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Première séance du mercredi 28 avril 2004

203e séance de la session ordinaire 2003-2004


PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

    1

SOUHAITS DE BIENVENUEÀ DEUX DÉLÉGATIONS PARLEMENTAIRES

M. le président. Je suis heureux de souhaiter la bienvenue dans notre hémicycle à M. Andreas Khol, président du Conseil national de la République d'Autriche, et à la délégation parlementaire qui l'accompagne. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)

Je suis également heureux de souhaiter la bienvenue à une délégation parlementaire conduite par M. Olivier Kamitatu, président de l'Assemblée nationale de la République démocratique du Congo. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)

    2

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe des
député-e-s communistes et républicains.

CONVENTION UNEDIC

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Monsieur le Premier ministre, après les urnes au mois de mars, les tribunaux ont sanctionné votre mauvaise politique. Ils ont rendu justice sociale... A la différence de votre gouvernement, ils ont sanctionné la convention UNEDIC qui modifiait les modes de calcul de l'indemnisation chômage, privant de leurs droits près de 850 000 « recalculés ».

Ce système est aujourd'hui à bout de souffle. Il est urgent de mettre en œuvre une nouvelle assurance chômage qui repose sur de nouveaux financements pour une meilleure indemnisation.

Les raisons du déficit sont connues : les chômeurs n'abusent pas d'un droit, mais les entreprises, elles, usent et abusent de la flexibilité, de la précarité du travail et créent le chômage. Le Gouvernement conforte cette situation en rejetant notre proposition de loi contre la précarité de l'emploi et en participant au démantèlement du code du travail.

Dès lors, monsieur le Premier ministre, quel parti allez-vous prendre ?

Allez-vous soutenir les organisations syndicales qui font des propositions progressistes de financement, comme la taxation des entreprises qui abusent de l'emploi précaire, la création d'une contribution sociale sur les revenus financiers des grands groupes ou la réforme de l'ensemble de l'assiette de cotisation pour garantir le maintien de la durée de l'indemnisation et la non-dégressivité ? Pour ceux qui en douteraient, les mannes financières des grandes entreprises le permettent : regardez SANOFI qui a pu mettre 55 milliards d'euros sur la table pour une opération purement financière ! Dans ce pays, il y a bien des trésors de guerre, des cagnottes qui ne servent pas l'emploi, mais le portefeuille des actionnaires.

Ou alors allez-vous faciliter l'offensive du patronat qui veut encore et toujours réduire l'indemnisation en refusant de renégocier et de participer au financement ? Peut-être allez-vous même supprimer un nouveau jour férié pour voler au secours du MEDEF, comme vous proposez de le faire voter la semaine prochaine pour les personnes âgées !

M. Jean-Marc Roubaud. La question !

M. le président. Monsieur Paul, veuillez conclure.

M. Daniel Paul. Oserez-vous céder aux sirènes qui parlent de dégressivité des indemnités ou de faire payer plus les salariés et les retraités ?

Monsieur le Premier ministre, allez-vous assumer l'agrément que vous avez accordé ? Pour réparer votre injustice, allez-vous explorer avec les organisations syndicales les nouvelles pistes de financement de l'UNEDIC, synonymes de solidarité et de justice sociale, en demandant clairement l'ouverture de nouvelles négociations sur ce point ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux relations du travail.

M. Albert Facon. Larcher du MEDEF !

M. le président. Ne criez pas, il n'a pas encore parlé !

M. Albert Facon. C'est tout comme !

M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail. Tout comme vous, monsieur Paul, et comme l'ensemble des parlementaires sur ces bancs, le Gouvernement suit avec attention le dossier de la convention UNEDIC et donc, à travers lui, l'avenir de l'assurance chômage. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Michel Lefait. Il est temps !

M. André Chassaigne. Cela ne suffit pas !

M. le ministre délégué aux relations du travail. Avec Jean-Louis Borloo, nous sommes naturellement en relation étroite avec les gestionnaires de l'UNEDIC et les partenaires sociaux : tous les partenaires sociaux.

M. Jacques Desallangre. Surtout le MEDEF !

M. le ministre délégué aux relations du travail. Nous sommes attentifs à leurs propositions et au dialogue qu'ils ont engagé. Nous savons qu'ils recherchent une solution équilibrée et nous sommes convaincus qu'ils peuvent aboutir dans les jours qui viennent. Si, par extraordinaire, il n'y avait pas d'accord, le Gouvernement prendrait alors toutes ses responsabilités. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jacques Desallangre. Lesquelles ?

Mme Martine David. Ce n'est guère rassurant !

DÉLOCALISATIONS, CROISSANCE ET ATTRACTIVITÉ

M. le président. La parole est à M. Jérôme Chartier, pour le groupe UMP.

M. Jérôme Chartier. Monsieur le Premier ministre, les derniers chiffres montrent que l'économie française a commencé à retrouver le chemin de la croissance. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Mais ce léger mieux, nous devons le consolider et faire en sorte qu'il profite à tous les Français. Or nos compatriotes s'inquiètent des délocalisations et des pertes d'emplois, donc de savoir-faire, qu'elles entraînent. Ils voient aussi les entreprises étrangères qui, parfois, rechignent à s'installer en France.

Les Français sont traumatisés par des cas douloureux de fermetures et de délocalisations : celles-ci représenteraient 10 % du montant des investissements français directs à l'étranger, soit près de 300 millions sur la période 1998-2002.

Nos compatriotes s'inquiètent aussi des délocalisations à venir : ils viennent d'apprendre, par exemple, qu'un grand groupe industriel semblait inciter ses sous-traitants à délocaliser, et que d'autres prendraient le même chemin. L'accélération de cette dynamique est devenue notoire et les Français sont conscients des risques qu'elle comporte.

Or chacun sait que la réponse à ces défis n'est pas dans le repli sur soi. Dans un environnement international plus dynamique, mais aussi plus concurrentiel, la France doit mieux valoriser ses atouts, particulièrement la formation des hommes et des femmes, son potentiel de recherche et d'innovation et la qualité de ses services publics.

Monsieur le Premier ministre, ma question est simple : vous avez formé un groupe de travail sur l'attractivité, auquel participe en particulier M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Comment peut-on transformer ce début de reprise en croissance durable, et surtout faire en sorte que celle-ci profite à l'emploi de tous les Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le député, vous avez raison : la croissance en France est supérieure à la croissance dans la zone euro. L'INSEE vient d'ailleurs de réévaluer à 0,5 % la croissance 2003. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Je suis obligé de donner les bonnes nouvelles, parce qu'on ne les entend pas toujours ! La croissance est donc meilleure que certains ne le pronostiquaient. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Nous voulons accompagner durablement cet effort de croissance. Comment ?

Premièrement, le ministre d'Etat l'a dit, par la maîtrise de nos dépenses publiques et des déficits, car il n'y a pas de bonne croissance sans bonne gestion.

Deuxièmement, nous voulons accompagner l'activité, comme nous le faisons en battant actuellement les records de création d'entreprises. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Cela a l'air de déranger ! Mais la création d'entreprises, c'est la création d'emplois et c'est très important pour la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Albert Facon. Mais les emplois diminuent !

M. le Premier ministre. Nous voulons accompagner l'activité, disais-je, en soutenant également la consommation. C'est pour cela que nous augmenterons à nouveau le SMIC au 1er juillet - contre l'avis de nos opposants, mais nous maintiendrons cet objectif pour que les plus modestes dans notre pays voient leur pouvoir d'achat renforcé et participent ainsi à la croissance.

Nous voulons aussi, comme vous le souhaitez, monsieur Chartier, développer l'attractivité par des logiques industrielles. J'ai en effet réuni vingt et un grands groupes industriels qui travaillent dans notre pays, qui créent des emplois : 30 000 emplois à eux seuls en 2003 !

M. Jean-Paul Anciaux. Mais les emplois, comme les délocalisations, ils s'en foutent, en face !

M. le Premier ministre. Ces groupes, nous l'avons vu, sont intéressés par le nouveau volontarisme dont fait preuve la France en matière de développement industriel.

M. Jean-Paul Anciaux. Très bien !

M. le Premier ministre. Quand on fait le choix du nucléaire avec l'EPR et ITER,...

M. Yves Cochet. Très mauvais choix !

M. le Premier ministre. ...quand on fait le choix de la santé avec SANOFI et Aventis,...

M. Jean-Paul Anciaux. Très bien !

M. le Premier ministre. ...quand on fait le choix de l'aéronautique avec EADS, quand on fait le choix du transport avec Alstom, on sent que la France a une ambition industrielle, et c'est ce dont nous voulons convaincre nos divers partenaires ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Nous poursuivrons dans cette voie avec une vraie stratégie économique et industrielle. Et je dois dire que ce n'est pas facile. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Parce que l'image de la France a longtemps été cassée par nos prédécesseurs (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) qui ont fait croire à l'étranger que notre pays n'aimait pas le travail (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste), que notre pays ne pouvait se définir que par les 35 heures (Même mouvement), que notre pays choisissait la logique des loisirs ! (Exclamations prolongées et claquements de pupitres sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le Président. Un peu de calme !

M. le Premier ministre. Je vous salue, mesdames et messieurs ! Mais c'est la réalité. Voyez ce qu'en disent tous les observateurs économiques ! La preuve, c'est qu'après les cinq ans de socialisme, la croissance s'est effondrée, et qu'après dix-huit mois de notre action elle est retrouvée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Je vous en prie ! Votre bilan ne vous autorise pas une telle arrogance ! (« Raffarin, dehors ! Raffarin, démission ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Je vous le dis avec sincérité et conviction : notre pays, attaché à la cohésion sociale, attaché au lien social, doit pouvoir faire face aux défis...

Plusieurs députés du groupe socialiste. Au Sénat ! Au Sénat !

M. le Premier ministre. Quelle image de la démocratie ! Quelle médiocre image vous donnez avec votre esprit partisan ! (Les députés du groupe socialiste continuent de scander : « Au Sénat ! ».) Merci de vous montrer tels que vous êtes : cela me réjouit de voir tant d'esprits sectaires alors que je parle des intérêts de la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Nous avons des projets sociaux importants (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et un message : je vous demande avec gravité de bien réfléchir aux projets sociaux qu'attendent les personnes âgées comme les personnes dépendantes. Il faut des avancées sociales dans ce pays, mais elles ne seront possibles que grâce à des heures de travail supplémentaires, et non par l'impôt. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je ne veux pas faire appel à l'impôt pour priver notre pays de la croissance.

M. Albert Facon. Il faut encore baisser les impôts ?

M. le Premier ministre. Je vous demande de faire le choix du progrès social, mais du progrès social financé par le travail.

M. Jacques Desallangre. Et vous supprimez des emplois !

M. le Premier ministre. C'est cela qui est aujourd'hui au cœur de l'attente des Français. (Mmes et MM. les députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire se lèvent et applaudissent longuement. - Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française. - Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

LAÏCITÉ

M. le président. La parole est à M. Jean Glavany, pour le groupe socialiste.

M. Jean Glavany. Nous sommes ici, monsieur le Premier ministre, dans le cadre d'un échange républicain qui doit être courtois. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Pour ma part, j'entends m'y tenir.

Plutôt que de présenter la gauche comme le parti de l'étranger ou le parti de la paresse...

M. Jean Marsaudon. Il n'a pas dit cela !

M. Jean Glavany. ...vous feriez mieux d'écouter le message des Français, qui ont, il y a quelques semaines, me semble-t-il, condamné les discours excessifs et caricaturaux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Et puisque vous tenez tant à comparer les taux de croissance du gouvernement Jospin avec les vôtres, une instance indépendante, j'en suis convaincu, balaierait aisément vos accusations ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

J'en viens à ma question. Le 10 février dernier, nous avons, dans cet hémicycle, adopté à une très large majorité la loi encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les établissements scolaires.

M. Lucien Degauchy. Vous étiez contre !

M. Jean Glavany. Le débat, auquel les socialistes ont pris part de manière constructive, fut long, riche et très digne.

Cette loi parue au Journal officiel le 17 mars dernier doit entrer en application à la rentrée prochaine, une fois prise la circulaire d'application. Nous l'avons votée au nom de la laïcité, qui ne se résume évidemment pas à ce texte. Nous avons légiféré, d'une part, pour protéger certaines jeunes filles et, d'autre part, pour répondre à la demande unanime de la communauté éducative de pouvoir s'appuyer sur une règle simple, claire, et applicable sans tergiversation ni possibilité d'interprétation.

Or, il y a quelques jours, nous avons été informés d'un projet de circulaire assez ahurissant, qui a fait l'unanimité contre lui. Si nous avons bien compris, une jeune fille portant un bandana devra être interrogée par le proviseur de l'établissement. Si elle le porte à titre religieux, il faudra qu'elle l'enlève ; sinon, elle sera autorisée à le garder ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Je poserai deux questions qui ne sont en rien caricaturales.

Premièrement, n'aurait-il pas été plus simple d'adopter l'amendement proposé par les socialistes visant à interdire le port de « tout signe religieux visible » ?

Plusieurs députés du groupe socialiste. Tout à fait !

M. Jean Glavany. Cette rédaction aurait évité tout problème d'interprétation. De plus, elle était conforme aux conclusions unanimes de la mission d'information présidée par le président de notre assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Deuxièmement, pour que cette circulaire d'application ne trahisse pas la volonté du législateur, ne serait-il pas plus sage de l'associer à sa rédaction, comme les socialistes le demandent depuis plusieurs semaines et comme l'a, du reste, demandé le président de l'Assemblée nationale lui-même ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le député, l'école de la République ne doit pas être à la merci des querelles religieuses ou ethniques. La liberté des femmes sur le territoire de la République comme l'égalité entre les enfants ne se négocient pas.

C'est dans cet esprit que le Parlement a voté de manière quasi consensuelle...

M. Maxime Gremetz. Non !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. J'ai dit « quasi » consensuelle, et je considère, monsieur Glavany, que ce « quasi consensuel » oblige aujourd'hui le Gouvernement.

Le Parlement a voté la loi du 15 mars 2004 qui se fonde sur trois principes : l'interdiction des signes religieux ostensibles ; la procédure de dialogue avant toute sanction ; l'évaluation au bout d'un an.

M. Patrick Lemasle. Le problème, c'est la circulaire !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. La circulaire d'application de cette loi est en cours de discussion afin de préparer la rentrée scolaire. Je reçois en ce moment même tous les acteurs concernés, au premier rang desquels les représentants des chefs d'établissement qui auront à gérer l'application de cette loi. Naturellement, je suis à la totale disposition du Parlement, et en particulier du président de l'Assemblée nationale, pour examiner le texte de la circulaire avec l'ensemble des groupes parlementaires.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Mais, mesdames et messieurs les députés, entre ceux qui disent que nous allons trop loin dans la réglementation et ceux qui pensent que nous n'allons pas assez loin, il faut trouver un équilibre pratique.

M. Christophe Caresche. La loi !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Cet équilibre ne doit être ni angélique ni arbitraire.

M. Albert Facon. La loi !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. La loi, en effet, rien que la loi. Il faut la fermeté républicaine sur l'essentiel, à savoir l'interdiction des signes religieux...

M. Jacques Desallangre. Visibles !

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. ...que sont le voile sous toutes ses formes, la kippa ou les croix de grande dimension.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Quelle dimension ?

M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Cette règle simple et claire s'appliquera partout et pour tous.

En même temps, mesdames et messieurs les députés, cette fermeté sur l'essentiel va de pair avec un certain pragmatisme. Il faut laisser une part de responsabilité aux acteurs de terrain pour faire respecter la règle commune, évaluer et sanctionner ses éventuels contournements.

Monsieur Glavany, la loi du 15 mars ne nous donne pas mandat pour enrégimenter le fonctionnement de milliers d'établissements scolaires. Il ne nous donne pas mandat non plus pour ordonner la vie et les tenues vestimentaires de millions d'élèves.

Mon devoir est de faire respecter les principes de la République, au premier rang desquels celui de la laïcité. A cet égard, l'Assemblée peut compter sur ma détermination. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs du groupe Union pour la démocratie française.)

POLITIQUE INDUSTRIELLE

M. le président. La parole est à M. Gilbert Gantier.

M. Gilbert Gantier. Ma question s'adresse à M. le ministre d'Etat, en sa qualité de ministre de l'industrie.

En réponse à l'un de nos collègues qui vous interrogeait hier sur la fusion Sanofi - Aventis, vous avez déclaré, monsieur le ministre d'Etat, qu'il s'agissait d'une « très bonne nouvelle ». Car il convient, avez-vous dit, de créer des « champions » français, européens et mondiaux.

L'UDF approuve votre position et souhaite elle aussi une politique industrielle volontariste contribuant à la croissance de notre économie comme au développement de l'emploi et à celui de la recherche, indispensable à tout progrès économique.

Pour lutter contre ce que l'on appelle parfois le déclin de la France, il nous faut en effet des champions comme Total, quatrième entreprise pétrolière mondiale, comme notre industrie automobile ou notre industrie nucléaire, l'une des plus performantes au monde, comme Air France qui vient de fusionner avec KLM, comme Airbus dont les appareils sont directement extrapolés de la Caravelle, construite entièrement en France.

Nous tenons également beaucoup, monsieur le ministre d'Etat, à Alstom, constructeur du TGV et aussi du Queen Mary II, à Saint-Nazaire, le plus grand paquebot jamais construit au monde.

Ma question est la suivante : comment concilier une politique industrielle volontariste avec les convoitises que suscitent parfois à l'étranger quelques-unes de nos plus belles pépites industrielles ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Depuis vingt ans, la France a perdu environ un million d'emplois industriels. Fort heureusement, des emplois ont été créés dans d'autres secteurs et, malgré tout, elle demeure la cinquième puissance industrielle du monde.

Nous avons identifié trois menaces.

Tout d'abord, notre pays ne dépose pas assez de brevets par rapport à ses partenaires européens : 6 % contre 18 % pour l'Allemagne par exemple.

M. Maxime Gremetz. Forcément, avec votre politique de la recherche !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est ce qui a conduit le Gouvernement à soutenir une grande politique de recherche. (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Ensuite, les centres de décision quittent notre pays. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement s'est battu pour que Sanofi et Aventis parviennent à un accord, dont la première conséquence sera que le centre de décision demeure en France.

M. Jean Leonetti. Très bien !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Enfin, c'est une vérité qu'il faut regarder en face, les coûts salariaux ont augmenté de 4 % en France depuis 1998 contre 2 % seulement en Allemagne, de par la faute de nos prédécesseurs. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. François Hollande. Bien sûr, c'est la faute de la gauche !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je comprends que cela vous gêne, mais la France a perdu de ce fait en compétitivité. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Il nous faut donc poursuivre la politique de baisse des charges afin de créer des emplois en France. La meilleure politique sociale, c'est la création d'emplois, ce ne sont pas des promesses inconsidérées.

Il y a aussi le volontarisme industriel et la question d'Alstom, à la fois essentielle et extrêmement difficile. D'ailleurs, si elle avait été résolue par nos prédécesseurs, nous n'aurions pas à nous en préoccuper aujourd'hui ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. François Hollande. Encore la faute de la gauche !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Enfin, pour ce qui concerne les délocalisations, autant on peut comprendre qu'une entreprise délocalise pour gagner des parts de marché, autant ce n'est pas acceptable quand il s'agit seulement de faire du dumping social avec pour conséquence la destruction d'emplois en France. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Émile Zuccarelli. Très bien !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Notre politique en ce domaine ne sera pas d'interdire, mais de favoriser et de récompenser les entreprises qui développent l'emploi dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

LUTTE CONTRE LA CONTREFAÇON

M. le président. La parole est à M. Alain Venot, pour le groupe UMP.

M. Alain Venot. Ma question, monsieur le ministre délégué à l'industrie, porte sur la contrefaçon. Je sais combien vous êtes déterminé à lutter contre ce fléau qui a pris beaucoup d'ampleur et à y remédier en trouvant des solutions efficaces.

Au départ, ce phénomène qui visait principalement les produits dits de luxe, s'est fortement développé au cours des vingt dernières années et touche un nombre croissant de secteurs. Chaque fois que l'on achète un produit contrefait, cela pèse négativement sur l'emploi, nous en avons tous conscience. En effet, la contrefaçon aggrave les délocalisations et détruit ainsi près de 30 000 emplois par an en France et plus de 200 000 en Europe.

Afin de protéger nos emplois, nos territoires et nos entreprises, il faut mobiliser toutes les énergies pour endiguer le commerce des produits contrefaits. C'est à cette fin que M. le ministre de l'économie et des finances a réuni jeudi dernier à Bercy les représentants de l'ensemble des industries victimes de la contrefaçon, des entrepreneurs, des organismes professionnels et des administrations concernées.

Pouvez-vous, monsieur le ministre délégué, nous indiquer quel a été le constat de cette table ronde et surtout nous préciser les moyens susceptibles d'être mis en œuvre pour renforcer la lutte des pouvoirs publics contre la contrefaçon ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'industrie.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie. En effet, nous avons réuni la semaine dernière à Bercy, sous l'impulsion de Nicolas Sarkozy (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)...

Mes chers collègues, la lutte contre la contrefaçon doit faire l'unanimité parmi nous, tant il est vrai que ce fléau cause un préjudice considérable à l'ensemble de notre pays ! M. Venot vient de rappeler qu'il coûte 30 000 emplois par an à la France et 200 000 à l'Europe. Alors, de grâce, pas de polémique ni d'esprit partisan !

Nous avons donc réuni, la semaine dernière, à Bercy, les principales entreprises victimes de la contrefaçon, afin de mettre en œuvre un plan énergique pour lutter contre ce phénomène.

Un plan des douanes sera mis en œuvre afin d'améliorer le contrôle du fret et de démanteler les filières, souvent mafieuses, de contrefaçon. On a parfois de l'indulgence pour les contrefacteurs, mais il faut savoir qu'ils sont liés aux réseaux de grande criminalité. Des contrôles seront également effectués sur les consommateurs, car sans acheteurs de produits contrefaits, il n'y aurait pas de contrefaçon.

Il y aura également des contrôles sur Internet, où, par exemple, beaucoup de médicaments qui ne répondent à aucune norme médicale sont proposés à la vente. Il y va non seulement d'emplois détruits, mais de la vie même des utilisateurs de ces produits qui ne respectent aucune norme. Tout cela pour la recherche du profit !

Sur le plan judiciaire, les sanctions à l'encontre des contrefacteurs ont été renforcées, à l'instigation de Dominique Perben, dans la loi du 9 mars 2004. Nous souhaitons désormais pouvoir accélérer les procédures.

Nous encourageons également les entreprises à nouer des contacts avec nos administrations, tant en France qu'à l'étranger.

Enfin, nous souhaitons entreprendre une action internationale, auprès de l'Union européenne afin d'améliorer la directive concernée, et auprès de pays où la contrefaçon est forte - je pense à l'Italie et à la Pologne - en vue d'obtenir des accords qui permettraient d'échanger des douaniers afin de renforcer la répression.

Le Gouvernement, monsieur le député, est bien déterminé à lutter contre la contrefaçon car, on ne le dira jamais assez, la contrefaçon, c'est le vol ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

PLAN DE COHÉSION SOCIALE

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Ferrand, pour le groupe UMP.

M. Jean-Michel Ferrand. Monsieur le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, le chômage est l'une des préoccupations principales des Français et de la majorité. C'est également celle du Président de la République. Aussi le Gouvernement a-t-il fait de l'emploi sa priorité...

M. Didier Migaud. Non !

M. Jean-Michel Ferrand. ...et s'attache-t-il à mettre en œuvre les mesures nécessaires pour créer les conditions les plus favorables à la croissance. Je citerai la simplification des créations d'entreprises, la mise en place du RMA, l'augmentation du SMIC, les cent mille contrats en entreprise pour les jeunes, les mesures en faveur de l'égalité professionnelle entre hommes et femmes, de l'apprentissage et de la formation professionnelle.

Hier, M. le Président de la République a réaffirmé avec force la priorité absolue donnée par le Gouvernement à la cohésion sociale, indiquant notamment que la future loi de mobilisation devra aller plus loin dans l'application du préambule de la Constitution de 1946, qui dispose que « chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi ». Il a, à cette occasion, invité tous les préfets à se mobiliser pour mettre en œuvre le plan de cohésion sociale que vous préparez.

Monsieur le ministre, les attentes de nos concitoyens sont grandes dans de nombreux domaines liés les uns aux autres :...

M. Albert Facon. La question !

M. Jean-Michel Ferrand. ...l'emploi, en particulier celui des jeunes, le logement et l'égalité des chances.

M. le Président. Merci, monsieur Ferrand !

M. Jean-Michel Ferrand. Quels objectifs vous assignez-vous pour relever le défi de la cohésion sociale et de l'emploi, indispensables au respect du principe de justice qui est au cœur de notre pacte social ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Monsieur le député, je vous remercie d'avoir rappelé ce qui a été enclenché par François Fillon et Renaud Dutreil.

L'origine de la désintégration républicaine ou de la cohésion sociale est dramatiquement simple. Aux chômeurs indemnisés par l'Unedic, il convient d'ajouter 1,6 million de foyers très loin de l'emploi et dans l'assistance. Malheureusement, dans ce cas-là, les handicaps se cumulent :...

M. Albert Facon. Comme pour le Gouvernement !

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. ...emploi, soutien éducatif, parentalité, activité.

L'objet du plan de cohésion sociale est triple.

Il s'agit d'abord de ramener dans la République l'ensemble de ces populations fragilisées, et ce par l'activité et par le logement.

M. Albert Facon. Sans argent ?...

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Il faut ensuite expliquer à nos autres compatriotes, qui s'inquiètent de cette véritable insécurité sociale, que notre pays a un avenir social.

Enfin, il n'y a pas de développement économique possible si toute la nation ne se prépare pas à relever ces défis. Vous le savez, monsieur le député, la courbe démographique est telle que nous aurons besoin dans les années qui viennent, et à compter de l'an prochain, de plus d'un million de Français prêts à l'activité.

Ce plan de cohésion sociale, c'est un plan social, humain, mais aussi un plan de développement économique. Savez-vous que l'inquiétude se mesure au taux d'épargne ? Or celui-ci se situe depuis assez longtemps autour de 18 %, alors qu'il fut un temps où il n'était que de 11 %. Un point, c'est 15 milliards d'euros dans le circuit économique. Tel est donc l'objectif de ce plan. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

SOUDAN

M. le président. La parole est à M. Paul Quilès, pour le groupe socialiste.

M. Paul Quilès. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères.

Dix mille morts, plus d'un million de personnes déplacées à la suite de pillages, d'incendies, de meurtres et de viols, des centaines de milliers de personnes menacées par la faim et par la mort : telle est la situation tragique de la région soudanaise du Darfour.

Ce véritable nettoyage ethnique a commencé il y a plus d'un an et la communauté internationale est au courant. L'ONU sait, mais l'ONU ne fait rien. Pourtant, son secrétaire général, Kofi Annan, l'a exhortée récemment « à réagir rapidement et fermement pour mettre fin aux violations massives des droits de l'homme au Soudan ». Il a même menacé en disant : « Par réagir, j'entends des mesures qui pourraient inclure l'action militaire. »

Au lieu de cela, que voyons-nous ? Une ONU qui condamne et qui ne fait rien, une commission des droits de l'homme de l'ONU qui n'est même pas capable de condamner le Soudan parce qu'elle comprend une majorité de pays qui, eux-mêmes coupables de graves violations, bloquent toute décision.

Certes, cette région du Soudan n'a pas de pétrole et ne présente pas non plus un intérêt stratégique majeur pour les grandes puissances. Est-ce une raison pour abandonner à leur triste sort ce pauvre pays et des centaines de milliers de victimes probables ? À ce compte, les droits de l'homme risquent de devenir un simple objet de discours.

C'est pourquoi, monsieur le ministre, je vous demande solennellement ce que peut faire l'Europe et ce que compte faire la France pour amener l'ONU à se ressaisir et à enfin intervenir ? Si rien n'est fait, ces crimes contre l'humanité vont se transformer en un véritable génocide et il ne servira à rien de faire acte de repentance dans quelques années. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.

Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le député, je réponds à votre question à la demande de Michel Barnier, qui est actuellement en visite en Afrique.

Comme vous le soulignez avec force, la situation dans le Darfour nous préoccupe gravement, d'une part, parce qu'il s'agit d'une crise humanitaire tragique et, d'autre part, parce qu'elle menace la stabilité de la région : le Tchad, la République centrafricaine et, bien entendu, le Soudan lui-même, compte tenu de la situation dans le sud du pays. C'est pourquoi le ministre des affaires étrangères, M. de Villepin, s'était rendu au Tchad et au Soudan, en février dernier. La France a fortement soutenu, avec ses partenaires européens, la médiation du président Debi, dans les pourparlers de paix qui ont abouti, le 8 avril dernier, à N'Djamena, à la conclusion d'un accord de cessez-le-feu humanitaire entre le gouvernement soudanais et les rebelles.

Mais nous devons rester très vigilants. Cet accord doit être confirmé sur le terrain, afin d'offrir un accès immédiat aux populations. Plusieurs missions humanitaires internationales se trouvent actuellement au Darfour. Il convient de s'assurer qu'elles ont la possibilité de travailler.

La situation au Soudan a été évoquée à la commission des droits de l'homme des Nations unies qui vient de se réunir à Genève. Elle a donné lieu à une longue concertation entre l'Union européenne et le groupe africain, qui a abouti à un accord sur un mécanisme concret de surveillance de la situation des droits de l'homme. C'est un progrès, qui répond en partie aux préoccupations exprimées par le secrétaire général des Nations unies, même si ce n'est qu'une mesure partielle. La communauté internationale doit maintenant soutenir ces mécanismes de suivi du cessez-le-feu, que l'Union africaine doit mettre en place et, bien entendu, ne pas abandonner. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

LOI DE PROGRAMME POUR L'OUTRE-MER

M. le président. La parole est à M. Joël Beaugendre, pour le groupe UMP.

M. Joël Beaugendre. Madame la ministre de l'outre-mer, l'Assemblée nationale a voté l'an dernier la loi de programme pour l'outre-mer, et j'en tire une grande fierté. Traduction législative des engagements du Président de la République pour les neuf collectivités de l'outre-mer, votre loi a pour ambition de restaurer la dignité pour nos compatriotes en luttant contre le chômage qui plombe notre économie.

Là où certains ont créé des emplois précaires générant l'assistanat, nous voulons relever le défi de la responsabilité en favorisant la création de vrais emplois durables dans le secteur marchand. Là où certains avaient lesté le développement économique, nous entendons relancer l'investissement privé que la gauche avait durablement compromis. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Surtout, madame la ministre, vous avez enfin donné un contenu concret au principe de la continuité territoriale, jusqu'alors ignoré par cette même gauche qui entend aujourd'hui en entraver la mise en œuvre. Les parlementaires de la majorité ont voté la continuité territoriale entre l'outre-mer et l'hexagone. La gauche a tout fait pour la démantibuler, notamment en introduisant un recours devant le Conseil constitutionnel. Malgré un contexte budgétaire tendu, 30 millions d'euros permettent d'ores et déjà de financer deux cent mille passages entre l'outre-mer et l'hexagone au titre de l'aide à la personne.

Madame la ministre, la loi de programme pour l'outre-mer, qui pose des jalons pour une durée de quinze ans en faveur de nos collectivités, est une loi de courage qui défie le fatalisme de l'éloignement et de l'insularité, et qui libère les initiatives.

M. Albert Facon. C'est la brosse à reluire !

M. Joël Beaugendre. Pourriez-vous indiquer à la représentation nationale quels en sont les effets d'ores et déjà perceptibles ? Pouvez-vous aussi nous dire où en est la mise en œuvre de cette continuité territoriale qui renforce le lien entre les Français de là-bas et les Français d'ici-bas ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'outre-mer.

Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer. Monsieur le député, vous m'interrogez sur les premiers effets de la loi de programme dont vous avez bien voulu rappeler l'ambition pour l'outre-mer. Sur les cinq premiers mois d'application de cette loi, c'est-à-dire entre fin septembre 2003 et fin février 2004, le chômage dans les quatre DOM a baissé de 5,4 %, ce qui correspond en rythme annuel à une baisse de 13 %. Sur cette même période, le chômage des jeunes a baissé de 20 %. Je précise que les emplois créés sont des emplois durables dans les entreprises et que nous n'avons bien entendu pas augmenté le volume des emplois aidés, précaires par nature.

Par ailleurs, au cours du premier trimestre de 2004, le nombre de projets d'investissements dans l'ensemble de l'outre-mer a doublé par rapport au premier trimestre de 2002 et de 2003.

L'heure n'est évidemment pas à l'autosatisfaction, mais ces premiers résultats sont encourageants. Chacun pourrait s'en réjouir, par-delà toute polémique partisane, car la bataille pour l'emploi n'est ni de gauche ni de droite. Si ces bons résultats se confirment, c'est la jeunesse d'outre-mer qui sera gagnante, une jeunesse à laquelle nous aurons montré que nous pouvons lui offrir autre chose que de faux emplois publics.

J'ajoute que ces créations d'emplois sur cinq mois nous ont permis de réaliser, dans un contexte budgétaire très difficile, une économie de 25 à 30 millions d'euros.

Vous m'interrogez également sur la dotation de continuité territoriale, mesure qu'aucun gouvernement n'avait prise jusqu'alors. J'espère que les présidents des régions d'outre-mer feront preuve de responsabilité et d'esprit non partisan, et j'attends qu'ils m'adressent très vite leurs critères d'éligibilité à cette dotation. Les collectivités françaises du Pacifique m'ont déjà répondu et leurs dotations sont en cours de versement. J'engage donc les quatre présidents des régions d'outre-mer à m'adresser leurs propositions pour répondre aux attentes et aux impatiences légitimes de nos compatriotes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

REDEVANCE ARCHÉOLOGIQUE

M. le président. La parole est à M. Philippe-Armand Martin, pour le groupe socialiste.

M. Philippe-Armand Martin. Ma question s'adresse à M. le ministre de la culture. Elle a trait à la perception de la redevance archéologique, instaurée par la loi 2001-1944 du 17 janvier 2001.

En effet, il apparaît que, dans un souci de détection, de conservation ou de sauvegarde du patrimoine, peuvent être inscrites des mesures de fouilles archéologiques. Dans ce cadre, il est prévu la perception d'une redevance permettant de financer le Fonds national pour l'archéologie préventive. Son montant a été fixé à 0,32 euro le mètre carré. Elle porte sur la totalité de la superficie des projets de réalisation d'aménagements, d'ouvrages ou de travaux. Or de nombreux projets s'inscrivent dans un espace très étendu, alors même que leur implantation foncière est très réduite. Les promoteurs doivent néanmoins s'acquitter de la redevance pour l'ensemble de la surface. Je prendrai l'exemple de la réalisation de sites de loisirs ou de sport mais, bien entendu, le problème se pose en termes identiques pour de nombreux autres aménagements.

De ce fait, la redevance archéologique engendre des effets non mesurés et risque de nuire à la réalisation de projets d'aménagements créateurs d'emplois pour de nombreuses régions et départements. Dès à présent, elle met en difficulté des entreprises immobilières qui se sont engagées dans des projets assis sur une grande superficie sans pour autant comprendre de grandes implantations foncières.

Ma question ne vise pas à remettre en cause la redevance archéologique, mais à engager un débat sur les nécessaires assouplissements de ses conditions d'exigibilité.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer si des aménagements portant sur l'assiette de la redevance archéologique sont envisageables, notamment pour les projets s'inscrivant sur une grande superficie et ne comprenant qu'une implication immobilière limitée, afin, d'une part, de permettre leur réalisation, et, d'autre part, d'assurer la pérennité des entreprises réalisatrices ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la culture et de la communication.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le député, ne pas pénaliser notre histoire tout en permettant la naissance dans chaque commune de nombreux projets : tel est le défi. Vous soulevez une réelle difficulté de la loi du 1er août 2003, dont l'objectif était, je le rappelle, de préserver une discipline essentielle de notre patrimoine et de notre mémoire, de nos racines et donc de notre fierté nationale.

M. Robert Pandraud. Très bien !

M. le ministre de la culture et de la communication. Cette loi avait fait l'objet d'un important travail de préparation et de concertation préalable dans le cadre des travaux menés par votre mission d'évaluation et de contrôle, coordonnés par mon collègue Laurent Hénart.

M. Michel Bouvard. M. Aillagon n'a pas écouté la commission des finances !

M. le ministre de la culture et de la communication. C'est d'ailleurs pour pallier l'impossibilité dans laquelle se trouvaient des communes de financer les fouilles d'archéologie préventive dans l'ancien système qu'il a été choisi de créer un fonds de mutualisation financé par la redevance générale d'archéologie, prélevée désormais sur l'ensemble des aménageurs et non plus seulement sur ceux qui sont exposés à un « risque » archéologique, le risque pouvant bien sûr être une chance.

M. Michel Bouvard. Ce n'est pas la question !

M. le ministre de la culture et de la communication. Je vais répondre à la question avec beaucoup de précision, mais je pense qu'il fallait rappeler quel est exactement le problème.

M. le président. Monsieur le ministre, veuillez poursuivre, parce que l'heure tourne.

M. le ministre de la culture et de la communication. Ce principe de mutualisation est juste, mais l'assiette choisie pour le calcul de cette redevance a créé, j'en suis parfaitement conscient, des situations de réelle injustice.

M. Michel Bouvard. Eh oui !

M. le ministre de la culture et de la communication. C'est la raison pour laquelle nous avons entrepris, avec mon collègue chargé de l'équipement, une vérification précise, au cas par cas, des situations locales, afin de prévoir certains aménagements.

M. Robert Pandraud. Très bien !

M. le ministre de la culture et de la communication. Je tiens néanmoins à rappeler deux éléments très importants. D'abord, l'assiette de la redevance d'archéologie préventive ne porte que sur des terrains d'une superficie égale ou supérieure à 3 000 mètres carrés. Ensuite, les communes réalisant un lotissement ou une zone d'aménagement concerté peuvent également bénéficier d'exonérations pour la construction de logements à usage locatif.

Cela dit, je reste attentif, comme vous l'avez indiqué, aux problèmes issus du terrain et nous serons amenés devant vos commissions et, le cas échéant, devant la représentation nationale, à faire des propositions de correction. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

DÉPLACEMENT AUX ÉTATS-UNIS DU MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE

M. le président. La parole est à M. Philippe Martin, pour le groupe socialiste.

M. Philippe Martin. Ma question s'adresse à M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Mes chers collègues, lorsque le Président de la République a demandé au Parlement d'approuver la position française de fermeté et d'hostilité à la guerre en Irak, l'unanimité s'est faite dans notre assemblée et les députés socialistes y ont pris toute leur part.

Monsieur le ministre d'Etat, vous venez d'effectuer un déplacement remarqué aux Etats-Unis, dont nous n'ignorons pratiquement plus aucun détail. Ma question porte sur le sens qu'il convient de donner à ce voyage...

M. Albert Facon. L'élection présidentielle, peut-être !

M. Philippe Martin. ...et sur les conséquences politiques de son déroulement. Je suis d'ailleurs certain de ne pas être le seul dans cet hémicycle à me la poser.

Votre frénésie de notoriété (« Nul ! Minable ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) ne vous aurait-elle pas conduit, cette fois, à un peu d'aveuglement, au point de ne pas voir que vous placiez les dirigeants américains en situation de choisir chez nous entre les bons dirigeants, qui ont droit à des égards de chefs d'Etat, et ceux qui le seraient moins et n'auraient droit qu'au service minimum ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

En procédant ainsi, ne craignez-vous pas d'avoir pris le risque d'affaiblir la voix du Président de la République et celle de l'ONU ?

En un mot, monsieur le ministre d'Etat, un peu plus de modestie ou, à tout le moins, de lucidité, n'aurait-il pas abouti à un peu moins de succès personnel pour votre expédition mais à un peu plus de grandeur et de cohérence pour la France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. René Couanau. Ridicule !

M. le président. La parole est à M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur Martin, vous n'allez pas être déçu de la réponse ! (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Outre l'assemblée générale du FMI - je comprends que vous ne soyez pas familier de ces matières (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) - et le sommet du G 7 avec les ministres des finances, j'ai fait deux choses dont je n'avais pas pensé rendre compte à l'Assemblée nationale. Mais puisque vous m'y invitez, je ne vais pas me gêner !

Premièrement, j'ai été l'invité de la totalité des associations de juifs américains, qui ont souhaité remercier la France pour le combat déterminé que nous menons contre l'antisémitisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Ils ne se sont pas arrêtés à cela, monsieur Martin, puisqu'ils ont voulu me remettre une récompense. Et je vais même vous faire une confidence : ça ne risquait pas d'arriver à M. Vaillant (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), car après les cinq années du gouvernement de M. Jospin, on était arrivé à faire croire aux Etats-Unis d'Amérique que la France était un pays antisémite ! (Violentes protestations sur les bancs du groupe socialiste, dont les membres se lèvent et se dirigent vers la sortie de l'hémicycle.)

M. Albert Facon. Ça ne va pas, non ? C'est scandaleux !

M. Bernard Roman. C'est inadmissible !

M. le président. Monsieur Roman, monsieur Facon, ne vous en mêlez pas !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Deuxièmement (Le ministre poursuit son propos dans un grand brouhaha), j'ai tenu à indiquer à nos amis américains qu'on pouvait avoir un désaccord sur l'Irak - et ce désaccord est incontestable - mais que cela ne nuisait en rien à l'amitié historique entre les Américains et la France. (Huées prolongées des députés du groupe socialiste, qui se sont regroupés au pied de la tribune et dans les premières travées.)

M. Jean-Christophe Cambadélis. Scandaleux !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Les chefs d'entreprise français qui investissent aux Etats-Unis et commercent avec eux sont heureux que le ministre des finances français ...

M. Jean-Yves Le Déaut. Voyou !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... ait dit aux Etats-Unis d'Amérique que l'actualité c'était un désaccord sur l'Irak, mais que l'histoire c'était l'amitié entre le peuple américain et le peuple français qui ne se sont jamais fait la guerre dans toute leur histoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Merci, monsieur le ministre !

M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je suis désolé, messieurs, que vous n'ayez pas voulu rester pour écouter cette réponse qui est une réponse d'Etat. (Les députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et plusieurs députés du groupe de l'Union pour la démocratie française se lèvent et applaudissent longuement.)

Les députés du groupe socialiste. Hou, hou !

M. Jean-Christophe Cambadélis. Espèce de voyou !

M. Alain Vidalies. Provocateur !

M. le président. Arrêtez ! Ça ne sert à rien ! Sortez tranquillement ! (Clameurs des députés socialistes, toujours massés au pied de la tribune.)

M. Henri Emmanuelli. Monsieur le président, vous n'avez pas fait ce qu'il fallait !

M. le président. Monsieur Emmanuelli, ne vous en mêlez pas !

M. Henri Emmanuelli. Y en a marre de ce personnage !

Plusieurs députés socialistes. Des excuses ! Des excuses !

M. le président. Cela suffit ! Ou vous sortez, ou vous regagnez vos places !

Plusieurs députés du groupe UMP. Dehors ! Dehors !

M. le président. Et vous, asseyez-vous !

Monsieur Marty, vous avez la parole pour poser votre question.

DÉMOGRAPHIE MÉDICALE

M. Alain Marty. Monsieur le président, ma question, si je réussis à la poser ...

Plusieurs députés socialistes. On ne peut pas accepter cela ! Suspendez la séance, monsieur le président !

M. le président. Cessez de vous donnez en spectacle ! Faites preuve de dignité et regagnez vos places ! (« Non ! Non ! » )

Alors, sortez ! Vous allez vous fatiguer si vous restez debout !

M. Marty va maintenant essayer de poser sa question.

M. Alain Marty. Elle s'adresse, monsieur le président, à M. le ministre de la santé et de la protection sociale. (Vives exclamations des députés socialistes.)

M. le président. N'en rajoutez pas ! Ça ne sert à rien ! (« Dehors ! Qu'ils sortent ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Alain Marty. Mes chers collègues, peut-on parler un peu de santé ?

Nous connaissons tous la situation préoccupante de la démographie médicale. La limitation du nombre des médecins ces dernières années a été une faute. Heureusement, le Gouvernement a compris les enjeux en termes de santé et augmente régulièrement le nombre de places en médecine.

Je souhaite appeler votre attention, monsieur le ministre, sur la situation des spécialistes. (Les députés socialistes crient : « Des excuses, des excuses ! »)

M. le président. Ça suffit ! Conduisez-vous correctement ! Vous donnez un spectacle affligeant !

Poursuivez, monsieur Marty.

M. Alain Marty. La question des spécialités médicales est grave car nous sommes dans une situation de pénurie.

Je rappelle que l'accès aux études médicales se fait par une sélection à la fin de la première année. Pour étudier une spécialité, il faut passer un examen national classant à la fin de la sixième année de médecine. Comme souvent dans notre pays, nous privilégions la sélection plutôt que le savoir-faire et le savoir-être. Aujourd'hui, un étudiant de sixième année a intérêt à choisir des stages peu contraignants pour pouvoir préparer son concours, sa place à l'examen déterminant complètement sa carrière professionnelle.

Monsieur le ministre, est-il normal que dans la profession médicale il n'y ait pas possibilité d'une formation tout au long de la vie ? (Les députés du groupe socialiste scandent « Des excuses, des excuses ! » ; les députés du groupe UMP « Dehors, dehors ! ») Un médecin généraliste ayant de l'expérience ne pourra pas valider ses acquis. Il est indispensable d'imaginer des passerelles. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et de la protection sociale.

M. Albert Facon. Sarko, des excuses !

M. Pierre Cohen. On ne peut pas accepter de tels propos, monsieur le président !

M. Henri Emmanuelli. Monsieur Debré, vous croyez que votre père aurait admis cela ?

M. Jean-Paul Bacquet. Non, il ne l'aurait pas accepté ! C'est honteux !

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale. Monsieur le député, vous posez une question majeure, qui est avant tout celle de la démographie médicale de notre pays. Aujourd'hui, 206 000 médecins sont en activité. Dans dix ans, ils ne seront au maximum que 175 000.

Vous posez ensuite le problème de la pénurie de médecins dans certaines spécialités, et non des moindres. Ce sont soit des spécialités très dures en termes de pénibilité, comme la gynécologie-obstétrique, la pédiatrie ou encore l'anesthésie-réanimation, soit des spécialités à risque où la judiciarisation augmente, comme la chirurgie. Par ailleurs, des spécialités nouvelles émergent, comme la médecine fœtale.

Je vous ferai trois propositions.

Premièrement, il faut augmenter le numerus clausus, c'est-à-dire le nombre d'étudiants qui passent en deuxième année de médecine. Il nous faut passer de 5 700 aujourd'hui à 7 000. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Deuxièmement, il faut développer la formation médicale continue pour que des médecins installés puissent faire d'autres spécialités, en créant des passerelles entre spécialités. Mon prédécesseur a signé, il y a quelques jours, un décret qui permettra aux spécialistes du nouveau régime d'avoir accès à de nouvelles spécialités.

Troisièmement, il faut créer des diplômes universitaires permettant de valoriser les nouvelles compétences.

Quant aux étudiants européens, ils n'auront pas à passer par le classement pour le choix des spécialités.

Enfin, il faut tout faire pour inciter les médecins à s'installer dans les régions à faible démographie médicale, car il n'y a aucune raison pour que les Français ne soient pas égaux dans l'accès aux soins. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire - Les députés du groupe socialiste reprennent : « Des excuses, des excuses ! »)

M. le président. M. Vaillant m'a demandé la parole pour un fait personnel. Conformément à notre règlement, elle lui sera donnée à la reprise de la séance.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

    3

RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. le président. La parole est à M. Daniel Vaillant, pour un rappel au règlement.

M. Daniel Vaillant. Monsieur le président, permettez-moi de revenir, avec une certaine gravité, aux propos que M. le ministre d'Etat Nicolas Sarkozy a tenus à la fin de la séance des questions au Gouvernement. Je le fais auprès de vous sous la forme d'un fait personnel - c'est, vous le savez, la règle de notre assemblée.

Après l'incident d'hier, qui faisait suite à de multiples mises en cause d'autres représentants de la démocratie qui siègent sur les bancs de cette assemblée, l'attitude du ministre d'Etat suscite notre inquiétude : c'est comme s'il ne supportait pas la représentation nationale dans sa diversité démocratique. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Hervé Mariton. Des excuses, monsieur Vaillant !

M. Daniel Vaillant. Je le dis avec un grand calme : au-delà du fait personnel qui tendait à faire croire qu'à l'époque où j'exerçais les fonctions de ministre de l'intérieur, je n'aurais pu être reçu par des associations aux Etats-Unis...

Plusieurs députés du groupe UMP. Jaloux !

M. Daniel Vaillant. ...à propos de la lutte que partage l'ensemble de la représentation nationale contre l'antisémitisme et toutes les formes de racisme (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste) ...

M. Hervé Mariton. Que ne l'avez-vous fait ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Henri Emmanuelli et M. Julien Dray. C'est insupportable !

M. le président. Asseyez-vous, mes chers collègues, et faites preuve de la même dignité que M. Vaillant, je vous en prie. Le sujet est suffisamment grave : évitons d'en rajouter de part et d'autre.

M. Daniel Vaillant. Je vous remercie, monsieur le président.

Au-delà du fait personnel, donc, la mise en cause du gouvernement de Lionel Jospin est de nature à affaiblir l'image de la France sur la scène internationale, car elle laisse supposer que tout n'a pas été fait entre 1997 et 2002 pour combattre les actes d'antisémitisme.

M. Gérard Léonard. Il ne faut pas exagérer !

M. Julien Dray. Nous ne parlons pas des actes antisémites, peut-être ?

M. Henri Emmanuelli. Où étaient les collabos ?

M. Daniel Vaillant. De tels propos doivent interpeller aussi le Président de la République.

M. Julien Dray. Absolument, il était déjà en fonction.

M. Daniel Vaillant. Monsieur le président, le respect dû à la représentation nationale par les ministres doit, selon moi, conduire M. le ministre d'Etat, qui n'a pas cru devoir rester malgré l'annonce que vous aviez faite de mon intervention,...

M. Henri Emmanuelli. C'est lâche !

M. Daniel Vaillant. ...à venir présenter ses excuses (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.-Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) pour sa grave mise en cause du précédent gouvernement. M. Sarkozy doit recouvrer son sang-froid : on ne peut aspirer à exercer les plus hautes fonctions et le perdre à tout moment, comme il vient d'en faire la démonstration. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Nadine Morano. La question était agressive !

M. Julien Dray. Il n'y a que Chirac pour calmer Sarkozy !

M. Daniel Vaillant. Telle est, monsieur le président, la teneur du rappel que je tenais à faire solennellement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Monsieur Vaillant, je prends acte de votre rappel au règlement, dont je saisirai la conférence des présidents.

Le Gouvernement m'a fait savoir qu'il désirait vous répondre.

La parole est à M. le ministre délégué à l'intérieur, porte-parole du Gouvernement.

M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur, porte-parole du Gouvernement. Monsieur Vaillant, le Gouvernement n'a jamais cherché à blesser qui que ce soit.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Sarkozy, si !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Pour autant, l'heure n'est pas à relancer la polémique. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Henri Emmanuelli. C'est peut-être Vaillant qui lance les polémiques ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Un peu de tolérance !

M. le président. Mes chers collègues, laissez poursuivre le ministre.

M. le ministre délégué à l'intérieur. Je le répète, monsieur Vaillant, l'heure n'est pas à relancer la polémique. La lutte contre l'antisémitisme constitue, vous le savez, pour ce gouvernement, une priorité absolue...

M. Jean-Louis Idiart. Pour tous les gouvernements !

M. le ministre délégué à l'intérieur. ...et il a, en la matière, une détermination totale. C'est une cause républicaine. J'invite simplement chacun à retrouver l'apaisement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. C'est une cause républicaine qui nous rassemble tous.

M. Henri Emmanuelli. Pas lui !

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt-cinq, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de M. Jean Le Garrec.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC,

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

    4

RÉPARTITION DES SIÈGES DE SÉNATEURS

Discussion d'une proposition de loi adoptée par le Sénat

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, actualisant le tableau de répartition des sièges de sénateurs et certaines modalités de l'organisation de l'élection des sénateurs (nos 1422, 1536).

La parole est à M. le ministre délégué à l'intérieur.

M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, le Sénat a modifié en 2003, de sa propre initiative, la composition de son assemblée ainsi que les règles qui régissent les modalités de désignation de ses membres. Il s'agit d'une réforme ambitieuse qui modernise la Haute assemblée et renforce indiscutablement la cohérence du système électoral français.

La loi organique portant réforme de la durée du mandat et de l'âge d'éligibilité des sénateurs ainsi que de la composition du Sénat et la loi ordinaire portant réforme de l'élection des sénateurs adoptées en juillet dernier ont ainsi modifié de façon substantielle les règles de désignation des sénateurs.

Tout d'abord, la durée du mandat sénatorial passe de neuf à six ans, le renouvellement du Sénat s'effectuant par moitié, et non plus par tiers, tous les trois ans. Ensuite, l'âge d'éligibilité est ramené de 35 à 30 ans. Enfin, le nombre de sénateurs va augmenter progressivement au cours des prochains renouvellements, passant de 321 aujourd'hui à 346 en 2010, pour tenir compte de l'évolution de la population française.

L'objet principal de la proposition de loi que vous examinez aujourd'hui, déposée par le président du Sénat, Christian Poncelet, ainsi que par MM. de Rohan, Mercier, Pelletier, de Raincourt et Xavier de Villepin, est de tirer les conséquences de la réforme du Sénat de juillet 2003.

En premier lieu, la proposition de loi organise progressivement le regroupement des sénateurs en deux séries. Le renouvellement du Sénat par moitié, et non plus par tiers, tous les trois ans, implique en effet d'organiser le passage de trois à deux séries. Ces deux nouvelles séries apparaîtront avec le renouvellement de 2010, l'actuelle série C étant partagée entre les deux nouvelles séries.

L'article premier du texte fixe ainsi dans le code électoral les tableaux de répartition des sénateurs par départements et par séries pour les renouvellements de 2004, 2007 et 2010.

Le deuxième aspect de cette proposition de loi est de procéder à l'adaptation de diverses dispositions relatives à l'élection des sénateurs et aux conditions de désignation du collège électoral sénatorial. Certaines de ces dispositions s'inscrivent pleinement dans la démarche de modernisation entamée par le Sénat, tandis que d'autres entrent seulement dans le cadre d'une simple mais nécessaire mise à jour du code électoral.

Tout d'abord, les députés, conseillers régionaux, conseillers à l'assemblée de Corse et conseillers généraux sont désormais autorisés à voter par procuration aux élections sénatoriales. Ces élus étaient les seuls grands électeurs à ne pas pouvoir s'acquitter de cette façon de leur devoir électoral, spécificité sans fondement particulier.

De même, à l'avenir, la désignation des grands électeurs aura lieu au moins six semaines avant le jour de l'élection, au lieu de trois auparavant. Cette décision permet de faire correspondre la date du début de la campagne des élections sénatoriales avec la désignation du corps électoral.

Par ailleurs, il est mis un terme à un anachronisme datant de l'existence de l'ancien département de la Seine, dans lequel étaient compris les actuels départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne. Dans ces derniers, tous les conseillers municipaux des communes de moins de 9 000 habitants étaient grands électeurs. Cette particularité obsolète disparaît, et il en résulte la suppression de 140 grands électeurs en Ile-de-France.

Autre disposition non négligeable : lors du prochain renouvellement, il ne sera possible de procéder au retrait d'une liste de candidats aux élections sénatoriales se déroulant au scrutin proportionnel qu'avec la signature de l'ensemble des candidats de la liste. Qui plus est, ce retrait ne pourra intervenir après l'expiration du délai du dépôt des déclarations de candidatures.

Le texte autorise également l'utilisation des machines à voter lors des élections sénatoriales. Le ministère de l'intérieur veillera à en faciliter et en encourager l'utilisation.

Enfin, il est prévu d'augmenter très significativement le montant de l'amende sanctionnant les électeurs sénatoriaux n'ayant pas pris part au scrutin.

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, le Gouvernement ne peut que se féliciter de l'ensemble de ces dispositions, qui vont dans le sens de la modernisation de nos institutions. Comme vous l'avez fort opportunément souligné, monsieur le rapporteur, cette proposition de loi est « le préalable à la fois modeste et nécessaire de l'élection sénatoriale prévue le 26 septembre prochain ».

Le Gouvernement accueille donc favorablement ce texte, et vous invite, comme la commission des lois de votre assemblée le propose, à l'adopter dans sa rédaction initiale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

M. Jacques-Alain Bénisti, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le fait n'est pas si fréquent : c'est à la suite d'un tirage au sort que le Parlement a été appelé à examiner le texte dont nous sommes saisis.

Que l'on se rassure : ce n'est pas sur le sens de la décision politique que le hasard a été sollicité. Il s'agissait, par cette procédure que nous avions adoptée en juillet 2003, d'assurer la neutralité d'une des dispositions transitoires de la réforme du Sénat. Lors de l'élection sénatoriale du 26 septembre prochain, une moitié des sénateurs sera élue pour six ans, l'autre étant une dernière fois élue pour neuf ans.

Un retour en arrière est nécessaire pour bien comprendre les motifs de ce choix.

Le Sénat, conformément à l'article 24 de la Constitution, assure la représentation des collectivités territoriales de la République. De plus, le Conseil constitutionnel a rappelé que le respect de l'égalité du suffrage imposait que la répartition par département des sièges de sénateurs soit fondée sur des bases essentiellement démographiques. Le tableau du code électoral fixant cette répartition, qui datait de 1976, ne respectait plus cette condition d'égalité du suffrage.

Le Sénat, conscient de ce que j'appellerai son « déficit de représentativité », a choisi de prendre lui-même l'initiative d'une réforme de grande portée.

L'abaissement à 30 ans de l'âge d'éligibilité et l'application du scrutin majoritaire dans les départements élisant jusqu'à trois sénateurs ne nous concernent pas directement aujourd'hui. En revanche, les aspects les plus significatifs concernent la réduction de neuf ans à six ans de la durée du mandat, associée à un renouvellement triennal par moitié et non plus par tiers. Parallèlement, pour tenir compte des évolutions démographiques, le nombre des sénateurs sera progressivement augmenté, en trois étapes. Le Sénat passera ainsi, comme l'a rappelé M. le ministre, de 321 membres aujourd'hui à 346 à partir de 2010.

Un dispositif transitoire très élaboré a été retenu afin d'assurer une transition en douceur vers le mandat de six ans, associé au « découpage » en deux séries au lieu de trois. Permettez-moi de présenter brièvement ce dispositif.

La transition s'étalera sur les trois renouvellements partiels de 2004 à 2010. La première étape de la transition aura lieu le 26 septembre prochain, lors du renouvellement de la série C. Cette série sera scindée en deux sections. L'une sera élue pour six ans et est destinée à constituer la future « série 1 » avec l'actuelle série B renouvelable en 2010. L'autre section sera élue pour neuf ans et, à partir de 2013, elle sera réunie avec l'actuelle série A pour former la « série 2 ». Le Sénat sera alors en « régime de croisière ».

Mais comment choisir, parmi les sièges renouvelables en septembre, lesquels seront renouvelés pour six ans et lesquels le seront une dernière fois pour neuf ans ? Comme en 1958 pour la répartition des sénateurs en trois séries, il a été décidé de recourir au tirage au sort que j'évoquais tout à l'heure. A l'ouverture de la présente session parlementaire, le 1er octobre dernier, le bureau du Sénat a procédé au tirage. Il en résulte que seront élus pour six ans les 62 sénateurs élus en Ile-de-France, à la Guadeloupe, à la Martinique, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon. En revanche, seront encore pourvus pour neuf ans les 61 sièges renouvelables dans les départements allant du Bas-Rhin à l'Yonne.

Désormais, nous disposons ainsi de toutes les informations nécessaires pour mettre à jour le tableau n° 5 annexé à l'article L.O. 278 du code électoral, qui fixe la répartition des sièges de sénateur entre les séries.

L'article 2 de la loi ordinaire du 30 juillet 2003 prévoit à cet effet une loi de mise à jour du tableau. Tel est l'objet de l'article premier de la présente proposition de loi. Ses trois paragraphes fixent les trois états successifs du tableau de répartition, à compter des renouvellements de 2004, 2007 et 2010.

Les auteurs de la proposition de loi et la commission des lois du Sénat ont ajouté douze articles procédant, selon l'expression du sénateur Gélard, à un « toilettage » du code électoral. Celui-ci, il est vrai, en a bien besoin, et une remise à jour d'ensemble serait opportune, même si elle dépasse l'objet de la présente proposition de loi.

Je souhaite simplement attirer l'attention sur les conséquences pratiques de l'article 3, qui prévoit une désignation plus précoce des délégués des conseils municipaux appelés à participer à l'élection sénatoriale. Les communes concernées sont à la fois celles de moins de 9 000 habitants, dont les délégués sont moins nombreux que les conseillers municipaux, et celles de 30 000 habitants et plus, qui désignent des délégués supplémentaires. Ces délégués seront désormais élus au moins six semaines avant l'élection sénatoriale elle-même, pour leur permettre d'assister à toutes les réunions électorales. En pratique, ils seront désignés bien plus tôt : sans doute en juin, ou tout au moins avant la mi-juillet, car on conçoit mal que leur élection puisse avoir lieu au mois d'août. Je rappelle que l'élection sénatoriale a lieu à la fin du mois de septembre - le dimanche 26 septembre cette année.

Par conséquent, la liste des grands électeurs sera désormais arrêtée deux à trois mois avant le scrutin. C'est un long délai. Aussi le nombre de suppléants ou de mandataires votant par procuration pour remplacer des grands électeurs empêchés sera-t-il plus élevé que lors des précédents renouvellements. Les bureaux de vote devront donc faire preuve de rigueur dans la vérification des justificatifs. Je ne doute pas, monsieur le ministre, que la circulaire que vous diffuserez expliquera avec netteté ces nouvelles règles du jeu.

Quant aux autres articles, je ne crois pas utile de revenir sur la présentation que j'en ai faite dans mon rapport écrit. Il me suffira d'indiquer que notre commission des lois a adopté chacun des articles dans les mêmes termes que le texte du Sénat, et qu'elle vous demande en conséquence d'adopter sans modification l'ensemble de la proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean Dionis du Séjour.

M. Jean Dionis du Séjour. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le régime bicaméral dont s'est dotée la France depuis maintenant fort longtemps présente deux types de modes d'élection bien différents l'un de l'autre. Quand le suffrage universel direct opère pour l'un, il est indirect pour l'autre. Ce particularisme français que la France partage avec certains pays induit une représentativité différente entre l'Assemblée nationale et le Sénat, même s'il faut rappeler que le corps électoral du Sénat a lui aussi une base démographique.

La croissance démographique de la France a donc servi d'argument pour justifier une augmentation du nombre de sénateurs. Comme elle n'est pas uniforme sur le territoire, il convenait en outre d'actualiser la représentation territoriale de la Haute assemblée.

Cette proposition de loi n'est en effet que la suite logique de la réforme de juillet 2003, qui a abouti à relever le nombre de nos amis sénateurs, à réduire leur mandat de neuf à six ans, à ramener l'âge d'éligibilité à 30 ans et à abaisser le seuil d'application de la proportionnelle.

Sans revenir en détail sur ces dispositions, qui ont fait l'objet de discussions préalables l'été dernier, je souhaite rappeler la position que l'UDF avait défendue à cette occasion.

Le groupe UDF avait, à cette époque, soutenu la réduction de la durée du mandat ainsi que l'abaissement de l'âge d'éligibilité. En revanche, il avait émis des réserves quant à l'augmentation du nombre de sénateurs et au relèvement du seuil du scrutin majoritaire. Il ne lui apparaissait pas opportun, encore moins indispensable, d'aggraver davantage les charges publiques en ces temps de restrictions budgétaires.

Cette loi prévoyait également d'appliquer le scrutin majoritaire jusqu'à l'élection de trois sénateurs, et non plus de deux. La loi de juillet 2000 avait introduit une dose significative de représentation proportionnelle. Il s'agit donc de rectifier ce dispositif en diminuant cette dose.

Pour l'UDF, il s'agit là d'un vrai débat sur la meilleure façon de dégager une représentation nationale en harmonie avec la nation. Nous aurons peut-être l'occasion d'en reparler dans cette assemblée même.

L'objet de cette proposition de loi est d'actualiser le tableau de répartition des sièges de sénateurs sur la représentation des différents départements, avant la prochaine échéance électorale sénatoriale de septembre.

Ces dispositions techniques ont dû faire l'objet d'un examen approfondi par l'administration sénatoriale et par nos collègues. Etant loin d'être un spécialiste de ce sujet, je ne remettrai pas en cause le travail de nos éminents collègues.

Par ailleurs, il a été procédé à quelques mises à jour et à diverses dispositions d'actualisation du mode d'élection, portant en particulier, comme l'a souligné le rapporteur, adaptation à l'introduction du scrutin proportionnel dans certains départements, ainsi que des retouches rédactionnelles au code électoral, parmi lesquelles la reconnaissance du droit de vote unique par procuration et le recours à l'utilisation de machines à voter, dont l'expérience doit être encouragée.

Je ne reviendrai pas en détail sur les dispositions précédemment évoquées par notre rapporteur, je souhaite simplement ajouter que nous soutiendrons ce texte malgré les réserves émises en juillet 2003.

Celui-ci a pour but de commencer à moderniser la Haute assemblée. Nous y souscrivons totalement. Accroître le dynamisme de celle-ci en opérant un rajeunissement et en lui permettant de se renouveler plus rapidement, voilà des objectifs qui pourront donner un souffle nouveau à la vie politique française et, en tout cas, à la Haute assemblée.

Le groupe des députés UDF et apparentés votera donc cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Frédéric Dutoit.

M. Frédéric Dutoit. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la présente proposition de loi se situe dans la continuité de la réforme du Sénat instaurée par les lois du 30 juillet 2003. Les règles de désignation des sénateurs, l'âge d'éligibilité et la durée du mandat sénatorial avaient alors été modifiées.

Cette proposition de loi vise principalement à modifier le tableau n° 5 annexé au code électoral relatif à la répartition des sièges de sénateurs. Ainsi, le Sénat passera progressivement d'un effectif de 321 sénateurs aujourd'hui à 346 en 2010.

La réforme de l'institution sénatoriale était nécessaire, nous pouvons même affirmer qu'elle était urgente. En effet, les critiques étaient récurrentes concernant le statut électoral des sénateurs, la durée de leur mandat et la représentativité du Sénat.

Ce constat, partagé par tous, a naturellement déterminé les conclusions du groupe de réflexion sur l'institution sénatoriale, dont le rapport a largement inspiré les lois de juillet 2003. Cependant, nous estimons que cette réforme n'a pas été suffisamment audacieuse, et la révolution à laquelle nous nous attendions concernant l'institution sénatoriale n'a pas eu lieu.

Certes, le mandat sénatorial a bien été réduit de neuf ans à six ans, ce qui était une de nos anciennes revendications, et aurait dû être fait depuis fort longtemps.

Si cette disposition nous satisfait, il n'en est pas de même du maintien d'un renouvellement sur deux séries.

Il semblait pourtant préférable d'opter pour un renouvellement intégral du Sénat, afin de lui assurer une réelle représentativité.

Ce qui aurait été une véritable révolution s'est heurté à un regrettable conservatisme, qui n'a pourtant plus lieu d'être, et deux séries ont été maintenues : le Sénat se renouvellera donc par moitié tous les trois ans.

Nous le regrettons, car la volonté affichée d'assurer une plus grande représentativité au Sénat commandait de faire refléter sur ses bancs l'opinion du pays à un instant précis.

La question de l'âge d'éligibilité mérite également d'être reposée.

Certes, celui-ci est désormais de 30 ans, au lieu de 35 ans auparavant. Mais notre groupe s'est toujours prononcé en faveur d'un alignement de l'âge d'éligibilité des sénateurs sur celui des députés. Pourquoi d'ailleurs un tel écart, alors que l'âge d'éligibilité pour se présenter à l'élection présidentielle est également de 23 ans, et que le droit de vote est fixé à 18 ans?

Ici était l'audace ! Pourquoi refuser à la jeunesse d'entrer au Palais du Luxembourg ? C'est pourquoi nous continuerons de défendre l'idée que l'âge d'éligibilité des sénateurs doit être aligné sur celui des députés.

Mais ce ne sont pas nos seuls regrets. La réforme présentée aujourd'hui tend, notamment, à ajuster la répartition des sièges de sénateurs aux évolutions démographiques.

L'augmentation du nombre de sénateurs se comprend, mais nous regrettons qu'elle ne permette pas un rééquilibrage indispensable entre les zones rurales et les zones urbaines, et elle ne corrigera pas la surreprésentation des communes rurales dans le collège électoral.

M. Bernard Roman. Très juste !

M. Frédéric Dutoit. Enfin, nous regrettons également la réforme du mode de scrutin de l'élection sénatoriale, qui a pour conséquence de réduire les effets de la représentation proportionnelle sur la composition du Sénat.

En effet, la réforme de l'élection des sénateurs de 2003 rétablit le scrutin majoritaire dans les départements où sont élus trois sénateurs au moins. Les conséquences en seront véritablement dommageables pour la parité et le pluralisme politique. En outre, le scrutin majoritaire consolidera la « notabilisation » du Sénat, fort peu représentative de la population française.

Pour conclure, je pense que cette réforme n'est pas assez audacieuse pour recueillir notre assentiment.

Nous aurions souhaité qu'elle traduise une meilleure répartition du corps électoral et une meilleure représentativité du collège électoral des sénateurs.

Nous ne contestons pas l'utilité de cette réforme qui vise à augmenter le nombre des sénateurs, mais nous regrettons la frilosité de la majorité qui empêche une véritable réforme structurelle de l'institution sénatoriale. Nous sommes encore bien loin de la nouvelle république dont nous aurions tant besoin dans notre pays.

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Y a-t-il vraiment du hasard dans le calendrier ? Nous sommes le 28 avril et, il y a trente-cinq ans, à zéro heure quinze du matin, le général de Gaulle faisait savoir au pays qu'il quittait ses fonctions, par un message ainsi libellé : « Je cesse d'exercer mes fonctions de Président de la République. Cette décision prend effet aujourd'hui à douze heures. »

C'était le lendemain matin de ce référendum du 27 avril 1969, où le chef de l'Etat et son gouvernement avaient proposé à la nation une profonde réforme de nos institutions, tant au niveau territorial - la régionalisation, déjà - qu'au niveau institutionnel - une réforme du Sénat, révolutionnaire pour beaucoup, dangereuse pour un grand nombre.

C'est dire que lorsque l'on parle, dans notre pays, du Sénat sous la Ve République - qui l'a rétabli, à la fois dans son nom et dans sa dignité -, on ne vise pas un épiphénomène : le Sénat, et tout ce qui l'environne, peut faire tomber un chef d'Etat qui, dignement, alors que rien ne l'y oblige, décide de quitter ses fonctions. Surtout quand on sait que ce chef d'Etat est le général de Gaulle.

La question du Sénat, de sa place dans nos institutions, et donc de sa nécessaire modernisation, ne saurait être traitée de manière anecdotique et par trop simpliste ou polémique. Rappelons-nous que le Sénat fut à l'avant-garde de ceux qui menèrent le combat - avec lequel on n'est pas obligé d'être d'accord, mais qui fut un fameux combat de la ve République -  lorsque le président du Sénat, prenant la tête d'une grande fronde, dit du chef de l'Etat qu'il devait être accusé de forfaiture. Cette forfaiture consistait à donner la parole au peuple, afin de lui demander s'il était d'accord pour élire directement le Président de la République.

Nous avons déjà parlé de 1969. Le Sénat était encore sur le devant de la scène - mais cela ne plaît pas aux mêmes, alors que sa volonté profonde reste identique - lorsqu'il s'est agi de défendre l'école libre, et, plus tard, de mener, au travers de son président de la commission des lois, que nous connaissons bien en Seine-et-Marne, le combat politique et institutionnel accompagnant la révision constitutionnelle préliminaire à l'adoption, par les Français, du traité de Maastricht.

Le Sénat a raison de prendre l'initiative, que personne n'aurait pu l'obliger à prendre, lorsqu'il décide de reposer, à lui-même et à l'Assemblée nationale, cet ensemble de textes dont le dernier vient aujourd'hui devant nous.

Déjà, la loi organique et la loi ordinaire du 30 juillet 2003 ont permis de mettre en place le nouveau dispositif, modifiant la nouvelle durée du mandat et les conditions d'éligibilité des sénateurs de la République.

Le texte qui nous est proposé aujourd'hui, dans le détail duquel je n'entrerai pas puisque le ministre l'a très bien rappelé et que notre rapporteur l'a excellemment précisé, vise à acter le tirage au sort qui a été effectué le 1er octobre dernier dans la Haute assemblée, et à opérer un toilettage devenu nécessaire en raison de certaines incongruités et de certaines faiblesses des dispositions permettant la mise en route du calendrier électoral.

Voilà pourquoi, lors de l'examen en commission, le groupe UMP, tout naturellement, a soutenu et accompagné les explications du rapporteur et donné son aval pour que ce texte soit approuvé sans aucune modification.

Je souhaite donc faire connaître aujourd'hui l'intention du groupe de l'UMP de participer sans aucun état d'âme à cet acte nécessaire, même s'il n'est pas grandiose, permettant l'évolution de l'institution sénatoriale dans l'optique des élections du 26 septembre prochain. Celles-ci conduiront, comme on l'a rappelé, au renouvellement, le dernier sous sa forme actuelle, d'un tiers de nos sénateurs.

Je voudrais conclure sur une référence un peu plus territoriale. Des propos sont tenus sur certains bancs, plus particulièrement à gauche de cette assemblée, sur le prétendu conservatisme du Sénat. Au travers des exemples bien connus que j'ai rappelés, le conservatisme est manifestement apprécié de manière différente selon les périodes.

Projetons-nous dans le futur immédiat d'un député qui regarde l'actualité depuis son département de Seine-et-Marne, directement concerné par l'ensemble des trois textes que nous examinons.

De par son évolution démographique, la Seine-et-Marne va en effet bénéficier, lors du prochain renouvellement, de deux sénateurs supplémentaires. Ainsi, les grands électeurs de notre département éliront six sénateurs et non plus quatre. Pour la première fois de son histoire, ces sénateurs seront élus au scrutin proportionnel.

Je remarquerai, sans aucune malice, combien ce mode de scrutin, dans notre département, attire de candidatures en direction d'une assemblée dénoncée pourtant comme infiniment conservatrice.

J'ai avec grand intérêt consulté la liste, déjà constituée, du parti socialiste dans notre département. J'ai été frappé de constater qu'y figure en tête un honorable vice-président de la région, militant exemplaire de son parti, qui se voit ainsi récompensé par la première place éligible pour les prochaines sénatoriales, alors même qu'il a toujours été battu au scrutin majoritaire. Suivent, sur cette liste, trois députés socialistes battus en 2002, qui trouveront, dans l'assemblée conservatrice qu'est le Sénat, si souvent décriée sur les bancs de la gauche, une place méritée, après tant d'années accomplies au service de leur parti.

M. Bernard Roman. Voilà qui est essentiel pour l'histoire contemporaine !

M. Guy Geoffroy. Il me semblait important de donner cette information à l'ensemble des députés, afin de les assurer que cette réforme, au-delà de l'anecdote, est nécessaire et, par les derniers ajustements qu'elle permet, plus profonde qu'on ne pourrait le penser.

M. Jean-Louis Idiart. On le dira à M. Hyest !

M. Guy Geoffroy. Il n'est parfois pas inutile de rappeler certains faits aux détracteurs d'une assemblée, qu'ils apprécient, au fond, tout à fait lorsqu'elle les concerne plus directement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Roman. Propos de caniveau !

M. Jean-Louis Idiart. C'est vraiment au ras des pâquerettes !

M. le président. La parole est à M. Bernard Roman.

M. Bernard Roman. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons est, selon les mots du rapporteur, « modeste par son dispositif » - contrairement à ce que vient de dire M. Geoffroy -, mais revêt un « caractère d'urgence » à l'approche des élections pour le renouvellement du tiers du Sénat, au mois de septembre. Dont acte.

Si nous pouvons comprendre la nécessité de débattre avant l'été de l'actualisation de certaines dispositions du code électoral organisant l'élection sénatoriale, si nous savons également que la répartition des sièges de sénateurs entre les séries a une portée limitée, devons-nous pour autant laisser passer cette discussion sans revenir sur le fond du sujet qui nous occupe : le Sénat, ou plutôt l'anomalie sénatoriale ?

Débattre du Sénat est un exercice des plus particuliers, surtout dans cette enceinte. Emet-on des doutes sur sa représentativité ? Regrette-t-on le déséquilibre entre les deux assemblées ? On se voit aussitôt soupçonné de remettre en cause le bicamérisme, sinon la démocratie. Et les cris d'indignation permettent de taire les vraies questions.

Cependant, l'immobilisme devient parfois intenable. Le Sénat lui-même en convient puisqu'il a accepté, en 2003, de se réformer. Pas trop, pour ne pas menacer « son équilibre », lequel consiste à conserver une majorité à droite quelles que soient les vicissitudes électorales, mais assez, juste assez, pour donner des gages de sa bonne volonté. C'est ainsi qu'en juillet 2003, là encore en urgence, nous avons examiné deux propositions de loi, préparées par et pour les sénateurs, qui ont mis en œuvre une réforme minimale de la Haute assemblée. Réforme qui, sous l'apparence de la modernisation, masquait une régression démocratique, monsieur Geoffroy.

Il n'est pas vain d'en rappeler la teneur. D'abord, un alibi : la nécessaire modification de l'effectif sénatorial afin de l'adapter à l'évolution démographique. Ensuite, des gages de moralité : la réduction à six ans de la durée du mandat, le renouvellement par moitié, et non par tiers, et l'abaissement - grande avancée ! - à trente ans de l'âge d'éligibilité. Enfin, un coup bas : le relèvement du seuil, signalé par notre collègue du groupe communiste, de la représentation proportionnelle dans les départements à quatre sièges, et par conséquent, le recul automatique de la parité. Et pour couronner le tout, une omission : rien, pas un mot, sur la composition du collège électoral.

S'il est une qualité dont les sénateurs ne sont pas dépourvus, outre la modernité que leur reconnaît notre collègue Geoffroy, c'est l'habileté. Tant pis si la médaille a un revers : l'incohérence. Incohérence dont ils ont fait preuve en acceptant, en 2003, une réforme qu'ils avaient rejetée en 2000.

Mais la contradiction n'est qu'apparente. En 2000, la même modification de l'effectif sénatorial, proposée par le gouvernement Jospin, avait provoqué une levée de boucliers, entraînant même l'adoption d'une question préalable au Sénat, au motif que, la Haute assemblée représentant les collectivités territoriales, il n'était nul besoin d'accroître le nombre de sénateurs. Trois ans plus tard, ce qui était inutile devenait urgent. Pourquoi ?

M. Jean-Louis Idiart. L'idée aurait-elle mûri ?

M. Guy Geoffroy. Parce que le Conseil constitutionnel...

M. Bernard Roman. Non. A l'époque, le Conseil constitutionnel n'avait rien dit sur le projet de loi du gouvernement Jospin. En fait, en 2000, ce n'était pas la modification du nombre de sièges qui indisposait nos collègues modernes du Sénat, mais le fait que cette disposition devait accompagner la réforme de leur mode d'élection, l'abaissement du seuil de la proportionnelle et l'élargissement du collège électoral, dont ils ne voulaient pas.

En 2003, la majorité sénatoriale, désireuse de revenir sur une réforme qu'elle avait vécue comme un outrage - l'élection des sénateurs à la proportionnelle dans les départements comportant trois sièges -, acceptait l'augmentation de son effectif afin de revenir, dans le même temps, sur la proportionnelle et sur la parité qui en découle.

Aujourd'hui, cette proposition de loi, certes de peu d'importance dans la mesure où elle n'est que la mise en musique d'une partition déjà écrite, souligne combien la question de la représentativité du Sénat reste d'actualité.

Notre rapporteur assure que la réforme du 30 juillet 2003 a eu pour objet « d'améliorer la représentativité du Sénat » et précise qu'elle émane de « la volonté du Sénat lui-même ». Façon de s'en désolidariser quelque peu ? Nous ne partageons pas ce sentiment : le Sénat n'était pas représentatif avant la réforme de 2003 et ne l'est pas davantage après, tout simplement parce que la question essentielle est éludée. La clé de sa représentativité tient à son mode d'élection, et pas seulement au seuil de représentation proportionnelle et au respect de la loi sur la parité. L'une des réserves majeures que suscite le mode d'élection du Sénat résulte de la désignation et de la composition du collège électoral. Les délégués des conseils municipaux constituent à eux seuls plus de 95 % du collège électoral, ce qui assure une représentation quasi exclusive des communes, avec une surreprésentation des communes rurales. Le rapport Hoeffel, en 2003, admettait la nécessité de prendre en compte la place des grandes villes dans le collège, et préconisait que les départements et les régions procèdent à l'élection de délégués supplémentaires, à l'instar des communes les plus peuplées.

Comment, en effet, prétendre ouvrir l'acte II de la décentralisation, supposé donner plus de poids aux régions, érigées en collectivités d'avenir, sans intégrer de manière plus équilibrée ces collectivités territoriales dans le collège électoral ? La même question se pose d'ailleurs pour les départements et, je le souhaite dans l'avenir, pour les intercommunalités. Savez-vous, mes chers collègues, que les élections régionales qui viennent de se dérouler en France n'auront de conséquences que sur 1 % du collège électoral des élections sénatoriales ?

M. Xavier de Roux, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Heureusement !

M. Bernard Roman. Je veux bien comprendre que telle soit votre réaction !

M. Jacques-Alain Bénisti, rapporteur. Vous ne l'auriez pas dit avant !

M. Bernard Roman. Quel qu'ait été le résultat de ces élections, son incidence aurait été la même.

Peut-on objectivement soutenir aujourd'hui que la décentralisation doit se construire autour de collectivités d'avenir, au premier rang desquelles la région, et, parallèlement, admettre que la composition du collège électoral de la Haute assemblée ne relève que pour 1 % de ces collectivités territoriales ? Il y a là, au-delà des divergences politiques, une contradiction évidente que nous devons corriger.

Par ailleurs, comment le principe d'égalité du suffrage pourrait-il être respecté lorsque, selon le rapport de M. Bénisti, « les communes de moins de 9 000 habitants, qui rassemblent un peu moins de la moitié de la population, désignent les deux tiers des délégués des conseils municipaux », alors que « les villes de plus de 30 000 habitants, fortes de 32 % de la population, désignent environ 17 % des délégués des communes » ?

Ces questions, la majorité sénatoriale refuse de les poser et la majorité de notre assemblée ne s'y hasarde pas davantage. Elles sont pourtant urgentes.

Cette proposition de loi, parce qu'elle n'est que la conséquence technique de la réforme de l'année dernière, ne permet pas d'ouvrir le débat. Mais il faudra bien, un jour, réfléchir au mode d'élection du Sénat, selon un système qui assure la représentation des collectivités territoriales telles qu'elles existent aujourd'hui. Les communes rurales ne sont pas toute la France. La France, ce sont aussi des villes moyennes et grandes, des intercommunalités, des départements et des régions.

Une fois de plus, aujourd'hui, nous aurons procédé à la énième réformette destinée à faire croire à une modernisation du Sénat, alors qu'il ne s'agit que de sa sanctuarisation. Dans ces conditions, le groupe socialiste s'abstiendra. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacques-Alain Bénisti, rapporteur. Dans son intervention, M. Frédéric Dutoit a regretté que le texte ne reflète pas la révolution qu'il aurait espérée...

M. Frédéric Dutoit. C'est normal de la part d'un communiste !

M. Jacques-Alain Bénisti, rapporteur. ...mais plutôt la frilosité de la majorité. Il y a, certes, des textes beaucoup plus importants. Des débats se sont pourtant tenus, plus au Sénat, d'ailleurs, que dans notre assemblée, qui ont donné lieu à une réflexion assez constructive. Chaque fois, les sénateurs, tant communistes que socialistes, UDF et UMP, se sont prononcés à l'unanimité. Dès lors, il était normal que le Gouvernement aille dans le sens de ce consensus entre les différents partis et en accepte - je pense que nous devons nous en réjouir - la teneur, sans nous proposer d'amendements. Contrairement à ce qui a été dit, le texte tient compte des aspects géographique et démographique pour assurer une équitable représentation du milieu urbain comme du milieu rural.

S'agissant de l'intervention de M. Roman, j'aurais aimé que le débat ait été ouvert en commission des lois, où nous aurions pu aborder le fond du problème. Il eût été encore plus intéressant de l'engager avec les sénateurs eux-mêmes, pour avoir le débat le plus démocratique possible entre représentants des deux assemblées.

Vous avez dit, monsieur Roman, que pas un mot ne figure sur le collège électoral. Même si le texte est quelque peu ardu concernant la répartition, s'agissant des différents collèges, le texte initial est rappelé, avec certaines modifications. Nous en tenons compte dans notre réflexion. Le Sénat en a également tenu compte.

Il est exact que le collège électoral est composé pour 95 % de délégués des conseils municipaux. Mais auriez-vous demandé que la représentativité des régions et des départements soit supérieure à celle des communes il y a un mois ou deux ou si la droite avait remporté les élections régionales ?

M. Bernard Roman. Je le demandais déjà sous la précédente législature ! Relisez les déclarations que j'ai faites à ce sujet lorsque j'étais président de la commission des lois !

M. Jacques-Alain Bénisti, rapporteur. Quant au souhait de M. Dutoit que l'on opte pour un renouvellement intégral du Sénat, il aurait fallu, pour le satisfaire, aller encore un peu plus loin puisque l'article 32 de la Constitution prévoit que le président du Sénat est élu après chaque renouvellement. Une modification de la Constitution aurait dont été nécessaire, ce qui nous aurait obligés à convoquer une nouvelle fois l'Assemblée nationale et le Sénat à Versailles.

M. Frédéric Dutoit. Ça n'aurait fait qu'une fois de plus !

M. Jacques-Alain Bénisti, rapporteur. Telles sont les remarques que je souhaitais formuler sur les différentes interventions.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'intérieur.

M. le ministre délégué à l'intérieur. J'ai écouté avec attention l'excellent rapport de M. Bénisti qu'il a, comme à son habitude, très clairement exposé, et les remarques pertinentes de M. Geoffroy qu'il a présentées avec son talent habituel.

M. Roman a fait, conformément à la tradition de son groupe à l'Assemblée nationale, un exposé assez violent contre le Sénat. Je me dois donc de lui rappeler que le texte a été adopté à l'unanimité au Sénat, donc avec l'appui utile des voix socialistes - et communistes, monsieur Dutoit. Ne voyez dans cette remarque aucun mauvais esprit. Etant moi-même de Seine-et-Marne, j'ai constaté comme M. Geoffroy que le Sénat attire, de tous les côtés de l'échiquier politique, de nombreuses vocations, ce dont je me réjouis d'ailleurs car je suis de ceux qui sont favorables à un bicamérisme bien tempéré, comme celui que connaît notre Vè République.

M. Bernard Roman. Tout comme moi !

M. Jean Dionis du Séjour. On dit plutôt bicaméralisme !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Les deux termes existent, monsieur Dionis du Séjour. Vous les trouverez dans les bons manuels de droit constitutionnel !

M. Bernard Roman. Et dans le dictionnaire !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Monsieur Dionis du Séjour, vous vous êtes interrogé sur l'augmentation du nombre de sénateurs. Elle se justifie par l'évolution démographique des collectivités territoriales, comme l'a souligné le Conseil constitutionnel dans sa décision de juillet 2003.

M. Roman a contesté la représentativité du Sénat. C'est un débat que nous avons déjà eu en d'autres temps. D'ailleurs, je fais observer que de nombreux points évoqués aujourd'hui sont, je le dis sans esprit polémique, un peu hors sujet car ils relevaient plus du débat précédent que de celui-ci. Cela étant, il faut tenir compte d'une réalité arithmétique. Dès lors que le Sénat a vocation à représenter les collectivités territoriales, il faut bien admettre qu'on ne peut pas mettre tout à fait sur le même plan 22 régions et 36 000 communes, à moins d'entrer dans un système compliqué de pondération qui serait sujet à caution.

M. Jean-Louis Idiart. Cela se discute !

M. le ministre délégué à l'intérieur. J'ajoute que, sur des sujets aussi importants que celui-là, on ne doit pas se laisse influencer par des considérations circonstancielles, car chacun sait que ce qui est vrai aujourd'hui sur le plan électoral peut demain être tout autre. La réforme s'inscrivant dans la durée, il y a donc quelque cohérence à procéder ainsi, d'autant que d'autres pays qui pratiquent le bicamérisme sont dans des cas de figure tout à fait comparables : je pense à des pays aussi divers que l'Allemagne et les Etats-unis.

J'ai trouvé un peu sévère le jugement de M. Dutoit sur cet exercice de réforme sénatoriale. Et cette remarque s'applique aussi à M. Roman. Cela fait des années qu'une réforme de la Haute assemblée est réclamée. Celle-ci y a procédé d'elle-même, et de façon significative. Il n'est pas si fréquent qu'une assemblée élue décide d'elle-même de réduire la durée de son mandat. Cette initiative mérite d'être saluée.

Quant à l'âge minimum requis pour être sénateur, on peut bien sûr toujours le descendre à l'infini, mais reconnaissons qu'il y a une certaine cohérence à le fixer à trente ans. Pour être élu député, il faut avoir vingt-trois ans.

M. Bernard Roman. Et même pour être Président de la République !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Je me suis fait communiquer des informations sur d'autres pays. L'âge d'éligibilité est de trente ans au Canada, aux Etats-Unis et au Japon et de quarante ans en Italie. Comme vous le voyez, dans des pays aussi divers que ceux que je viens de citer, les limites d'âge sont assez comparables.

Mais la raison de fond c'est qu'il est assez normal de souhaiter que les membres d'une assemblée qui a vocation à représenter les collectivités territoriales aient quelque expérience élective, ce qui est plus probable à trente ans qu'à vingt-trois. Voilà pourquoi il me semble qu'il y a quelque bon sens, comme le faisait remarquer M. Bénisti, à avoir retenu, comme l'ont fait les sénateurs, l'âge de trente ans.

Pour répondre à la critique plus générale que M. Roman et ses amis adressent au Sénat, comme l'avait fait naguère de façon assez déplacée M. Jospin, je ferai simplement observer qu'à ma connaissance il existe au Sénat à la fois une majorité et une opposition et que la contribution de cette dernière au débat démocratique, très active et très dense - pour avoir été ministre des relations avec le Parlement pendant deux années, je peux en témoigner - , justifierait à elle seule, indépendamment de tout le reste - et ce « tout le reste » est beaucoup car le Sénat contribue largement au dynamisme de notre vie démocratique - , que l'on ne s'interroge pas sur l'existence d'une deuxième assemblée.

Tels sont les éléments de réponse que je voulais apporter. Le Gouvernement approuve toutes les dispositions figurant dans cette proposition de loi et invite donc l'Assemblée à l'adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Discussion des articles

M. le président. J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte du Sénat.

Article 1er à 13

M. le président. Les articles 1er à 13 ne font l'objet d'aucun amendement.

Je vais les mettre aux voix successivement

(Les articles 1er à 13, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

M. le président. Cela nous change de certains débats, il faut bien le reconnaître !

M. Bernard Roman. Vous seriez digne de présider le Sénat, monsieur le président !

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Frédéric Dutoit.

M. Frédéric Dutoit. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, il serait quand même paradoxal que, parce qu'un texte est issu du Sénat et de sa grande sagesse, nous ne puissions pas donner notre point de vue. Sachez qu'en le donnant, j'étais en totale harmonie avec mes collègues du groupe du Sénat.

Nous ne discutons pas aujourd'hui d'un texte majeur. Il ne comporte que des dispositions pratiques nécessaires pour l'élection sénatoriale de septembre prochain.

Cela étant, nous aurons un jour à réfléchir à l'ensemble de nos institutions, car le monde évolue et tout, autour de nous, tend à montrer que nous ne sommes pas suffisamment modernes et que notre République doit s'adapter. D'ailleurs les modifications de la Constitution sont assez régulières. Même s'il soulève beaucoup de questions, un projet de décentralisation est en cours de discussion. Des échéances importantes sont devant nous : les prochaines élections européennes, le projet de Constitution européenne. Tout cela devrait nous pousser à nous poser la question d'une VIè République. Je prends donc date pour l'avenir.

Permettez-nous en tout cas d'évoquer une évolution qui commence à se faire jour et, surtout, ne croyez pas que nous soyons opposés au Sénat. D'ailleurs, le conservatisme du Sénat ne vient pas forcément des sénateurs. Et le fait de dire, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, qu'il ne faut pas remettre en cause ce que dit le Sénat procède de ce conservatisme.

M. le président. La parole est à M. Bernard Roman.

M. Bernard Roman. Je m'exprimerai brièvement. Il est dix-sept heures trente. Malgré le petit incident du début de séance, nous aurons terminé dans des délais raisonnables.

La position que j'exprime, au nom du groupe socialiste de l'Assemblée nationale, est peut-être nuancée par rapport à celle du groupe socialiste du Sénat. Ce n'est pas la première fois et je pense que ce n'est pas illogique.

J'ai regretté à plusieurs reprises que les positions des sénateurs socialistes soient plus celles de sénateurs que celles de socialistes. (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Xavier de Roux. vice-président de la commission. C'est précis !

M. Bernard Roman. Ce n'est pas une remarque nominative.

M. le président. M. Roman n'a cité personne !

M. Bernard Roman. On ne doit pas forcément avoir la même idée sur tout, à tout moment. Les choses évoluent et on peut changer d'avis.

Mais, sur ce point au moins, je pense qu'il est préférable de se répéter plutôt que de se contredire.

M. Xavier de Roux, vice-président de la commission. Très bien !

M. le ministre délégué à l'intérieur. Personne n'est à l'abri de l'erreur !

M. Bernard Roman. La position que j'ai exprimée à propos de l'absence de représentativité, qui est une anomalie - j'assume complètement cette expression de notre ancien Premier ministre - dans une démocratie comme la nôtre, est un problème que j'ai soulevé depuis de nombreuses années.

De la même manière, je trouve aujourd'hui que le Sénat est le temple du conservatisme. Il l'a montré dans un certain nombre de débats de société. Il s'est opposé à la parité. Il s'est opposé à la limitation du cumul des mandats. Il s'est opposé à l'élection au suffrage universel des représentants d'intercommunalités dans une période récente.

M. Xavier de Roux, vice-président de la commission. Heureusement !

M. Bernard Roman. On peut remonter à 1958 et au procès en forfaiture ou à 1969 et à la démission du général de Gaulle. Mais, quand on regarde ce qui s'est passé, s'il y a une institution en France qui est à la traîne de l'évolution de la société, c'est bien le Sénat dans sa configuration actuelle.

C'est la chambre du xixe siècle alors que nous sommes entrés dans le xxisiècle. On ne peut pas vouloir une avancée de la décentralisation dans ces conditions, même s'il y a des débats sur le type d'avancées que nous désirons.

On ne peut pas affirmer que  les collectivités d'avenir sont les régions, qu'on donne plus de poids aux départements et constater que les budgets consolidés des régions, des départements et des intercommunalités sont deux fois supérieurs à ceux des communes dans notre pays, et dire dans le même temps : « Il faut laisser 4 % de représentation à ces collectivités et un peu plus de 95 % aux communes. ». C'est une anomalie.

Ce qui constitue encore plus une anomalie dans une démocratie, c'est de constater qu'une chambre nationale, le Sénat, restera éternellement de la même couleur politique.

M. Jean Dionis du Séjour. Mais non !

M. Bernard Roman. Vous dites : « Mais non ! » Je vais vous donner les chiffres, puisqu'ils ont été publiés.

M. Xavier de Roux, vice-président de la commission. On les connaît !

M. Bernard Roman. Non, vous ne les connaissez pas !

Il faudrait que, lors des élections municipales, trois renouvellements successifs donnent 70 % à la gauche pour que le Sénat ait une chance d'avoir une majorité de gauche.

M. Guy Geoffroy. Ça ne risque pas !

M. le président. Je vous prie de bien vouloir conclure, monsieur Roman.

M. Bernard Roman. Encore un mot, monsieur le président.

M. le président. Soyez bref !

M. Bernard Roman. Consacrer une démocratie de cette nature c'est, je crois, une anomalie.

On peut critiquer la représentativité du Sénat et être néanmoins pour un régime bicamériste - ou bicaméraliste. Je suis de ceux-là, car je pense que, notamment lors de l'élaboration des lois, il y a plus d'intelligence dans deux têtes que dans une. Le système des navettes permet d'améliorer les textes au fil de leur examen.

Deuxièmement, je crois qu'il est nécessaire, y compris dans la configuration de l'Europe d'aujourd'hui, et compte tenu de l'évolution de l'organisation administrative de notre pays, qu'il y ait une chambre représentant spécifiquement les collectivités territoriales ; mais encore faudrait-il qu'elle les représente effectivement !

M. Jean-Louis Idiart. Très bien !

Vote sur l'ensemble

M. le président. Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

(L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)

    5

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, deuxième séance publique :

Discussion du projet de loi, n° 1484, modifiant la loi n° 2003-322 du 9 avril 2003 relative aux entreprises de transport aérien et notamment à la société Air France :

M. Charles de Courson, rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport n° 1552).

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-sept heures trente-cinq.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot