Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus intégraux (session ordinaire 2003-2004)

 

Deuxième séance du mardi 11 mai 2004

214e séance de la session ordinaire 2003-2004



PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

    1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe Union pour la démocratie française.

INTERMITTENTS DU SPECTACLE

M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

La caisse de retraite des intermittents du spectacle est excédentaire de 300 millions d'euros, celle de l'assurance maladie de plus de 100 millions. Ces 400 millions sont reversés aux régimes généraux au titre de la solidarité nationale. Cependant, les intermittents sont montrés du doigt et ne peuvent bénéficier du régime commun des congés maternité et maladie. Ce dossier n'est donc pas seulement l'affaire de l'UNEDIC.

Nous avions attiré votre attention, monsieur le Premier ministre, sur les dossiers des chercheurs, de l'ASS, des chômeurs « recalculés ». Pourquoi, aujourd'hui, la culture serait-elle sacrifiée ? (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Pourquoi, depuis l'accord du 26 juin 2003, ce dossier va-t-il d'hésitations en blocages ?

Après les ministres de la culture successifs, vous décidez enfin d'intervenir à votre tour. Pour toute réponse, le MEDEF refuse de renégocier, contrairement à ce que souhaite l'UDF depuis plus d'un an. (Exclamations sur divers bancs.)

Face à une telle confusion, pouvez-vous préciser les intentions réelles du Gouvernement et nous informer de votre réaction à la déclaration du président Ernest-Antoine Seillière ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la culture et de la communication.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le député, le Premier ministre a très clairement formulé une proposition de sortie de crise (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste), assortie de la volonté concrète d'ouvrir des discussions entre l'Etat, l'UNEDIC et tous les partenaires concernés sur l'avenir de l'assurance chômage du spectacle vivant, du cinéma et de l'audiovisuel.

En liaison permanente avec Jean-Louis Borloo, j'ai présenté aux partenaires sociaux des propositions concrètes, certaines pour traiter l'urgence sociale, d'autres pour assurer la survie, au sein de la solidarité interprofessionnelle, d'un régime d'indemnisation qui assure une protection adaptée aux spécificités et aux contraintes de la vie d'artiste ou de technicien du spectacle.

Nous comprenons qu'il est nécessaire de lutter contre les déficits, nous partageons l'objectif de traquer les abus, de délimiter précisément le périmètre de la solidarité concrète, nous souhaitons également défendre avec force la spécificité de l'exception culturelle française et la légitimité d'un traitement particulier pour les artistes et les techniciens.

Je n'ai pas besoin de rappeler au président du MEDEF les mesures proposées, elles sont publiques et précises. Nous sommes prêts à tout dialogue et à tout débat pour peu qu'il soit constructif et véritablement animé par la volonté de sortir du blocage.

Je viens d'apprendre que l'UNEDIC s'engageait positivement et concrètement dans la stratégie de sortie de crise souhaitée par le Premier ministre. (Exclamations sur divers bancs.) Personne, et certainement pas l'économie française, n'a intérêt à la crise sociale, à la rupture de la confiance entre le pays et ses artistes et ses créateurs.

A la veille d'un événement majeur pour le rayonnement de la France et pour l'emploi culturel, l'esprit de responsabilité doit prévaloir. Ce n'est pas une menace, ce n'est pas un ultimatum, c'est un propos simple mais grave. Personne ne saurait s'exonérer de cette responsabilité collective. Je suis heureux que des signes concrets et précis, en réponse à la volonté précise du Premier ministre et du Gouvernement, soient attendus pour les minutes qui suivent. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

    2

SOUHAITS DE BIENVENUE
À M. JACQUES SANTINI

M. le président. Avant de passer la parole à Mme Buffet, je voudrais saluer la présence dans les tribunes de M. Jacques Santini, le sélectionneur de l'équipe de France de football. Je lui adresse en votre nom tous nos vœux pour la prochaine coupe d'Europe qui aura lieu au mois de juin au Portugal. (Un certain nombre de députés se lèvent et applaudissent.)

    3

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT (suite)

M. le président. Nous poursuivons les questions au Gouvernement.

RATIFICATION DU PROJET DE CONSTITUTION EUROPÉENNE

M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

Mme Marie-George Buffet. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Voilà onze mois que le projet de traité établissant une constitution pour l'Europe a été rendu public. Depuis des mois, nous demandons un grand débat populaire et un référendum sur ce texte fondamental qui propose de graver le libéralisme, le contenu du traité de Maastricht, dans le marbre constitutionnel. A l'approche des élections européennes, la démocratie y gagnerait, tant ce texte focalise à lui seul la problématique européenne.

On me répondra qu'il n'est pas définitif. Raison de plus pour ne pas le soustraire à la sagacité des électeurs et électrices qui auront à se prononcer le 13 juin sur les grandes orientations de l'Union.

Les Françaises et les Français doivent savoir que l'Europe de l'emploi et l'Europe sociale auxquelles ils aspirent sont incompatibles avec une constitution libérale qui consacre le règne des marchés financiers, la casse des systèmes de solidarité. La défense des services publics et des droits sociaux est incompatible avec la libre concurrence, érigée en dogme dès l'article 1-3. La démocratie est incompatible avec l'inscription dans la constitution d'un principe économique sans possibilité de retour en arrière.

Pour une Europe solidaire, il faut un autre traité, d'autres finalités humaines, sociales et démocratiques.

Pour permettre aux citoyennes et citoyens de faire un véritable choix en votant lors de ces élections, il faut mettre le traité constitutionnel au cœur du débat européen. Sa ratification ne peut relever à nos yeux que d'une grande consultation populaire. Il faut donner à nos concitoyens la possibilité de choisir. C'est un droit, c'est une question de démocratie. Une majorité d'entre eux demandent la tenue d'un référendum. De plus en plus de forces politiques, y compris de votre majorité, se rallient à cette idée.

Monsieur le Premier ministre, allez-vous produire l'effort d'information nécessaire sur ce projet de constitution ? Les Françaises et les Français seront-ils consultés par référendum ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Madame la députée, merci de poser cette question importante. Nous vivons en effet une période historique. L'Europe sort de la tragédie, « l'Europe de l'Est » n'existe plus, l'Europe vient de se définir un nouveau périmètre, une nouvelle géographie, c'est l'élargissement.

Nous avons souhaité depuis toujours que l'élargissement aille de pair avec un approfondissement institutionnel pour que l'Europe à vingt-cinq puisse fonctionner efficacement. Il nous faut donc un traité constitutionnel. Aujourd'hui, chère madame, ce traité n'est pas acquis car un certain nombre de principes fondamentaux auxquels tient la France ne sont pas encore inscrits.

Nous souhaitons qu'au Conseil européen du 18 juin, un accord se dégage sur des positions acceptables par tous, y compris, évidemment, par la France, notamment sur ce qui est pour nous un élément clé, la règle de la double majorité, la majorité des Etats certes, mais aussi la majorité des peuples, qui est le signe de la démocratie. Alors oui à un traité constitutionnel mais pas n'importe lequel !

Vous semblez considérer que le Conseil européen sera un succès et vous parlez de ratification. Je vous rappelle qu'il faut d'abord se mettre d'accord sur le traité européen. Une fois que nous aurons satisfaction, viendra le temps de la ratification. Il devra alors y avoir, au sein de la représentation nationale et dans l'ensemble du pays, un large débat, notamment pour savoir quel mode de ratification nous voulons pour la France. (« Un référendum ! » sur de nombreux bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz. Par le peuple !

M. le Premier ministre. De toute façon, c'est le peuple qui décide, ...

M. Maxime Gremetz. Il est souverain !

M. le Premier ministre. ...soit directement par référendum, soit indirectement par la représentation nationale. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme Martine David. Ça, c'est un scoop !

M. le Premier ministre. Personne ici ne pourra nier que le peuple, en cette chambre, est rassemblé.

Les familles politiques se sont exprimées sur le mode de ratification souhaitable. Je suis heureux de constater que ma propre famille politique, l'UMP, a proposé récemment le référendum. (Applaudissements sur divers bancs.) Que chacun s'exprime, que les uns et les autres fassent connaître leur souhait, et, le moment venu, selon les lois de la République et conformément à nos institutions, le chef de l'Etat, Président de la République, tranchera. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

RELATIONS FRANCO-POLONAISES

M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

M. Philippe Vitel. Ma question s'adresse à Mme la ministre de la défense.

Madame la ministre, vous venez d'être reçue en Pologne par votre homologue, M. Szmajdzinski. Puis, vous avez été l'hôte du Président Kwasniewski à l'occasion des cérémonies de la fête nationale polonaise.

Aujourd'hui, la France est le premier investisseur étranger dans ce pays. Le rôle important qui est le nôtre dans le développement économique de cette nation, pilier de la nouvelle Europe, mais aussi notre implication de plus en plus importante au sein de l'OTAN et l'action que nous menons en faveur de l'Europe de la défense conduisent nos partenaires polonais à chercher aujourd'hui un dialogue avec nous alors que nos relations ne semblaient pas briller ces derniers mois par leur chaleur. Ainsi, lors des discussions que vous avez eues avec les responsables polonais, vous avez envisagé un rapprochement des programmes d'armement et un développement de coopérations industrielles.

Ces entretiens se sont donc, semble-t-il, déroulés dans un climat de grande confiance. Pourriez-vous nous faire part de vos sentiments à votre retour d'un déplacement qui semble très positif ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la défense.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Il est vrai, monsieur le député, que nos relations avec la Pologne ont été tendues, qu'il s'agisse de l'Irak, du projet de constitution européenne, voire de certains marchés d'armement.

L'invitation qui m'a été transmise par le Président polonais à participer à la fête nationale et aux cérémonies d'entrée de la Pologne dans l'Union européenne était un geste symbolique à l'égard de la France. Il marquait le souci du Président et du gouvernement polonais d'avoir désormais une relation de coopération et de discussion avec notre pays.

Sur le plan européen, la Pologne marque très nettement sa volonté d'intégrer totalement la défense européenne, qu'il s'agisse de sa participation à la future agence européenne de l'armement et de défense, de sa participation au groupement tactique pour la force de réaction rapide européenne, de sa participation au projet de force européenne de gendarmerie.

Sur le plan bilatéral, nous avons aussi décidé d'un rapprochement, qui se marquera par des échanges de fichiers, et par une concertation sur les possibilités d'une coopération entre nos industries de l'armement, dans le but de permettre à nos entreprises d'armement de mieux lutter contre la concurrence extra-européenne.

Tel est le sens de ce voyage. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

TIPP FLOTTANTE

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud, pour le groupe socialiste.

M. Didier Migaud. Monsieur le Premier ministre, les cours du pétrole s'envolent, le prix du baril atteint le niveau historique de quarante dollars, le prix du litre de super sans plomb a augmenté de onze centimes d'euros depuis le 1er janvier.

Cette situation fait peser de lourdes menaces sur une croissance qui n'est pas franchement là ; surtout, elle a des conséquences extrêmement négatives sur nos concitoyens. Leur pouvoir d'achat et leur capacité à consommer sont remis en cause.

Alors que vous baissiez l'impôt sur le revenu des plus aisés et l'impôt de solidarité sur la fortune (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) - vous n'aimez pas qu'on vous le rappelle, mais c'est pourtant la vérité ! - vous avez pris deux décisions qui ont accentué le poids des taxes sur les carburants.

Vous avez supprimé la TIPP flottante que nous avions créée lors de la précédente flambée des prix du pétrole et vous avez augmenté en 2004 les taxes sur le gazole, prenant le risque d'amputer davantage le pouvoir d'achat des ménages.

Avec l'annonce d'un plan pour relancer la consommation, le Gouvernement reconnaît que la croissance est molle et que la consommation stagne. Mais cette situation, monsieur le Premier ministre, qui ne semble pas vous intéresser, résulte malheureusement pour beaucoup de la politique fiscale et budgétaire injuste et inefficace que vous conduisez depuis juin 2002. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Il ne suffit pas, monsieur le Premier ministre, de crier, comme vous l'avez fait tout à l'heure, ou simplement de hocher la tête, pour donner de la force à vos arguments ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire ; claquements de pupitres.)

M. Jean-Claude Thomas. Provocateur !

M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie.

Monsieur Migaud, veuillez poursuivre.

M. Didier Migaud. Pour relancer la consommation, plutôt que de présenter à grand renfort d'effets d'annonce un catalogue de mesurettes dont l'impact est tellement faible qu'il n'est même pas chiffré (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire),...

M. le président. Mes chers collègues, laissez M. Migaud terminer. Son temps de parole n'est pas écoulé !

M. Didier Migaud. ...nous proposons, monsieur le Premier ministre, de remettre en place un mécanisme similaire à celui de la TIPP flottante. Cette mesure aurait un effet puissant, de l'ordre de 500 millions d'euros, et immédiat pour soutenir le pouvoir d'achat et relancer la consommation. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Ma question est très simple. Elle mérite une réponse claire : allez-vous, oui ou non, mettre en place un dispositif de plafonnement du prix de l'essence et du fioul afin de protéger le consommateur face à une envolée du prix du pétrole ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur Migaud, vous avez raison de poser cette question ; c'est une vraie question d'actualité, c'est une question politique importante. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Michel Delebarre. Effectivement !

M. le secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire. L'augmentation des prix du pétrole, vous en connaissez les raisons : la politique de l'OPEP, la consommation très importante des Etats-Unis, la consommation de la Chine et, naturellement, les incertitudes internationales.

La TIPP flottante, vous l'avez rappelé, a été instaurée par le gouvernement de Lionel Jospin en 2000. Mais, aujourd'hui, le prix à la pompe est inférieur de 10 % à celui constaté lorsque M. Jospin a pris sa décision. De plus, le cours du baril est extrêmement volatil. Vous avez cité le prix de quarante dollars. Il était hier d'environ trente-sept dollars, il est redescendu aujourd'hui à 36,15 dollars. Le prix du baril de pétrole s'oriente de nouveau à la baisse.

Cette mesure est inadaptée parce qu'elle est extrêmement coûteuse. Quand vous l'avez appliquée, il en coûtait 200 millions d'euros au budget de l'Etat en année pleine ; le rapport n'était pas bon pour la collectivité nationale.

Nous restons attentifs au prix à la pompe et le Gouvernement prendra les mesures nécessaires. Nous ne rétablirons pas la TIPP flottante parce qu'elle est inutile. Enfin, ne critiquez pas la croissance, qui, le Premier ministre l'a rappelé, est sur une tendance de 2 %. La croissance repart ; l'emploi et le pouvoir d'achat des Français vont suivre.

Nous menons, avec Nicolas Sarkozy, et sous l'autorité du Premier ministre, une politique de relance de la croissance et de l'emploi et nous n'avons pas besoin de la mesure que vous nous proposez. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.-Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

POLLUTION ATMOSPHÉRIQUE

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, pour le groupe UMP.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Monsieur le ministre de l'écologie et du développement durable, l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale a rendu publique le 5 mai une étude sur l'impact de la pollution atmosphérique urbaine sur la santé. Cette étude visait plus particulièrement la pollution de l'air par les particules fines. Les chiffres sont impressionnants : cette pollution serait responsable de 6500 à 9500 décès chaque année. Il s'agit notamment de décès par cancer du poumon ou des suites d'une maladie cardio-respiratoire. Une bonne partie de cette pollution urbaine est émise par les voitures, les bus et les camions. Une grande part proviendrait des moteurs diesel. Or le nombre de véhicules diesel est en augmentation en France.

Nos concitoyens sont inquiets face à cette pollution qui les touche dans leur vie quotidienne. Elle atteint en particulier les enfants, qui y sont très sensibles. Au-delà des décès, plusieurs rapports indiquent que les maladies respiratoires, les crises d'asthme et les bronchites sont en constante augmentation.

Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour améliorer la qualité de l'air et combattre les effets délétères de ces pollutions sur la santé de nos concitoyens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'écologie et du développement durable.

M. Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement durable. Madame la députée, la qualité de l'air est une préoccupation majeure des Français aujourd'hui, et c'est à juste titre. Le rapport de l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale en rappelle les données.

D'abord, même si l'on croit souvent l'inverse, la qualité de l'air dans notre pays s'améliore depuis quinze ans. Cependant, la pollution reste forte, en particulier pour les composants de l'ozone et pour les particules fines. Il faut donc aller plus loin.

Concernant l'industrie, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a adopté, le 5 novembre dernier, le plan sur la qualité de l'air. D'ores et déjà, les industriels ont fait des efforts en ce sens.

Concernant les transports, dans le cadre du plan santé environnement que nous élaborons avec mes collègues de la santé et du travail, nous examinons plusieurs pistes de réflexion : une éventuelle incitation à l'équipement de véhicules diesel en filtres à particules, que ce soit pour les véhicules légers ou pour les poids lourds, et une éventuelle prime à la casse pour sortir du parc roulant les véhicules les plus polluants.

Je rencontrerai la semaine prochaine les présidents de Renault et de Peugeot pour concrétiser la mise sur le marché d'une voiture propre.

Madame la députée, votre question me permet de dire que notre majorité peut se féliciter de la politique que nous menons. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Le gouvernement d'Alain Juppé a adopté une loi sur l'air qui a apporté des améliorations considérables. Le gouvernement de Lionel Jospin, lui, n'a jamais présenté le projet de loi sur l'eau qu'il avait promis ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

AUGMENTATION DU SMIC

M. le président. La parole est à M. Georges Siffredi, pour le groupe UMP.

M. Georges Siffredi. Monsieur le ministre délégué aux relations du travail, depuis 2002, le Gouvernement a placé au cœur de son action la cohésion sociale et au centre de ses priorités la politique de l'emploi. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Les réalisations en la matière sont déjà significatives et s'inscrivent dans des choix clairs. Le choix de l'incitation au travail d'abord, en assouplissant la loi sur les 35 heures ou encore en augmentant la prime pour l'emploi. Le choix de l'emploi durable, ensuite, avec une politique d'accompagnement des personnes les plus fragiles vers le marché du travail, la mise en place du RMA ou le financement de 100 000 contrats jeunes en entreprise.

Cette politique de l'emploi passe aussi par la question du niveau des salaires, en particulier ceux des salariés les plus modestes.

Après l'harmonisation des différents SMIC et leurs augmentations depuis 2002, le Premier ministre et le ministre d'Etat viennent d'annoncer une nouvelle hausse du SMIC pour juillet prochain.

Monsieur le ministre, pouvez-vous expliquer à la représentation nationale le sens et la portée de cette augmentation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire - « Allô ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux relations du travail.

M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail. Monsieur le député, le 1er juillet 2005 nous serons enfin revenus à un SMIC unique. En effet, la loi de janvier 2003 a prévu un mécanisme qui assure la convergence des différents niveaux de SMIC qui nous ont été légués dans le désordre par Mme Aubry. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Nous mettrons ainsi fin à un système injuste et inégalitaire, en particulier pour les salariés les plus modestes. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Maxime Gremetz. Arrêtez !

M. le ministre délégué aux relations du travail. De 2003 à 2005, le pouvoir d'achat du SMIC horaire aura augmenté de 11,40 %, augmentation sans équivalent depuis vingt ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Compte tenu de la hausse des prix qui sera constatée, l'augmentation du SMIC au 1er juillet prochain devrait être de l'ordre de 5 %, conformément à la volonté du Gouvernement de relancer le pouvoir d'achat des salariés les plus modestes.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Grotesque !

M. le ministre délégué aux relations du travail. Ainsi, les revenus tirés du travail se distingueront des revenus liés à la solidarité. La justice sociale...

M. Maxime Gremetz. Oh la la !

M. le ministre délégué aux relations du travail. ...veut en effet que le retour à l'emploi s'accompagne d'une juste rémunération, en bref, que le travail paie !

La seule logique de l'assistance n'offre en soi aucune perspective. Tel est, monsieur le député, le sens de cette mesure. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

EMPLOI

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Bacquet, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Paul Bacquet. Monsieur le Premier ministre, un de vos ministres disait le 27 avril dernier : « La France tolère plus de chômeurs que tous les autres pays d'Europe.» On ne peut que s'émouvoir d'une telle situation qui est le résultat catastrophique des deux années de votre Gouvernement ! Du jamais vu depuis 1998 ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

L'année 2003 a malheureusement été celle des records de plans sociaux avec Metaleurop, Daewoo, Air Lib, Air Littoral, Pechiney, Alcatel, Alstom, et tant d'autres encore ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

La situation en 2004 n'est guère encourageante : 3 100 suppressions d'emplois sont déjà confirmées chez GIAT Industries, 816 chez LU, 700 personnes vont se retrouver sans emploi chez ST Microelectronics, 224 chez Johnson Controls.

M. Bruno Bourg-Broc. N'importe quoi !

M. Jean-Paul Bacquet. De plus, l'OPA d'Alcan sur Pechiney, à propos de laquelle nous vous avions mis en garde contre les risques de licenciements, va se traduire selon les informations du groupe Alcan par plus de 200 suppressions de postes.

Mme Fontaine, lorsqu'elle était votre ministre de l'industrie, se voulait rassurante au point d'affirmer que cette OPA était un gage de pérennité. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il n'en est malheureusement rien et, dans le bassin du Val-d'Allier comme ailleurs, la plus grande inquiétude se fait sentir chez les salariés de Péchiney-Alcan, d'Aubert et Duval, et même de Valeo.

Les dernières élections ont, d'ailleurs, bien montré à quel point nos concitoyens pensent que vous n'avez plus la capacité à répondre aux défis du moment. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) La croissance est atone, les déficits et la dette du pays augmentent. (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Bacquet, veuillez poser votre question, je vous prie.

M. Jean-Paul Bacquet. Après deux années aux commandes du pays, vous ne pouvez plus vous contenter d'invoquer « l'héritage », et vous devez assumer pleinement vos responsabilités, sans vous féliciter de votre triste bilan. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire ; claquements de pupitres.)

Monsieur le Premier ministre, quand tirerez-vous les conséquences de l'échec de votre politique ? Quand agirez-vous enfin pour l'emploi et la croissance, au lieu de faire croire que vous voulez financer la cohésion sociale en amnistiant ceux qui ont placé leur argent à l'étranger au détriment de l'investissement et de l'emploi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale.

M. Julien Dray. Il n'a pas d'argent !

M. le président. Monsieur Dray, veuillez laisser parler M. Borloo.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur Bacquet, comme vous le savez, le Conseil d'Etat a annulé ce matin, avec effet au mois de juillet, la convention UNEDIC. La semaine dernière, le Gouvernement avait pris en compte le risque d'une telle annulation et la situation des recalculés. Toutes les dispositions sont donc prises pour que l'ensemble des chômeurs concernés par ce régime soient normalement indemnisés et que, comme nous en avions pris l'engagement, les recalculés soient réintégrés - et cela d'autant plus que, ce matin, le tribunal de grande instance de Paris a confirmé le jugement rendu dans les Bouches-du-Rhône.

M. Maxime Gremetz. Il vous rappelle à l'ordre !

Plusieurs députés du groupe socialiste. Répondez à la question !

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Je suis certain que vous ne me tiendrez pas rigueur d'avoir donné ces informations d'ordre général. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

J'en viens au financement de l'activité économique. Le Gouvernement vient d'être interrogé sur le sens de la hausse du SMIC et de la convergence. Vous réclamez sans cesse des moyens importants pour l'activité économique - c'est le sens de vos déclarations générales et de l'action du Gouvernement.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Ce n'est pas la question !

M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Vous savez que ces moyens pèsent énormément sur les comptes de l'Etat. Pour autant, c'est par la dépense au profit des salaires les plus favorables que nous relançons l'activité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

SÉCURITÉ DES JEUX OLYMPIQUES D'ATHÈNES

M. le président. La parole est à M. Charles Cova, pour le groupe UMP. (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Paul Bacquet. On n'a pas répondu à ma question !

M. le président. Veuillez laisser s'exprimer M. Cova.

M. Charles Cova. Ma question, à laquelle s'associe mon excellent collègue Edouard Landrain, s'adresse à M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

Monsieur le ministre, parmi les événements organisés à l'échelle mondiale, les Jeux olympiques sont la plus importante et la plus emblématique des manifestations réunissant le concert des nations.

A Athènes, en août prochain, seront présents deux cent deux pays, dix mille cinq cents sportifs, plus de cent mille journalistes et des centaines de milliers de spectateurs. Or, à moins de cent jours des Jeux d'été, trois bombes ont explosé à proximité d'un commissariat. Ces explosions, si elles n'ont pas de rapport direct avec les Jeux, soulignent du moins le symbole qu'ils peuvent représenter pour une organisation terroriste.

Parallèlement aux mesures de sécurité prises par le gouvernement grec et le Comité international olympique, comment le gouvernement français entend-il assurer la sécurité de la délégation française ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député Cova, les Jeux olympiques sont, en effet, l'événement planétaire le plus important dans le domaine du sport, mais aussi, malheureusement, le plus exposé. Ainsi, après les événements du 11 septembre 2001 et du 11 mars, les autorités grecques ont décidé de renforcer leur dispositif de sécurité.

Pour accueillir dans les meilleures conditions les dix mille cinq cents athlètes, les cinq mille encadrants et les millions de spectateurs qui se rendront à Athènes à partir du 13 août prochain, les Grecs ont mis en place, dès la mise en place du comité d'organisation, un comité d'experts - qui compte, d'ailleurs, aux côtés des Anglais, Américains, Israéliens et Allemands, un membre français - chargé de définir le dispositif de sécurité. Celui-ci, pour lequel 700 millions d'euros ont été dépensés, est désormais en place. Les Grecs feront, en outre, appel à l'OTAN pour le renforcer.

Pour ce qui est de la délégation française, forte de trois cent trente athlètes et cent cinquante membres des équipes d'encadrement technique et médical, le ministre de l'intérieur et moi-même avons prévu, en parfaite collaboration avec les autorités grecques, que des policiers du RAID assureront un encadrement spécialisé sur les lieux d'hébergement extérieurs au village olympique pour des équipes comme celles de voile, d'équitation ou de judo, ainsi que sur le site du Club France, qui sera, pour la durée des Jeux, comme un morceau de terre française à Athènes.

Nous devons faire confiance aux autorités grecques et au comité d'organisation, qui ont réalisé les efforts nécessaires pour accueillir dans les meilleures conditions l'ensemble de la famille olympique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

VOLONTARIAT DE SOLIDARITÉ INTERNATIONALE

M. le président. La parole est à Mme Chantal Bourragué, pour le groupe UMP.

Mme Chantal Bourragué. Monsieur le ministre délégué à la coopération, au développement et à la francophonie, chaque année, des centaines de jeunes viennent en aide aux populations les plus démunies ou victimes de catastrophes, grâce au volontariat de solidarité internationale. On ne peut qu'encourager cette générosité mise en œuvre pour aider les populations en grande détresse. De nombreuses associations, dont il faut saluer l'engagement et l'efficacité, jouent un rôle essentiel dans cet élan de solidarité internationale.

Le décret du 30 janvier 1995, qui encadre cette forme de volontariat, permet chaque année à plus de mille huit cents personnes d'accomplir des missions sur tous les continents, notamment en Afrique.

Dans l'ancien dispositif, seules étaient concernées par ce contrat les missions de longue durée - douze mois au minimum - et effectuées dans les pays en voie de développement. Aujourd'hui, alors que jeunes ou adultes sont de plus en plus nombreux à vouloir s'engager dans ces missions d'aide à l'étranger, la durée minimale d'un an qui leur est imposée peut se révéler excessive, et la faible protection sociale dont bénéficiaient les volontaires pouvait en démotiver beaucoup. C'est donc à juste titre que le projet de loi que nous venons d'adopter en première lecture prévoit la suppression de ce délai et l'amélioration du statut des volontaires et de leur protection sociale. Vous savez combien les associations, qui assurent la présence de la France auprès des plus défavorisés, attendent ce texte pour mieux remplir leurs missions à l'étranger. Elles ont besoin du soutien de l'Etat.

Quels engagements pouvez-vous prendre pour soutenir les associations dans leurs missions ? Que comptez-vous faire pour aider jeunes et moins jeunes à s'inscrire dans la démarche du volontariat ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la coopération, au développement et à la francophonie.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Où est Ferry ?

M. Xavier Darcos, ministre délégué à la coopération, au développement et à la francophonie. Madame Bourragué, une loi relative au statut de volontaire de solidarité internationale se justifie, tout d'abord, parce qu'il y a, dans le monde entier, de nombreux besoins d'interventions, et que l'aide au développement, aux victimes de catastrophes et aux pays en difficulté suscite un intérêt croissant, notamment de la part des jeunes, comme vous l'avez souligné. Il fallait donc apporter à cette demande une réponse fiable sur le plan juridique, administratif et social.

Les jeunes ne sont pas les seuls volontaires : on compte aussi de jeunes retraités, et les périodes d'intervention des volontaires internationaux sont très variables. Ce statut était donc nécessaire. Il a l'avantage de garantir une sûreté juridique et une protection sociale comparable à celle que donne, en France, la sécurité sociale.

Le Gouvernement, suivant les intentions du Président de la République, a souhaité que l'aide au développement soit sanctuarisée. Elle ne fera donc l'objet d'aucun gel ni d'aucune régulation. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

J'ai pu ainsi garantir récemment aux ONG françaises, inquiètes à cet égard, et notamment à Coordination Sud, qui coordonne plus de quatre-vingts ONG, que les subventions et les aides qui leur sont allouées augmenteraient, et leur annoncer que notre coopération irait en se développant.

Je saisis, enfin, cette occasion de rappeler que le Président de la République a pris l'engagement qu'à l'horizon 2007, 0,5 % du PIB serait consacré à l'aide au développement, et 0,7 % à l'horizon 2012.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Vous ne serez plus là !

M. le ministre délégué à la coopération, au développement et à la francophonie. La France est ainsi un pays exemplaire. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Depuis ma récente prise de fonctions, je constate, chaque fois que j'ai l'occasion de faire entendre dans des instances internationales la voix de la France en matière d'aide au développement, que le modèle français et l'engagement du Président de la République et du Gouvernement sont toujours salués. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

AMNISTIE FISCALE

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour le groupe socialiste. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Veuillez, mes chers collègues, laisser s'exprimer M. Bonrepaux. Il n'a encore rien dit !

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. On sait ce qu'il va dire !

M. le président. Monsieur Bonrepaux, vous avez la parole.

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le président, l'emploi n'a pas, semble-t-il, assez d'importance pour que M. le ministre de la cohésion sociale daigne répondre à une question qui préoccupe tous les Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Monsieur le Premier ministre, vous avez proposé, la semaine dernière, une amnistie fiscale pour financer le plan de cohésion sociale. Pourtant, les expériences des années quatre-vingt comme celles qui sont en vigueur en Allemagne et en Italie font apparaître des résultats très contrastés. Rien, en tout cas, ne garantit que les capitaux rapatriés ne se soient pas évaporés à nouveau.

Deux jours après l'annonce par M. Sarkozy de la suppression de certaines niches fiscales dans le cadre d'un plan de relance de l'économie - plutôt vide, d'ailleurs, et insuffisant pour réparer les dégâts que vous provoquez depuis deux ans (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) -, vous annoncez la création d'une nouvelle niche, particulièrement injuste et immorale, en faveur des fraudeurs.

C'est un avantage honteux que vous voulez accorder à ceux qui ont fait fuir leurs capitaux à l'étranger, parfois dans des paradis fiscaux. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Pis encore : il peut permettre de légaliser l'argent sale de la drogue ou de la prostitution. (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire ; claquements de pupitres.)

M. Richard Mallié. C'est ce que font vos amis allemands !

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le Premier ministre, quelle est votre conception de la cohésion sociale, quand vous proposez de la financer par une mesure aussi immorale et, d'ailleurs, inefficace puisqu'elle est exceptionnelle et temporaire ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ne pensez-vous pas que la cohésion sociale mérite un peu plus de solidarité et de ressources pérennes ? Ne serait-il pas plus équitable de renoncer à tous les privilèges fiscaux que vous avez accordés aux plus aisés avec la baisse de l'impôt sur le revenu et de l'impôt sur les grandes fortunes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur Bonrepaux, la politique que nous souhaitons mener a un nom : la relocalisation des capitaux partis à l'étranger. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Cela vous déplaît, mais nous le ferons tout de même ! Et pour deux raisons.

La première, c'est que certains de ces capitaux sont sortis tout à fait légalement (Mêmes mouvements.)

La seconde, et la majorité le sait bien, c'est qu'une partie des capitaux à relocaliser a simplement fui la politique fiscale confiscatoire que vous et vos amis ont menée. Elle a eu le résultat que l'on sait, et vous en portez l'entière responsabilité politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.- Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

A partir de ce constat, nous avons observé les politiques suivies dans des pays voisins, tels que la Belgique ou l'Italie, et nous avons décidé de mettre en oeuvre ce que le gouvernement du chancelier SPD Gerhard Schröder réalise actuellement en République fédérale d'Allemagne. Nous faisons exactement la même chose que lui. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.- Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. André Schneider et M. Bernard Schreiner. Eh oui !

M. le secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire. Ensuite, après avoir expertisé cette mesure, vérifié comment elle peut être appliquée et évalué son impact, que ferons-nous des capitaux qui auront été relocalisés ?

M. Maxime Gremetz. C'est scandaleux !

M. le secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire. Tout d'abord, ils seront taxés, alors que jusqu'à présent ils ont échappé à toute taxation.

Ensuite, comme la situation budgétaire est difficile puisque vous nous avez laissé les caisses vides (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), nous utiliserons ces sommes pour la politique de la cohésion sociale : elles abonderont le plan emploi que prépare Jean-Louis Borloo. Nous réaliserons cette relocalisation pour les Français, pour la croissance et pour l'emploi. Que cela vous plaise ou non. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

NAISSANCE DU GROUPE AIR FRANCE-KLM

M. le président. La parole est à M. François-Michel Gonnot, pour le groupe UMP.

M. François-Michel Gonnot. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer.

La semaine dernière, un nouveau géant est né. Et il est français. En effet, la compagnie Air France a pris le contrôle de 90 % du capital de la compagnie néerlandaise KLM. Elle va ainsi diriger le groupe aérien le plus important au monde. C'est une bonne nouvelle pour l'industrie et pour l'économie de notre pays. Le double réseau Air France-KLM, qui s'appuie à la fois sur la plate-forme d'Amsterdam-Schiphol et sur celle de Roissy-Charles-de-Gaulle, va permettre aux clients d'Air France, notamment à nos concitoyens, d'avoir directement accès à plus de 225 destinations de par le monde. Il faut aussi rappeler que le groupe Air France-KLM sera l'élément moteur de ce qui est déjà la plus grande alliance mondiale de compagnies aériennes : SkyTeam.

Monsieur le secrétaire d'Etat, le Gouvernement a sans doute été un peu trop silencieux ces derniers jours à l'annonce de cette bonne nouvelle. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) J'aimerais donc savoir quelle est l'opinion du ministre des transports sur la naissance de ce nouveau groupe et quelles seront les conséquences de cet accord sur l'avenir de la plate-forme aérienne Roissy-Charles-de-Gaulle. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer.

M. Maxime Gremetz. Le troisième aéroport n'est même pas mentionné dans la question ! Vous pouvez y aller sans crainte, monsieur Goulard !

M. le président. Laissez répondre M. le secrétaire d'Etat !

M. François Goulard, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Monsieur François-Michel Gonnot, vous avez salué à juste titre la naissance d'un grand groupe français et européen qui, en termes de chiffre d'affaires, est la première entreprise mondiale de transport aérien.

Vous savez que c'est un secteur difficile, soumis à une concurrence absolument redoutable, dans lequel plusieurs entreprises sont aujourd'hui en mauvaise posture. La compagnie Air France elle-même a connu, en 1993, une situation difficile. Depuis, le soutien de l'Etat, la façon dont elle a été dirigée, la mobilisation et la compétence de l'ensemble de ses collaborateurs, ont permis son redressement absolument exemplaire. Mais il convenait de franchir une nouvelle étape.

Dès le début, le projet d'accord entre Air France et KLM a reçu le soutien du Gouvernement, qui a déposé deux textes - le premier en 2003, le second présenté il y a quelques jours dans cet hémicycle par Gilles de Robien - pour tirer toutes les conséquences de cet accord. Il faut insister, comme vous l'avez fait, sur la complémentarité des deux compagnies organisées autour des hubs de Schiphol et de Roissy. Je souligne aussi la volonté des cocontractants de respecter les deux cultures d'entreprise. L'ensemble Air France-KLM a pris d'ores et déjà, dans un contexte concurrentiel mondial, une véritable longueur d'avance.

M. Jean-Pierre Blazy et M. Maxime Gremetz. Et le troisième aéroport dans tout ça ?

M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Enfin, je voudrais souligner, monsieur le député, que ce dossier illustre le pragmatisme (« Et le troisième aéroport ? » sur plusieurs bancs du groupe socialiste) avec lequel le Gouvernement apporte son soutien, tant aux entreprises privées qu'aux entreprises publiques, pour leur permettre de devenir des champions français et européens dont, particulièrement dans le cas présent, nous pouvons être légitimement fiers. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jacques Desallangre. Il n'a rien dit ! C'est nul !

POLITIQUE DE LA VILLE

M. le président. La parole est à Mme Arlette Grosskost, pour le groupe UMP.

Mme Arlette Grosskost. Ma question s'adresse à Mme Catherine Vautrin, secrétaire d'Etat à l'intégration et à l'égalité des chances.

Madame la secrétaire d'Etat, vous êtes, par délégation de Jean-Louis Borloo, en charge de la politique de la ville et du développement social urbain. La politique de la ville et de la rénovation urbaine a connu ces deux dernières années, c'est le moins que l'on puisse dire, des évolutions positives et décisives.

M. Julien Dray. Je ne les ai pas vues !

Mme Arlette Grosskost. Ainsi, la loi du 1er août 2003 a notamment créé, d'une part, un dispositif de solidarité très novateur pour les ménages surendettés et, d'autre part, une Agence nationale pour la rénovation urbaine. Celle-ci contribuera à rendre plus simple et plus rapide l'intervention de la puissance publique en faveur de l'amélioration du cadre de vie dans les banlieues les plus défavorisées. Je suis certaine, madame la secrétaire d'Etat, de votre volonté de continuer dans cette voie.

Etant particulièrement concernée par ce sujet, en ma qualité de vice-présidente du conseil régional d'Alsace (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Sourires sur les bancs du groupe socialiste)...

M. Maxime Gremetz. S'il n'en reste qu'une...

M. le président. Je vous rappelle, madame, que vous vous exprimez dans cet hémicycle en tant que députée de la nation.

Mme Arlette Grosskost. Certes, monsieur le président, mais je le mentionnais parce que je suis à ce titre chargée de la politique de la ville.

Pourriez-vous donc, madame la secrétaire d'Etat, nous apporter dès maintenant des précisions sur le programme que vous entendez mettre en œuvre dans le domaine du développement social urbain et, plus concrètement, allez-vous simplifier les procédures et clarifier les conditions d'intervention de la politique de la ville ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat à l'intégration et à l'égalité des chances.

Mme Catherine Vautrin, secrétaire d'Etat à l'intégration et à l'égalité des chances. Madame la députée, la politique de la ville demeure, en effet, une priorité du Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Dans cette perspective, nous suivons trois axes majeurs.

Pendant les deux dernières années, Jean-Louis Borloo a mis en place un outil doté de moyens méthodologiques et financiers importants : l'Agence nationale de rénovation urbaine.

M. Julien Dray. Comme vous dites !

Mme la secrétaire d'Etat à l'intégration et à l'égalité des chances. Nous travaillons, mon collègue Marc-Philippe Daubresse et moi-même, avec cette agence qui a été créée par la loi du 1er août 2003. Son conseil d'administration se réunira pour la première fois dès la mi-juin. Les premiers engagements, d'un montant de plus de 300 millions d'euros, seront affectés dans les jours qui viennent.

Nous allons aussi continuer à travailler notamment sur l'aspect humain de la politique de la ville. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Notre objectif est de soutenir les maîtres d'ouvrage, c'est-à-dire les communes. Certaines de nos villes et certains de nos quartiers cumulent trop souvent anémie des fonds propres et charges socio-urbaines écrasantes. Il nous faut les doter de moyens financiers, les aider à sortir de l'ornière et leur ouvrir des perspectives, pour que la politique de la ville porte ses fruits. Des quartiers ont aujourd'hui besoin d'être aidés pour que s'éloigne le risque de désintégration républicaine. N'oublions jamais que 32 % de nos jeunes vivent dans les quartiers concernés par la politique de la ville. A cet égard, il est nécessaire d'engager une action volontariste.

Enfin, madame la députée, je tiens à vous rappeler qu'il est nécessaire d'accompagner les tout-petits, au moment où leur personnalité se forge, de prévenir l'échec scolaire, bien évidemment avec tous les acteurs de terrain, l'éducation nationale et les services de mon collègue François Fillon, de mettre en avant les talents dans ces quartiers.

Tels sont nos objectifs aujourd'hui. Ils déterminent les trois axes de la politique de la ville destinés à faciliter l'intégration civique et à concrétiser l'égalité des chances. Ils constituent l'un des éléments du plan de cohésion sociale que tous les membres du pôle social du Gouvernement préparent autour de Jean-Louis Borloo, à la demande du Premier ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Jean Le Garrec.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC,

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

    4

SOLIDARITÉ POUR L'AUTONOMIE
DES PERSONNES ÂGÉES
ET DES PERSONNES HANDICAPÉES

Explications de vote et vote
sur l'ensemble d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur l'ensemble du projet de loi relatif à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées (nos 1350, 1540).

EXPLICATIONS DE VOTE

M. le président. Dans les explications de vote sur l'ensemble du projet de loi, la parole est à M. Claude Leteurtre, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Claude Leteurtre. Monsieur le ministre délégué aux personnes âgées, madame la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées, les discussions qui ont eu lieu la semaine dernière sur ce texte ont montré les limites de l'exercice que vous proposez.

Il y a tout d'abord un mélange des genres. Veut-on, oui ou non, créer une cinquième branche ? A entendre le rapporteur du texte et les ministres qui se sont succédé pour le défendre, la réponse est oui. Or la seule Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie ne saurait bien évidemment y suffire. C'est pourtant là le cœur du problème. C'est une question que, malheureusement, votre texte n'aborde pas et pour laquelle nous n'avons eu aucune réponse satisfaisante durant les débats. Au fait, alors que l'on est à la recherche de nouveaux financements, un petit rappel historique : était-il vraiment nécessaire de supprimer la vignette automobile, dont les départements affectaient la recette à leur politique sociale en faveur des personnes âgées ?

Un second point nous interroge. Vous nous demandez de consacrer la création d'une Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie alors que nous ignorons tout de son périmètre d'intervention, et alors que vous êtes en attente des conclusions d'une mission confiée à MM. Briet et Jamet pour savoir ce que devrait être cette CNSA ! De plus, nous attendons les propositions du ministre de la santé sur la réforme de l'assurance maladie.

Troisièmement, le nouveau volet de la décentralisation, est en seconde lecture devant le Sénat : il modifiera profondément le périmètre d'intervention des départements dans la prise en charge de la dépendance. Enfin, nous allons entamer dans quelques semaines la discussion du projet de loi tendant à réformer la loi de 1975 sur le handicap. Ce calendrier, fait de télescopages, enlève toute cohérence à des discussions qui ont chacune toute leur importance. On perd peut-être ainsi une bonne occasion de réfléchir globalement à la prise en charge de la perte d'autonomie.

Autre point, et il est d'importance, en demandant aux salariés de travailler gratuitement une journée de plus, vous remettez en cause les 35 heures, dont le Président de la République lui-même disait, il y a encore quelques mois, qu'elles étaient un acquis social sur lequel il n'était pas question de revenir !

L'UDF vous a proposé une adaptation des 35 heures qui aurait résolu le problème. Il s'agit de maintenir la réduction du temps de travail dans son principe tout en permettant à ceux qui le souhaitent de travailler davantage par une majoration du salaire, accompagnée d'une réduction proportionnelle des cotisations sociales pour l'entreprise. Ainsi pourrait-on créer de la richesse tout en récompensant le travail.

En vérité, votre texte ne va pas dans ce sens et ne fait que deux choses : rétablir la corvée et créer une cotisation supplémentaire de 0,3 % sur les salaires. Là encore, vous gâchez une bonne idée, celle de créer de la valeur pour financer de nouveaux systèmes de protection. C'est regrettable.

Le rapporteur et le Gouvernement ont insisté sur leur volonté de privilégier, dans la détermination du jour travaillé gratuitement, la négociation collective. Vous savez bien que c'est un leurre. Quel syndicat acceptera de signer un accord obligeant les salariés à travailler un jour de plus sans être payés ? On retombera inévitablement sur le lundi de Pentecôte. Il fallait aller au bout de la logique et dire la vérité aux Français : il faut travailler plus pour financer de nouvelles mesures de solidarité, tout simplement en supprimant un jour de RTT, ou, mieux, une journée de congés payés. Tout le monde aurait ainsi été sur un pied d'égalité. C'est ce que l'UDF vous a proposé durant la discussion.

Enfin, faut-il le redire encore une fois, comment peut-on parler d'expression de la solidarité nationale alors que ce sont essentiellement les salariés qui font les frais de cette nouvelle contrainte ?

M. Michel Delebarre et M. Maxime Gremetz. C'est vrai !

M. Claude Leteurtre. On nous dit que ce serait trop compliqué avec d'autres catégories de nos concitoyens. Pourtant, l'Etat sait bien les faire payer quand il veut ! Et il saura probablement les faire payer lorsqu'il s'agira de combler le déficit de l'assurance maladie !

Résumons-nous. Absence de véritable définition du périmètre d'intervention de la CNSA. Manque de cohérence dans le calendrier des textes traitant de la dépendance liée à l'âge ou au handicap. Une bonne idée gâchée : celle de créer plus de richesse pour plus de solidarité. Une expression de la solidarité nationale quasiment réduite aux seuls salariés.

Au total, artifices, manque de cohérence, nouvelle cotisation sur le travail. Vous comprendrez que, dans ces conditions, le groupe UDF vote contre votre projet de loi.

M. Maxime Gremetz et M. Michel Delebarre. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, pour répondre aux conséquences meurtrières de la canicule de l'été 2003, et malgré les remous de sa propre majorité, le Gouvernement a maintenu contre vents et marées le projet de loi sur lequel nous votons aujourd'hui.

C'est un véritable coup de force. Vous passez outre l'avis de nos concitoyens : ils étaient 45 % hier à rejeter votre texte, ils sont 60 % aujourd'hui.

M. Michel Delebarre. Tout à fait !

M. Maxime Gremetz. Vous avez méprisé les organisations syndicales et les associations, qui, toutes ensemble, ont rejeté votre projet.

Seule l'unité de votre majorité vous importait, semble-t-il, pour éviter au maximum de faire tanguer encore un peu plus le navire UMP.

M. Alain Néri. Bravo !

M. Maxime Gremetz. Vous avez donc maintenu ce projet instaurant le travail supplémentaire gratuit, alors même que le Gouvernement s'en était remis à la sagesse de notre peuple pour savoir s'il était juste de procéder ainsi. Souvenez-vous, monsieur le ministre, des propos tenus par M. François Fillon lors de la présentation du texte : « Quant au caractère jugé archaïque du mode de financement proposé, c'est d'abord aux Françaises et aux Français qu'il appartiendra de juger. » Eh bien, les Françaises et les Français l'ont fait le 28 mars dernier !

M. Alain Néri. Et comment !

M. Maxime Gremetz. Avec ce projet de loi, en grand « Robin des bois » des riches, vous avez préféré prendre à ceux qui ont si peu, pour donner à ceux qui ont déjà beaucoup trop.

M. Alain Néri. Eh oui !

M. Maxime Gremetz. En effet, la suppression d'un jour férié ou l'allongement du temps de travail gratuit - ce qui ne s'est jamais vu depuis 1936 dans notre pays ! - fait la part belle au MEDEF. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Mais c'est la vérité, chers collègues ! Vous aimez bien le baron Seillière : il ne faut pas renier ses amis ! Le MEDEF choisira la date qui ne sera plus chômée ou le moment des heures supplémentaires non rémunérées. Et en ce qui concerne les richesses créées, il recevra 1 milliard d'euros pour alimenter les portefeuilles des actionnaires, tandis que seulement 300 millions seront à destination des besoins des personnes âgées et des personnes handicapées.

M. Alain Néri. Et voilà !

M. Maxime Gremetz. Un tiers pour les personnes âgées et les personnes handicapées, deux tiers pour les entrepreneurs et pour le MEDEF, voilà la réalité. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Mes chers collègues, écoutez M. Gremetz en silence !

M. Maxime Gremetz. J'ai donné les chiffres au ministère. Il a été incapable de me dire le contraire.

Et il fait ces cadeaux après avoir déjà permis au MEDEF d'empocher « seulement » 20 milliards d'exonérations de cotisations sociales, et dans l'attente de nouveaux cadeaux : la baisse de la taxe professionnelle pour 2,5 milliards et l'amnistie des financiers voyous !

Quant aux assujettis à l'ISF, ils ont profité de vos largesses pour 500 millions d'euros par an, comme les plus riches des contribuables ont bénéficié d'une réduction d'impôt sur le revenu de plus de 2 milliards !

Avec le MEDEF, vous préférez toujours « presser » ceux qui connaissent la modération salariale, la précarité, les délocalisations, les licenciements, ceux qui subissent votre réforme de régression des retraites et qui auront à subir, si on ne vous empêche pas de le faire, celle de la sécurité sociale, encore plus dévastatrice pour nos droits.

C'est mesquin : votre proposition fait le choix d'une pénalisation forte et injuste des salariés, et notamment des plus modestes d'entre eux, ceux dont le travail est pénible et pour lesquels - excusez du peu - les journées comptent, le tout sur un fond de culpabilisation intolérable pour mieux masquer les graves responsabilités de votre gouvernement.

Or, et vous le savez très bien, les véritables raisons du drame de la canicule ne sont pas à rechercher dans l'application des 35 heures ou dans l'irresponsabilité sociale de nos concitoyens à l'égard de nos anciens, mais dans votre politique sanitaire et sociale.

Une politique qui se caractérise par l'acharnement mis à réduire les moyens pour la santé, la disparition des hôpitaux de proximité, des milliers de postes de médecins et d'infirmières ni financés ni pourvus, le gel - malgré les annonces - des crédits d'Etat pour les personnes âgées et handicapées.

En somme, toutes les déficiences accumulées depuis des années au nom d'une « maîtrise comptable » de la santé des Français ont pesé de tout leur poids sur la vie des personnes dépendantes à l'occasion de cet événement climatique de l'été dernier.

En réalité, la question posée par cette tragédie, comme les réponses apportées par les différentes missions d'enquête parlementaires, auraient dû constituer un point de départ à une proposition de création d'un nouveau risque handicap-invalidité-dépendance intégré à notre système de sécurité sociale, comme nous l'avons proposé au cours des débats.

Mais vous avez rejeté cette proposition, car le MEDEF était opposé à la création de nouvelles cotisations dans le régime de la sécurité sociale. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Gremetz, veuillez conclure !

M. Maxime Gremetz. Je conclus, monsieur le président.

Vos décisions contraignent donc les partenaires sociaux à renégocier toutes les conventions collectives et les accords de branche. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Monsieur Gremetz !

M. Maxime Gremetz. J'arrive à ma conclusion, monsieur le président.

Le patronat tentera par tous les moyens d'imposer des accords dérogatoires en deçà des normes sociales prévues par le code du travail. Certains n'hésitent pas d'ailleurs à l'annoncer.

Mais attention, ne croyez pas que les salariés se laisseront faire ! Dans un contexte où ils vous ont dit clairement ce qu'ils pensaient de votre politique, dans un contexte où les chômeurs vous ont fait céder et où 60 % des Français disent non à ce projet, vous provoquez, là encore, un mécontentement supplémentaire dont vous ne mesurez sans doute pas les conséquences sociales et politiques.

Les députés du groupe des député-e-s communistes et républicains voteront contre ce projet et travailleront à faire grandir une autre conception de la solidarité plus conforme à ce qu'attendent les Françaises et les Français favorables à des mesures justes et solidaires à l'égard des personnes âgées et handicapées. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Avant de donner la parole à l'avant-dernier orateur inscrit dans les explications de vote, je vais, d'ores et déjà, faire annoncer le scrutin de manière à permettre à nos collègues de regagner l'hémicycle.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Bernard Perrut, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

M. Bernard Perrut. Mes chers collègues, ce texte prend en compte l'évolution de l'espérance de vie, la révolution de la longévité - une chance pour la France, pour les Françaises et les Français - quand on sait qu'une fille sur deux qui naissent aujourd'hui deviendra centenaire.

Le texte que nous allons voter dans quelques instants est déterminant, fondamental et historique, car il pose les bases institutionnelles d'une prise en charge globale du vieillissement et permettra, grâce à la création d'une caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, de contribuer au financement des besoins des personnes âgées et des personnes handicapées.

Je salue la qualité du travail parlementaire qui a permis, au cours des discussions, de faire évoluer le texte. Je remercie le ministre, Hubert Falco, et la secrétaire d'Etat, Mme Marie-Anne Montchamp, de leur écoute (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et notre rapporteur, M. Jacquat (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), qui ont su répondre à nombre de nos interrogations et de nos inquiétudes concernant la journée de solidarité.

Aujourd'hui, la souplesse constitue le principe directeur de notre texte et fait ainsi sa force. Faisant appel au libre choix, le temps de solidarité privilégie la négociation et la concertation, tant dans le privé, avec l'accord de branche ou d'entreprise, que dans la fonction publique, après avis du comité technique paritaire. Ainsi, ce plan global, qui concerne les personnes âgées et les personnes handicapées, apparaît comme un système juste, parce qu'il ne repose pas sur des prélèvements supplémentaires - taxes et impôts -, un système juste parce qu'il ne creuse pas le déficit et l'endettement public, ...

M. Maxime Gremetz. Vive le MEDEF !

M. Bernard Perrut. ... un système juste parce qu'il n'entraîne pas la baisse du pouvoir d'achat des Françaises et des Français.

Mais nous ne pouvons cacher à nos concitoyens que notre système de protection sociale a un coût...

M. Maxime Gremetz. Oui, il a un coût !

M. Bernard Perrut. ... et nous devons les appeler à des efforts. Ces efforts passent par la valeur « travail ». (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz. Travailler davantage !

M. le président. Monsieur Gremetz !

M. Bernard Perrut. Nous demandons à ceux qui travaillent de donner une journée de travail (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicain)...

M. Maxime Gremetz. C'est honteux !

M. Bernard Perrut. ... et aux entreprises de participer à ce grand effort de solidarité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Perrut !

M. Bernard Perrut. C'est cela la générosité du cœur (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains), celle que nous-mêmes et nos concitoyens exprimons déjà très souvent dans des engagements humanitaires et sociaux, dans le domaine de l'insertion, dans la vie sportive et culturelle. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Albert Facon. L'esclavage !

M. Maxime Gremetz. Voyez le salaire des grands patrons ! (M. Gremetz brandit une fiche.) C'est eux qu'il faut faire travailler !

M. le président. Monsieur Gremetz, on vous a écouté en silence, faites de même ! (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Poursuivez, monsieur Perrut !

M. Bernard Perrut. Le professeur Dubernard disait récemment que, pour rétablir le lien entre les générations, il fallait trouver des symboles forts de solidarité. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Ce texte de loi le permet grâce aux dispositions prises pour le recensement des personnes âgées et handicapées, à la mise en place d'un dispositif de veille et, surtout, à la création de cette caisse nationale...

M. Maxime Gremetz. Ah oui ! Il n'y aura pas de cotisations ! Ce seront les impôts des pauvres gens !

M. Bernard Perrut. ... qui permettra d'avoir des financements sécurisés et sanctuarisés. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz. Assez !

M. Bernard Perrut. Différentes mesures pourront ainsi être prises. Je prendrai l'exemple du financement de l'APA, pour laquelle vous n'aviez pas prévu de moyens financiers (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), de la médicalisation des établissements, de la création de 15 000 postes de personnels soignants auprès de nos personnes âgées, dont 10 000 à domicile (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), de 4 000 places d'hébergement temporaire et, enfin, de 8 000 places d'accueil de jour - besoins concrets que nous ressentons sur le terrain.

L'insertion des personnes handicapées est aussi au cœur de notre projet. Nous sommes attachés à la création d'un véritable droit à compensation du handicap (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains), c'est-à-dire à la prise en charge personnalisée des surcoûts de toute nature liés au handicap ! Chaque jour, dans nos villes et nos villages, les personnes handicapées qui nous entourent nous sollicitent pour pouvoir acheter le fauteuil nécessaire ou les appareillages et les moyens leur permettant de vivre confortablement.

En conclusion, le groupe de l'Union pour un mouvement populaire, vous l'avez compris, soutiendra ce texte, qui a su évoluer au fil de la discussion et qui répond, aujourd'hui, à nos attentes.

Plus qu'une nouvelle loi, c'est une prise de conscience collective que nos exprimons ici ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Qui oserait repousser cet engagement civique et solidaire ? Ceux qui critiquent ce texte refusent avant tout de voir les réalités et de prendre leurs responsabilités pour l'avenir, monsieur Gremetz ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Mes chers collègues !

M. Bernard Perrut. Je me tournerai vers vous et rappellerai à ceux qui pourraient en douter un instant que la fraternité a été déclarée grande cause nationale 2004 ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz. Entre les puissants !

M. le président. Monsieur Gremetz, taisez-vous !

M. Bernard Perrut. La fraternité est une force de la République, qui se vit chaque jour au cœur de la société et au cœur de l'homme ! (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Notre groupe soutient donc ce texte (Mêmes mouvements) et tous les efforts en direction des personnes âgées et des personnes handicapées ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Paulette Guinchard-Kunstler, pour le groupe socialiste.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Oui, l'accompagnement et la prise en charge des personnes handicapées et des personnes âgées dépendantes, quel que soit leur âge, méritent une véritable mobilisation, mobilisation humaine, mobilisation d'emplois, mobilisation de l'ensemble des acteurs de l'Etat, des collectivités locales, des milieux des entreprises, et, c'est évident, mobilisation financière. Ces femmes et ces hommes âgés, des adultes, mais aussi des enfants handicapés, en ont besoin pour vivre dans la dignité.

Toutefois, à l'heure des explications de vote, le groupe socialiste ne peut que condamner les choix du Gouvernement. En créant un financement spécifique pour la prise en charge des personnes handicapées, vous rompez une fois de plus le pacte social et portez un mauvais coup à la solidarité nationale. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Claude Goasguen. C'est incroyable d'entendre cela !

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. Après les mensonges sur l'APA, réitérés par M. Perrut, après les réduction des crédits pour les maisons de retraite décidées en 2002 et 2003 par votre gouvernement, après votre absence pendant la canicule, après votre discours de culpabilisation des Français (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), vous faites adopter par l'Assemblée nationale un texte dangereux. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Nous voulons donc dénoncer la philosophie même de votre projet de loi et combattre la solution retenue pour le financement. Les salariés, en effet, travailleront davantage sans être payés. Vous remettez en cause le principe même de la solidarité nationale, puisque les salariés seuls devront financer la politique en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées. C'est donc une mesure inégalitaire, car elle ne fait pas appel à toutes les richesses. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous faites peser l'effort de solidarité en grande partie sur le seul monde du travail ! Vous augmentez la durée du temps de travail en créant sept heures de travail non rémunérées. C'est particulièrement grave ! Pour la première fois, en effet, dans l'histoire sociale de la France, un gouvernement augmente la durée du temps de travail sans rémunération supplémentaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) L'instauration d'un jour de travail non payé conduira l'ensemble des branches professionnelles et des entreprises à réexaminer leurs accords et conventions. Je serai curieuse de voir ce qui sera concrètement réalisé dans un an !

Enfin, c'est une mesure antiéconomique, qui créera, dès 2004, de nouvelles charges pour les entreprises et donc une vraie ponction financière. Selon certaines études, 30 000 emplois seront supprimés, ...

M. Alain Gest. Vous dites n'importe quoi !

Mme Paulette Guinchard-Kunstler. ...alors que l'allocation personnalisée d'autonomie, que vous avez tant décriée, en a créé pour sa part 70 000 !

Autre danger : la création d'une caisse nationale pour l'autonomie signifie l'éclatement de l'assurance maladie avec la mise en place d'une sécurité sociale spécialisée pour les personnes âgées et les personnes handicapées. Vous mettez ainsi en place un dispositif à part et provoquez une rupture dans l'universalité des soins.

A propos de cette caisse, Mme Danièle Hoffman-Rispal parlait, je la cite, d'un « objet administratif non identifié ». (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

La prise en charge des personnes âgées dépendantes, leur santé, le droit à compensation pour les personnes en perte d'autonomie, quel que soit leur âge, relèvent bien de la protection sociale. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Ces questions auraient dû être posées dans le cadre de la réforme de l'assurance maladie. Vous avez refusé ! Votre choix révèle, à nos yeux, un manque d'ambition. Vous avez raté une belle occasion de mettre en place un véritable droit à compensation pour toute personne, quel que soit son âge ou son handicap. Contre l'avis de tous - syndicats, caisses de sécurité sociale, associations -, vous avez préféré maintenir le cap d'une réforme en trompe-l'œil.

Permettez-moi, là aussi, de citer Jean Le Garrec (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste), qui, dans son intervention lors de la discussion générale, a parlé de « prélèvement économique aléatoire », de « répartition de l'effort injuste », de « détournement du grand mot de solidarité », d' « introduction d'une monstruosité juridique dans le code du travail », de « travail non rémunéré ». (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Dans ces conditions, vous l'aurez compris, le groupe socialiste votera contre votre projet de loi. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

vote sur l'ensemble

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix l'ensemble du projet de loi relatif à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées.

Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.

Je vais vous laisser quelques instants pour regagner vos places.

.......................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

.......................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

              Nombre de votants 519

              Nombre de suffrages exprimés 517

              Majorité absolue 259

        Pour l'adoption 322

        Contre 195

L'Assemblée nationale a adopté.

La parole est à M. le ministre délégué aux personnes âgées.

M. Hubert Falco, ministre délégué aux personnes âgées. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, au terme de ce débat, je voudrais remercier le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, Jean-Michel Dubernard, et son rapporteur, Denis Jacquat, pour la qualité de leurs travaux et de leurs propositions. Je remercie aussi l'ensemble des intervenants des groupes, plus particulièrement ceux du groupe UMP.

Chacun a mis en évidence les enjeux de la prise en charge des personnes âgées et des personnes handicapées. Des divergences d'opinion se sont exprimées très naturellement, et je pense qu'elles ont permis de faire évoluer le débat. Nous avons discuté 129 amendements, soit en moyenne, plus de dix amendements par article. Trente-cinq amendements parlementaires - dont trois de l'opposition -, soit près d'un tiers du total, ont été adoptés. La démocratie parlementaire a donc été fructueuse. Mesdames et messieurs les députés, vous avez contribué à enrichir ce texte, et je vous en remercie.

Nous nous accordons tous à reconnaître qu'il est indispensable d'anticiper et d'accompagner cette formidable révolution sociale qu'entraîne le vieillissement de la population, et de prendre en charge la dépendance des personnes handicapées et des personnes âgées. Tel est d'ailleurs l'objet du plan « vieillissement et solidarité », qui constitue un effort sans précédent, même si ses modalités de financement ont suscité de nombreuses interrogations.

L'instauration d'une journée de solidarité présente des avantages incontestables.

M. Patrick Roy. Et des inconvénients !

M. le ministre délégué aux personnes âgées. Nous nous devions d'adopter, à ce propos, un langage de vérité et de responsabilité face aux accusations de mensonges. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Patrick Roy. Les électeurs jugeront !

M. le ministre délégué aux personnes âgées. Mesdames et messieurs les députés, l'unité d'un peuple repose toujours sur la solidarité entre les générations. En acceptant ce texte, vous faites la démonstration que la France est généreuse. L'effort qui est demandé à chaque Française et à chaque Français leur fait honneur. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées.

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Je tiens à m'associer aux remerciements de mon collègue Hubert Falco et à souligner la contribution éminente de Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, et celle de son rapporteur, Denis Jacquat, qui, par sa pondération, par la qualité de son écoute et son efficacité, a permis d'enrichir utilement notre texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Chacun a pu s'exprimer. Le débat fut de bonne qualité, qualité à laquelle, monsieur le président, vous avez largement contribué.

Mesdames et messieurs les députés, par votre vote, vous avez permis une avancée sans précédent. En donnant un peu de leur temps libre, nos compatriotes vont améliorer l'autonomie de nos aînés et renforcer le droit à compensation des personnes handicapées. Ils soutiendront ainsi une cause qui nous touche tous, famille par famille.

Nous avons, ensemble, engagé une réflexion de fond sur nos besoins de protection sociale et, plus précisément, sur ce cinquième risque que constitue la dépendance. La loi sur l'égalité des droits, des chances, la citoyenneté et la participation des personnes handicapées donnera un sens supplémentaire à cet effort de fraternité.

Mesdames et messieurs les députés, vous pouvez être fiers de votre pragmatisme et de votre contribution à cet ensemble législatif. Par votre vote, au-delà des idéologies, vous avez fait évoluer le regard porté sur l'âge et sur les handicaps, encore trop mal compris et trop mal pris en compte dans notre pays. Je vous en remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à seize heures cinquante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

    5

CONVENTION FIPOL

Discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation du protocole à la convention du 27 novembre 1992 portant création d'un fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures (nos 1510, 1584).

La parole est à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.

Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, le protocole du 16 mai 2003 portant création d'un second fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, appelé plus communément FIPOL II, représente une étape importante dans la mobilisation de la communauté internationale contre le fléau de la marée noire.

Je ne reviendrai pas sur la douloureuse litanie des catastrophes maritimes qui, depuis près de quarante ans, du Torrey Canion au Prestige en passant par l'Erika, souillent les côtes de l'Alaska, de la Bretagne ou de la Galice. Elle demeure, hélas ! gravée dans la mémoire de chacun de nos concitoyens.

La communauté internationale a réagi pour la première fois en 1969, avec la convention sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, qui prévoit un régime plafonné de responsabilité du propriétaire du navire.

Ce premier accord a été suivi, en 1971, par la création du Fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, conçu pour indemniser les victimes au-delà du plafond de la première convention. Dans ce FIPOL, la charge de l'indemnisation repose sur les principaux importateurs d'hydrocarbures. Malheureusement, la pression des armateurs sur certains Etats a fait que ces deux conventions n'ont pu entrer en vigueur qu'en 1978.

La France, qui avait déjà été l'un des éléments moteurs des deux premières négociations, a poursuivi son objectif de renforcement du dispositif international d'indemnisation des victimes et obtenu, en 1992, l'adoption des protocoles triplant le montant maximum d'indemnisation, passant à environ 163 millions d'euros.

Pourtant, trois ans après son entrée en vigueur, en raison de son ampleur, la catastrophe du naufrage de l'Erika, en 1999, a eu des conséquences financières qui ont dépassé le plafond d'indemnisation alors en vigueur. La France a réagi immédiatement en saisissant l'Organisation maritime internationale, le FIPOL et l'Union européenne afin d'obtenir très rapidement une révision du système d'indemnisation, ainsi que des normes de sécurité maritime.

Grâce à cette démarche, l'OMI a inscrit la question de l'indemnisation en tête de ses priorités et en octobre 2000, les Etats parties ont décidé de relever de 50 % le plafond d'indemnisation fixé en 1992. De ce fait, le montant total disponible pour indemnisation fut alors porté à 245 millions d'euros par sinistre. Cette mesure est entrée en vigueur en novembre 2003.

Pour autant, ce mécanisme ne permet toujours pas l'indemnisation rapide et complète des victimes en cas de sinistres importants, en raison de la modicité des fonds disponibles. C'est pourquoi, à l'initiative de la France, un nouveau protocole, instituant un dispositif supplémentaire d'indemnisation, a été adopté à l'OMI le 16 mai 2003.

Avec l'entrée en vigueur de ce protocole, le montant total mobilisable pour indemniser les victimes d'un sinistre sera de plus de 900 millions d'euros. Un tel montant aurait permis une indemnisation intégrale, dans le cadre du système international, du préjudice subi par l'Etat à la suite du naufrage de l'Erika, alors qu'il lui a fallu s'effacer pour garantir l'indemnisation des particuliers et des collectivités territoriales.

En raison de divergences au sein de l'Organisation maritime internationale, entre les Etats aux côtes souillées, ceux qui acceptent de servir de pavillon de complaisance et les Etats en développement aux capacités contributives réduites, il n'a pas été possible de se limiter à une simple révision des plafonds en vigueur et il a fallu créer une nouvelle organisation, appelée « fonds complémentaire » ou « FIPOL II ». Celle-ci est juridiquement indépendante du fonds déjà existant, mais son fonctionnement s'appuie en grande partie sur les procédures en place, qu'elle ne fait que compléter. Ainsi, les victimes n'auront à présenter qu'une seule demande d'indemnisation, qui vaudra pour le fonds de 1992 et pour le fonds complémentaire.

Le fonds complémentaire pourra, en outre, intervenir dès que l'ampleur du sinistre paraît supérieure au plafond du fonds créé en 1992. Pour cela, le montant propre dont dispose le fonds complémentaire s'élève à près de 662 millions d'euros.

En définitive, l'indemnisation d'un sinistre sera, en premier lieu, à la charge du propriétaire du navire, en vertu de la convention de 1969. Le fonds de 1992 interviendra ensuite jusqu'à un certain plafond. Le fonds complémentaire prendra le relais au-delà et jusqu'à un certain seuil considéré comme suffisant.

Les caractéristiques de ce fonds complémentaire de FIPOL II présentent certaines similitudes avec le premier FIPOL, tout en apportant des améliorations.

Voyons les similitudes. D'abord, ce sont les Etats qui sont membres du fonds complémentaire et qui prennent les décisions de principe. Ensuite, la charge financière des indemnisations est assurée par le prélèvement de contributions sur les compagnies qui reçoivent dans chaque Etat partie plus de 150 000 tonnes d'hydrocarbures par voie maritime chaque année.

Ainsi, les industriels français participent à hauteur de 10 % de l'indemnisation de chaque sinistre qui survient dans un des 84 Etats parties au FIPOL I.

S'agissant des améliorations, les Etats participant cotiseront pour un montant minimum plus élevé : désormais, tout Etat contractant sera réputé recevoir un million de tonnes d'hydrocarbures et devra acquitter des contributions sur cette base. De cette façon, il sera remédié au problème de la trop faible implication dans la prise de décision de l'organisation de certains Etats recevant relativement peu d'hydrocarbures.

Par ailleurs, les Etats parties auront désormais l'obligation de faire rapport à l'organisation des quantités d'hydrocarbures reçues. Cette information, qui est indispensable pour déterminer la répartition des parts contributives, n'était pas toujours fournie. Désormais, des sanctions dissuasives à l'encontre de l'Etat qui ne remplit pas son obligation ont été introduites : suspension des indemnisations des nationaux de cet Etat, puis refus d'indemnisation si le manquement n'a pas été régularisé à temps. C'est une autre faille du système du fonds de 1992 qui est désormais corrigée.

La majorité des Etats de l'Union européenne déposeront leur instrument d'approbation avant le 30 juin et le Japon le fera au cours de l'été, ce qui devrait permettre une entrée en vigueur du protocole avant la fin de l'année.

S'il convient de se féliciter d'avoir pu obtenir la création du fonds complémentaire, qui permettra l'indemnisation rapide et complète des victimes, cette amélioration significative ne résout pas toutes les questions que pose l'architecture actuelle du régime international.

En effet, l'entrée en vigueur du protocole va modifier la répartition de la charge de l'indemnisation. C'est pourquoi il conviendra de réexaminer la structure du système, de façon à éviter le risque d'une déresponsabilisation des propriétaires de navires ou des autres parties prenantes au transport d'hydrocarbures. A cet égard, le gouvernement français a pour objectif de faire aboutir les travaux en cours au sein de l'Organisation maritime internationale, afin que la Convention sur la responsabilité civile soit révisée.

Telles sont, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, les principales observations qu'appelle le protocole à la Convention du 27 novembre 1992 portant création d'un fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à l'approbation de l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Hervé de Charette, rapporteur de la commission des affaires étrangères.

M. Hervé de Charette, rapporteur de la commission des affaires étrangères. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis la catastrophe du Torrey Canyon qui frappa les îles britanniques en 1967, les marées noires se sont succédé, suscitant à la fois l'exaspération des populations et des victimes de ces événements et un sentiment d'impuissance et d'injustice face aux responsables de ces catastrophes.

L'Assemblée nationale a d'ailleurs créé deux commissions d'enquête sur ce sujet : la première en janvier 2000, suite au naufrage de l'Erika, la seconde en février 2003 après celui du Prestige. Ces deux commissions ont insisté, dans leurs recommandations, sur la nécessité d'améliorer les systèmes d'indemnisation en vigueur.

C'est le but du protocole signé à Londres, le 16 mai 2003, en vue de relever les plafonds d'indemnisations versées par le Fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures - FIPOL -, dont Mme la ministre nous a parlé de façon abondante et claire.

L'état du droit international en la matière est aujourd'hui le suivant. C'est l'Organisation maritime internationale qui est chargée d'élaborer les normes relatives à la sécurité de la mer. Depuis sa création en 1948, l'OMI a permis la signature d'une quarantaine de conventions internationales qui encadrent le trafic maritime et définissent les grands principes du droit maritime international. Son implication en faveur d'une meilleure régulation du transport maritime est indéniable. Elle se heurte toutefois à d'importantes limites : elle n'a aucun moyen d'inciter les Etats à ratifier les conventions qu'elle adopte ; elle ne peut sanctionner les Etats ou les particuliers qui en méconnaissent les règles.

De son côté, l'Union européenne a réagi aux différentes catastrophes maritimes en mettant en œuvre une série de mesures prises lors des conseils des ministres des transports des 5 et 6 décembre 2002 et des 27 et 28 mars 2003.

L'Union a ainsi décidé de publier une liste noire de navires dans le but de dissuader les compagnies pétrolières de les affréter. Elle a décidé également d'accélérer le calendrier de création de l'Agence européenne de sécurité maritime, qui doit être pleinement opérationnelle dès cette année. Elle a également adopté un calendrier rigoureux pour le retrait des navires à simple coque. Elle a décidé encore d'instaurer un régime de responsabilité pénale au niveau européen, afin d'harmoniser les règles en vigueur dans les différents pays concernés. Elle a enfin adopté, le 4 avril 2001, une directive relative au niveau minimal de formation des gens de mer.

Si l'élargissement de l'Union permet d'appliquer ces règles à un espace plus grand et à un plus grand nombre d'Etats, il n'en demeure pas moins que le caractère unilatéral des réglementations communautaires en limite la portée et que les décisions qu'elle prend ne sauraient s'appliquer au-delà de ses eaux territoriales.

Il est donc essentiel que les Etats membres de l'Union coordonnent leurs positions, afin de peser dans les instances internationales compétentes en vue de renforcer le droit international en vigueur.

C'est d'ailleurs cette coordination qui a permis d'obtenir de l'OMI l'accélération du calendrier de retrait des navires à simple coque transportant du pétrole lourd. Elle a également débouché sur la signature, le 16 mai 2003, de l'accord dont nous avons aujourd'hui à examiner le contenu.

Le système d'indemnisation existant est assez compliqué. Il dissocie le droit à l'indemnisation des victimes de marées noires et la détermination des responsabilités - cette dissociation est même l'axe du système - en vue d'accélérer, du moins en principe, ladite indemnisation.

La première convention, dénommée convention CLC, civil liability convention, reste le texte de base. Toujours en vigueur, elle institue un système de responsabilité civile à l'encontre des armateurs. Elle s'applique aux dommages par pollution résultant du déversement d'hydrocarbures persistants, provoqués par des navires citernes, survenus sur le territoire et dans la zone économique exclusive d'un Etat partie à cette convention.

Si le champ d'application territorial de la convention est large, elle n'en retient pas moins une conception restrictive du dommage par pollution et des navires concernés. En effet, les hydrocarbures non persistants ne relèvent pas de la convention et elle ne vise que les navires transportant des hydrocarbures en vrac, c'est-à-dire les navires citernes. Elle laisse de côté les déversements d'hydrocarbures de soute provenant des cargos ou des porte-conteneurs.

Les possibilités de mettre en cause la responsabilité des armateurs sont réduites. La convention institue, certes, un régime de responsabilité sans faute, mais elle fixe des montants strictement plafonnés en fonction du tonnage du navire. Pour le Prestige, la responsabilité de l'armateur a ainsi été engagée à hauteur de 24 millions d'euros.

L'indemnisation au titre du FIPOL qui a été prévue en 1992 est une indemnisation complémentaire de celle de l'assurance de l'armateur que je viens de décrire. Les montants payables par le fonds sont plafonnés à 135 millions de droits de tirage spéciaux. Révisés depuis lors, ils ont été portés à 250 millions d'euros.

Compte tenu des moyens limités du fonds, celui-ci procède donc à une proratisation des créances. Pour le naufrage de l'Erika, le FIPOL a pu indemniser à 100 % les préjudices jugés recevables en raison de la renonciation de l'Etat et de la compagnie Total à leur indemnité, à hauteur de 190 millions d'euros pour le premier et de 170 millions d'euros pour la seconde.

Au contraire, dans le cas du Prestige, et parce que l'Etat espagnol, dont les dommages étaient évalués à 700 millions d'euros, a maintenu sa demande, le FIPOL a décidé de réduire à 15 % l'indemnisation de l'ensemble des dommages concernés.

Cette situation était gravement préjudiciable et elle est à l'origine de la démarche de la France et des Etats de l'Union européenne pour la négociation du présent protocole.

Ce protocole permet de porter - c'est sa principale qualité - de 250 millions d'euros à 900 millions d'euros, soit 750 millions de DTS, le montant maximum des dommages indemnisables. Il vise, en outre, à corriger certains dysfonctionnements apparus dans le fonctionnement du FIPOL, notamment en répartissant plus équitablement la charge entre les Etats membres du fonds. Comme vient de l'indiquer Mme la ministre, on peut penser, puisque la règle est qu'il faut que huit Etats signent l'accord pour qu'il soit applicable, qu'il le sera d'ici à la fin de l'année.

Ce protocole constitue donc une incontestable amélioration, dont il faut se réjouir. Cependant, certaines questions restent entières. Tout d'abord, il ne permet pas d'améliorer la procédure d'examen des demandes d'indemnisation, qui demeure lourde et opaque. En effet, le fonds complémentaire n'intervient que de manière subsidiaire par rapport au fonds de 1992 et il ne pourra indemniser que les demandes jugées recevables selon ce dernier. Les modalités d'examen et d'instruction des affaires ne sont ni modifiées ni améliorées en quoi que ce soit.

Le présent protocole aura pour conséquence de conforter l'irresponsabilité des armateurs. Un tel système n'est pas de nature à favoriser l'amélioration de la qualité de la flotte des pétroliers.

Enfin, en privilégiant la rapidité de l'indemnisation sur la détermination des responsabilités, il nous éloigne encore un peu plus du système américain, qui est profondément différent.

Cela dit, quelles que soient les déceptions ou insatisfactions, je ne peux que vous recommander, mes chers collègues, au nom de la commission des affaires étrangères, d'approuver, comme elle l'a fait elle-même, le texte qui vous est soumis, en le considérant comme une étape utile et importante dans la voie de l'amélioration des indemnisations des dommages subis.

J'ajoute toutefois, madame la ministre, qu'il serait souhaitable que la France se préoccupe de l'indemnisation des préjudices résultant des dommages chimiques, ainsi que des précautions à prendre contre ceux-ci. En effet, si, dans le domaine pétrolier, nous avons un dispositif déjà assez avancé, rien n'existe pour les pollutions chimiques au niveau international. Cette situation est gravement dommageable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Michel Delebarre.

M. Michel Delebarre. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le protocole dont l'Assemblée nationale est saisie vise à relever les plafonds d'indemnisation au titre du FIPOL en cas de marée noire. Les insuffisances de l'indemnisation résultant de la convention de 1992 sont connues et les deux commissions d'enquête créées par l'Assemblée nationale, et évoquées à l'instant à cette tribune, avaient recommandé d'y remédier.

Dans le cas de l'Erika, les dommages avaient pu être indemnisés entièrement par le FIPOL dans la mesure où l'Etat et TOTAL - vous l'avez dit, madame la ministre - avaient renoncé à leur créance. Dans le cas du Prestige, le comité exécutif du fonds a décidé, en mai 2003, d'indemniser les demandes jugées recevables à hauteur de 15 % seulement, en attendant de connaître le montant total des dommages subis - M. le rapporteur vient de le rappeler.

Cette situation souligne la nécessité de réviser à la hausse les plafonds d'indemnisation en vigueur qui sont manifestement insuffisants : pour le naufrage du Prestige, les créances de l'Etat espagnol sont, en effet, estimées à hauteur de 700 millions d'euros, alors que le plafond d'indemnisation n'est que de 171 millions d'euros. Il a, certes, été relevé à 250 millions d'euros à compter du 1er novembre 2003 par décision des pays membres du fonds, mais cette revalorisation, malheureusement, n'a pas d'effet rétroactif.

Il y a donc urgence à ratifier ce protocole. Mais cela ne doit pas nous dispenser d'améliorer le fonctionnement du FIPOL, dont la transparence en matière d'évaluation des préjudices subis et d'examen de la recevabilité des demandes d'indemnisation laisse à désirer.

De plus, ce protocole ne saurait constituer la seule réponse aux marées noires qui, malheureusement, se répètent sans que l'on puisse à chaque fois établir de manière satisfaisante la chaîne des responsabilités. Certes, des progrès ont été accomplis dans les enceintes internationales en matière de prévention. Il faut souligner sur ce point le rôle positif de l'Union européenne, qui a coordonné la positions de ses Etats membres en la matière.

L'Organisation maritime internationale a ainsi décidé d'accélérer le retrait des pétroliers à simple coque transportant du pétrole lourd. L'Organisation internationale du travail a, pour sa part, élaboré des conventions imposant un niveau minimal de formation pour les équipages. Mais ces mesures demeurent très insuffisantes face à l'opacité des chaînes de commandement existant dans le transport maritime, caractérisé par la multiplication des pavillons de complaisance.

Par ailleurs, il serait paradoxal de relever les plafonds d'indemnisation du FIPOL sans revoir les plafonds en vigueur dans la convention de 1992 portant sur la responsabilité civile des transporteurs, actuellement limités à hauteur de 80 millions d'euros. Il est donc indispensable de réviser, parallèlement à l'indemnisation au titre du FIPOL, les règles en vigueur dans la convention de 1992 sur la responsabilité civile, faute de quoi l'on s'écarterait davantage encore du principe du « pollueur-payeur » qui doit prochainement être inscrit dans la charte de l'environnement qui devrait être examinée bientôt par notre Assemblée.

Enfin, le naufrage, en octobre 2000, du Ievoli Sun, qui transportait des produits chimiques, nous a rappelé - M. le rapporteur l'a d'ailleurs souligné - qu'aucun mécanisme d'indemnisation comparable au FIPOL n'existait pour les produits toxiques non pétroliers. Une convention sur la responsabilité et l'indemnisation pour les dommages liés au transport par mer de substances nocives a été conclue à Londres en 1996, mais notre pays, madame la ministre, ne l'a toujours pas ratifiée. Il serait bon de prendre des dispositions en ce sens, de façon que la France adhère à l'ensemble de ces règles.

Notre président de séance, notre collègue Guy Lengagne et moi-même sommes investis de responsabilités électives sur le littoral du Pas-de-Calais, sur les rives de la mer et du détroit les plus fréquentés du globe. La probabilité élevée d'accidents importants au large de nos côtes constitue un sujet de préoccupation constant.

Nous avons trois exigences en la matière.

D'abord, assurer sécurité et garanties à celles et ceux qui effectuent ces transports et à l'ensemble des métiers de la mer.

Ensuite, le droit à une juste et rapide réparation pour les personnes et activités concernées par les conséquences de catastrophes maritimes.

Enfin, le droit à réparation tout aussi rapide pour les collectivités territoriales dont les sites sont fortement mis en cause et qui sont en première ligne dès que surviennent de tels événements, même si elles sont légitimement soutenues par les services de l'Etat.

Nous considérons que ce texte, sans doute insuffisant, est néanmoins utile et nécessaire. C'est pourquoi, madame la ministre, en dépit de ses réserves, le groupe socialiste votera le présent projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Priou.

M. Christophe Priou. Madame la ministre, depuis presque quarante ans, les catastrophes maritimes se sont succédé, engendrant l'exaspération des populations touchées ainsi qu'un grand sentiment d'injustice face aux responsables de ce qu'il est convenu d'appeler communément les « marées noires » dues aux « voyous des mers ».

Ces dernières années, l'Assemblée nationale a créé deux commissions d'enquête sur ce sujet : la première en janvier 2000, suite au naufrage de l'Erika, la seconde en février 2003 après le naufrage du Prestige. Ces deux commissions ont insisté dans leurs recommandations sur la nécessité d'améliorer les systèmes d'indemnisation en vigueur.

Dans cette perspective, l'Organisation maritime internationale - l'OMI - a adopté, le 16 mai 2003, à la demande insistante de la France et de ses partenaires de l'Union européenne, un nouveau protocole relevant le montant disponible des indemnisations.

L'objectif du nouveau protocole est de permettre aux Etats qui le décident de disposer d'une couverture des sinistres assurant une indemnisation rapide et complète de leurs ressortissants. Avec l'entrée en vigueur de ce protocole, c'est un montant total de 750 millions de droits de tirage spéciaux, soit plus de 900 millions d'euros, qui pourra être mobilisé pour indemniser les victimes d'un sinistre.

Le protocole vise également à corriger certains dysfonctionnements apparus dans la gestion du FIPOL. Tout d'abord, il répartit plus équitablement la charge entre les Etats membres du fonds. Le protocole prévoit aussi un système de plafonnement des contributions, limitant à 20 % la part pouvant être versée par un Etat en cas de sinistre.

Pour qu'il entre en vigueur, huit Etats doivent avoir déposé leur instrument d'approbation. A ce jour, seuls le Danemark et la Norvège l'ont fait. Compte tenu de la décision communautaire demandant aux Etats membres de déposer leur instrument de ratification avant juin 2004 et de l'annonce faite par le Japon qu'il entendait ratifier dans le courant de l'été, le protocole devrait entrer en vigueur vers le mois de novembre 2004.

Force est cependant de reconnaître que ce texte, en dépit des améliorations qu'il apporte au système d'indemnisation en cas de marée noire, suscite des interrogations importantes.

Tout d'abord, il ne permet pas d'améliorer la procédure d'examen des demandes d'indemnisation, qui demeure lourde et opaque. Je prends l'exemple d'une commune qui m'est chère. S'agissant du naufrage de l'Erika, la commune du Croisic attend encore aujourd'hui que son dossier soit traité. Le préjudice total est évalué à 350 000 euros. Les dépenses engagées sont liées à la baisse de la taxe de séjour pour l'année 2000, à la réfection des voiries et aux opérations de nettoyage des plages - notamment les frais de personnel. Cinq ans après, nous sommes encore en litige avec le FIPOL. En raison de leurs difficultés de trésorerie, les professionnels du tourisme ont souvent accepté des indemnisations représentant seulement 30 % du montant de leur préjudice.

Enfin, la relance de l'économie sur nos côtes de Bretagne et des Pays de la Loire n'a été possible que grâce à des avenants aux contrats de plan et à des subventions de l'Etat, des régions et des départements, faute d'une véritable indemnisation qu'on était en droit d'attendre du FIPOL.

M. Daniel Paul. Très juste !

M. Christophe Priou. Faute d'une révision de la convention de 1992 sur la responsabilité civile des propriétaires de navires, le protocole aura pour conséquence de conforter l'irresponsabilité des armateurs en les déchargeant de la quasi-totalité du poids de l'indemnisation sur le FIPOL et le nouveau fonds complémentaire. C'est pourquoi il serait souhaitable d'envisager une révision de la convention de 1992 sur la responsabilité des transporteurs, faute de quoi l'amélioration des indemnités versées au titre du FIPOL pourrait renforcer le désengagement des armateurs.

Ainsi que le rapporteur l'a souligné, il convient d'insister sur la nécessité pour notre pays de poursuivre ses efforts au sein de l'Union européenne en vue d'améliorer la régulation du transport maritime de matières dangereuses, celui des produits chimiques, par exemple, ou la relance du transport du méthane, avec, notamment, la mise en place sur nos côtes des « autoroutes de la mer ». Nous espérons également obtenir, pour le dernier grand chantier de construction navale que sont les Chantiers de l'Atlantique, de nouvelles commandes avec la construction de nouveaux pétroliers et méthaniers à double coque.

Enfin, les arraisonnements réguliers et les amendes records infligées aujourd'hui par les tribunaux français permettront sans doute de mieux lutter contre les déballastages sauvages au large de nos côtes.

En résumé, même si ce texte ne constitue pas une finalité, il marque une avancée, et nous devons donc le voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.

M. Daniel Paul. Madame la ministre, vous nous proposez ce soir de discuter et d'approuver le projet de loi portant sur le « Protocole à la convention créant un fonds international d'indemnisation des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures ».

Il aura fallu des catastrophes maritimes, comme celle de l'Erika, puis celle du Prestige, pour ne citer que celles qui sont encore dans toutes les mémoires, pour qu'enfin soit revu le plafond d'indemnisation des victimes des pollutions.

Chacune de ces catastrophes aura fait l'objet d'une enquête parlementaire. Ayant participé aux deux commissions mises en place par notre assemblée et ayant présidé celle sur l'Erika, je peux témoigner de notre volonté d'avancer sur ce qui apparaissait comme une profonde injustice à l'égard des victimes terrestres de ces catastrophes.

De même, les opinions publiques auront sans doute pesé de façon déterminante sur les gouvernements pour que la Commission européenne et les organismes internationaux se saisissent enfin de la question et lui apportent les réponses nécessaires et attendues.

Le texte que vous nous proposez est aussi le résultat de ces prises de position, de ces colères, et chacun ici ne saurait que se féliciter que les victimes des pollutions puissent enfin prétendre à une plus juste indemnisation.

Pour autant, il convient d'apprécier la portée réelle du projet qui nous est soumis.

Le plafond d'intervention du premier niveau, qui est à la charge du propriétaire du navire, reste fixé à 90 millions de droits de tirage spéciaux.

Celui du deuxième niveau, institué en 1992 avec le FIPOL, interviendra à hauteur de 203 millions. C'est au-delà que se déclenchera ce que vous avez appelé, madame la ministre, le « FIPOL II », le fonds complémentaire, jusqu'à 750 millions de droits de tirage spéciaux.

Nous n'en sommes donc pas au principe de l'indemnisation de tous les dommages. Et j'ai encore en mémoire, pour m'être rendu aux Etats-Unis à la suite du naufrage de l'Erika, la catastrophe de l'Exxon Valdez, qui avait pollué, il y a quelques années, les côtes de l'Alaska et la côte pacifique des Etats-Unis, causant un préjudice dont l'évaluation est bien supérieure à cette somme. Nous ne sommes donc pas à l'abri et j'aurais souhaité que cette avancée permette une prise en charge complète, illimitée, des dommages causés.

Cela signifie que les victimes des catastrophes maritimes, hélas ! à venir sur des côtes aussi riches que celles de l'Europe occidentale ne bénéficieront toujours pas d'une couverture totale en matière d'indemnisation.

Il reste notamment à évaluer les coûts de la destruction de la faune et de la flore, et de tous les dommages écologiques. On sait la difficulté à aller en ce sens, non seulement parce qu'il est difficile d'évaluer le coût d'un oiseau mazouté, mais aussi parce que le système est bâti de façon à limiter les charges liées aux dégâts environnementaux, alors que l'on parle de plus en plus aujourd'hui de développement durable...

Ainsi, l'architecture du dispositif d'indemnisation maintient-elle une part mineure à la charge du propriétaire du navire puisque, dans le cas d'une pollution majeure, elle n'excéderait pas 12 % du coût global et sans doute encore moins dans le cas d'un dépassement. Rappelons que l'assurance de l'Erika n'avait supporté que 7 % des sommes versées.

Aux Etats-Unis, l'Oil pollution act - l'OPA - faisait passer dès 1999 une responsabilité civile pouvant aller jusqu'à 2,7 milliards de francs sur les plus gros pétroliers, car calculée en fonction du tonnage des navires. Avec le système actuel, il est clair que nous en sommes encore loin.

Certes, l'amélioration est notable par rapport aux catastrophes passées et justifie que le travail se poursuive pour responsabiliser davantage encore les propriétaires de navires ainsi que l'ensemble des acteurs de la chaîne du transport maritime.

Les commissions d'enquête ont mis en évidence les effets de l'opacité qui règne en ce domaine. Elles ont dénoncé le scandale permanent que constituent les camouflages de toutes sortes qui font que les cargaisons, comme les navires, changent de propriétaires pendant les traversées, ce qui rend difficile la connaissance exacte des acteurs en place.

La transparence est une exigence que doit exprimer notre pays, souvent confronté aux risques et parfois aux naufrages. Elle établirait la responsabilité à chaque échelon, jusqu'au propriétaire de la cargaison, l'obligeant à souscrire une assurance pour couvrir sa propre responsabilité et l'incitant sans doute à avoir recours à des navires dûment contrôlés, reconnus aptes à naviguer, qu'il s'agisse du navire ou de son équipage. Il nous faut protéger les bons navires ayant de bons équipages, non la course au moindre coût.

La Commission européenne envisageait d'ailleurs en 2000, dans son livre blanc sur la responsabilité environnementale, une responsabilité illimitée pour le transporteur comme pour l'affréteur, dans la mesure où ils exercent un contrôle sur la cargaison concernée, sur l'état du navire qui la transporte et sur l'équipage.

Cette responsabilisation complète demeure l'objectif à atteindre, car elle signifie que le propriétaire de la cargaison sera incité à recourir à un transporteur reconnu, ayant des navires et des équipages dignes de confiance. C'est cette pratique qu'il convient d'encourager, parce qu'elle est porteuse de sérieux et de qualité. C'est à ce prix que l'on fera disparaître de nos mers ceux qui vivent de taux de fret toujours tirés vers le bas, synonymes de navires et d'équipages en dehors des normes techniques et sociales, ceux que le Président de la République lui-même a appelé les « voyous des mers ».

Reste le problème du mode de reconnaissance des préjudices subis par les victimes de marées noires et de la rapidité de leur indemnisation. Là aussi, les exemples du passé suffisent à montrer la nécessité d'intervenir vite, en faveur des entreprises conchylicoles, par exemple, qui sont fragiles, sans parler du secteur touristique qui subit directement les conséquences de ce genre de catastrophes. Au-delà de l'augmentation des moyens d'indemnisation que constitue la mise en place d'un troisième niveau, il convient donc de revoir également les modalités d'intervention.

Enfin, le protocole laisse entière la question de la pollution par les marchandises nocives et potentiellement dangereuses, qui posent des problèmes spécifiques tant que l'identification des cargaisons soumises à contribution, car réputées dangereuses, ne sera pas facilitée - une condition pourtant essentielle, qui justifie la recherche de modalités permettant de surmonter les difficultés actuelles et d'aboutir à une ratification générale et à la définition d'un niveau d'indemnisation suffisant.

Alors, certes, le protocole améliore la situation actuelle. Mais vous dressez vous-même, monsieur le rapporteur, la liste des insuffisances qui demeurent, en particulier le risque de voir augmenter l'irresponsabilité des propriétaires de navire.

Le contexte dans lequel nous nous trouvons, celui d'une politique européenne dont on peut redouter le libéralisme croissant, ainsi que la perspective, non contredite, de l'instauration en France du registre international, dont je ne pense pas le plus grand bien, laisse craindre que ce protocole, loin d'être le prélude à une relance des discussions destinée à élaborer des dispositifs plus efficaces, ne constitue qu'un point d'arrivée.

Ainsi, douze ans après les accords de 1992, le dispositif portant sur la responsabilité civile des propriétaires de navires n'a toujours pas évolué, et se trouve même, de fait, confirmé par ce nouveau texte.

De même, le protocole n'affirme toujours pas le principe de la couverture illimitée des dommages.

Dans l'attente du résultat des discussions sur la refonte globale du système qui, répétez-vous, sont engagées au sein des instances internationales, nous nous abstiendrons sur ce texte, en appelant toutes les personnes concernées par ces questions à poursuivre, à tous les niveaux, les actions et les pressions nécessaires pour obtenir une pleine et totale responsabilité des acteurs ainsi que des règles à même de rendre plus fiable le secteur du transport maritime.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les victimes de la pollution consécutive au naufrage du Prestige ne seront indemnisées qu'à hauteur de 15 %.

Ce chiffre presque dérisoire dissuade de présenter des dossiers d'indemnisation particulièrement complexes, d'autant que, pour reprendre une formule pertinente du rapport, « les critères de recevabilité et la procédure d'examen des demandes ne sont pas suffisamment transparents ».

C'est évidemment une bonne nouvelle que le fonds d'indemnisation soit porté par la présente convention de 250 millions à 900 millions d'euros. Mais le nouveau plafond ne s'appliquera qu'aux sinistres survenus après le 1er novembre 2003. Les victimes du Prestige sont donc délibérément exclues de l'accès à ce nouveau fonds d'indemnisation, du moins selon la lecture qui s'est imposée et qui a été acceptée par les autorités françaises.

Or, s'agissant des conséquences du naufrage du Prestige, la pollution est continue, et le dommage est donc persistant. Même après le 1er novembre 2003, des galettes de fioul sont venues épisodiquement polluer le littoral des Landes et de toute l'Aquitaine. La question de la prise en compte de ces dégâts postérieurs au 1er novembre 2003 n'est cependant pas abordée dans le rapport. Elle a pourtant été expressément posée au Premier ministre dans une lettre du président du conseil général des Landes. Pouvons-nous connaître aujourd'hui l'interprétation du Gouvernement sur ce sujet ?

Les victimes du Prestige ne seront pas traitées de la même façon en Espagne et en France. En effet, le gouvernement espagnol a décidé, le 20 juin 2003, d'indemniser directement toutes les victimes du pays, puis de porter une réclamation globale devant le FIPOL. Il reste pour nous incompréhensible que le gouvernement français n'ait pas agi de la même manière. Certes, il s'est engagé à reverser aux victimes françaises la part de l'indemnisation qu'il obtiendra pour ses propres frais. Mais cette procédure, outre qu'elle est inutilement complexe, laissera surtout la majeure partie des dommages à la charge des victimes. Il est encore temps pour lui de fournir le même effort que le gouvernement espagnol.

Le rapport souligne, à juste titre, que l'indemnisation n'est pas une fin en soi, et que la lutte pour l'amélioration de la sécurité maritime reste un objectif prioritaire. Les victimes du Prestige veulent, aujourd'hui encore, connaître les circonstances exactes du naufrage. Il est de ce point de vue regrettable que des députés européens, issus notamment de l'UMP, se soient opposés à deux reprises, le 19 décembre 2002 et en janvier 2003, à la création d'une commission d'enquête européenne. Les victimes ont le droit de connaître la vérité, notamment en ce qui concerne la gestion de la crise par le gouvernement espagnol et le niveau d'information des autorités françaises.

Les particuliers, les entreprises, les collectivités locales victimes du Prestige continuent, aujourd'hui encore, à subir les conséquences de cette catastrophe écologique. Ils seront, certes, très heureux d'apprendre que le plafond du FIPOL est désormais porté à 900 millions d'euros, et que d'éventuelles futures victimes seront mieux traitées qu'eux. Mais ils espèrent surtout qu'au rendez-vous de cette bonne nouvelle, le Gouvernement répondra enfin présent en s'engageant, comme le gouvernement espagnol, à les indemniser directement et totalement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La discussion générale est close.

J'appelle maintenant l'article unique du projet de loi.

Article unique

M. le président. Avant de mettre aux voix l'article unique du projet de loi, je vais donner la parole à M. Guy Lengagne, pour une explication de vote au nom du groupe socialiste.

EXPLICATION DE VOTE

M. le président. Monsieur Lengagne, vous avez la parole.

M. Guy Lengagne. Madame la ministre, je précise, au nom du groupe socialiste, que nous allons voter ce texte, tout en rappelant, comme notre collègue Alain Vidalies vient de le faire, que les sommes en jeu sont largement insuffisantes.

Je tiens à profiter de la présence de notre ministre déléguée aux affaires européennes. En effet, la réglementation internationale est très insuffisante. Certes, on affirme - et c'est vrai dans une certaine mesure - qu'elle dépend de l'OMI. Mais, sans détailler le fonctionnement de cette organisation, je rappellerai qu'il est extrêmement difficile de faire évoluer la réglementation dans ce cadre. Il faut des années pour y parvenir, sachant la façon dont se prennent les décisions et quels sont les partenaires les plus influents - ce sont souvent les nations qui disposent de grandes flottes de commerce, voire qui accordent des pavillons de complaisance.

C'est pourquoi la commissaire Loyola de Palacio a courageusement lancé un projet de directive destinée à court-circuiter l'OMI et à imposer au niveau européen des réglementations susceptibles d'être adoptées au niveau de l'organisation mondiale. La Commission a toutefois engagé un débat quasi ésotérique autour du choix entre une directive et une décision cadre.

Il s'agissait de proposer des sanctions pénales. Comme à chaque fois que l'on touche au troisième pilier, on a donc renvoyé les propositions de la commissaire, dont certaines sont extrêmement intéressantes, à une décision cadre, c'est-à-dire une règle qui, hélas, n'a que peu d'influence : contrairement aux directives, l'application d'une décision cadre n'est en effet pas obligatoire. Et si je m'adresse à vous, madame la ministre, c'est parce que je ne suis pas sûr que la France ait poussé dans le sens souhaité par Mme de Palacio. Celle-ci rappelait d'ailleurs que si l'on avait suivi les orientations de la Commission, l'accident du Prestige n'aurait probablement pas eu lieu.

Au moment où le groupe socialiste s'apprête à voter le protocole du 16 mai 2003, je tiens donc à rappeler que nous sommes loin de disposer d'une solution définitive. Au contraire : l'éventualité d'une forte indemnisation pourrait encourager le monde de la mer à l'irresponsabilité. Ce n'est qu'en reprenant les propositions de la Commission que nous pourrons forcer l'OMI à bouger et faire avancer les choses.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Vous connaissez la sensibilité du Gouvernement aux différents aspects de ce dossier - non seulement la question de l'indemnisation, qui nous réunit aujourd'hui, mais aussi tous les éléments complémentaires susceptibles d'assurer une meilleure sécurité maritime.

La Commission européenne a en effet déposé en mars 2003 une proposition de directive relative à la prévention des pollutions causées par les navires. Parallèlement à cette initiative, une proposition de décision cadre vise à traiter les aspects du problème qui relèvent du troisième pilier.

La situation, il est vrai, est complexe. Aucune position commune n'a pu être dégagée jusqu'à présent par les Etats membres. La France prend une part active dans ces négociations. Même si je ne peux vous donner de date précise, nous essayons d'aller plus loin vers l'aboutissement de ces deux textes, qui sont encore au stade de l'étude en groupes de travail.

En ce qui concerne l'indemnisation, je rappelle que Roselyne Bachelot avait, ici même, en octobre 2003, pris, au nom du Gouvernement, l'engagement de compenser 85 % du coût des dommages causés aux victimes privées, le reste ayant été pris en charge par le FIPOL. L'indemnisation était ainsi rendue complète, même s'il est vrai que la procédure demeure lourde, en dépit de tentatives de simplification. Sa réforme n'a pas été possible immédiatement, bien que le problème ait été posé plusieurs fois au sein du comité exécutif du FIPOL. Certaines modifications du manuel de procédure ont toutefois pu être mises en place, permettant la réduction des délais de contre-expertise, qui étaient à l'origine des retards. Depuis le naufrage du Prestige, il a ainsi été convenu que l'expert des victimes serait agréé par celui du FIPOL. En tout état de cause, au sein du fonds international comme de l'Union européenne, la France agit en vue d'améliorer les procédures.

Quant au problème des navires à simple ou double coque, il me semble qu'il a déjà été largement traité. Le Gouvernement se mobilise en faveur de la meilleure protection possible.

Enfin, s'agissant des produits chimiques, la convention de 1996 présente de grandes difficultés d'application. Une réunion interministérielle tenue juste après l'accident du chimiquier Ievoli sun, en octobre 2000, avait chargé le secrétariat d'Etat au transport et à la mer de les étudier. Le travail est en cours, il est suivi de façon régulière, mais nous avons besoin de négocier un texte plus opérationnel au sein de l'Organisation maritime internationale, ce qui demande beaucoup de temps.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Hervé de Charette, rapporteur. Cette affaire est très importante. Tous les parlementaires, quel que soit le groupe auquel ils appartiennent, disent la même chose, car nous subissons tous les conséquences de ces graves événements qui se produisent malheureusement de façon régulière. Nous sommes presque sûrs que de nouveaux drames interviendront dans les années qui viennent. Il est donc légitime de s'en préoccuper. La France est particulièrement concernée. Du fait de sa situation géographique dans l'espace européen, elle se trouve en effet, hélas ! au premier rang des victimes de ces événements.

Nous vous avons écoutée avec beaucoup d'intérêt, madame la ministre. Nous comprenons que le processus soit long et compliqué, mais nous connaissons les forces qui s'opposent à l'indemnisation des victimes : les grandes entreprises productrices de pétrole ou les transporteurs, sans parler des multiples intervenants dont l'objectif est précisément d'échapper à la justice internationale et à leurs responsabilités. Il faut donc que l'autorité publique française fasse preuve de beaucoup d'énergie, de volonté, et ne manifeste aucune faiblesse, quel que soit le poids de ces intervenants.

Par ailleurs, je sais combien il est difficile, sur de tels sujets, de faire travailler ensemble l'administration du ministère des affaires étrangères et celle du ministère de l'environnement, mais nous sommes là pour faire pression sur vous, madame la ministre, afin que vos services prennent conscience de la gravité de ces événements. Ainsi, nous ne pourrons pas dire que nous aurons été pris au dépourvu !

A la modeste place qui est la mienne, j'apprécierais que le Gouvernement rende compte dans quelques mois, d'ici à la fin de l'année ou au début de l'année prochaine, devant la commission des affaires étrangères, de l'avancée des négociations sur les questions, toutes très importantes, que nous avons évoquées aujourd'hui et sur lesquelles nous n'avons pas vraiment de différences d'appréciation dans cette assemblée. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

VOTE SUR L'ARTICLE UNIQUE

M. le président. Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(L'article unique du projet de loi est adopté.)

M. le président. Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

    6

ACCORD RELATIF À LA STATION SPATIALE INTERNATIONALE CIVILE

Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement du Canada, les Gouvernements d'Etats membres de l'Agence spatiale européenne, le Gouvernement du Japon, le Gouvernement de la Fédération de Russie et le Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique sur la coopération relative à la station spatiale internationale civile (ensemble une annexe) (nos 557, 1368).

Je rappelle que ce texte fait l'objet d'une procédure d'examen simplifiée dans les conditions prévues à l'article 106 du règlement.

La parole est à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.

Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le rapporteur de la commission des affaires étrangères, mesdames, messieurs les députés, la convention internationale sur la station spatiale internationale civile est un texte qui m'est cher et que je connais bien pour être la seule, dans cet hémicycle, à avoir séjourné quelque temps à bord de cette station spatiale en 2001. (Sourires.)

M. le président. Nous vous saluons, madame la ministre !

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. L'accord entre le Canada, les Etats membres de l'Agence spatiale européenne, le Japon, la Russie et les Etats-Unis d'Amérique sur la coopération relative à la station spatiale internationale civile a été signé le 29 janvier 1998 à Washington.

La signature de cet accord par la France traduit la volonté de notre pays de s'associer au plus important programme spatial de vol habité jamais entrepris : la construction, d'ici à 2005, d'un immense complexe orbital dont on sait aujourd'hui les difficultés d'assemblage, liées à des accidents techniques qui ont conduit à des drames et à la perte d'êtres chers.

Un premier accord, signé en 1988, prévoyait un ambitieux programme pour la coopération en matière de conception détaillée, de développement, d'exploitation et d'utilisation d'une station spatiale civile internationale habitée en permanence. Mais de nombreux changements sont intervenus depuis et il a fallu revoir cet accord.

La chute de l'Union soviétique, la fin de la rivalité Est-Ouest en matière spatiale, l'implication de certains pays comme la France et surtout de l'Europe dans son aspect intergouvernemental - avec l'Agence spatiale européenne - ont en effet imposé une renégociation en 1994.

Le nouvel accord, signé en 1998, a permis de mettre en perspective des actions jusqu'en 2004. Nous devons jouer notre rôle dans l'évolution d'un programme spatial relevant d'une conception différente de celle qui prévalait à l'origine.

Un module scientifique doit permettre de réaliser des expériences dans le domaine de la microgravité, des sciences explorables en orbite seulement, et non au sol en raison de la force de gravité. Des expérimentations sont aussi liées à la situation toute particulière que constitue l'exploration de l'espace extra-véhiculaire.

La participation européenne comprendra deux éléments essentiels : le module Colombus, qui n'est pas encore à bord de la station, et un cargo permettant de transporter du fret et du matériel, l'ATV - véhicule de transport automatique -, qui devrait être lancé en 2005 et qui sera le seul moyen d'approvisionner cette station spatiale internationale, en complément de l'apport effectué par nos partenaires russes.

Au-delà de ce que représente, pour l'Europe, la possibilité de participer à des conquêtes, des explorations, il est important de ratifier cet accord, car cela nous permettra de faire entendre notre voix dans le débat. Après avoir été l'un des enjeux majeurs du XXe siècle, l'exploration spatiale reste un élément important, d'autant plus que les Etats-Unis ont des projets ambitieux et que des puissances étrangères émergentes se positionnent dans ce domaine.

L'Europe doit être présente à la table de la réflexion, de la négociation et des avancées s'agissant de cette station spatiale internationale. Quant à la France, elle a un rôle particulier à jouer étant donné la place qu'elle a jusqu'à présent occupée dans le développement de projets spatiaux ambitieux, qu'ils soient habités ou automatiques, donc industriels, au service de tous les citoyens.

Telles sont, mesdames, messieurs les députés, les principales observations qu'appelle l'accord sur la coopération relative à la station spatiale internationale civile, qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à votre approbation. Celui-ci nous permettra d'aller plus loin dans la réflexion et la concertation avec l'ensemble de nos partenaires.

M. le président. La parole est à M. Jacques Remiller, rapporteur de la commission des affaires étrangères.

M. Jacques Remiller, rapporteur de la commission des affaires étrangères. Comme vous l'avez rappelé, madame la ministre, c'est un sujet que vous connaissez bien.

La station spatiale est l'un des programmes scientifiques et technologiques majeurs du siècle dernier et aussi, vous l'avez dit, de ce début de siècle. Il revêt, de plus, une dimension politique et de coopération internationale importante.

Le programme consiste en un laboratoire multidisciplinaire de longue durée, habité de façon permanente par des équipages successifs d'astronautes qui travaillent à bord pendant des périodes de trois à six mois.

La coopération internationale destinée à mettre en œuvre le programme a été fondée par un premier accord en 1988, signé entre douze pays. Il a été suivi d'un deuxième accord, le 29 janvier 1998, afin de traduire juridiquement l'entrée de la Russie dans la coopération, qui avait eu lieu en 1993.

Le présent projet de loi porte sur ce deuxième accord intergouvernemental, qui a été signé par les Etats-Unis, la Russie, le Canada, le Japon et onze pays européens collectivement appelés le partenaire européen. L'accord est entré en vigueur le 27 mars 2001 après sa ratification par le Japon, les Etats-Unis, la Russie et le Canada. L'Europe n'a pas ratifié l'accord à l'époque, mais dès la signature du traité, tous les partenaires ont commencé à remplir leurs obligations.

Je rappelle brièvement que le projet de station spatiale habitée en orbite et de véhicules réutilisables a été conçu aux Etats-Unis vers la fin des années soixante-dix, après les missions Apollo.

Parallèlement, les Russes ont entrepris des vols de longue durée à bord d'une station en orbite basse habitée de façon permanente, Salyut puis MIR.

Puis, en 1984, la NASA a défini le concept de la Station spatiale internationale. Dès 1985, l'Agence spatiale européenne et ses Etats membres ont accepté l'invitation du président Reagan à participer à la construction et à l'utilisation de la station.

Le premier élément de la station spatiale a été mis en orbite en 1998, lancé à partir de Baïkonour, puis ont été adjoints d'autres éléments, jusqu'à l'arrivée de la première équipe de cosmonautes le 2 novembre 2000.

La France a procédé à six vols d'astronautes. C'est ainsi que MM. Baudry, Clervoix, Chrétien, Tognini, Perrin et que Mme Claudie Haigneré - je vous ai gardée pour la fin, madame la ministre ! - ont rejoint la station.

Chacun sait que le programme SSI a connu deux drames : celui de la navette Challenger, en 1986, et l'accident de Columbia, le 1er février 2003. C'est à la suite de ce dernier accident que la NASA a décidé d'interrompre les vols de navettes, qui ne devraient reprendre qu'en 2005. D'un côté, la NASA tente d'apporter des modifications à la flotte de navettes pour la reprise des vols, mais, d'un autre côté, l'échec de 2003 et les coûts très élevés du programme suscitent un débat aux Etats-Unis sur la politique d'exploration spatiale humaine. Un comité indépendant a d'ailleurs été constitué pour proposer de nouvelles orientations. Nous y reviendrons.

A travers sa participation à l'exploitation de la station, l'Europe poursuit plusieurs objectifs.

II s'agit, d'abord, d'améliorer la compétitivité de l'industrie européenne par la maîtrise de technologies exigeantes, en particulier à travers le processus de production du laboratoire Colombus.

Il s'agit, ensuite, de maîtriser la conduite opérationnelle d'un avant-poste complexe dans l'espace, comprenant les transports aller et retour, et de démontrer son savoir-faire avec le véhicule de transport automatique, l'ATV.

Enfin, le programme contribue à des projets pédagogiques et à la promotion d'applications et de services spatiaux industriels et commerciaux.

Quelle est la contribution européenne et française à ce programme ?

En premier lieu, l'Europe doit fournir le laboratoire pressurisé Columbus, raccordé en permanence à la station spatiale. Celui-ci est développé sous maîtrise d'œuvre allemande chez EADS-ST. Le financement prévu pour son développement est de l'ordre de 1,2 milliard d'euros. Columbus ne pourrait être lancé qu'à partir de 2007.

L'Europe doit également apporter des conteneurs logistiques pressurisés assurant le soutien opérationnel et l'approvisionnement en orbite. Ils sont développés sous maîtrise d'œuvre d'Alenia et leur financement s'élève à environ 300 millions d'euros.

Elle doit enfin livrer les véhicules de transfert orbital ATV - automated transfer vehicule. Le premier véhicule a été développé par EADS-LV aux Mureaux. Les autres seront produits par EADS à Brême. Le coût en sera de 930 millions d'euros.

Il arrive aux responsables politiques, comme d'ailleurs aux scientifiques eux-mêmes, d'être partagés sur la priorité que l'on doit accorder aux vols habités dans l'espace. Néanmoins, tous admettent que le programme que nous évoquons aujourd'hui permet aux principales agences spatiales mondiales, dont l'Agence spatiale européenne et le CNES, de travailler ensemble et d'envisager des missions futures d'exploration du système solaire, lesquelles ne peuvent avoir lieu que dans le cadre de tels programmes internationaux.

Le coût général de la station est difficile à évaluer car chaque partenaire apporte sa contribution en nature. Depuis 1985, le Congrès américain a déjà attribué 32 milliards de dollars au programme. La part européenne est d'environ 6 milliards d'euros. Le montant des contributions japonaise, canadienne et russe n'est pas connu. Le partenaire européen contribue pour 8,3 % à la totalité des ressources mises à disposition du programme, hors la contribution de la Russie.

La France participe au programme par le biais de l'Agence spatiale européenne. Entre 2000 et 2004, son engagement global pour le développement de la station s'élève à près d'un milliard d'euros. Notre pays devait aussi participer au programme de véhicule de retour d'équipage, le CRV - crew rescue vehicle. Mais, pour le moment, ce programme a été suspendu par la NASA, de façon unilatérale, ce que nous pouvons regretter, il faut bien le dire. Son coût a donc été déduit du total.

Tels sont les coûts de développement.

Les coûts d'exploitation, quant à eux, n'interviendront qu'à partir du lancement du laboratoire Colombus, soit, au plus tôt, en 2007. Ils sont actuellement évalués à 80 millions d'euros par an. Le coût total du programme s'élèverait donc à environ 1,7 milliard d'euros si le laboratoire Colombus fonctionnait pendant dix ans. Notre engagement global représente une participation de 25,6 % de l'engagement européen sur le programme de vols habités.

Les appels à contribution s'effectuent dans le cadre des budgets annuels de l'Agence spatiale européenne. Notre contribution est de 685 millions d'euros pour 2004, ce qui représente la moitié de la subvention du CNES, qui s'élève, je le rappelle, à 1,3 milliard d'euros.

Le gouvernement en fonction au moment de la signature avait souhaité, avant d'engager la procédure d'approbation, recevoir l'assurance que les coûts prévus ne seraient pas dépassés. On constate, cinq années plus tard, que les coûts prévus en 1995, malgré de légers dépassements, sont pour le moment maîtrisés.

Aussi la ratification doit-elle être effectuée. La France est le dernier pays à y procéder, les onze autres partenaires européens ayant déjà ratifié l'accord.

Mais les incertitudes viennent aujourd'hui des Etats-Unis. Le Président Bush a annoncé le 14 janvier un nouveau programme de vols habités vers la lune, afin de disposer d'une base pour envoyer des engins spatiaux sur Mars. La NASA teste actuellement les réactions des partenaires européens à cette annonce. Toutefois, l'accord du Congrès sur ce programme, évalué à 12 milliards de dollars sur les cinq premières années, est loin d'être acquis.

Quelles seront les suites données au programme de la SSI du côté américain ? Les engagements pris doivent en principe conduire le programme jusqu'à son terme, en 2015. Les navettes américaines s'arrêteront en 2010, mais les Soyouz et Progress doivent continuer jusqu'en 2015, et le futur cargo automatique européen ATV effectuera son premier vol début 2005. L'expérience et le rôle de l'Europe spatiale se renforceront donc dans les prochaines années.

L'attitude américaine semble marquer aujourd'hui un recul : les échecs et les coûts financiers pousseraient la NASA à réduire les ambitions du programme, voire à réajuster les objectifs et les modalités d'utilisation. Cette attitude contradictoire - annonce de vols habités pour l'exploration de Mars, d'un côté, hésitations sur l'avenir de la SSI, de l'autre - jette un doute sur l'avenir des vaisseaux habités. Mais, madame la ministre, vous allez sûrement nous éclairer dans quelques instants sur la position américaine.

Par ailleurs, la recherche sur les sondes et la robotique spatiale progresse rapidement aux Etats-Unis. L'Europe a-t-elle développé des programmes dans ces domaines beaucoup moins coûteux que les vols habités ? Le CNES y participe-t-il ? Dans le contexte créé aujourd'hui par l'incertitude sur les buts américains et les restrictions budgétaires, l'Europe doit, à mon sens, relancer sa réflexion quant à l'avenir et à l'évolution à moyen et à long terme de son programme spatial.

Mais, dans l'immédiat, la commission des affaires étrangères a émis, dans sa majorité, un avis favorable au présent projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. J'appelle maintenant l'article unique du projet de loi.

Article unique

M. le président. Avant de mettre aux voix l'article unique du projet de loi, je vais donner la parole à Mme la ministre, qui souhaite intervenir.

Vous avez la parole, madame la ministre .

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Comme toujours, j'aimerais répondre longuement, mais je sais que ce n'est guère ni lieu ni le moment.

Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué tout à l'heure la contribution française au budget de l'Agence spatiale européenne. Le chiffre de 680 millions d'euros que vous avez cité concerne en fait l'ensemble des activités menées par la France dans le cadre de l'Agence et ne représente donc pas la contribution relative aux vols habités, dont nous parlons aujourd'hui.

L'engagement de la France pour un programme comme celui d'Ariane 5, dont elle est un moteur, est non seulement de nature technique et industrielle, mais il recouvre un enjeu stratégique fondamental pour l'Europe.

La ratification du texte par la France, qui intervient aujourd'hui, est la condition pour l'entrée en vigueur de l'accord, aux termes de dispositions internes à l'Agence spatiale européenne. Vous avez rappelé que nous étions engagés ensemble dans cette action et qu'une réserve budgétaire avait été prévue dans le débat, par moments très vif, sur l'arbitrage entre le vol habité et d'autres activités. Actuellement, nous ne disposons d'aucune réponse définitive sur ce que peut être le devenir de la station spatiale internationale et des vols d'exploration plus lointaine. Des propositions ont été faites par les Etats-Unis. L'Europe, et plus particulièrement la France, souhaitent conserver leur capacité à mener la réflexion et à participer aux négociations avec un projet propre. Notre pays entend être un véritable partenaire dans l'élaboration des programmes et non être convié à une participation accessoire.

Vous avez insisté sur la coopération internationale, qui est un des éléments importants de ce type d'activités. Il faut reconnaître qu'il est peu de grands projets auxquels nous soyons réellement associés avec des partenaires internationaux. Or, au-delà de leur but d'exploration et de conquête communes, de tels partenariats ont une véritable valeur stratégique et, vous le savez, nous souhaitons qu'ils soient multilatéraux. C'est à nos yeux un élément important. Les programmes sont donc passés en revue dans tous les pays participants et notamment, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, dans les nouveaux pays arrivants. Il importe, dans ce domaine, de tenir son rang.

VOTE SUR L'ARTICLE UNIQUE

M. le président. Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(L'article unique du projet de loi est adopté.)

M. le président. Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures dix, est reprise à dix-huit heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

    7

CONVENTION CIVILE SUR LA CORRUPTION CONVENTION PÉNALE SUR LA CORRUPTION

Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, de deux projets de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion :

- du projet de loi autorisant la ratification de la convention civile sur la corruption (nos 958, 1424) ;

- du projet de loi autorisant la ratification de la convention pénale sur la corruption (nos 959, 1424).

La conférence des présidents a décidé que ces deux textes donneraient lieu à une discussion générale commune.

Je rappelle que ces textes font l'objet d'une procédure d'examen simplifiée, dans les conditions prévues à l'article 106 du règlement.

La parole est à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.

Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, le Gouvernement souhaite procéder à la ratification de deux conventions, pénale et civile, sur la corruption, adoptées à Strasbourg le 27 janvier et le 4 novembre 1999.

Les années quatre-vingt-dix ont été marquées par une prise de conscience, par les opinions publiques et les dirigeants, de l'impérieuse nécessité de renforcer les instruments juridiques de lutte contre le fléau de la corruption, dont la diffusion met en danger la stabilité des institutions démocratiques, les fondations morales de la société et l'économie de marché.

Plusieurs conventions internationales destinées à lutter contre la corruption ont ainsi été conclues. Il convient de citer notamment la convention du 26 mai 1997 relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou des Etats membres de l'Union européenne et la convention de l'OCDE du 17 décembre 1997 sur la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales, qui est le pendant international de la convention européenne.

C'est dans ce contexte que les ministres européens de la justice jetèrent, à La Valette, en 1994, les bases d'un programme d'action contre la corruption à l'échelle du Conseil de l'Europe. Ils recommandèrent la création d'un groupe multidisciplinaire sur la corruption, chargé, d'une part, d'examiner les mesures qui pouvaient être mises en œuvre pour lutter efficacement contre ce fléau et, d'autre part, d'élaborer les deux conventions dont la ratification est aujourd'hui soumise à votre approbation.

La convention pénale sur la corruption innove par son large champ d'application et par une approche globale du phénomène de la corruption, ce qui la différencie des instruments internationaux précédemment cités. Cette convention a principalement pour objet de développer des normes communes en matière de corruption et de mettre à la charge des Etats signataires l'obligation d'adopter des incriminations qui couvrent les divers aspects que peut revêtir la corruption. La convention permet, dans ce domaine, de progresser dans la voie du rapprochement des législations pénales en étendant les infractions de corruption active et passive à de nombreuses catégories professionnelles, ainsi qu'au secteur privé, et en incriminant le trafic d'influence, le blanchiment du produit des délits de la corruption et les infractions comptables.

En ce qui concerne la France, la ratification de la convention pénale entraînera une adaptation du droit interne - un projet de loi est actuellement en cours de préparation au sein des services de la chancellerie. En effet, la convention fait obligation d'incriminer des comportements non prévus par notre législation, tels que la corruption active et passive d'agents publics étrangers, de membres d'assemblées publiques étrangères, de fonctionnaires internationaux, de membres d'assemblées parlementaires internationales, de juges et d'agents de cours internationales, mais aussi la corruption active et passive dans le secteur privé.

Enfin, dans le but de favoriser l'efficacité de la lutte contre la corruption, la convention pénale offre aux Etats signataires une base juridique qui leur permet de coopérer, même en l'absence d'accords internationaux.

La convention pénale est entrée en vigueur le 1er juillet 2002. Vingt-neuf Etats en sont parties et quarante-six Etats, dont les Etats-Unis d'Amérique, en sont signataires.

Quant à la convention civile contre la corruption, il convient de souligner qu'il s'agit du premier texte international visant à lutter contre la corruption par l'utilisation des moyens du droit civil. Cette convention permet aux personnes, physiques ou morales, qui ont subi un dommage résultant d'un acte de corruption de défendre leurs droits et intérêts, voire d'obtenir des dommages-intérêts.

Parmi ses principales dispositions, la convention civile précise que les préjudices susceptibles d'indemnisation sont de trois ordres : les préjudices patrimoniaux, qui représentent la dégradation effective de la situation économique de la personne lésée ; le manque à gagner, qui représente le bénéfice qu'elle aurait pu raisonnablement obtenir mais qu'elle n'a pas obtenu du fait de l'acte de corruption et, enfin, les préjudices non patrimoniaux, telle l'atteinte à la réputation d'un concurrent.

La convention exige des parties qu'elles prévoient des procédures appropriées pour permettre aux victimes de demander réparation à l'Etat dans des conditions procédurales efficaces et des délais raisonnables, lorsque l'acte de corruption est commis par un agent public.

Enfin, l'acte de corruption ayant été constaté, la convention civile pose le principe de la nullité de tout contrat ou de toute clause d'un contrat dont l'objet est un acte de corruption, ce qui correspond à la sanction usuelle des obligations à objet illicite.

Notre droit interne dispose de tous les moyens dont la convention civile recommande la mise en œuvre, mais le texte présente l'intérêt d'offrir la possibilité d'utiliser, pour la lutte contre la corruption, ces règles de droit civil qui peuvent relayer très utilement l'action pénale, notamment en termes de dissuasion, compte tenu de la sanction pécuniaire de fait que constitue le paiement de dommages-intérêts.

La convention civile, signée par trente-huit Etats et ratifiée par vingt Etats, est entrée en vigueur le 1er novembre 2003.

Afin que les dispositions des deux conventions soient effectivement appliquées par les Etats, un groupe d'Etats contre la corruption - le GRECO - a été constitué. Sa mission est de veiller au respect des engagements des parties dans le cadre de visites d'évaluation à l'issue desquelles des recommandations sont adressées aux Etats membres, afin de les inciter à améliorer leur législation en matière de lutte contre la corruption.

La ratification de ces deux conventions illustrera la volonté qu'a la France de lutter fermement contre la corruption, comme elle l'a récemment exprimé en signant, le 11 décembre 2003, à Merida, la convention des Nations unies sur la corruption.

Telles sont, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, les principales observations qu'appellent les conventions civile et pénale du Conseil de l'Europe sur la corruption qui font l'objet des projets de loi aujourd'hui soumis à votre approbation.

M. le président. La parole est à M. Bernard Schreiner, suppléant M. Marc Reymann, rapporteur de la commission des affaires étrangères.

M. Bernard Schreiner, suppléant M. Marc Reymann, rapporteur de la commission des affaires étrangères. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le début des années quatre-vingt-dix a été marqué par l'irruption du phénomène de la corruption sur la scène médiatique. Dès 1994, conscients des dangers du développement d'un tel fléau pour les économies et les systèmes démocratiques, les ministres de la justice du Conseil de l'Europe consacraient leur dix-neuvième conférence à l'examen des aspects administratifs, civils et pénaux de la lutte contre la corruption en vue d'élaborer des instruments internationaux. Les travaux se poursuivirent jusqu'en 1999 et la France signa, le 9 janvier 1999, la convention pénale sur la corruption et, le 26 novembre 1999, la convention civile sur la corruption.

Après les quatorze ratifications nécessaires, la convention pénale est entrée en vigueur le 1er juillet 2002. Trente-neuf Etats membres du Conseil de l'Europe et quatre non-membres, dont les Etats-Unis, l'ont d'ores et déjà ratifiée. Plus récemment, le 1er novembre 2003, la convention civile est entrée en vigueur grâce aux quatorze ratifications nécessaires. A ce jour, elle a été ratifiée par dix-sept Etats.

La négociation s'est déroulée dans plusieurs instances du Conseil de l'Europe chargées d'élaborer les textes. La lutte contre la corruption devait avoir un caractère multidisciplinaire et passer par un renforcement de la coopération internationale.

La France a joué un rôle actif pendant la négociation de ces instruments. L'avant-projet de convention sur la corruption intéressant le droit pénal a été rédigé en janvier 1996 par le secrétariat du Conseil de l'Europe. La France s'est efforcée, tout au long des négociations, de rechercher l'adhésion du plus grand nombre d'Etats possible et a demandé que l'entrée en vigueur de la convention soit subordonnée au nombre le plus élevé possible de ratifications. Notre pays s'est d'ailleurs opposé à l'extension des possibilités de réserve, qui risquaient d'affaiblir considérablement la portée contraignante de la convention pénale en introduisant une profonde disparité dans les obligations des Etats parties. De même, la France, qui a présidé le groupe de travail sur le droit civil à partir de février 1998, a joué un rôle très actif dans les négociations de la convention civile, en veillant à ce que soit proposée une définition précise des termes d'auteur, de victime, de corruption, de perte de chance et de dommages-intérêts.

Néanmoins, il est regrettable que la procédure menant au dépôt du projet de loi de ratification ait été longue, même s'il fallait connaître les réserves sur la convention pénale déposée par les autres Etats parties, réserves au demeurant nombreuses.

Il reste que la convention pénale sur la corruption est ambitieuse. Elle vise à incriminer de manière coordonnée un large éventail de conduites de corruption et à améliorer la coopération internationale pour accélérer ou permettre la poursuite des corrupteurs et des corrompus. Elle reflète une approche globale du phénomène, ce qui la différencie des autres instruments internationaux de lutte contre ce fléau qui comportent des incriminations plus ciblées et limitées.

Le champ d'application de la convention pénale est vaste, ce qui permet de progresser dans la voie du rapprochement des législations pénales en étendant les infractions de corruption active et passive à de nombreuses catégories professionnelles et au secteur privé, pour éviter toute lacune dans la stratégie globale de lutte contre la corruption. Par ailleurs, le trafic d'influence, le blanchiment du produit des délits de corruption et les infractions comptables - fausses factures, écritures comptables - liées à la commission des infractions de corruption sont incriminés, tout comme les actes de complicité. Toutefois, le champ de la corruption active et passive est limité à l'activité commerciale. Sont ainsi délibérément exclues du champ d'application les activités à but non lucratif.

Les personnes visées sont nombreuses : agents publics nationaux et étrangers, parlementaires nationaux et étrangers, membres d'assemblées parlementaires internationales, fonctionnaires internationaux, juges nationaux, étrangers et internationaux, et agents des cours internationales.

La convention institue un suivi obligatoire des Etats, qui sont tenus d'adopter les mesures législatives nécessaires à l'établissement de leurs compétences pour connaître des infractions sanctionnées par ce texte, lequel préconise le recours à des autorités spécialisées. Elle contient des dispositions concernant les critères de compétence des Etats, la mise en place d'unités spécialisées dans la lutte contre la corruption, la protection des collaborateurs de justice, ainsi que la collecte de preuves et la confiscation des produits de la corruption.

La convention vise également à promouvoir la coopération internationale, l'entraide, l'extradition et l'information dans l'investigation et les poursuites des infractions de corruption à travers la mise en place, le 1er mai 1999, du groupe d'Etats contre la corruption, le GRECO. A ce jour, le groupement comprend trente-sept membres, dont la France. C'est un mécanisme souple et efficace dont la vocation est de suivre, par le biais d'un processus d'évaluation et de pressions mutuelles, l'application des principes de lutte contre la corruption et la mise en œuvre des instruments juridiques internationaux adoptés en application du programme d'action contre la corruption.

La législation française n'est pas conforme aux exigences de la convention pénale. Aussi la France devrait-elle, comme le prévoit l'accord, déposer trois réserves. Celles-ci ont trait à l'incrimination de la corruption passive d'agents publics étrangers et de membres d'assemblées publiques étrangères, à l'incrimination du trafic d'influence en direction d'un agent public étranger ou d'un membre d'une assemblée publique étrangère et, enfin, aux critères de compétence territoriale.

Compte tenu de ces réserves, la France devra modifier sa législation d'une part sur l'incrimination de la corruption active d'agents publics étrangers, de membres d'assemblées publiques étrangères, sur l'incrimination de la corruption active et passive de fonctionnaires internationaux, de juges et d'agents de cours internationales, de membres d'assemblées parlementaires internationales, ainsi que dans le secteur privé, et d'autre part sur l'incrimination du trafic d'influence actif et passif en vue d'exercer une influence sur la prise de décision de fonctionnaires internationaux, de membres d'assemblées parlementaires internationales, de juges et agents de cours internationales. La loi de transposition serait en cours d'élaboration à la chancellerie.

La convention civile sur la corruption, quant à elle plus conforme au droit français, constitue l'unique texte visant à l'utilisation du droit civil pour lutter contre la corruption. Elle insiste sur le caractère indu de l'avantage obtenu par ce moyen illicite, et définit pour la première fois des règles communes au niveau international dans le domaine du droit civil et de la corruption.

Les Etats contractants devront prévoir dans leur droit interne des recours efficaces en faveur des victimes d'un acte de corruption, afin de permettre à celles-ci de défendre leurs droits et intérêts et éventuellement d'obtenir des dommages-intérêts. Chaque pays est tenu d'adapter sa législation en ce sens.

La convention prévoit également un mécanisme d'engagement de la responsabilité de celui qui commet ou autorise un acte de corruption. Le demandeur à l'action doit prouver le dommage subi, le caractère délibéré de l'action du défendeur et, surtout, le lien de causalité entre l'acte de corruption et le dommage, qui doit être suffisamment caractérisé. Les Etats parties doivent prévoir les procédures permettant aux victimes de demander réparation à l'Etat quand la corruption est commise par un agent public.

En conclusion, la ratification des conventions pénale et civile du Conseil de l'Europe sur la corruption est très opportune, même si les réserves de certains Etats parties affaiblissent la portée de la première. En effet, les instruments internationaux actuellement en vigueur pour combattre la corruption se caractérisent par une approche trop parcellaire du phénomène. Les deux conventions soumises à ratification tentent d'en cerner la globalité et organisent la coopération internationale, seul moyen de lutter avec efficacité contre le fléau de la corruption. La commission des affaires étrangères a donc donné un avis favorable à l'adoption des projets de loi autorisant la ratification de ces deux conventions (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Discussion générale commune

M. le président. Dans la discussion générale commune, la parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, madame la ministre, les Etats membres du Conseil de l'Europe affirment, avec les autres Etats signataires des conventions, leur volonté de développer une coopération plus étroite contre la corruption. Belle intention en vérité, et l'on ne peut que regretter que certains Etats aient un peu tardé.

La corruption à la française existe bel et bien, avec ses traits communs et ses vices spécifiques - dont le premier, emprunté aux mafias, est de nier jusqu'à l'évidence.

Trois facteurs expliquent le développement explosif de la corruption depuis une vingtaine d'années.

Il s'agit d'abord du triomphe de l'idéologie ultralibérale et de son culte de l'argent. Force est de constater que ni les récentes déclarations de M. Sarkozy, ni les déclarations de M. Raffarin sur l'amnistie fiscale pour les capitaux expatriés - l'amnistie pour les voleurs, pour appeler les choses par leur nom - n'annoncent de rupture avec cette idéologie, bien au contraire.

Ensuite, la mondialisation des marchés et l'internationalisation des affaires ont ouvert à la criminalité financière des capacités de développement illimitées sur une terra incognita, juridiquement vierge de toute contrainte. Tout y est permis, rien n'y est sanctionné. Un collier de paradis fiscaux constamment grossi de nouvelles perles entoure la planète, offrant toute sécurité contre de très improbables poursuites, vouées à un échec programmé par la volonté des grandes puissances. L'observation du comportement des Etats-Unis à ce sujet est très instructive.

Mieux protégé et plus maniable à l'étranger que sur le territoire national, le produit de la corruption fait généralement un détour par les comptes suisses ou luxembourgeois de sociétés panaméennes ou anglo-normandes. Je pourrais citer les Antilles néerlandaises, ou encore Monaco, théâtre d'activités que la morale réprouve, si l'on en croit les articles régulièrement publiés dans les gazettes. Je pourrais également évoquer le trafic d'œuvres d'art, le recyclage de l'argent sale par ce moyen étant rendu possible par le refus du Gouvernement de faire entrer les œuvres d'art dans l'assiette de l'impôt sur la fortune.

M. Charles Cova. C'est à cause de M. Fabius !

M. Jean-Pierre Brard. Je sais, monsieur Cova, que vous connaissez bien ces trafics pour vous être intéressé, d'un point de vue purement intellectuel, à leurs mécanismes...

M. Charles Cova. Cela va sans dire ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Enfin, la privatisation accélérée des services publics a transformé le rôle de l'Etat et des collectivités locales. Naguère prestataires de services pour des usagers traités à égalité, ils attribuent désormais les marchés à des fournisseurs privés prêts à tout pour capter une part du pactole estimé à 100 milliards d'euros.

Les mesures systématiques de déréglementation ont fait sauter les contrôles préventifs et les verrous qui rendaient plus difficile la collusion des intérêts privés et publics. Ainsi, le spectre de la corruption, aujourd'hui plus que jamais, s'affirme comme la conséquence directe d'une mondialisation dictée par la loi du plus fort.

Dans un souci de réalisme et d'efficacité, nous partageons l'idée que la lutte contre la corruption passe par une approche globale, donc par un renforcement de la coopération internationale. Là encore, il y a des progrès à faire. Savez-vous, madame la ministre, que lorsque le fisc français veut contrôler une entreprise installée aux Pays-Bas, filiale d'une entreprise française, le fisc néerlandais, dans le cadre de nos rapports de coopération, va d'abord trouver le chef d'entreprise concerné, dont on se méfie un peu, pour lui demander s'il veut bien être contrôlé. Vous imaginez sa réponse. Comme vous le voyez, il y a encore des marges de progression dans ce domaine.

Les conventions civile et pénale sur la corruption sont le produit d'un travail d'harmonisation « vers le haut », susceptible de constituer une avancée en direction de l'approfondissement de l'Etat de droit en Europe, en faveur des victimes de la corruption.

Le principal apport de la convention civile consiste dans l'offre d'une nouvelle arme juridique pour lutter contre la corruption, à savoir les règles de droit civil, qui devront compléter l'action pénale, notamment en termes de dissuasion, compte tenu de l'obligation de payer des dommages-intérêts.

Poursuivant le même objectif d'adoption des règles communes, la convention pénale prévoit l'institution d'un mécanisme de suivi au sein du GRECO. A l'instar de la convention civile, la convention pénale vise un large éventail de conduites de corruption, et couvre un champ d'application très large.

Nous manifestons un attachement particulier aux dispositions des articles 7 et 8 de la convention, du fait qu'ils étendent l'incrimination de la corruption au secteur privé - le contraire aurait constitué une carence rédhibitoire pour la lutte contre la corruption - tout en limitant le champ de la corruption active et passive à l'activité commerciale.

Il reste, madame la ministre, que l'exclusion du champ d'application des activités à but non lucratif menées par des personnes ou des organisations, telles que des associations ou des organisations non gouvernementales, ne doit pas constituer une brèche dans ce dispositif.

Ainsi, pour m'être intéressé aux sectes, je suis en mesure d'affirmer que la Scientologie n'est pas atteinte par les dispositions des textes dont nous débattons, au motif que ses activités ne revêtiraient pas un caractère lucratif. C'est pourtant tout le contraire, cette secte faisant en réalité transiter les profits qu'elle réalise par la Kredietbank au Luxembourg. Je peux le dire librement dans cet hémicycle, étant couvert par l'immunité parlementaire.

M. le président. Il faudrait maintenant conclure, monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard. Le sujet que j'évoque ne vous intéresse donc pas, monsieur le président ?

M. le président. Mais si, monsieur Brard, et je vous écoute même avec beaucoup d'intérêt !

M. Jean-Pierre Brard. J'en suis heureux. Je vais donc vous indiquer, monsieur le président, les filières pour faire fructifier l'argent - pas le vôtre, mais celui des sectes.

M. le président. Je vous suis reconnaissant de cette précision ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. C'est très simple : il suffit de faire passer des fonds par un établissement tel que la Kredietbank pour qu'une activité couverte par le statut associatif échappe à la convention.

Nous avons choisi, madame la ministre, de vous faire part de notre accord global malgré notre insatisfaction sur certains points. Il convient d'y entendre un appel, adressé à vous et à vos services, à continuer de travailler pour étendre le champ d'application de ces conventions, et pour faire échec, grâce à la coopération internationale, aux voleurs en tous genres, à la corruption et à ceux qui, s'y adonnant, portent atteinte aux libertés collectives et individuelles.

Ainsi, nous ferons en sorte que ces textes ne soient pas de simples déclarations de principe, mais de véritables leviers servant à faire reculer la corruption. Et à chaque fois que la corruption recule, le lien entre l'Etat et le citoyen se raffermit.

M. le président. La parole est à M. Michel Hunault, pour le groupe UMP.

M. Michel Hunault. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'Assemblée nationale est appelée à ratifier les conventions pénale et civile contre la corruption adoptées par le Conseil de l'Europe.

Au nom du groupe UMP, je me réjouis de la ratification de ces deux conventions, qui s'inscrivent dans une longue marche...

M. Jean-Pierre Brard. Comme disait Mao !

M. Michel Hunault. ...vers l'éthique. Je rappellerai les textes votés récemment par notre assemblée. Nous avons adopté, à l'unanimité, la convention du Conseil de l'Europe de mars 1996 contre le blanchiment de l'argent et, en août 2000, nous avons voté la ratification de la convention de l'OCDE interdisant la rémunération des intermédiaires dans les marchés internationaux.

Aujourd'hui, le Parlement se dote de moyens accrus pour lutter encore plus efficacement contre la corruption. Comme vous l'avez dit tout à l'heure avec force, madame la ministre, la corruption constitue l'une des menaces les plus graves pour nos démocraties, et représente un réel danger pour la stabilité de nos institutions. Conscient de ce danger, le Conseil de l'Europe s'est attaché à élaborer des instruments internationaux. Ainsi la convention pénale entrée en vigueur le 1er juillet 2002 a-t-elle été ratifiée par trente-neuf Etats membres et quatre Etats non-membres, dont les Etats-Unis, et plus récemment, le 1er novembre 2003, la convention civile est entrée en vigueur.

La négociation de ces conventions, longue et délicate, s'est faite dans le cadre du Conseil de l'Europe qui, fort de ses quarante-cinq Etats membres représentant plus de 800 millions de citoyens, joue un rôle essentiel dans la consolidation des structures démocratiques et de la primauté du droit en Europe.

La France a joué un rôle très actif en s'efforçant de rechercher l'adhésion du plus grand nombre possible d'Etats et en s'opposant à l'extension des réserves, dont la mise en œuvre risquait de vider la convention pénale de sa signification et d'affaiblir considérablement sa portée contraignante.

De même, en ce qui concerne la convention civile, les principaux points ayant fait l'objet de débats lors des négociations portaient sur la validité et l'effet des contrats liés à la corruption, parmi lesquels il a fallu distinguer ceux qui ont pour objet le versement de commissions occultes, de ceux conclus au moyen de ces mêmes commissions.

La convention civile sur la corruption constitue l'unique texte visant à l'utilisation du droit civil pour lutter contre la corruption. Elle définit pour la première fois des règles communes au niveau international dans le domaine du droit civil et de la corruption. Elle ne soulève donc a priori aucun problème d'articulation avec les autres instruments internationaux.

La convention prévoit principalement des mécanismes d'engagement de la responsabilité de celui qui commet ou autorise un acte de corruption. Comme l'a indiqué notre rapporteur, c'est le groupement d'Etats contre la corruption - le GRECO - qui veillera au respect des engagements pris aux termes de la convention par les Etats parties.

En ratifiant la convention, les Etats s'engagent donc à transposer les principes et règles posés dans leur droit interne en tenant compte de leur situation nationale particulière.

La convention pénale, quant à elle, constitue un instrument visant à incriminer de manière coordonnée un large éventail de conduites de corruption et à améliorer la coopération internationale pour accélérer ou permettre la poursuite des corrupteurs et des corrompus. Elle reflète une approche globale du phénomène, ce qui la différencie des autres instruments internationaux de lutte contre la corruption.

La convention couvre un champ assez vaste d'incriminations et complète des instruments juridiques déjà existants. Elle permet particulièrement de progresser dans la voie du rapprochement des législations pénales en étendant les infractions de corruption active et passive à de nombreuses catégories professionnelles ainsi qu'au secteur privé - l'orateur qui m'a précédé à cette tribune vient d'ailleurs de le rappeler.

M. Jean-Pierre Brard. Vous avez de bonnes références ! (Sourires.)

M. Michel Hunault. Ces deux conventions complètent un dispositif déjà très important d'instruments internationaux réprimant la corruption. Elles traduisent la volonté grandissante de la communauté internationale en matière de lutte contre cette forme de criminalité.

En conclusion, je voudrais, au nom du groupe UMP, souligner combien il est important de veiller à l'efficacité de la mise en œuvre de ces conventions. A cet égard, j'émettrai le vœu, madame la ministre, qu'on donne des moyens accrus aux magistrats. Trop souvent, en effet, ceux-ci se heurtent au secret bancaire et aux commissions rogatoires sans lendemain à l'époque des paiements électroniques, des sociétés écrans, des paradis fiscaux et des centres off shore.

Il nous faut donc soutenir les magistrats dans la lutte contre la corruption. Certes, l'unanimité est acquise aujourd'hui sur la ratification de ces conventions, qui constituent une nouvelle étape dans la lutte contre la corruption. Mais il est de notre devoir de veiller à ce que ceux qui ont la charge de mettre en œuvre ces conventions puissent avoir réellement les moyens de le faire. Ce point est essentiel. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. Très bien !

M. le président. La discussion générale commune est close.

CONVENTION CIVILE SUR LA CORRUPTION

M. le président. J'appelle maintenant l'article unique du projet de loi autorisant la ratification de la convention civile sur la corruption.

Je le mets aux voix.

(L'article unique du projet de loi est adopté.)

M. le président. Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

CONVENTION PÉNALE SUR LA CORRUPTION

M. le président. J'appelle maintenant l'article unique du projet de loi autorisant la ratification de la convention pénale sur la corruption.

Je le mets aux voix.

(L'article unique du projet de loi est adopté.)

M. le président. Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

    8

ASSOCIATION COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE-CHILI

Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de l'accord établissant une association entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République du Chili, d'autre part (nos 1420, 1582).

Je rappelle que ce texte fait l'objet d'une procédure d'examen simplifiée, dans les conditions prévues à l'article 106 du règlement.

La parole est à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.

Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le président, mesdames, messieurs, le Chili est l'un des rares pays avec lesquels l'Union européenne a négocié un accord d'association ambitieux, incluant l'instauration d'une zone de libre-échange.

Cet accord a vocation à constituer l'élément central des relations entre l'Union européenne et le Chili dans la prochaine décennie. Il s'inscrit également dans le cadre plus large d'un partenariat stratégique entre les pays d'Amérique latine et l'Europe, afin de rééquilibrer leurs relations avec les Etats-Unis d'Amérique.

Lors du second sommet Union européenne - Amérique latine, qui s'est tenu à Madrid en mai 2002, les chefs d'Etat et de Gouvernement ont conclu à l'achèvement des négociations menées entre l'Union européenne et le Chili. En revanche, les négociations menées avec les pays du Mercosur se poursuivent actuellement.

La signature de l'accord d'association a eu lieu le 18 novembre 2002, à Bruxelles. A son entrée en vigueur, l'accord de Bruxelles se substituera à l'accord-cadre de coopération de 1996, qui régit jusqu'à présent les relations bilatérales.

L'accord d'association avec le Chili s'articule autour de trois grands volets : le dialogue politique, la coopération et la libéralisation commerciale.

En matière politique, l'établissement d'un dialogue régulier porte sur les conditions propres à garantir la paix, la stabilité, le respect des principes démocratiques et des droits de l'homme, et le développement régional. A l'instar de tous les autres accords conclus par la Communauté avec les pays tiers, le texte indique, dans son préambule et à l'article 1er, que le respect des principes démocratiques, des droits de l'homme, de l'Etat de droit et de la bonne gouvernance constitue un élément essentiel des dispositions.

Les parties conviennent également de coopérer en matière de politique étrangère et de sécurité et de lutte contre le terrorisme. Ce dialogue se déroulera principalement au niveau ministériel, dans le cadre d'un conseil d'association. Un dialogue est également établi entre le Parlement européen et le Congrès national chilien par le biais d'un comité d'association parlementaire.

En matière de coopération, de nombreux domaines sont couverts et incluent, en particulier, la modernisation de l'administration, l'économie, la recherche, la technologie, l'environnement, l'éducation, la culture, les affaires sociales, l'immigration illégale, la lutte contre la drogue et la criminalité organisée.

Une clause de réadmission stipule que le Chili accepte de réadmettre tous ses ressortissants illégalement présents sur le territoire d'un Etat membre de l'Union européenne, à la demande de ce dernier et sans autre formalité.

Les moyens financiers mis en œuvre pour renforcer ces coopérations seront d'environ 400 millions d'euros par an.

Enfin, en matière économique, l'accord est ambitieux, mais réaliste compte tenu du niveau de développement du Chili et des progrès rapides de son économie. L'objectif général est une libéralisation progressive et réciproque couvrant l'ensemble des relations commerciales entre l'Union européenne et le Chili.

La libéralisation doit s'étaler sur une période de transition de sept ans pour les produits industriels et de dix ans pour les produits agricoles en conformité avec les règles de l'OMC.

Des dispositions relatives au droit d'établissement, à la libéralisation des prestations de services et des marchés publics, aux règles de transparence et de concurrence et à la protection des droits de propriété intellectuelle sont prévues.

En particulier, un accord spécifique sur les vins et boissons spiritueuses, extrêmement novateur et avantageux pour nos producteurs, trop souvent en butte à la concurrence des vins du nouveau monde, d'Australie et d'Afrique du Sud, est prévu. En effet, cet accord assurera un strict respect des indications géographiques protégées et des pratiques œnologiques, la reconnaissance des mentions traditionnelles, ainsi qu'un meilleur accès au marché pour les deux parties. Je pense donc que c'est un succès important pour la France.

Pour notre pays, cet accord d'association contribuera à consolider et à renforcer la présence de l'Union européenne et de la France au Chili, et plus généralement dans la région du cône Sud, tant sur le plan politique que sur le plan commercial. Il encouragera, en outre, la croissance économique et favorisera le développement durable, ce dont nous savons pouvoir bénéficier dans un dialogue interactif.

Enfin, en raison de son poids politique, démographique et économique et de son rôle incontournable dans une région à la fois fragile, comme l'a montré la crise argentine, et en plein essor, le Chili est un partenaire essentiel à la réussite du « partenariat stratégique » lancé lors du sommet de Rio de Janeiro en 1999, poursuivi à Madrid en 2002, et qui devrait de nouveau connaître un renforcement lors du sommet de Guadalajara, qui se tiendra les 28 et 29 mai prochains. L'accord d'association Union européenne-Chili participe directement de la mise en œuvre de ce partenariat et renforce sa crédibilité.

Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs, les principales observations qu'appelle l'accord établissant une association entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République du Chili, d'autre part, qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à votre approbation.

M. le président. La parole est à M. Guy Lengagne, rapporteur de la commission des affaires étrangères.

M. Guy Lengagne, rapporteur de la commission des affaires étrangères. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi vise à autoriser la ratification de l'accord établissant une association entre l'Union européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République du Chili, d'autre part, signé à Bruxelles le 18 novembre 2002.

Vous me permettrez au passage de souligner, puisque vous avez insisté vous-même, madame la ministre, sur le fait que c'était un des rares pays ayant signé un accord de ce genre, que trente et une années après l'assassinat de Salvador Allende, il y a là quelque chose de réconfortant pour la démocratie.

L'union douanière européenne étant achevée, l'Europe recherche depuis longtemps à développer un réseau dense d'accords de libre-échange, l'ALE. L'Union a ainsi développé des relations commerciales avec des pays tiers géographiquement lointains mais dont le potentiel économique, l'intérêt géopolitique ou les liens historiques avec l'Europe revêtent une importance particulière.

La politique commerciale avec l'Amérique latine est devenue une priorité européenne, en réponse au projet américain de zone de libre-échange des Amériques ZLEA. Outre le présent accord, vous l'avez signalé, madame la ministre, des négociations sont en cours avec l'Argentine, le Brésil, le Paraguay et l'Uruguay dans le cadre du Mercosur.

En 1989, le Chili a tourné une page d'une longue histoire marquée par une dictature militaire qui a isolé le pays depuis le coup d'Etat meurtrier de 1973 - je viens de l'évoquer. La transition politique a été assurée par le Président Aylwin, élu à la suite d'un référendum qui, en octobre 1988, a obligé le régime militaire du général Pinochet à organiser des élections.

Depuis le rétablissement d'un régime démocratique, le Chili a entrepris de renouer des relations avec les Etats démocratiques. Avec la France, les relations ont été rétablies à partir de 1989 et la Commission générale franco-chilienne, créée en 1997, constitue une enceinte de dialogue entre nos deux pays.

Au niveau européen, c'est sur la base de l'accord-cadre de coopération signé en 1996 que l'Union européenne et le Chili ont signé en novembre 2002 le présent accord d'association.

Rappelons-le, l'Union européenne est le principal partenaire commercial du Chili, le premier marché pour ses exportations, ainsi que sa plus importante source d'investissements étrangers et de coopération internationale au développement.

L'économie chilienne est caractérisée par sa grande ouverture sur l'extérieur - les exportations représentent, suivant les années, entre 25 et 30 % du PIB - et une spécialisation de la production nationale dans des secteurs où le Chili dispose d'avantages comparatifs ou absolus - cuivre, bois-papier, saumon et produits de la mer, fruits et légumes, vins. On oublie souvent en effet qu'il n'y a pas que le saumon de l'Atlantique nord.

En moyenne, le taux de croissance annuel du PIB chilien a été de 8,3 % par an sur la période 1990-1997. Le PIB par habitant est passé de 2 340 dollars américains en 1990 à 4 160 en 2001.

Depuis la récession de 1999, l'économie chilienne n'a pas retrouvé les taux de croissance spectaculaires du début des années quatre-vingt-dix mais une reprise significative semble aujourd'hui clairement liée à la conjoncture mondiale.

La conduite d'une politique économique rigoureuse permet toutefois au Chili de se maintenir dans la catégorie des pays émergents à faible risque et d'entreprendre des réformes sociales qui, bien que timides à mon goût, répondent à une aspiration croissante des Chiliens. En outre, le consensus actuel entre le milieu patronal et le Gouvernement, auquel viennent s'ajouter les perspectives ouvertes par la signature de nouveaux accords commerciaux, suscite un climat favorable à une reprise en 2004.

L'accord d'association comprend trois grands volets : le dialogue politique, la libéralisation commerciale et la coopération.

Le respect des principes démocratiques, des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que de l'Etat de droit sont des éléments essentiels, selon les termes de cet accord. Les parties réaffirment en outre leur attachement aux principes de la bonne gestion des affaires publiques.

L'accord met en place un cadre institutionnel qui permet aux deux parties de renforcer leurs échanges réguliers sur les questions bilatérales et internationales d'intérêt commun. Il est notamment institué un comité d'association parlementaire entre le Parlement européen et le Congrès national chilien pour consolider et approfondir le dialogue politique.

Madame la ministre déléguée aux affaires européennes, je me réjouis de voir que nos collègues du Parlement européen sont associés mais je souhaiterais que nous puissions, de différentes façons, associer également les Parlements nationaux. C'est une vraie question, qui se posera d'ailleurs pour la rédaction du projet de Constitution européenne : comment associer les Parlements nationaux à ces questions, qui ont des conséquences directes sur chacun de nos pays ?

Sur le plan économique et commercial, l'accord d'association avec le Chili est dit de « quatrième génération », en raison de son large champ d'application. Il est le plus ambitieux conclu à ce jour par l'Union européenne car il inclut des engagements de libéralisation dans le domaine des services, notamment financiers, des dispositions sur l'investissement ainsi qu'un accord « vins et spiritueux » prévoyant une protection réciproque des indications géographiques et des mentions traditionnelles.

J'en viens au volet tarifaire de l'accord. Au total, 95 % des lignes tarifaires, soit 91,7 % des exportations communautaires au Chili, sont libéralisées depuis le 1er février 2003 ou le seront en cinq à sept ans selon les produits.

Les engrais, le sel, le bois, le papier et les textiles seront, parmi d'autres, des produits favorisés par un abaissement immédiat des droits de douane. Pour les produits européens, l'abaissement douanier s'échelonnera sur sept ans pour une série de marchandises sensibles, tels les produits chimiques, les peintures et le plastique, ce qui donnera au Chili un délai suffisant pour s'adapter au nouveau cadre concurrentiel tout en augmentant sa productivité.

En ce qui concerne les produits de l'acier, l'information et les télécommunications, la libéralisation porte sur 99 % des lignes tarifaires, en sept ans du côté chilien et immédiatement pour la Communauté européenne.

La plupart des produits agro-industriels - jus de fruits, concentrés de tomate, conserves de fruits - figurent dans la liste des produits pour lesquels la réduction des taxes douanières s'échelonnera sur quatre ans.

Pour les produits de la pêche - ce qui vous intéressera particulièrement, monsieur le président, vous qui êtes breton - la libéralisation porte sur l'ensemble des lignes tarifaires et s'échelonne sur dix ans. Toutefois, pour trois produits sensibles, elle est encadrée par un contingent tarifaire : 5 000 tonnes pour le merlu frais et réfrigéré, 40 tonnes pour le saumon salé et fumé et 150 tonnes de thon en conserves, sauf les longes de thon.

Le Chili conserva sa souveraineté sur l'exploitation des ressources marines côtières. C'est un point très important car, lorsque l'Union européenne, qui est seule habilitée à le faire, signe des accords avec des pays tiers, c'est souvent dans le but d'accéder aux lieux de pêche de ses partenaires. Mais ce n'est pas ainsi que cela se passe au Chili. Les Chiliens acceptent un accord en matière de pêche, mais uniquement dans le cadre de sociétés chiliennes, dont nous serons peut-être à 100 % actionnaires mais qui resteront chiliennes, et seuls les bateaux chiliens pourront accéder aux ports. Cette clause est surtout intéressante pour les Chiliens, mais elle nous permettra peut-être de trouver les ressources halieutiques qui, je le rappelle, manquent parfois gravement à notre pays.

Sur le plan de la coopération, l'accord couvre trois secteurs : économique et financier, technique, scientifique et technologique. L'un des éléments les plus significatifs de ce triptyque est de permettre au Chili, dans le cadre du développement de la coopération entre les deux parties, de participer à des programmes auxquels n'ont accès aujourd'hui que les Etats membres de l'Union européenne.

Les aspects sociaux de l'accord sont également importants. Ils accordent la priorité à la création d'emplois, au respect des droits sociaux et fondamentaux, à l'égalité hommes-femmes, aux conventions collectives, à la non-discrimination ainsi qu'à l'abolition du travail forcé et du travail des enfants.

Pour la première fois, un accord d'association comprend un volet sur les vins et spiritueux assurant une haute protection aux appellations d'origine. Je rassure notre collègue Jacques Remiller, qui avait soulevé la question en commission. Madame la ministre, vous avez eu raison de le souligner, cet accord va protéger les producteurs français, les AOC en particulier, face au détournement d'étiquetage.

Une avancée significative a été réalisée en matière de protection réciproque des mentions d'origine sur les marchés mondiaux, le Chili acceptant de respecter les appellations traditionnelles des vins, comme d'ailleurs des différents produits européens.

L'accord de libre-échange conclu avec le Chili prévoit une libéralisation importante au-delà d'une période transitoire de sept ans. Cet accord constitue une référence pour l'Union, qui a réussi à faire valoir, auprès d'un pays alors engagé dans une négociation bilatérale avec les Etats-Unis, des principes et méthodes de négociation qu'elle défend à l'OMC, comme les listes positives d'engagements sur les services et l'investissement ou la protection additionnelle des appellations d'origine.

La partie commerciale de l'accord, qui relève de la compétence de la Commission européenne, est entrée en vigueur le 1er février 2003. Les dispositions relatives aux autres domaines devront attendre la ratification par les quinze membres de l'Union européenne pour être appliquées.

Je terminerai en souhaitant comme vous, madame la ministre, que des accords de ce type soient signés avec d'autres pays d'Amérique du Sud. Ces pays représentent pour nous un marché potentiel et de nombreux échanges y sont possibles. J'ajoute, couvert par l'immunité parlementaire comme mon ami Jean-Pierre Brard, que tailler quelques croupières aux Américains ne me déplairait pas. (Sourires.)

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, compte tenu de ces observations, la commission des affaires étrangères, à l'unanimité, recommande l'adoption du projet de loi autorisant la ratification de l'accord d'association entre l'Union européenne et la République du Chili.

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jacques Remiller, pour le groupe UMP.

M. Jacques Remiller. Monsieur le président, vous qui êtes breton, vous aimez les produits de la Bretagne, la pêche en particulier, mais je suis sûr que vous aimez aussi les bons vins, qu'ils soient chiliens ou français.

La commission des affaires étrangères a en effet, à l'unanimité, donné un avis favorable à ce projet de loi. Il en sera de même ici, bien évidemment, tout au moins concernant le groupe UMP.

Vous avez certainement, madame la ministre, pris connaissance de mon intervention en commission. Cela ne vous surprendra pas, l'élu de la vallée du Rhône que je suis, région dont la principale production est la production viticole, se devait d'intervenir car vous n'avez, pas plus que le projet de loi, levé quelques incertitudes, et je vais tenter de vous expliquer pourquoi.

Nous sommes bien sûr tout à fait favorables à la coopération avec le Chili en matière de lutte contre la criminalité ou le terrorisme, ou dans le cadre d'accords politiques ou de la coopération, mais quelques-uns parmi nous ne sont pas convaincus par certaines mesures de cet accord instaurant une association entre la Communauté européenne et le Chili. Il s'agit bien sûr du vin.

Vous avez indiqué, comme le rapporteur, que l'abaissement progressif des droits de douane sur les vins chiliens, qui au demeurant sont très bons et ressemblent parfaitement aux vins français - c'est le danger - leur sera favorable dans l'Union européenne par rapport à leurs concurrents australiens et américains. Mais s'il en est ainsi, ce ne sera pas forcément par rapport aux vins français !

Ne craignez-vous pas, madame la ministre, que cette mesure desserve nos producteurs, qui traversent une période difficile, sur le territoire français et au sein de l'Union européenne ? N'oublions pas le contenu de certaines réunions, qui se sont tenues en février dernier, pas très loin d'ici, à la Maison de la Chimie.

En augmentant la superficie de ses vignobles de 54 000 hectares en 1994 à 103 000 hectares en 2001, le Chili s'est assuré, de 1995 à 2002, une progression de 81 %. En 2000, il est devenu le cinquième exportateur de vins au monde et il est en route pour la quatrième, la troisième, voire la deuxième place.

En 2002, la filière viticole chilienne a créé un organisme de promotion de ses vins à l'export, dont l'objectif est de promouvoir les vins haut de gamme et de séduire avant tout l'Allemagne, les Etats-Unis, le Japon et le Royaume-Uni. Vous l'avez compris, ces vins ressemblent parfaitement aux vins français et vont attaquer le marché que dominent actuellement les viticulteurs de notre pays, c'est-à-dire l'Allemagne, les Etats-Unis, le Japon et le Royaume-Uni.

Il ne faut pas sous-estimer les ambitions de ce pays. Il ne cherche pas seulement à concurrencer l'Afrique du Sud, l'Australie ou la Californie. Selon le plan stratégique industriel, pour la période 2002-2006, de la filière, le vin chilien doit passer de 4,6 % du marché mondial à 10 % et réaliser un chiffre d'affaires de 800 millions de dollars sur les marchés extérieurs en 2006, contre 602 millions en 2002. Il prendra forcément des parts de marché aux vins français.

Certains veulent se rassurer, parfois par chauvinisme, en affirmant que le Chili n'a pas de véritable politique de grands crus, qu'il ne sait pas encore faire vieillir ses vins. Pardonnez-moi, mais j'ai quelques compétences en la matière, étant fils de vigneron. Les vins chiliens ne pourraient donc pas concurrencer les vins français, mais compte tenu de la demande intérieure et des actions promotionnelles à l'étranger, la situation pourrait évoluer.

Ainsi, il apparaît que l'abaissement, même progressif, des droits de douane est une menace pour les producteurs français déjà soumis à la concurrence des vins chiliens, espagnols et californiens. Il est certain que la baisse des tarifs des vins étrangers creusera l'écart de prix entre les vins chiliens et les vins français.

Je vous demande donc, madame la ministre, quelles sont les garanties que vous pouvez apporter aux producteurs régionaux de vins qui sont à l'écoute de cet accord, en particulier aux producteurs d'AOC, qui subissent plus que d'autres la concurrence des vins étrangers. Mais je vous rassure, je voterai bien sûr le projet de loi.

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur Remiller, je tiens à vous rassurer. Certes, il s'agit d'une question très sensible pour la France, mais reconnaissez-le, nous avons déjà obtenu quelques garanties.

M. Jacques Remiller. Tout à fait !

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Vous le savez, tous les ministères compétents en la matière, qu'il s'agisse des affaires étrangères, de l'agriculture, du commerce extérieur ou des affaires européennes, seront très attentifs au respect par les autorités chiliennes des engagements qui ont été pris et veilleront à ce que les avancées que représente l'accord soient effectives.

Je vous rappelle que les vins d'Afrique du Sud entrent librement dans l'Union européenne. L'arrivée des vins chiliens, qui sont des vins chers, très typés, ne devrait pas avoir un impact significatif sur le marché français. Quoi qu'il en soit, nous serons vigilants.

M. Jacques Remiller. Et en ce qui concerne les AOC, madame la ministre ?

M. le président. Nous aurons l'occasion de revenir sur ce sujet, monsieur Remiller !

La parole est à M. le rapporteur.

M. Guy Lengagne, rapporteur. Sans contrarier mon ami Remiller, je voudrais lui dire que l'entrée récente dans l'Union européenne de la Hongrie, qui a d'excellents vins, ou encore de la Bulgarie, qui produit aussi des vins des qualité, risque également de concurrencer nos producteurs. On peut penser qu'une guerre de qualité va s'engager. En ce qui me concerne, plus que les vins du Chili, je crains les vins de certains pays de l'Est, qui vont arriver bientôt sur notre marché, ces pays faisant désormais partie de l'Union européenne.

M. le président. Mes chers collègues, ce n'est pas un débat sur les vins...

M. Jacques Remiller. Monsieur le président, je voudrais répondre au rapporteur !

M. le président. La parole est à M. Jacques Remiller.

M. Jacques Remiller. Je souscris totalement à ce que vient de dire notre rapporteur, mais je voudrais ajouter une précision importante : la plupart des vins hongrois sont des vins blancs. Le vin chilien, lui, est un vin rouge, dont on sait que la France est le principal producteur.

M. François Loncle. Que le meilleur gagne !

M. le président. J'appelle maintenant l'article unique du projet de loi dans le texte du Sénat.

Article unique

M. le président. Sur l'article unique, je ne suis saisi d'aucune demande d'explication de vote.

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(L'article unique du projet de loi est adopté.)

M. le président. Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

    9

ACCORD FRANCE-CHINE
SUR LES CENTRES CULTURELS

Discussion, selon la procédure d'examen
simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président. L'ordre du jour appelle le vote sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République populaire de Chine sur la création et les statuts des centres culturels (nos 1418, 1516).

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.

Conformément à l'article 107 du règlement, je mets directement aux voix l'article unique du projet de loi.

(L'article unique du projet de loi est adopté.)

    10

ACCORD FRANCE-SLOVÉNIE
SUR LES CENTRES CULTURELS

Discussion, selon la procédure d'examen simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président. L'ordre du jour appelle le vote sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Slovénie relatif au statut et au fonctionnement des centres culturels (nos 1419, 1516).

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.

Conformément à l'article 107 du règlement, je mets directement aux voix l'article unique du projet de loi.

(L'article unique du projet de loi est adopté).

    11

ACCORD FRANCE-RUSSIE SUR LA
COOPÉRATION EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ INTÉRIEURE

Discussion, selon la procédure d'examen
simplifiée, d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle le vote sur le projet de loi autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Fédération de Russie relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure et de lutte contre la criminalité (nos 1365, 1583).

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.

Conformément à l'article 107 du règlement, je mets directement aux voix l'article unique du projet de loi.

(L'article unique du projet de loi est adopté.)

    12

ACCORD FRANCE-UKRAINE SUR
LA COOPÉRATION POLICIÈRE

Discussion, selon la procédure d'examen
simplifiée, d'un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président. L'ordre du jour appelle le vote sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'Ukraine relatif à la coopération policière (ensemble un échange de lettres) (nos 1417, 1583).

Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen simplifiée.

Conformément à l'article 107 du règlement, je mets directement aux voix l'article unique du projet de loi.

(L'article unique du projet de loi est adopté.)

    13

CRÉATION D'UNE AGENCE EUROPÉENNE
POUR LA GESTION DE LA COOPÉRATION
OPÉRATIONNELLE AUX FRONTIÈRES
EXTÉRIEURES

Discussion d'une proposition de résolution

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution de M. Thierry Mariani sur la proposition de règlement du Conseil portant création d'une agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des Etats membres de l'Union européenne (COM [2003] 687 final/E 2447) (nos 1478, 1545).

La parole est à M. Thierry Mariani, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

M. Thierry Mariani, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Monsieur le président, madame la ministre déléguée aux affaires européennes, mes chers collègues, notre assemblée examine la création de l'Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures de l'Union européenne à peine quelques jours après l'élargissement. Il ne s'agit pas là d'un simple hasard de calendrier. La réunification de notre continent déplacera les frontières extérieures de l'Union européenne vers l'est et vers le sud, et en transférera pour partie le contrôle aux nouveaux Etats membres. Ces frontières seront directement en contact avec les pays de l'ex-URSS, des Balkans ou de l'autre rive de la Méditerranée. Ce bouleversement ne doit pas se traduire pour autant par une diminution de l'efficacité de ces contrôles.

C'est d'ailleurs pour cette raison que les dix nouveaux Etats membres de l'Union ne sont pas dès aujourd'hui membres de l'espace Schengen. Il faudra pour cela que le Conseil européen décide, à l'unanimité, que ces Etats sont prêts à assumer cette lourde responsabilité. Des frontières contrôlées sont en effet indispensables pour combattre l'immigration clandestine et la traite des êtres humains, mais aussi la criminalité organisée et le terrorisme. L'Agence européenne des frontières figure d'ailleurs parmi les priorités de la déclaration sur la lutte contre le terrorisme, adoptée par le Conseil européen le 25 mars dernier, après les tragiques attentats qui ont frappé Madrid.

La création de l'Agence répond, au moins partiellement, à ces préoccupations. Elle représente cependant une avancée limitée, qui ne devrait constituer qu'une étape vers la mise en place, à plus long terme, d'une police européenne des frontières, dont la France et l'Allemagne ont proposé la création dans le cadre de la future Constitution européenne, lors de la Convention.

En tant que rapporteur de la délégation pour l'Union européenne et de la commission des lois, je tiens donc à vous présenter l'Agence telle qu'elle a été proposée par la Commission européenne le 11 novembre dernier, et les modifications apportées par le Conseil à la fin du mois de mars 2004. Nous en viendrons ensuite à l'objet même de la proposition de résolution que je dois rapporter devant vous, et qui vise à indiquer au Gouvernement la position de l'Assemblée nationale sur ce sujet extrêmement sensible.

En proposant la création de l'Agence, la Commission européenne répond à une demande du Conseil européen, formulée à Thessalonique, en juin 2003, puis à Bruxelles, en octobre dernier. Les opérations conjointes menées par les Etats membres, les centres opérationnels et les projets pilotes se sont en effet multipliés depuis 2002, et l'Instance commune des praticiens des frontières extérieures, créée au sein du Conseil pour les coordonner, est apparue peu efficace. C'est pourquoi il a été proposé de créer une structure communautaire permanente.

Selon les termes de la proposition de la Commission, cette agence devrait exercer principalement les missions suivantes : coordonner la coopération opérationnelle entre Etats membres en matière de contrôle et de surveillance des frontières extérieures, qu'elles soient terrestres, maritimes ou aériennes ; assister les Etats membres en matière de formation de leurs gardes frontières nationaux, en fournissant une formation à l'échelle européenne aux formateurs nationaux de gardes frontières, en organisant des séminaires et en offrant une formation complémentaire aux agents des administrations compétentes ; procéder à des évaluations des risques, générales ou spécifiques ; suivre l'évolution de la recherche en matière de contrôle et de surveillance des frontières extérieures ; assister les Etats membres confrontés à une situation exigeant une assistance opérationnelle et technique renforcée à leurs frontières extérieures ; enfin, coordonner la coopération opérationnelle entre Etats membres en matière d'éloignement de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier dans les Etats membres.

En revanche, et toujours selon la proposition de la Commission, l'Agence ne devrait jouer aucun rôle dans l'élaboration des politiques, ne ferait pas de propositions législatives et n'exercerait pas de compétences d'exécution. De plus, l'exposé des motifs de la proposition précise que ses agents n'auront aucun pouvoir répressif dans les Etats membres, et qu'ils n'effectueront donc aucun contrôle aux frontières extérieures.

Il s'agirait donc d'une agence communautaire, dotée d'une structure légère, dont les effectifs devraient compter à peine une trentaine de personnes. Son budget devrait s'élever à six millions d'euros en 2005 et à dix millions en 2006. Elle serait dotée d'un conseil d'administration composé de douze représentants nommés par le Conseil et de deux représentants de la Commission. Ce conseil d'administration nommerait un directeur exécutif, indépendant dans l'exercice de ses fonctions.

Le Conseil a accueilli très favorablement cette proposition, et a émis le souhait que l'Agence soit opérationnelle dès le 1er janvier 2005. Il est parvenu à un accord informel sur ce texte le 30 mars dernier, après lui avoir apporté quelques modifications. Le Conseil a rappelé tout d'abord que « la responsabilité du contrôle et de la surveillance des frontières extérieures incombe aux Etats membres », et a accru la représentation des Etats membres au sein du conseil d'administration, où chaque Etat membre disposera désormais d'un représentant, au lieu de douze représentants pour l'ensemble des vingt-cinq Etats membres.

Pour compenser l'augmentation de l'effectif du conseil, un bureau exécutif a été créé, chargé de superviser la gestion quotidienne de l'Agence par le directeur. De plus, les compétences de l'Agence en matière d'éloignement ont été réduites. L'Agence ne coordonnera, ni d'organisera d'opérations de retour conjointes ; elle se contentera de fournir l'assistance nécessaire à l'organisation de ces opérations.

(Mme Hélène Mignon remplace M. Jean Le Garrec au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE MME HÉLÈNE MIGNON,

vice-présidente

M. Thierry Mariani, rapporteur. Les compétences de l'Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures ont été renforcées en matière de formation des gardes frontières. L'Agence pourra ainsi établir des normes communes de formation.

Enfin, les possibilités de coopération entre l'Agence et les organisations internationales et les pays tiers ont été accrues. En effet, la proposition initiale limitait cette coopération à l'échange d'informations stratégiques non personnelles. Cette limitation a été supprimée, ce qui permettrait à l'Agence de conclure des accords de travail autorisant l'échange de données à caractère personnel.

Le texte ne paraît pas satisfaisant sur ce dernier point. C'est pourquoi il a été jugé préférable - et c'est l'objet du troisième point de la proposition de résolution que je vous propose d'adopter aujourd'hui - d'exclure l'échange de données à caractère personnel ou d'introduire des dispositions relatives à la protection des données personnelles, encadrant notamment le droit d'accès et de rectification, la durée de conservation des données, en bref tout ce qui en France relève des missions de la CNIL.

Quelques questions restent en suspens. Ainsi le siège de l'Agence n'a pas encore été fixé. Cinq Etats adhérents se sont portés candidats pour l'accueillir : l'Estonie, la Hongrie, la Pologne, Malte et la Slovénie. Un consensus semble se dessiner en faveur d'une localisation dans un des nouveaux Etats membres. Cela semble logique, dans la mesure où leur reviendra à terme la charge de contrôler une part importante des nouvelles frontières extérieures de l'Europe réunifiée, et qu'en outre aucun de ces Etats n'a été retenu lorsqu'il s'est agi de répartir les sièges des agences lors du Conseil européen de Bruxelles. Le président de la République a apporté son soutien à la candidature de Budapest lors de sa visite officielle en Hongrie, les 23 et 24 février.

Alors que le régime linguistique de l'Agence n'avait pas été défini dans le cadre de la proposition initiale, la France a obtenu au cours des négociations qu'il soit fait référence au régime linguistique de la Communauté économique européenne, soit vingt langues officielles depuis le 1er mai. Il faut maintenant espérer, pour le bon fonctionnement de l'Agence, que son conseil d'administration saura définir un régime simplifié s'inspirant des règles générales applicables dans les institutions européennes et reposant sur un nombre limité de langues de travail, dont le français. C'est l'objet du cinquième point de la proposition de résolution.

Le quatrième point de la proposition de résolution que je vous propose d'adopter demande la création d'un contrôle parlementaire adéquat de l'Agence. Les missions de l'Agence touchent en effet à des prérogatives de puissance publique et à l'exercice des libertés fondamentales. Ce contrôle devrait faire intervenir les parlements nationaux, dont le rôle essentiel en matière de justice et d'affaires intérieures a été reconnu par la Convention.

La mise en place d'une commission mixte, composée de parlementaires européens et nationaux, sur le modèle de ce qui est préconisé pour Europol par de nombreux parlements nationaux, tels les parlements britannique, italien, néerlandais, français notamment, et par le Parlement européen, constituerait une solution appropriée à cet égard. Elle apparaît particulièrement adaptée à la nature des missions de l'Agence, qui relèvent des compétences partagées de l'Union et des Etats membres.

Un article enfin a été ajouté, aux termes duquel « les compétences répressives » - devenues d'exécution dans la dernière version du texte - « du personnel de l'Agence et des experts des Etats membres opérant sur le territoire d'un autre Etat membre, sont régies par la législation nationale de cet Etat membre ». On peut s'interroger sur la portée de cet article dans la mesure où il semble remettre en cause la conception initiale de la Commission, selon laquelle les agents de l'Agence n'auraient aucune compétence répressive. En réalité, d'après les informations qui m'ont été fournies, il vise simplement à permettre au personnel et aux experts des Etats membres d'exercer les pouvoirs que les législations de certains Etats membres leur reconnaissent. Il n'imposera en aucune manière à la France de modifier sa législation sur ce point pour accorder des compétences d'exécution au personnel de l'Agence ou à des experts des Etats membres opérant sur son territoire - cela poserait d'ailleurs des difficultés d'ordre constitutionnel.

Cet ajout rend cependant problématique l'application à l'Agence du protocole sur les privilèges et immunités des Communautés européennes. Un tel régime en effet, inspiré des privilèges et immunités diplomatiques, paraît difficilement acceptable au cas où certains Etats autoriseraient le personnel de l'Agence à exercer des compétences d'exécution. C'est pourquoi le deuxième point de la proposition de résolution approuve les dispositions permettant aux Etats membres qui le souhaitent d'accorder des compétences répressives au personnel de l'Agence et aux experts des Etats membres détachés auprès d'elle, dans la mesure où la France n'en fera pas usage, et sous réserve que le protocole relatif aux privilèges et immunités des Communautés européennes ne leur soit pas applicable.

Je veux souligner pour finir que la création de l'Agence marque une étape importante dans la mise en place d'une gestion intégrée des frontières extérieures. C'est une avancée bienvenue, comme le rappelle le premier point de la proposition de résolution que nous discutons aujourd'hui. Convenons cependant que cette avancée reste limitée.

En effet, les missions confiées à l'Agence ne font, pour l'essentiel, que reprendre celles dévolues à l'Instance commune des praticiens des frontières extérieures, et son rôle opérationnel sera limité. On est donc encore très loin de la création d'un corps européen de gardes frontières, que la France et l'Allemagne ont appelée de leurs vœux.

M. Jacques Floch. Eh oui ! Et c'est bien dommage !

M. Thierry Mariani, rapporteur. De nombreux Etats membres, anciens, tels le Royaume-Uni ou les pays scandinaves, ou nouveaux, telle la Pologne, restent en effet réticents à cet égard. L'institution d'une police européenne des frontières, composée de contingents nationaux qui pourraient venir en appui des polices locales et les soutenir en cas de besoin, devrait pourtant constituer une perspective de moyen ou long terme. Le recours aux coopérations renforcées pourrait la faire utilement progresser, comme en témoigne la dynamique du G5, qui réunit les ministres de l'intérieur des cinq plus grands pays de l'Union.

C'est pourquoi le sixième et dernier point de la proposition de résolution suggère que soit envisagée la mise en place d'une police européenne des frontières, éventuellement dans le cadre d'une coopération renforcée. Ce corps européen de gardes frontières, que l'adoption de la Constitution européenne rendrait possible, marquerait une nouvelle étape pour l'Europe de la sécurité intérieure. Cette Europe, mes chers collègues, prendra dès l'automne prochain - et presque sans qu'on s'en aperçoive ! - un nouvel essor, avec le passage au vote à la majorité qualifiée en ce qui concerne la politique européenne d'asile.

Pour toutes ces raisons, je vous demande aujourd'hui, au nom de la commission des lois mais aussi de la délégation pour l'Union européenne, d'adopter cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jacques Floch. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.

Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, il y aura bientôt cinq ans se tenait à Tampere le premier Conseil européen entièrement consacré aux questions de sécurité et de justice. Les chefs d'Etat et de gouvernement ont défini à cette occasion des orientations fondamentales en ce qui concerne l'asile, l'immigration, le contrôle des frontières, la coopération judiciaire et policière. Celles-ci présentaient une évidente cohérence avec les dispositions prévues à cet égard dans le traité d'Amsterdam, entré en vigueur quelques mois plus tôt.

Les décisions du Conseil européen de Tampere exprimaient une vision d'ensemble de l'espace européen de sécurité et de liberté. A la nécessité de protéger les frontières extérieures, renforcée par l'intégration de Schengen dans le traité d'Amsterdam, répondait le souci de favoriser l'intégration des ressortissants de pays tiers en situation régulière sur le territoire de l'Union, comme celui de préserver le droit de demander l'asile.

Le travail accompli depuis lors, même imparfait, est d'importance, et nous souhaitons que la prochaine Constitution nous donne les moyens d'aller plus loin. Le sujet qui nous occupe aujourd'hui, le règlement portant création d'une agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures, en constitue un élément essentiel, que vous avez, monsieur le rapporteur, resitué dans le cadre de l'élargissement, qui a des incidences sur les conditions de mise en place.

Le projet de règlement portant création d'une agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures a été, vous l'avez rappelé, adopté par la Commission en novembre 2003. Le Conseil des ministres européens est parvenu à un accord politique sur ce texte lors de sa session du 30 mars dernier. L'adoption formelle devrait survenir prochainement, une fois achevé l'examen par le Parlement européen. L'entrée en fonction de l'Agence est prévue au 1er janvier 2005.

Ce projet s'inspire des conclusions opérationnelles et des orientations définies par les Conseils européens de Séville, Thessalonique et Bruxelles, tenus respectivement sous présidences espagnole, grecque et italienne - cette énumération n'est pas fortuite. Cette succession de présidences de pays méditerranéens a contribué à donner un relief particulier aux questions de contrôle des frontières et de maîtrise des flux migratoires. Des opérations conjointes aux frontières et des projets pilotes ont été mis en œuvre. Tel a été le cas, par exemple, des vols groupés pour les mesures d'éloignement, projet dont la France a été le chef de file et qui, après avoir inspiré une récente décision du Conseil, figure parmi les attributions de l'Agence.

Il est vrai que, dans sa version définitive, le projet de règlement limite la capacité de l'Agence en la matière à un rôle d'assistance. Cette démarche inspire de façon plus générale l'ensemble du texte, s'agissant d'un domaine, le contrôle des frontières, qui est de la responsabilité première des Etats. L'intitulé même de l'Agence, en dépit de sa complexité, traduit bien la vocation de cette structure de coordonner l'action des Etats et non de se substituer à eux.

L'Agence aura un rôle de coordination pour les opérations aux frontières extérieures impliquant plusieurs Etats membres, agira dans le domaine de la formation des garde-frontières, réalisera des analyses et assurera une veille technologique. Elle pourra également assister les Etats membres en facilitant les actions de coopération dans les situations d'urgence, y compris par l'apport de moyens humains et logistiques propres.

Elle sera assistée pour la mise en œuvre de ses missions par des bureaux spécialisés, émanations des centres pour les frontières terrestres, aériennes et maritimes, mis en place sous la forme de projets pilotes dans le prolongement des conclusions du Conseil européen de Séville.

Elle aura une dimension relativement modeste. Son personnel ne devrait pas excéder une trentaine de personnes. Son budget pour les deux premières années d'activité est de 16 millions d'euros, cette somme incluant les dépenses d'investissement. Son conseil d'administration comprendra vingt-sept personnes, soit un représentant par Etat membre, et deux pour la Commission. Ce conseil pourra désigner en son sein un bureau exécutif restreint, chargé d'assurer sa représentation de façon permanente.

Les règles de vote retenues sont celles de la majorité absolue des ayants droit, et des trois quarts pour certaines décisions, telle la nomination du directeur exécutif. Ce dernier sera désigné sur proposition de la Commission.

Concernant, d'abord, les accords conclus par l'Agence avec les organisations internationales ou les pays tiers, la délégation française avait exprimé une réserve concernant la possibilité d'échanger des données à caractère personnel. Aussi, les articles concernés du règlement précisent que de tels accords devront être passés conformément aux dispositions pertinentes du traité, et le préambule vise plus précisément les textes communautaires applicables en la matière. La France veillera, lorsque de tels accords seront conclus, à ce que la réglementation communautaire en la matière soit pleinement respectée.

Deuxième point, la référence aux compétences d'exécution, telle qu'elle figure dans le corps du règlement, ne conférera pas au personnel et agents en position de détachement auprès de l'Agence des pouvoirs répressifs. Dès lors, le régime prévu en matière de privilège et d'immunité, fondé sur le protocole afférant des communautés européennes, ne pose pas de difficulté particulière.

Troisième point, s'agissant du contrôle parlementaire, les dispositions retenues à cet égard dans le règlement sont similaires à celles établies pour les autres agences communautaires. Mais, et je veux vous le réaffirmer, la France reste attachée à une meilleure association des parlements nationaux aux activités de contrôle et d'évaluation, tel que cela est affirmé dans le projet de traité constitutionnel.

Quatrième point, le choix du siège a été renvoyé à une décision ultérieure du Conseil, selon une pratique éprouvée pour d'autres agences. Il existe, et vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur, un large accord sur l'idée que celui-ci devrait revenir à l'un des nouveaux Etats membres. Le Président de la République a marqué notre soutien à la candidature de la Hongrie.

Cinquième point, la question de la participation du Royaume-Uni et de l'Irlande, qui présentait des difficultés tenant à leur situation particulière au regard de l'espace Schengen, a été résolue d'une manière convenable. Ces deux pays siégeront au conseil d'administration, mais sans droit de vote. Le Conseil décidera, à leur demande et au cas par cas, de leur participation aux activités de l'Agence.

Enfin, s'agissant du régime linguistique de l'Agence, la France a obtenu une référence explicite dans le règlement à l'usage des langues officielles de l'Union afin de préserver la diversité linguistique et l'usage du français. Nous y veillerons dans le fonctionnement de l'Agence.

En conclusion, je ferai quelques remarques.

L'espace européen de liberté, de sécurité et de justice est, de façon encore plus aiguë aujourd'hui, confronté au défi du contrôle des nouvelles frontières extérieures de l'Union, dans la perspective d'une pleine intégration des nouveaux Etats membres à l'espace Schengen. Il s'agit d'une attente légitime des Français.

L'Agence devra également apporter une contribution à la lutte contre le terrorisme, que nous menons avec nos partenaires européens. Et vous savez que le dernier Conseil européen a rappelé avec force cette lutte contre le terrorisme et est un peu à l'origine de la rapidité avec laquelle nous devons agir pour mettre en place les différents outils nécessaires.

Le document, c'est une feuille de route opérationnelle pour l'action de l'Union contre le terrorisme. Ce document appelle donc à l'adoption du règlement qui porte la création de l'Agence, rapidement : d'ici à mai 2004.

Les réalisations de l'Agence seront bien sûr suivies avec une particulière attention. C'est un domaine où beaucoup reste encore à accomplir.

La mise en place de cette agence constitue une avancée, même si elle est encore timide, dans la voie d'une gestion mieux intégrée des frontières. Elle jette les bases d'un tronc commun de formation et elle pourrait préfigurer la création de cette police européenne des frontières que la France, de façon déterminée, appelle de ses vœux dans des délais rapides afin de renforcer la sécurité de tous les Européens.

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jacques-Alain Bénisti.

M. Jacques-Alain Bénisti. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, comme l'a très bien dit notre rapporteur, il faut maintenant tenir compte du fait que, depuis le 1er mai, l'Europe s'est élargie à vingt-cinq Etats membres et que nous comptons désormais près de 6 000 kilomètres de frontières extérieures. Ce dernier chiffre montre à lui seul l'importance qu'il y a aujourd'hui à mettre en place un système efficace, cohérent et, surtout, commun de gestion des frontières extérieures de l'Union.

Avec l'élargissement de l'Union vers le bassin méditerranéen et l'Europe de l'Est, l'ampleur des problématiques de filières d'immigrations clandestines, de traite d'êtres humains, le tout dans un contexte de risque terroriste accru depuis le 11 septembre 2001, la guerre en Irak et les attentats de Madrid ont poussé le Conseil européen à faire de la surveillance et du contrôle aux frontières extérieures une priorité politique de l'Union.

Je vous donnerai simplement quelques chiffres, qui, bien que contestés et pouvant varier du simple au triple, donnent une idée de la situation actuelle. Ainsi, 80 % de ceux que nous appelons les « sans-papiers » sont en fait arrivés en France avec un visa touristique de trois mois et restent sur le territoire en déchirant leurs papiers pour ne plus être expulsables puisque leur pays d'origine est inconnu. L'immigration légale a augmenté de 36 % entre 1999 et 2002, tandis que l'immigration clandestine est estimée entre 100 000 à 300 000 personnes par an.

Une politique commune plus structurée en matière d'asile et d'immigration, en complément des accords bilatéraux conclus par chaque Etat membre avec les pays tiers, doit être mise en place, et cela notamment au travers de la création d'une nouvelle structure institutionnelle de coordination. La proposition de résolution que nous examinons aujourd'hui tend à répondre en partie à ce besoin.

La création de l'Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures marque une étape essentielle vers la mise en place de cette politique commune en matière d'asile et d'immigration. Bien que ses moyens soient limités et que quelques points soient encore en suspens, cette Agence devrait garantir un niveau élevé et uniforme de contrôle et de surveillance des flux migratoires aux frontières extérieures de l'Union.

L'Europe des vingt-cinq devient le troisième plus grand ensemble de population de la planète après la Chine et l'Inde, avec 455 millions d'habitants. Sur le plan économique, le marché européen s'accroît de 20 % et le produit intérieur brut devrait augmenter de 5 % dès cette année. Il ne vous aura pas échappé, mes chers collègues, que ces perspectives de prospérité rendent les Etats membres de l'Union européenne d'autant plus attrayants pour les candidats à l'émigration en quête d'une vie meilleure.

Face à ce constat inquiétant, la France, particulièrement concernée par une immigration légale et clandestine, a été, depuis deux ans maintenant, une force de proposition pour inciter ses partenaires européens à développer une meilleure coopération institutionnelle en la matière.

Nicolas Sarkozy a été à l'initiative de la création du « groupe des cinq » qui réunit les ministres de l'intérieur français, allemand, britannique, espagnol et italien - ceux des pays les plus exposés aux enjeux de l'immigration - pour réfléchir et mettre en place des mesures communes qui puissent être avalisées par le Conseil européen.

De même, la France a incité ses voisins européens à appliquer de façon plus stricte les mesures d'éloignement à l'encontre des ressortissants de pays tiers n'ayant pas de passeport comportant le tampon d'entrée dans la zone Schengen afin de contraindre les candidats à l'immigration à franchir les frontières aux points de passage autorisés.

Loin de vouloir fermer les frontières, l'Europe doit réussir à maîtriser ses flux de migrants et harmoniser les législations européennes en matière de lutte antiterroriste. Il faut lancer un signal fort aux pays tiers et à leurs populations : oui à l'immigration légale contrôlée ; non à un accès laissé aux mains des réseaux mafieux, négriers des temps modernes, qui exploitent la misère de pauvres gens.

Certes, ces sujets dépassent largement le cadre national des Etats membres de l'Union : plusieurs Conseils européens ont d'ailleurs souligné l'importance qu'il y avait à harmoniser les législations et les procédures d'éloignement et à développer des actions concertées au niveau européen. C'est dans cet objectif que le plan pour la gestion des frontières extérieures des Etats membres de l'Union, adopté par le Conseil le 14 juin 2002, prévoit la mise en œuvre progressive d'opérations rationalisées dans le cadre d'une coopération renforcée.

L'Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures s'inscrit dans cette perspective, tout comme Europol, Eurojust ou, dernièrement, la création d'un poste pour un « Monsieur Antiterrorisme ».

Depuis le 11 septembre 2001, et spécialement le printemps 2002, sept attentats terroristes ont été commis dans diverses parties du monde, faisant de la sécurité intérieure une question de plus en plus centrale et, par conséquent, un sujet de préoccupation prioritaire pour les citoyens européens.

Au sein du groupe UMP, nous pensons que nous sommes dans le temps de l'urgence. La perspective d'augmentation des flux d'immigration ainsi que la pression terroriste que nous connaissons doivent nous inciter à mettre en place de véritables outils opérationnels et à mener une politique communautaire efficace de protection des Européens. Nous devons renforcer les mesures de surveillance et de contrôle et développer une politique de coopération institutionnelle opérationnelle dans les meilleurs délais.

Si un cadre commun est nécessaire pour structurer des actions et assurer la continuité d'une politique commune de gestion des frontières extérieures, ce sont les nouveaux Etats membres qui devront assurer ces nouvelles responsabilités.

C'est pourquoi la création d'un système intégré de gestion des frontières extérieures, au travers de l'Agence, est une première étape, importante, vers une politique de gestion communautarisée des frontières et vers la création d'un corps multinational de garde-frontières que la France appel de ses vœux.

Le groupe UMP ne peut que soutenir cette initiative qui, bien que limitée, marque une réelle avancée et rassemble au-delà des clivages politiques. Elle est en effet l'une des concrétisations du travail que, depuis deux ans, le Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin effectue auprès de ses partenaires européens pour promouvoir une vraie politique communautaire, résolue et active, dans les domaines essentiels que sont la sécurité et la maîtrise d'une immigration difficilement contrôlable.

Dans la mesure où il est question de mettre en place des systèmes d'échange d'informations, les députés du groupe UMP estiment indispensable que l'Agence soit soumise à un contrôle parlementaire. Son domaine d'action touchera en effet à des prérogatives de puissance publique des Etats et à nos libertés fondamentales. Dès lors, il sera important de pouvoir contrôler et évaluer régulièrement ses actions.

A cette proposition de résolution cohérente et de bon sens, le groupe UMP, comme à son habitude, apportera son entier soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Floch.

M. Jacques Floch. Madame la présidente, madame la ministre, mesdames, messieurs, tout a été très bien dit par notre excellent collègue, M. Mariani, qui a fait des progrès considérables dans sa conception de l'Europe et de nos frontières. (Sourires.) Je constate d'ailleurs qu'on est loin du débat fort animé d'il y a quelques années, à propos de Schengen. Que n'avait-on entendu à l'époque, sur les bancs de droite ? C'était la fin de la souveraineté nationale, la fin de la France qui allait se fondre dans un ensemble de pays et de nations qui n'avaient ni notre culture ni notre histoire, et, surtout, nous allions être envahis par tous ces gens de l'Est qui viendraient trouver chez nous sécurité sociale et protection.

M. Maxime Gremetz. Et emplois !

M. Jacques Floch. Peut-être faudrait-il d'ailleurs leur dire qu'une réforme se prépare, pour qu'ils arrêtent de venir chez nous. (Sourires.)

Profitons de ce débat pour nous poser la question de nos frontières. La France est de plus en plus intégrée en Europe. Je suis très européen et cette construction, qui va à pas lents mais sûrs, me satisfait. Toutefois, peu à peu, les frontières de l'Union s'éloignent de notre pays. Nous avons, il est vrai, des frontières maritimes, dont il va bien falloir assurer la protection et le contrôle. Mais nous devons rester ouverts et éviter d'élever des frontières qui feraient de l'Union une sorte de forteresse au milieu d'un monde qui connaît des difficultés.

Qu'est-ce qu'une frontière, de nos jours ? N'est-ce qu'un pointillé sur la carte ? A quoi sert une frontière ? A être traversée, souvent violée. C'est comme ça : jamais une frontière n'a empêché des êtres humains, des hommes, des femmes, des enfants, de la traverser s'ils en avaient l'urgent besoin. Aujourd'hui, cet urgent besoin, c'est la nécessité de trouver un toit, une assiette pleine et, pour les enfants, santé et éducation. Tant que nous aurons cela chez nous, et en plus grande quantité qu'ailleurs, nos frontières seront des passoires. On pourra mettre tous les douaniers, tous les agents spécialisés, tous les fils de fer barbelés qu'on voudra, ils n'empêcheront pas un franchissement constant.

La difficulté, aujourd'hui, c'est que nos frontières sont gardées par des Etats dont les capacités économiques ou, simplement, démographiques sont faibles. Comment demander aux Etats Baltes, par exemple, de surveiller notre frontière à l'Est, face à l'Ukraine et à la Russie ? C'est extrêmement difficile pour eux, ils n'en ont pas les moyens. Vous avez très bien dit, monsieur le rapporteur, que l'Agence doit, à terme, donner des moyens à ces pays pour leur permettre d'assurer la mission que nous leur avons confiée il y a quelques jours, lorsqu'ils sont entrés dans l'Union européenne.

Vous avez également très bien décrit le fonctionnement de l'Agence, qui, pour l'instant, n'existe que sur le papier, mais qui, un jour prochain, devra apporter de l'aide à ces Etats, tout en nous ménageant un droit de regard sur ce qui se passera à l'Est. J'ajouterai − ce qui ne fera pas sourire tout le monde − que, demain peut-être, voire après-demain, un grand pays du sud-est de l'Europe nous protégera.

En attendant, il nous faut bien veiller à ce que nos nouvelles frontières soient contrôlées, et, pour ce faire, nous devons passer avec nos voisins − la Russie, l'Ukraine, la Biélorussie, même si ce dernier Etat n'est pas très fréquentable aujourd'hui −, des accords suffisamment intéressants pour assurer notre protection.

Cette Agence sera l'une des filles légitimes de Schengen. Les accords de Schengen sont un bon contrat, même s'il faut continuer à travailler pour en améliorer le fonctionnement. Ils ont marqué un incontestable progrès et le débat qui s'est déroulé sur ce sujet il y a treize ans ne se déroulerait plus dans les mêmes conditions. L'amitié dont m'honore Pierre Mazeaud et celle que j'ai pour lui m'empêchent de rappeler ce qu'il avait dit à l'époque, quand il parlait de la souveraineté de la France en des termes que, seul, peut-être, Philippe de Villiers pourrait aujourd'hui reprendre à son compte. En treize ans, l'Europe s'est construite si vite que, les uns et les autres, nous avons bien été obligés de faire progresser nos esprits. C'est pourquoi cette Agence devient un objet raisonnable. Elle permettra à tous les Etats d'assumer leurs responsabilités en matière de frontières.

J'aurais aimé pourtant que l'on débatte un peu plus longuement des frontières maritimes, qui se sont considérablement étendues avec l'entrée de nouveaux Etats méditerranéens, Chypre ou Malte. Certes, Malte est un tout petit Etat, mais sa frontière maritime est autant une ouverture de l'Europe sur l'Afrique que de l'Afrique sur l'Europe, et nous serons certainement obligés de regarder de plus près le lieu de passage qu'il constitue.

Mais ce sont nos propres frontières méditerranéennes ou atlantiques qu'il faut défendre de plus près. En France, le contrôle des frontières maritimes dépend de multiples organismes : gendarmerie, douane, sécurité civile et autres. Je suis député d'un département maritime, la Loire-Atlantique, qui a été victime de plusieurs marées noires et où, quand un bateau suspect passe au large, quatre ou cinq vedettes sortent en même temps. Il y a quelques années, un rapport parlementaire s'était penché sur la question, étudiant le fonctionnement des coast guards américains et se demandant si l'on pouvait envisager de créer un organisme semblable qui soit responsable de la surveillance de nos côtes. Si l'on n'a rien fait jusqu'à présent, c'était pour ménager des intérêts corporatistes : il ne fallait toucher ni aux douanes, ni à la gendarmerie maritime, ni à la marine nationale. Sans doute pourrait-on, aujourd'hui, s'interroger sur la légitimité de cette organisation, et reprendre cette idée au niveau de l'Europe.

La surveillance de nos frontières maritimes est très importante, tant pour la protection de notre environnement que pour la lutte contre les grands trafics, de stupéfiants ou d'êtres humains − qu'on songe à ces gens venant d'Afrique ou d'Amérique du Sud −, qui passent toujours par la mer.

Monsieur le rapporteur, le groupe socialiste avait approuvé vos propositions lorsque vous les aviez présentées à la Délégation pour l'Union européenne. Vous avez bien défini les missions de l'Agence : coordonner la coopération opérationnelle, prêter assistance aux Etats membres pour la formation des gardes frontières nationaux, suivre l'évolution de la recherche en matière de contrôle et de surveillance des frontières extérieures, aider les Etats membres confrontés à une situation exigeant une assistance opérationnelle et technique, et assurer la coopération opérationnelle entre Etats membres en matière d'éloignement de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, ce dernier point n'étant encore qu'un vœu pieux.

M. Thierry Mariani, rapporteur. On verra !

M. Jacques Floch. Je l'ai dit tout à l'heure, nous ne pouvons certainement pas accueillir toute la misère du monde, mais elle continuera de venir chez nous tant que nous serons plus riches que le reste du monde. C'est comme ça depuis des millénaires. Les déplacements de populations à travers le monde ont toujours existé, pour les mêmes raisons. Nous n'y changerons rien.

Monsieur le rapporteur, pour une fois, nous sommes d'accord avec vous, et je m'en félicite.

M. Thierry Mariani, rapporteur. C'est rare !

M. Bernard Schreiner. C'est bien !

M. Jacques Floch. C'est rare, en effet : sans doute est-ce le printemps qui veut cela, ou l'approche des élections européennes, à moins que nous ne devenions tous, dans cette maison, assez raisonnables pour pouvoir discuter de tels sujets sans faire trop de politique politicienne. Mais je crois surtout que l'objet du débat était suffisamment important pour que, les uns et les autres, nous apportions notre contribution. Le groupe socialiste apportera son appui à votre projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Comparini.

Mme Anne-Marie Comparini. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais en quelques mots expliquer le vote favorable du groupe UDF − un groupe qui, par tradition, a toujours été favorable aux avancées de la construction européenne.

La proposition de résolution de création de l'Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des Etats membres de l'Union est pour nous la suite logique de la mise en place de l'espace Schengen − d'autres avant moi l'ont indiqué − et certainement l'une des premières nécessités liées à l'élargissement aux dix nouveaux pays. M. Bénisti a rappelé que nous avions désormais 6 000 kilomètres de frontières terrestres, et M. Floch a parlé des 85 000 kilomètres de frontières maritimes. C'est dire que le moment est venu, pour l'Union, de garantir à tous ses citoyens un niveau élevé et uniforme de contrôle et de surveillance de ses frontières extérieures.

La proposition de résolution - ce sera ma seconde observation - s'inscrit dans un processus continu d'harmonisation des législations européennes en matière d'asile et d'immigration que nos partenaires danois, italiens, allemands, anglais et nous-mêmes avons entrepris depuis deux ans, même si un retard doit être constaté en ce domaine : cinq ans après le traité d'Amsterdam, dont vous parliez tout à l'heure, madame la ministre, nous sommes encore loin d'une harmonisation complète. Pourtant, une telle harmonisation devient urgente dans un espace à vingt-cinq qui se construit tous les jours.

S'agissant de l'Agence elle-même, permettez-moi de saisir l'occasion de ce débat pour rappeler, à l'image de M. Mariani et de M. Floch, quelques-unes de nos préoccupations.

La première concerne le suivi du fonctionnement de l'Agence.

Une évaluation réalisée par la présidence grecque en juin dernier montrait que les agences Europol et Eurojust souffraient d'un manque patent de suivi et d'une absence de surveillance. Souhaitons que la nouvelle agence ne devienne pas une énième coquille vide qui n'aurait d'opérationnel que le nom !

Le groupe UDF, comme la commission et l'ensemble de nos collègues, souhaite donc que les parlements nationaux soient tenus informés du fonctionnement et des activités de l'agence et que des objectifs chiffrés soient fixés à l'avance et discutés, pourquoi pas ? lors d'un débat annuel. Ce pourrait être là un travail de la délégation pour l'Union européenne de l'Assemblée nationale.

M. Philippe Folliot. Très bien !

Mme Anne-Marie Comparini. Notre deuxième préoccupation est relative aux conditions de travail des futurs agents chargés de la police.

Comme l'a rappelé M. Thierry Mariani dans son rapport, de graves lacunes subsistent en matière de formation, d'effectifs, de salaires et d'équipements. Le faible niveau de rémunération peut toujours favoriser - ce qui nous ramène là à la convention civile sur la corruption que nous venons d'étudier cet après-midi - l'apparition de phénomènes de corruption. Nous devons donc veiller à ce que les fonds débloqués par Bruxelles, d'un montant proche du milliard d'euros sur trois ans, soient effectivement employés à renforcer les infrastructures et les équipements existants, sans oublier les formations.

Evoquant ainsi les moyens financiers, je ne peux m'empêcher de m'interroger sur les moyens dont dispose l'Europe pour exercer ses fonctions régaliennes ainsi que sur l'évolution de son budget : peut-on en même temps demander plus d'Europe et réclamer une baisse des budgets communautaires ? Tel n'est peut-être pas le sujet de notre débat mais cette interrogation ne devrait-elle pas être présente à notre esprit lorsque l'on étudie de tels dossiers ?

Notre troisième préoccupation, enfin, concerne les compétences de l'Agence et leur réelle application.

L'Agence devra, nous dit-on, mettre en œuvre les moyens appropriés pour lutter contre le terrorisme et les multiples dangers qui menacent le monde actuel. Comment une équipe de trente personnes pourra, en pratique, y parvenir ?

De même, quelles seront les relations de l'Agence avec le coordinateur de la lutte contre le terrorisme, désigné à l'issue du dernier Conseil européen de Bruxelles des 25 et 26 mars derniers ? Quelles actions communes allons-nous engager avec nos différents partenaires européens pour faire de cette lutte anti-terroriste un instrument efficace de prévention, et quel sera le rôle précis de l'agence européenne dans cette lutte ?

Sur ces points, les zones d'ombre sont nombreuses. Il convient de les dissiper car, ainsi que plusieurs d'entre nous l'ont souligné, l'émotion suscitée par les attentats de Madrid mais aussi par d'autres malheureusement, mérite plus que des mots. Il faut des actes forts et de l'efficacité dans l'action communautaire.

Si la création de l'Agence, comme l'ont relevé la plupart de mes collègues, constitue bien sûr un progrès, quelque peu timide cependant, elle ne peut répondre, on le voit, à l'ensemble des questions que nous nous posons. Aussi peut-on regretter la frilosité de certains chefs de gouvernement qui refusent d'aller plus loin avec la mise en place d'un corps de police et de douane européen.

Face à la menace terroriste, nous ne devons pas avoir une conception molle de l'Europe. Nous devons au contraire mettre en œuvre une stratégie commune de sécurité intérieure. C'est, me semble-t-il, un objectif atteignable puisque, déjà, le recours aux coopérations renforcées montre qu'il est possible de s'orienter rapidement vers la création d'un tel corps.

L'Europe à vingt-cinq, célébrée à juste titre comme un moment historique, doit rapidement rassurer nos concitoyens dans ses capacités à renforcer leur sécurité. C'est aussi à cette condition que nous maintiendrons l'attachement des Français à l'idéal européen que l'UDF défend depuis longtemps. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l'élargissement de l'Union européenne est un événement historique, positif pour les uns, négatif pour les autres, par rapport auquel cette proposition de résolution paraît bien en décalage.

Certes, le processus d'élargissement de l'Union est guidé par des motivations ni morales ni fraternelles mais essentiellement économiques et financières. Nous ne sommes pas dupes ! Ce processus répond à la volonté de la Commission européenne d'élargir le marché européen, zone de libre-échange de marchandises et de capitaux régulée par le principe de libre concurrence au profit des groupes multinationaux et des marchés financiers.

Bêtement, j'avais d'abord compris en lisant le titre de la proposition de résolution qu'il s'agissait, avec la création d'une agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures, de faire quelque chose pour empêcher les patrons voyous de délocaliser et de restructurer. J'osais espérer que l'on voulait ainsi lutter contre les marchés financiers, l'argent de la drogue, le blanchiment de l'argent, etc. Eh bien, non ! Je me suis encore trompé. Cela m'arrive, en effet. (Sourires.)

M. Thierry Mariani, rapporteur. Souvent !

M. Maxime Gremetz. L'essentiel n'est-il pas de le reconnaître ?

Vous l'aurez compris, le contenu de cette proposition de résolution ne m'étonne qu'à moitié.

Alors que la libre circulation des marchandises, des services et des capitaux est maintenant devenue une réalité - et quelle réalité ! - les personnes sont encore soumises à des contrôles d'identité au passage de certaines frontières intérieures et aux frontières extérieures. Avouez qu'il y a là une belle contradiction ! Mais la vie n'est-elle pas faite de contradictions ?

Pour façonner sa doctrine en matière d'immigration, l'Union européenne s'est inspiré des principes les plus rétrogrades en vigueur dans certains des Etats qui la composent, utilisant la méthode de l'alignement par le bas. Sourde aux mises en garde régulières d'un parlement européen - qui est préoccupé par les menaces qui pèsent sur le respect des droits de l'homme et qui plaide pour l'égalité de traitement en matière de circulation et d'accès à l'emploi entre les ressortissants des Etats membres et ceux des pays tiers qui résident sur le territoire de l'Union - cette dernière a privilégié une gestion essentiellement policière et utilitaire des flux migratoires. Je vous croyais, monsieur Mariani, souverainiste. Vous avez changé, ce qui est bien normal, car tout change dans la vie. Mais vous avez progressé dans le mauvais sens !

Comment nier que la fermeture officielle des frontières fait le bonheur de toute une catégorie d'employeurs, qui ont en commun de vouloir disposer d'une main-d'oeuvre précaire, sous-payée et dépourvue de droits sociaux ? Car c'est un véritable trafic qui s'opère avec des salariés qui, sans droits, mal payés, sans papiers, sont considérés comme des esclaves qui n'ont droit qu'à se taire. Or que fait-on face à cette situation ? Les secteurs principalement du BTP, de l'hôtellerie-restauration, du nettoyage, de la confection et des récoltes, secteurs les plus friands en main-d'oeuvre immigrée en général et en situation irrégulière de préférence, sont, je l'affirme, parfaitement connus des services administratifs et de police compétents.

En reproduisant l'équation classique immigration égale insécurité, le texte procède, avec la création de l'Agence européenne, d'une approche idéologique de la gestion des mouvements des populations. On les fait entrer clandestinement quand on en a besoin mais on leur interdit de venir quand ce sont eux qui le souhaitent.

Le réflexe sécuritaire fige l'Union européenne dans la conception dépassée d'un espace à défendre dont les étrangers non communautaires, même ressortissants de pays candidats à l'entrée dans l'Union européenne, sont les hôtes indésirables.

On est loin d'une construction européenne vouée, selon nous, à devenir un espace de solidarité entre les peuples des Etats membres et des Etats tiers, un espace qui garantisse et élargisse les droits des salariés et qui conforte nos services publics de la santé, de l'éducation, de la culture et de la recherche. Bref, une Europe sociale et démocratique, tournée vers la coopération et la paix, et ouverte au monde qui l'entoure.

Avec cette proposition de résolution, l'élargissement de l'Union européenne nous conduirait aux frontières d'un monde dangereux, sans foi ni loi. Guidé par un réflexe sécuritaire et par un sentiment de peur, ce texte dessine les contours d'une Europe riche et prospère, renfermée sur elle-même telle une forteresse assiégée par des pays des Balkans, de l'ex-Union soviétique ou de l'autre rive de la Méditerranée, dans un isolement splendide et égoïste. On tient un beau discours généreux sur l'Europe tout en se gardant la possibilité de choisir qui l'on veut !

Laissez-moi vous rappeler que les habitants de ces pays sont des êtres humains comme vous et moi, que leurs conditions de vie misérables peuvent pousser à l'aventure migratoire, à leurs risques et périls. Car les premières victimes des mafias et autres réseaux, ce sont les migrants eux-mêmes. Cessons donc de les criminaliser ! D'autant que la situation que vous dénoncez est due, en grande partie, aux carences et autres lacunes des textes communautaires en la matière.

Ces textes ne se préoccupent nullement des étrangers non communautaires : ceux qui résident légalement dans un des Etats membres restent subordonnés à sa législation interne. Il n'est pas question, pour eux, d'envisager de s'établir librement dans un autre pays de l'Union. Quant à leur circulation dans l'espace communautaire, elle est toujours liée à l'obtention d'un visa, sauf s'ils résident dans un Etat signataire de la convention de Schengen. Ceux qui ne résident pas en Europe ne sont pas censés non plus, s'ils se trouvent dans l'un des pays de l'Union européenne, pouvoir se déplacer librement d'un pays à un autre.

Comment s'assurer du respect de ces règles spécifiques aux étrangers non communautaires dans un espace où les contrôles aux frontières internes sont théoriquement abolis ?

En réalité, la création de l'Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des Etats membres de l'Union européenne répond à des préoccupations sécuritaires qui donnent une image pour le moins sectaire, fermée, figée de la construction européenne. Cette vision ne résulte pas seulement du contexte actuel, puisque les accords de Schengen, contre lesquels nous avons voté, ont jeté les bases du contrôle des frontières extérieures dont la responsabilité relevait de chaque Etat membre sans qu'aucune gestion opérationnelle intégrée n'ait été prévue au niveau communautaire, même si des coopérations bilatérales ont pu se développer.

L'auteur de la proposition de résolution le reconnaît lui-même : il s'agit d'une « étape vers l'institution d'une police européenne des frontières », chargée de faire la chasse aux immigrants, la chasse aux plus faibles d'entre nous. Chasseurs, sortez vos fusils !

Nous sommes bien conscients des multiples violences qui habitent notre monde, dont les attentats qui ont frappé Madrid le 11 mars 2004 se sont fait l'écho. Nous sommes sensibles à la lutte contre le terrorisme, la criminalité internationale, notamment la criminalité financière, la corruption, la fraude, la traite des êtres humains et les trafics. Mais la création d'une sorte de « FBI européen » est-il le signal politique fort que nous voulons donner au monde ? N'est-ce pas, d'une certaine manière, accepter la logique de l'administration Bush, qui félicite son grand général pour son travail, y compris en Irak, malgré tout ce que nous en savons aujourd'hui ?

Par ailleurs, les questions de sécurité et d'ordre public relèvent toujours, jusqu'à nouvel ordre, des fonctions régaliennes de l'Etat. Or les missions de l'Agence touchent à des prérogatives de puissance publique et à l'exercice des libertés fondamentales. Dès lors, la création de cette agence européenne de contrôle aux frontières constitue un transfert de compétence fondamental, qui ne peut rester sans contrôle de la part de la représentation nationale.

En outre, on peut légitimement s'interroger sur l'efficacité du dispositif mis en place, au cœur duquel se trouve l'Agence pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des Etats membres de l'Union européenne.

L'Union européenne comptera en effet 6 000 kilomètres de frontières terrestres et 85 000 kilomètres de frontières maritimes à la suite de l'élargissement aux dix nouveaux Etats membres, auxquelles il faut ajouter les frontières aéroportuaires. La méthode suivie par la Commission et le Conseil de l'Union est-elle adéquate à l'ampleur de l'objectif poursuivi ? Nous pensons qu'il faudrait plutôt approfondir la coopération avec les Etats tiers concernés, dans un esprit de solidarité, d'amitié et de travail entre les peuples.

Pour toutes ces raisons, et au nom des valeurs humanistes et de solidarité auquel il tient ici à réaffirmer son attachement, le groupe des député-e-s communistes et républicains n'apportera pas sa pierre à l'édifice de la forteresse européenne que vous êtes en train de construire. Vous disiez la même chose il y a peu de temps, monsieur Mariani. Pourtant, la forteresse européenne, elle est là et la souveraineté a disparu. Certains ont des valeurs, qu'ils défendent avec constance, d'autres changent de convictions selon les circonstances - comme tout bouge dans ce pays et que nous sommes à la veille d'élections européennes, ils essaient de s'adapter. C'est ce que vous êtes en train de faire, monsieur le rapporteur, mais je ne suis pas sûr que cela vous rapporte gros.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Thierry Mariani, rapporteur. Monsieur Floch et monsieur M. Gremetz, je vous le dis avec beaucoup de sympathie, je n'ai pas changé. Simplement, je crois qu'en politique, il faut tenir compte de l'actualité et des réalités du moment.

Je n'étais pas là quand fut adoptée la ratification des accords de Schengen, mais je ne l'aurais certainement pas votée.

M. François Loncle. Ah !

M. Maxime Gremetz. Moi, j'ai voté contre !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Cela dit, ces accords, aujourd'hui, existent et ils fonctionnent.

M. François Loncle. Quel aveu !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Or j'ai appris qu'en politique, il fallait faire avec le présent, en regardant devant et non derrière.

Les frontières européennes ont besoin d'être défendues mais je suis convaincu, monsieur Gremetz, que ce n'est pas en se repliant sur les limites de l'Hexagone que nous y parviendrons.

M. Maxime Gremetz. Quel est l'ennemi ? Les Etats-Unis ? L'OTAN ? C'est un des deux !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Le clandestin qui se trouve en Loire-Atlantique, dans le Vaucluse, ou en banlieue parisienne, est passé par la frontière polonaise, la frontière chypriote ou ailleurs.

Je le répète, je n'ai pas changé. Simplement, je sais que, pour qu'une politique de contrôle aux frontières soit efficace, il faut lui donner une dimension européenne. Et je crois que nous aurions tout intérêt à expliquer à nos concitoyens que, dorénavant, la frontière n'est plus à Menton, ou dans les Pyrénées, et que dans ce domaine - dans d'autres, mon opinion est beaucoup plus partagée - la politique européenne est une chance. Elle doit nous permettre de coopérer, comme l'a rappelé M. Bénisti, et j'espère que l'action entreprise à ce propos par Nicolas Sarkozy sera poursuivie par son successeur. Si nous voulons que les politiques européennes d'immigration fonctionnent, nous serons par exemple obligés d'harmoniser, à terme, les conditions de reconduite aux frontières, donc les conditions d'asile. C'est la condition pour que la France ait réellement une politique d'immigration maîtrisée.

M. Maxime Gremetz. Une coopération inter-étatique ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. On peut toujours continuer à prétendre que tout dépend de la France, mais un tel discours ne fait que servir le parti extrémiste qui a fait de cette idée son fromage. Nous gagnerons à expliquer à nos concitoyens qu'aujourd'hui la politique d'immigration n'est plus une politique française. Dans quelques mois, les normes en matière de droit d'asile seront décidées à la majorité qualifiée et l'essentiel de la politique d'immigration ne sera plus défini dans cet hémicycle. Je le regrette. Mais j'essaie de faire en sorte, et là je n'ai pas changé, que la souveraineté nationale et le contrôle de nos frontières soient garantis au maximum. C'est la raison pour laquelle je suis un chaud partisan - dans ce domaine, pas dans tous - de la coopération européenne. Je sais que c'est aujourd'hui, à tort ou à raison, la seule dimension efficace.

Je fais partie de ceux qui, comme Mme Comparini, considèrent qu'il faudrait aller plus loin et mettre sur pied, à terme, un corps de garde-frontières européens. Il faut donner un coup de main financier, technique, juridique, à ceux qui garantissent nos nouvelles frontières. Cela me semble inévitable si nous voulons être efficaces.

Mme Anne-Marie Comparini. Eh oui !

M. Thierry Mariani, rapporteur. Nous ne pouvons pas nous contenter de beaux discours car ils ne servent pas à grand-chose. Certes, mettre sur pied une structure avec seulement trente personnes, qui travailleront peut-être dans vingt langues différentes, peut faire sourire, mais, après tout, ce n'est que la première pierre. La politique européenne d'immigration n'a été lancée qu'il y a cinq ans, au conseil de Tampere en 1999. Je trouve qu'elle avance plutôt bien, même si je souhaite qu'elle avance encore plus vite.

M. Maxime Gremetz. Pour la Turquie ?

M. Thierry Mariani, rapporteur. Car c'est uniquement dans ce cadre que nous pourrons garantir la souveraineté française et le véritable contrôle des frontières que j'appelle toujours de mes vœux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. J'ai la conviction que le processus adopté par le Conseil européen de Tampere traduit une approche équilibrée à la fois de la lutte contre l'immigration clandestine et des droits des étrangers en situation régulière. Il permet d'avancer dans la voie de l'intégration des étrangers en Europe, leur offre le droit d'y trouver asile. Et la France, vous le savez, est déterminée à participer à cette évolution, notamment à travers le nouveau traité. Cet équilibre doit être renforcé.

Il ne faut pas oublier non plus tout ce qui est mis en place en matière d'aide au développement, par le biais de protocoles d'association ou d'aides à l'adhésion, qui traduit notre détermination politique à faire avancer l'Europe.

Certes, les frontières extérieures de l'Union ont été repoussées, à l'est et au sud, mais vous savez que jusqu'à nouvelle décision du Conseil, le contrôle aux frontières intérieures avec les nouveaux Etats membres demeure. Les nouveaux membres bénéficient d'une période transitoire avant leur pleine intégration dans l'espace Schengen. Les raisons de cette décision sont multiples, dont celle de donner à ces pays le temps d'organiser le contrôle aux frontières. Nous les aidons dans cette tâche puisqu'il est prévu de consacrer 900 millions d'euros entre 2004 et 2006 à la formation et à la mise en place d'un contrôle effectif et efficace.

Quant aux contrôles des frontières maritimes, une réflexion a été engagée, sous l'impulsion notamment de la récente présidence italienne.

La proposition de résolution prévoit qu'une commission mixte, composée de parlementaires européens et nationaux, pourrait être mise en place pour assurer un contrôle parlementaire de l'Agence. Je rappelle que la création de cette agence a été décidée dans un contexte particulier. Nous voulions renforcer la lutte contre le terrorisme, et, après les événements du 11 mars, il fallait aller vite. Modifier le fonctionnement tel qu'il a été prévu, et qui est inspiré par celui des autres agences, en incorporant des éléments supplémentaires demanderait du temps. Or nous n'en avons pas. Cela dit, le traité est appelé à évoluer et je considère que le rôle du Parlement national est primordial pour tout ce qui touche la subsidiarité, la proportionnalité des mesures et le contrôle.

Nous devons avancer le plus rapidement possible, même si c'est à petits pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

J'appelle maintenant l'article unique de la proposition de résolution dans le texte de la commission.

Article unique

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l'article unique, je vais donner la parole à deux de nos collègues pour des explications de vote.

EXPLICATIONS DE VOTE

Mme la présidente. La parole est à M. François Loncle.

M. François Loncle. Madame la présidente, je n'ajouterai pas grand-chose à ce qu'a dit excellemment mon collègue Jacques Floch. Je voudrais juste revenir un instant sur le débat qui vient d'avoir lieu.

Ayant été rapporteur, en 1991, du texte ratifiant la convention de Schengen, je me souviens qu'au cours de la discussion, qui avait été minutieusement préparée, des clivages s'étaient manifestés mais que nous avions signifié notre volonté que le dispositif de Schengen ne mène l'Europe ni à une passoire ni à une forteresse - c'est l'expression qui avait été employée à l'époque. C'est, je crois, ce qui s'est passé.

L'Europe ne doit pas devenir, je rejoins mon collègue Gremetz, une forteresse européenne. L'Europe, c'est d'abord un espace de liberté et de circulation - rien n'est plus beau que cette valeur de liberté dans notre grand espace désormais à vingt-cinq - mais c'est aussi, forcément, un espace de sécurité et de justice, qui nécessite des harmonisations. Celles-ci se mettent en place progressivement, lentement, trop lentement sans doute, et elles doivent se poursuivre.

S'agissant du contrôle parlementaire, je crois que la délégation pour l'Union européenne et la commission des affaires étrangères peuvent nous livrer régulièrement des rapports d'étape concernant la convention de Schengen et tout ce qui en découle, dont cette agence qui est en quelque sorte un enfant de la convention de Schengen.

Reste un point d'inquiétude : les moyens. Mauvaise nouvelle, en effet, au moment où l'Europe s'élargit : le Président de la République française et cinq autres chefs d'Etat ou de gouvernement viennent d'annoncer un plafonnement des moyens, avec le fameux 1 %.

Pourtant, pour poursuivre la construction européenne, il faut des équipements, il faut des hommes et des femmes : magistrats, Michel Hunault l'a dit tout à l'heure, et tous ceux qui concourent à la sécurité. Nous avons donc besoin de moyens et il faut revenir à plus de sagesse dans la manière dont le budget européen est mis en perspective.

En tout cas, comme Maxime Gremetz, nous voulons qu'on privilégie la lutte contre les trafics en tous genres et non la chasse aux immigrés clandestins. Mais, globalement, nous pensons que la création de l'Agence s'inscrit dans le cadre de la construction européenne, à laquelle nous sommes très attachés.

Mme la présidente. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. J'ai été mis en cause, il faut bien que je réponde.

Monsieur Mariani, votre défense n'a pas été terrible. Les tournants sont toujours difficiles, la sécurité routière veille...

M. Thierry Mariani, rapporteur. C'est un expert qui parle !

M. Maxime Gremetz. A gauche, on m'explique qu'il faut aider ces pays. Il ne s'agit pas de choisir entre tout ou rien ! A-t-on besoin d'une agence européenne ou peut-on assurer la sécurité des frontières par une coopération entre les Etats ? Nous continuons de penser que vous créez un nouveau bidule, comme dirait quelqu'un, qui n'aura de toute façon aucune efficacité. Je vous ai rappelé le nombre de milliers de kilomètres de frontières. Si l'on veut être efficace, il faut créer des régiments de protection des frontières. Ce n'est pas avec une agence comme celle-ci qu'on peut faire quelque chose, soyons sérieux ! Ou alors il s'agit d'autre chose, et on voit bien quel est l'objectif. On n'a pas besoin de trop de monde puisqu'il s'agit de s'attaquer aux personnes, de contrôler les flux migratoires... Quant au reste, on s'en moque !

M. François Loncle. Je viens de dire le contraire !

M. Maxime Gremetz. Oui, mais ce n'est pas parce que vous dites le contraire que c'est la vérité !

Moi, j'ai été longtemps au Parlement européen. Ce n'est pas parce que vous avez voté les accords de Schengen, que, moi, je n'ai pas votés parce que je savais vers quoi on allait, qu'il faut aujourd'hui nous expliquer que c'est ça ou rien du tout. Non, ce n'est pas une agence comme celle-ci ou rien du tout. Je suis favorable à des coopérations, y compris pour assurer la sécurité des frontières.

Continuez comme ça et les marchands de canons et les marchands d'esclaves sont contents, comme les patrons qui vont à l'étranger quand ils en ont besoin, parce que ce n'est pas eux qui sont visés, ce sont les personnes, ceux qui veulent venir dans un pays ou un autre de la Communauté. Ne croyez-vous pas que toute une série de gens qui habitent dans des pays candidats vont essayer de venir ? Ces pays sont candidats, alors un peu plus tôt ou un peu plus tard. C'est normal ! Et les Turcs, qu'est-ce qu'on va en faire ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Que proposez-vous par rapport à la Turquie, qui abrite les bases militaires de l'OTAN ?

Mme Anne-Marie Comparini. C'est un autre débat !

M. Maxime Gremetz. Tout ça ne tient donc pas debout ! En bref, c'est : « immigré, tiens-toi bien ! »

VOTE SUR L'ARTICLE UNIQUE

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article unique de la proposition de résolution.

M. Maxime Gremetz. Je vote contre !

(L'article unique de la proposition de résolution est adopté.)

    14

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

Mme la présidente. Mercredi 12 mai 2004, à quinze heures, première séance publique :

Questions au Gouvernement ;

Discussion du projet de loi organique, n° 1155, pris en application de l'article 72-2 de la Constitution relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales :

M. Guy Geoffroy, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport n°1541) ;

M. Gilles Carrez, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (avis n° 1546).

A vingt et une heures trente, deuxième séance publique :

Discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif au divorce :

M. Patrick Delnatte, rapporteur (rapport n° 1579) ;

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures trente-cinq.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot