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Deuxième séance du jeudi 24 juin 2004

271e séance de la session ordinaire 2003-2004



PRÉSIDENCE DE M. YVES BUR,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

    1

DÉBAT D'ORIENTATION BUDGÉTAIRE
POUR 2005

(Suite)

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite du débat d'orientation budgétaire pour 2005.

La parole est à M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je voudrais, au nom de M. le ministre d'État et en mon nom, répondre aux différents orateurs qui se sont exprimés ce matin.

Monsieur le rapporteur général de la commission des finances nous avons beaucoup apprécié vos propos, talentueux comme à l'habitude.

M. Jean-Pierre Brard. Votre goût des louanges vous perdra !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Non ! C'est la vérité. Je pense d'ailleurs que, sur tous les bancs de cet hémicycle, le rapporteur général est unanimement apprécié.

M. Jean-Pierre Brard. Il est excellent. Ce n'est pas une raison pour lui tresser des lauriers.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur Carrez, vous avez évoqué la stabilisation des dépenses, donné votre accord sur la politique de régulation budgétaire et rappelé deux règles essentielles : la nécessité de stabiliser les dépenses et la prudence dans l'appréciation des recettes. Vous parlez d'or. Nous vous remercions de votre soutien.

M. Didier Migaud. Avec ça, on est bien avancé !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Vous avez évoqué la LOLF. M. le ministre d'État et moi-même avons indiqué, devant la commission des finances, avant-hier, que les 132 responsables de programme étaient désignés.

M. Jean-Pierre Brard. Des noms ! (Sourires.)

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Leur identité et les fonctions qu'ils occupent figurent dans les documents qui vous sont adressés.

Il appartiendra à la représentation nationale de se prononcer sur leur gestion dès 2007, au titre de l'exercice 2006. À ce titre, les objectifs et les indicateurs de performance de chaque programme vous seront proposés, afin que vous puissiez les juger, les critiquer et les améliorer, dès le mois d'octobre prochain.

M. Jean-Pierre Brard. Quelle lourde charge pour la nouvelle majorité !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Naturellement, la maquette est encore perfectible. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je sais pouvoir compter sur votre commission des finances pour faire à ce sujet d'utiles propositions.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Vous avez insisté également, monsieur le rapporteur général, sur la nécessité d'une étude d'impact préalable à la présentation de tout texte. Nous souscrivons à cette règle de bon sens.

M. Didier Migaud. Où est l'étude d'impact pour le texte que nous allons examiner cet après-midi ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Nous pourrions cumuler les efforts en la matière. Un dispositif de vigilance qui limiterait, dans le temps, la durée de vie de certaines mesures et prévoirait leur évaluation serait intéressant.

J'ai siégé pendant dix ans à la commission des lois de votre assemblée. Les mêmes souhaits étaient exprimés, car nous nous apercevions que la plupart des textes législatifs étaient, en réalité, des textes réglementaires et nous pensions que des études d'impact pourraient peut-être éviter cela.

Nous avons écouté avec intérêt les propos de M. le président de la commission des finances. M. Méhaignerie a évoqué l'idée de réintégrer la prime pour l'emploi dans la feuille de paie. Le fait que le travail payé le soit sans délai excessif est a priori une bonne idée. Nous avons engagé des réflexions sur ce point au sein du ministère de l'économie et des finances et du ministère de la cohésion sociale.

M. Jean-Pierre Brard. C'est « un vrai sujet », comme on dit à Bercy ! (Sourires.)

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Oui, monsieur Brard, c'est un vrai sujet.

M. Jean-Pierre Brard. L'enterrement est proche ! (Sourires.)

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. En visitant des centres d'impôts, je me suis aperçu que les agents avaient le sentiment que cette prime n'était pas toujours comprise et reconnue par celles et ceux qui en bénéficient.

Monsieur Méhaignerie, c'est une affaire techniquement difficile. C'est compliqué également pour les entreprises. Qu'est-ce qui paraît le plus incitatif ? Une prime de 20 ou 40 euros chaque mois ? Un chèque global de 450 euros ? L'année de transition poserait un problème d'ordre budgétaire. Nous allons donc réfléchir à tout cela.

Vous avez également indiqué, monsieur le président de la commission des finances, qu'une variable importante de la maîtrise des finances de l'État était d'agir sur les effectifs de la fonction publique. Vous avez raison. Les dépenses de personnel représentent aujourd'hui 44 % des dépenses du budget de l'État. Notre approche est pragmatique : elle consiste à traduire, inlassablement, les gains d'efficacité induits par la modernisation des procédures et des outils en termes d'effectifs. Je citerai l'exemple de la télédéclaration de l'impôt sur le revenu. Elle a concerné, cette année, 1 250 000 Français.

Vous savez mieux que personne que le non remplacement d'un départ sur deux constitue non pas une règle, mais une référence de travail, que nous devons adapter aux particularités de chaque département ministériel.

Vous avez évoqué le problème des grandes collectivités territoriales, que vous connaissez bien, monsieur Méhaignerie. Votre démarche et celle du Gouvernement convergent, puisque M. le ministre d'État a proposé une conférence annuelle tripartite associant l'État, le Parlement, les associations d'élus locaux, pour mieux faire partager les objectifs communs qui seraient ceux de l'ensemble de la République - si je puis dire - en termes de maîtrise des dépenses. Je propose que nous travaillions ensemble, monsieur Méhaignerie, sur ce sujet.

Monsieur Mariton, le Gouvernement vous remercie pour votre intervention et partage votre diagnostic sur la situation des finances publiques. Il souscrit à votre analyse selon laquelle la LOLF est un fantastique moteur pour accélérer la réforme de l'État. Elle permet, comme l'a rappelé M. Bouvard, d'articuler les politiques publiques à des objectifs et non plus à des moyens, ce qui est très important. Elle libère la capacité d'initiative du gestionnaire avec la fongibilité. Nicolas Sarkozy et moi-même avons indiqué, devant la commission des finances, que nous devions faire vivre ce texte. Le Parlement et le Gouvernement doivent conjuguer leurs efforts en ce sens.

Monsieur Migaud, dans une intervention, brillante comme toujours, vous avez parlé de la dégradation des finances publiques. Elle procède de certaines évolutions. Du côté des recettes, la conjoncture est la seule explication : les recettes de TVA diminuent lorsque la consommation est en baisse.

M. Jean-Pierre Brard. C'est passer un peu vite sur les cadeaux fiscaux que vous avez faits aux plus riches !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur Brard, 32 millions de nos compatriotes - dont une forte proportion de cadres moyens, de fonctionnaires, d'employés - acquittent l'impôt sur le revenu. Par conséquent, vous ne pouvez pas dire qu'une baisse de l'impôt sur les revenus ne concerne que les Français les plus aisés.

M. Jean-Pierre Brard. Un plat de lentilles pour les uns, beaucoup pour les autres !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Je répète : 16 millions de ménages sont concernés, 32 millions de personnes, dans un pays de 60 millions d'habitants, ce n'est pas une petite minorité de riches !

M. Jean-Pierre Brard. C'est le haut du barème !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Ce sont les Français que nous croisons, les uns et les autres, dans notre vie quotidienne.

J'en viens, monsieur Migaud, aux dépenses. Je vous rappelle que nous sommes un peu, hélas ! vos héritiers. Nous payons vos 35 heures, des recrutements effarants dans la fonction publique, des gaspillages catégoriels. Nous ne devons pas politiser. Tous les gouvernements ont des responsabilités. Mais les vôtres sont désormais bien établies.

M. Jean-Paul Anciaux. Elles sont lourdes !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. En ce qui concerne le déficit de l'État, les choses sont claires, monsieur Migaud. Pour 2004, le plafond de dépenses de 283,7 milliards d'euros fixé par le Parlement sera respecté.

Les recettes se situent, à ce stade, dans une fourchette, que nous pouvons évaluer, par rapport au projet de loi de finances, entre moins 3 et 2 milliards d'euros - cela dépendra des rentrées fiscales. Il n'y a donc aucune raison, pour l'instant, de penser que le chiffre précis du solde budgétaire de 55 milliards d'euros de déficit, voté par votre assemblée, ne sera pas respecté.

Vous nous dites : « Il y a plus de croissance mais plus de déficit. Cherchez l'erreur ! ». Il n'y a pas d'erreur. La croissance est au rendez-vous - l'INSEE l'a confirmé hier -, mais nous ne disons pas qu'il y aura plus de déficit. Dans le rapport qui vous a été soumis, nous identifions un certain nombre d'aléas : la décision prise sur les « recalculés » de l'UNEDIC, les incertitudes liées à l'évolution des chiffres de l'impôt sur les sociétés, le taux de croissance, que nous ne connaissons pas.

Pour l'instant, l'objectif de 3,6 % pour 2004 est maintenu. Et M. le ministre d'État a rappelé l'objectif de 3 % pour 2005.

Vous avez évoqué beaucoup d'autres points, monsieur Migaud, mais, pour ne pas trop allonger nos débats, je me limiterai à ces quelques éléments de réponse.

M. Perruchot a énoncé cinq règles de bonne gestion : ne pas dépasser le déficit qui stabilise la dette ; supprimer le déficit du fonctionnement de l'État ; s'interdire les déficits sociaux ; réaliser des économies sur les dépenses nouvelles ; prévoir un moratoire sur les baisses d'impôt si la croissance est inférieure à 2 %. Si ces règles de bon sens avaient été appliquées par le passé, la dette ne serait pas de 1 000 milliards d'euros.

Plusieurs règles énoncées par M. Perruchot sont, pour nous, d'application immédiate, en particulier la norme « zéro volume » que nous nous sommes fixée. D'autres souhaitent que des efforts soient poursuivis sur une plus longue période. Nous nous y emploierons également.

M. Perruchot a évoqué aussi les difficultés d'établissement des prévisions de croissance. En septembre 2002, nous tablions, pour 2003, sur une hypothèse de 2,5 % ; c'était cohérent avec les prévisions établies par un panel de conjoncturistes indépendants. L'erreur a été collective puisque la croissance n'a été que de 0,5 %.

En présentant le projet de loi de finances l'année passée, MM. Francis Mer et Alain Lambert ont prévu, prudemment avec l'accord de la commission des finances, une croissance réaliste de 1,7 %. Des facteurs d'incertitudes se dissipent et l'INSEE confirme une tendance annuelle de 2,3 %.

Monsieur Brard, vous avez évoqué, avec talent, vos idées fiscales, que nous connaissons bien, mais qui nous laissent parfois sans voix.

M. Jean-Pierre Brard. Oh, des voix, vous en avez de moins en moins ! (Murmures sur les bancs de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur Brard, je n'épiloguerai pas sur les scores du parti communiste. Vous êtes plutôt verts de rage, si vous me permettez cette expression. (Sourires.)

Vous avez plaidé pour une augmentation d'impôts - c'est assez rare dans le monde d'aujourd'hui. Cela signifie-t-il que vous souhaitez, ce faisant, pénaliser l'emploi, accélérer les délocalisations et décourager les Français qui travaillent ?

M. Jean-Pierre Brard. Calembredaines !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Connaissez-vous un seul pays européen, quel que soit le gouvernement et quelle que soit sa majorité, où l'impôt ne baisse pas ?

M. Jean-Pierre Brard. Le mimétisme n'a jamais été une politique !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Le « plus fiscal » ne nous semble pas intéressant.

Vous êtes un des seuls à défendre encore les 35 heures. Que grâce vous en soit rendue ! Cela montre que vous persévérez dans l'erreur. Cela m'étonne, compte tenu de votre talent, de votre intelligence et de votre sagacité.

Je vais terminer sur ce que l'on va appeler maintenant « le théorème de Brard » (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) - vous me corrigerez, monsieur Brard, si je me trompe. Il pourrait s'énoncer ainsi : « Plus vous donnez d'argent aux privilégiés, plus la consommation baisse. »

M. Jean-Pierre Brard. Mais oui !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. En réalité, la consommation a progressé de 1 % au premier trimestre. L'INSEE, hier, dans sa note de conjoncture, nous a indiqué que la tendance s'accélérait et permettrait de tabler sur une progression de 2,1 % en année pleine.

Nous allons augmenter le SMIC d'une manière historique au 1er juillet. Et, lorsque Nicolas Sarkozy négocie avec les agriculteurs, la grande distribution et les entreprises pour faire baisser les prix, nous distribuons du pouvoir d'achat et nous favorisons la consommation. Je ne crois pas, lorsqu'il s'agit des grandes surfaces, que cela s'adresse aux privilégiés.

Monsieur Bouvard, nous avons beaucoup apprécié la contribution de la commission des finances à l'élaboration de la maquette des futures lois de finances, en application de la LOLF. Vous avez formulé, comme M. le rapporteur général et M. le président de la commission des finances, vos remarques, vos motifs de satisfaction ou d'insatisfaction.

Nous avons retenu votre message sur la LOLF. Le cadre n'est pas gravé dans le marbre. Il devra évoluer, au fil des débats budgétaires. Nous comptons sur votre assemblée pour améliorer « la copie », si elle l'estime nécessaire.

nous souhaitons du reste interroger cet automne l'Assemblée nationale et le Sénat sur la qualité de nos outils de mesure de la performance ; vous aurez alors tout loisir de vous livrer à un examen critique, puisque nous vous ferons connaître les stratégies, les indicateurs de résultats et les critères de réussites des 132 responsables de programmes dont nous venons de vous transmettre les noms. Je vous remercie de votre contribution en souhaitant qu'elle se poursuive dans les mois à venir.

M. Bonrepaux, de sa voix forte,... (Sourires.)

M. René André. Ah ! Saint Augustin !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. ...moins forte toutefois lorsqu'il s'exprime à la tribune que lorsqu'il est à son siège, nous a parlé de la régulation budgétaire. Celle-ci s'est opérée dans la plus parfaite transparence : Nicolas Sarkozy et moi-même avons écrit à l'ensemble des ministres du Gouvernement le 22 avril afin de leur expliquer le but de l'opération : mettre en réserve 4 milliards de crédits frais de la loi de finances initiale, plus 3 milliards de reports, soit au total 7 milliards. Nous en avons informé le même jour les commissions des finances des deux assemblées et, sitôt publiés les arrêtés de report, fin mai, nous leur avons transmis le détail des reports et des mises en réserve. La transparence dans cette affaire aura donc été totale.

M. Augustin Bonrepaux. Pas sur la régulation !

M. Didier Migaud. Nous n'avons pas pu avoir le détail de la régulation !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. C'est du reste tout à fait normal : M. Migaud, lorsqu'il s'intéressait aux reports sous d'autres gouvernements, ne réclamait pas autre chose.

M. Tron, malheureusement absent pour l'instant, s'est livré à une analyse fondée sur une logique de résultat ; nous le savons excellent spécialiste de la fonction publique...

