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Deuxième séance du vendredi 11 juin 2004

254e séance de la session ordinaire 2003-2004


PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

    1

RECONNAISSANCE DE LA NATION
POUR LES RAPATRIÉS

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés (nos 1499, 1660).

J'appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

Article 1er

M. le président. La parole est à M. Jacques Domergue, premier orateur inscrit sur cet article.

M. Jacques Domergue. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué aux anciens combattants, mes chers collègues, depuis plus de quarante ans, la France est confrontée à son histoire. Les villes du Sud ont vu arriver, dès 1962, des milliers d'hommes et de femmes français d'Algérie. Je suis personnellement né à Rivesaltes où a été installé un des premiers camps de harkis et je me rappelle encore les conditions difficiles dans lesquelles nous les avons accueillis. Oui, nous leur sommes redevables.

En 1962, Montpellier a accueilli plusieurs milliers de Français d'Algérie et son maire de l'époque, François Delmas, a construit pour eux une ville entière, la Paillade, dont je suis l'élu. A présent encore, les harkis vivent dans des conditions souvent plus difficiles que le reste de nos concitoyens.

Aujourd'hui, quarante-deux ans plus tard, toutes les plaies ne sont pas refermées car nous n'avons peut-être pas eu la possibilité, la force de conviction et, parfois, le courage d'assumer ce devoir de mémoire, ce devoir de reconnaissance en faveur de ceux qui ont tout laissé et de ceux qui ont choisi la France comme unique patrie.

Par cette loi, monsieur le ministre, vous allez solder, une fois pour toutes, le problème des Français rapatriés. (« Non, hélas ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Les rancœurs ont trop duré et il était grand temps que la nation tout entière s'unisse pour dire à tous les Français rapatriés, les Français d'Algérie, du Maroc et de Tunisie, aux harkis, qui ont tant souffert : « Nous avons pris la mesure de vos souffrances, nous allons y mettre fin et vous exprimer, une fois pour toutes, la reconnaissance de la nation tout entière. »

L'article 1er de votre projet de loi affirme haut et fort ce souci de reconnaissance. Au travers de plusieurs amendements les parlementaires ont souhaité, pour répondre à la demande légitimes des associations de rapatriés, que ce devoir de mémoire soit enseigné dans les programmes scolaires pour que les plus jeunes sachent ce qui s'est passé.

Nous avons également souhaité que ceux qui sont chargés de dire toute la vérité sur notre histoire développent des programmes de recherche en ce sens afin que toute la lumière soit faite.

Ce n'est qu'à ce prix que nos compatriotes rapatriés se sentiront totalement et définitivement français, je pense notamment aux harkis. Ce devoir de reconnaissance doit conduire l'État à s'engager à punir toute discrimination injurieuse à l'encontre des harkis qui ont choisi la France. Ils sont Français à part entière, ils ont combattu pour le même idéal que nous, celui de la France.

Monsieur le ministre, je suis sûr que, avec ce texte, nous aurons définitivement assumé notre devoir de mémoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand.

M. Jean-Pierre Grand. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'immense majorité de. nos amis rapatriés et harkis attendaient de la République qu'elle reconnaisse l'œuvre humaniste et civilisatrice de la France outre-mer et en particulier dans nos anciens territoires d'Algérie, du Maroc et de Tunisie.

L'article 1er du présent texte peut être considéré comme le plus important puisqu'il affirme l'expression de la reconnaissance nationale à l'égard de l'œuvre accomplie par ces femmes et ces hommes durant plus d'un siècle sur ces terres qu'ils ont aimées, travaillées et défendues.

Cet article 1er scelle la reconnaissance et la réconciliation nationale. Monsieur le ministre, c'est l'honneur de notre majorité de tenir aujourd'hui ses engagements.

Ce projet de loi prend en compte un certain nombre de mesures matérielles et morales en faveur de nos compatriotes rapatriés et harkis que j'avais pour ma part, comme d'autres collègues, appelé de mes vœux lors du débat sur les rapatriés, le 2 décembre dernier.

A l'occasion du débat budgétaire, j'avais également appelé l'attention du ministre des affaires sociales sur la nécessité de prendre des mesures urgentes de justice sociale en faveur des 21 000 dossiers de rapatriés d'Algérie et des 7 500 dossiers de rapatriés du Maroc et de Tunisie entrés dans le champ d'application de l'article 46 de la loi de 1970 et de la loi de 1978. Ce texte règle enfin ces situations.

Les amendements que nous avons cosignés et que nous défendrons sont l'expression de notre réflexion, de notre sensibilité mais aussi la preuve de la prise en compte des demandes récurrentes des associations de défense des intérêts moraux et matériels des rapatriés.

A l'article 1er, l'amendement de M. Diefenbacher, que j'ai cosigné avec d'autres collègues, complète utilement la rédaction du projet de loi. Il renforce la reconnaissance de la nation envers l'ensemble de toutes celles et tous ceux, sans exception, qui furent des victimes directes ou indirectes des événements liés au processus en cours dans nos anciens départements et territoires d'Afrique du Nord.

Ce projet de loi inscrit solennellement la réconciliation de la nation avec tous les acteurs, absolument tous - ceux que la France a honorés, comme ceux qu'elle a condamnés. Nous mesurons l'étendue morale et politique qu'elle recouvre.

Aussi, cette décision de reconnaissance et de réconciliation, que décidera aujourd'hui - à l'unanimité, je l'espère - l'Assemblée nationale, s'inscrit comme la conclusion d'une douloureuse période de notre histoire.

Nous serons donc désormais très attentifs à l'enseignement de l'histoire et au contenu des manuels scolaires dans les écoles de la République. Il importera qu'ils transmettent la vérité historique de l'œuvre de la France outre-mer et en Afrique du Nord en particulier.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, le 1er novembre et le 5 décembre prochains quand je déposerai une gerbe au pied du monument du souvenir de ma commune dédié à nos morts et disparus d'outre-mer, où est gravée la citation de Sully Prudhomme : « Et ceux-là seuls sont morts qui n'ont rien laissé d'eux », j'aurai pour la première fois le sentiment que nous avons inscrit dans le marbre de l'histoire la reconnaissance par la France tout entière de l'œuvre et de la souffrance de nos compatriotes rapatriés et harkis. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Roland Chassain.

M. Roland Chassain. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'article 1er du texte que nous examinons est, pour moi, l'un des points essentiels du dispositif qui nous est proposé par le Gouvernement.

Pour reprendre les propos de notre excellent collègue Christian Kert, rapporteur de la commission des affaires culturelles, ce projet de loi n'est pas un simple dispositif d'indemnisation, mais l'expression de la reconnaissance de la nation à l'égard d'un certain nombre de nos compatriotes.

Aussi aurais-je aimé que la rédaction de cet article soit plus courageuse et prouve, comme nos voisins allemands l'ont montré récemment, que la France est prête, après quarante-deux ans d'hésitations, à affronter son histoire avec dignité et responsabilité.

Certes, monsieur le ministre, vous écrivez dans l'exposé des motifs :

« Nombre de Français d'Algérie, les anciens des forces supplétives, les harkis et leurs familles, ont été victimes d'une terrible tragédie au moment où la France et l'Algérie décidaient de suivre des chemins séparés.

« La France, en quittant le sol algérien, n 'a pas su sauver tous ses enfants, ni toujours bien accueillir ceux d'entre eux qui ont été rapatriés. Les massacres dont certains ont été les innocentes victimes marquent durablement notre conscience collective. »

Pourquoi s'être contenté de reconnaître la réalité historique dans l'exposé des motifs alors que, en intégrant le texte que je viens de lire dans l'article 1er, nous aurions pu lever toute ambiguïté sur le message que nous adressons à nos compatriotes ?

Je suis, mes chers collègues, élu de la circonscription qui a accueilli le bachaga Boualem, plusieurs fois élu à l'unanimité vice-président de notre assemblée. J'attends, pour ses enfants et les membres de sa harka, que nous nous en rappelions, en dépassant les clivages politiques qui n'ont pas place dans ce débat.

Monsieur le ministre, je rencontre régulièrement dans ma circonscription des harkis et leurs descendants. Ils attendent un signe fort de la République après quarante-deux ans d'hésitations.

Sur cet article 1er, le rapporteur et certains de nos collègues ont déposé de nombreux amendements. Je vous demande de les accueillir favorablement, en ayant à l'esprit que nous faisons une œuvre commune, pour rétablir dans leur honneur de nombreux compatriotes et montrer au monde que la patrie des droits de l'homme sait faire face à son histoire, aussi douloureuse soit-elle. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean Leonetti.

M. Jean Leonetti. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a aussi en politique de belles histoires.

Je me souviens d'avoir participé avec Michèle Tabarot à une réunion de rapatriés et de harkis sur les bords de la Méditerranée. Une femme âgée s'est approchée de nous et nous a dit : « Nous savons qu'aujourd'hui les indemnités ne viendront pas, ou plus. Mais nous voudrions que vous arriviez, un jour, à dire à l'Assemblée nationale que ce que nous avons fait collectivement, en Algérie, c'était bien. »

J'étais venu vous voir à ce moment-là, monsieur le ministre, et nous avions, avec plus d'une centaine de collègues, dont M. Douste-Blazy, déposé une proposition de loi intitulée « Reconnaissance de l'œuvre positive des Français en Algérie ». Nous avions encore le sentiment que c'était un peu « politiquement incorrect ».

En 2003, pendant l'année de l'Algérie en France, nous avons été nombreux à être déçus, non que l'on parle de l'Algérie et des ressortissants algériens en France, mais que l'on ne mette pas assez en évidence la réalité historique : la présence de la France pendant plus de cent ans de l'autre côté de la Méditerranée et son œuvre positive.

Monsieur le ministre, vous avez eu - et je vous en remercie - la gentillesse et la délicatesse de m'écrire le 11 mars 2004 : « Je souhaite particulièrement souligner que la proposition de loi qui visait à reconnaître l'œuvre collective de ces hommes et de ces femmes d'outre-mer est satisfaite par l'article 1er du projet de loi. »

En effet, vous avez tenu parole. L'article 1er du projet de loi reconnaît l'histoire, mais aussi les erreurs de la France. C'est l'honneur d'un grand peuple de savoir reconnaître les erreurs qu'il a commises - « la terre et les morts, la mer et les vivants » comme l'écrivait Paul Valery -, c'est-à-dire manifester la reconnaissance du passé et l'espoir en l'avenir.

À l'occasion de l'inauguration du mémorial national de la guerre d'Algérie, des combattants du Maroc et de Tunisie, M. Jacques Chirac, Président de la République déclarait : « Quarante ans après la fin de la guerre d'Algérie, après ces déchirements terribles au terme desquels les pays d'Afrique du Nord se sont séparés de la France, notre République doit assumer pleinement son devoir de mémoire. »

Monsieur le ministre, je suis particulièrement heureux de constater que la représentation nationale va reconnaître l'œuvre de la plupart de ces hommes et de ces femmes qui, par leur travail, leurs efforts et quelquefois au prix de leur vie, ont marqué pendant plus d'un siècle, la présence de la France de l'autre côté de la Méditerranée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Soisson.

M. Jean-Pierre Soisson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je viens d'apprendre le décès du colonel Antoine Argoud. Il est mort dans les Vosges, cette nuit.

Il fut à Larbaa, le chef de corps du 3e régiment de chasseurs d'Afrique et mon chef de guerre, comme je l'ai expliqué ce matin à la tribune. L'armée l'avait surnommé le « Petit Prince ». Il avait une connaissance sans pareil du terrain en Algérie.

Je ne l'ai pas suivi dans toutes les initiatives qu'il a pu prendre. Car, quand on sert l'État, on ne se rebelle pas contre lui.

Je voudrais, aujourd'hui, en votre nom à tous, avoir une pensée pour le très grand soldat qu'il fut.

M. le président. Nous arrivons à l'examen des amendements à l'article 1er.

Je suis saisi d'un amendement n° 103 rectifié.

La parole est à M. Yves Simon, pour le soutenir.

M. Yves Simon. L'article 1er du projet de loi exprime la reconnaissance de la nation à l'égard de tous ceux qui ont participé à l'œuvre de la France d'outre-mer. Il constitue un geste fort et particulièrement attendu par l'ensemble des rapatriés de ces pays, qui ont vécu la douleur du déracinement et les difficultés liées à la réinstallation dans un pays qu'ils ne connaissaient souvent pas.

Moins nombreux que ceux issus d'Algérie, des rapatriés d'Indochine se sont installés en France, en particulier dans deux villages : Sainte-Livrade-sur Lot et Noyant-d'Allier. Ce dernier village est dans ma circonscription. Ses activités minières ont cessé dans les années quarante. Il a, dans les années cinquante, accueilli cette population indochinoise. Celle-ci s'est totalement intégrée à la vie locale. Aujourd'hui, elle souhaite garder ses nouvelles racines françaises.

Cette population a souffert d'une guerre longue et douloureuse. Elle a le sentiment d'avoir été oublié par la communauté nationale.

C'est pourquoi j'ai déposé l'amendement n° 103 rectifié, qui vise à substituer aux mots : « , et en Tunisie » les mots : « ,en Tunisie et en Indochine ».

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 103 rectifié.

M. Christian Kert, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. La commission a donné un avis favorable à cet amendement.

Si les ressortissants indochinois sont déjà concernés par le dispositif, il n'est pas inutile, loin de là, d'inscrire en toutes lettres le mot « Indochine » dans le texte du projet de loi.

Notre collègue Yves Simon rejoint le souci exprimé par M. Étienne Mourrut.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux anciens combattants, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 103 rectifié.

M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué aux anciens combattants. Le Gouvernement émet également un avis favorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n°103 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

Je suis saisi de sept amendements, nos 61, 1, 78, 20, 35, 44 et 45, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 20 et 35 sont identiques.

La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l'amendement n° 61.

M. Francis Vercamer. Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai également les amendements nos 44 et 45 de M. Lachaud, que je représente dans cet hémicycle.

Les populations rapatriées attendent beaucoup de nos débats. Ils souhaitent que soient reconnus les épisodes dramatiques auxquels ils ont été confrontés lors des événements d'Algérie, que ce soit pendant le conflit ou après celui-ci, notamment les massacres perpétrés sur le sol algérien, les conditions de rapatriement, de parcage - je ne sais quel mot employer -, de regroupement dans des camps à leur arrivée en France.

L'article 1er me paraît un peu « juste », si je puis dire, compte tenu de ces événements, et il me paraît nécessaire de le compléter.

J'ai écouté les orateurs inscrits sur l'article. Dans chacune de leurs interventions, je retrouve les éléments que je propose d'intégrer à l'article 1er.

Les amendements nos 44 et 45 reprennent une partie de l'amendement n° 61. Ce sont en quelque sorte des amendements de repli.

L'amendement n° 44 mentionne les massacres. Mais peut-être faut-il éviter d'aller trop loin et est-il préférable de laisser la fondation faire son œuvre - si notre assemblée accepte mon amendement visant à rechercher les responsabilités et à établir l'histoire.

Personnellement, il me semble plus simple d'écrire, comme je le fais au premier alinéa de l'amendement n° 61 : « La France reconnaît qu'elle n'a pas pu sauver ses enfants, particulièrement en Algérie après le 19 mars 1962. » Cette formule a été évoquée par M. Fenech lors de la discussion générale et elle est extraite d'un discours du Président de la République.

Le deuxième alinéa indique : « Elle reconnaît les conditions difficiles de l'évacuation de ceux qui ont pu rejoindre la métropole et leur relégation durable dans des camps à leur arrivée sur le territoire français. » Ce n'est contesté par personne. Laissons aux historiens le soin d'indiquer si les conditions étaient satisfaisantes ou non - même si nous savons, nous, qu'elles étaient exécrables.

Au troisième alinéa de l'amendement, je propose d'écrire : « Elle reconnaît à toutes ces victimes le droit à une juste réparation pour les sacrifices consentis et les préjudices subis. » C'est une ouverture vers l'article 2, qui prévoit une indemnisation. L'indemnisation implique une réparation, et donc un préjudice. À partir du moment où l'on ne reconnaît pas un préjudice, on a du mal à indemniser.

Les amendements nos 44 et 45 reprennent pratiquement les mêmes éléments.

L'amendement n° 44 ajoute les Moghaznis à l'ensemble des forces supplétives et reconnaît la situation dramatique dans laquelle ils se sont trouvés.

L'amendement n° 45 ajoute aux territoires d'Algérie le Maroc et la Tunisie, car on a eu peu oublié dans ce texte les populations rapatriées du Maroc et de Tunisie.

M. le président. La parole est à M. Emmanuel Hamelin, pour soutenir l'amendement n° 1.

M. Emmanuel Hamelin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les deux alinéas de cet amendement répondent à un double objectif.

Le premier alinéa vise à préciser le principe de la reconnaissance, désignée par le titre même du projet de loi, dans l'esprit des propos qu'on a pu entendre dans cet hémicycle à l'occasion de la discussion générale. Les situations dont il s'agit d'assurer la reconnaissance ont été clairement identifiées et sont bien connues de tous.

Le deuxième alinéa affirme le principe de la réparation, tant morale que matérielle, des handicaps sociaux dont ont été victimes les harkis et leurs familles du fait des conditions dans lesquelles ils ont été accueillis sur le sol français. Je pense qu'il est essentiel d'inscrire explicitement dans la loi ces notions de reconnaissance et de réparation des dommages dus aux défaillances de la France à l'égard d'une partie de ses enfants, comme nombre d'entre nous l'ont déjà souligné. Je veux parler ici de justice face à un préjudice subi, qui me semble minimale compte tenu des souffrances créées par cette situation.

M. le président. La parole est à M. Jacques Bascou, pour soutenir l'amendement n° 78.

M. Jacques Bascou. Par cet amendement nous proposons une amélioration concrète du texte en ce qui concerne le devoir de mémoire, dans la ligne de la motion de renvoi en commission qui a été défendue ce matin et des interventions des orateurs socialistes. Si j'en crois les interventions que je viens d'entendre dans la bouche d'orateurs d'autres groupes, tel M. Vercamer, nous sommes, avec cet amendement, au cœur du sujet, celui de la reconnaissance et de la définition des responsabilités.

En effet il s'agit de compléter l'article 1er, en précisant que « La France reconnaît ses responsabilités envers les Français rapatriés et dans l'abandon des supplétifs. Elle reconnaît l'ampleur des massacres commis après les accords d'Évian à l'égard des civils français, des militaires et des civils algériens engagés à ses côtés, ainsi qu'à l'égard de leurs familles ». Il est ajouté par le deuxième alinéa de l'amendement que « la France reconnaît également ses responsabilités dans l'histoire des harkis et les difficultés de vie qui ont été les leurs, et prend l'engagement de tout mettre en œuvre pour leur rendre l'honneur de leur engagement ».

Nous sommes là au cœur du problème que pose ce projet de loi. Tout le monde est certes favorable à la reconnaissance de l'œuvre de la France outre-mer et de nos compatriotes rapatriés, notamment à travers les manuels d'histoire. Mais, comme l'a rappelé notre rapporteur en commission des affaires culturelles, ce concept de responsabilité a été écarté, parce que sa reconnaissance signifierait une réparation matérielle. On préfère rester dans le vague, et je comprends la déception des associations de rapatriés. Si on parle de reconnaissance, il faut reconnaître aussi les responsabilités. Il ne s'agit pas de désigner tel ou tel, mais d'établir des faits précis. C'est la raison pour laquelle nous avons demandé une mission d'enquête, qui permettra d'aller ensuite vers ces réparations. Je ne crois pas en effet qu'on puisse dissocier reconnaissance et réparation, sinon dans un premier temps. Ainsi la reconnaissance de la responsabilité de notre pays dans les crimes commis par Vichy a été suivie dans un deuxième temps par une réparation.

Cet amendement ne vise pas, je le répète, à pointer du doigt tel ou tel, mais à permettre à notre pays d'assumer son histoire, afin de pouvoir faire le deuil et tourner la page.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 20.

M. Christian Kert, rapporteur. Cet amendement vise à acter la reconnaissance par la nation des souffrances éprouvées et des sacrifices endurés par les rapatriés, les anciens membres des formations supplétives et assimilés, les disparus et les victimes civiles et militaires des événements liés au processus d'indépendance de ces anciens départements et territoires, et l'hommage solennel qu'elle leur rend, ainsi qu'à leurs familles.

Nous pensons que le texte que nous proposons, qui a reçu l'approbation des membres du Haut conseil des rapatriés, est de nature à satisfaire la globalité des soucis exprimés par notre collègue. C'est pourquoi la commission a approuvé cette rédaction, qui est aussi celle de l'amendement n° 35, lequel exprime ces intentions dans les mêmes termes.

M. le président. La parole est à M. Michel Diefenbacher, pour défendre l'amendement n° 35.

M. Michel Diefenbacher. Cet amendement, comme vient de le dire le rapporteur, est identique à celui qui vient d'être présenté. Je soulignerai simplement combien il est important que ce texte désigne deux catégories de victimes de ces événements, qui n'étaient pas jusque-là mentionnées dans la loi : les disparus et les victimes civiles. Si l'amendement est adopté, l'article 1er comporterait donc deux alinéas, l'un exprimant la reconnaissance de la nation, et le second l'hommage solennel à ces différentes catégories de victimes.

M. le président. Les amendements nos 44 et 45 ont été défendus.

Quel est l'avis de la commission sur tous ces amendements ?

M. Christian Kert, rapporteur. La commission a repoussé l'amendement n° 61, lui préférant la rédaction des amendements nos 20 et 35. Dans le même état d'esprit, elle a repoussé les amendements nos 1 et 78. Elle a repoussé également les amendements nos 44 et 45, dont elle a estimé qu'ils n'apportaient pas de précision utile.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux anciens combattants. Nous examinons là des amendements essentiels. Des différentes propositions qui viennent d'être faites, le Gouvernement retient la rédaction de votre rapporteur, qui améliore notablement le texte.

Reconnaître l'œuvre accomplie par nos compatriotes outre-mer au nom de la France est un devoir pour l'État et pour tous les Français ; reconnaître les sacrifices endurés et les souffrances éprouvées participe du devoir de mémoire que depuis deux ans le Gouvernement a voulu accentuer, comme vous le savez.

Cela répond à l'attente légitime des rapatriés de toutes origines et à une nécessité pour notre nation, qui ne pratique pas l'oubli de ses enfants ni de son histoire. L'édification à Marseille d'un mémorial de la France d'outre-mer en est la preuve.

Le Gouvernement est donc favorable à l'amendement n° 20 de la commission, et souhaite le retrait de tous les autres amendements.

M. le président. La parole est à M. Robert Lecou.

M. Robert Lecou. Cet article est essentiel, même s'il ne sera jamais possible de réparer les souffrances morales qui s'ajoutent aux difficultés matérielles. Mais qu'au moins nous les reconnaissions !

Je voudrais appuyer fortement les amendements de M. le rapporteur et de M. Diefenbacher, qui sont identiques. Ils expriment une démarche utile, forte et nécessaire. Il me paraît indispensable en effet, non seulement de reconnaître la souffrance, mais aussi de citer l'ensemble des personnes concernées, tels les membres des formations supplétives, ces harkis qui ont été durement éprouvés par cet épisode de la guerre d'Algérie.

Il est tout aussi nécessaire que le mot « hommage » soit présent dans cet article 1er. On ne résoudra certes pas totalement le problème par ce mot, mais on fait un pas vers une reconnaissance, et probablement vers une meilleure façon de panser des plaies encore ouvertes.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Soisson.

M. Jean-Pierre Soisson. Par-delà nos sentiments aux uns et aux autres, il ne faut pas oublier qu'il s'agit d'un texte de loi, dont la rédaction doit « tenir la route ».

Je rejoins les propos de notre collègue Diefenbacher à propos des deux alinéas du futur article 1er. Le premier est consacré à la reconnaissance, principe dont l'affirmation nous a tous réunis. Le second est consacré à l'hommage que la nation rend aux différentes catégories de citoyens qui ont été citées.

On ne peut pas aller plus loin, et je mets en garde l'Assemblée contre l'amendement de nos collègues socialistes : si vous l'adoptez, la nation reconnaissant ses responsabilités du point de vue juridique, vous ouvrez la possibilité de contentieux et d'actions en réparation. Nous sortons là très nettement du champ de ce que le Gouvernement et la majorité peuvent accepter. Aller au-delà exigerait une étude approfondie.

M. Jacques Bascou. Un rapport !

M. Jean-Pierre Soisson. Je me réjouis donc de la clarté que l'amendement de notre rapporteur apporte au texte : deux alinéas consacrés à deux principes, l'un à la reconnaissance, l'autre à l'hommage. Point final.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Je regrette quelque peu la position du rapporteur et du Gouvernement, qui est à mon avis un peu en deçà des attentes de la population rapatriée. Il est vrai que la position du groupe socialiste est excessive, et il faudra probablement attendre des études ou des rapports complémentaires sur cette question. C'est d'ailleurs l'objet d'amendements qui doivent être examinés plus loin dans le débat. Il s'agira d'établir des faits précis, grâce par exemple aux archives nationales. Je pense néanmoins qu'on pourrait aller plus loin au regard des attentes de nos amis rapatriés.

Le groupe UDF se rangera bien sûr à l'avis du rapporteur, dont l'amendement est d'ailleurs cosigné par M. Lachaud. Mais je regrette qu'on n'ait pas, par exemple, repris les propos du Président de la République, qui reconnaît lui-même que la France n'a pas pu s'occuper de ses enfants. Ces réserves étant faites, je retire l'amendement n° 61 et je voterai l'amendement de la commission.

M. le président. La parole est à M. Kléber Mesquida.

M. Kléber Mesquida. Presque tous les orateurs ont parlé de responsabilités, en disant que la France n'a pas su les assumer. J'ai suggéré pour ma part que la France ne l'avait pas voulu, et c'était peut-être excessif.

Voilà qu'on nous propose un amendement selon lequel la France « reconnaît les souffrances éprouvées et les sacrifices endurés ». Mais cela fait quarante-deux ans que l'on voit souffrir cette population rapatriée, les harkis, les pieds-noirs ; on n'a pas besoin de l'inscrire dans la loi ! Il s'agit de savoir pourquoi ils ont souffert ; qui en est responsable, et c'est la raison pour laquelle je maintiens notre amendement. Plus de quatre décennies après ces événements, il est grand temps de laisser de côté le double langage, et ce ne serait que justice que parler de responsabilité !

Et puis ce ne serait pas aller à l'encontre des conceptions du Président de la République, au contraire, puisqu'il dit que la France n'a pas su protéger ses enfants : c'est reconnaître fortement qu'il y a une responsabilité. Mais nos collègues de l'UMP sont libres de dire une chose et d'en faire une autre. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Nous n'avons pas de leçon à recevoir du parti socialiste !

M. Kléber Mesquida. Je regrette, monsieur Vercamer, que vous retiriez votre amendement parce que je l'aurais voté comme amendement de repli. Il a au moins le mérite d'être plus explicite, ce qui est déjà une avancée.

Sincèrement, sans vouloir polémiquer, je suis ulcéré de voir qu'on ne peut pas reconnaître ici, quarante-deux ans après les faits, qu'il y a eu une responsabilité. Nous ne demandons pas une condamnation, mais un simple constat. La reconnaissance, c'est un fait ; les souffrances, on les connaît ; la responsabilité, il faut aujourd'hui l'inscrire dans la loi.

M. le président. La parole est à M. Emmanuel Hamelin.

M. Emmanuel Hamelin. Je tiens à revenir sur l'amendement que Georges Fenech et moi-même avons déposé. J'ai, lors de ma défense d'amendement, souligné deux éléments, la reconnaissance et la réparation.

Quant à la reconnaissance, nous partageons tous le même avis ici, et nous sommes tous d'accord. Il est logique et légitime d'associer l'hommage à la reconnaissance car on fait ainsi un pas de plus dans la voie du bon sens.

Mais je considère que ne pas tenir compte de la notion de réparation enlève du poids à la reconnaissance que l'on exprime.

Dès lors que l'on reconnaît - et c'est le sens de l'amendement n° 20, sur lequel nous sommes bien évidemment tous d'accord - les souffrances éprouvées et les sacrifices, il me semble évident, logique et légitime d'associer à cette reconnaissance la notion de réparation.

M. le président. La parole est à M. Georges Fenech.

M. Georges Fenech. Contrairement à ce que j'ai entendu tout à l'heure, les mots ont toute leur importance.

J'indique tout de suite à M. le ministre que, bien entendu, nous voterons l'article 1er amendé par M. le rapporteur, mais nous insistons tout de même car cela nous paraît être un des points centraux, sinon essentiels, de ce projet de loi : il y va en effet de l'honneur, de la mémoire, et c'est le plus important.

Ce qui nous distingue de l'amendement présenté par le groupe socialiste, c'est que, nous, nous ne parlons pas de responsabilité. Comme je l'ai indiqué ce matin dans la discussion générale, nous ne cherchons pas à savoir qui est responsable ni à identifier tel ou tel auteur ou complice d'événements historiques. Nous avons demandé, et nous avons obtenu cette assurance du ministre ce matin, qu'un effort de recherche historique soit fait en son temps.

Ce que nous vous demandons aujourd'hui, c'est d'introduire dans la loi ce qui a été clairement indiqué par le Président de la République, par le Gouvernement lui-même et dans l'exposé des motifs du projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui, à savoir qu'il y a eu des actes de barbarie. Qui, dans cet hémicycle, pourrait se lever et dire : « Il n'y a pas eu d'actes de barbarie. » ? C'est un fait patent, qui doit recueillir, ici, un consentement unanime ! Qui peut prétendre qu'il n'y a pas eu des conditions indignes d'accueil sur notre sol au moment du rapatriement des survivants et des familles de survivants ?

Je ne comprends pas cette frilosité dont fait preuve notre groupe, notre majorité, pour reconnaître ce qui l'a été par le chef de l'État et par le Gouvernement, et pour l'inscrire dans la loi.

M. Kléber Mesquida. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Christian Kert, rapporteur. Je tiens avant tout à remercier les trois orateurs précédents de la mesure de leur propos par rapport à la force de leurs convictions.

Cher collègue socialiste, en évoquant la responsabilité, vous avez posé la question : « Qui est responsable ? », mais vous vous êtes bien gardé d'y répondre. Cela prouve que nous avons tous un doute, une hésitation. Et si nous ne souhaitons pas introduire cette notion de responsabilité dans le texte, c'est justement parce que, selon nous, le prisme de l'historien n'est pas encore passé.

Par conséquent, nous défendons ici, comme le Gouvernement, la création d'une fondation pour faire le point sur ces responsabilités, une bonne fois pour toutes, en nous donnant le temps. Il est donc difficile pour nous de défendre à la fois fortement la création d'une fondation pour, immédiatement après, vouloir établir des responsabilités que nous ne connaissons pas.

À mes deux autres collègues, je veux dire qu'il s'agit avant tout d'un texte de reconnaissance. Nous avons clairement défini cette reconnaissance et avons veillé à ce que le second alinéa proposé comporte l'intégralité de cette notion et l'hommage rendu.

Pour le reste, accordez-moi que la réparation constitue la trame générale, le fond de ce texte. Nous avons donc considéré que cette notion était incluse dans le texte.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Après avoir entendu les uns et les autres, je propose tout simplement de sous-amender l'amendement n° 20 du rapporteur en ajoutant, avant l'alinéa qu'il propose, la première phrase de mon amendement n° 61, à savoir : « La France reconnaît qu'elle n'a pas pu sauver tous ses enfants, particulièrement en Algérie après le 19 mars 1962. », phrase prononcée par le Président de la République lui-même dans son discours.

M. le président. Je suis saisi d'un sous-amendement n° 113 ainsi rédigé : « Au début de l'amendement n° 20, insérer l'alinéa suivant :

"La France reconnaît qu'elle n'a pas pu sauver tous ses enfants, particulièrement en Algérie après le 19 mars 1962." »

Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement ?

M. Christian Kert, rapporteur. La commission n'ayant pas été consultée, je donne mon avis à titre personnel.

Je suis défavorable à cette proposition car écrire la loi ne consiste pas à faire un copier-coller d'un discours, aussi prestigieux soit-il. Ici, nous faisons œuvre législative. Il nous appartient à nous d'écrire la loi. Ce texte a été étudié avec une particulière attention et soigneusement pesé dans le cadre de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

J'apprécie beaucoup le propos de reconnaissance de M. le Président de la République, mais c'est un discours. Or, ici, nous écrivons des articles de loi, et une phrase de discours n'a pas sa place dans un texte législatif.

M. Kléber Mesquida. Le discours et les actes !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 113 ?

M. le ministre délégué aux anciens combattants. Le Gouvernement se range à l'avis du rapporteur pour une simple raison. : vous êtes en effet convenus qu'une disposition allait autoriser la mise en place d'une fondation. Or celle-ci pourra parfaitement éclairer ce domaine, fort important pour nous, et nous ne pouvons pas anticiper sur ses conclusions.

M. le président. Mes chers collègues, je considère que l'Assemblée est suffisamment éclairée. Je vais mettre aux voix les amendements.

L'amendement n° 61 a été retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 78.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 113 à l'amendement n° 20.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 20 et 35.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 44 et 45 de MM. Lachaud et Salles tombent.

Je mets aux voix l'article 1er, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 1er, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 1er

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 3, 10 et 9, pouvant être soumis à une discussion commune. Les amendements nos 3 et 10 sont identiques. La parole est à M. Daniel Spagnou, pour défendre l'amendement n° 3.

M. Daniel Spagnou. Cet amendement vise à associer à la Journée nationale du 5 décembre toutes les victimes civiles ou militaires qui, par leur engagement direct ou indirect pour la France, ont perdu la vie lors de la guerre d'Algérie, même au-delà des accords d'Évian.

M. le président. La parole est à M. Roland Chassain, pour soutenir l'amendement n° 10.

M. Roland Chassain. Cet amendement vise à préciser que la nation associe les populations civiles de toutes confessions, harkis, pieds-noirs, victimes des massacres perpétrés durant la guerre d'Algérie ainsi que de ceux commis après le 19 mars 1962 en violation des accords d'Évian, à l'hommage pour les combattants morts pour la France en Afrique du Nord, rendu le 5 décembre lors de la Journée nationale décrétée en 2003.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Kert, rapporteur. Même si la commission comprend le souci des auteurs de ces amendements, associer les populations civiles à la Journée du 5 décembre risque d'entraîner une grande confusion. En effet, la Journée du 5 décembre a été instaurée comme une journée d'hommage à des combattants militaires. On sait dans quel climat particulier a pu naître cette date du 5 décembre.

Considérant avec force qu'il ne fallait pas créer cette confusion, la commission a émis un avis défavorable à ces deux amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux anciens combattants. En instaurant une journée nationale en hommage aux morts de la guerre d'Algérie et des combats de la Tunisie et du Maroc, le Gouvernement a souhaité réunir la nation autour d'un mémorial à la mémoire de tous ceux qui sont morts pour la France.

Le souvenir des malheureuses victimes civiles et militaires de ces événements tragiques est commémoré à Paris depuis 1996 par un monument national inauguré par le Président de la République, Jacques Chirac, et érigé dans le parc de la Butte-du-Chapeau-Rouge, dans le XIXe arrondissement.

Je souhaite que, le 5 décembre prochain, une cérémonie puisse être également organisée devant ce monument, au cours de laquelle nous rendrons l'hommage que méritent toutes les victimes.

Il me semble que, pour l'essentiel, vos préoccupations sont déjà prises en compte par le Gouvernement et par l'amendement de la commission. Aussi vous demanderai-je de bien vouloir retirer vos amendements.

M. le président. La parole est à M. Louis Giscard d'Estaing, pour présenter l'amendement n° 9.

M. Louis Giscard d'Estaing. Cet amendement est légèrement différent dans sa formulation, mais relève de la même approche que les deux amendements de mes collègues MM. Chassain et Spagnou.

Il vise à insérer la précision suivante : « La nation associe les victimes civiles, les veuves et les orphelins, les familles des harkis et pieds-noirs à l'hommage pour les combattants morts pour la France en Afrique du Nord, rendu le 5 décembre lors de la Journée nationale décrétée en 2003 ».

Il s'agit d'un amendement de cohérence puisque nous venons d'adopter, par les amendements identiques nos 20 et 35, une disposition qui prévoit que la nation rend « solennellement hommage » aux « victimes civiles et militaires des événements liés au processus d'indépendance de ces anciens départements et territoires, ainsi qu'à leurs familles ».

Dès lors que notre assemblée a adopté ces deux amendements, il me semble que, dans un souci de cohérence, elle devrait associer ces familles, en mémoire des épreuves qu'elles ont endurées, à la journée nationale du 5 décembre, qui ne doit pas se limiter à l'organisation de cérémonies militaires, et la commission l'a d'ailleurs souligné lorsqu'elle a examiné l'amendement.

Je demande donc au rapporteur de bien vouloir considérer que, l'Assemblée ayant voté les amendements nos 20 et 35, il convient d'émettre un avis favorable à ce nouvel amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 9 ?

M. Christian Kert, rapporteur. Si la rédaction est légèrement différente, l'intention est, de l'aveu même de notre collègue Giscard d'Estaing, identique à celle qui inspire les deux premiers amendements. Nous confirmons donc l'avis défavorable que la commission a émis à propos de cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux anciens combattants. L'amendement de M. Giscard d'Estaing se rapproche, dans son esprit, de ce qui a été proposé précédemment. Nous formulons donc également un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 3 et 10.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 9 tombe.

Je suis saisi de huit amendements, nos 18, 96, 79, 8, 16, 108, 91 et 54, pouvant être soumis à une discussion commune. Les amendements nos 8 et 16 sont identiques.

La parole est à M. Jacques Domergue, pour soutenir l'amendement n° 18.

M. Jacques Domergue. Cet amendement tend à préciser la vocation du mémorial national de la guerre d'Algérie inauguré le 5 décembre 2002, afin de recueillir de manière exhaustive les témoignages des rapatriés, de poursuivre l'ouverture des archives, d'inciter à l'organisation d'expositions, de colloques et de publications, de développer l'enseignement de l'histoire des rapatriés en liaison avec les acteurs de l'éducation nationale, de lutter contre la désinformation et les propos diffamatoires concernant les rapatriés. Cet amendement tend donc à renforcer le devoir de mémoire.

M. le président. La parole est à M. Daniel Spagnou, pour soutenir l'amendement n° 96.

M. Daniel Spagnou. La France doit être fière de son œuvre civilisatrice, en particulier en Afrique du Nord. Sans la France, l'Algérie d'aujourd'hui n'existerait pas. C'est la France qui lui a donné son territoire et son identité, qui l'a organisée et développée. L'œuvre de la France outre-mer est méconnue et déformée, voire calomniée, sous le vocable de « colonialisme ». Cette œuvre doit être réhabilitée, car c'est elle qui a donné naissance à la francophonie. Les quelque cinquante États qui y participent sont tous issus de notre empire.

Il importe par conséquent, d'une part, que, dans les manuels d'histoire principalement, la vérité historique soit rétablie, et, d'autre part, que la création d'une fondation permette aux historiens d'avoir accès aux archives afin de renseigner au mieux les familles qui, depuis plus de quarante ans, attendent de savoir ce que sont devenus certains de leurs proches.

Par ailleurs, à l'heure de l'ouverture des charniers d'Oran, il est essentiel qu'un organisme puisse travailler avec les autorités algériennes afin de permettre, dans la mesure du possible, l'identification des défunts.

M. le président. La parole est à M. Kléber Mesquida, pour soutenir l'amendement n° 79.

M. Kléber Mesquida. Cet amendement se situe dans le droit fil de l'exposé des motifs du projet de loi qui précise qu'« une fondation sera créée pour assurer la vérité de leur histoire, comme celle de la guerre, la pérennité de leurs traditions et veiller à défendre leur honneur et leur dignité ». Il propose en effet de créer cette fondation pour l'histoire et la mémoire. Cette création serait plus rapide si elle était inscrite dans la loi. Nous devons retrouver dans la loi ce que promet l'exposé des motifs.

M. le président. La parole est à M. Roland Chassain, pour soutenir les amendements identiques nos 8 et 16.

M. Roland Chassain. Nous proposons d'insérer l'article suivant après l'article 1er : « Au-delà de l'expression de la reconnaissance de la nation, une politique de mémoire nouvelle et ambitieuse est engagée et développée en direction du grand public et de la jeunesse pour assurer la connaissance de l'histoire de tous les rapatriés. Un institut est créé pour assurer cette mission avec le concours des services de l'État, ayant pour vocation de suivre le contenu et le développement de l'enseignement de l'histoire des rapatriés au sein de l'éducation nationale, d'assurer l'ouverture des archives, d'être vigilant face à toutes les formes de discrimination et de développer les outils d'information et de sensibilisation. »

La dette d'honneur de la nation envers les rapatriés ne sera pas acquittée par le seul devoir de reconnaissance, mais également par le devoir de mémoire. Cela implique que nous consentions un effort nouveau et ambitieux pour assurer la connaissance de cette page de l'histoire de la France, notamment par les moyens suivants : le recueil des témoignages sur le territoire, la création d'un mémorial de la France d'outre-mer, l'organisation d'expositions, de colloques, de travaux de recherche universitaire et d'historiens, la diffusion dans les médias d'œuvres concernant cette période, l'introduction, dans les manuels scolaires, de la tragédie vécue par les harkis et les pieds-noirs, la conservation du patrimoine des rapatriés laissé en Algérie − cimetières, monuments aux morts, archives −, la mise en œuvre de poursuites pénales systématiques à l'encontre de toutes les formes de discriminations répréhensibles : emploi, diffamation, insultes.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l'amendement n° 108.

M. Francis Vercamer. Mon amendement a au moins l'avantage d'être beaucoup plus court que les autres, puisqu'il tient en une ou deux lignes. Il invite à créer « une fondation en mémoire des événements d'Algérie ». Tous, nous avons décliné le thème de la mémoire : nous voulons la transmettre à ceux qui ne savent pas, les initier à ces événements dramatiques. Je n'ose pas parler de « réparation », mais peut-être devons-nous entreprendre une action de reconnaissance, par exemple en créant cette fondation. Un décret en Conseil d'État définira les conditions de cette création.

Je dois dire que je me suis contenté de reprendre l'exposé des motifs du projet de loi et les discours du Premier ministre et du Président de la République. Tout le monde est d'accord pour créer cette fondation et j'avais donc proposé cet amendement en commission. Je reconnais que le libellé était alors un peu présomptueux. Je l'ai raccourci depuis, et je constate que le Gouvernement a déposé le même.

M. le président. Si le Gouvernement a déposé le même amendement, il ne pourra qu'être favorable au vôtre, mon cher collègue. Mais l'amendement n° 91, que va soutenir M. le ministre, n'est pas tout à fait identique. Il est d'ailleurs encore plus court que le vôtre.

Vous avez la parole, monsieur le ministre.

M. le ministre délégué aux anciens combattants. Le Gouvernement retire son amendement...

M. Christian Vanneste. Très bien ! Excellent ! Merci pour eux !

M. le ministre délégué aux anciens combattants. ...pour reprendre le texte de M. Vercamer proposant la création d'une fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de Tunisie. Cela est conforme à l'engagement du Premier ministre qui, le 5 décembre dernier, affirmait que l'État était prêt à participer à la création d'une fondation dont l'objet serait de rassembler historiens et chercheurs. Il s'agit de faire la lumière, en toute sérénité, sur les événements tragiques qui ont marqué la fin de la présence française en Afrique du Nord.

Pour bien fixer les conditions dans lesquelles cette fondation pourrait être créée, une étude de préfiguration sera lancée dans les prochaines semaines. Cet amendement répond, me semble-t-il, aux préoccupations des signataires des amendements visant à renforcer la politique de mémoire. Je m'en suis largement expliqué ce matin et vous savez que je partage leur souci.

En conséquence, le Gouvernement souhaite le retrait des amendements nos 18, 96, 79, 8, 16 et 54, et se rallie à l'amendement n° 108 de M. Vercamer.

M. le président. L'amendement n° 91 est retiré.

Monsieur Vercamer, le Gouvernement vient de faire ce que l'on appelle un « geste significatif ». Je suis persuadé que vous et votre groupe y serez sensibles.

M. Roland Chassain et M. Jean-Pierre Grand. Et reconnaissants !

M. le président. La parole est à M. Emmanuel Hamelin, pour présenter l'amendement n° 54.

M. Emmanuel Hamelin. Il est évident que l'amendement de M. Vercamer satisfait celui que j'avais déposé. Je souhaite néanmoins préciser les intentions qui étaient les miennes et qui sont, je crois, partagées.

Le principe du droit de mémoire est essentiel, tant pour les jeunes générations que pour tous ceux qui ont besoin de s'approprier une histoire qui est, aujourd'hui, mal connue. Il me semble extrêmement utile que la mémoire soit préservée et que cette notion soit déclinée dans le cadre d'une fondation. Au-delà, les générations montantes doivent pouvoir faire rempart contre le renouvellement de ces tragédies et de ces actes de barbarie.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Soisson.

M. Jean-Pierre Soisson. Je n'approuve pas le ralliement du Gouvernement à l'amendement de M. Vercamer. Nous sommes plusieurs, ici, à nous être battus pour que les mots « guerre d'Algérie » figurent dans les textes. Or M. Vercamer revient à l'expression « événements d'Algérie, du Maroc et de Tunisie ». Certains anciens combattants d'Algérie, dont je suis, ne peuvent accepter cette formulation.

M. Jean-Pierre Grand. Pas de chance ! Pour une fois qu'on voulait faire plaisir à l'UDF !

M. Jean-Pierre Soisson. Monsieur le ministre, dans la forme, votre amendement est préférable à celui de M. Vercamer : je le prie de m'en excuser, mais il s'agit là d'un point essentiel pour nombre d'entre nous.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué aux anciens combattants. Vous avez raison, monsieur le député, et nous allons présenter un sous-amendement proposant la rédaction suivante : « une fondation en mémoire de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de Tunisie ».

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Reprenez simplement votre amendement, monsieur le ministre !

M. le président. Mes chers collègues, je propose une brève suspension de séance pour permettre de rédiger, à partir des amendements nos 108 et 91, un amendement qui convienne à tout le monde.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Le Gouvernement a déposé deux sous-amendements, nos 114 et 115, à l'amendement n° 108.

Le sous-amendement n° 114 est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le premier alinéa de l'amendement n° 108 :

« Une fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie, des combats du Maroc et de Tunisie est créée, avec le concours de l'État. »

Le sous-amendement n° 115 est ainsi rédigé :

« Dans le dernier alinéa de l'amendement n° 108, après le mot : "fixées", insérer les mots : "par décret" . »

Avant de vous interroger, mes chers collègues, sur ces sous-amendements puis sur l'amendement n° 108, je vais demander aux auteurs des autres amendements s'ils acceptent, compte tenu de toutes les précisions données par la commission et par le Gouvernement, de retirer leurs amendements.

Monsieur Domergue, retirez-vous l'amendement n° 18 ?

M. Jacques Domergue. Oui, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 18 est retiré.

L'amendement n° 96 est-il retiré ?

M. Daniel Spagnou. Oui, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 96 est retiré.

Monsieur Mesquida, retirez-vous l'amendement n° 79 ?

M. Kléber Mesquida. Oui, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 79 est retiré.

Monsieur Spagnou, retirez-vous l'amendement n°8 ?

M. Daniel Spagnou. Oui, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 8 est retiré.

Monsieur Chassain, retirez-vous l'amendement n° 16 ?

M. Roland Chassain. Oui, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 16 est retiré.

Monsieur Hamelin, retirez-vous l'amendement n°54 ?

M. Emmanuel Hamelin. Oui, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 54 est retiré.

L'amendement n° 91 ayant déjà été retiré, il ne reste plus que l'amendement n° 108 et les deux sous-amendements nos 114 et 115.

Quel est l'avis de la commission sur les sous-amendements nos 114 et 115 ?

M. Christian Kert, rapporteur. À titre personnel, le rapporteur est favorable aux deux sous-amendements du Gouvernement.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 114.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 115.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 108, modifié par les sous-amendements adoptés.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

Je suis saisi d'un amendement n° 100.

La parole est à M. Daniel Spagnou, pour le soutenir.

M. Daniel Spagnou. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Kert, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement, considérant que son objet ne relevait pas du domaine de la loi.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux anciens combattants. Nous nous en remettons à l'avis exprimé par le rapporteur.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 100.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 21 et 36.

L'amendement n° 21 fait l'objet de trois sous-amendements, nos 59, 60 et 58.

La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 21.

M. Christian Kert, rapporteur. L'objectif de l'amendement n° 21 est de permettre à l'enseignement de l'histoire de la présence française en Afrique du Nord et dans les territoires antérieurement placés sous la souveraineté de la France d'occuper une plus large place dans les programmes scolaires et dans les programmes de recherche universitaire. Cette proposition, qui répond à une demande formulée par de très nombreux parlementaires depuis que nous préparons le rapport sur ce texte, devrait recueillir un large consensus.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour défendre l'amendement n° 36.

M. Jean-Pierre Grand. Cet amendement vise à insérer, après l'article 1er, l'article suivant :

« Les programmes scolaires et les programmes de recherche universitaire accordent à l'histoire de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, la place qu'elle mérite.

« La coopération permettant la mise en relation des sources orales et écrites disponibles en France et à l'étranger est encouragée ».

L'histoire de la France outre-mer est trop souvent négligée dans les manuels scolaires. L'objet de cet amendement est de lui rendre la place qu'elle mérite.

M. le président. La parole est à M. Robert Lecou.

M. Robert Lecou. Je soutiens cet amendement, car c'est par l'école et l'enseignement que passent beaucoup de valeurs. Il est donc nécessaire que notre histoire soit mieux connue grâce à des programmes scolaires plus adaptés.

M. le président. La parole est à M. Christian Vanneste, pour défendre les sous-amendements nos 59 et 58.

M. Christian Vanneste. Ces sous-amendements visent à distinguer les programmes de recherche universitaire des programmes scolaires. Les programmes de recherche universitaire devront accorder à l'histoire de la présence française outre-mer « la place qu'elle mérite » - formule très large qui sied parfaitement à la liberté du domaine universitaire.

En revanche, s'agissant des programmes scolaires, le sous-amendement n° 59 précise qu'ils devront intervenir dans deux directions.

D'abord, ils devront faire connaître à tous les jeunes Français le rôle positif que la France a joué outre-mer. C'est d'ailleurs dans la ligne du fondateur de l'école publique, Jules Ferry, qui avait souhaité que la France fasse œuvre scolaire, éducative et sanitaire dans les pays d'Afrique ou d'Asie ; on l'avait d'ailleurs surnommé le Tonkinois.

Ensuite, et c'est très important, les programmes scolaires devront souligner le rôle des personnes issues des territoires d'outre-mer dans l'armée française . Cela vise aussi bien les combattants musulmans, qui se sont battus sur notre sol durant la Grande Guerre, que ceux qui ont participé à la Seconde Guerre mondiale et ont libéré notre territoire - on a parlé tout à l'heure de Monte Cassino et du débarquement en Provence - et, bien sûr, les harkis qui ont tant souffert. Je tiens d'ailleurs à souligner que M. Diefenbacher a déploré, dans son rapport, que ces événements soient malheureusement souvent absents des livres d'histoire.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir le sous-amendement n° 60.

M. Francis Vercamer. L'amendement n° 21 ne me semble pas assez précis. Les manuels scolaires risquent d'oublier une partie de l'histoire. Le sous-amendement n° 60 vise donc à préciser que les programmes scolaires devront consacrer un chapitre spécifique à la guerre d'Algérie, dans lequel seront évoquées la part prise par les soldats harkis et membres des formations supplétives au sein de l'armée française et l'histoire de cette communauté en général.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 36 et sur les sous-amendements nos 59, 60 et 58 ?

M. Christian Kert, rapporteur. La commission est bien sûr favorable à l'amendement n° 36, puisqu'il est identique à l'amendement n° 21 qu'elle a adopté. Quant aux sous-amendements nos 59 et 58, elle les a repoussés, mais étant donné leur grand intérêt , à titre personnel je me rangerai à la position du Gouvernement. Enfin, avis défavorable au sous-amendement n° 60.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux anciens combattants. Les rapatriés, et notamment les harkis, sont en effet souvent légitimement émus de la manière dont sont traitées la présence française outre-mer et la guerre d'Algérie dans les manuels scolaires. Je vous rappelle toutefois qu'un groupe de travail a été constitué l'an dernier, en liaison avec l'éducation nationale et le Haut conseil aux rapatriés, et je puis d'ores et déjà vous dire qu'un colloque est en préparation pour sensibiliser le monde enseignant sur ce sujet.

Le Gouvernement est donc très favorable aux amendements nos 21 et 36. S'agissant des sous-amendements, il s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Je voulais simplement souligner que j'avais à l'origine présenté le sous-amendement n° 60 sous forme d'amendement et que je l'ai retiré en commission à la demande de certains commissaires qui le trouvaient bien, mais qui estimaient qu'il serait préférable de sous-amender l'amendement du rapporteur. Et maintenant que je le présente sous forme de sous-amendement, il va être rejeté. Je suis donc d'autant plus surpris que, si je l'avais maintenu comme amendement, il aurait été adopté.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 59.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, le sous-amendement n° 60 tombe.

Je mets aux voix le sous-amendement n° 58.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 21 et 36, modifiés par les sous-amendements adoptés.

(Ces amendements, ainsi modifiés, sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 22, 37 et 55, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 22 et 37 sont identiques.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 22.

M. Christian Kert, rapporteur. C'est un amendement important. Il répond à une revendication de longue date de la population harkie qui nous demande d'inscrire dans la loi la condamnation des allégations injurieuses et propos discriminatoires dont elle est souvent victime.

Nous avons bien pesé les termes de cet amendement et la rédaction que nous proposons me semble de nature à traduire à la fois la volonté exprimée par la communauté harkie et la force de la loi. Je vous en donne lecture :

« Toute allégation injurieuse commise envers une personne à raison de sa qualité vraie ou supposée d'ancien supplétif de l'armée française en Algérie ou assimilé est interdite.

« L'État assure le respect de ce principe dans le cadre des lois en vigueur. »

Nous devons pouvoir nous retrouver sur une telle rédaction, qui me paraît correspondre parfaitement à l'attente de la population harkie.

M. le président. La parole est à M. Christian Vanneste, pour soutenir l'amendement n° 37.

M. Christian Vanneste. Cet amendement est identique à celui de la commission. Je voulais néanmoins rappeler qu'il y a deux fondements à la citoyenneté : le droit du sol et le droit du sang. Les harkis, eux, sont citoyens par le sang versé. C'est dire qu'ils sont sans doute plus citoyens que d'autres et que nous avons le devoir de les défendre plus que d'autres contre toute insulte et contre toute atteinte ! Telle est la motivation essentielle de l' amendement n° 37.

M. le président. La parole est à M. Georges Fenech, pour soutenir l'amendement n° 55.

M. Georges Fenech. Il est retiré.

M. le président. L'amendement n° 55 est retiré.

Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 22 et 37 ?

M. le ministre délégué aux anciens combattants. Comme vous l'avez souligné, messieurs les députés, les harkis et leurs familles sont victimes, encore aujourd'hui, de discriminations insupportables. Les propos injurieux et diffamatoires sont en effet parfois monnaie courante dans certains endroits. Il convient de les réprimer avec toute la fermeté nécessaire. Les harkis et les membres des formations supplétives ont servi en Algérie sous le drapeau français avec le courage et le sens du sacrifice qu'on leur reconnaît. Une journée nationale d'hommage leur est d'ailleurs désormais consacrée le 25 septembre de chaque année.

Il est indispensable que les comportements et les propos attentatoires à leur honneur soient expressément interdits et que ceux qui s'y livreraient en subissent les conséquences prévues par l'article 225-1 du code pénal. Le Gouvernement est donc favorable aux amendements nos 22 et 37.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendement nos 22 et 37.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 50 et 63, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. L'amendement n° 63 va un peu plus loin que les précédents, qui réprimaient les propos injurieux, en tendant à sanctionner aussi les personnes qui pratiquent le négationnisme ou le révisionnisme, c'est-à-dire celles qui refusent de considérer que le drame harki a existé ou qui le minimisent, notamment en prétendant qu'il n'y a pas eu de massacres après le 19 mars 1962 alors que ce sont des faits reconnus par le gouvernement algérien lui-même.

Quant à l'amendement n° 50, il vise à étendre la loi du 29 juillet 1881, qui condamne le révisionnisme et le négationnisme, aux crimes commis contre les harkis et les membres des formations supplétives après le cessez-le-feu du 19 mars 1962.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Kert, rapporteur. La commission a rejeté ces amendements, estimant qu'après avoir pesé avec beaucoup de sincérité et d'attention le poids des mots dans l'amendement précédent, celui-ci répondait à la préoccupation morale et juridique exprimée par la population harkie et serait alourdi si de tels amendements étaient adoptés.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux anciens combattants. Je le reconnais : les harkis et leurs familles sont, aujourd'hui encore, victimes de discriminations insupportables et injurieuses. Mais, puisque l'amendement du rapporteur interdit les comportements ou propos attentatoires à leur honneur et condamne expressément, en application de l'article 225-1 du code pénal, ceux qui s'y livreraient, le Gouvernement considère que votre demande est satisfaite. Je vous demande donc, monsieur Vercamer, de bien vouloir retirer ces deux amendements.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Je ne suis pas du tout d'accord avec vous, monsieur le ministre. Dire qu'il n'y pas eu de massacre après le 19 mars 1962 n'a rien d'injurieux à l'égard des harkis ou des membres des formations supplétives. Ce n'est pas une injure que de contester un fait d'histoire, à moins que nous ne le précisions dans la loi. A défaut - je suis désolé de devoir le rappeler -, on ne pourra pas considérer, à proprement parler, qu'il s'agit d'une injure.

Je maintiens donc ces amendements. L'Assemblée, dans sa sagesse, tranchera. Nous examinions l'autre jour une proposition de loi déposée par le groupe socialiste dont le thème est le même, bien qu'il concerne une autre communauté. Il n'a en effet rien de spécifique à celle des harkis et des supplétifs.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 50.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 63 tombe.

Je suis saisi de deux amendements, nos 64, de M. Vercamer, et 57, de M. Hamelin, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. L'amendement n° 64 est important, bien que la mesure qu'il propose n'ait pas nécessairement à être inscrite dans un projet de loi. Mon but est plutôt d'alerter le Gouvernement et l'Assemblée sur la nécessité de faciliter les voyages des harkis en Algérie.

Je connais l'existence d'accords de libre circulation vers l'Algérie. Par ailleurs, on nous assure que les anciens harkis y sont bien accueillis. Mais ce n'est pas l'écho que j'en ai. L'amendement requiert donc, pour améliorer la libre circulation des anciens harkis, l'intervention de l'État français.

M. le président. La parole est à M. Georges Fenech, pour présenter l'amendement n° 57.

M. Georges Fenech. Le problème de la libre circulation des harkis en Algérie est un véritable drame humain. Nous attendons que le Gouvernement nous apporte une réponse, même si nous avons bien conscience - je rejoins M. Vercamer sur ce point - qu'une telle mesure ne relève pas nécessairement de la loi.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Christian Kert, rapporteur. Nos collègues l'ont dit : cette question ne relève pas de la loi, puisqu'on ne décrète pas la fraternité. La commission a donc rejeté les deux amendements, non sans considérer que de gros efforts devaient être faits pour faciliter les liens entre les harkis et l'Algérie.

Monsieur le ministre, les parlementaires continueront à exercer sur vous une pression amicale, afin que vous insistiez auprès des autorités algériennes pour que des solutions soient trouvées à ce problème. M. Vercamer l'a rappelé à juste titre : si certains harkis sont parfois bien accueillis, d'autres le sont beaucoup plus mal.

Considérant que ces dispositions n'ont pas à figurer dans la loi, la commission est défavorable à la lettre des amendements, mais elle est favorable à leur principe. Elle pense en effet que des actions diplomatiques doivent être menées dans ce domaine et, à cet égard, monsieur le ministre, elle vous fait une entière confiance.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux anciens combattants. L'an dernier, lors de son voyage en Algérie, le Président de la République a évoqué le problème de la libre circulation des ressortissants français auprès de son homologue algérien. En effet, il n'est pas admissible qu'une catégorie particulière de citoyens français fasse l'objet de mesures discriminatoires.

Ce dossier relève de la coopération entre États. Je puis vous assurer que le ministre des affaires étrangères reste vigilant. Le Gouvernement ne manque pas de saisir les autorités algériennes chaque fois qu'une entrave à la circulation normale d'un de ses ressortissants est signalée. Le gouvernement algérien se retranche, pour sa part, derrière l'application des dispositions régissant la circulation des personnes entre les deux pays. Par conséquent, dès lors qu'un ressortissant français détient un visa algérien, il doit circuler librement. Chaque fois qu'un abus est signalé, la mission interministérielle aux rapatriés intervient et le Premier ministre est alerté sur le champ.

Telles sont les mesures que nous appliquons. Nous veillerons à ce que nul ne soit indûment refoulé et à ce que le principe de la libre circulation des personnes soit respecté.

M. le président. Si je comprends bien, monsieur le ministre, le Gouvernement est défavorable aux amendements nos 64 et 57 ?

M. le ministre délégué aux anciens combattants. Oui, je demande leur retrait.

M. Francis Vercamer. L'amendement n° 64 est retiré.

M. Georges Fenech. L'amendement n° 57 également.

M. le président. Les amendements nos 64 et 57 sont retirés.

Article 2

M. le président. Sur l'article 2, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Jacques Domergue.

M. Jacques Domergue. L'article 2 du projet de loi, consacrant le principe de solidarité de la communauté nationale envers les Français d'Algérie, détaille les modalités d'indemnisation de nos compatriotes rapatriés, dans un double but de justice et de réparation. Avec le devoir de reconnaissance, consacré à l'article 1er, cette indemnisation constitue leur principale revendication.

En offrant aux bénéficiaires de l'allocation de reconnaissance mentionnée dans la loi de finances rectificative de 2002 la possibilité de choisir entre différentes modalités de dédommagement, vous allez, monsieur le ministre, satisfaire plus largement nos compatriotes. Toute la nation vous en sera reconnaissante.

Allant au-delà des modalités inscrites dans la loi, la commission propose une solution associant au maintien d'une rente de 1 830 euros le versement d'un capital de 20 000 euros.

De plus, la revalorisation de la rente à 2 800 euros, à compter du 1er janvier 2005, est en mesure de satisfaire les nombreuses veuves de harkis, qui sont souvent les seules survivantes de cette première génération. Elles sauront, comme leurs enfants, nous en remercier.

Nous ne devons cependant pas méconnaître que, malgré les efforts de dédommagement consentis par la nation, beaucoup de Français d'Algérie garderont un goût amer dans leur cœur. Aujourd'hui, nous devons rassurer ceux de la deuxième et de la troisième génération afin que, sans qu'ils oublient leur histoire, ils se sentent entièrement et définitivement membres de la communauté nationale.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Nous abordons la partie la plus délicate du projet de loi. Elle touche aux indemnisations ou, pour reprendre le terme qui figure dans le texte, au « capital ». Nos compatriotes rapatriés attendent de nous une réparation, même si l'Assemblée a décidé de ne pas considérer qu'il y avait préjudice et d'attendre que la fondation fasse son œuvre, afin d'analyser les faits ultérieurement.

Il y a quelques années, j'avais déposé une proposition de loi et rencontré à cette occasion de nombreux représentants d'associations ou de groupes de harkis. Ils demandaient une somme de 500 000 francs, chiffre qui semble avoir été promis - je n'ai pas retrouvé d'écrit à ce sujet - par le gouvernement de l'époque. Les années ont passé. De nombreuses lois prévoyant une indemnisation ont été votées. Mais ce chiffre n'a jamais été atteint, puisque 170 000 francs seulement ont été versés, de sorte que les harkis considèrent qu'on reste à leur devoir 330 000 francs.

Je ne puis m'appuyer sur aucun document qui mentionne clairement ces chiffres, mais ma proposition de loi prévoyait, en plus de l'allocation de reconnaissance, une indemnisation de 55 000 euros qui correspondait à ces 330 000 francs, majorés des intérêts.

C'est pourquoi, lorsque le projet de loi est arrivé, j'ai été étonné qu'il propose de choisir entre un capital ou une allocation. Je m'apprêtais à devoir être un peu dur en commission. Mais le rapporteur a ouvert la discussion en indiquant qu'il ferait une troisième proposition, consistant à maintenir l'allocation et à prévoir un capital légèrement inférieur à celui offert en échange de la suppression de l'allocation.

Je suis heureux de cette mesure. Toutefois, si elle satisfait le groupe UDF, le montant initial n'est toujours pas atteint. C'est pourquoi je tenais à faire remarquer au Gouvernement que sa proposition ne correspond pas à la somme demandée par le monde harki. Je voudrais donc qu'il nous indique clairement sa position. La demande des harkis, formulée par le Haut conseil aux rapatriés, n'a donné lieu à aucun document écrit. Et même si je connais la position de M. le ministre, il ne me l'a indiquée que de manière officieuse. Je souhaiterais une réponse officielle.

Je signale par ailleurs qu'il manque au projet de loi une indemnisation ou un capital destiné à ceux de la deuxième génération, qui ont vécu les mêmes drames que leurs parents : nés en Algérie, ils ont été rapatriés, ont connu les camps et ont souffert de l'exclusion.

Leur dédommagement sera certes moins élevé que celui de la génération précédente, mais quelque chose doit être fait pour les veuves ou les orphelins.

M. le président. La parole est à M. Michel Diefenbacher.

M. Michel Diefenbacher. Nous abordons un article essentiel. Nous connaissons tous la revendication très ancienne des familles de harkis, qui, ayant perdu le toit qu'elles possédaient en Algérie, souhaitent pouvoir en retrouver un dans l'hexagone.

La solution proposée par le Gouvernement est évidemment intéressante, au sens où elle permet aux familles de choisir entre la revalorisation substantielle de l'allocation de reconnaissance, portée à 2 800 euros, et un capital de 30 000 euros. Mais le dispositif présente tout de même un inconvénient puisque, pour toucher le capital, il faut renoncer complètement à la rente.

C'est pourquoi la troisième formule, celle de l'amendement gouvernemental n° 92, me paraît tout à fait opportune. Le dispositif qu'il propose est particulièrement intéressant. Puisque les familles de harkis sont dans des situations différentes, il est souhaitable qu'elles puissent choisir, entre différents dispositifs, celui qui leur convient.

M. le président. Sur l'article 2, je suis saisi d'un amendement n° 92 du Gouvernement.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué aux anciens combattants. Nous arrivons, en effet, à un moment clé de notre discussion. Le Gouvernement a entendu les députés de la majorité, qui souhaitaient améliorer encore le choix qui sera proposé à nos compatriotes harkis. Ainsi, l'amendement n° 92, qui reprend celui que vous aviez adopté en commission, leur permettra d'opter pour la poursuite du versement de l'allocation de reconnaissance à son niveau actuel - dont je rappelle qu'elle a été revalorisée de 33 % au 1er janvier 2004 et qu'elle se monte à 1 830 euros par an -, complétée par le versement d'un capital de 20 000 euros. Il s'agit de maintenir un revenu régulier et indexé, tout en répondant à la demande fortement exprimée d'une indemnisation en capital. Dès lors, il me semble que cet amendement peut recueillir, comme je le souhaite, un large accord.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Kert, rapporteur. La commission est, bien entendu, très favorable au dispositif proposé par le Gouvernement. Nous avions, dès l'origine de nos travaux, indiqué qu'il était assez cruel de proposer l'alternative allocation ou capital à la population harkie, dans la mesure où celle-ci a déjà été contrainte de choisir entre son pays d'origine et la France. Nous sommes donc heureux que le Gouvernement ait repris à son compte une initiative de notre commission. Il s'agit de l'une des améliorations les plus importantes du texte.

M. le président. La parole est à M. Patrick Delnatte.

M. Patrick Delnatte. Les députés de l'UMP avaient proposé un amendement identique à celui du Gouvernement, mais ils se sont vu opposer l'article 40 de la Constitution. Aussi, nous vous remercions, monsieur le ministre, d'avoir repris cette disposition.

Devoir choisir entre le capital et l'allocation de reconnaissance, même réévaluée, était très mal vécu par les intéressés, qui sont de condition modeste. La solution mixte qui est proposée me paraît donc de nature à leur donner satisfaction. Peut-être le montant n'est-il pas à la hauteur de celui qui a pu être évoqué, mais compte tenu de la conjoncture économique et financière difficile, l'effort est réel. J'ajouterai simplement que les modalités de paiement du capital doivent être souples, pour tenir compte de l'âge et de l'état de santé de certains harkis.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Il est vrai, monsieur Delnatte, que l'état des finances françaises est actuellement difficile - et je souhaite qu'il s'améliore -, mais l'indemnité versée en réparation d'un préjudice est calculée en fonction du préjudice et non des revenus de celui qui l'a causé, sinon certaines victimes ne recevraient rien.

Cela dit, je ne veux pas faire de surenchère, monsieur le ministre. Il ne s'agit pas ici, contrairement à ce dont m'a accusé M. le président de la commission, de faire de la démagogie, mais de répondre aux attentes de nos compatriotes rapatriés. C'est pourquoi j'aurais aimé que vous répondiez à la question que j'ai posée dans mon intervention sur l'article 2 : pourquoi avoir limité le montant du capital à 20 000 euros ? J'aimerais savoir ce qu'il en est officiellement, car des associations de harkis et de rapatriés nous rappellent sans cesse que des promesses leur ont été faites. Si le Gouvernement nous dit que ce chiffre correspond à ses promesses, je suis prêt à le croire. En tout état de cause, il me paraît important de mettre les choses à plat. Sinon, nous risquons de devoir débattre à nouveau de cette question dans trois ans parce que l'on nous dira que le compte n'y est pas. Crevons l'abcès une bonne fois pour toutes !

M. le président. La parole est à M. Kléber Mesquida.

M. Kléber Mesquida. Nous avions déposé un amendement semblable, qui fixait le montant de l'indemnité de réparation à 30 000 euros et prévoyait que les femmes d'anciens supplétifs ou assimilés, divorcées en métropole et de nationalité française percevraient, avant le 31 décembre 2005, une indemnité forfaitaire de 20 000 euros. Cet amendement a été repoussé en commission au titre de l'article 40 de la Constitution, ce que l'on peut comprendre.

Il est bien que le Gouvernement reprenne cette disposition, mais s'il acceptait de fixer le montant de l'indemnité de réparation à 30 000 euros, il ferait un geste significatif, d'autant que, comme l'a dit M. Vercamer, les bénéficiaires de cette mesure ne sont pas légion. Dans le cas contraire, les propositions du Gouvernement pourraient être assimilées à de la petite cuisine.

Enfin, je souhaite que soit versée aux femmes d'anciens supplétifs divorcées, qui sont aussi des mères, une indemnité forfaitaire de 20 000 euros.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 92.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 25 de la commission.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Christian Kert, rapporteur. Cet amendement introduit un dispositif de protection en rendant insaisissables et en exonérant de tous impôts et taxes les indemnités versées en capital aux harkis et à leurs enfants orphelins.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux anciens combattants. Le Gouvernement est favorable à l'amendement et lève le gage.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 25, compte tenu de la suppression du gage.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 2, ainsi modifié, est adopté.)

Article 3

M. le président. Sur l'article 3, je suis saisi d'un amendement n° 93 du Gouvernement.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué aux anciens combattants. À votre demande, monsieur le rapporteur, le Gouvernement a déposé cet amendement afin de donner un impact plus important à l'aide à l'accession à la propriété attribuée aux anciens harkis ou à leurs veuves. Il s'agit d'offrir la possibilité d'octroyer une aide lorsque un ancien harki ou une veuve s'associe à l'un de ses enfants pour acheter un logement, à la condition - et c'est important - que les enfants et les parents vivent sous le même toit. Cette disposition devrait permettre d'accéder à la propriété à de nombreux harkis âgés, qui éprouvent des difficultés pour obtenir les prêts nécessaires.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Kert, rapporteur. La commission est très favorable à cet amendement qui, non seulement rend justice à la première génération - certaines personnes ne pouvant plus remplir les conditions nécessaires à l'obtention d'un prêt -, mais représente également un geste en faveur de la deuxième génération puisqu'elle permet à ceux de ses membres qui accueillent leurs parents sous leur toit de bénéficier des aides à l'habitat dans les mêmes conditions que la première génération.

Par ailleurs, puisque M. Vercamer a évoqué les orphelins, je tiens à lui rappeler que nous avions déposé un amendement qui tendait à octroyer une allocation forfaitaire aux orphelins et pupilles de la nation, afin de faire bénéficier la deuxième génération d'un geste supplémentaire. Mais cet amendement est tombé sous le couperet de l'article 40.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Je vous rassure, monsieur le rapporteur : neuf de mes amendements ont subi le même sort.

L'amendement n° 93 est une avancée, car les personnes qui ont vécu la guerre d'Algérie ont maintenant un certain âge et les banques sont souvent réticentes à leur accorder des prêts. Dès lors, il paraissait délicat de se contenter de proroger ces aides sans en faire bénéficier la deuxième génération. Toutefois, j'aurais préféré que l'on dise clairement que celle-ci peut profiter du même avantage, y compris lorsque les parents ne sont pas décédés, car ces derniers ne sont pas forcément en bons termes avec leurs enfants. Quoi qu'il en soit, le groupe UDF votera cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 93.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié par l'amendement n° 93.

(L'article 3, ainsi modifié, est adopté.)

Article 4

M. le président. Sur l'article 4, je suis saisi d'un amendement n° 105.

M. Francis Vercamer. Je le retire.

M. le président. L'amendement n° 105 est retiré.

Je suis saisi de trois amendements, nos 27, 112 et 71, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 27 et 112 sont identiques.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 27.

M. Christian Kert, rapporteur. Cet amendement vise à porter de six mois à un an le délai de demande de dérogation, afin que chaque bénéficiaire puisse faire valoir ses droits sans risquer d'être forclos.

M. le président. La parole est à M. François Liberti, pour soutenir l'amendement n° 112.

M. François Liberti. Comme vient de l'exposer M. le rapporteur, cet amendement vise à allonger de six mois le délai de demande de dérogation prévu à l'article 4.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?

M. le ministre délégué aux anciens combattants. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l'amendement n° 71.

M. Francis Vercamer. Cet amendement est quasiment identique aux deux précédents.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 27 et 112.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 71 tombe.

Je suis saisi d'un amendement n° 72.

La parole est à M. Francis Vercamer, pour le soutenir.

M. Francis Vercamer. Il s'agit d'améliorer la diffusion de certaines informations auprès de la communauté rapatriée en assurant leur parution dans des organes officiels de l'État ou des collectivités locales. Certes, on peut faire confiance aux associations pour transmettre ces informations, mais un certain nombre de rapatriés n'en font pas partie, notamment parce qu'ils n'ont pas suivi les filières habituelles. Or ceux-là bénéficient précisément de certaines dérogations qui doivent être portées à leur connaissance.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Kert, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement. On pourrait en demander autant aux collectivités sur d'autres sujets, et elles n'auraient plus qu'à recruter du personnel pour qu'il se consacre à toutes ces communications.

Je crois que Francis Vercamer a raison lorsqu'il affirme que les associations représentent une véritable puissance de communication. Lui-même me semble avoir la capacité de faire passer le message auprès de ses concitoyens rapatriés et harkis, et j'espère que nous sommes tous animés de la même conviction et de la même envie de réussir. Si nous sommes hostiles au fond et à la forme de cet amendement, nous sommes conscients de la nécessité de faire des efforts en termes de communication. Sur ce plan, c'est à chacune et à chacun d'entre nous de se sentir responsable.

M. Francis Vercamer. Je retire mon amendement.

M. le président. L'amendement n° 72 est retiré.

Je mets aux voix l'article 4, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 4, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 4

M. le président. Après l'article 4, je suis saisi de plusieurs amendements portant article additionnel.

La parole est à M. le ministre pour défendre l'amendement n° 94.

M. le ministre délégué aux anciens combattants. Cet article additionnel reprend un amendement de M. le rapporteur. Depuis 1995, les enfants des familles de harkis scolarisés dans les écoles, les collèges, les lycées et les universités bénéficient de bourses spécifiques qui s'ajoutent à celles attribuées par l'éducation nationale. Plus de 60 000 bourses ont ainsi été attribuées à ce jour. C'est l'une des mesures les plus importantes parmi celles prises pour venir en aide à cette population, et nous avons l'intention de la maintenir jusqu'à ce que le dernier enfant de harki actuellement scolarisé ait, le cas échéant, terminé ses études universitaires.

Le Conseil d'État a toutefois indiqué que ce dispositif devait avoir une base législative, alors qu'il était jusqu'à présent mis en œuvre par voie de circulaire, c'est-à-dire réglementaire. Tel est l'objet de l'amendement que je vous présente.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Kert, rapporteur. Nous pensons que la deuxième génération doit bénéficier d'un effort particulier en termes d'éducation et de formation, car tout commence par là. Toute initiative s'inscrivant dans cette perspective est importante. Maintenir le principe de bourses complémentaires au bénéfice des enfants de harkis paraît déterminant pour la deuxième génération, et probablement aussi pour la troisième. La commission est donc particulièrement favorable à cette proposition.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Le groupe UDF est favorable à cette disposition, et regrette que l'on ne soit pas allé plus loin, du fait de l'application de l'article 40 lors des travaux en commission. Cela étant, nous soutiendrons cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 94.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 30 de la commission.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Christian Kert, rapporteur. Nous proposons que le Gouvernement transmette au Parlement un rapport faisant état de la situation sociale des enfants d'anciens supplétifs de l'armée française et assimilés, document qui recensera les besoins de cette population en termes de formation, d'emploi et de logement. Répondant à une demande exprimée de façon formelle ou informelle par la population harkie, ce rapport constituera une sorte de tableau de bord, et nous permettra de disposer d'éléments d'information fiables au service d'une politique susceptible de répondre efficacement aux besoins des enfants de harkis. Ce n'est pas un rapport de plus, mais au contraire un outil qui paraît essentiel à la mise en œuvre de la politique volontariste définie dans le projet de loi.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux anciens combattants. Monsieur le rapporteur, je vous remercie de votre amendement, dont l'objectif est de mieux comprendre la situation sociale des enfants de harkis et leurs besoins. Il ne faut pas sous-estimer la complexité de la démarche, car aucun outil statistique n'appréhende totalement les deuxième et troisième générations. Une étude par sondage pourrait permettre de mieux connaître certaines difficultés rencontrées par des familles encore enclavées dans plusieurs régions. Aussi le Gouvernement émet-il un avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. J'avais également déposé un certain nombre d'amendements sur la formation, l'emploi et le logement, qui n'ont malheureusement pas été retenus.

Je pense que la deuxième génération des rapatriés, notamment la population harkie, est victime de nombreuses discriminations, notamment pour le logement et l'emploi. Ce rapport me paraît donc une excellente idée, à la condition toutefois qu'à l'issue de sa présentation, des mesures soient prises pour corriger les dysfonctionnements qui auront été relevés. Si le rapport doit juste établir un constat, sans que l'on puisse remédier aux problèmes parce qu'on refuse le principe de discrimination positive, autant dire qu'il ne servira à rien.

Il faut, au contraire, s'en inspirer pour mettre en œuvre des moyens exceptionnels en faveur de la deuxième génération des rapatriés, voire d'autres communautés connaissant les mêmes difficultés. Je sais que des mesures sont prévues par le plan de cohésion sociale, dans le domaine de l'emploi et du logement, pour l'ensemble de la population. Il convient toutefois de ne pas oublier la deuxième génération.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Christian Kert, rapporteur. À la relecture, monsieur le président, il nous paraît souhaitable de rectifier cet amendement. Bien que nous ne doutions pas de la capacité du Gouvernement à rendre ce rapport très rapidement, peut-être est-il préférable de préciser le délai dont il disposera. Nous proposons d'écrire que le rapport devra être remis un an après l'entrée en vigueur de la présente loi.

M. le président. Après les mots : « Le Gouvernement remettra au Parlement », sont donc insérés les mots : « un an après l'entrée en vigueur de la présente loi, ».

Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement n° 30 rectifié ?

M. le ministre délégué aux anciens combattants. Avis favorable, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 30 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

Je suis saisi d'un amendement n° 74.

La parole est à M. Francis Vercamer, pour le soutenir.

M. Francis Vercamer. Cet amendement très important vise à donner aux enfants de harkis de plus de vingt-cinq ans les mêmes droits qu'aux personnes travaillant en zone franche. On sait que cette population connaît un taux de chômage très élevé et qu'elle est victime de discriminations, notamment à l'emploi. Même lorsqu'ils disposent d'une formation - quelquefois assez poussée - les enfants de harkis ne trouvent pas de travail. Pour pousser les entreprises à les embaucher, je propose de créer une sorte de zone franche s'attachant non pas à un territoire mais à une population, celle des harkis et rapatriés, mentionnée à l'article 2 de la loi.

M. le président. Je suis particulièrement sensible à la spécificité des zones franches, pour des raisons qui dépassent ma fonction de président et que M. le ministre comprendra certainement en raison de l'amitié qui nous lie. Cela étant, je n'ai pas à m'exprimer sur le fond.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Kert, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement et je tiens à ce que nos collègues comprennent le sens de notre position.

Certes, l'intention est louable, mais elle va a contrario de l'esprit même de ce projet, qui a vocation à mettre en œuvre pour la deuxième génération une politique volontariste qui soit la moins discriminatoire possible. Nous engager dans un processus de discrimination alors que nous disposons de très peu de données statistiques sur la deuxième et la troisième génération, ne serait-ce que sur leur taux de chômage, constituerait sans doute une erreur, car ce serait contrevenir à l'esprit du projet de loi. Le dispositif proposé présente donc des dangers dont il convient que nos collègues soient conscients.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux anciens combattants. Comme je l'ai dit ce matin, l'emploi des enfants de harkis et de leurs familles est l'une de nos priorités. Le Gouvernement souhaite mobiliser fortement les employeurs, publics mais également privés, et a mis en place un accompagnement renforcé vers l'emploi. C'est cette politique que nous voulons privilégier. Au demeurant, les enfants de harkis bénéficient des dispositifs de droit commun en matière d'exonération de charges. Le Gouvernement ne peut donc qu'émettre un avis défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Je maintiens mon amendement. Je sais qu'il sera repoussé, et je le regrette, car je pense qu'on ne réglera le problème de l'emploi chez les enfants de harkis, mais aussi de l'immigration, qu'en mettant en œuvre des moyens importants pour les faire embaucher dans les entreprises.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 74.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 5

M. le président. A l'article 5, je suis saisi d'un amendement n° 95 du Gouvernement.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué aux anciens combattants. Les prélèvements sur les indemnisations ont été effectués en application de l'article 46 de la loi du 15 juillet 1970 et de l'article 3 de la loi du 2 janvier 1978.

Le cinquième alinéa de l'article 3 de la loi du 2 janvier 1978 précise que, lorsque le bénéficiaire du complément est l'ayant droit de la personne dépossédée, les déductions s'appliquent aux dettes dont il est personnellement responsable mais également, au prorata de ses parts successorales, à celles dont la personne dépossédée était elle-même responsable.

Toutes les sommes prélevées devant être remboursées, l'amendement, en faisant également référence à ce cinquième alinéa, précise utilement la rédaction de l'article 5.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Kert, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 95.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 32 de la commission.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Christian Kert, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux anciens combattants. Avis favorable, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 32.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 5, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 5, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 5

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 49 de MM. Lachaud et Salles, portant additionnel après l'article 5.

La parole est à M. Francis Vercamer, pour le soutenir.

M. Francis Vercamer. Cet amendement vise à ce que les indemnités perçues par les anciens fonctionnaires rapatriés soient exonérées d'impôts, ce qui serait une mesure de justice, puisqu'il existe actuellement des règles différentes en fonction des catégories de Français rapatriés.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Kert, rapporteur. La commission a rejeté cette proposition, considérant qu'il n'y avait pas lieu de déroger au droit commun pour ces personnes en matière de retraite. La mesure proposée n'est pas forcément une mesure de justice, car la dérogation qu'elle induit pourrait au contraire revêtir un caractère exorbitant.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux anciens combattants. Le Gouvernement a le même avis que la commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 49.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements, nos 6, 14, 90 et 53, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Roland Chassain, pour soutenir les amendements identiques nos 6 et 14.

M. Roland Chassain. Ces amendements précisent :

« Une loi distincte, préparée en liaison avec le Haut conseil des rapatriés, déterminera dans un délai d'un an les modalités de correction des insuffisances et des lacunes des lois d'indemnisation déjà intervenues. »

Afin de garantir l'efficacité de la présente loi, il y a lieu de prévoir un délai de révision ainsi que les moyens permettant de l'adapter et d'assurer un véritable suivi des mesures mises en œuvre.

M. le président. La parole est à M. Kléber Mesquida, pour soutenir l'amendement n° 90.

M. Kléber Mesquida. Cet amendement tend, après l'article 5, à insérer l'article suivant :

« Dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Haut conseil des rapatriés fera des propositions pour apporter réparation aux préjudices subis en matière de biens immobiliers vendus sous la contrainte après le 19 mars 1962 » - c'est-à-dire à vil prix - « de parts de sociétés de droit ou de fait. Il étudiera aussi le cas des ayants droit français de rapatriés étrangers non indemnisés par leur pays d'origine.

« Le Haut conseil des rapatriés veillera, dans sa tâche, à consulter l'ensemble des associations concernées. »

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l'amendement n° 53.

M. Francis Vercamer. Cet amendement de MM. Lachaud et Salles vise à ce que le Gouvernement dépose un rapport d'évaluation des lois d'indemnisation précédentes. On vote de nouvelles lois sans même évaluer celles qui sont en vigueur. Je rappelle qu'il existe un dispositif d'évaluation des politiques publiques et qu'il est également prévu que le rapporteur d'une loi en suive l'application. Il s'agit de vérifier que les lois atteignent leurs objectifs.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces quatre amendements ?

M. Christian Kert, rapporteur. La commission les a rejetés, considérant qu'il était préférable de laisser à la mission interministérielle et au Haut conseil des rapatriés, dont c'est la vocation, le soin de dresser un bilan des différentes lois d'indemnisation. Faisons confiance à ces institutions, que le législateur n'a nul besoin de « talonner » pour qu'elles remplissent leur mission.

Le raisonnement peut sembler paradoxal après le vote d'un amendement visant à obtenir un rapport du Gouvernement, mais il s'agit de logiques différentes.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux anciens combattants. Même avis.

J'ai rappelé ce matin l'effort accompli par les gouvernements successifs depuis 1970 pour réparer les préjudices subis par nos compatriotes. Le Gouvernement souhaite, par ce projet de loi, réparer les iniquités créées par l'application des différents modes d'indemnisation. Il répond à une attente forte des rapatriés en restituant les sommes prélevées au titre de l'article 46. Dans le contexte actuel, aucune nouvelle mesure générale d'indemnisation n'est à l'ordre du jour.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 6 et 14.

(Ces amendements ne sont pas adoptés)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 90.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 53.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 6

M. le président. A l'article 6, je suis saisi de deux amendements identiques, nos 33 et 43.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 33 de la commission.

M. Christian Kert, rapporteur. Cet important amendement concerne une catégorie de population rapatriée mal aimée, « paria » de l'histoire : je veux parler des « exilés politiques », qui ont été tenus hors de leur territoire pour leur participation aux événements de l'indépendance. Il vise à exonérer de toute forme d'impôt l'indemnité forfaitaire versée aux « exilés politiques » anciennement salariés du secteur privé, afin de compenser le retard de plus de vingt ans avec lequel ils ont recouvré leurs droits à la retraite par rapport à leurs homologues du secteur public. Un grand nombre de nos collègues, sur tous les bancs de l'Assemblée, ont souhaité qu'il soit rapidement mis un terme à cette injustice.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour soutenir l'amendement n° 43 dont il est cosignataire.

M. Jean-Pierre Grand. Cet amendement est ainsi rédigé :

« I - Après le premier alinéa de l'article 6, insérer l'alinéa suivant :

« L'indemnité forfaitaire mentionnée au précédent paragraphe n'a pas le caractère de revenus pour l'assiette des impôts et taxes recouvrés au profit de l'État ou des collectivités territoriales. »

Le gage se décline ainsi :

« La perte de recettes pour l'État est compensée par l'augmentation à due concurrence des taxes prévues aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

« La perte de recettes pour les collectivités territoriales est compensée par la majoration à due concurrence de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l'État, par la majoration des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

Cet amendement vise à exonérer de toute forme d'impôt l'indemnité forfaitaire versée aux « exilés politiques » anciennement salariés du secteur privé, afin de compenser le retard de plus de vingt ans avec lequel ils ont recouvré leurs droits à la retraite par rapport à leurs homologues du secteur public. Il s'agit d'une démarche de réconciliation nationale.

M. Christian Vanneste. Très bien !

M. le président. Que est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux anciens combattants. Avis favorable et, selon l'expression consacrée, je lève le gage. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Grand. Je vous remercie.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendement nos 33 et 43, compte tenu de la suppression du gage.

(Ces amendements, ainsi modifiés, sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 34 de la commission.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Christian Kert, rapporteur. Dans le même esprit que précédemment, cet amendement vise à augmenter le délai applicable à la demande d'indemnité, afin que chaque bénéficiaire puisse effectivement faire valoir ses droits sans craindre d'être forclos.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux anciens combattants. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 34.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 6, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 6, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 6

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 109, portant article additionnel après l'article 6.

La parole est à M. Francis Vercamer, pour le soutenir.

M. Francis Vercamer. Cet amendement revêt, à nos yeux, une importance majeure, dans la mesure où il vise à accorder aux harkis, qui sont des Français musulmans, le droit d'être inhumés sur le territoire français dans le respect de leurs croyances religieuses.

Le code général des collectivités territoriales interdit à un maire de consacrer un espace spécifique à l'inhumation selon le culte musulman, qui veut que les tombes soient orientées vers La Mecque. Quand la configuration du cimetière ne le permet pas, le maire ne peut pas le faire, sauf dérogation. Des circulaires tolèrent la création de « carrés musulmans » à l'intérieur des cimetières, mais elles n'ont aucun caractère légal. Nous proposons de légaliser cette pratique qui relève du pouvoir de police du maire. S'il souhaite créer un « carré musulman », autant que la loi l'y autorise plutôt qu'une circulaire contraire à la loi.

Je reconnais que le sujet est délicat dans le contexte actuel du débat sur la laïcité, laquelle n'a pourtant d'autre sens que de permettre à chacun d'exercer librement ses croyances sur notre sol. Il me paraît normal que les Français de religion musulmane, la deuxième de France avec plus de quatre millions de fidèles, puissent être inhumés selon leurs rites. En tant que maire, j'ai créé un « carré musulman » (« Nous aussi ! » sur divers bancs) dans ma ville de Hem. Il est plein, comme celui de Roubaix, parce que les autres villes environnantes n'osent pas le faire de crainte d'agir dans l'illégalité. Malgré une population musulmane importante, il n'y en a pas d'autre.

M. Patrick Delnatte. Si, à Tourcoing !

M. Francis Vercamer. Et peut-être à Lille.

Le problème se posera avec acuité dans les années à venir, car si les harkis veulent encore se faire enterrer en Algérie, leurs enfants et leurs petits-enfants, nés sur le territoire français, voudront se faire enterrer en France dans le respect de leurs croyances.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Kert, rapporteur. Monsieur le président, la commission a émis un avis défavorable, non sans avoir hésité, ce que l'ancien ministre que vous êtes comprendra. En effet, si une intention généreuse sous-tend cette proposition qui, en elle-même, n'appelle pas d'objection, nous avons considéré qu'elle n'avait pas sa place dans le présent texte. Elle n'est conforme ni à son esprit ni à sa logique.

On peut rendre hommage à Francis Vercamer d'avoir choisi une voie difficile. Toutefois, je lui demande de retirer cet amendement car, encore une fois, il nous éloigne de l'esprit de ce projet de loi.

M. le président. Monsieur le ministre, pouvez-vous donner l'avis du Gouvernement sur un sujet que vous connaissez remarquablement ?

M. le ministre délégué aux anciens combattants. Je comprends parfaitement l'intention de M. Vercamer, mais l'étude d'une telle disposition relève de la sphère de compétence du ministère de l'intérieur. Je m'engage donc à saisir mon collègue de l'intérieur pour qu'il diligente une étude appropriée tenant compte de ce qui vient de nous être expliqué.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. J'entends bien que le texte ne porte que sur la reconnaissance de la nation envers les rapatriés, mais n'est-ce pas reconnaître aux rapatriés d'être français et d'avoir choisi notre pays que de leur permettre d'être enterrés sur le sol français, s'ils le désirent ?

En outre, il est plus facile, devant l'opinion publique, d'accepter une modification du code général des collectivités territoriales au profit des harkis qui ont choisi la France, qui se sont battus et ont versé leur sang pour elle, que de discuter de cette question à propos d'un autre texte où il serait question de religion, certains en profitant pour expliquer sur les plateaux de télévision que c'est l'extrémisme qui arrive. Aujourd'hui, il s'agit seulement de reconnaître à nos soldats et à leurs enfants le droit d'être enterrés selon leurs rites sur le sol français. Je pensais que ce texte permettrait d'adopter une telle disposition sans effusion, parce qu'il ne s'agit que d'une mesure de justice.

M. le président. La parole est à M. Christian Vanneste.

M. Christian Vanneste. Si j'approuve pleinement l'esprit de l'amendement proposé par M. Vercamer, je pense qu'il pose quelques problèmes. Les harkis sont pour la plupart musulmans, mais ne sont pas tous forcément pratiquants. En outre, beaucoup de musulmans de France ne sont pas des harkis. Et le texte que nous votons aujourd'hui ne porte pas que sur les harkis, même si nous sommes plusieurs de la région de Roubaix-Tourcoing à être intervenus aujourd'hui essentiellement en leur faveur.

M. Francis Vercamer. Tout à fait !

M. Christian Vanneste. Aussi, je le dis à M. Vercamer, si cette revendication est parfaitement légitime, elle n'a pas sa place dans le texte.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement no 109.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement no 51 de MM. Lachaud et Salles.

La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir cet amendement.

M. Francis Vercamer. Il s'agit d'assurer la restauration des cimetières français du Maroc et de la Tunisie. Un accord a été conclu avec l'Algérie dans ce domaine. Le Président de la République était intervenu personnellement en ce sens.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Kert, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable, estimant que la politique actuellement conduite par le Gouvernement va tout à fait dans le sens de cet amendement et j'imagine que M. le ministre va nous préciser cette politique dans quelques instants.

S'agissant des cimetières français en Algérie, monsieur Vercamer, une initiative très intéressante a été prise, consistant à faire appel aux collectivités territoriales de l'ancienne métropole pour réaliser un vaste plan de rénovation. Certains maires particulièrement concernés se feront, j'imagine, un plaisir de verser une participation, même modeste. Cette initiative permettra de sensibiliser nos concitoyens à la politique qui est menée à partir de l'audit conduit en 2003 sur l'état de ces cimetières.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux anciens combattants. Monsieur Vercamer, l'État consent annuellement, notamment par l'intermédiaire des consulats généraux de France, un effort budgétaire significatif pour l'entretien régulier des cimetières chrétiens et israélites au Maroc et en Tunisie. Cet effort sera poursuivi en liaison avec les autorités locales, marocaines et tunisiennes.

S'agissant de mesures à caractère réglementaire, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.

M. Francis Vercamer. Je ne suis malheureusement pas habilité à le faire. Son auteur, M. Lachaud, lui accorde une extrême importance et souhaite qu'il soit mis aux voix.

M. le président. Vous avez la totale liberté de le maintenir, monsieur Vercamer, au nom de votre groupe et du mandat que vous a donné M. Lachaud.

Je mets aux voix l'amendement no 51.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 7 et 15.

La parole est à M. Daniel Spagnou, pour soutenir l'amendement n7.

M. Daniel Spagnou. Il s'agit de faire établir dans chaque département un diagnostic permettant d'apprécier la situation sociale des enfants d'anciens supplétifs et de recenser leurs besoins en termes d'emploi, de formation et de logement. Pour la réalisation de ce diagnostic et pour le suivi et l'évaluation des actions menées dans chaque département, il est prévu de créer une cellule sous l'autorité du préfet.

M. le président. La parole est à M. Roland Chassain, pour soutenir l'amendement no 15.

M. Roland Chassain. Les jeunes générations issues des anciens supplétifs qui ont hérité d'un lourd sacrifice consenti par leurs aînés méritent de mieux bénéficier des outils de la solidarité nationale. Le rapatriement s'est organisé de manière disparate sur le territoire national, générant des situations spécifiques dans tous les départements. La réalisation d'un diagnostic sur la situation sociale de ces jeunes à l'échelon départemental permettrait de répondre localement de manière efficace et adaptée aux besoins de cette population en termes d'emploi, de formation et de logement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Kert, rapporteur. Tout à l'heure, en proposant à l'Assemblée de voter l'amendement n° 30 prévoyant la remise d'un rapport au Parlement, j'ai omis de rendre hommage aux propositions de nos deux collègues qui, en réalité, vont dans le même sens. Si la commission a repoussé leurs amendements, c'est uniquement parce qu'elle a considéré que ce rapport devrait intégrer les données départementales et régionales. Nous souhaitons, en effet, qu'elles y apparaissent très clairement, répondant ainsi à la requête de nos collègues.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux anciens combattants. L'Assemblée vient en effet d'adopter un amendement demandant au Gouvernement de remettre au Parlement, dans le délai d'un an, un rapport sur la situation des enfants d'anciens supplétifs de l'armée française. Voilà pourquoi je demande le retrait de ces amendements.

M. le président. Je vois, monsieur le ministre, que leurs auteurs acquiescent à votre demande.

Les amendements nos 7 et 15 sont retirés.

Je suis saisi d'un amendement n° 56 de M. Hamelin.

Est-il défendu ?

M. Christian Vanneste. Oui, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Kert, rapporteur. La commission est défavorable au dispositif proposé pour les raisons déjà évoquées. Il est en effet contraire à la logique même du texte, celle d'une politique volontariste et non d'une politique discriminatoire qui ne nous paraît plus d'actualité.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux anciens combattants. Le Gouvernement porte une attention particulière aux problèmes d'emploi que rencontrent encore les descendants d'anciens harkis. Toutefois, il a souhaité privilégier une démarche de responsabilisation qui passe par un accompagnement renforcé et individualisé de chacun d'entre eux dans la recherche de l'emploi. C'est ce que nous avons indiqué ce matin en introduction au débat.

Bien entendu, nous connaissons leur désir d'intégrer le service public, comme beaucoup de Français. Pour répondre à cette attente, les grands services publics que sont l'armée, la police, les hôpitaux, sont actuellement mobilisés. Il s'agit d'en informer ces jeunes et de les sensibiliser aux possibilités de carrières qui leur sont ainsi offertes.

De plus, dans certains métiers, des préparations aux examens et concours ont été spécialement ouvertes. Nous avons souhaité ainsi faciliter leur entrée dans la formation publique.

Au regard de cette précision, je souhaite le retrait de cet amendement que le Gouvernement ne peut accepter car il est contraire au principe d'intégration citoyenne qu'il souhaite privilégier.

M. Georges Fenech. Je le retire.

M. le président. L'amendement n° 56 est retiré.

Titre

M. le président. Sur le titre du projet de loi, je suis saisi de trois amendements, nos 77, 17 et 2, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l'amendement n° 77.

M. Francis Vercamer. Le titre du projet de loi peut paraître subsidiaire ; il est en réalité important. On parlera peut-être de la « loi Mékachéra » mais surtout de la loi sur les rapatriés. La reconnaissance, c'est bien. La justice et la réparation, c'est mieux. Certes, les débats que nous avons eus montrent que l'Assemblée ne veut pas parler de réparation aujourd'hui, préférant attendre les études qui seront menées.

M. Kléber Mesquida. Aujourd'hui, on parle d'abord de responsabilité.

M. Francis Vercamer. Mais les rapatriés attendent, j'y insiste, qu'il y ait justice et réparation. C'est pourquoi, je propose le titre suivant : « Projet de loi portant reconnaissance, justice et réparation nationale en faveur des Français rapatriés ».

Le présent projet de loi traite essentiellement de la première génération. Il me paraît important de donner satisfaction aux rapatriés.

M. le président. La parole est à M. Roland Chassain, pour soutenir l'amendement no 17.

M. Roland Chassain. M. Domergue va dans le même sens puisqu'il propose de substituer aux mots : « et contribution », les mots : «, justice et réparation ».

Comme il est écrit dans son exposé des motifs, le projet de loi vise à « témoigner la reconnaissance de la nation à l'égard de nos compatriotes rapatriés et institue des mesures de préparation et d'indemnisation ». Il s'agit bien, au vu des tragédies subies il y a quarante-deux ans par les communautés de rapatriés, et afin de régler la dette d'honneur de la nation, d'apporter une réponse définitive aux problèmes moraux et matériels des Français d'Algérie, du Maroc, de Tunisie et des anciens territoires placés sous la souveraineté ou le mandat de la France.

La modification du titre aurait le mérite de reconnaître clairement cette dette, ainsi que les principes de justice et de réparation qui sous-tendent ce projet de loi.

M. le président. La parole est à M. Georges Fenech, pour soutenir l'amendement n° 2.

M. Georges Fenech. Monsieur le président, je me félicite de ce projet de loi tel que nous allons l'adopter. En l'état, le mot « réparation » ne correspond plus à l'esprit du texte. Je vais donc retirer mon amendement, mais je resterai très vigilant s'agissant des travaux que mènera la fondation pour la mémoire. Nous aurons peut-être l'occasion d'en reparler ici.

M. Roland Chassain. Je retire moi aussi mon amendement.

M. le président. Les amendements nos 2 et 17 sont retirés.

Gardons au moins le vôtre, Monsieur Vercamer, pour que la commission et le Gouvernement puissent répondre sur le titre.

M. Christian Kert, rapporteur. Merci de nous en donner l'occasion, monsieur le président.

La commission a repoussé ces amendements. Il y aurait quelque paradoxe à changer le titre, autrement dit la nature du texte, en fin de parcours, au moment de le voter, et alors même qu'un grand nombre d'entre vous a approuvé toutes ses dispositions.

Par ailleurs, ce qu'il y a dans le texte est plus important que la façon de le présenter et de l'appeler.

M. Christian Vanneste. Tout à fait !

M. Christian Kert, rapporteur. Et puisque nous arrivons à la conclusion de nos débats, je veux justement souligner que le triomphe de la République consiste à assurer la justice et l'équité dans chacun des textes que nous votons, sans devoir le répéter pesamment. Avoir reconnu ce qui s'est passé et rendu hommage ensemble aux communautés qui sont représentées ici aujourd'hui dans un climat de dignité constitue déjà un bel effort, plus significatif que le titre du projet de loi.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué aux anciens combattants. Mon analyse est la même que celle de M. le rapporteur. Le contenu prime sur l'intitulé. Les dispositions que l'Assemblée va voter, là est l'essentiel. Avis défavorable.

M. le président. Monsieur Vercamer, maintenez-vous votre amendement ?

M. Francis Vercamer. Non, monsieur le président. Je le retire.

M. Christian Vanneste. C'est un beau geste !

M. le président. L'amendement n° 77 est également retiré.

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Michel Diefenbacher.

M. Michel Diefenbacher. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons été saisis d'un bon projet de loi. Nous avons eu, les uns et les autres, l'occasion de dire à la tribune qu'il comportait plusieurs avancées majeures que nous attendions tous avec impatience.

Tout au long de la journée, nous avons eu aussi un bon débat. Les amendements ont été nombreux, la discussion ouverte, le ton serein et constructif. Je remercie tout particulièrement M. le ministre pour l'attention qu'il a portée aux amendements qui lui ont été soumis.

Nous avons accompli aujourd'hui, dans un domaine qui nous tient particulièrement à cœur, l'action de la France outre-mer, un grand pas dans le sens de la solidarité envers les rapatriés et les harkis. Nous n'avons pas manqué de mentionner ceux dont on parle moins souvent : les exilés, les disparus, les victimes civiles et leurs familles. Nous avons fait un grand pas également dans le sens de la reconnaissance, de la mémoire et de la vérité.

Je me félicite, enfin, que ce texte adopté en première lecture par l'Assemblée nationale soit, une fois encore, une initiative à mettre au crédit de notre courant de pensée. C'était le cas en 1970, en 1978, en 1987, en 1994 ; c'est à nouveau le cas en 2004. Cette succession de dates prouve toute l'attention que nous portons, au sein de l'UMP, à la mémoire, à la permanence, au souvenir de l'action de la France outre-mer et au respect envers les personnes qui y ont participé en donnant le meilleur d'elles-mêmes.

Pour toutes ces raisons , le groupe UMP votera le projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Kléber Mesquida.

M. Kléber Mesquida. Monsieur le président, monsieur le ministre, ce matin, en défendant la motion de renvoi en commission, j'ai entendu quelques collègues s'indigner que je demande encore du temps, comme si je feignais de croire que nos compatriotes n'avaient pas encore assez attendu. Eh oui ! Je voulais que l'on prenne quelques semaines - pas des années ! - pour examiner en commission de façon plus approfondie toutes les attentes qui ont été recensées. Notre groupe les a étudiées et les a trouvées réalistes, sans esprit de démagogie. Nous en avons mesuré les implications et conclu que tout découlait de la responsabilité.

La responsabilité a été évoquée dans les discours, mais quand il s'est agi de l'inscrire dans la loi, d'aucuns ont objecté qu'il faudrait alors payer, réparer, indemniser ! De qui se moque-t-on ? Lorsque le Président de la République déclare que « la France n'a pas su... », il reconnaît implicitement une responsabilité. Et les parlementaires de sa famille politique estiment qu'il ne faut surtout pas inscrire la responsabilité dans la loi ! Elle constituerait pourtant le pivot du texte et c'eût été l'honneur de la représentation nationale que de la reconnaître. Quarante-deux ans après, nous avons dépassé les passions, surmonté les troubles causés par la guerre, et nous aurions pu nous accorder. Même pour le titre, que j'étais d'accord pour modifier, cela n'a pas été possible. Or l'intitulé est sans grande importance : lorsque le juge tranche un conflit, ce qui compte c'est le contenu de la loi. Pourtant, la majorité a refusé de le modifier alors qu'il s'agissait d'une avancée moralement significative.

Nombreux ont été les amendements tombés sous le coup de l'article 40. Le Gouvernement aurait pu faire preuve de générosité en les reprenant à son compte. J'avais bon espoir, car eu égard au faible nombre de bénéficiaires, leur impact financier n'était pas énorme. Mais, à l'image de ceux de M. Vercamer, la plupart des miens sont passés définitivement sous le couperet. J'espère qu'une prochaine lecture permettra des avancées plus significatives. Qu'il s'agisse des biens des rapatriés vendus sous la contrainte, de l'indexation des sommes à restituer après les prélèvements prévus à l'article 46, du versement d'une allocation aux enfants qui avaient transité dans des camps d'accueil, derrière les barbelés, à l'écart des populations, avec des problèmes d'intégration, toutes les initiatives du groupe socialiste ont été repoussées. Pourquoi se prévaloir de l'article 40, si ce n'est pour n'avoir à retenir aucun de nos amendements ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Quand l'unité nationale est en jeu, ce qui est le cas pour le problème des rapatriés et des harkis, le groupe socialiste ne ménage pas son soutien. Il l'a apporté aujourd'hui par mon intermédiaire. Pragmatique, j'ai voté toutes les avancées mais je les estime aujourd'hui insuffisantes. Même si je me réjouis de celles qui ont été obtenues, je ne peux accepter de voter le texte en l'état. À ce stade de la première lecture, le groupe socialiste votera contre.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Monsieur le président, j'aurais pu être mécontent. Nombre de mes amendements, notamment ceux destinés à la deuxième génération, sont, comme ceux de mon collègue socialiste, tombés sous le coup de l'article 40, en raison de leur incidence financière. Sans doute aussi ne sommes-nous pas allés au fond du débat.

Pourtant, je suis satisfait parce que le Gouvernement a fait une loi pour les rapatriés, une loi qui était attendue. Rien que pour l'ouverture du débat, la discussion de propositions, dont certaines ont été acceptées, il y a de quoi se réjouir.

Le groupe UDF est très attaché à la population rapatriée. Ce n'est pas un hasard si André Santini a été comme vous, monsieur le ministre, secrétaire d'État chargé des rapatriés. Nous sommes sûrs, hélas ! que l'Assemblée devra rediscuter du sujet, pour compléter les dispositions prises. Peut-être sera-t-il alors question de responsabilité - quand la fondation aura fait son œuvre -, d'indemnisation, ou encore de dispositifs plus larges pour aider la deuxième génération qui a beaucoup de difficultés à s'insérer dans la société. Quoi qu'il en soit, je suis malheureusement certain que nous sommes loin d'en avoir terminé aujourd'hui : il reste des demandes à satisfaire et des dommages à réparer.

Bien sûr, le groupe UDF votera le projet de loi. Il le fera même avec enthousiasme car les avancées réalisées sont importantes, notamment la possibilité de cumuler le versement d'un capital et celui de l'allocation, et la reconnaissance des drames vécus par les populations. Je regrette néanmoins qu'un certain nombre d'amendements, en particulier celui concernant l'inhumation, n'aient pas été acceptés alors qu'ils auraient pu l'être facilement. D'autres ont peut-être été repoussés parce qu'ils venaient de l'UDF... (« Mais non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - « Mais si ! » sur les bancs du groupe socialiste.) J'espère que non ! En tout état cause, monsieur le ministre, notre groupe votera avec enthousiasme en vous disant : « A la prochaine fois, pour l'étape suivante ! » (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Kléber Mesquida. Très bien !

Vote sur l'ensemble

M. le président. Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué aux anciens combattants. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je souhaite tout simplement remercier l'ensemble de la représentation nationale pour la complète loyauté intellectuelle avec laquelle elle a conduit ces débats. Vous avez pris en considération l'essentiel, c'est-à-dire une population qui a tout donné et tout abandonné, y compris la terre natale, pour rester française. Vous avez, aujourd'hui, toutes sensibilités confondues, répondu à ses attentes.

Certes, ce n'est jamais assez ! Mais une somme d'argent pourra-t-elle jamais suffire à indemniser ce que ces hommes et ces femmes ont perdu ? La réponse est non. C'est la raison pour laquelle - je l'ai ressenti au plus profond du cœur - vous avez exprimé, tout au long de vos interventions et conformément aux vœux de l'ensemble des Français, la solidarité de la nation envers ceux qui ont choisi ce pays, spontanément, sans calcul aucun et en donnant le meilleur d'eux-mêmes, afin de pouvoir demeurer sur cette rive de la Méditerranée.

Je tiens à vous remercier, monsieur le président et vous aussi, monsieur le rapporteur. Je remercie également tous les représentants des différents groupes qui, présents depuis ce matin dans l'hémicycle, ont bien voulu prendre part à ces travaux de qualité.

Je souhaite également remercier toute l'assistance et je croise les doigts pour que la communauté des rapatriés connaisse une grande réussite, notamment les plus jeunes générations, qui sont l'avenir non seulement de la population harkie ou pied-noire, mais également de la France. (Applaudissements.)

M. le président. Je vous remercie, à mon tour, monsieur le ministre.

    2

DÉCLARATION DE L'URGENCE
D'UN PROJET DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m'informant que le Gouvernement déclare l'urgence du projet de loi relatif au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières (n° 1613).

Acte est donné de cette communication.

    3

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président. Mardi 15 juin 2004, à neuf heures trente, première séance publique :

Débat sur les modalités d'application de la réforme de la politique agricole commune ;

Fixation de l'ordre du jour.

A quinze heures, deuxième séance publique :

Questions au Gouvernement ;

Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi, adopté par le Sénat, n° 1465, pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ;

Discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, n° 1613, relatif au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières :

Rapport, n° 1659, de M. Jean-Claude Lenoir, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire ;

Avis, n° 1668, de M. Bernard Carayon, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

A vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures quinze.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot