dans nos régions entre les départements et les conseils régionaux quand les choses ne sont pas bien réglées par la loi.

La précision que nous apportons au dispositif contractuel permettrait aux régions d'avoir une fonction d'impulsion dans ce domaine, tout en agissant en relation étroite avec les départements et leurs propres plans départementaux d'insertion.

C'est, me semble-t-il, une proposition de bon sens qui aurait pu, monsieur le rapporteur, se fondre dans l'amendement n° 312.

M. le président. Monsieur Paul, maintenez-vous l'amendement n° 1503 ?

M. Christian Paul. Oui, monsieur le président.

Mais si le rapporteur veut le faire sien et le fondre dans l'amendement n° 312, j'y serais tout à fait favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1503.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 312 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1326.

La parole est à M. Pierre Albertini, pour le soutenir.

Pourriez-vous, monsieur Albertini, défendre en même temps l'amendement n° 1327 ?

M. Pierre Albertini. Volontiers, monsieur le président.

En fait, ces amendements sont satisfaits à la fois par le texte initial et par l'amendement de M. Daubresse qui vient d'être adopté. Ils sont donc retirés.

M. le président. Les amendements n°s 1326 et 1327 sont retirés.

Je mets aux voix l'article 11, modifié par l'amendement n° 312 rectifié.

(L'article 11, ainsi modifié, est adopté.)

Avant l'article 12 A

M. le président. Je suis saisi de deux amendements n°s 648 et 649, portant articles additionnels avant l'article 12 A.

Ces amendements peuvent faire l'objet d'une présentation commune.

La parole est à M. Philippe Vuilque, pour les soutenir.

M. Philippe Vuilque. L'amendement n° 648 vise à insérer le mot « durable, » après les mots « au développement ». Il replace l'action des collectivités territoriales dans la perspective du développement durable, conformément aux conclusions du sommet de Rio de 1992 et de l'Agenda 21.

Par l'amendement n° 649, nous proposons d'appliquer à la collectivité, notamment au conseil régional, la politique qu'elle serait susceptible de mettre en place en matière d'environnement. Il est tout à fait naturel, si le conseil régional développe une politique d'environnement, qu'il se l'applique aussi à lui-même. Tel est l'objectif de cet article additionnel, s'agissant notamment de la maîtrise des dépenses d'eau, des dépenses énergétiques et de la gestion des déchets.


M. le président
. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Défavorable.

Le premier n'apporte rien à l'article L. 1111-2 du code général des collectivités territoriales, qui évoque déjà le développement économique, l'aménagement du territoire, la protection de l'environnement et l'amélioration du cadre de vie.

En ce qui concerne le second, si nous sommes d'accord sur les objectifs de Rio et sur les prescriptions visant à les atteindre, notamment dans les schémas de cohérence territoriale, les documents d'urbanisme, ou le projet d'aménagement et de développement durable, qui trace les grandes lignes directrices et précède la mise en œuvre des programmes locaux d'urbanisme, je ne vois pas pourquoi on devrait encore complexifier les choses avec un plan de gestion environnementale alors que des instruments très précis existent déjà, tels que le plan de traitement des déchets, qui permet de résoudre les problèmes de façon concrète et pragmatique, et non « intellectuellement ».

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 648, je suis heureux de vous l'annoncer.

M. Alain Gest. Et un amendement socialiste de plus !

M. le ministre délégué aux libertés locales. La précision est en effet utile.

En revanche, je suis défavorable à l'amendement n° 649, pour les raisons que M. Daubresse a indiquées. Les contraintes supplémentaires proposées mériteraient un examen beaucoup plus approfondi. En tout état de cause, une telle énumération ne trouve pas sa place dans ce texte.

M. Christian Paul. En bref, l'affichage, oui, mais l'action, jamais !

M. le ministre délégué aux libertés locales. Si vous insistez, monsieur Paul, et si cela vous paraît nécessaire à l'harmonie, je puis tout aussi bien donner un avis défavorable à l'amendement n° 648 !

M. Christian Paul. Prenez donc vos responsabilités, monsieur le ministre !

M. le ministre délégué aux libertés locales. Je croyais vous être agréable, mais si ce n'est pas le cas...

M. le président. La parole est à M. Philippe Vuilque.

M. Philippe Vuilque. Nous avons commencé cette séance dans la sérénité. Il serait souhaitable qu'il continue d'en être ainsi.

Qu'est-ce qui vous gêne, monsieur le ministre ? La précision de l'amendement ou, plus généralement, le fait de demander à la collectivité territoriale de s'appliquer à elle-même une politique qu'elle sera éventuellement amenée à préconiser ?

Pour notre part, nous ne faisons que proposer d'appliquer au niveau des collectivités territoriales ce que le Président de la République, qui demande à ce qu'une charte de l'environnement soit incluse dans la Constitution, veut mettre en place à l'échelle de l'Etat.

Il nous semble tout de même normal qu'une collectivité territoriale telle que la région, en mesure de définir une politique en faveur de l'environnement, demande à sa propre administration de montrer l'exemple. Nous ne demandons pas autre chose.

Une telle mesure est symbolique. Je ne comprends pas ce qui vous dérange. Est-ce le fait de préciser les domaines concernés ? Est-ce parce qu'on en oublie ? Si c'est le cas, faites-nous des propositions, afin que l'on complète l'amendement. Nous ferons alors œuvre utile.

M. Alain Gest. Laissez donc une liberté aux collectivités territoriales ! Faites-leur confiance !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué aux libertés locales. Ce qui me dérange, c'est qu'aucune étude d'impact n'ait été réalisée, ce qui, eu égard à la précision de la liste présentée par l'amendement, me paraîtrait pourtant indispensable. Je n'aime pas légiférer à l'aveuglette.

M. Philippe Vuilque. Avez-vous réalisé une étude d'impact en ce qui concerne l'AFPA, monsieur le ministre ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Absolument !

M. Christian Paul. Produisez-la !

M. le ministre délégué aux libertés locales. Celle-ci a d'ailleurs tenu compte de la grandeur d'âme, de la générosité et du militantisme dont font preuve les socialistes dans les régions qu'ils dirigent ! (Sourires.)

Mme Hélène Mignon. C'est vrai, l'AFPA marche très bien, chez moi !

M. le président. La parole est à M. Pierre Albertini.

M. Pierre Albertini. Je voudrais apporter mon soutien à l'amendement n° 648 (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste), d'autant plus que j'ai cru comprendre que la Constitution pourrait être prochainement complétée (« Absolument ! » sur les mêmes bancs), notamment pour y faire figurer le concept de développement durable. Il serait donc normal que les collectivités locales appliquent elles-mêmes des principes qui vont prendre une valeur constitutionnelle. Cela n'entraverait en rien leur liberté et, d'ailleurs, la liberté a parfois besoin d'être guidée.

En revanche, je suis plus réticent s'agissant de l'amendement n° 649. Toute énumération du genre de celle qu'il prévoit comporte des risques d'oubli. En l'occurrence, l'amendement est un peu restrictif : il n'est pas question, par exemple, de tout ce qui tourne autour de la norme « haute qualité environnementale », qui englobe pourtant une grande partie des domaines énumérés : choix des matériaux, énergie renouvelable, etc.

L'amendement présente donc un petit inconvénient, celui de comporter, dans une liste ni exhaustive, ni sans doute facile à actualiser par la suite, des éléments qui pourraient paralyser l'action plutôt que l'encourager.

L'objectif est toutefois louable.

M. Alain Gest. Tout à fait !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Je ne voudrais pas laisser supposer que la commission des lois se désintéresse du développement durable et a fortiori du principe de précaution, qui va faire son entrée dans la Constitution. Nous y sommes au contraire très attentifs.

Mais si l'amendement n° 648 était adopté dans la rédaction proposée par Mme Perrin-Gaillard, le début de l'article L. 1111-2 du code général des collectivités territoriales se lirait ainsi : « Les communes, les départements et les régions concourent avec l'Etat à l'administration et à l'aménagement du territoire, au développement durable économique, social, sanitaire, culturel et scientifique ». Le développement durable finit par se noyer dans une telle énumération.

M. Michel Bouvard. En plus, l'énumération est incomplète !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Je préférerais la rédaction suivante : « ...à l'aménagement du territoire dans sa dimension économique, sociale, sanitaire, culturelle et scientifique, ainsi qu'au développement durable ». On donnerait ainsi à ce dernier une dimension forte.

M. Philippe Vuilque. Pourquoi pas, en effet ?

M. Dominique Tian, rapporteur pour avis. C'est beaucoup plus fort !

M. le ministre délégué aux libertés locales. Vous avez du style, monsieur le rapporteur !

M. le président. La parole est à M. Philippe Vuilque.

M. Philippe Vuilque. Nous sommes d'accord sur cette proposition, qui ne pose pas de problème particulier.

Je voudrais revenir sur les propos de M. Albertini concernant l'amendement n° 649, qui sont pertinents. Il a parlé de « petit inconvénient ». Or, même au prix d'un petit inconvénient, je préfère voir cette volonté figurer dans le texte. Même si la liste est incomplète, cela ne doit pas constituer un prétexte pour, finalement, ne pas adopter l'amendement. Si celui-ci pose un problème rédactionnel, nous pouvons l'améliorer.

Comme vous l'avez dit vous-même, monsieur Albertini - et je vous remercie de ce demi-soutien (Sourires) - ...

M. Christophe Caresche. C'est ça, l'UDF ! (Sourires.)

M. Philippe Vuilque. ...à un moment où le Président de la République souhaite constitutionnaliser les problèmes relatifs à l'environnement, il serait dommage de ne pas saisir l'occasion pour demander à la région, qui va mettre en place des politiques en ce domaine, d'appliquer à elle-même le principe du développement durable. Ne passons pas à côté d'une mesure aussi symbolique.

M. le président. La parole est à M. Pierre Albertini, pour une courte intervention.

M. Pierre Albertini. Très courte, monsieur le président.

Je trouve qu'on aurait intérêt à ne retenir de l'amendement que le concept central, qui me semble assez fort, c'est-à-dire la première phrase : « Chaque collectivité territoriale met en place un plan de gestion environnementale intégrée de son administration. »

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. Pierre Albertini. Quant au contenu et aux paramètres, ils seront pris en compte au fur et à mesure de l'évolution des données. Cela me paraît préférable à une tentative d'énumération.

M. Michel Bouvard. Il faut également laisser la dernière phrase !

M. Pierre Albertini. En effet, on peut conserver cette phrase qui concerne le bilan annuel du plan de gestion environnementale intégrée.

M. Philippe Vuilque. La proposition de M. Albertini me semble pertinente, et nous y sommes favorables.

M. le président. Monsieur Vuilque, pour la bonne organisation de nos débats, je vous propose de faire parvenir à la présidence le texte de l'amendement n° 648 rectifié tenant compte des observations du rapporteur, afin que l'Assemblée puisse se prononcer, non sur plusieurs déclarations, mais sur un texte précis.

M. le ministre délégué aux libertés locales. Voilà qui est sage !

M. Philippe Vuilque. Le texte est celui qu'a proposé le rapporteur !

M. le président. Mais il s'agit d'un amendement du groupe socialiste, et non du rapporteur !

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Afin que les choses soient claires, et avec l'accord des membres du groupe socialiste, je propose que nous rédigions ainsi le deuxième alinéa de l'article L. 1111-2 du CGCT : « Les communes, les départements et les régions concourent avec l'Etat à l'administration et à l'aménagement du territoire dans leur dimension économique, sociale, sanitaire, culturelle et scientifique, ainsi qu'au développement durable. »

En ce qui concerne l'amendement n° 649, et même en tenant compte de la proposition de rectification de M. Albertini, je me demande de quelle façon la petite commune de Warneton, située dans ma circonscription, et qui compte 174 habitants, pourrait faire pour mettre en place un plan énonçant l'ensemble des mesures envisagées pour la maîtrise des dépenses d'eau ou énergétiques et la gestion des déchets, par exemple.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Cette liste est supprimée !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. L'amendement concerne toutes les collectivités territoriales, même les communes de 100 habitants !

Je maintiens donc mon avis défavorable, mais je suis ouvert à l'idée de rédiger ensemble, d'ici à la deuxième lecture, un amendement acceptable par toutes les collectivités territoriales, y compris les plus petites communes.

M. Christian Paul. Nous étions sur le point d'aboutir à une rédaction satisfaisante !

M. le président. Monsieur Vuilque, je n'ai toujours pas reçu le texte de l'amendement n° 648 rectifié.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué aux libertés locales. Je constate que j'ai eu tort de donner un avis favorable à l'amendement n° 648. Le groupe socialiste est évidemment incapable de proposer une rédaction convenable (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), en dépit de la suggestion faite avec beaucoup d'intelligence par M. Daubresse. J'en viens à éprouver des regrets.

M. Christian Paul. Cette attaque ne vous grandit pas !

M. le ministre délégué aux libertés locales. On vous propose d'accepter votre amendement et on vous demande simplement de le rédiger d'une manière un peu plus élégante, mais même cela, vous ne voulez pas le faire ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Nous en reparlerons en deuxième lecture, si vous n'êtes pas prêts.

Plusieurs députés du groupe socialiste. De tels propos n'étaient pas indispensables !

M. le ministre délégué aux libertés locales. Quant à l'amendement n° 649, franchement, monsieur le président, le bricolage qui est proposé ne peut que m'inciter à confirmer définitivement l'avis défavorable du Gouvernement.

M. le président. En tout état de cause, la présidence ne pourra mettre aux voix que les amendements rectifiés dont le texte lui aura été transmis.

La parole est à M. Jean-Pierre Balligand.

M. Jean-Pierre Balligand. Je demande une brève suspension de séance, afin que nous puissions régler la question.

M. le président. Soit ! Cela vous permettra de rectifier les deux amendements en tenant compte des suggestions qui vous sont faites.


Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-deux heures quinze, est reprise à vingt-deux heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

Mes chers collègues, je vais maintenant mettre aux voix les amendements n°s 648 rectifié et 649 rectifié et, si vous êtes d'accord, on arrêtera là les improvisations en séance pour modifier les amendements. Le mieux est de se prononcer sur des textes et non sur des interventions.

Je vous donne lecture de l'amendement n° 648 rectifié :

« Avant l'article 12 A, insérer l'article suivant :

« Dans le deuxième alinéa de l'article L. 1111-2 du code général des collectivités territoriales, après les mots : ", aménagement du territoire ", la fin de la première phrase est ainsi rédigée : "dans leur dimension économique, sociale, sanitaire, culturelle et scientifique, ainsi qu'au développement durable." »

Je mets aux voix l'amendement n° 648 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

L'amendement n° 649 est quant à lui ainsi rectifié : le deuxième paragraphe du texte proposé pour l'article L. 1111-5-1 du code général des collectivités territoriales, à partir des mots « Ce plan » jusqu'aux mots « les constructions neuves », est supprimé.

Je mets aux voix l'amendement n° 649 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 12 A

M. le président. Les amendements n°s 1016 et 1299, tendant à supprimer l'article 12 A, ne sont pas défendus.

Je suis saisi d'un amendement n° 313.

La parole est à M. le rapporteur, pour le défendre.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. C'est un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 313.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 43 de M. Michel Bouvard n'a plus d'objet.

M. Michel Bouvard. Pourquoi ?

Plusieurs députés du groupe socialiste. Oui, pourquoi ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Parce que l'amendement n° 313 rédige les deuxième et troisième alinéas de l'article 12 A.

M. le président. On ne peut donc plus insérer un autre alinéa entre ces deux alinéas comme tendait à le faire l'amendement n° 43.

M. Michel Bouvard. On aurait pu me prévenir avant ! Il y a des limites ! J'en tirerai les conséquences au moment du vote final ! C'est inacceptable !

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 314.

La parole est à M. le rapporteur, pour le défendre.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Il s'agit là encore d'un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 314.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 124.

Est-il défendu ?

M. Jean-Pierre Gorges. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 124.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 135.

M. Alain Gest. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 135.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 878 n'est pas défendu.

Je mets aux voix l'article 12 A, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 12 A, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 12 A

M. le président. L'amendement n° 1181, portant article additionnel après l'article 12 A, n'est pas défendu.

Je suis saisi d'un amendement n° 547.

M. Michel Bouvard. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 547.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1015 n'est pas défendu.

Article 12

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 12.

La parole est M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. L'article 12 est évidemment un article important puisqu'il y a des enjeux considérables, au niveau financier comme en matière de desserte du territoire.

Je suis, comme un grand nombre d'entre nous, favorable au transfert des routes nationales aux départements dans la mesure où cela permettra de créer un véritable pôle de gestion des routes alliant simplicité, efficacité et lisibilité pour l'usager.

Toutefois, en l'état actuel du texte, les dispositions relatives au transfert financier ne sont pas satisfaisantes, et c'est un euphémisme. Les spécificités locales, comme celles des départements de montagne, ne sont pas prises en compte. C'est ainsi qu'aucune remise à niveau du patrimoine, notamment sur les ouvrages d'art, n'est envisagée avant le transfert.

Le texte organise le transfert des crédits liés à l'entretien, mais sans prendre en compte les surcoûts liés à la montagne. La réhabilitation, les aménagements de sécurité et l'exploitation du réseau sont prévus, mais on ne transfère pas les crédits liés aux dégâts exceptionnels ou aux investissements nécessaires pour la protection contre les risques naturels.


En outre, ce transfert des crédits de maintenance risque de s'avérer insuffisant en raison de la diminution constante, loi de règlement après loi de règlement, depuis quinze ans, des moyens consacrés par l'Etat à l'entretien des routes, même si la tendance s'est inversée récemment.

Je souhaite préciser ce qui fait la différence entre des départements de plaine et des départements de montagne et ce pourquoi les élus de la montagne sont particulièrement inquiets des dispositions proposées et souhaitent que leurs amendements soient retenus.

Les contraintes qui pèsent sur le réseau routier d'un département montagneux tel que la Savoie sont d'abord liées à la topographie qui se traduit par un patrimoine d'ouvrages d'art particulièrement important. Pour le seul département de la Savoie, ce sont dix tunnels sur routes nationales, représentant 17 % du linéaire national. Des travaux lourds de génie civil doivent être programmés dans la plupart des ouvrages pour les rendre conformes aux nouvelles directives que le Gouvernement vient d'édicter en matière de sécurité des infrastructures.

M. Christian Paul. Vous allez faire des péages, monsieur Bouvard !

M. Michel Bouvard. Pour les murs de soutènement, on compte 1 304 ouvrages sur le réseau routier national savoyard. Leur surface totale est estimée à 304 000 mètres carrés, soit 10 % du patrimoine national. A titre de comparaison, l'Eure-et-Loir ou la Loire-Atlantique totalisent moins de 400 mètres carrés. Or 40 % de ce patrimoine peuvent être jugés en mauvais état et la moitié est à réparer d'urgence. Ces ouvrages d'art ne sont pas pris en compte dans les compensations pour le transfert.

Pour les ponts, 379 ouvrages d'art ont été recensés. En 2003, soixante-huit ponts étaient jugés en mauvais état, dont seize nécessiteront des réparations urgentes à réaliser dans les cinq prochaines années.

Ainsi, le transfert de ce patrimoine d'ouvrages d'art exceptionnel entraînera, pour le département dont je suis l'élu, une charge financière évaluée par les services de l'équipement à 100 millions d'euros.

Deuxième contrainte : les risques naturels. Les chutes de blocs, éboulements, avalanches, glissements de terrain, débordements de torrents ou crues de rivières représentent des événements fréquents, plusieurs fois par an. Face à ces phénomènes et aux risques correspondants, les gestionnaires de réseaux routiers des régions de montagne sont amenés de plus en plus à investir en ouvrages de protection ou de confortement. Dans mon département, de nombreux sites doivent encore être protégés malgré les lourds investissements réalisés depuis une quinzaine d'années.

M. Christian Paul. Ça n'existe pas dans les Hauts-de-Seine !

M. Michel Bouvard. Je prendrai un seul exemple : la RN 212, dans les gorges de l'Arly, qui assure la liaison entre la Savoie et la Haute-Savoie. Depuis quinze ans, cette route est en moyenne fermée deux mois par an pour cause de chutes de blocs - elle l'est d'ailleurs en ce moment. Cette situation est de plus en plus mal vécue par les usagers. Une récente étude, menée par la direction départementale de l'équipement de la Savoie, a permis d'évaluer à 55 millions d'euros les travaux de sécurisation à entreprendre. Un tel itinéraire peut-il raisonnement être transféré au département sans que l'Etat tienne compte de la charge financière correspondante ?

Ainsi, la protection contre les risques naturels du réseau transféré doit s'accompagner d'un transfert des crédits que l'Etat consacre à ce type d'actions contractualisées, donc non prises en compte à ce jour, comme le programme de sécurisation des routes alpines, aussi bien au titre des programmes qu'au titre des crédits liés aux dégâts exceptionnels qui sont délégués, hors enveloppe départementale, en cas d'accidents sérieux.

Enfin, d'une manière générale, les départements de montagne ont à supporter des charges particulières en matière d'entretien et d'exploitation : entretien d'un patrimoine exceptionnel, dépenses particulières liées à la viabilité hivernale, surveillance renforcée du réseau. Les surcoûts correspondants pour une route nationale de montagne sont évalués à 70 % par rapport aux coûts d'une route nationale de plaine.

Tel est donc, monsieur le ministre, le tableau pour les départements des Alpes et des Pyrénées, c'est-à-dire les départements d'altitude, pour lesquels l'Etat a d'ailleurs inventé des services spécifiques pour l'entretien des terrains, comme le service de restauration des terrains en montagne.

Compte tenu de ces charges exceptionnelles qui pèsent sur les voiries et qui vont nous être transférées, nous souhaitons l'adoption d'un certain nombre d'amendements déposés sur les articles traitant de la compensation afin que nos collectivités ne soient pas ruinées par ce transfert qui ne peut s'opérer sur les mêmes bases que dans le reste du pays.

Ce n'est que dans ces conditions que nous pourrons accepter le transfert qui nous est aujourd'hui proposé, même s'il permet d'assurer demain la cohérence en matière de gestion. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. Christian Paul. C'est courageux et juste !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Balligand.

M. Jean-Pierre Balligand. L'article 12 est l'un de ceux qui va peser le plus sur les collectivités locales.Il prévoit tout d'abord un transfert partiel des routes nationales, grosso modo 15 000 à 20 000 kilomètres sur 36 000 kilomètres de routes appartenant à l'Etat. Mais les routes nationales qui seront transférées aux départements sont globalement en mauvais état.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Il y a trois ans, elles étaient en bon état. C'est bizarre !

M. Jean-Pierre Balligand. En effet, les routes en bon état sont celles qui figurent dans les contrats de plan Etat-régions. Elles sont considérées la plupart du temps comme des axes structurants. Elles apparaissent dans les contrats de plan successifs, ce qui n'est pas la majorité des cas puisque les contrats de plan Etats-régions, comme leur nom l'indique, sont financés à 50 % par l'Etat et à 50 % par les régions. Il a donc fallu l'accord des régions.

Le réseau transféré est donc plutôt en mauvais état.

M. René Dosière. C'est même pour cela que l'Etat les transfère.

M. Jean-Pierre Balligand. Or la base choisie, ce sont les dépenses de 2003. Conséquences pour nos départements : un rattrapage important et la remise en cause du maillage du territoire départemental. Nous allons devoir faire un arbitrage entre les routes départementales.

Je prendrai l'exemple de mon département de l'Aisne. C'est un département moyen : 540 000 habitants, 5 000 kilomètres de routes départementales.

Nous avons 457 kilomètres de routes nationales, hors autoroutes, incluant 57 kilomètres de deux fois deux voies d'une largeur moyenne de 7,5 mètres, soit une surface de 3,855 millions de mètres carrés.

Vous permettrez à l'ancien président du conseil général de l'Aisne de donner ces précisions. Nous devons tous faire ces calculs. M. Gest, président du conseil général de la Somme, les a faits, M. Bouvard aussi. Il ne sert à rien de parler de manière abstraite.

Par ailleurs, nous avons 5 302 kilomètres de routes départementales, avec vingt-cinq kilomètres de deux fois deux voies, soit 1,758 million de mètres carrés.

L'Aisne, vous le savez, se situe dans le nord-est de la France. Il y pleut malheureusement beaucoup et les variations de températures sont fortes...

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. C'est héroïque d'aller y habiter !

M. Jean-Pierre Balligand. ...puisque nous sommes près de la frontière belge, un peu comme la Somme, la Marne ou les Ardennes.

Pour l'Etat, le coût moyen d'entretien des routes nationales s'élève à 0,73 euro par mètre carré. Pour le conseil général de l'Aisne - qu'il ait été géré par la droite ou par la gauche - cette moyenne s'élève à 1,06 euro par mètre carré. Le différentiel s'établit à 0,33 euro. Notre entretien moyen est exigé tous les dix ans, et tous les quinze ans pour l'Etat.

Si l'Etat transfère les moyens qu'il consacre actuellement aux routes, le conseil général, s'il veut maintenir un niveau de service à peu près correct, va devoir inscrire 840 000 euros supplémentaires. Tel est le coût réel de votre transfert !

C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste a déposé une série d'amendements.

D'autres collègues, sur d'autres bancs, s'inquiètent aussi de ce transfert. Il faut qu'il se fasse dans des conditions acceptables, concrètes. Nous ne sommes pas opposés dans l'absolu au transfert vers le département, mais s'il n'est pas compensé de manière correcte, s'il n'y a pas de systèmes de révision et si l'on ne tient pas compte des spécificités territoriales qui sont bien plus graves en montagne que dans le Nord ou dans l'Est de la France, soyons francs, nous risquons une explosion des fiscalités locales.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Balligand.

M. Jean-Pierre Balligand. Il ne faut pas que ce transfert soit pour l'Etat une manière de se défausser sur les contribuables locaux. C'est un sujet sérieux qu'il faut aborder de manière très concrète. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration de la République.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration de la République. Si je demande la parole, ce n'est pas pour faire des digressions, au demeurant fort intéressantes, sur le fait que les collectivités territoriales sont plus soigneuses que l'Etat : c'est une banalité, tout le monde le sait. Vous aurez donc, monsieur Balligand, le choix entre gérer comme l'Etat, c'est-à-dire moyennement bien et ne pas augmenter la fiscalité, ou gérer mieux et donc l'augmenter. Nous nous sommes tous posé la même question et nous avons tous répondu la même chose : que nous gérerions mieux.

Je voudrais aborder un autre point. La direction de l'équipement, dont chacun connaît le côté centralisé, est animée par la volonté de transférer une partie des routes. Elle avait envisagé quatre critères. M. Daubresse et moi-même défendrons tout à l'heure un amendement qui les ramène à un seul, sous peine de laisser la direction des routes nationales faire strictement ce qu'elle veut, sans critère cohérent.

Le projet de loi prévoit donc un transfert du national vers le départemental mais personne, monsieur le ministre, ne s'est interrogé sur la possibilité inverse : celle d'une route départementale qui pourrait devenir nationale.

En 1972, Jacques Chaban-Delmas, Premier ministre, a décidé de faire entrer dans la propriété départementale plusieurs dizaines de milliers de kilomètres.

M. le ministre délégué aux libertés locales. Cinquante mille !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Cinquante-trois mille !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Qui dit mieux ?

Nous avons donc transformé les nationales en départementales. Il n'y a qu'un malheur, pour parler comme Maître Floriot dans ses plus belles plaidoiries, c'est que ces départementales sont restées de facto des nationales et que certaines sont devenues des internationales. Elles sont devenues des voies de délestage qui, particulièrement pendant les trois mois d'été, connaissent un trafic considérable.


Le Nord descend vers le Sud, et on voit fleurir sur ces routes départementales des plaques anglaises, belges, néerlandaises et allemandes.

Comme M. Balligand, ancien président du conseil général de l'Aisne, je prendrai un exemple pour faire comprendre la situation, notamment à mes collègues de gauche.

Dans mon département, je voyais une départementale empruntée par toute l'Europe en route vers le Midi devenir, pendant trois mois d'été, non plus même une nationale, mais une internationale. Dans le cadre de la négociation du dernier CPER, j'ai proposé au ministre de l'équipement de l'époque d'en faire une route à deux fois deux voies. M. Gayssot, m'a fait une réponse savoureuse : il serait heureux de faire plaisir au département de la Loire, mais c'était impossible car il s'agissait d'une route départementale. Quelques semaines plus tard, le même M. Gayssot, qui n'avait peur de rien, est venu me demander - sans rire - un milliard de francs pour financer une autoroute !

Le mouvement va toujours dans le même sens : on ne peut pas demander à l'Etat de financer une départementale, parce que c'est une départementale, mais on peut demander au département de financer une autoroute, parce que, dans ce sens-là, tout est permis !

M. René Dosière. Les départements ont l'argent que l'Etat n'a pas !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Je regrette que mon amendement ait été frappé par cet article injuste qu'est l'article 40 - il n'y a guère que dans ces occasions que je regrette de ne pas être sénateur ! (Sourires.) Je voudrais donc, monsieur le ministre, attirer votre attention sur le fait que certaines départementales ont vocation à être reclassées en nationales. C'est le cas de celles qui ont fait l'objet de la mesure de 1972, qui sont, dans les faits, devenues de véritables internationales. Or, jamais la direction de l'équipement ou la direction des routes n'ont abordé cette question.

M. Jean-Pierre Balligand. Dont acte !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Monsieur le ministre, si ce reclassement est impossible, je vous demande que puissent être prévus, dans un CPER ultérieur, des crédits à la mesure du trafic. J'espère avoir plus de chance avec le gouvernement actuel qu'avec le précédent, mais, très franchement, je n'en suis pas sûr. (Sourires.)

C'est dire l'importance des difficultés que nous rencontrons dans ce domaine. Très honnêtement, monsieur le ministre, je n'ai guère apprécié la manière dont le ministère de l'équipement a décidé de transférer deux tiers des routes nationales aux départements. La réunion de concertation à laquelle vous avez participé comme moi m'a proprement scandalisé.

M. le ministre délégué aux libertés locales. Je m'en souviens !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Je reconnais que je n'étais pas de bonne humeur, mais vous avouerez aussi que la méthode était violente. Je souhaiterais que le problème soit traité avec sérénité, et qu'on prenne conscience que la démarche de classement des routes, entre le niveau national et le niveau départemental, doit être à double sens. Je vous demande donc, monsieur le ministre, d'être mon avocat. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre délégué aux libertés locales. C'est une cause difficile !

M. René Dosière. Le Gouvernement peut déposer un amendement !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Il peut le faire, en effet !

M. le président. La parole est à M. Philippe Vuilque.

M. Philippe Vuilque. M. Clément noie le poisson et nous fait, comme il l'a déjà fait en commission des lois, un grand numéro sur un sujet qui le passionne. Mais le vrai sujet qui fâche, comme nous l'a montré M. Balligand, est celui des charges supplémentaires que ce transfert va imposer aux départements, qui représentent un nouvel impôt Raffarin. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Un certain nombre de présidents de conseils généraux de votre propre majorité sont consternés.

M. Alain Gest. Dispensez-vous de parler en notre nom !

M. Philippe Vuilque. Mais c'est vrai ! Vous savez bien que c'est un sujet d'inquiétude chez tous les présidents de conseils généraux ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Alain Gest. Vous ne savez pas de quoi vous parlez !

M. Philippe Vuilque. Que M. Clément arrête donc de faire son numéro, et parlons du sujet qui fâche : le transfert sans compensation financière à des départements qui ont chacun leurs spécificités, avec des réseaux très différents - que l'on pense aux départements de montagne, par exemple !

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Nous sommes tous d'accord pour reconnaître qu'à ce jour, la situation du réseau routier national n'est pas satisfaisante. Depuis des décennies, nous avons pris un retard très important, et le Gouvernement nous propose, avec cet article, d'essayer de trouver une solution à un problème réel.

Dans le Sud-Ouest, il est facile de comparer la situation en deçà et au-delà des Pyrénées.

M. Michel Piron. Si Pascal revient...

M. Philippe Folliot. Il y a trente ans, notre réseau routier correspondait aux normes et critères de l'époque, tandis que l'Espagne avait beaucoup de retard. Aujourd'hui, le réseau routier est de grande qualité du côté espagnol, alors que notre réseau routier national - mais aussi départemental, dans certains départements - n'est assurément pas à la hauteur des enjeux ni des aspirations de nos concitoyens.

La situation actuelle ne pouvait pas durer, et la proposition du Gouvernement me semble bonne sur le principe. Les réticences qui s'expriment aujourd'hui sont peut-être les mêmes que celles qui se sont exprimées à d'autres époques sur d'autres sujets - notamment à propos de la gestion des collèges et des lycées.

Autre point positif : le Gouvernement a renoncé à instituer des routes régionales. Le transfert des routes aux départements, qui disposent déjà d'un réseau, d'équipements, d'infrastructures et d'une administration qui lui permettent de les gérer, me semble aller dans le sens de la simplification, et c'est une bonne chose.

C'est également le cas de la décision de figer la région en tant que pôle financier capable d'intervenir, auprès des départements comme auprès de l'Etat, pour améliorer le réseau.

Un autre élément de satisfaction est que les conseillers généraux seront amenés à donner leur avis lors de ce transfert - qui, je le rappelle, n'est pas le premier, puisqu'un transfert de même nature a eu lieu en 1972.

Pour autant, un certain nombre d'inquiétudes légitimes demeurent quant aux spécificités départementales, qu'il s'agisse des départements de montagne ou de ceux dans lesquels des routes nationales méritent d'être transformées en routes à deux fois deux voies - je pense notamment à la RN 126, entre Toulouse et Castres-Mazamet, qui n'est que partiellement aménagée de la sorte, et qui nécessite des investissements importants.

M. Jean-Pierre Balligand. Cela relève de l'article 89 !

M. Philippe Folliot. Nous espérons que ce futur réseau routier national permettra de mettre en relation nos métropoles d'équilibre dans de bonnes conditions et contribuera à une desserte équilibrée du territoire.

La philosophie de ce projet est bonne. Le conservatisme n'est pas acceptable, et il nous faut avancer. Toutefois, les enjeux de ces avancées pour nos territoires et les inquiétudes qui demeurent nous commandent de rester vigilants.

M. le président. J'ai été saisi de plusieurs demandes d'intervention sur l'article. Je vous propose, mes chers collègues, de donner successivement la parole à un député de la majorité et à un député de l'opposition, après quoi il vous sera loisible de vous exprimer sur les amendements.

La parole est à M. Alain Gest.

M. Alain Gest. J'ai bien écouté la démonstration très concrète de notre collègue Balligand, qui a le mérite et l'intérêt de poser les problèmes.

Pour convaincre les plus jacobins d'entre nous - il y en a sur tous les bancs ! -, j'avais invité, au cours de la discussion générale, à réfléchir à ce que seraient aujourd'hui les collèges et les lycées de France s'ils n'avaient pas été transférés, il y a vingt ans, avec les conséquences financières que chacun connaît, aux collectivités territoriales départementales et régionales. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Nous nous trouvons aujourd'hui dans une situation analogue. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Il a été rappelé que les routes nationales sont souvent, aujourd'hui, dans un état très dégradé (Approbations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) - à l'exception de celles qui ont fait l'objet de travaux dans le cadre d'un CPER - et que se posent des problèmes de sécurité routière. Nous ne pouvons pas, en tant qu'élus de la nation, prendre la responsabilité de laisser les choses en l'état.

M. Philippe Folliot. Absolument !

M. Alain Gest. C'est la raison pour laquelle la proposition formulée dans le projet de loi me semble tout à fait judicieuse.

Le problème du surcoût ne tient pas au transfert, mais à la capacité de gestion des collectivités locales et à la qualité du travail qu'elles réaliseront.

Peut-être avons-nous tardé à faire notre mue mais, vingt ans après les lois de décentralisation, nous croyons aujourd'hui très sincèrement dans la capacité des collectivités territoriales à faire mieux que n'a fait jusqu'à présent l'Etat. M. Balligand a démontré, en citant des chiffres, la réalité du problème. Combien de kilomètres de routes seront transférés dans l'Aisne ?

M. Jean-Pierre Balligand. Cela concernera 457 kilomètres !

M. Alain Gest. Et voilà : 457 kilomètres, sur 5 300 kilomètres de routes départementales ! Dans mon département, le chiffre est de 250 kilomètres sur 4 300, soit entre 5 % et 10 % de la charge actuelle des routes. Ne me dites pas, monsieur Balligand, vous qui avez géré un département, que les départements, qui connaissent bien le domaine de la gestion des routes, ne sont pas en mesure de faire face !

M. Philippe Folliot. C'était une bonne intervention !

M. le président. La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière. Comme vient de le dire M. Gest en des termes différents des miens, le problème n'est pas de savoir si les collectivités savent mieux gérer les investissements que l'Etat. Chacun sait - et le président de la commission des lois l'a rappelé tout à l'heure - que l'on gère beaucoup mieux au niveau local.

M. Alain Gest. C'est bien de le répéter.

M. René Dosière. On le sait depuis longtemps.

M. le ministre délégué aux libertés locales. Tout le monde ne le sait pas !

M. René Dosière. Le vrai problème est essentiellement financier. A quel coût cette gestion se fera-t-elle ?

Le transfert des lycées évoqué par M. Gest, réalisé par la majorité que nous soutenions, s'est révélé insatisfaisant. L'état de dégradation du parc immobilier des lycées et les charges supportées par les régions pour le remettre à niveau avaient été sous-estimés. (« Quel aveu ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Alain Gest. C'est sans commune mesure !

M. René Dosière. Je ne comprends pas pourquoi vous répétez aujourd'hui les mêmes erreurs.

M. Alain Gest. Financièrement, la situation n'a rien de comparable !

M. René Dosière. L'expérience devrait vous instruire. C'est, du reste, ce que dit M. Bouvard et ce qu'écrit le rapporteur, qui souligne, à la page 119 de son rapport, en citant des organismes officiels de l'Etat, que les crédits que l'Etat consacre actuellement à l'entretien et à la réhabilitation des routes sont tout à fait insuffisants, et que les transferts vont s'accompagner d'une très forte augmentation des coûts.


Les collectivités locales seront bien entendu capables de faire cet effort financier, mais à quel prix !

M. Jean-Marc Nudant. Comme dans L'Avare ! (Sourires.)

M. René Dosière. Encore que, dans les départements de montagne, on peut même se demander si ce sera possible... Et à quel prix ! Au prix d'une augmentation, très sensible, de la fiscalité départementale. Nous nous trouvons bien alors au cœur du problème financier. A cet égard, il y a matière à un vrai débat.

De plus, il y a un autre point gênant : nous ne disposons d'aucune information précise sur le réseau susceptible de faire l'objet d'un transfert.

M. Christian Paul. C'est dramatique !

M. Michel Bouvard et M. Alain Gest. Mais si, vous l'avez !

M. René Dosière. Moi, je n'en ai pas. En commission des lois, nous avons posé la question et demandé que le rapport de la commission contienne une carte des projets de transferts : elle n'y est pas. Je suppose que le rapporteur n'a pas pu l'obtenir. Par conséquent, nous délibérons dans le flou. Où est la carte, monsieur le ministre ? Mais peut-être vous répondrez-nous tout à l'heure en nous informant des réseaux susceptibles d'être transférés !

Enfin, dernière observation sur ce sujet particulièrement sensible : il n'y a pas d'étude d'impact. Nous aurions dû avoir au moins une étude faisant apparaître notamment les différences selon la nature géographique des départements. Nous sommes donc dans un flou particulièrement important, c'est un véritable brouillard. Il faut que tous ces points soient éclaircis avant la fin de la discussion.

M. le président. Nous en venons aux amendements.

Je suis saisi de deux amendements, n°s 650 et 1017, tendant à supprimer l'article 12.

L'amendement n° 1017 n'est pas défendu.

La parole est à Mme Odile Saugues, pour soutenir l'amendement n° 650.

Mme Odile Saugues. Les craintes des utilisateurs de routes nationales sont tout à fait légitimes. Elles rejoignent celles qui ont été exprimées dans cet hémicycle et correspondent aux descriptions faites par mes collègues, notamment par M. Balligand et M. Bouvard. Leurs interventions nous montrent que le transfert s'effectuera avec de grandes difficultés, faute d'aide à hauteur du financement réel. Nous sommes solidaires des difficultés que vont éprouver les collectivités confrontées à ce manque de moyens. Ces seuls arguments justifient déjà très largement cette proposition de suppression de l'article.

M. le président. Sur le vote de l'amendement n° 650, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 650 ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Même avis que la commission.

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. C'est bien en raison de l'absence de précisions et de l'opacité sur les conditions financières du transfert, que nous sommes amenés à nous y opposer. Il aurait été de bonne politique, monsieur le ministre, de fournir au Parlement, et notamment aux rapporteurs, une cartographie complète du transfert que vous escomptez opérer. Si celle-ci est disponible, nous devons pouvoir en prendre connaissance ; en revanche, si elle n'existe pas, c'est tout à fait inquiétant.

A cet égard, je note une grave régression de la délibération collective, car lors de la législature précédente, des schémas de service avaient été élaborés pour accompagner le débat sur la programmation des grandes infrastructures nationales. Et ces schémas, dotés de cartes et d'indications précises, avaient été adoptés par le Parlement.

Vous nous proposez maintenant un transfert qui est soumis à des conditions juridiques extrêmement floues. Certes, les contentieux devant le Conseil d'Etat, à l'initiative des collectivités qui considéreront que telle ou telle route nationale ne doit pas revenir dans le domaine public départemental, permettront de préciser les contours de ce transfert. Mais il y a d'autres imprécisions. Ainsi, quelles sont les routes reliant deux métropoles régionales qui auront vocation à demeurer dans le domaine public routier national ? Parfois, deux itinéraires sont possibles pour aller d'une métropole à l'autre. Lequel sera privilégié ?

Bref, c'est une source non seulement de confusion, mais aussi d'arbitraire dans les décisions qui seront prises. Nous ne sommes pas actuellement en situation d'être sûrs de la loyauté des intentions de l'Etat dans ce transfert.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Je tiens tout d'abord à préciser que notre collègue Christian Paul se trompe lorsqu'il dit que les schémas de service ont été adoptés par le Parlement.

M. le ministre délégué aux libertés locales. En effet !

M. Michel Bouvard. Je me souviens d'avoir défendu des amendements proposant de soumettre ces schémas au Parlement, et qu'ils ont été repoussés par la ministre de l'époque en charge de l'aménagement du territoire, Mme Voynet !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Absolument !

M. Michel Bouvard. Contrairement d'ailleurs à ce qui se passait auparavant.

Ceci étant, monsieur le ministre, avant que nous ne nous prononcions sur l'article 12, je souhaiterais savoir si les compensations prévues dans le projet de loi sont appelées à évoluer. Même s'ils viennent plus tard dans la discussion, certains amendements adoptés notamment en commission des finances illustrent la préoccupation de nombre de mes collègues. Au regard des enjeux, vous comprendrez qu'il y ait quelque hésitation, même si on fait confiance au Gouvernement, à signer des chèques en blanc d'un tel montant.

Si vous nous précisiez, monsieur le ministre, qu'une évolution est possible dans la prise en compte des coûts réels et de l'ensemble des crédits engagés par l'Etat au cours des dernières années pour l'entretien des routes, cela ouvrirait évidemment des perspectives. Sinon, en l'état, il serait très difficile de se prononcer favorablement.

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Objectivement, si nous étions sûrs que la suppression de cet article supprimerait les problèmes sur le terrain, nous serions tous d'accord pour voter l'amendement. Chacun sait que la situation actuelle n'est pas satisfaisante, mais le Gouvernement nous propose une orientation qui s'avère positive.

Monsieur Christian Paul, vous avez dit tout à l'heure que vous éprouviez quelque difficulté à faire crédit d'intention au Gouvernement. Pour sa part, le groupe UDF lui fait crédit d'intention sur ce point. Nous savons qu'environ 20 000 kilomètres vont être transférés. On peut faire confiance à la sagesse du Gouvernement (Exclamations sur les bancs du groupe socialise) pour faire en sorte que ne soient transférées que les voies qui méritent de l'être.

M. René Dosière. Ce sont des propos de jeune élu ! (Sourires.)

M. le président. D'habitude, il s'agit plutôt de s'en remettre à la sagesse de l'Assemblée, le Gouvernement étant, pour sa part, toujours sage. (Sourires.)

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué aux libertés locales. Le Gouvernement va essayer de vous donner raison, monsieur le président. (Sourires.)

S'agissant d'abord des conditions du transfert et des routes concernées, je souligne que le Gouvernement a organisé une concertation avec les exécutifs des conseils régionaux. Je crois que l'information fournie, région par région, a été assez complète. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. Christian Paul. Parlez-vous de concertation ou d'information ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. L'information s'est accompagnée de concertation. Monsieur Christian Paul, je ne me souviens pas vous avoir vu au cours de ces réunions, mais je puis vous assurer que les présidents de conseils généraux se sont exprimés très largement. Je pense à M. Bianco qui, au nom des Alpes-de-Haute-Provence, a dit qu'il était hostile à ces transferts que son département n'aurait pas les moyens d'assumer. Il n'en voulait pas, soulignant que cela coûterait si cher alors que son département est si pauvre - cela rejoint les propos de M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. En effet, et je le comprends !

M. le ministre délégué aux libertés locales. Je pense aussi au Gers, que je connais bien, dont le président du conseil général a dit la même chose. Le Gouvernement en a pris acte. La concertation a été réelle et doit, naturellement, être poursuivie.

M. René Dosière. Nous y sommes prêts, monsieur le ministre.

M. le ministre délégué aux libertés locales. La loi ne fixe que les critères. Les transferts se feront par voie réglementaire, et dans la concertation.

J'ai assisté, au cours de ces réunions, à des échanges très intéressants. Certains présidents de conseils généraux voulaient davantage de transferts ; d'autres moins. Leurs positions étaient souvent justifiées par des considérations locales et des motifs fort raisonnables, rationnels et tout à fait compréhensibles. Contrairement à ce que disent certains, le Gouvernement ne cherche pas à se délester de ce qui lui coûterait trop cher : il souhaite parvenir à une meilleure efficacité de l'organisation du réseau routier. Si les élus locaux sont véritablement hostiles aux transferts, ils seront la plupart du temps entendus. C'est en tous les cas l'esprit dans lequel cette question a été abordée. La concertation avec notamment le ministère de l'équipement, à l'initiative de mon ministère qui en assuré l'organisation - car ce dialogue m'a paru indispensable - a été pour les participants globalement satisfaisante. Elle va continuer.

Ensuite, quant à la compensation des coûts, nous allons l'aborder à l'article 89.

Certes, ce n'est donc pas à ce stade de la discussion que je peux répondre à vos interrogations, mais quitte à me répéter autant que vous, je vous redis que la garantie de la Constitution est réelle, car le Conseil constitutionnel a décidé que la compensation devait être réelle, exhaustive et pérenne. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Je fais, pour ma part, confiance à la Constitution et à l'interprétation qu'en fait le Conseil constitutionnel.

Mme Odile Saugues. Comme il n'y a pas de financement, c'est facile à dire !

M. le ministre délégué aux libertés locales. Au-delà des procès d'intention faits au Gouvernement, il y a objectivement, dans le dispositif proposé, une vraie garantie juridique. De toute façon, nous aborderons la réalité du financement dans la suite du débat. D'ores et déjà, cette question ne me paraît pas faire obstacle à l'adoption du principe du transfert.

M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 650.

Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.

Je vais vous laisser quelques instants pour regagner vos places.

.......................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

.......................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin sur l'amendement n° 650 :

      Nombre de votants 43

      Nombre de suffrages exprimés 41

      Majorité absolue 21

    Pour l'adoption 14

    Contre 27

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Je suis saisi d'un amendement n° 315 rectifié.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Cet amendement aborde la question des normes techniques. Il vise à apporter une clarification en précisant que les collectivités territoriales et leurs groupements définissent conjointement les normes sur les réseaux relevant de leur compétence. Pour le reste, le domaine de recherche propre à l'Etat sur son domaine routier est préservé.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 315 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 44.

La parole est à M. Michel Bouvard, pour le soutenir.


M. le président
. Je suis saisi d'un amendement n° 44.

La parole est à M. Michel Bouvard, pour le soutenir.

M. Michel Bouvard. Cet amendement concerne le problème des normes. Parce que si l'Etat va se retirer, il va continuer à édicter des normes. Et nous commençons, monsieur le ministre, à en avoir un peu assez de ces normes édictées depuis des bureaux parisiens !

M. Jean-Marie Binetruy. Ça, c'est vrai !

M. Christian Paul. Et cela va s'aggraver !

M. Michel Bouvard. Parce qu'ensuite, c'est le contribuable local qui paie la facture. Nous avons un précédent qui date de la dernière législature, lorsque M. Jean-Claude Gayssot était ministre de l'équipement et des transports. Pour être tout à fait honnête, c'est une affaire qui avait d'ailleurs été enclenchée auparavant. De quoi s'agissait-il ? Quelqu'un avait défini de nouvelles normes sur les engins de déneigement. Cela avait coûté au département de la Savoie la bagatelle de 25 millions de francs, parce que la saleuse ne devait plus être à tel endroit sur l'essieu, parce qu'il fallait changer les gyrophares, parce qu'un certain nombre d'engins qui donnaient toute satisfaction ont dû être remplacés. Tout cela parce qu'un gars, dans un bureau, avait décidé qu'il fallait tout changer. Et nous, nous avons payé.

L'Etat vient d'édicter des normes concernant les tunnels - c'est une compétence que l'on va nous transférer. Et demain, c'est encore lui qui édictera les normes. Dans un réseau routier de montagnes, il y a des ouvrages spécifiques. En ce qui concerne les pare-avalanche, on ne va pas pouvoir me dire qu'il faut traiter tout le territoire de la même manière. Non, ce coup-ci, on ne va pas pouvoir me le dire !

M. le ministre délégué aux libertés locales. Non !

M. Michel Bouvard. Pour ce qui est des murs de soutènement, il y en a 400 mètres carrés en Loire-Atlantique ou en Eure-et-Loir, et nous en avons 304 000 mètres carrés : j'estime que les ingénieurs des services départementaux sont à même de pouvoir donner des avis sur la manière dont ce type d'ouvrage doit être réalisé.

Ce que nous demandons est très simple et ne me paraît pas exorbitant, d'autant plus qu'on a refusé tous les amendements qui concernaient la montagne depuis le début de cette discussion. J'espère au moins que sur cette affaire de normes, s'agissant de ce type d'ouvrage, nous pourrons être consultés et qu'on ne va pas nous imposer des choses de loin, qui coûteront très cher et qui augmenteront encore la facture que le contribuable alpin ou pyrénéen aura à régler.

M. Christian Paul. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Je ne voudrais pas que M. Bouvard m'en veuille. Il soulève un vrai problème...

M. Jean-Pierre Balligand. A mon avis, c'est mal barré !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. ...et si j'étais député dans sa circonscription, je dirais la même chose que lui.

Mais dans l'amendement que nous venons d'adopter, il est prévu que les normes seraient définies conjointement par l'Etat et les collectivités dans un certain nombre de domaines, et cela vaut pour les départements de montagne.

Je comprends la hargne de M. Bouvard contre la direction des routes, mais je ne peux pas, dans ma position de rapporteur, donner un avis favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Il y a en tout cas une chose dont Michel Bouvard m'a convaincu, c'est que les routes de montagne, cela n'a rien à voir avec les routes des Hauts-de-Seine. (Sourires.) Cela, j'en suis certain, et les coûts ne sont certainement pas les mêmes.

La question des normes est une vraie question. Et il est vrai que ce système accroît les coûts. J'ajoute d'ailleurs qu'il n'y a pas que les normes françaises, il y a aussi les normes européennes.

M. Michel Bouvard. En plus ! Mais celles-là, on arrive à s'en occuper !

M. le ministre délégué aux libertés locales. Oui, plus ou moins bien. Mais si on arrive à s'en occuper, vous devriez être parfaitement rassuré par le deuxième alinéa du I de l'article 12 : « Les collectivités territoriales définissent conjointement avec l'Etat les programmes de recherche et de développement des savoir-faire techniques dans le domaine routier. Elles sont associées à la définition des normes et définitions techniques correspondantes, adaptées à la spécificité de chacun des réseaux. » Il me semble donc, monsieur Bouvard, que vous devriez trouver satisfaction à votre demande légitime.

M. René Dosière. Cela manque tout de même de précision !

M. le ministre délégué aux libertés locales. C'est pourquoi je trouve que vous pourriez retirer votre amendement, puisqu'il est satisfait.

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Il me semble que nous abordons là des sujets très complexes et dont les enjeux financiers sont très lourds pour les départements. Et sans faire offense en quoi que ce soit à M. le ministre, je note que M. Devedjian est un élu urbain.

M. le ministre délégué aux libertés locales. Personne n'est parfait !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Qu'en termes galants ces choses-là sont dites !

M. Christian Paul. J'évoque là bien sûr la géographie de sa circonscription, et non pas sa cordialité - en tout cas pas celle qu'il nous montre ce soir.

Monsieur le ministre, je m'étonne qu'au moment où le Gouvernement et la majorité s'apprêtent à transférer aux départements plus de la moitié du patrimoine routier national, le ministre de l'équipement n'ait pas jugé bon de venir au banc du Gouvernement pour présenter cette mutation complète du réseau routier national. Cela lui aurait peut-être permis de mieux comprendre les difficultés que votre décision va faire naître. Mais peut-être ne veut-il pas les entendre.

M. René Dosière. Il est en campagne électorale.

M. Christian Paul. Sans doute est-il retenu ailleurs par des sujets plus importants et plus immédiats.

M. Bouvard a posé une question importante. Il l'a posée de façon répétée tout au long de cette soirée, et encore à l'instant en ce qui concerne le réseau routier. C'est pourquoi le groupe socialiste demande un scrutin public sur cet amendement.

M. le président. Vous souhaitiez intervenir, monsieur Bouvard ?

M. Michel Bouvard. Non, non, je ne souhaitais pas intervenir. Je maintiens l'amendement, parce que je ne fais pas du tout confiance, je le dis comme je le pense - et on a quelque raison de penser comme cela dans d'autres départements -, à des structures nationales comme l'Association des départements de France pour défendre nos spécificités.

M. Alain Gest. Oh !

M. Michel Bouvard. Je le dis parce que nous l'avons vérifié dans le passé. Nous ne faisons pas du tout confiance à l'Association des départements de France, je le répète. Et nous souhaitons que ce type de normes soient définies en concertation avec les départements directement concernés et non pas avec des structures nationales qui n'ont pas l'expérience de ce type de problèmes.

M. le président. Sur le vote de l'amendement n° 44, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault. Je suis un peu désolé pour mon collègue Bouvard, mais je voudrais réagir à l'intervention de M. Paul. Il demande la présence du ministre de l'équipement. Je crois qu'il fait fi de toute la concertation qui a précédé la rédaction du texte qui nous est soumis ce soir. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Christophe Caresche. Le président de la commission des lois nous en a parlé, de cette « concertation » : il nous a dit qu'elle avait été catastrophique !

M. Michel Hunault. Je vous ai laissé parler, mes chers collègues !

M. le président. Monsieur Caresche, seul M. Hunault a la parole !

M. Michel Hunault. Merci, monsieur le président.

Ce texte a fait l'objet d'une longue concertation avec l'ensemble des associations d'élus, que celles-ci rassemblent les régions, les départements ou les communes. Peut-être que vous n'y avez pas participé, monsieur Paul,...

M. Christophe Caresche. M. Clément y était : il nous a dit qu'elle était artificielle !

M. Michel Hunault. ...mais ne faites pas comme si le texte qui vous est soumis n'avait fait l'objet d'aucune concertation.

Sur le fond, le Gouvernement a tout à fait raison de concéder une partie de ces routes. Quand on voit l'état d'entretien des routes et la dangerosité de certaines d'entre elles, il y a tout lieu de penser qu'elles seront mieux gérées par l'ensemble des collectivités départementales, dans le cadre de plans auxquels les régions seront associées. Et c'est un bien mauvais procès fait au Gouvernement que de dire que ce texte n'a été précédé d'aucune concertation.

M. le président. La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière. Je voudrais répondre à M. Hunault et à M. le ministre. Moi, je veux bien admettre qu'il y a eu une concertation avec les intéressés, qui sont les exécutifs locaux. Mais nous sommes ici à l'Assemblée nationale ! C'est ici que la loi se vote ! Et personnellement, je ne suis pas responsable d'un exécutif local,...

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. C'est dommage !

M. René Dosière. ...je ne cumule pas. Et par conséquent, ce que je souhaite c'est que les informations qui nous sont nécessaires, nous les ayons ici, au moment où nous votons la loi. La concertation, c'est une chose, mais ce ne sont tout de même pas les présidents de conseils généraux qui vont voter ce texte, enfin quoi ! C'est nous qui le votons, et nous n'avons aucune information. Je trouve cela absolument inadmissible. Ce n'est pas ainsi qu'on revalorise le rôle du Parlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué aux libertés locales. Monsieur Dosière, d'abord, vous avez les critères.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Ils sont nuls.

M. le ministre délégué aux libertés locales. M. Clément, qui a participé à la réunion, n'en était pas très content, il faut bien le dire. Mais comme c'était une vraie réunion de concertation,...

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Hum, hum, hum !

M. Christian Paul. M. Clément s'en étrangle !

M. le ministre délégué aux libertés locales. ...M. Clément - vous le connaissez - s'est fait entendre. Croyez-moi, il a su dire ce qu'il avait à dire.

M. Christian Paul. Et vous ne l'avez pas écouté !

M. le ministre délégué aux libertés locales. Ce que vous dites n'est pas vrai.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Nous avons déposé un amendement, monsieur Paul, vous allez voir !

M. le ministre délégué aux libertés locales. La concertation a eu lieu, et M. Clément en a lui-même tiré les conséquences, ce qui est son droit. La concertation, cela n'implique pas nécessairement que le Gouvernement accepte tout ce qu'on lui dit. Sinon, il n'y aurait évidemment plus de sens à la concertation. Mais M. Clément s'est fait entendre, croyez-moi, et avec beaucoup d'autorité.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Et pourtant je suis discret !

M. René Dosière. Il s'est fait entendre comme président de conseil général, pas comme député.

M. le ministre délégué aux libertés locales. Donc, les critères sont définis, les principes sont posés, et ensuite, les choses se font par voie réglementaire. Vous le savez bien, monsieur Dosière, parce que c'est aussi ce qu'a fait le gouvernement que vous souteniez lorsqu'il a mis en place des transferts de compétences. C'est bien à ce moment-là, dans la phase réglementaire du transfert, que se finalise la concertation.

Enfin, je veux dire à M. Paul, qui trouve que je ne suis qu'à demi urbain, qu'il a bien raison : je suis resté un peu rustique. Et comme tous les gens rustiques, je considère qu'on récolte ce que l'on sème.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix l'amendement n° 44.

Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.

Je vais vous laisser quelques instants pour regagner vos places.

...................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin sur l'amendement n° 44 :

      Nombre de votants 42

      Nombre de suffrages exprimés 42

      Majorité absolue 22

    Pour l'adoption 15

    Contre 27

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Je suis saisi d'un amendement n° 1540, qui fait l'objet d'un sous-amendement n° 282 rectifié.

La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Cet amendement est celui auquel M. le président de la commission des lois a fait allusion tout à l'heure. C'était un amendement bien équilibré avant qu'il ne tombe sous le couperet de l'article 40.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. C'est très vrai !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. En effet, nous avons voulu supprimer l'impérialisme bien connu de la direction des routes, qui voulait d'abord définir son domaine routier national et considérait tout le reste comme subsidiaire. Or, comme le transfert va concerner entre 15 000 et 20 000 kilomètres de routes supplémentaires, nous avons estimé qu'il fallait définir deux domaines : le domaine national et le domaine départemental.

Nous n'avons pas voulu retenir quatre critères. Cela n'a pas de sens, et cela revient à dire qu'on fait clairement ce qu'on veut. Nous avons voulu retenir un seul critère : un réseau cohérent d'autoroutes et de routes d'intérêt national. Voilà pour la première partie de l'amendement.

La seconde, vous ne l'avez pas sous les yeux, puisqu'elle est tombée sous le coup de l'article 40 - M. Méhaignerie est venu nous expliquer qu'il ne pouvait pas faire autrement. Comme l'a justement dit le président de la commission des lois, et je le dis pour M. le ministre,...

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. S'il écoute !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. ...il y a toute une série de routes qui sont actuellement classées dans le domaine départemental mais qui sont de vraies-fausses routes départementales. Ce sont, de fait, des routes nationales, et même parfois internationales.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Le mot est lâché.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Une bonne loyauté des transferts aurait voulu que, d'un côté, on transfère, comme il est normal, des routes nationales vers les conseils généraux, mais que, en contrepartie,...

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. A l'inverse.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. ...ou à l'inverse, on puisse faire remonter vers l'Etat la compétence relative à des routes départementales qui, de fait, jouent un rôle national ou international.

Je le dis au Gouvernement puisque, comme rapporteur, je suis obligé de sacrifier la seconde partie de cet amendement, qui était pourtant très bien balancé.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Très bien balancé !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. En deuxième lecture, le Gouvernement ferait un geste tout à fait appréciable s'il déposait lui-même cet amendement,...

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Il peut le faire dès maintenant s'il le souhaite.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. ...de façon à faciliter les choses.

M. René Dosière. Il peut le reprendre dès maintenant !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Cela étant dit, la première partie de cet amendement a au moins l'intérêt de définir clairement ce qui relève du domaine national. Ce qui relève du domaine national est ce qui a un intérêt national, et non pas ce qui répond à quatre critères, lesquels peuvent être appréciés au petit bonheur la chance, si vous me permettez cette expression.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Bonheur, pas pour tout le monde !

M. le président. Le sous-amendement n° 282 rectifié est-il défendu ?


M. Michel Bouvard
. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement n° 282 rectifié ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Nos collègues auteurs de ce sous-amendement ont raison de demander que soit vérifiée périodiquement - tous les dix ans aux termes de cette proposition - la pertinence des choix. La commission y est donc favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 282 rectifié et sur l'amendement n° 1540 ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Sur le sous-amendement n° 282 rectifié, le Gouvernement observe que le transfert a lieu maintenant.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Il est pérenne !

M. le ministre délégué aux libertés locales. Tout à fait. Pour ma part, je ne crois pas beaucoup à la vérification décennale.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Ce ne sera pas respecté, comme d'habitude !

M. le ministre délégué aux libertés locales. Je dirai donc : sagesse pessimiste. (Sourires.)

M. René Dosière. Résignée ! (Sourires.)

M. le président. C'est une innovation, monsieur le ministre ! (Sourires.)

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. C'est nouveau ! La formule est originale !

M. le ministre délégué aux libertés locales. Voyez-y l'influence de Jacqueline de Romilly et des auteurs grecs ! Donc, sagesse pessimiste et sceptique.

Pour l'amendement n° 1540, sagesse également, mais optimiste. (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Nous sommes a priori favorables à tout ce qui peut améliorer ce texte. Donc, l'amendement et le sous-amendement nous paraissent intéressants. Toutefois, nous aurions aimé connaître la réaction du Gouvernement aux propos de M. Clément et à la deuxième partie sacrifiée...

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. A la hache ! (Sourires.)

M. Christian Paul. ...par le président Méhaignerie. Ce n'est pas, ici, un règlement de comptes entre présidents ou entre Pascal Clément, président de conseil général, et le Gouvernement...

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Non, c'est le règlement de l'Assemblée !

M. Christian Paul. ...pour obtenir je ne sais quel tronçon de route nationale. C'est une position de principe selon laquelle un certain nombre de routes départementales ont une vocation de route nationale.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Pour une fois, ce que vous dites est très bien ! Cela me fait plaisir !

M. Christian Paul. Mais je n'ai pas entendu le ministre...

Nous voterons donc cet amendement tout en regrettant que la partie intéressante n'y figure plus. Pour en rester aux philosophes grecs, nous considérons qu'il est devenu assez « platonique », sans, pour autant, être platonicien ! Il serait essentiel, monsieur le ministre, qu'au-delà d'un sourire de façade, vous expliquiez très clairement la position du Gouvernement sur la question posée par M. Clément.

M. le ministre délégué aux libertés locales. Le Gouvernement vous a répondu. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Christophe Caresche. Non, il n'a pas répondu !

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 282 rectifié, auquel le rapporteur est favorable - le Gouvernement s'en remettant à la sagesse de l'Assemblée de façon à la fois « pessimiste et sceptique ». (Sourires.)

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

Je mets aux voix l'amendement n° 1540, modifié par le sous-amendement n° 282 rectifié - le Gouvernement s'en remettant sur cet amendement à la « sagesse optimiste » de l'Assemblée. (Sourires.)

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. Je constate, là encore, que le vote est acquis à l'unanimité.

Monsieur le ministre, voilà une innovation : des votes à l'unanimité avec une « sagesse » à géométrie variable ! (Sourires.)

En conséquence de cette adoption, les amendements 125 de M. Goulard, 136 de M. Mancel, 281 de Mme Martinez et 1018 de M. Chassaigne n'ont plus d'objet.

L'amendement n° 1019 n'est pas défendu.

Je suis saisi d'un amendement n° 318.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. C'est un amendement de conséquence.

Je veux seulement y apporter une rectification. Il convient, dans le deuxième paragraphe du texte proposé pour le III de l'article 12, de faire référence non aux « décrets en Conseil d'Etat mentionnés dans ce paragraphe », mais aux « décrets en Conseil d'Etat mentionnés dans le dernier alinéa de l'article L. 121-1 du code de la voirie routière ».

M. le président. Acte est donné de cette rectification.

L'amendement n° 318 devient donc l'amendement n° 318 rectifié.

Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement n° 318 rectifié ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 318 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements 657 de M. Bonrepaux, 656 et 652 de M. Derosier, 1450 de M. Pélissard, 1429 et 137 de M. Mancel, 655 et 651 de M. Derosier, 1430 de M. Mancel et 658 de M. Bonrepaux n'ont plus d'objet.

Je mets aux voix l'article 12, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 12, ainsi modifié, est adopté.)

Article 13

M. le président. L'amendement n° 1020, tendant à supprimer l'article 13, n'est pas défendu, non plus que l'amendement n° 1452 rectifié.

Je suis saisi d'un amendement n° 660.

La parole est à M. Jean-Pierre Balligand, pour le soutenir.

M. Jean-Pierre Balligand. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Il est combattu.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 660.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1478 n'est pas défendu.

Je suis saisi d'un amendement n° 1576.

La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse, pour le soutenir.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Il s'agit de corriger une erreur.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1576.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1215.

La parole est à M. Michel Bouvard, pour le soutenir.

M. Michel Bouvard. Notre collègue Juliana Rimane, qui n'a pu être des nôtres ce soir compte tenu de l'éloignement de sa circonscription, a présenté un amendement qui vise à prendre en compte la spécificité du territoire guyanais. Elle estime qu'en raison des conditions climatiques et parce qu'elles relient le territoire aux pays voisins, les routes nationales de ce département doivent rester dans le domaine national et ne pas être transférées au département de la Guyane.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Nous prenons tous en compte les intérêts de la Guyane et sa spécificité. Nous avons d'ailleurs adopté un amendement la concernant, ce matin. En l'occurrence, je ne peux qu'être juridiquement défavorable à cet amendement parce que la domanialité d'une route n'a aucun effet sur l'exercice par l'Etat de ses missions de souveraineté : contrôle des flux migratoires, sécurité des biens et des personnes, répression des trafics illégaux... Donc, cet amendement n'a pas lieu d'être.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1215.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 13, modifié par l'amendement n° 1576.

(L'article 13, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 13

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 659, portant article additionnel après l'article 13.

La parole est à M. Jean-Pierre Balligand, pour le soutenir.

M. Jean-Pierre Balligand. Mon collègue Victorin Lurel, quelque peu éloigné de la métropole, m'a chargé de présenter son amendement. Celui-ci pose une question délicate, monsieur le ministre, mais qui a son intérêt. Notre collègue souhaiterait que « Le congrès, dans les départements et régions d'outre-mer... » puisse « ...évoquer le conflit dans l'exercice des compétences à l'initiative du président du conseil régional, du président du conseil général ou du préfet. »

Les Guadeloupéens et les Martiniquais ont refusé la disparition des deux départements en tant que tels. Ainsi, dans les régions mono-départementales, en cas de conflit sur l'exercice des compétences entre les deux collectivités, le congrès doit pouvoir débattre de cette question et trancher un éventuel litige.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Avis défavorable. Les conflits de compétences entre départements et régions d'outre-mer ont, certes, leur importance. Je comprends donc le souci de M. Lurel sur ce point. Pour autant, même si l'article 13 est le seul à traiter de l'outre-mer, le projet de décentralisation et les problèmes liés aux institutions d'outre-mer n'ont que peu de rapport. Cette question est réelle, mais nous ne pouvons y répondre à l'occasion de l'examen de ce texte.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. L'article 13 prévoit une concertation entre la région et le département, s'agissant du transfert des routes nationales. Cela nous paraît tout à fait suffisant. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 659.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 14

M. le président. Sur l'article 14, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Michel Hunault.

M. Michel Hunault. Je veux, ici, faire part au Gouvernement de mes réserves quant à l'instauration éventuelle des péages sur les routes express. Vous savez, monsieur le ministre, que nous vous suivons dans votre démarche de décentralisation et, notamment, lorsqu'il s'agit de rapprocher les décideurs des administrés.

Vous proposez, à cet article, de transférer un certain nombre de routes aux départements. Actuellement, ces péages sont réservés aux autoroutes et interdits pour les routes. En étendre le principe aux voix express risque d'avoir des conséquences disproportionnées que nous ne pouvons pas aujourd'hui mesurer. En effet, les routes express ont déjà été construites, donc financées.

Je me suis inscrit sur l'article 14 pour obtenir du Gouvernement qu'il s'engage à interdire aux collectivités d'instaurer demain des péages sur des routes express déjà réalisées, donc pour la plupart financées. Je prendrai l'exemple de la Bretagne et des Pays de la Loire, régions périphériques confrontées à la compétition économique européenne. Il me semble inconcevable de pénaliser le monde économique en instaurant des péages sur des routes express aujourd'hui gratuites.


Cette disposition n'est pas d'origine gouvernementale ; elle résulte d'une discussion qui a eu lieu au Sénat. Il est temps, je crois, monsieur le ministre, d'apaiser les craintes légitimes qu'elle suscite. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Philippe Rouault. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Balligand.

M. Jean-Pierre Balligand. A l'article 12, nous avons parlé du transfert des routes aux départements. Pardonnez-moi, monsieur Hunault, vous n'étiez pas présent, mais M. Clément, dont chacun connaît le caractère direct, a tout de même reconnu que cela allait coûter cher aux départements. Nous réfléchissons à la question depuis un moment, et j'ai d'ailleurs fait partie des élus qui ont estimé nécessaire de procéder à des estimations au sein de leur conseil général.

Vous devriez donc vous mettre au diapason, monsieur le ministre, admettre que cette décentralisation coûtera de l'argent et qu'il faudra lever l'« impôt Raffarin » (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire),...

M. Alain Gest. C'est leur nouveau slogan de campagne !

M. Jean-Pierre Balligand. ...l'impôt de l'acte II de la décentralisation.

Mais l'affaire ne s'arrête pas là, et je crois très sincèrement que nous sommes au cœur du sujet. Vous faites passer la charge du contribuable national au contribuable local, vous délestez, vous démantelez l'Etat, en touchant de façon scandaleuse à la formation professionnelle - nous l'avons vu tout à l'heure - ou encore à des fonctions régaliennes de l'Etat comme l'administration des détenus ou des réfugiés : dans tous ces domaines, c'est très clair, vous allez faire payer les collectivités, tout simplement parce que l'Etat, aujourd'hui, assume mal ses responsabilités.

M. le ministre délégué aux libertés locales. Allons, monsieur Balligand !

M. Jean-Pierre Balligand. Et la note sera bien supérieure aux 11,5 milliards d'euros prévus à ce stade. Les élus ne sont pas fous,...

M. le ministre délégué aux libertés locales. Moi non plus je ne suis pas fou !

M. Jean-Pierre Balligand. ...ils font leurs comptes, et certains de nos collègues, notamment des sénateurs, ont trouvé la solution : c'est le troisième stade. De quoi s'agit-il ? Ce tour de passe-passe, cette grande arnaque - le mot n'est pas trop fort - consiste à faire passer la charge sur l'usager pour éviter une explosion de la fiscalité locale, laquelle, au-delà d'un certain niveau, entraînerait la révolte des contribuables locaux. Faire payer l'usager, c'est créer un sas de sécurité.

L'idée est d'inspiration anglo-saxonne ; le nouveau thatchérisme ambiant, auquel vous adhérez, atteint là des sommets. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Alain Gest. Oh ! la la !

M. Jean-Marc Nudant. Et l'APA, alors ?

M. Jean-Pierre Balligand. Mme Thatcher, tout comme le gouvernement actuel, monsieur Devedjian, ne s'est pas contentée de mener une politique ultra-libérale, elle a aussi fusillé l'action des collectivités locales. L'une des principales inquiétudes des élus locaux de notre pays est peut-être précisément de perdre progressivement leur autonomie.

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. On ne peut pas laisser dire cela !

M. Jean-Pierre Balligand. Certains membres de la majorité - je pense en particulier à M. Méhaignerie, le président de la commission des finances - évoquent la nécessité de réduire l'action publique locale.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Nous ne disons pas cela !

M. Jean-Pierre Balligand. Ainsi, après la réduction de l'action publique nationale, il faudrait dépenser moins au niveau local.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Là, d'accord ! La nuance n'est pas mince !

M. Jean-Pierre Balligand. Mais comment y parvenir ? Il suffit de faire payer l'usager ! Voilà l'idée qui sous-tend l'article 14 !

L'UMP va peut-être enfin comprendre la mise en garde que j'ai adressée, il y a quelques jours, en commission des finances, à M. Hénart, notre rapporteur pour avis :...

M. Jean-Marc Nudant. Vous auriez dû réagir il y a trois ans, pour l'APA !

M. Jean-Pierre Balligand. ...l'article 14, c'est de la dynamite, et vous êtes en train d'entrer dans une mécanique qui va se retourner contre vous, car il faudra bien que vous assumiez ce texte.

M. Jean-Marc Nudant. Et pour les SDIS ?

M. Jean-Pierre Balligand. Vous allez donc faire payer non seulement les contribuables, c'est-à-dire les salariés et les entreprises, mais aussi ceux qui doivent habiter de plus en plus loin de leur lieu de travail. On constate en effet une dissociation entre lieu de vie et lieu de travail, dans les agglomérations, bien entendu, mais aussi en zone rurale, compte tenu de la dilatation territoriale - la progression de la population rurale mise en évidence par le recensement de 1999 atteste que les gens les plus modestes habitent de plus en plus loin de leur lieu de travail. Il faut donc construire des voies nouvelles, des ouvrages d'art, et l'idée consiste à faire payer l'usager.

Vous devez assumer cette option économique. D'une certaine manière, elle répond à une vaste logique, puisqu'elle participe du démantèlement de l'Etat. Simplement, pour notre part, nous voulons le dénoncer avec force, comme nous le faisons déjà depuis plusieurs jours, car il arrive un moment où il faut prendre ses responsabilités.

L'article 14, à notre sens, est très important. Nous devrons en particulier avoir une discussion de fond sur la création, dans notre pays, d'un nouveau droit d'octroi. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. Alain Gest. Oh !

M. Jean-Louis Dumont. Très bien !

M. Christophe Caresche. Excellent !

M. le président. La parole est à Mme Odile Saugues.

Mme Odile Saugues. L'article 14 est l'un des plus contestables du projet de loi. Il a d'ailleurs été critiqué publiquement par l'Institut de la décentralisation.

M. le ministre délégué aux libertés locales. Evidemment ! M. Balligand en est le coprésident ! (Sourires.)

Mme Odile Saugues. Les péages, jusqu'à présent, étaient limités aux autoroutes concédées. Ils pourront désormais être installés sur les autres autoroutes, sous réserve d'un décret en Conseil d'Etat.

Mais le principal problème apparaît au II, qui autorise la création de péages sur les routes express. Vous commencez par rappeler le principe de la gratuité pour immédiatement vous lancer dans le rétablissement de véritables droits d'octroi, justifiés selon plusieurs critères. Vous aviez prévu qu'un avis du conseil régional soit obligatoire, mais le Sénat a supprimé cette disposition, et nous rejoignons son analyse - si l'on offre une compétence au département, il convient, en toute logique, de ne pas le placer sous la tutelle d'une autre collectivité. En rétablissant la confusion, vous ne faites qu'aggraver les choses.

Le même problème se pose pour les péages sur les ouvrages d'art, qui pourront être institués sur la base de justifications tout aussi larges.

Sur le fond, je reprendrai une phrase de l'avis de la commission des finances, qui concerne les aménagements non prévus initialement au cahier des charges mais peut s'appliquer à l'article dans son ensemble : « L'amendement propose que ce financement soit supporté par l'usager de l'autoroute et non par le contribuable local. »

Il s'agit, en réalité, de faire payer par l'usager ce que la majorité ne souhaite plus mettre à la charge du contribuable national, mais également ce que les collectivités territoriales ne pourront plus mettre à la charge du contribuable local, tant celui-ci sera étouffé par la hausse des impôts locaux occasionnée par votre projet de loi.

Depuis que l'article 14 est connu, vous tentez de faire croire qu'il s'agit d'une nouvelle liberté offerte aux collectivités locales, liberté qu'elles devront saisir « en toute connaissance de cause, en prenant leurs responsabilités, ce qu'elles feront de manière prudente », comme l'a dit le président de la commission des finances. En d'autres termes, plus brutaux que ceux de M. Méhaignerie, cet article ne sert à rien : les collectivités craindront tellement les réactions qu'elles n'oseront pas créer de péages. M. le ministre Devedjian, pour une fois, a été le plus clair, en déclarant, dans Les Echos du 24 février : « Quant au péage, je note que les élus locaux y sont opposés. En leur transférant les routes, ils ont donc la garantie qu'il n'y en aura pas, à moins qu'ils n'en décident eux-mêmes autrement. » C'est ce que l'on appelle, monsieur le ministre, une démonstration par l'absurde. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

L'usager prenant peur, vous vous en remettez de nouveau au contribuable local. Pensez-vous vraiment que vous pourrez longtemps jouer à cache-cache de la sorte ? De toute façon, contrairement à ce que vous voulez faire croire, les collectivités locales n'auront pas le choix.

M. Jacques Le Guen. C'est de l'intoxication !

Mme Odile Saugues. Selon un rapport de l'inspection générale des finances, repris par la commission des lois, « les contributions provenant des usagers sont appelées à poursuivre leur progression ». Et M. Clément, président de la commission des lois, relève que « la mise en place de péages constitue une condition sine qua non du développement du réseau routier pour les zones géographiques aujourd'hui les moins bien desservies ». On ne saurait être plus clair.

Le choix des collectivités n'en sera donc pas un, et là réside le piège : compte tenu du mauvais état des routes transférées, des moyens financiers insuffisants pour en assurer l'entretien au départ - nous sommes, les uns et les autres, très longuement intervenus sur la question -, mais surtout de l'absence de péréquation, qui condamne les collectivités les plus pauvres à trouver d'autres sources de financement, elles seront vraiment contraintes de créer ces péages.

Il faut rappeler également qu'il existe, outre les inégalités de richesse fiscale, des inégalités en matière de besoins : l'hétérogénéité climatique a des conséquences énormes sur les moyens nécessaires à l'entretien de la voirie ; M. Bouvard en a témoigné très précisément concernant les zones de montagne.

En somme, vous n'offrez pas une possibilité aux départements, vous leur imposez une solution détestable ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. Christophe Caresche. Excellent !

M. le président. La parole est à M. Alain Gest.

M. Alain Gest. Je ne dirai que quelques mots.

D'abord, la question des péages me paraît effectivement devoir être réexaminée, notamment s'agissant des routes déjà existantes, mais je pense que le président de la commission des lois s'exprimera à ce propos.

Si j'ai demandé à intervenir, c'est pour alerter M. le ministre sur un problème précis, relatif aux ouvrages d'art - je souhaitais le traiter à travers un amendement mais la commission des finances ne m'a pas accordé la possibilité de le défendre.

M. Jacques Le Guen. Ah !

M. Alain Gest. Lorsqu'une grande infrastructure est construite ou aménagée et qu'elle coupe une route, un dérèglement du système survient : de plus en plus souvent, le propriétaire de cette grande infrastructure laisse le soin à la collectivité propriétaire de la route de construire ou de reconstruire les ouvrages d'art nécessaires, ce qui entraîne, pour le coup, des dépenses supplémentaires pour celle-ci. J'ai à l'esprit l'exemple d'une entité qui aménage un canal et demande ensuite au département de bien vouloir rétablir l'ouvrage d'art sur la route départementale dont il a la charge.

C'est particulièrement préoccupant, et il me semble, monsieur le ministre, que nous aurions pu imaginer, dans cette loi - mais il y aura une deuxième lecture -, un moyen de résoudre le problème. Je souhaitais profiter du débat sur l'article 14 pour vous le signaler, puisque nos collègues de la commission des finances n'ont pas souhaité que je puisse maintenir mon amendement. Celui-ci avait des conséquences financières évidentes, et je comprends donc la position de la commission, mais c'est vraiment problématique pour les collectivités territoriales.

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis de la commission des finances. Nous vous aimons quand même, mon cher collègue ! L'article 40 n'a rien à voir avec les sentiments !

M. le président. La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière. L'article 14 est important. Il concerne en effet la création de péages sur les routes express. L'opinion s'est émue, depuis quelques jours, d'une telle mesure, et le Gouvernement et la majorité ont affirmé que les choses ne se passeraient pas exactement ainsi. A la veille des élections cantonales et régionales, à l'occasion desquelles nos concitoyens seront amenés à s'exprimer, il convient que les choses soient bien claires : à l'issue de cette discussion, nous devrons savoir très exactement ce qu'il en est.

Je lis un extrait de l'article en question :

« L'usage des routes express est en principe gratuit.

« Toutefois, lorsque l'utilité, les dimensions, le coût d'une route express ainsi que le service rendu aux usagers le justifient, il peut être institué un péage pour son usage en vue d'assurer la couverture totale ou partielle des dépenses de toute nature liées à la construction, à l'exploitation, à l'entretien, à l'aménagement ou à l'extension de l'infrastructure.

« En cas de délégation de ces missions de service public, le péage couvre également la rémunération et l'amortissement des capitaux investis par le délégataire. »

Celui-ci, je le précise, est une sorte de concessionnaire privé.

Et je poursuis : « Le produit du péage couvre ses frais de perception. »

Autrement dit, il est effectivement prévu de façon explicite de donner aux collectivités la possibilité de faire payer les usagers quand les impôts locaux s'avéreront insuffisants.


On sait d'ailleurs très bien que c'est là une forme d'impôt indirect qui pénalise les plus modestes.

On nous apporte ici des précisions sur l'utilité, la dimension, le coût d'une route express. Michel Bouvard nous disait tout à l'heure que, en montagne, ce coût était considérable : cela justifie-t-il l'instauration d'un péage ? Les conditions sont-elles cumulatives ou suffit-il que l'une d'elles soit remplie ? Vous avez dit, monsieur le ministre, que vous offriez aux collectivités la possibilité de créer un péage, mais que, comme les gens y sont hostiles, elles n'y auront pas recours. Vous êtes beaucoup plus clair, d'habitude. Ou bien c'est utile, et il faut le faire, ou bien ça ne l'est pas, et il ne faut pas le faire.

En réalité, le président de la commission des lois nous l'a dit, les collectivités devront consentir un important effort financier pour entretenir les routes que l'Etat aura transférées ou pour étendre le réseau, et elles n'auront d'autre solution que de recourir au péage. Il faut que vous informiez les Français de ce qui les attend :...

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis de la commission des finances. Vous le faites très bien !

M. René Dosière. ...ils auront à la fois l'augmentation des impôts locaux et le péage.

M. le président. La parole est à M. René Dumont...

M. Jean-Louis Dumont. Monsieur le président, vous avez accolé à mon patronyme un prénom qui n'est pas le mien : je ne m'appelle pas René, mais Jean-Louis Dumont.

M. le président. Pardonnez-moi, mon cher collègue. Je n'avais pas l'intention de vous manquer de respect.

M. Jean-Louis Dumont. Cela me convient parfaitement : René Dumont est né en Meuse, il a été l'initiateur des politiques de l'environnement...

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. On ne va plus pouvoir l'arrêter !

M. Jean-Louis Dumont. ...et j'essaie modestement de suivre son enseignement, en étant, moi aussi, un militant, et le président d'un centre permanent d'initiatives pour l'environnement.

M. Alain Gest. Très bien !

M. le président. Pourrions-nous revenir à l'article 14 ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Vous l'avez bien cherché ! C'est bien fait pour vous ! (Sourires.)

M. Jean-Louis Dumont. Mais je suis loin des traces de mon illustre arrière-arrière-arrière-cousin - j'exagère peut-être un peu, mais il est meusien et les Dumont sont nombreux.

En 1970, je n'étais pas encore en âge de voter, mais je m'intéressais déjà à la chose publique. (Sourires.) Je me souviens que, par un geste républicain, le gouvernement de l'époque...

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. C'était Thiers ou Clemenceau ? (Sourires.)

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis de la commission des finances. Ou Gambetta ?

M. Jean-Louis Dumont. ...avait proposé aux départements de prendre les routes. J'ai encore en mémoire les déclarations d'un vice-président du conseil général de la Meuse - qui était de votre bord, en tout cas de vos ancêtres...

M. le ministre délégué aux libertés locales. Poincaré ?

M. Jean-Louis Dumont. Oui, c'était un illustre descendant de Poincaré. Ce vice-président commençait par accepter, en une demi-page, ce cadeau empoisonné, puis, en une dizaine de pages, disait tout le mal qu'il fallait penser du transfert des routes vers le département. Il avait notamment un argument imparable : on n'aurait pas les moyens de les entretenir. C'est bien évidemment ce qui s'est passé. Les départements ruraux et pauvres, comme la Meuse, n'ont jamais eu les moyens de se mettre au niveau d'autres départements.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Il est vrai que la Meuse est souvent la lanterne rouge.

M. Jean-Louis Dumont. Aujourd'hui, il est question de partenariat entre le public et le privé et vous me permettrez d'abandonner un peu la route pour évoquer la ligne à grande vitesse Est-Europe en cours de construction. Laurent Hénart, notre excellent rapporteur pour avis de la commission des finances,...

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis de la commission des finances. Merci, René ! (Sourires.)

M. Jean-Louis Dumont. ...saurait dire mieux que moi combien ces travaux coûtent à la Lorraine - à la région, aux départements et aux villes. Sans doute, sur la ligne elle-même, tout est aux normes - du moins peut-on l'espérer. Mais, pour le reste, RFF se montre fort méprisant - surtout depuis le changement de direction -, considérant sans doute que les gens de la campagne peuvent bien se contenter de routes défoncées et de raccordements au rabais. Voilà ce qui se passe si l'on ne se soucie pas, aussi, de la compétence financière.

Mardi dernier, j'étais dans l'Ouest pour une mission de la commission des finances consacrée à la journée d'appel de préparation à la défense. Or, en dehors de l'objet de la mission, tous ceux que j'ai rencontrés, civils et militaires, ont évoqué une seule question : les péages sur les routes et, particulièrement, sur les voies express. Lorsque nous retournerons dans nos départements, dans nos communes, il nous faudra expliquer que, si les gens veulent de bonnes routes, aux normes, pour circuler en toute sécurité, ils n'ont qu'à payer.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. C'est le bon sens !

M. Jean-Louis Dumont. Ainsi, par ce transfert, vous aggravez une politique qui nie la capacité de l'Etat républicain à jouer son rôle péréquateur et à être solidaire.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Ce sont les sénateurs qui l'ont voulu !

M. Christophe Caresche. Vous ne savez pas comment expliquer cela à vos électeurs !

M. Jean-Louis Dumont. Peut-être, mais vous semblez vous engager dans la même direction ! Si notre assemblée, dans sa sagesse, pouvait s'opposer à ce passage au nouvel octroi, comme le disait tout à l'heure Jean-Pierre Balligand, ce serait une excellente chose.

Prenons un exemple lorrain. Des élections se préparant, un débat s'est engagé sur le devenir de l'autoroute A31, qui, jusqu'à présent, était gratuite et qui doit être mise aux normes : hier, on proposait de faire appel aux financements privés et l'on recherchait des investisseurs ; demain, il suffira de mettre quelques péages sur les routes express.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. Ce désengagement de l'Etat est dangereux et nie la capacité de la République à aider les territoires qui sont moins riches que d'autres. Nous sommes donc opposés à l'article 14.

M. le président. La parole est à M. Jacques Le Guen.

M. Jacques Le Guen. L'introduction par l'article 14 du projet de loi de la possibilité d'instaurer un péage pour l'usage d'une route express appartenant au domaine public de l'Etat a suscité une vive et légitime inquiétude en Bretagne. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Cette région est en effet éloignée des grands centres de décision et de consommation nationaux et européens. Cette ultrapériphéricité est déjà fort pénalisante pour son développement, et il est inutile de l'aggraver avec des péages qui ne manqueraient pas de dissuader d'éventuels investisseurs.

Dans son histoire récente, la Bretagne a connu le plan routier lancé par le général de Gaulle, et auquel ont participé financièrement la région et les départements. Pourquoi demander aujourd'hui au contribuable local de payer une seconde fois ces voies structurantes ?

Enfin, on risque de promouvoir un aménagement déséquilibré du territoire, certaines régions favorisées cumulant les avantages, d'autres étant peu à peu freinées dans leur développement.

Telle n'est pas, je le sais, la volonté du Gouvernement. Le renforcement de la décentralisation, qu'il a engagé depuis des mois, en est la preuve. J'ai bien entendu les déclarations rassurantes de M. le Premier ministre, celles de M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire et celles de M. le ministre délégué aux libertés locales, lors de leurs déplacements dans le Finistère. J'ai également pris connaissance avec intérêt des déclarations qu'a faites mardi dernier, lors de la séance de questions au Gouvernement, M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, sur la gratuité du réseau routier départemental et du réseau transféré. Ces prises de position sont de nature à apaiser les craintes et à éclaircir le débat.

Très attentif au maintien de la gratuité des voies express en Bretagne, et en accord avec Josselin de Rohan et tous les parlementaires bretons de la majorité, je pense que le retrait du II de l'article 14 serait une marque de sagesse. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Excellent !

M. le président. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. J'ai bien compris que l'itération est le mode d'argumentation préféré de certains, notamment de M. Balligand. Pour ma part, je ne ferai que trois observations.

En répétant que les transferts coûteront plus, on ne cesse d'être inexact. En fait, si les collectivités se contentent de refaire à l'identique ce que l'Etat faisait précédemment - c'est-à-dire ni plus ni moins -, il est très probable qu'elles le feront mieux et pour moins cher, car elles sont plus près du terrain.

M. René Dosière. Les lycées et les collèges vous donnent des idées ?

M. Michel Piron. D'autre part, les dépenses n'augmenteront que si, dans un système décentralisé, les collectivités veulent - ce qui est souhaitable - faire plus et mieux que l'Etat. Mais j'observe que l'efficacité sera particulièrement accrue, les TER l'ont démontré. C'est sur ces bases que peut s'engager la discussion sur le péage, qui devrait reposer non sur le principe d'une exclusivité, mais sur celui d'une répartition entre contribuables et usagers. Car, après tout, si cette possibilité permet d'accélérer la construction de nouvelles routes, faut-il a priori s'en offusquer, dans la mesure où les usagers contribuables sont aussi des électeurs qui savent approuver ou désapprouver l'urgence ou l'utilité des mesures votées par les élus ? Que des limites encadrent cette possibilité, c'est, à l'évidence, une nécessité. Qu'on doive y renoncer a priori relèverait d'une sagesse très pessimiste.

Quoi qu'il en soit, la caricature s'étalant de plus en plus dans les médias à ce sujet, je voudrais simplement dire que ce n'est pas parce que l'on répète cent fois une erreur qu'elle devient une vérité. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. René Dosière. Ce n'est pas une erreur !

M. Jean-Louis Dumont. Nous sommes instruits par l'expérience !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Ce sujet passionne les députés, comme il passionnera les conseils généraux. Mais permettez-moi de revenir à des considérations élémentaires. De quoi s'agit-il ? De transférer aux départements 1 % des routes nationales : 3 000 kilomètres sur 300 000. Il est vrai que le sujet mérite une demi-heure de débat, mais sûrement pas autant qu'en 1972, M. Dumont s'en souvient, lui qui a bien connu Thiers, Gambetta et quelques autres. (Rires.)

M. Jean-Louis Dumont. Nous, on s'est contenté de Poincaré !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. A l'époque, il s'agissait en effet de 300 000 kilomètres.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur, et M. René Dosière. Non, 53 000 !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Aujourd'hui, en tout cas, c'est beaucoup moins : 1 % des routes françaises.

Il serait profondément choquant que l'Etat transférât des routes sans les moyens qui étaient à sa disposition.

M. Jean-Louis Dumont. Mais il n'a pas assez de sous pour les entretenir !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Aussi a-t-il considéré, avec un grand esprit d'équité, que, s'il donnait les routes, il donnerait aussi le droit à péage.

Il est clair que, si ce débat avait lieu à un autre moment, il serait parfaitement serein.

M. Alain Gest. Absolument !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. D'ailleurs, si l'Etat avait transféré 3 000 kilomètres de routes nationales sans les moyens correspondants, l'opposition eût été la première à réclamer le droit à péage, et elle aurait eu raison.

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis de la commission des finances. C'est vrai !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Le seul malheur, c'est que nous sommes dans une période dont on me dit qu'elle est électorale, et la sérénité des débats échappe à l'entendement de certains - et peut-être même de beaucoup - d'entre nous.

M. Patrick Balkany. C'est très pertinent !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Sur tous les bancs, en effet, j'entends des élus se plaindre qu'ils n'arriveront pas à expliquer cela à leurs électeurs. Les périodes électorales s'accompagneraient-elles d'une sorte d'hermétisme intellectuel - j'essaie, à ma manière, d'imiter la gauche -, qui fait que l'on ne comprend plus ni ce que l'on dit, ni ce que l'on vous dit ? Vous le voyez, le débat est biaisé.


Un mot avant de conclure : si l'on ne veut pas le péage, ce qui se conçoit, c'est que l'on préfère l'hypocrisie de la fiscalité. Au lieu de demander à l'usager de payer, c'est vers le contribuable que l'on va se tourner pour quelque chose que seule une petite partie d'entre eux utilise.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Les deux paieront !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Et on appelle cela du courage politique ! Eh bien, un tel courage politique, je vous le laisse ! Il est infiniment plus juste de faire payer l'usager plutôt que le contribuable.

M. Alain Gest. Absolument !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Comme la situation est telle que, malheureusement, l'appel à la raison n'est plus possible, je suggère au Gouvernement de faire retomber la pression.

M. Jean-Louis Dumont. Voilà qui est sage.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Dans la mesure où il semble que nous ne soyons pas en situation soit de comprendre, pour certains d'entre nous, soit de faire comprendre aux Français nos intentions, je propose, par mon amendement n° 1581, que nous conservions le I de l'article 14, relatif aux autoroutes non concédées - il y en a peu -, ainsi que le III, qui a trait aux grands ouvrages d'art, pour lesquels il existe partout des péages. En revanche, je suggère que nous supprimions le II, qui concerne les routes express (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire),...

M. Philippe Rouault. C'est la voie de la sagesse.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. ...comme l'a demandé Jacques Le Guen au nom des Bretons, car il est vrai que les routes express que le général de Gaulle a voulues sont nombreuses en Bretagne. Nous renverserions ainsi la vapeur pour retrouver ce que je pense être la voie du bon sens.

Monsieur le ministre, j'ai conscience que mon amendement n'est pas un amendement de sagesse sur le fond et qu'il correspond plutôt à une sagesse d'opportunité.

M. Jean-Louis Dumont. Il faut encourager cette bonne volonté !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Mais sans la suppression du II, nous polluerions ce beau débat qu'est celui sur la décentralisation, tout cela pour une simple incompréhension d'un petit problème sur 1 % du réseau national.

Mme Odile Saugues. Belle marche arrière ! Sur une voie express, ce n'est pas sans risque !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Ce n'est pas une marche arrière ! C'est une parenthèse ! La mauvaise foi ne doit pas triompher du bon sens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué aux libertés locales. Avec ce texte, le Gouvernement a voulu marquer que la décentralisation devait se faire au profit et avec le concours des élus.

Il lui semblait, dans ces conditions, loyal, lorsqu'il transférait les routes, de les transférer aux départements en pleine propriété...

M. Michel Bouvard. Non !

M. le ministre délégué aux libertés locales. ...avec une compensation complète, garantie par la Constitution et contrôlée par le Conseil constitutionnel.

Le président Clément l'a rappelé, les droits attachés aux routes nationales comportaient pour le Gouvernement celui d'instaurer un péage. En les transférant, il transfère ce même droit.

Si les élus n'en veulent pas - et c'est bien leur droit puisque la décentralisation est faite pour eux et, en grande partie, par eux -, le Gouvernement s'en remettra à leur sagesse. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Merci, monsieur le ministre, de ces paroles de bon sens !

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet article pose le problème du partenariat entre le public et le privé.

Je partage l'analyse pertinente du président de la commission des lois et je ne peux, bien entendu, qu'être satisfait des propos de M. le ministre.

Toutefois, élu d'un département qui fait partie de la région Midi-Pyrénées, je pourrais rappeler à certains qui sur ces bancs s'étonnent des propositions qui figurent dans cet article, ce qui s'est passé quand il s'est agi de construire sur l'A75, entre Clermont-Ferrand et la Méditerranée, le viaduc de Millau. Celui-ci a finalement été réalisé avec des fonds privés sur un itinéraire dont on avait pourtant toujours dit qu'il serait gratuit de bout en bout, et cela avec l'aval de deux gouvernements de sensibilités différentes.

Force est d'admettre que le contexte électoral et le calendrier actuel ont quelque peu dénaturé le débat. Le groupe UDF n'est pas opposé par principe à ce que les collectivités aient, comme l'Etat, la possibilité de faire appel au privé. C'est là un bon principe et s'il n'avait pas été rappelé, il aurait été fort légitime de le faire.

Cela étant, nous estimons que cette position de principe est surtout légitime pour la création de voies nouvelles. S'agissant des voies anciennes, le péage s'apparenterait par trop à l'octroi et ne pourrait poser que des difficultés. Nous suivrons donc le président de la commission des lois dans sa sagesse.

Pour conclure, je dirai simplement à nos collègues et amis bretons que nous comprenons leurs demandes au regard de la spécificité de leur région. Mais qu'il soit permis à un élu des terroirs du Sud-Ouest d'admirer voire d'envier la qualité de leurs infrastructures routières. Il est en effet quelques régions de notre territoire national qui enregistrent des retards assurément beaucoup plus importants en matière de désenclavement que cette très belle région qu'est la Bretagne !

M. Jacques Le Guen. Nous les avons payées !

M. le président. Chers collègues, compte tenu du grand nombre d'orateurs qui se sont exprimés sur l'article 14, je pense que vous pourrez être relativement brefs sur les amendements.

L'amendement n° 1021, tendant à supprimer l'article 14, n'est pas soutenu, non plus que l'amendement n° 1022.

Je suis saisi d'un amendement n° 319.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. J'ai écouté avec le plus grand intérêt toutes les interventions et je suis tout à fait en phase avec la proposition du président de la commission des lois.

L'article L. 122-4 du code de la voirie routière dispose que « L'usage des autoroutes est en principe gratuit », quand le I de l'article 14 du projet de loi traite du péage des autoroutes. A cet égard, la rédaction initiale du Gouvernement était un bon texte, mais nos collègues sénateurs ont cru bon de l'alourdir de toute une série de paragraphes dont la rédaction - ainsi que je l'ai souligné dans mon rapport - me laisse très sceptique.
Leur verbiage pourrait en effet aboutir à octroyer aux sociétés concessionnaires une sorte de privilège exorbitant qui ne me semble pas très sain.

Par mon amendement n° 319, j'ai donc simplifié la rédaction du Sénat en la réduisant à un seul paragraphe qui précise clairement le champ très restreint du I de l'article 14 et qui renvoie à un décret en Conseil d'Etat les conditions d'application. L'Etat dans cette affaire reste le garant du respect de règles saines sur l'ensemble du territoire.

J'en viens au II de l'article, que le président de la commission des lois propose de supprimer. Pour tout vous dire, j'avais, dans l'après-midi, déposé un amendement qui limitait le péage aux routes express nouvelles. Cependant, pour éviter les procès d'intention que l'on voit poindre,...

M. Philippe Rouault. Tout à fait !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. ...il me semble pertinent, surtout dans le contexte que M. Clément a décrit, de faire nôtre sa proposition de sagesse et de supprimer le II de l'article 14. Bien entendu, la commission n'a pas examiné cette proposition et c'est donc à titre personnel que je m'y déclare favorable. (« Excellent ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

En résumé, la commission propose de simplifier voire d'assainir le I de l'article, tandis que son rapporteur recommande, en son nom propre, de soutenir la proposition du président Clément tendant à la suppression du II.

M. Jacques Le Guen et M. Philippe Rouault. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Le Gouvernement est favorable à l'amendement de M. Daubresse, éclairé par la proposition de M. Clément.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Balligand.

M. Jean-Pierre Balligand. Comme toujours, la proposition de M. Clément présente l'avantage d'être claire. Au nom de ce qu'il appelle le « contexte », il s'agit de retirer, momentanément, le II de l'article 14 en attendant que les élections soient passées (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire),...

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Je n'ai rien dit de tel !

M. Jean-Pierre Balligand. ...sans doute pour mieux y revenir après !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Rassurez-nous !

M. Alain Gest. C'est insupportable !

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis de la commission des finances. Quel raisonnement machiavélique !

M. Jean-Pierre Balligand. Quant au ministre, son propos elliptique nous permet de craindre qu'il abonde dans le même sens.

Dans ces conditions, je souhaite une suspension de séance pour réunir mon groupe, car de telles manœuvres sont difficilement acceptables.

M. le ministre délégué aux libertés locales. On vous donne satisfaction et vous n'êtes pas content !

M. Jean-Pierre Balligand. On met en place un système de péage, mais, en raison du contexte - l'explication de M. Clément a été très claire sur ce point -, on le retire momentanément ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Je vous demande donc, monsieur le président, une suspension de séance, afin que le groupe socialiste puisse se réunir.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Vous n'êtes qu'une poignée en séance !

Mme Odile Saugues. Et alors ?


Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue le vendredi 27 février 2004 à zéro heure trente, est reprise à zéro heure quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

Rappels au règlement

M. Michel Hunault. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Michel Hunault, pour un rappel au règlement.

M. Michel Hunault. Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l'article 58, alinéa 1, du règlement.

L'article 14 est suffisamment important pour que nous demandions des éclaircissements.

Le président de la commission des lois a déposé un amendement dont l'exposé sommaire a le mérite de la clarté : « L'usage des routes express doit rester gratuit. »

Toutefois, alors que cette proposition répond à l'ensemble des préoccupations soulevées à l'occasion de cet article 14, nos collègues de l'opposition laissent planer un doute en affirmant que le Gouvernement a l'intention de revenir sur cette disposition après les élections. Nous voulons que le Gouvernement prenne ce soir un engagement clair à ce propos. Les routes express existantes doivent rester gratuites.

M. le président. La parole est à M. René Dosière, pour un rappel au règlement.

M. René Dosière. Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l'article 58, aliéna 1, du règlement.

J'avoue ma perplexité face au déroulement de ce débat - je parle bien entendu de son contenu, car il ne me viendrait pas à l'esprit de mettre en doute la conduite de nos travaux par la présidence.

Ayant assisté au débat sur ce sujet à la commission des lois, en tant que membre de ladite commission, j'ai entendu alors le président de la commission juger les péages indispensables et prédire leur arrivée.

M. Alain Gest. Il a le droit de le penser !

M. René Dosière. Ça figure d'ailleurs dans le rapport de la commission des lois, monsieur Gest.

M. Alain Gest. Je ne le conteste pas !

M. René Dosière. Lorsque, tout à l'heure, nous nous sommes élevés contre ce principe du péage qui figurait dans le texte initial du Gouvernement, et sur lequel le Sénat n'est pas revenu - il n'a fait que modifier des modalités d'institution de ce péage -, le président de la commission des lois nous a donné une leçon de courage politique, en affirmant qu'il fallait oser assumer ses responsabilités, etc.

Puis, brusquement, quelques instants après, il nous explique que le moment est mal choisi.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Voilà !

M. René Dosière. En clair, les élections cantonales et les élections régionales sont proches, et l'opinion publique s'est émue de cette disposition inscrite dans ce texte que le Gouvernement, qui est maître du jour de l'Assemblée, a choisi d'inscrire à notre ordre du jour en cette période pré-électorale. Et M. Clément nous propose tout bonnement de retirer le II de l'article 14.

J'ajoute que, bien évidemment, cet amendement n'a pas été examiné par la commission puisque son auteur avait alors défendu un autre point de vue.

M. le président. Pouvez-vous conclure, monsieur Dosière ?

M. René Dosière. J'en termine, monsieur le président.

Après un tel retournement à 360°,...

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. A 180°, pas à 360°.

M. René Dosière. ...on finit par ne plus savoir où nous en sommes.

Nous sommes en première lecture. Cela signifie que ce texte va retourner au Sénat, où la majorité, de droite, avait adopté le principe du péage.

M. le ministre délégué aux libertés locales. Mais il reviendra à l'Assemblée !

M. René Dosière. Nous ne pouvons pas voter sur l'amendement de suppression tant que vous n'avez pas répondu à cette question, qui vient d'ailleurs de vous être posée également par Michel Hunault.

M. le ministre délégué aux libertés locales. Merci. Bon camarade !

M. René Dosière. Vous opposerez-vous fermement, si cet amendement est adopté, ce qui devrait être le cas puisqu'on voit bien que l'opération a été préparée...

M. le ministre délégué aux libertés locales. Vous êtes d'accord avec cette proposition, n'est-ce pas ?

M. René Dosière. Oui.

M. le ministre délégué aux libertés locales. Eh bien alors ?

M. René Dosière. Nous sommes d'accord pour supprimer ce II, mais nous voulons être sûrs que cette décision sera définitive et que nous ne reviendrons pas dessus en deuxième lecture, ni au Sénat, ni ici, c'est-à-dire après les élections.

M. Jean-Louis Dumont. Eh oui !

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Dosière.

M. René Dosière. Parce que la ficelle est un peu grosse. Nous voulons que vous preniez sur ce point un engagement ferme et définitif.

M. le président. Mes chers collègues, l'article 58, aliéna 1, du règlement est relativement libéral. Je vous invite tout de même à conserver à ce genre d'intervention le caractère d'un rappel au règlement.

Reprise de la discussion

M. le président. Nous en revenons à l'amendement n° 319 de la commission, qui a déjà été défendu et sur lequel le Gouvernement a donné son avis.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 1521 de M. Brard n'a plus d'objet.

Je suis saisi d'un amendement n° 320.

La parole est à M. rapporteur, pour le soutenir.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Le Gouvernement y est favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 320.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 321.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Le Gouvernement est favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 321.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, n°s 1023 et 1581.

L'amendement n° 1023 est-il soutenu ?...

M. René Dosière. Oui, monsieur le président.

M. le président. Vous avez la parole, monsieur Dosière.

M. René Dosière. Je défends cet amendement du groupe communiste, qui, je le rappelle, a été repoussé par la commission mais qui est identique à celui que le président de la commission a déposé depuis, puisqu'il propose de supprimer le II de l'article 14.

Nous voulons cependant avoir la certitude que cette suppression sera ferme et définitive. Il faut que le Gouvernement s'engage et réponde à la question.

M. Michel Hunault. Le Gouvernement va répondre.

M. René Dosière. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous certifier que vous n'acceptez pas cette suppression parce que nous sommes avant les élections et que vous n'autoriserez pas, après les élections, que l'Assemblée ou le Sénat, dans leur sagesse, ne rétablissent à nouveau cette possibilité d'instituer des péages sur les routes express ?


M. le président
. Je vous informe que, sur le vote des amendements n°s 1023 et 1581, je suis saisi par le groupe socialiste et le groupe de l'Union pour un mouvement populaire d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué aux libertés locales. Je le répète, le Gouvernement a proposé de bonne foi de transférer les routes en pleine propriété, avec tous les droits qui y sont attachés, y compris celui d'instaurer un péage. La décentralisation, nous l'avons dit, est faite pour les élus et par les élus. Apparemment, les élus ne veulent pas de ce droit d'instaurer un péage.

M. René Dosière. Depuis peu pour certains !

M. le ministre délégué aux libertés locales. Le Gouvernement en prend acte et s'en remet à la décision de l'Assemblée, qui est souveraine. Vous me demandez si cette décision est définitive. Seule la mort est définitive, et encore certains croient-ils à la vie éternelle !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Moi !

M. le ministre délégué aux libertés locales. M. Clément en particulier... Pour ma part, je ne crois au définitif en aucun domaine. Même la bêtise cela peut s'améliorer ; on peut faire des progrès. Il serait en outre très prétentieux de la part du Gouvernement de prétendre qu'un texte, quel qu'il soit, est définitif, car on a souvent vu le Parlement changer d'avis. Or, c'est à lui qu'il revient de faire la loi. D'ailleurs, si le Gouvernement disait que la décision est définitive, vous me répondriez : « Quel culot ! C'est le Parlement qui fait la loi ! » (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Monsieur Dosière, vous êtes un bon républicain, veuillez croire que j'en suis aussi un. Je m'en remets donc à la sagesse du Parlement. Ne m'en demandez pas plus !

M. Alain Gest. C'est ça la revalorisation du rôle du Parlement !

M. le président. La parole est à M. Pascal Clément, pour soutenir l'amendement n° 1581.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Je commencerai par une petite observation rhétorique. Chers collègues de l'opposition, vous faites de la politique politicienne depuis trois jours,...

M. René Dosière. Et vous, qu'est-ce que vous faites !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. ...et vous pensiez que nous ferions comme vous. Eh bien non ! Comme l'a très bien dit M. le ministre, la question n'est pas de savoir qui a raison, qui a tort. Nous nous adressons aux 60 millions de Français. Pourquoi leur imposer une mesure que nous croyons bonne, mais dont ils ne veulent pas ? Ce n'est pas moi qui ai changé d'avis ; l'expression de la représentation nationale donne à penser que les Français préfèrent l'hypocrisie de la fiscalité à la rétribution directe d'un service par un péage. Nous en prenons acte. Le provisoire peut durer longtemps. Je n'ai pas caché que je préférerais que sa durée soit brève, mais je crains malheureusement que cela ne soit pas le cas. Voilà ! Il n'y a pas d'aspect politicien dans cette affaire. Le réalisme politique nous conduit à ne pas chercher à imposer aux gens ce dont ils ne veulent pas.

M. René Dosière. La conversion est tardive quand même !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Mais ce n'est pas une conversion ! Je ne change pas d'avis. Certes, comme c'est un peu subtil, cela vous gêne ! Je considère que le péage est nécessaire. Les Français n'en veulent pas et donc, à regret, je propose d'y renoncer. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Voilà la situation. Il n'y a rien de politicien. Si les Français, à travers leurs représentants, évoluent, je serais ravi que l'on puisse revenir sur cette décision, mais nous n'en sommes pas là.

M. Alain Gest. On écoute le Parlement et les Français, qu'est-ce que vous voulez de mieux !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Monsieur Dosière, votre rapporteur, dès l'origine, a publiquement fait connaître que l'article 14 faisait question pour lui sur deux points : le I, dont la rédaction sénatoriale était contestable,...

M. René Dosière. Ce n'est pas ce qui est en cause !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. ...ce qui m'a conduit à proposer de le modifier, et le II, à propos duquel j'avais dit et écrit que le péage devait être limité aux voies nouvelles et sur lequel j'avais par conséquent déposé un amendement en ce sens. Sur ce, Pascal Clément a déposé un amendement, que la commission n'a pas examiné,...

M. René Dosière. Et pour cause ! Il l'a déposé aujourd'hui !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. ...mais que le pragmatisme me conduit à accepter, à titre personnel, étant donné que les parlementaires ont pour fonction d'exprimer les aspirations de la population et d'en tirer les conséquences. Pascal Clément, dans sa sagesse, a en effet tiré les conséquences du fait que, sur tous ces bancs, les députés expriment l'opposition de nos concitoyens à l'instauration de péages sur les routes express. Le pragmatisme politique l'a conduit à faire cette proposition. Quant à moi, ma position n'a pas changé. Je le répète, je suis, à titre personnel, favorable à l'amendement de M. Clément qui illustre bien le rôle qui doit être celui des parlementaires : faire remonter ici les préoccupations du terrain. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. La situation me semble paradoxale. Le Gouvernement remet le verrou du péage entre les mains des élus locaux, qui déclarent n'en pas vouloir, mais qui avouent en même temps qu'ils ne se sentiront pas le courage de résister à la tentation. « Protégez-nous de nous-mêmes ! », nous disent-ils, tout comme certains joueurs invétérés demandent au ministère de l'intérieur de leur interdire le casino - il y a un bureau qui s'occupe de ça !

M. René Dosière. Avez-vous une annexe de ce bureau en Polynésie française ? Ce serait utile !

M. le ministre délégué aux libertés locales. Sur votre demande, nous vous interdirons donc de péage ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à Mme Odile Saugues.

Mme Odile Saugues. Il est paradoxal que nous discutions d'une politique de transports hors la présence du ministre en charge de ce secteur.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. On connaît sa position !

M. Alain Gest. Cela a déjà été dit !

Mme Odile Saugues. Mais j'ai bien le droit de le répéter ! Cette discussion me paraît aberrante. Si les bretons de tous bords protestent, c'est pace que l'on envisage de taxer leurs voies express sans prévoir un équilibre intermodal. Qu'est-ce qu'une politique intermodale ? C'est tout simplement offrir aux usagers le choix d'un mode de transport le plus intelligent possible et le plus tourné vers la protection de l'environnement.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Et on le finance comment ?

Mme Odile Saugues. Nous discutons à la sauvette...

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Ce n'est pas à la sauvette ! Cela fait une heure qu'on en parle !

Mme Odile Saugues. ...de la suppression du II de l'article 14, qui peut paraître intéressante, je le comprends. Mais comment avoir confiance dans la suppression de ce II,...

M. Michel Hunault. M. le ministre vient de vous répondre !

Mme Odile Saugues. ...alors qu'aucune politique globale des transports n'a été définie et que l'on ne sait même pas combien de temps cette suppression durera ? Nous nous sentons floués.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. J'ai déposé, sacrifiant à la tentation évoquée par le ministre, un amendement que l'adoption de celui du président Clément va sans doute faire tomber.

M. René Dosière. Décidément, vous n'avez pas de chance !

M. Michel Bouvard. C'est la logique d'une politique de transports que de s'apprécier globalement. Dans certains endroits du territoire, des trafics très intenses, souvent internationaux, de poids lourds ont lieu sur des voies express. L'utilisation des infrastructures est gratuite et les collectivités, qui doivent prendre en charge certaines dépenses d'entretien, n'ont pas les moyens de mettre en œuvre des solutions de transport alternatif ou des ouvrages alternatifs.

Pour bien montrer que le problème n'est pas celui d'un affrontement droite-gauche, je vous indique que j'ai déposé l'amendement n° 1417 à la demande de la communauté d'agglomération de Chambéry, présidée par Thierry Repentin, premier adjoint au maire et membre du parti socialiste.

M. le ministre délégué aux libertés locales. Personne n'est parfait !

M. Michel Bouvard. Nous avons estimé, dans une communauté d'agglomération où les élus sont de sensibilités différentes, sans toutefois dire que nous allions le faire, qu'il n'était pas inintéressant d'avoir la possibilité de toucher une redevance sur le trafic de poids lourds qui transitent par milliers chaque jour sur nos infrastructures, afin de les faire contribuer aux équipements de transports de l'agglomération dans laquelle ils provoquent des nuisances et des gênes. C'est ce que l'on appelle une approche globale de la politique de transports.

Je constate que ce débat, qui aurait dû rester technique, est malheureusement devenu politicien. Pascal Clément, en bonne logique, propose dans ces conditions de retirer le II qui pose problème.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Très bien ! C'est ce que j'ai dit !

M. Michel Bouvard. Mais avoir ainsi politisé la question n'a pas rendu service à la collectivité nationale ni à la politique des transports. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Ça c'est sûr !

M. Michel Bouvard. Je regrette qu'une présentation manichéenne de ce problème, certains cherchant à le réduire à une opposition droite-gauche, ce qui à mon avis est faux, ait fermé toute perspective d'évolution.


M. le président
. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix les amendements identiques n°s 1023 et 1581.

Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.

Je vais vous laisser quelques instants pour regagner vos places.

......................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

......................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin sur les amendements n°s 1023 et 1581 :

      Nombre de votants 37

      Nombre de suffrages exprimés 33

      Majorité absolue 17

    Pour l'adoption 33

    Contre 0

L'Assemblée nationale a adopté.

En conséquence, les amendements nos 126 de M. Goulard, 662 de Mme Lebranchu, 1417 de M. Michel Bouvard, 1024 de M. Chassaigne, 322 de la commission des lois, 36 et 1558 de M. Jacques Le Guen, 205 de la commission des finances, 664 de M. Derosier, 1025, 1026, 1027 de M. Chassaigne, 1572 de M. Daubresse et 1028 de M. Chassaigne n'ont plus d'objet.

L'amendement n° 1029 n'est pas soutenu, non plus que les amendements nos 1030 et 1031.

Je suis saisi d'un amendement n° 323 rectifié.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. L'amendement prévoit que l'institution d'un péage pour l'usage d'un ouvrage d'art soit décidée non seulement après avis du conseil régional en toutes circonstances, alors que le Sénat subordonnait l'intervention de la région à sa participation financière, mais aussi après avis des communes traversées. Il me semble que ce dispositif serait plus complet et permettrait que toutes les collectivités concernées soient associées à la réflexion préalable sur l'institution d'un tel péage.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux libertés locales. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 323 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 206 de la commission des finances et 665 de M. Derosier n'ont plus d'objet.

L'amendement n° 1032 n'est pas défendu, non plus que les amendements nos 1033 et 1034.

Je mets aux voix l'article 14, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 14, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président. Aujourd'hui, vendredi 27 février, à neuf heures trente, première séance publique :

Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, n° 1218, relatif aux responsabilités locales :

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport n° 1435) ;

M. Dominique Tian, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (avis n° 1434) ;

M. Serge Poignant, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire (avis n° 1423) ;

M. Laurent Hénart, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (avis n° 1432).

A quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

A vingt et une heures, troisième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le vendredi 27 février 2004, à une heure.)

    Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

    jean pinchot