M. Jean-Pierre Brard. Il ne faut pas exagérer !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. ...et nous partageons totalement tant son analyse que ses recommandations. La réforme de l'État ne peut naturellement se concevoir contre les fonctionnaires, mais bien avec eux. À l'instar de ce que nous faisons avec Nicolas Sarkozy au ministère des finances, nous devons restituer aux agents une partie des gains réalisés en termes d'efficacité et de productivité, autrement dit une partie du fruit de leurs efforts, en améliorant leurs conditions de travail et, autant que faire se peut, leurs rémunérations et leur qualification par des primes au mérite. Cette logique est, me semble-t-il, bien comprise au sein de la fonction publique.

M. Sandrier s'est étendu sur notre prétendue inefficacité dans différents domaines - j'en ai retenu trois. Pour ce qui est de la consommation, rappelons-lui que la France a connu en 2003 une progression de 1,7 % alors que les autres pays de la zone euro n'en étaient qu'à 1 % ; pour ce qui concerne les prévisions de croissance pour 2004, notre « inefficacité » nous amène à une prévision de 2,3 % contre 1,7 % pour nos voisins de la zone euro... Et lorsque nous aurons accru le SMIC, donc le pouvoir d'achat, et fait baisser le prix du panier de la ménagère, il lui sera difficile de continuer à nous taxer d'inefficacité.

S'agissant de la dette, n'oublions pas qu'elle n'est que la somme des dépenses non financées, en particulier par l'ancienne majorité... À cet égard, le titre de champion des dépenses sans ressources préalables revient sans conteste au ministre des finances du gouvernement précédent !

M. Philippe Auberger. Ça, ce n'était pas un modèle à suivre !

M. Didier Migaud. Caricature !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Pour ce qui nous concerne, et je vous renvoie à l'intervention de Nicolas Sarkozy, notre principal souci n'est pas tant la poursuite de la gestion de la dette que le désendettement du pays.

M. Garrigue a estimé à juste titre que l'actuel niveau de la dette - 14 % des dépenses de l'État en volume - n'était pas raisonnable. Il est vrai que ces dépenses, par nature assez stériles, empêchent les dépenses utiles ; il est donc crucial de réduire notre déficit pour restaurer la capacité d'action de l'État. Cela passe par une maîtrise de la dépense dans la durée - c'est précisément notre politique - et par une gestion prudente des recettes afin de ne pas répéter le malheureux épisode de la « cagnotte ».

M. Besson, qui n'est pas là pour l'instant,...

M. Didier Migaud. Il va arriver !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. ...a défendu le bilan de M. Jospin - il faut bien que quelqu'un le fasse quelque part en France - dont nous payons les conséquences. Mais, pour reprendre une formule que M. Brard, grand chrétien, pourrait faire sienne, à tout pécheur miséricorde !

M. Jean-Pierre Brard. Moi, je ne vous donnerai pas l'absolution ! (Sourires.)

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. J'aurais trop peur de vous la demander !

Nous avons bien noté vos sages recommandations, monsieur Auberger, sur les conditions de la stabilisation de l'endettement et sur la « soutenabilité » des finances publiques. Je tiens à vous assurer que bon nombre de vos idées seront reprises par le Gouvernement, y compris votre remarque sur le travail à mener avec la Cour des comptes.

Vous nous avez appelés, et nous partageons totalement votre point de vue, à conduire dans la durée une politique de stabilisation en volume des dépenses de l'État. C'est ce que nous avons fait en 2004 et que nous nous attachons à concrétiser de nouveau en 2005 en limitant la progression de la dépense à celle de l'inflation. Faut-il aller au-delà ? La stabilisation en valeur n'est pas sans poser certaines difficultés bien connues de l'ancien rapporteur général que vous êtes. Nous étudierons votre proposition, mais notre démarche est d'ores et déjà très ambitieuse.

Vous avez également évoqué, tout comme M. Carrez et M. Méhaignerie, la prime pour l'emploi dont vous avez relevé les imperfections, notamment le fait que son versement était trop éloigné du moment de reprise de l'emploi. Nous avons déjà réduit ce délai en mettant en place un dispositif d'acompte, mais il nous faut faire mieux. Nous devons appréhender le problème sous l'angle non de la seule prime pour l'emploi, mais du couple prime pour l'emploi-salaire minimum, en réfléchissant à la mise en place d'un système d'intéressement. Les pistes que vous avez tracées à cet égard seront naturellement retenues et étudiées.

Je remercie M. Deniaud d'avoir lui aussi abordé la question de la gestion des finances publiques. Nous ne sommes évidemment pas des « accros » de la régulation budgétaire - processus lourd dont nous connaissons les effets pervers -, mais nous n'en sommes pas moins comptables, avec le ministre de l'économie et des finances, de l'autorisation parlementaire. Aussi entendons-nous rester cette année très fermes sur le plan de la régulation budgétaire, en cohérence avec l'esprit de la LOLF, d'autant plus en cohérence - je réponds par la même occasion à M. Michel Bouvard, qui en connaît tous les détails - que les ministères auront la faculté de redéployer les crédits mis en réserve au sein des chapitres mobilisables. La LOLF permettra à cet égard une certaine forme de souplesse et de fongibilité.

Monsieur Descamps, vous avez fait état de votre expérience d'élu local dans une ville dont chacun aura deviné le nom. Vous avez raison : la stratégie des collectivités et la stratégie de l'État ne peuvent être séparées, et la stratégie économique ne peut réussir que pour autant que soit menée une ambitieuse réforme de l'État. Il faut donc, vous l'avez rappelé, oser nous attaquer aux frais de fonctionnement et de structure, changer la culture de la fonction publique - chantier essentiel -, en y introduisant la dimension de la performance. La LOLF participe précisément de cet objectif ; c'est la raison pour laquelle je suis optimiste face à vos interrogations. La dynamique de la LOLF se diffuse progressivement au sein de nos administrations et nous devons avoir à cœur de mener ensemble cet effort pour l'État, les collectivités, l'ensemble des acteurs publics.

M. Rouault enfin, malheureusement contraint de repartir cet après-midi dans son département, a prévenu à juste titre que l'embellie économique et l'amélioration des rentrées fiscales ne suffiraient pas à résoudre nos problèmes structurels. C'est la raison pour laquelle notre effort est axé sur l'accompagnement de la conjoncture et - nous le verrons dans un instant - sur le soutien à l'emploi et à la consommation. Nous avons bien entendu son message sur la réduction des emplois publics ; nous entendons traiter ce sujet d'une manière intelligente en en faisant, non une règle ministère par ministère, mais une règle d'ensemble. Nous souhaitons évidemment que les collectivités locales soient associées à la cohérence de l'effort d'économie de l'État, dans le respect naturellement du principe de leur libre administration.

Monsieur Besson, je vous avais répondu avant que vous n'arriviez ; je vous prie de m'en excuser.

M. Éric Besson. Vous aviez remarqué publiquement mon absence, monsieur le secrétaire d'État ; je vous serai reconnaissant de signaler ma présence.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. C'est chose faite : votre retour a immédiatement été remarqué.

M. Jean-Pierre Brard. Même lorsqu'il n'est pas là, sa présence est immanente !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Je vous répéterai ma réponse à l'oreille...

M. Éric Besson. M. Migaud l'a déjà fait.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. J'espère que vous n'en êtes pas trop fâché !

Tels sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, les éléments de réponse que Nicolas Sarkozy et moi-même souhaitions apporter à vos interrogations, vos questions, vos propositions et vos suggestions. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous vous en remercions, monsieur le secrétaire d'État.

Le débat est clos.

    2

SOUTIEN À LA CONSOMMATION
ET À L'INVESTISSEMENT

Discussion, après déclaration d'urgence,
d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi pour le soutien à la consommation et à l'investissement (nos 1676, 1682).

La parole est à M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, le projet de loi que nous vous présentons avec Dominique Bussereau repose sur une analyse simple de notre situation économique. L'an dernier, c'est la consommation qui nous a permis d'échapper à la récession : elle aura progressé de 1,7 % alors que le PIB n'augmentait que de 0,5 %, et ce alors même que nos exportations reculaient et que l'investissement faiblissait.

Au premier trimestre de cette année, c'est encore le dynamisme de la consommation - plus 1,1 % par rapport au trimestre précédent - qui a permis le rebond de la croissance, à hauteur de 0,8 %.

Pour les prochains mois, heureusement, la reprise de l'investissement comme celle des exportations paraissent enclenchées ; mais si nous voulons que la croissance s'installe durablement, nous ne devons pas attendre un nouveau fléchissement pour agir. Il nous faut donc anticiper sur cette croissance et prendre sans tarder des décisions d'action pour conforter son retour.

Le problème, la principale difficulté, c'est qu'il nous faut soutenir la demande et la croissance sans pour autant creuser les déficits, car nous n'avons pas de marge de manœuvre budgétaire. Comment faire ?

Nous avons commencé à agir en nous attaquant à la question des prix sur 4 000 produits de grande consommation. Je me suis intéressé aux programmes économiques des diverses formations politiques de ces dernières années : on y parle beaucoup de macro-économie, mais jamais des prix des biens de grande consommation dans les supermarchés et les hypermarchés.

M. Éric Besson. Si, monsieur le ministre : dans la loi sur les nouvelles régulations économiques !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est pourtant un sujet capital et c'est la raison pour laquelle c'est par lui que nous avons commencé dans notre action : 2 % de baisse des prix sur ces 4 000 principaux produits au 1er septembre, 1 % de baisse des prix au 1er janvier 2005, soit au total 3 % de baisse. Il s'agit, sans dégrader le déficit budgétaire et sans nuire aux prix agricoles, qui se forment dans d'autres conditions, ni aux productions des PME, exclues de cette liste de produits de grandes marques,...

M. René André. Très bien !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ...de rendre aux Français une année d'inflation en termes de pouvoir d'achat.

Évidemment, ce genre de mesure a de quoi susciter le doute et c'est bien normal. Les Français se demandent depuis si longtemps pourquoi les prix augmentent... De fait, comment se fait-il que les prix de ces 4 000 produits de grande consommation aient davantage grimpé en France que partout ailleurs en Europe ces dernières années ? La question méritait d'être posée.

En fait, monsieur Éric Besson, il y a deux façons de la traiter. La première, c'est la façon idéologique : un problème, une loi. On vote la loi et il n'y a plus de problème... Combien de fois avons-nous agi ainsi, combien de fois avons-nous été déçus ! Nous aurions vu s'affronter partisans et adversaires de la loi Galland, sans avancer d'un pouce.

Le deuxième moyen, c'est de faire revenir la confiance, pas à pas. Celui-ci n'est que le premier : 3 % de baisse, ce n'est pas suffisant, me dira-t-on. Mais si j'avais parlé de 3 % de hausse, on aurait crié à la catastrophe sur tous les bancs de cette assemblée ! Je ne dis pas que c'est une grande victoire ; mais si nous avions échoué, c'eût assurément été une grande défaite.

S'il était si facile, monsieur Besson, de faire en sorte que des partenaires, qui ne se parlaient plus depuis des années, acceptent de se retrouver autour d'une table, que ne l'avez-vous fait ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Par ailleurs, la commission présidée par le président Canivet étudiera le problème des marges arrière et des marges avant, l'un des plus complexes qui soient, à la fois sur le plan économique et sur le plan politique. Mais la question de la consommation est cruciale pour l'économie française. En tout cas, nous pouvons nous accorder sur un point : que l'on juge que c'est bien ou que c'est à peine suffisant, personne ne conteste l'opportunité de s'occuper de ces questions, ni le fait que 3 % de baisse des prix, c'est mieux que rien ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. Pour l'instant, c'est virtuel !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. J'ajoute que la moindre des difficultés n'était d'ailleurs pas d'avoir obtenu sur un même texte la signature des organisations agricoles, FNSEA et CNJA, des associations de commerçants et d'artisans, de la CGPME, pour les PME, ...

M. Didier Migaud. Ce n'est pas dans le texte !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ...de toutes les marques, de toutes les organisations représentatives et même d'une des deux associations de consommateurs ! Je suis persuadé que d'autres auraient pu faire mieux, mais dans l'avenir. Pour ce qui est du passé, il n'y a pas eu d'exemples de ce côté-ci de l'hémicycle, chers collègues de l'opposition ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Brard. Et les caisses déconnectées, et les démarques ?

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Comment redonner du pouvoir d'achat, afin qu'il serve à la consommation ? C'est la question du SMIC, et elle devrait nous rassembler - Dominique Bussereau l'a fait remarquer. Au 1er juillet, le SMIC augmentera de 5,8 % pour le salaire horaire dans les entreprises aux 39 heures.

M. Jean-Pierre Brard. L'un des SMIC seulement !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Les experts estiment que ces deux mesures pourraient augmenter la consommation de près de 1 % et le PIB de près de 0,5 %. Notre objectif était de faire plus, et nous avons trois lignes de conduite.

D'abord, nous proposons des dispositifs simples, qui doivent être compris de tous.

Ensuite, nous proposons des dispositifs limités dans le temps, afin que la commission des finances puisse les évaluer. Selon leur succès et leur efficacité, elle décidera de les poursuivre ou non. Ainsi, nous ne gaspillerons pas l'argent du contribuable ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Le Gouvernement vous propose une politique. Si vous l'approuvez, vous l'adoptez et, en fonction de son évaluation, il sera décidé de la pérenniser. C'est cela une gestion moderne de l'économie.

Enfin, notre troisième objectif est de ne pas obérer les finances publiques et donc de faire en sorte que le coût de ces mesures soit le plus faible possible. Vous l'avez tous dit ce matin, et avec raison : on ne peut continuer à creuser les déficits. On ne peut pas en même temps affirmer, comme ce matin, que l'on va réduire les déficits et, cet après-midi, voter des mesures qui les aggraveraient. Cela n'aurait aucun sens. Nous devons être cohérents, non seulement en matière de politique économique, mais de politique tout court.

Quelles sont dès lors les mesures proposées ? D'abord, une mesure familiale et de solidarité. La solidarité, c'est de permettre à une génération qui consomme plus, mais qui n'en a pas les moyens, de bénéficier du fruit du travail d'une génération plus âgée qui consomme moins et qui a de l'épargne.

M. Jean-Paul Anciaux. Excellent !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Nous voulons transférer l'épargne des plus âgés, qui ont travaillé toute leur vie,...

M. Jean-Pierre Brard. Les smicards de la retraite !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ...vers les plus jeunes, qui veulent satisfaire des besoins de consommation parce qu'ils débutent dans la vie.

M. Antoine Carré. Exactement !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. J'ajoute, monsieur Brard, que je vois dans cette mesure beaucoup de moralité. Et il est normal de permettre à des gens qui ont travaillé toute leur vie de donner à leurs enfants ou à leurs petits-enfants le fruit de cette vie de travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Gérard Léonard. Très bien !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Quand on s'est levé tôt le matin pour aller travailler, quand on a pris des risques, je ne vois pas au nom de quoi il faudrait s'excuser de vouloir transmettre le fruit de ce travail.

M. Jean-Louis Bernard. Très bien !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. On n'a volé personne, on a bâti, à la sueur de son front, un petit patrimoine. Au nom de quoi ne pourrait-on le transmettre à ses enfants ? Si l'on croit à la famille, comme c'est notre cas,...

M. Augustin Bonrepaux. Et ceux qui n'ont pas de travail ?

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ...on ne peut que juger cette disposition à la fois noble et efficace. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

C'est un choix politique que j'assume pleinement. Ceux qui travaillent et ont des économies ne vont tout de même pas s'excuser d'avoir travaillé et de disposer d'économies. S'il n'y avait pas des gens qui travaillent dur, qui financerait les allocations sociales ? Au lieu de montrer du doigt des gens qui travaillent, peut-être faudrait-il de temps en temps les remercier,...

M. Jean-Pierre Brard. Et abaisser les droits de succession.

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ...car, sans eux, la solidarité se bornerait à un discours ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Il ne s'agit nullement de faire une politique pour les uns et contre les autres,...

M. Jean-Pierre Brard. Abaissez les droits de succession pour les petits héritages ! Vous n'en parlez pas !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ...c'est reconnaître que le travail est une valeur fondamentale.

Entre le 1er juin 2004 et le 31 mai 2005, ces dons, dans la limite de 20 000 euros par don, seront exonérés de droits de mutation, mais aussi de toute formalité - le ministère des finances a parfois le génie de rendre les mesures que vous votez tellement complexes et plafonnées dans tous les sens qu'elles ne peuvent plus servir à personne ! (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Daniel Mach. Tout à fait !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Cette fois, c'est clair. Nous disons aux Français : « Faites des dons à vos enfants et à vos petits-enfants. Il vous suffit pour cela de remplir un formulaire d'une page, que vous trouverez dans toutes les administrations fiscales. » Non seulement vous aiderez les jeunes à démarrer dans la vie, mais vous soutiendrez l'emploi en favorisant la consommation. Je comprends la tristesse de ceux qui n'y ont pas pensé avant et je conçois qu'ils soient amers que le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin le propose ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Éric Besson. Il suffit d'avoir un peu d'argent, n'est-ce pas ?

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Une deuxième mesure concerne essentiellement la consommation populaire et s'adresse aux Français qui ne peuvent acquérir un bien, tout simplement parce qu'ils n'ont pas d'économies.

M. Jean-Pierre Brard. Tout de même !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Huit millions de Français ont recours aux prêts à la consommation parce que, malheureusement, ils sont obligés de recourir à un emprunt pour pouvoir s'équiper, faute de revenus suffisants. Nous allons autoriser une réduction d'impôt égale à 25 % du montant des intérêts payés en 2004 et 2005.

M. Jean-Pierre Brard. Et ceux qui ne payent pas d'impôt ?

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Voilà une aide réservée aux Français les plus modestes,...

M. Jean-Pierre Brard. Ce n'est pas vrai !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ...ceux qui doivent s'endetter pour acheter un bien.

Nous avons choisi, mesure très importante, de laisser le consommateur libre de choisir quel bien il veut acheter. Ce n'est pas à l'État de choisir à sa place. Tous les biens achetés grâce à un prêt à la consommation pourront faire l'objet d'une déduction des intérêts. Là aussi, il s'agit d'une mesure simple et populaire.

M. Jean-Pierre Brard. La Rolls comme le vélo !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Cette mesure favorisera la consommation. Derrière la consommation, il y a des femmes et des hommes qui fabriquent les biens qui seront achetés et consommés. Cela s'appelle du soutien à la demande !

M. Édouard Landrain. Enfin !

M. Jean-Pierre Brard. La Rolls comme le vélo ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Chacun sait que beaucoup de gens achètent une Rolls avec un prêt à la consommation, négocié âprement avec le CETELEM... Je savais déjà que M. Brard avait du mal avec la réalité. Voilà qu'il vient de le confirmer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

La troisième mesure en faveur de la consommation est le déblocage des sommes épargnées dans le cadre de l'épargne salariale ou leur versement direct, sans remise en cause des avantages fiscaux et sociaux normalement liés au blocage.

Plus précisément, la mesure vise à permettre, du 16 juin au 31 décembre 2004, de débloquer ces fonds, et d'introduire dans l'économie française une somme considérable, car nous estimons le déblocage à environ 5 milliards d'euros, ce qui représenterait 10 % des encours de l'épargne salariale. Au lieu d'être bloqué, cet argent soutiendra la consommation, permettra aux entreprises d'avoir plus d'activités et d'être en mesure de créer des emplois.

Telles sont ces trois premières mesures. Je suis persuadé que, si on les considère sans esprit partisan - et je n'ai aucune raison de douter qu'il n'en soit pas ainsi -, chacun devrait les voter, pour conforter la croissance revenue dans notre pays.

Quatre autres mesures sont ciblées sur l'emploi et l'investissement. La première est une aide versée aux employeurs de l'hôtellerie et de la restauration.

M. Didier Migaud. C'est pour faire plaisir au président Méhaignerie.

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je me demande s'il est bien raisonnable de tenir pour acquis le fait que les restaurateurs qui mettent de nombreux emplois au service de leur clientèle, emplois souvent occupés par des jeunes, paient plus de TVA que d'autres qui ne le font pas !

Est-il normal que, plus on crée d'emplois, plus on paie de TVA ?

M. Michel Bouvard. Non !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est une inégalité, une anomalie. Et il n'y avait aucune raison que nous la considérions comme acquise. Sur ce point, le Premier ministre a pris un engagement.

J'ai négocié avec la profession, qui m'a indiqué que 70 000 offres d'emploi n'étaient pas satisfaites. La raison en est simple : c'est parce que le travail est dur, mais aussi parce que les salaires sont bas, voire trop bas.

M. Antoine Carré. Exactement !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est la question du SMIC hôtelier. Les employeurs qui voudront garder le SMIC hôtelier le pourront, mais ils n'auront pas la prime à l'emploi. En revanche, ceux qui voudront augmenter les petits salaires la percevront.

La mesure que vous propose le Gouvernement est donc une mesure de justice sociale, parce qu'elle augmente les petits salaires, une mesure d'efficacité économique parce qu'elle permet la création d'emplois, et je suis sûr que nul ne s'y opposera.

M. Daniel Mach. À gauche, ils en sont capables !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Pour l'investissement, nous proposons un dégrèvement de la taxe professionnelle jusqu'aux impositions établies en 2007 pour les investissements réalisés entre le 1er janvier 2004 et le 30 juin 2005. Cette mesure permettra d'exonérer de taxe professionnelle, compensée par l'État, les investissements réalisés.

On ne peut pas, le matin, regretter que l'investissement ait diminué et, l'après-midi, refuser de voter une mesure visant à exonérer de taxe professionnelle les investissements nouveaux pendant quelques mois.

Soit il n'y a pas assez d'investissement, et, dans ce cas, il faut voter cette mesure, qui le favorise ; soit l'investissement est suffisant, et il ne faut pas voter la mesure que vous propose le Gouvernement.

J'ajoute que, derrière cette mesure qui favorise l'investissement, il y a l'achat de machines, le développement industriel, dont la France a tant besoin.

S'agissant de la réforme de la taxe professionnelle sur laquelle nous travaillons, je voudrais vous dire que je suis personnellement très attaché au maintien d'un lien entre l'activité financière, l'activité économique et les collectivités locales. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Nous risquerions sinon de nous trouver dans une situation où plus aucune collectivité ne voudrait accueillir d'industries ou d'activités économiques.

M. Michel Bouvard. Surtout avec le principe de précaution !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Que deviendrait l'emploi dans ces conditions ?

Il faut maintenir un lien direct entre le financement des collectivités territoriales et les activités économiques. Sinon, on pourrait voir un jour des groupes de pression imposer à une commune de faire uniquement des jardins publics, chose fort agréable pour la qualité de la vie mais peu apte à donner du travail à nos compatriotes et à développer notre économie.

M. Didier Migaud. Il faudra expliquer cela au Président de la République !

M. Jean-Pierre Brard. Là, vous aurez besoin de l'opposition...

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Deux mesures fiscales complémentaires sont proposées dans ce projet de loi pour maintenir des activités de proximité.

La question du petit commerce en centre-ville vous préoccupe tous. C'est vrai que nous avons tous assisté, depuis une vingtaine d'années, à une dévitalisation du cœur de nos villes parce que les commerçants et les artisans en ont disparu les uns après les autres.

Entre parenthèses, cela montre bien que l'arsenal législatif existant n'a nullement permis de freiner la disparition du petit commerce. On a, jusqu'à présent, constaté un seul effet, à savoir l'augmentation des prix pour les biens de grande consommation, et je ne pense pas que quiconque puisse prétendre que le petit commerce soit actuellement florissant.

La disparition du petit commerce est à attribuer à une foultitude de raisons. L'une d'entre elles me semble toutefois prépondérante. Qu'est-ce que c'est qu'un petit commerçant ? C'est quelqu'un qui travaille dur toute sa vie, et qui joue sa retraite, lui, au moment de la vente de son fonds de commerce. (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. Jusque-là, je suis d'accord !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Selon que cette vente est bonne ou médiocre, sa retraite sera confortable ou inconfortable, et nul ne peut donc faire reproche à un commerçant, quel qu'il soit, de vouloir vendre au plus offrant son fonds - il n'est pas toujours propriétaire des murs - car il sait ne pouvoir compter sur personne pour l'aider à payer sa retraite.

Mais que signifie vendre au plus offrant quand on est boucher, poissonnier ou commerçant de bouche ? Ce n'est pas, malheureusement, céder le fonds à un débutant dans le même corps de métier, car, la plupart du temps, celui-ci ne dispose pas du financement nécessaire. Vendre au plus offrant, cela veut dire que le fonds va se retrouver entre les mains d'une succursale bancaire, d'une compagnie d'assurance ou d'une agence immobilière,...

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Exactement !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ...toutes activités par ailleurs tout à fait dignes d'intérêt, et qui ne doivent en aucun cas être montrées du doigt. Mais, entre l'artisan, le boucher ou le boulanger qui cherche un fonds pour démarrer son activité, et la succursale bancaire, croyez-vous que l'égalité des chances soit respectée ?

M. Jean-Pierre Brard. Comment entendez-vous dissuader la banque ?

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Nous vous proposons une mesure simple mais efficace, consistant à rétablir la concurrence entre les différentes catégories d'acheteurs. Si un petit commerçant rural, de centre-ville ou de proximité, vend son fonds à un commerce de même catégorie - et nous pourrions retenir, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, la définition...

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. ...de la branche d'activité !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ...par exemple, ou celle de la chambre des métiers, nous serons très attentifs à vos propositions -, ce petit commerçant pourra être exonéré de droits d'enregistrements et de plus-values. Ceci permettra de rééquilibrer la proposition faite par le commerçant candidat à la succession dans le même domaine d'activité et celle de la banque, de l'agence immobilière ou de la compagnie d'assurances. Je crois que, conjuguée avec l'augmentation du FISAC, cette mesure très attendue est de nature à soutenir le commerce de proximité dans nos villes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Naturellement, nous imposerons que le bénéficiaire de ces exonérations s'engage à exercer l'activité transmise pour une durée minimale de cinq années, afin d'éviter que, par un effet d'aubaine, cette mesure ne soit détournée de son objet.

Exonération des droits de mutation et des plus-values professionnelles pour la cession d'un ou plusieurs fonds de commerce, de clientèles de professions libérales et des offices ministériels : comme vous le voyez, ces mesures caractérisées par leur pragmatisme ne sont ni dogmatiques ni idéologiques,...

M. Jean-Pierre Brard. Jamais, avec M. Sarkozy !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ...mais visent à répondre à des problèmes concrets. Surtout, elles essaient d'anticiper,...

M. Jean-Pierre Brard. Vous essayez surtout d'anticiper 2007 !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ...et sans doute est-ce le plus difficile en matière de politique économique : ne pas être en retard d'un cycle, ne pas être à contretemps,...

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Exact !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ...ne pas être contracyclique, c'est-à-dire prendre des mesures coûteuses alors que l'économie est repartie - ce qui les rend superflues -, ou prendre des mesures, elles aussi coûteuses, alors que l'économie est déjà exsangue - ce qui les rend inopérantes, car trop tardives.

Voilà pourquoi, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, nous vous proposons ces mesures à cette période de l'année : parce que nous pensons que c'est en ce moment que se jouent les quelques éléments de croissance que l'on peut gagner pour que notre économie crée des emplois. Agir trop tard, c'est être inefficace. Ces mesures que nous vous proposons sont ambitieuses, concrètes, pragmatiques, et je ne doute pas qu'elles seront appréciées et votées par l'ensemble de l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. Jean-Pierre Brard. Ils ont vraiment besoin de croire !

M. Didier Migaud. On dirait qu'ils sont envoûtés !

M. le président. La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre d'Etat, monsieur le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire, mes chers collègues, ce projet de loi est opportun, équilibré, et vertueux.

M. Jean-Pierre Brard. Pour la vertu, on demandera à Saint-Just !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Premièrement, comme vous venez de souligner, monsieur le ministre d'État, ce texte arrive au bon moment. Il est effectivement important, lorsqu'on propose un projet de loi, de maîtriser l'art essentiel de la chronologie, du tempo. Nous avions ce matin les dernières prévisions de l'INSEE, selon lesquelles la croissance pourrait atteindre 2,2 ou 2,3 %. Les mesures proposées arrivent donc juste à propos. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Deuxièmement, ce texte est équilibré, car il va au cœur des moteurs de la croissance : la consommation des ménages et l'investissement des entreprises, que l'on va favoriser.

Enfin, c'est un texte paré de nombreuses vertus, dont la première - je la souligne parce qu'elle est rare - est la simplicité. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Si l'on entend qu'une loi ait des effets rapides et sensibles, il faut que l'ensemble des acteurs économiques puissent se l'approprier en vue de son application, ce qui suppose une intelligibilité parfaite de son texte. Et notre intervention publique, à nous législateurs, ne vaut qu'à partir du moment où elle est relayée par les acteurs économiques, en particulier du secteur privé, ce qui est le cas de ce texte.

La deuxième vertu de ce texte, c'est qu'il sera peu coûteux pour les finances publiques.

M. Jean-Pierre Brard. Et la vertu du rapporteur, est-ce la sincérité ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. En effet, à partir du moment où ces mesures vont marcher - et je suis persuadé que ce sera le cas -, elles vont s'autofinancer. Je suis même persuadé qu'en termes de TVA, d'impôt sur le revenu et d'impôt sur les sociétés, elles rapporteront plus de recettes qu'elles ne coûteront.

En tout état de cause, ces mesures sont limitées dans le temps. Nous pourrons donc les évaluer, et au besoin les corriger.

La première des mesures proposées consiste en une exonération totale de droits de mutation sur les dons consentis aux enfants et petits-enfants, dans la limite de 20 000 euros par bénéficiaire. Le texte prend en compte un phénomène de génération. Aujourd'hui, lorsqu'un jeune ménage a besoin d'un apport personnel pour s'acheter un logement ou une voiture, c'est vers les parents, mais plus encore vers les grands-parents, qu'il se tourne. Cette mesure permet aux personnes qui ont constitué une épargne grâce à leur travail, de transmettre celle-ci à la jeune génération, afin de lui permettre de consommer les biens dont elle a besoin. C'est l'économie dans son ensemble qui devrait bénéficier des effets de cette mesure. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

L'article 2 du projet de loi institue une réduction d'impôt au titre de certains prêts à la consommation. Il est indiscutable que les Français sont, en moyenne, moins endettés que les ménages d'autres pays. Nous devons d'ailleurs nous poser la question suivante : la propension des Français à épargner plus que la moyenne ne traduit-elle pas une certaine crainte de l'avenir, suscitée par la masse des déficits que nous avons accumulés ?

Au sujet de cette mesure, les deux engagements que vous avez obtenus de la profession bancaire sont à souligner : d'une part, celui de ne pas profiter de cet avantage fiscal pour augmenter ses marges ; d'autre part, celui d'être beaucoup plus vigilante sur les problèmes - limités, mais bien réels - de surendettement.

L'article 3 prévoit le déblocage des fonds d'épargne salariale, issus notamment de la participation ou de l'intéressement. Les chiffres sont absolument considérables : l'épargne salariale sur les comptes des entreprises s'élèverait actuellement à 60 à 70 milliards d'euros. Pour la seule année 2001 - une année il est vrai exceptionnelle -, entre la participation et l'intéressement, c'est huit milliards supplémentaires qui ont été affectés à l'épargne salariale. Il y a là, sans doute, des sommes à dégager au bénéfice de la consommation. L'article 3 permet aux bénéficiaires de percevoir directement, du 16 juin au 31 décembre 2004, les sommes dues au titre de la participation ou de l'intéressement, tout en bénéficiant des avantages fiscaux.

Là encore, le Gouvernement a adopté une démarche réaliste et prudente. Celle-ci respecte les partenaires sociaux, le projet de loi prévoyant un accord d'entreprise et, à défaut d'accord conclu au plus tard le 30 septembre prochain, la faculté offerte au salarié de débloquer les sommes lui revenant par une simple demande. Elle respecte également l'entreprise, car les fonds concernés par cette mesure peuvent, au moins en partie, être considérés comme des quasi-fonds propres de l'entreprise, dont il faut veiller à protéger la bonne santé financière.

Nous avons eu de nombreuses discussions au sujet du secteur de la restauration, les avis divergeant quant à la meilleure façon d'aborder cette question. Je ne crains pas d'affirmer que l'aide à l'emploi dans la restauration, prévue par l'article 4, est une excellente mesure. En effet, cette aide va être liée à la sortie du SMIC hôtelier, c'est-à-dire qu'elle ne sera accordée qu'à partir du moment où les salariés bénéficieront vraiment du SMIC. Partout en France, et notamment en région parisienne, des dizaines de milliers d'offres d'emplois dans ce secteur ne sont pas pourvues. Les entreprises ne trouvent pas les employés qu'elles recherchent, parce que les conditions de travail sont très dures, mais aussi parce que la rémunération est insuffisante. Cette mesure peut donc permettre d'enrayer le phénomène de « trappe à bas salaire » que constitue le SMIC hôtelier, et avoir ainsi un effet très bénéfique sur le marché de l'emploi.

Le dégrèvement de taxe professionnelle sur les nouveaux investissements est également une très bonne mesure. J'aurais préféré pour ma part qu'elle fût annoncée de façon un peu moins brutale, et que nous ayons le temps d'y réfléchir davantage. Je pense toutefois qu'elle sera très efficace, parce qu'elle est au cœur de l'investissement. Par ailleurs, dans la mesure où ces exonérations sont consenties sous forme de dégrèvements, les finances des collectivités locales sont totalement protégées et ne perdront pas un euro.

M. Michel Bouvard. Enfin !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. En outre, ce dispositif permet de préserver le lien fiscal local auquel M. le ministre faisait allusion il y a un instant.

Deux questions se posent toutefois. La première est celle de l'atterrissage de ce dispositif de dégrèvement, qui va tout de même coûter assez cher - a priori, entre 2,5 et 3 milliards d'euros -, question sur laquelle la commission Fouquet, dont Pierre Méhaignerie et moi-même faisons partie, n'avance qu'à pas comptés. La deuxième question est celle des entreprises plafonnées à la valeur ajoutée, qui ne bénéficieront pas de la mesure de dégrèvement, alors qu'elles supportent la taxe professionnelle la plus lourde.

L'aide à la reprise des activités de proximité est une disposition de nature à satisfaire les maires, notamment de communes moyennes, qui souffrent de voir des fonds de commerce rester sans repreneur. Face à la dévitalisation des centres-villes, voilà une mesure pragmatique, simple, et qui devrait se révéler efficace. Je me demande d'ailleurs s'il ne faudrait pas envisager d'ouvrir aux collectivités territoriales la possibilité d'accompagner l'État au titre de leurs propres droits d'enregistrement.

La commission des finances a adopté trois amendements importants.

Le premier vise à réparer un oubli de la loi de finances pour 2004. Lors de la discussion de ce texte, nous avions mis en place - et cette idée était très chère au président de la commission des finances - un dispositif favorisant la location-accession sociale. Ainsi, nous avions pu obtenir le déblocage de 5 000, puis 10 000 prêts sociaux, mais nous avions omis de mettre en place le dispositif fiscal correspondant, à savoir l'exonération de l'impôt foncier sur les propriétés bâties pendant quinze ans et l'application aux logements concernés d'un taux de TVA à 5,5 %. Nous vous proposons de réparer cet oubli.

Le deuxième amendement concerne la redevance d'archéologie préventive. Nous proposions, il y a un an, de greffer cette taxe sur la taxe locale d'équipement. Nous n'avons pas été suivis, et il est arrivé ce qui devait arriver : le système actuel conduit à des aberrations. Il faut absolument le réformer et c'est ce que propose notre amendement d'appel.

Le troisième amendement concerne la collecte de la redevance audiovisuelle. Voilà dix ans que le problème est évoqué. Didier Migaud avait fait, en son temps, un excellent rapport sur le sujet. Tout en maintenant cette taxe et le financement de l'audiovisuel public, il est absolument indispensable de la collecter de façon plus intelligente.

M. Jean-Louis Bernard. Tout à fait !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ainsi, nous proposons de la collecter conjointement avec la taxe d'habitation. Je rassure, par avance, les 1 400 fonctionnaires concernés. Bien entendu, leurs emplois seront maintenus, et ils pourront être affectés à d'autres tâches.

M. Jean-Louis Bernard. Ils feront autre chose !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cela prendra le temps qu'il faudra. Nos concitoyens comprendront d'autant mieux cette réforme que nous serons capables de leur dire que, puisque nous collectons à un coût moindre, nous pourrons baisser légèrement la redevance audiovisuelle. Voilà la réforme de l'État telle que nous devons la faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

En conclusion, je reprendrai la formule d'un de nos collègues qui a qualifié le présent projet de loi de « bon petit texte ». Messieurs les ministres, ce sont parfois les bons petits textes qui font les grandes lois. Et je pense que ce texte sera de celles-là !

La commission des finances, mes chers collègues, l'a approuvé et je vous demande, à mon tour, de l'adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Exception d'irrecevabilité

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour une durée qui ne pourra excéder une heure trente.

M. Jean-Pierre Brard. C'est toujours trop court quand il s'agit d'écouter M. Bonrepaux !

M. Didier Migaud. Et c'est toujours intéressant !

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le ministre d'État, le projet de loi pour le soutien à la consommation et à l'investissement n'est pas le plan ambitieux de relance et de soutien de la croissance que vous avez annoncé. C'est avant tout un catalogue de mesurettes en total décalage avec les besoins des ménages et de l'économie pour traduire dans la loi, de façon tardive, des engagements multiples et un peu irréfléchis du Président de la République et de ceux du ministre de l'économie et des finances.

Sans dévier de la stratégie suivie depuis l'été 2002 qui a conduit à l'effondrement de la croissance, à une dégradation sans précédent des comptes publics, le Gouvernement refuse une nouvelle fois de soutenir la consommation des ménages, ce qui supposerait en priorité d'apporter un soutien au pouvoir d'achat des revenus les plus modestes. Sa politique économique n'a pour seul objectif que de multiplier les baisses d'impôts et de créer des niches fiscales après avoir annoncé qu'on allait les réviser. Le volet financier et fiscal est d'ailleurs peu volontariste. De nouvelles règles budgétaires devraient être instaurées.

Dans le programme de stabilité et de croissance des finances publiques transmis à Bruxelles à la fin de l'année 2003, la France s'engageait à affecter à la réduction des déficits les recettes provenant d'une croissance supérieure aux prévisions. Pour maîtriser les finances publiques, M. Sarkozy propose d'adopter une règle moins stricte, à savoir d'y affecter les deux tiers du surplus, contre la moitié initialement. C'est très bien, mais reconnaissez que c'est encore insuffisant pour résorber un déficit aussi important. Le défaut essentiel de cette proposition est d'être paradoxalement peu volontariste. En effet, en 1999, ce n'est pas la quasi-totalité des surplus de recettes constatés mais seulement les deux tiers qui auraient alors été affectés au désendettement.

La remise en cause des niches fiscales qui nous a été annoncée, pour retrouver des marges de manœuvre fiscales, devait être engagée d'ici à la fin de l'année. Vous envisagez de limiter leur durée de vie à cinq ans pour engager leur réforme ou leur suppression. En contrepartie, vous proposez d'affecter les ressources dégagées à la réduction du taux de l'impôt sur le revenu. Mais, comme l'a demandé le président de la commission des finances dans la presse, à quoi bon poursuivre la politique de diminution de l'impôt sur le revenu si c'est pour aggraver les injustices et notre déficit ?

Le ministre des finances s'engage également à céder 100 000 mètres carrés de bureaux appartenant à l'État dès 2004. Il affirme que l'État est d'accord pour que la Banque de France cède 550 à 600 tonnes d'or et conserve à son bilan les plus-values équivalentes. Le placement de cet argent devrait lui permettre d'augmenter le dividende versé à l'État de 100 millions dès la première année. Mais que se passera-t-il quand l'État aura tout vendu ? Si nos finances rencontrent davantage de difficultés, comment ferons-nous ? Il en est de même d'ailleurs des privatisations.

À propos des ventes du patrimoine, j'ai demandé au président de la commission des finances, à plusieurs reprises, une mission de contrôle sur la vente de ce patrimoine de l'État. Comment est-il évalué ? À quelles conditions est-il vendu ? Étant donné l'état de nos finances, il ne faudrait pas que l'État soit incité à le brader.

En ce qui concerne les privatisations, on nous annonce la vente de 35 % du capital de la SNECMA et surtout l'ouverture du capital de deux sociétés autoroutières. Il y a quelque temps, M. le ministre nous a expliqué que les revenus des sociétés autoroutières nous permettraient de financer les infrastructures. Qu'en est-il exactement ? Allons-nous continuer à vendre immédiatement, nous privant ainsi de revenus pour l'avenir ?

Vous nous proposez donc une politique incohérente. Le projet de loi multiplie les signaux contradictoires.

On affiche la volonté de contrôler les comptes publics alors que des mesures de baisses d'impôt non financées sont systématiquement mises en œuvre.

On affirme alléger les prélèvements, mais, en réalité, on les multiplie pour les plus modestes.

On prétend soutenir la consommation en offrant des réductions d'impôts qui, par construction, ne concernent au mieux que la moitié de la population la plus aisée alors que le Gouvernement s'apprête, dans le cadre du projet de loi sur l'assurance maladie, à prélever plus de 3 milliards d'euros sur l'ensemble des ménages, quel que soit leur revenu, par la hausse de la CSG, la prolongation de la CRDS et la mise en place de « l'euro Raffarin » sur les actes médicaux.

On affiche la volonté de stimuler la consommation au détriment du taux d'épargne, alors que la perspective d'une hausse incontrôlée de la dette publique, et notamment d'un renvoi de plus de 50 milliards d'euros supplémentaires vers la Caisse d'amortissement de la dette sociale et donc la CRDS ne peut que faire pressentir des hausses inévitables de prélèvements pour l'avenir. C'est finalement une aggravation déguisée de la dette à payer par les générations futures.

On incite, d'un côté, à consommer, tandis que, de l'autre, on incite à épargner pour la retraite.

On prétend orienter l'épargne vers les investissements productifs, qui nécessiteraient des placements stables, de préférence destinés au financement des besoins en capitaux des entreprises, alors que, dans le même temps, vous proposez ici des mesures visant précisément à débloquer les sommes collectées sur les plans d'épargne entreprise et souvent investies dans les entreprises.

Je reviens sur votre souhait de supprimer les niches fiscales, qui ne trouve pas ici sa traduction législative. Fidèle à son habitude, la droite préfère annoncer une chose et faire le contraire, puisque le projet prévoit d'en créer une supplémentaire.

À l'inverse, nous proposons un vrai plan de soutien à la croissance, qui reposerait sur l'achèvement, trop longtemps différé, de la montée en charge de la prime pour l'emploi, sur la définition des crédits d'impôts réellement favorables à l'emploi, par exemple pour l'emploi à domicile, sur l'achèvement du mouvement de réforme de la taxe professionnelle engagé sous la précédente législature, qui a déjà permis la suppression de la part de cet impôt pesant sur les salaires et la mise en place d'une taxe professionnelle unique dans le cadre des intercommunalités.

Le coût de cette politique n'a pas été évalué, ce qui est un peu surprenant. À l'exception de quelques chiffres que vous avez avancés dans la presse, monsieur le ministre d'État, vous êtes resté largement évasif à ce sujet. En réponse à Didier Migaud, qui demandait une évaluation du coût des projets dans son rapport sur la proposition de résolution visant à la création d'une commission d'enquête sur la dégradation des comptes publics, le ministre d'État a cru bon de proposer une approche pragmatique et innovante et de se limiter à une simple lettre indiquant que les simulations ont souvent démontré leurs limites et que, soit les mesures produiront l'effet escompté et elles seront donc susceptibles d'entraîner un coût pour les finances publiques mais permettront en contrepartie de récupérer des recettes, notamment de TVA, soit elles ne se révéleront pas opérantes et elles auront alors un coût budgétaire limité.

On peut penser aussi que les mesures auront un coût certain mais aucune efficacité. Mais cette éventualité ne semble pas avoir été examinée par M. le ministre d'État.

En réalité, le ministre d'État se limite à une campagne de communication supplémentaire. Il se serait volontiers abstenu de passer par la voie législative puisque ces mesures ont été quasiment mises en œuvre avant même le vote de la loi. Il en va ainsi des mesures concernant la taxe professionnelle, annoncées par le Président de la République en janvier 2004, mais surtout de l'exonération des droits de succession sur les dons, applicable au 1er juin, ou encore de la réduction d'impôt sur les prêts contractés au 1er mai. On peut se demander à quoi nous servons, monsieur le président de la commission,...

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. C'est une tradition !

M. Augustin Bonrepaux. ...puisque la mesure qu'on nous demande d'adopter est en vigueur depuis le 1er juin !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est que nous sommes efficaces !

M. Augustin Bonrepaux. C'est une politique à l'emporte-pièce. L'exonération totale des droits de mutation sur les dons aux descendants montre bien qu'elle est ciblée sur les privilégiés. Les donations monétaires en pleine propriété aux enfants et petits-enfants âgés de plus de dix-huit ans seront exonérées de droits de mutation dans la limite de 20 000 euros par bénéficiaire.

Monsieur le ministre d'État, je crois que vous avez une appréciation un peu sélective des travailleurs, car, selon vous, les seuls travailleurs méritants sont les plus aisés, ceux qui pourront permettre cette transmission.

Trois remarques s'imposent.

On peut s'interroger sur la proportion de contribuables susceptibles de dons d'une telle importance. En tout état de cause, cette mesure sera sans impact pour les familles modestes, en raison de la capacité réduite des dons. Pourtant, nombre de ces travailleurs sont méritants. Malheureusement, ils ont des revenus modestes. Aucun plafond en termes de don global n'est posé.

La multiplication du nombre de bénéficiaires entraînera un montant potentiellement très élevé du montant global des dons exonérés. La tentative de chiffrage faite par l'OFCE, à la demande de Didier Migaud dans le cadre de son rapport précité, est très vague quant aux effets potentiels. Elle permet néanmoins de souligner que, si la mesure était utilisée à plein par les ménages, le coût immédiat serait optiquement nul mais que l'État perdrait de 1,4 à 2 milliards sur les successions à venir. Et, hormis l'effet d'aubaine assuré, l'impact sur la consommation reste à démontrer. Telle est la conclusion de l'OFCE.

La réduction d'impôt pour les intérêts de prêts à la consommation serait de 25 % du montant des intérêts payés en 2004 et 2005, dans la limite annuelle de 600 euros. Une nouvelle fois, la mesure ne s'adresse qu'aux seuls imposables, c'est-à-dire les 50 % des ménages ayant la propension à consommer un surplus de revenu. Mais il est à craindre que l'impact psychologique de cette disposition, qui pourrait être utilisé par les organismes d'offre de crédit, ne vienne contrecarrer les efforts de lutte contre le surendettement des ménages modestes menés par ailleurs. A cet égard, le discours du Gouvernement est une nouvelle fois contradictoire.

Le coût de la mesure évalué par l'OFCE, qui lui reconnaît un effet potentiel sur la consommation, se monte à 250 millions d'euros. Si elle bénéficiait aussi aux non-imposables par le biais d'un crédit d'impôt, elle coûterait près de 400 millions d'euros, mais son efficacité serait certainement plus grande.

J'en viens enfin à l'aide au secteur de l'hôtellerie et de la restauration qui sera accordée entre le 1er juillet 2004 et le 31 décembre 2005 aux employeurs du secteur, en fonction du nombre de salariés payés au-dessus du SMIC et de la part de la restauration sur place, hors boissons alcoolisées, dans l'activité globale de l'entreprise.

La seule raison d'être de l'article 4 est de proposer une mesure de compensation aux restaurateurs, auxquels Jacques Chirac promet une baisse de la TVA depuis 2002. Il faut rappeler que la majorité a été jusqu'à inscrire de manière fictive ladite baisse dans la loi de finances, en suspendant son application à un accord communautaire. Il faut se souvenir de toutes les annonces : « On allait convaincre la Commission »,...

M. Didier Migaud. Ils ont même envoyé Raffarin !

M. Augustin Bonrepaux. ...« On avait obtenu l'accord de l'Allemagne », « C'était fait ! » Mais, malgré toutes ses promesses, le Gouvernement n'a pas été plus efficace que son prédécesseur. Alors, il a fallu travestir et trouver une autre solution : d'abord l'inscription dans la loi, qui permettait à la fois de donner l'impression qu'on voulait tenir cette vague promesse en la parant d'un semblant de réalité, et d'éviter d'en tirer la moindre conséquence en matière de déficit. Le coût de la mesure promise par le Président de la République et la majorité serait supérieur à 3 milliards d'euros. Surtout, il s'agissait, avant les élections, de calmer le secteur de la restauration en entretenant l'illusion qu'on allait tenir cette promesse. Ceci explique sans doute que le dispositif proposé se rapproche des conditions théoriques posées à l'application du taux réduit de TVA, puisqu'il fait référence à la seule activité de restauration hors boissons alcoolisées.

Le coût de la mesure peut être évalué à 500 millions pour 2004 et à 1,5 milliard d'euros en année pleine. Cette mesure est censée s'éteindre en fin 2005, mais quelle attitude la majorité adoptera-t-elle si la baisse de la TVA ne peut finalement être obtenue au niveau communautaire ? L'accord de l'ensemble de nos partenaires n'est en effet toujours pas acquis, contrairement à ce qu'a voulu faire croire le Gouvernement. Inversement, si la baisse de la TVA était accordée avant le 31 décembre 2005, aucune indication n'est donnée en cas de chevauchement des deux mesures.

La rédaction de l'article souligne la difficulté de parler d'une mesure favorable à l'emploi. Le président de la commission des finances n'a pas été convaincu, et se demande à quoi elle sert. En effet, l'aide accordée est fonction du nombre de salariés présents et non pas des nouvelles embauches, ce qui fait jouer à plein l'effet d'aubaine. Par ailleurs, aucune condition à la durée des contrats n'est posée. L'aide étant a priori temporaire, on s'interroge sur le devenir, après le 31 décembre 2005, des salariés qui auraient été embauchés. À tout le moins, une condition restreignant la prise en compte des salariés aux seules personnes en contrat à durée indéterminée serait souhaitable.

Enfin, la condition d'un salaire hors primes supérieur au SMIC pourrait avoir à terme un effet néfaste pour les salariés. Ils verront sans doute dans un premier temps leurs primes intégrées à leur salaire - afin que leur entreprise bénéficie de l'aide - mais ils n'auront aucune assurance quant à l'évolution de leur revenu une fois le dispositif supprimé. En outre, il serait souhaitable de plafonner les niveaux de salaires pris en compte, toujours dans la perspective de limiter les effets d'aubaine : il est peu probable que les nouveaux salariés soient embauchés à des niveaux de salaire très élevés. Un plafond égal à deux fois le SMIC permettrait de répondre à cette exigence.

Le dégrèvement de la taxe professionnelle pour les investissements nouveaux prévu à l'article 5, correspond à une promesse faite par le Président de la République en janvier 2004. Ainsi, la taxe professionnelle au titre des années 2005, 2006 et 2007 ferait l'objet d'un dégrèvement calculé sur la valeur locative des investissements réalisés entre le 1er janvier 2004 et le 30 juin 2005. Sont concernés les investissements éligibles à l'amortissement dégressif : biens d'équipement autres que des immeubles d'habitation ou des chantiers. Cet article est donc bien la traduction de l'engagement surprise que Jacques Chirac a pris quelques jours seulement après le vote de la loi de finances pour 2004. Il conduira à une dégradation de l'équilibre budgétaire évaluée à 2,5 milliards d'euros en année pleine, dont l'impact ne sera perçu qu'avec retard.

En tout état de cause, un dispositif pérenne de réforme de la taxe professionnelle serait largement préférable et le Gouvernement aurait été bien inspiré d'accepter l'amendement que nous avions déposé lors de l'examen de la loi de finances et que nous avons rappelé à M. le ministre d'État, visant à encadrer la taxe professionnelle payée par les entreprises. Il s'agissait de revenir sur la réforme Juppé de 1995 au profit du dispositif Bérégovoy, c'est-à-dire un plafonnement de la taxe professionnelle, en contrepartie du relèvement du plancher, lui aussi calculé en fonction de la valeur ajoutée, mais pas au taux de 1995. C'est une mesure qui irait dans le sens de ce que souhaitent les employeurs de main-d'œuvre et qui aurait l'avantage de ne pas aggraver le déficit. La vôtre coûtera 2,5 milliards d'euros. Notre proposition a été repoussée par la majorité, qui, un mois avant l'annonce de Jacques Chirac, considérait qu'une réforme de la taxe professionnelle n'était pas d'actualité. Elle aurait pourtant permis de ne pas discriminer les entreprises, industrielles notamment, qui emploient une main-d'œuvre nombreuse tout en ayant d'importants besoins d'investissement.

L'exonération des droits de mutation perçus au profit de l'État sur les cessions s'ajoute à ces mesures.

À votre plan, nous opposons, nous, une stratégie de croissance solidaire. Le retour de la croissance mondiale ne pourra se faire sentir en France qu'à la condition que soit adoptée une stratégie de croissance fondée sur la progression de l'emploi et du pouvoir d'achat de chacun. À défaut, seuls les plus aisés pourront en bénéficier et la consommation des ménages ne sera pas dynamique : la croissance restera inférieure à son potentiel. Nous voulons une croissance fondée sur le soutien apporté au pouvoir d'achat des plus modestes. Le Gouvernement et la majorité annoncent aux Français la rigueur, ce qui risque d'étouffer dans l'œuf une croissance encore incertaine.

Nous ne nous résignons pas à une croissance molle et sans création d'emplois. Nous voulons que chacun profite du retour de la croissance. Ceci suppose une politique active de soutien au pouvoir d'achat, donc à la consommation. L'outil le plus efficace est sans conteste la prime pour l'emploi, qui doit être fortement augmentée. Nous renouvelons donc notre proposition d'achever la montée en charge du dispositif. Si nous avions été écoutés depuis 2002 et si l'augmentation de la prime avait été poursuivie - de préférence à une réduction de l'impôt sur le revenu, dont on constate maintenant l'inefficacité -, la croissance ne serait certainement pas la même. Nous proposons donc une augmentation de 50 % de la prime, afin de la porter à plus de 660 euros pour une personne payée au SMIC.

L'autre urgence réside dans la réactivation de la TIPP flottante en raison de la forte hausse du prix des carburants et du fioul domestique, qui plombe le pouvoir d'achat de tous les Français.

Enfin, la réduction d'impôt correspondant aux intérêts payés dans le cadre d'un crédit à la consommation serait plus efficace si elle était transformée en crédit d'impôt destiné également aux ménages non imposables.

Nous proposons une croissance riche en emplois. À l'opposé des annonces irréfléchies de baisse de la taxe professionnelle, nous souhaitons achever le mouvement de réforme de la taxe professionnelle initié sous la précédente législature, afin de favoriser l'emploi et le développement économique. Il s'agit aussi de maintenir un lien entre l'emploi, l'activité économique et les collectivités locales.

Nous proposons de revenir sur la réforme Juppé, afin que la cotisation due par les entreprises, tout en étant calculée selon les règles actuelles, soit totalement plafonnée en fonction de la valeur ajoutée. Cette proposition est simple, efficace et juste. Ses objectifs sont clairs : préserver l'autonomie financière des collectivités territoriales et ajuster le prélèvement dans un sens plus favorable aux investissements et aux entreprises industrielles. Nous excluons bien sûr la proposition, formulée par le MEDEF, de supprimer purement et simplement la taxe professionnelle, qui romprait le lien nécessaire entre les entreprises et les collectivités qui les accueillent. La nôtre, au contraire, garantit la stabilité des bases aux collectivités locales et évite les transferts qui risquent de provoquer des injustices plus grandes. Si on prenait, par exemple, comme base la valeur ajoutée, il y aurait une concentration dans les zones à forte valeur ajoutée, et les zones industrielles à forte capacité d'emploi en subiraient les conséquences. Enfin, elle évite d'aggraver le déficit de 2,5 milliards.

D'autres gisements de créations d'emplois existent, chez les particuliers notamment. Nous proposons, conformément aux recommandations du Conseil des impôts, de transformer l'actuelle réduction d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile en crédit d'impôt, de façon à combiner à la fois un effet sur l'emploi et un effet redistributif en faveur des plus faibles revenus. Sous sa forme actuelle, le dispositif bénéficie « essentiellement aux foyers fiscaux dont les tranches de revenu sont les plus élevées, avec l'impossibilité, pour les foyers non imposables, de bénéficier de cet avantage », comme le souligne le Conseil. Il ajoute que, sur 2,2 millions de déclarants, 1,3 million de personnes seulement bénéficient de cette réduction fiscale ; autrement dit, 900 000 en sont privées alors qu'elles emploient des salariés à domicile.

Nous militons pour une croissance solidaire. Le Gouvernement évoque de façon récurrente la nécessité de remettre en cause les niches fiscales, mais il n'a de cesse d'en créer de nouvelles. À l'inverse, nous souhaitons à la fois revenir sur les cadeaux fiscaux les plus injustes et élargir à l'ensemble des ménages le bénéfice des incitations fiscales qui apparaissent légitimes et efficaces. De nombreuses réductions d'impôt pourraient ainsi être transformées en crédits d'impôt, telles la réduction d'impôt accordée au titre des cotisations syndicales ou celle destinée aux parents d'enfants faisant des études secondaires ou supérieures.

Il faut garantir que les dérogations fiscales n'ont pas pour seul but d'alléger l'imposition des plus aisées alors que la situation des finances publiques est invoquée pour augmenter les prélèvements qui pèsent sur les plus modestes. Nous proposons ainsi de supprimer les multiples allégements de l'ISF accordés depuis 2002, qui n'ont aucune efficacité sur l'emploi. L'heure est également venue de proposer une forme de plafonnement de l'avantage maximal que peut tirer un contribuable particulier des multiples réductions d'impôt dont il peut bénéficier.

La volonté de réformer la fiscalité pour la rendre plus juste, plus favorable à l'emploi, est à la base de notre projet. La réforme d'ensemble de notre fiscalité, entamée sous la précédente législature, devra être poursuivie.

Tous ces arguments justifient l'exception d'irrecevabilité que je viens de défendre.

M. Didier Migaud. Très bien !

M. le président. Le Gouvernement demande-t-il la parole ?

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Non, monsieur le président.

M. Didier Migaud. Le Gouvernement reste sec ! (Sourires.)

M. le président. Dans les explications de vote sur l'exception d'irrecevabilité, la parole est à M. Yves Censi, pour le groupe UMP.

M. Yves Censi. Mon intervention, monsieur le président, sera aussi courte que les arguments développés par M. Bonrepaux !

M. Augustin Bonrepaux. Nous avons fait des propositions.

M. Yves Censi. Au « bon petit » projet, dont il était question tout à l'heure, fait écho la « petite » intervention de M. Bonrepaux. Il a contesté les mesures proposées, mais sans la passion que nous lui connaissons !

M. Didier Migaud. Il peut recommencer, si vous voulez ! (Sourires.)

M. Yves Censi. D'habitude, il nous réveille ; aujourd'hui, il nous a plutôt endormis. Heureusement qu'il a été bref !

Les thèmes abordés dépassent largement le cadre du texte, pour ne pas dire que M. Bonrepaux était parfois hors sujet. Je n'ai pas entendu de justification à l'exception d'irrecevabilité qu'il a défendue. En outre, l'orateur a déjà ouvert la discussion, ce qui prouve qu'il ne croit pas lui-même à sa motion.

C'est pourquoi le groupe UMP votera contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud, pour le groupe socialiste.

M. Didier Migaud. Le groupe socialiste appuie, bien sûr, l'exception d'irrecevabilité. Augustin Bonrepaux a développé une argumentation forte, étayée à la fois par des convictions et par des faits, que je ne peux qu'approuver. J'observe d'ailleurs que le Gouvernement est resté sans voix (Sourires) et sans argument contre ceux qu'il a présentés ! C'est dire toute la valeur de l'argumentation de M. Bonrepaux ! (Souriires.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Jean-Pierre Brard. Je vous remercie, monsieur le président, d'avoir restitué dans son intégralité l'identité du groupe auquel j'appartiens.

M. le rapporteur général a évoqué à plusieurs reprises la vertu. Si la vacuité est une vertu, M. Censi est le plus vertueux d'entre nous puisqu'il a réussi à parler pour ne rien dire.

M. Yves Censi. Il n'y avait rien à dire.

M. Jean-Pierre Brard. Le Gouvernement, quant à lui, reste sans voix. Je vous comprends, monsieur le ministre d'État. Vous êtes un homme méticuleux, consciencieux, travailleur, appliqué et acharné. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Daniel Mach. N'en jetez plus !

M. Jean-Pierre Brard. Vous aviez parfaitement appris votre rôle. Mais dès la représentation terminée, vous n'avez plus rien à dire.

M. Daniel Mach. Vous non plus !

M. Jean-Pierre Brard. C'est pourquoi, bien qu'étant au nombre de deux, les ministres n'ont rien eu à répondre à l'exception d'irrecevabilité défendue par M. Bonrepaux.

Je souhaiterais apporter quelque éclairage, monsieur le ministre d'État.

Quels sont donc ces bons signes que vous avez évoqués ? Les hommes politiques ont pour réputation d'abuser de la chiromancie. Je me demande, monsieur le ministre d'État, si tel n'est pas votre cas. Vous vous réfugiez dans les prévisions de l'INSEE pour mieux échapper aux constats.

En effet, alors que l'INSEE nous a informés que la consommation avait baissé au mois de mai, vous tournez le dos au réel pour nous parler de l'avenir. Pourtant, à force d'anticiper vos mesures depuis deux ans, voyez à quelle déconvenue nous aboutissons. Je sais, moi qui suis marxiste et matérialiste (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), qu'il convient toujours de partir du réel pour anticiper l'avenir. Or vous, monsieur le ministre d'État, vous ignorez le réel, qu'il soit d'ordre politique ou économique, si bien que vous foncez droit dans le mur.

Comme l'a fort justement rappelé Augustin Bonrepaux, nous sommes en droit de nous interroger sur les raisons pour lesquelles vous nous demandez de délibérer sur des dispositions que vous avez déjà mises en œuvre !

M. Didier Migaud. Oui, et sans autorisation du Parlement !

M. Jean-Pierre Brard. On reconnaît là votre talent médiatique pour la mise en scène. Comment considérez-vous le Parlement ? Serait-il pour vous, comme sous le Second Empire, une boîte à enregistrer ?

M. Éric Raoult. Mais non !

M. Jean-Pierre Brard. Je vous vois bien, monsieur le ministre d'État, dans le rôle de Napoléon IV.

Mais, puisque vous nous demandez d'autoriser des dispositions déjà mises en œuvre, venons-en à elles ! Vous souhaitez légaliser les dons qui sont faits d'une génération à l'autre. Je suis prêt à vous rejoindre sur une mesure qui instaurera une plus grande transparence en la matière. La mesure que vous présentez comme une avancée, dans les faits, donnait lieu à une pratique qui s'effectuait sous le manteau.

M. Michel Bouvard. Tout à fait.

M. Jean-Pierre Brard. Plutôt que de laisser cette pratique dans l'illégalité, autant la rendre transparente en la légalisant. Je suis d'accord avec vous. Mais l'effet économique sera nul, puisque cette mesure ne fait que légaliser une pratique existante. Vous le savez parfaitement. J'y reviendrai.

Si vous aviez voulu prendre une mesure d'équité et de justice relative au patrimoine, vous auriez allégé les droits de succession qui, actuellement, taxent les personnes modestes à partir d'un seuil beaucoup trop bas. Que pensez-vous, monsieur le ministre, de la situation faite à un fils ou à une fille unique, ou bien à un frère et à une sœur qui héritent de leurs parents...

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Un petit pavillon à Montreuil.

M. Jean-Pierre Brard. ...un petit pavillon à Montreuil, en effet, qui vaut entre 150 000 et 200 000 euros, et qui se voient obligés de le vendre parce qu'ils ont à payer des droits de succession ? Vous pouviez prendre en la matière une mesure d'équité. Vous essayez de séduire l'opinion publique, monsieur le ministre d'État. Il est vrai qu'à observer nos collègues de l'UMP, force est de constater que vous les envoûtez véritablement. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous pensez que le talent que vous déployez ici aura le même effet d'irradiation dans le pays. Mais les Français sont gens lucides et pragmatiques,...

M. Hervé Mariton. Et vous ?

M. Jean-Pierre Brard. ...ils se rendront compte que ce que vous leur proposez n'aura aucun effet, tandis que la mesure que je vous suggère aurait un effet qui dépasserait le seul aspect économique.

M. Daniel Mach. Vous y pensez un peu tard.

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, je souhaiterais intervenir, si M. Brard m'y autorise.

M. Jean-Pierre Brard. Le ministre souhaite m'interrompre. Et comment ! Chacun le sait, j'aime le débat.

M. le président. La parole est à M. le ministre d'État, avec l'autorisation de l'orateur.

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je serai bref. Je souhaite simplement rappeler à M. Brard que d'ores et déjà, et sous réserve de vérification, les exonérations d'impôts portent sur 50 000 ou 55 000 euros par part.

M. Michel Bouvard. Oui.

M. Hervé Mariton. M. Brard est envoûté.

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Lorsque j'ai annoncé, entre autres mesures que j'ai présentées au nom du Gouvernement, qu'il n'y aurait aucune imposition sur les dons jusqu'à 20 000 euros, vous avez violemment protesté en prétextant qu'il s'agissait d'une mesure pour les riches. Une heure après, vous nous proposez de relever des exonérations qui portent sur 50 000 euros ! La mesure, à hauteur de 20 000 euros, était une mesure pour les riches, mais, à hauteur de 50 000 euros, elle devient une mesure pour les pauvres ! Quelle cohérence, monsieur Brard ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Daniel Mach. Excellent !

M. Didier Migaud. Un peu trop facile.

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Et comment, monsieur le président ! Je vais être contraint de recommencer ma démonstration, puisque - cela devait être l'heure de la sieste, monsieur le ministre d'État - vous ne m'avez pas bien écouté.

M. Hervé Mariton. Décidément, M. Brard est envoûté.

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. J'ai fait une erreur en intervenant ! Débranchez les prises ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. J'ai dit que vous légalisez des pratiques qui existaient. J'adhère à une telle mesure, qui, je le répète, instaure une plus grande transparence. Mais, je le maintiens, l'effet économique sera nul. C'est la raison pour laquelle je propose que vous preniez une véritable mesure de justice sociale, dont l'aspect serait double pour les personnes concernées, économique et affectif : elle consisterait à abaisser le niveau des droits de succession pour les petits héritages.

La baisse des prix dans la grande distribution, quant à elle, a donné lieu de votre part, du haut de la tribune, à une véritable représentation. Nous nous serions crus à la caisse du supermarché, nous extasiant déjà de la baisse ! Mais cela ne correspond en rien à la réalité. De ma place, je vous ai demandé - mais vous n'avez pas entendu, monsieur le ministre - si la baisse permettrait de lutter contre les fraudes, qui, chacun le sait, sont très importantes.

J'ai travaillé sur la fraude, et j'ai pu constater que, dans les grandes surfaces, existent ce que les agents de Bercy nomment « les caisses déconnectées ».

M. Hervé Mariton. Pour vous, en France, il n'y a que des fraudes !

M. Jean-Pierre Brard. Non, monsieur Mariton, mais vous ne les combattez pas avec une vigueur suffisante. Pour moi, il n'y a pas de petit ou de grand fraudeur, il n'y a que des fraudeurs. Le rapport entre le citoyen et l'État doit déboucher sur le combat contre la fraude, quelle que soit sa nature.

M. le président. Je vous prie de conclure, monsieur Brard.

M. Jean-Pierre Brard. J'ai été interrompu à deux reprises, monsieur le président.

M. le président. J'ai déjà décompté l'interruption de M. le ministre d'État.

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je n'aurais jamais dû intervenir. (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Je souhaiterais, messieurs les ministres, que vous travailliez sur la démarque inconnue dans les grandes surfaces. Il s'agit là d'un véritable champ d'investigation, y compris en termes pénaux, dans certains cas.

Quant à l'exonération de la taxe professionnelle, il s'agit, comme d'habitude, d'un cadeau que vous faites sans condition. Les exonérations de taxe professionnelle devraient faire l'objet d'une discussion avec le patronat sur leur contrepartie. Monsieur le ministre d'État, il vous appartient, là encore, de vous engager dans le combat contre la fraude,...

M. le président. Il vous faut absolument conclure votre explication de vote, monsieur Brard.

M. Jean-Pierre Brard. ...en combattant les pratiques de certaines entreprises qui, ayant plusieurs implantations, font de fausses déclarations sur leur rattachement.

Sur l'aide à l'hôtellerie, vous ne prenez évidemment aucun engagement.

Vous auriez pu prendre, messieurs les ministres, une mesure concrète : la baisse de la TIPP, qui a déjà été évoquée. Une telle mesure aurait permis d'augmenter le pouvoir d'achat, notamment des petites gens, ce qui aurait eu un effet économique.

M. Carrez, notre rapporteur général, est un homme vertueux.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je vous remercie de le reconnaître.

M. le président. Monsieur Brard, il vous faut absolument conclure. Il s'agit d'une explication de vote.

M. Jean-Pierre Brard. Je conclus, monsieur le président.

M. Carrez a dit la vérité, à la tribune, en reconnaissant que ces mesures ne coûtent presque rien. Mais qui a déjà vu des mesures qui ne coûtent presque rien produire un effet économique ?

En réalité, monsieur le ministre d'État, vous comptez sur votre pouvoir d'envoûtement, pour créer ce que vous appelez...

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La confiance.

M. Jean-Pierre Brard. ...la confiance. Or, les Français sont terriblement inquiets. Ils ont peur et ne sont pas prêts à dégager leur épargne, pour ceux qui en ont, parce qu'ils ne font aucune confiance à votre politique.

Mes chers collègues de l'UMP, rappelez-vous, au mois de mars, pour les élections régionales, d'aucuns annonçaient « l'effet Sarkozy ». L'avez-vous vu se manifester dans les urnes ? Pensez-vous qu'il se manifestera davantage sur le plan économique ?

M. Michel Bouvard. On s'éloigne du sujet.

M. le président. Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.

(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, une série d'indicateurs publiés au mois de mai ne trompent pas. Les dépenses de consommation des Français en produits manufacturés sont en chute libre. Le même mois, l'indicateur de confiance des ménages reculait de trois points, soit la plus forte baisse depuis mars 2003. La remontée de l'inflation, la tendance toujours à la hausse du chômage pour 2004 et la montée de la précarité expliquent une telle situation. Telles sont, monsieur le ministre d'État, les données sur lesquelles je me suis fondé ce matin pour expliquer le manque d'efficacité de votre politique.

Dans le même temps, selon le baromètre de vitalité BNP-Paribas-Lease Group des PME-PMI, la confiance en l'avenir des dirigeants des petites et moyennes entreprises ne cesse de fléchir, ce qui affecte surtout le secteur de l'investissement et de l'emploi. Le baromètre, qui varie sur une échelle de 0 à 100, s'établissait à neuf points contre quatorze points en avril. Seuls 26 % des dirigeants prévoient une activité en hausse à trois mois. L'indicateur de l'investissement, quant à lui, a perdu vingt-quatre points sur les trois derniers mois. Ces constats permettent de mesurer l'extrême fragilité de la timide reprise observée par l'INSEE.

On sait, par ailleurs, que la consommation des ménages, à côté des investissements des collectivités locales, a contribué à éviter de justesse à notre pays la récession en 2003. En effet, elle contribue pour 54 % au PIB et est à l'origine de l'essentiel de la croissance.

On s'attendait donc, au moment où le Parlement est amené à se prononcer sur les orientations budgétaires pour 2005, à la présentation de mesures qui soient un peu plus à la hauteur des enjeux et qui permettent d'inverser les tendances observées. Le Premier ministre ne pourra pas éternellement se contenter de « chanter la croissance pour la faire tomber du ciel », pour reprendre l'expression d'une journaliste, d'autant plus que, dans ce monde de guerre économique, croissance n'est pas synonyme d'emploi, encore moins de résorption des inégalités.

Le titre Ier de votre projet de loi a pour ambition de soutenir la consommation des ménages. Bon objectif ! Cependant, les trois articles proposés ne font montre ni d'une innovation extrême - tant s'en faut - ni d'une grande audace. La direction prise, quant à elle, n'est pas la bonne. Tel est le cas de l'article 1er. Les trois articles renforcent même les tendances lourdes de la politique fiscale menée par le Gouvernement depuis juin 2002. La nouvelle niche fiscale qui nous est proposée profitera essentiellement aux hauts revenus. Cela dit, il est vrai qu'il ne s'agit que d'une légalisation. La poursuite d'un transfert de richesses des plus pauvres de nos concitoyens vers les plus riches d'entre eux se poursuivra de façon légale si le projet de loi est adopté, mais avec les résultats que chacun connaît.

Après les annonces grandiloquentes en matière de baisse de l'impôt sur le revenu et de diminution de l'ISF, lesquelles devaient être la panacée - chacun s'en souvient -, le Gouvernement multiplie désormais les dispositions dérogatoires au droit commun.

En matière d'impôt sur le revenu, sur les vingt-sept nouvelles dispositions adoptées en 2003, toutes, sauf le relèvement dérisoire de la prime pour l'emploi - dix euros par an et par bénéficiaire -, présentent un intérêt immédiat pour les contribuables aisés, tandis qu'à peine la moitié d'entre elles sont éventuellement susceptibles d'avoir un impact sur les autres contribuables. L'année 2004 sera donc celle de la niche fiscale, ce qui nous est confirmé aujourd'hui.

Pourtant, notre rapporteur général a affirmé que le mouvement de suppression des dispositifs dérogatoires inefficients était enclenché. Vous nous administrez la preuve inverse. Malgré le prétexte invoqué - la relance de la consommation -, nous ne sommes pas dupes : la création de cette nouvelle niche ne vise pas, de toute évidence, à relancer la consommation populaire, celle qui porte le plus de croissance immédiate.

De surcroît, le dispositif proposé ne nous garantit aucunement que les sommes exonérées de droits de mutation seront effectivement orientées vers la consommation et non vers l'épargne. Cela n'est pas anodin, quand on sait que le taux d'épargne des ménages - 16 % du revenu disponible - se situe à un niveau historiquement élevé.

Les mesures proposées à l'article 2 présentent quant à elles des risques majeurs. Le ministre Jean-Louis Borloo, à qui nous devons des avancées en matière d'approche curative du surendettement, sait pertinemment que le crédit à la consommation est bien souvent à l'origine du surendettement. Pourtant, il s'est arrêté au milieu du gué puisque la question du renforcement des moyens de prévention de ces situations demeure en suspens.

À moins de combler cette lacune, nous ne pouvons pas décemment accepter un article qui vise explicitement à favoriser le recours au crédit à la consommation, quitte à en laisser le bénéfice aux banques et aux sociétés de crédit. Au reste, on est surtout frappé par l'extraordinaire contraste entre des mesures aux résultats aléatoires - et de toute façon faibles - et des contre-mesures freinant la consommation, comme les différentes hausses de prix qui ont eu lieu ou que l'on nous annonce, et dont certaines sont liées à des décisions gouvernementales.

Le titre II propose une série d'aides à l'emploi, à l'investissement dans les entreprises et au maintien des activités de proximité. Bon objectif ! Mais qu'en est-il des moyens ? Dans l'article 4, par exemple, les aides financières prévues pour encourager les recrutements dans les hôtels, cafés et restaurants ne sont assorties d'aucune obligation d'embauche effective, contrairement à ce que vous laissez entendre, monsieur le ministre. Les députés communistes et républicains se sont toujours prononcés en faveur de la baisse de la TVA sur la restauration, mais à condition que l'État, et donc le contribuable, soit assuré d'un retour sur investissement, si je puis dire. Tel qu'il est rédigé, cet article comprend une seule contrepartie identifiable, celle qui porte sur le salaire de chaque employé, mais aucune obligation quant à l'embauche de personnel supplémentaire. L'engagement pris par les syndicats hôteliers de créer 40 000 emplois doit à nos yeux figurer dans ce projet de loi : ce serait la moindre des choses !

Pour ce qui est de l'article 5, on constate que le dégrèvement législatif de la taxe professionnelle afférente aux investissements productifs nouveaux, instauré pour dix-huit mois, se traduira par un transfert de charge du contribuable local - en l'occurrence l'entreprise - vers le contribuable national, c'est-à-dire non seulement les entreprises, mais aussi les ménages. Ces derniers seront effectivement mis à contribution, dans une certaine proportion, à la place des entreprises bénéficiant des dégrèvements.

Ce transfert est de très mauvais augure pour la réforme annoncée de la taxe professionnelle. Nous considérons cette réforme comme nécessaire, dans la mesure où l'assiette de la TP pénalise les industries à forte main-d'œuvre, mais elle ne saurait consister en une suppression pure et simple. Le lien fiscal et économique entre l'entreprise et le territoire, comme vous l'avez souligné fort justement, monsieur le ministre, mérite d'être préservé. Aucun projet de réforme ne doit avoir pour conséquence de transférer définitivement sur les ménages le montant de l'impôt acquitté par les entreprises. C'est pourquoi nous œuvrons depuis plusieurs années en faveur d'une réforme d'ensemble de la fiscalité locale et que, dans le cadre de ce projet, nous proposerons que soient ajustés les dégrèvements existants en matière de taxe d'habitation.

La grande certitude, au sujet des mesures contenues dans ces sept articles de loi, c'est qu'elles vont diminuer les ressources de l'État ; la grande incertitude, c'est que vous n'avez aucune idée de leur éventuelle contribution à une appréciation des recettes. Je trouve incohérent qu'après avoir fait un grand discours sur la dette, vous n'en teniez aucun compte dans votre premier exercice de travaux pratiques !

Il est vain, en particulier, de prétendre soutenir la consommation des ménages sans créer les conditions d'une rupture avec la politique salariale et sans adopter une politique de l'emploi digne de ce nom. L'augmentation de tous les salaires, pensions et retraites les plus modestes apporterait un potentiel de plusieurs milliards d'euros pour la consommation, de même qu'une baisse ciblée de la TVA sur les produits de première nécessité.

En matière d'emploi, il est urgent de convertir l'ensemble des aides et cadeaux divers en un projet de sécurité-emploi-formation tout au long de la vie, de moduler les crédits octroyés en fonction des emplois créés et de prendre des mesures pour orienter les capitaux vers l'emploi plutôt que vers la spéculation ou les gains hors normes de dividendes. L'instauration de la taxe Tobin, d'une taxe sur les investissements directs à l'étranger et sur les délocalisations dont le but est d'accroître le taux des profits de l'entreprise, d'une taxe proportionnée aux différentiels sociaux sur les importations à faibles coûts, la suppression des paradis fiscaux : toutes ces mesures permettraient de réorienter les capitaux vers l'emploi.

Encore faut-il une volonté politique, et ce, dans un premier temps, au niveau européen.

Il est certains que votre projet de loi ouvre la voie à de nouveaux cadeaux fiscaux sans garantie de résultats pour l'emploi et le budget de l'État. Nous sommes bien dans la continuité d'une politique qui, depuis deux ans, a fait la preuve de son inefficacité dans le domaine qui est et reste la première préoccupation de nos concitoyens : l'emploi.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, au moment où l'INSEE annonce une amélioration des perspectives de croissance, il est particulièrement opportun de donner à celle-ci le coup de pouce nécessaire pour l'orienter durablement : c'est l'objet du projet de loi pour le soutien à la consommation et à l'investissement.

Il convient en effet de soutenir la consommation, dont tous les analystes s'accordent à considérer qu'elle est le moteur de la croissance. Depuis 2001, la consommation des ménages français est plus dynamique que celle des autres pays européens. Il est souhaitable de conforter cette tendance en jouant à la fois sur la progression des revenus et sur la baisse du taux d'épargne. C'est ce qui est réalisé, avec d'une part le relèvement du SMIC de 5,8 % pour un million de nos concitoyens qui travaillent dur et dont la progression des revenus, il convient de le rappeler, avait été bloquée par les 35 heures, et d'autre part la réduction d'impôt pour les prêts à la consommation et la possibilité de débloquer une partie des droits à participation aux résultats de l'entreprise. Ces deux dernières mesures résultent d'un constat : l'augmentation de la consommation des ménages a été moins forte que celle du pouvoir d'achat en 2001 et 2002, années où l'on a constaté une hausse du taux d'épargne. Si ce taux a diminué en 2003, il convient d'amplifier cette tendance qui nous a permis d'éviter la récession l'an dernier, comme on l'a souligné.

Le groupe UMP se réjouit donc de ces mesures. Il attire cependant votre attention, monsieur le ministre - mais vous avez déjà tenu compte, en partie, de cette observation - sur la nécessité de veiller à ce que la réduction d'impôt sur les prêts à la consommation ne soit pas l'occasion, pour certains prêteurs, de remonter leurs taux, ce qui priverait le citoyen consommateur du bénéfice de la mesure.

C'est à ce même souci de soutien à la consommation que répond l'exonération de droits de mutation, dans la limite de 20 000 euros, pour les dons consentis aux enfants ou aux petits-enfants. Cette mesure, critiquée par l'opposition comme étant un « cadeau aux riches » - ce qui est bien exagéré au regard de la somme en cause -, est pour nous une mesure morale, comme l'ont souligné M. le ministre d'État et M. le rapporteur général, et économiquement performante.

Elle est morale car la taxation de la solidarité entre les générations que représentent les droits de mutation sur l'aide accordée par des parents à leurs enfants ou petits-enfants pour l'achat d'une première voiture, l'ameublement d'un premier logement ou la constitution de l'apport personnel pour l'achat d'un logement, est sous certains aspects particulièrement choquante. Les critiques de l'opposition à ce sujet m'étonnent d'autant plus qu'elles émanent de ceux qui ont supprimé le recours sur droits de succession consécutivement au versement de l'APA, et ce quel que soit le niveau de ressources du bénéficiaire.

En accélérant le transfert d'épargne entre les générations, cette mesure, limitée dans le temps et dont il conviendra, comme vous vous y êtes engagé, monsieur le ministre, de mesurer l'impact pour vérifier si elle mérite d'être poursuivie, favorisera bel et bien la consommation.

À ceux qui considèrent qu'il s'agit d'une « petite loi », je répondrai que, selon l'adage, les petits ruisseaux font les grandes rivières.

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Très juste !

M. Michel Bouvard. Ce sont en effet les 0,1 à 0,2 % de croissance qu'apporteront chacune de ces mesures qui consolideront la croissance de la consommation. Nous savons qu'au-delà de 1,2 ou 1,3 % de croissance, chaque dixième apporte des créations d'emploi et une diminution du chômage, principale préoccupation de nos concitoyens et principal frein à la consommation.

Tel est le cycle vertueux que ce coup de pouce peut enclencher.

Ce texte est également orienté vers les entreprises, afin de les accompagner dans la création d'emplois Notre groupe salue tout particulièrement l'effort consenti en faveur du secteur des services, et singulièrement de celui de la restauration où, depuis de nombreuses années, bien des emplois ne sont pas pourvus. Un journal diffusé dans la région d'un certain nombre d'élus ici présents, dont Didier Migaud et moi-même, titrait ce matin sur les résultats en matière de création d'emplois d'après les statistiques des ASSEDIC, et soulignait qu'il restait encore, dans le massif alpin, des milliers d'offres d'emplois non pourvus dans le secteur de l'hôtellerie et de la restauration.

La réduction de charges proposée peut donc avoir un effet immédiat. Elle s'accompagne d'une autre perspective durable, celle qu'ouvrent les mesures pour favoriser la sortie du « SMIC hôtelier ». À l'instar des mesures prises par François Fillon pour réunifier les SMIC, c'est une mesure de justice entre salariés en même temps qu'un renforcement de l'attractivité de métiers où le temps de travail constitue parfois un obstacle pour les jeunes, mais où les perspectives de promotion sont réelles.

Vous me permettrez, monsieur le ministre, de saisir l'occasion que me fournit cette discussion pour attirer à nouveau l'attention du Gouvernement sur une difficulté à laquelle restent confrontées de nombreuses régions touristiques, dont notamment les zones de montagne. En effet, les règles autorisant des entreprises étrangères à employer, pour une durée inférieure à cent jours, des salariés relevant de législations sociales étrangères et percevant leur rémunération hors de France, posent problème. Ce phénomène, qui ne concernait que quelques dizaines de personnes au départ, touche aujourd'hui, dans le secteur des sports d'hiver, des centaines, voire des milliers d'emplois. On l'observe en particulier dans des équipements hôteliers gérés par des tour-opérateurs étrangers, généralement anglais, qui recrutent du personnel britannique pour toute la saison d'hiver. Cela représente une perte de recette pour nos régimes sociaux, mais aussi une concurrence directe en matière d'emploi.

Je remercie par avance le Gouvernement de l'attention qu'il portera à ce problème, au sujet duquel j'ai déposé des questions écrites deux législatures durant, sans obtenir de réponse à ce jour.

Le groupe UMP souscrit à la mesure d'exonération de taxe professionnelle pour une partie des investissements réalisés par les entreprises entre le 1er janvier 2004 et le 30 juin 2005. Le dispositif est désormais bien connu, puisqu'il a été amorcé en 1986 par la fameuse réduction pour embauche et investissement. La part salariale de la taxe professionnelle a aujourd'hui disparu, mais la différence tient surtout au fait que la compensation pour les collectivités territoriales sera traitée par dégrèvement : on doit se réjouir du respect de l'autonomie financière que révèle cette disposition. Cela nous évitera les recours qu'un certain nombre de collectivités, de droite comme de gauche, ont été amenées à déposer et qui ont abouti, en matière de compensation de la REI, à « l'arrêt Pantin ».

Au surplus, j'ai bien noté lors de votre audition en commission des finances, monsieur le ministre, que la compensation concernerait également les fonds départementaux de taxe professionnelle.

Enfin, le projet contient une mesure visant à favoriser le maintien des commerces traditionnels dans les centres-villes et dans les bourgs. Il conviendra d'en évaluer l'efficacité, mais elle a le mérite d'exister.

Ce texte, vertueux par sa simplicité, qui le rend aisément compréhensible, comme par les effets immédiats que l'on peut en attendre, mérite d'être adopté par notre assemblée. Le groupe UMP lui apportera un large soutien, tout comme il apporte un total et entier soutien aux amendements adoptés par la commission des finances. C'est le cas de l'amendement concernant le logement, qui a été déposé à l'initiative de Pierre Méhaignerie, mais également de ceux qui ont trait à la redevance audiovisuelle et à la redevance archéologique.

S'agissant de la redevance audiovisuelle, le temps est venu de franchir une étape décisive, symbolique de la volonté de réforme de l'État, en simplifiant un régime particulièrement coûteux et générant une fraude abondante.

Quant aux craintes que nous avions émises à propos de la redevance archéologique, elles sont en train de se réaliser sur le terrain, comme l'a rappelé M. le rapporteur général. Dans les départements, les aberrations se constatent par centaines. Nous avons déjà adressé au Gouvernement cinq ou six questions d'actualité et questions orales sans débat sur ce thème. J'espère qu'il approuvera les amendements déposés, qui visent à mettre fin à une mesure que je n'hésite pas à qualifier d'imbécile : lorsque l'on en arrive à ce que le montant d'une taxe soit supérieur au coût de la construction à laquelle elle s'applique, c'est que l'on a atteint le plus haut degré de l'aberration fiscale.

Telles sont, monsieur le ministre, nos attentes au sujet de ce texte, qui va dans le bon sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Monsieur le ministre d'État, c'est toujours avec intérêt et plaisir que nous vous écoutons. Cet intérêt et ce plaisir semblent d'ailleurs partagés sur les bancs de l'UMP. De fait, c'est bien la première fois que je vois autant de députés de la majorité participer à un débat d'orientation budgétaire !

M. Hervé Mariton. Nous sommes plus nombreux que l'opposition !

M. Didier Migaud. Est-ce que nous vous le devons ? Vous paraissez en tout cas contribuer au « présentéisme » parlementaire.

Tout à l'heure, les députés UMP étaient comme envoûtés. Il était touchant de voir leur expression admirative, à l'écoute de vos propos.

M. Éric Raoult. Jaloux !

M. Hervé Mariton. Je vous signale, monsieur Migaud, qu'il n'y a aucun député socialiste pour vous écouter !

M. Didier Migaud. Il semble, monsieur le ministre d'État, que vous ayez reçu ce matin quelques autorisations que, peut-être, vous ne sollicitiez pas. Quoi qu'il en soit, il est évident que vous savez mobiliser au moins une partie des députés du groupe UMP.

M. Daniel Spagnou. Eh oui !

M. Didier Migaud. Je comprends que ceux-ci soient nombreux dans l'hémicycle. Il leur est sans doute plus agréable de se retrouver entre eux que devant leurs électeurs dans leurs circonscriptions. Car alors, le dialogue est sûrement beaucoup plus difficile. Confrontés au suffrage universel, ils se trouvent dans une situation autrement plus redoutable.

Monsieur le ministre d'État, le projet de loi que vous nous présentez - nous avons eu l'occasion d'en dire un mot ce matin - ne nous paraît pas être à même de répondre à la situation dégradée que connaissent les finances publiques.

Il est patent que les résultats ne sont pas là, et que toutes les mesures prises par votre prédécesseur immédiat ont échoué ou n'ont eu que peu de résultats sur la croissance et le niveau de consommation de nos concitoyens.

Vous vous lancez aujourd'hui, monsieur le ministre d'État, dans un exercice périlleux, avec le talent qu'on vous connaît : faire mine d'adapter la stratégie sans rien changer sur le fond.

Ce projet de loi pour le soutien de la consommation et de l'investissement est, selon nous, un catalogue de « mesurettes », sans moyens, sans cohérence et en total décalage avec les besoins des ménages et de l'économie.

Le Gouvernement refuse une nouvelle fois de soutenir la consommation des ménages, son seul objectif étant de multiplier les baisses d'impôts et les niches fiscales au profit des plus aisés.

Je relève une contradiction entre le discours tenu et les propositions présentées. Je vous ai entendu, monsieur le ministre d'État, et vous, monsieur le secrétaire d'État, vous élever contre les niches fiscales, appelant à des études d'impact préalables à toute mesure que vous nous présenteriez. En fait, aucune étude d'impact n'a été réalisée pour ce projet de loi, comme vous le reconnaissez d'ailleurs tout à fait honnêtement, monsieur Sarkozy, dans un courrier que vous m'avez adressé. Reste que lorsque M. Bussereau continue à plaider pour de telles études préalables, on est un peu étonné...

Sept articles, sept niches : le projet de loi sur le soutien de la consommation et de l'investissement est plus proche du chenil que du projet de loi ! (Sourires.)

Je m'étonne également que des dispositions non évaluées, incohérentes, soient mises en application, alors même que nous n'en débattons qu'aujourd'hui.

Je peux comprendre que certaines mesures soient applicables de manière anticipée, avant toute autorisation parlementaire, surtout lorsqu'il s'agit de TVA ou de consommation. Je ne ferai donc pas d'observation sur l'application anticipée de l'article 2. De fait, appliquer de façon tardive une mesure déjà annoncée peut avoir des effets économiques pervers.

En revanche, on peut douter de l'urgence de la mesure relative aux donations. D'ailleurs, vous proposez vous-même de l'appliquer à partir du 1er juin, alors que la mesure relative au crédit à la consommation est applicable dès le 1er mai. Cela revient à reconnaître indirectement que l'urgence n'était pas la même.

Encore une fois, je regrette qu'on fasse aussi peu de cas des pouvoirs du Parlement. La matière relève tout à fait de l'article 34. Je déplore le climat de soumission et de démission dans lequel semblent se complaire l'Assemblée et le Parlement tout entier. Aucune remarque n'a été faite, ni par le président de la commission des finances, ni par le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Mais si ! Cela viendra !

M. Didier Migaud. Comme si tout cela était normal ! Permettez-moi de vous dire que ce n'est pas mon avis. Il serait plus salutaire qu'un certain nombre de voix s'élèvent pour protester contre cette méthode de gouvernement. Nos anciens ont fait la Révolution pour des raisons budgétaires et fiscales. Il est dommage que le Parlement aujourd'hui abandonne son pouvoir et que l'exécutif se substitue à lui pour appliquer certaines mesures, surtout lorsque l'urgence n'est pas avérée.

Cela dit, la forme ne doit pas cacher le fond. Augustin Bonrepaux a dit ce qu'il fallait sur plusieurs de vos propositions, qui ne nous semblent pas devoir être efficaces.

Nous pensons qu'il n'est pas de bonne méthode de poursuivre dans la voie d'une fiscalité dérogatoire. Je me suis procuré le rapport du Conseil national des impôts sur la question des niches fiscales, rapport que je me permettrai de vous remettre, monsieur le ministre d'État, en descendant de la tribune.

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Merci !

M. Didier Migaud. Ce rapport avait été remis, à l'époque, au Président de la République. Ce qui expliquerait que, peut-être, vous n'en ayez pas été destinataire. (Sourires.) Mais nous allons essayer d'y remédier. La communication entre l'Élysée et les principaux ministres du Gouvernement gagnerait sans doute à être améliorée ! (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Quoi qu'il en soit, le rapport que vous avez souhaité existe déjà et comporte des observations très pertinentes sur les niches fiscales, leur évaluation et sur certaines propositions qui auraient pu être faites sans tarder.

Vous auriez pu profiter de ce projet de loi pour proposer de revenir sur plusieurs niches fiscales. D'ailleurs, nous allons défendre tout à l'heure des amendements en ce sens, afin de retrouver des marges de manœuvre.

Nous pensons également qu'il faudrait retrouver une stratégie de croissance solidaire, fondée sur la progression de l'emploi et du pouvoir d'achat. La croissance risque d'être inférieure à son potentiel, même si nous pouvons nous réjouir des réévaluations des hypothèses de croissance effectuées par l'INSEE. Car une bonne partie de nos concitoyens risquent d'être écartés de cette croissance retrouvée.

Nous suggérons de faire des propositions pour soutenir le pouvoir d'achat des plus modestes : par exemple, augmenter la prime pour l'emploi.

Nous proposons d'envisager un nouveau dispositif de TIPP flottante. J'ai entendu un jour Dominique Bussereau dire que c'était une intention digne du professeur Tournesol. Cela m'a flatté, connaissant la culture « tintinophile » de notre secrétaire d'État au budget ! (Sourires.) Sans compter que le professeur Tournesol a plutôt tendance à faire des propositions intéressantes et utiles.

Quoi qu'il en soit, nous pensons qu'on doit être en mesure de procéder à des ajustements, en fonction de l'évolution du prix du baril de pétrole. Il faut éviter que le pouvoir d'achat d'un grand nombre de nos concitoyens ne soit amputé par l'absence de maîtrise du prix du pétrole. Or nous savons bien que la TIPP joue un rôle dans la détermination du prix du pétrole à la pompe ou du fioul domestique.

Nous proposons, par ailleurs, que certaines réductions d'impôt soient transformées en crédits d'impôt.

Tout à l'heure, monsieur le ministre d'État, vous avez tenu des propos intéressants sur ces millions de Français qui ont des difficultés à consommer et qui doivent y être encouragés. Dans ce cas, élargissez votre mesure. Faites en sorte qu'elle bénéficie aussi à ceux qui ont encore plus de difficultés que les Français auxquels vous pensez : je vise tous ceux qui ne sont pas redevables de l'impôt sur le revenu.

Pourquoi ne transformez-vous pas votre mesure de réduction d'impôt en mesure de crédit d'impôt ? Elle serait plus efficace.

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est que cela coûte de l'argent !

M. Didier Migaud. Certes, elle serait plus coûteuse. Mais elle pourrait rapporter à l'État, en raison des effets immédiats qu'elle aurait sur la consommation. Et puis, monsieur le ministre d'État, vous pouvez faire des économies par ailleurs.

En effet, vous avez pris des mesures qui ne se révèlent pas être d'une grande efficacité et qui coûtent cher au budget de l'État. Alors, chiche, nous pouvons vous proposer des mesures qui vous permettraient de retrouver quelque marge de manœuvre pour mener une meilleure politique de soutien de la consommation.

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Oui, mais ça coûte...

M. Didier Migaud. Venons-en à la réforme de la taxe professionnelle. Celle-ci ne nous semble pas la plus urgente.

Augustin Bonrepaux a eu l'occasion tout à l'heure de formuler une proposition qui réapparaîtra dans le cadre de la discussion et qui constituerait la troisième étape de la réforme de la taxe professionnelle que le gouvernement de Lionel Jospin avait engagée : d'abord avec la mise en place de la taxe professionnelle unique ; ensuite par la suppression de la base salaires de la taxe professionnelle. Cette troisième étape consisterait à instituer un plafonnement réel de la cotisation due par les entreprises en fonction de la valeur ajoutée.

Nous pourrions ainsi faire l'économie d'une réforme coûteuse et inefficace, que semblait pourtant souhaiter le Président de la République en début d'année, après le vote du budget - sans qu'il ait, je crois, une connaissance parfaite du dossier.

Vous avez observé, devant la commission des finances, que plus personne ne parlait de la disposition sur les emplois salariés à domicile. Nous revenons sur le sujet en vous proposant, soit de réduire l'avantage fiscal, soit de l'élargir à ceux qui ne sont pas redevables de l'impôt sur le revenu. Ils sont près de 900 000 foyers qui emploient un salarié à domicile sans bénéficier d'aucune aide de l'État, que vous concentrez sur ceux qui paient l'impôt sur le revenu.

Voilà, monsieur le ministre d'État, quelques-unes de nos propositions. Nous pensons que des marges de manœuvre peuvent être retrouvées, ne serait-ce qu'en supprimant les allégements, à la fois de l'impôt sur le revenu et de l'impôt de solidarité sur la fortune, que vous avez accordés depuis 2002. De telles mesures soutiendraient plus efficacement la consommation et la croissance que celles que vous proposez, qui sont, certes, peu coûteuses mais pas du tout à la hauteur du problème de beaucoup de nos concitoyens qui, aujourd'hui, ont des difficultés à consommer.

Nous aurons l'occasion de revenir sur ces propositions tout au long de la discussion budgétaire. En tout cas, nous exprimons, vis-à-vis de vos propositions, à la fois réserves et opposition. Je me permets de terminer en vous remettant le rapport du Conseil des impôts sur la fiscalité dérogatoire, pour un réexamen de certaines dépenses fiscales. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Francis Hillmeyer.

M. Francis Hillmeyer. Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le groupe UDF salue l'objectif du projet de loi et partage l'analyse du ministre d'État sur la nécessité de prendre des mesures conjoncturelles et limitées dans le temps pour soutenir la consommation et l'investissement.

La croissance revient progressivement, mais la lecture des indicateurs économiques montre que la composante consommation de la croissance française est encore trop faible pour disposer d'un taux de croissance supérieur à 2,5 %. Dès lors, il apparaît opportun de conforter la croissance en la stimulant par le biais d'incitations fiscales. Nous approuvons donc la démarche générale qui sous- tend ce texte.

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Merci !

M. Francis Hillmeyer. Les sept articles du projet de loi sont d'importance inégale. Je souhaite, tout d'abord, en aborder les principaux : l'aide à l'emploi pour les restaurateurs et la franchise de la taxe professionnelle, annoncées par le Président de la République.

L'article 4 du projet de loi que nous examinons prévoit d'instaurer une aide à l'emploi pour le secteur de la restauration, contrepartie, en quelque sorte, à l'impossibilité d'instaurer la TVA réduite à 5,5 %. Le groupe UDF a toujours défendu l'application d'un taux réduit, notamment pour rétablir l'égalité entre la restauration à emporter et la restauration sur place. Aider ce secteur est d'autant plus intéressant qu'il représente un réservoir d'emplois considérable. Dans cet esprit, nous soutenons toute démarche favorisant à la fois l'embauche et la revalorisation des bas salaires.

Malheureusement, tel n'est pas le cas du dispositif dans sa rédaction actuelle. L'aide sera versée en fonction du nombre de salariés dont le salaire est supérieur au SMIC dans un même établissement. L'objectif du Gouvernement est d'inciter les restaurateurs à augmenter les salariés payés en deçà du SMIC et à embaucher. Mais cette aide n'est pas directement liée à l'augmentation des salaires ou de l'embauche. De ce fait, rien ne les oblige à respecter l'objectif fixé.

Pour l'UDF, un dispositif d'un tel montant - 1,5 milliard d'euros - doit être assorti de réelles contreparties et garanties. Nous ne concevons pas que le versement de l'aide ne soit pas directement lié, ce qui serait très simple, à l'embauche ou à l'augmentation des salaires inférieurs au SMIC, et uniquement à ces conditions. Que répondre, sinon, aux détracteurs d'une telle mesure ? En quoi une aide sert-elle l'intérêt général dès lors que les chefs d'entreprise peuvent l'utiliser sans aucun contrôle ni contrepartie ? Une entreprise de dix salariés, par exemple, touchera l'aide même si six seulement de ses salariés sont au SMIC. Nous avons présenté, sur ce point, un amendement très simple, qui crée deux fractions de l'aide : une fraction embauche et une fraction augmentation des bas salaires. Il nous semble qu'ainsi les objectifs que vous poursuivez, monsieur le ministre d'État, seraient plus efficacement et plus justement servis.

La deuxième mesure importante de ce projet de loi est le dégrèvement de la taxe professionnelle pour les investissements réalisés entre le 1er janvier 2004 et le 30 juin 2005. Cette disposition a pour objectif de favoriser l'investissement afin de soutenir la croissance. Le groupe UDF approuve ce dispositif et attend avec impatience la prochaine étape, qui consistera en une véritable réforme de cet impôt. Toutefois, il nous semble qu'il serait à la fois fiscalement injuste et politiquement dommageable de calculer ce dégrèvement sur les taux votés en 2003, comme cela est prévu par la rédaction actuelle du texte. La question peut paraître technique ou anodine, mais telle n'est pas la vision des élus locaux. Globalement, les taux de taxe professionnelle ont augmenté en 2004. Calculer le montant du dégrèvement en fonction des taux de 2003 reviendrait à appauvrir les collectivités locales. À cet argument évident, on nous répond que les collectivités étaient au courant de ce dispositif lors du vote du taux de 2004 et qu'il faut revenir au taux plus neutre de 2003 pour éviter les abus et les effets d'aubaine.

L'UDF ne partage pas ce point de vue, qui revient d'ailleurs à prêter des intentions peu soucieuses de l'intérêt général à nos élus locaux. En effet, le dégrèvement porte sur les nouveaux investissements pour une durée limitée et non pas sur les stocks. Ainsi, une commune qui aurait augmenté très fortement son taux en 2004, pour bénéficier de ressources nouvelles liées au dégrèvement sans nuire aux entreprises implantées sur son territoire, puisque le dégrèvement est à la charge de l'État, aurait nécessairement eu tort, car les entreprises subiraient cette hausse sur les stocks d'investissement. Cet argument n'est donc pas recevable à nos yeux. Dans le climat de doute qui affecte les élus locaux, face à une loi organique sur l'autonomie financière pour le moins perfectible, il nous paraît important d'adresser un signe fort aux collectivités en appliquant au dégrèvement le taux voté en 2004.

Au-delà des mesures ponctuelles et limitées dans le temps, le groupe UDF considère que deux grands sujets doivent être traités pour relancer la consommation.

Le premier concerne le surendettement, qui fait sortir chaque année plusieurs centaines de milliers de foyers des circuits de la consommation. Il nous apparaît fondamental, alors que l'on incite les ménages à souscrire des crédits à la consommation, de prévenir plus efficacement le risque de surendettement. En la matière, rien n'a été fait.

Là encore, le groupe UDF propose un dispositif simple, qui a fait ses preuves chez nos voisins : il suffit de donner aux banques les moyens de vérifier la solvabilité des emprunteurs. Nous avons tous eu à connaître l'expérience de personnes souscrivant des prêts à la consommation sans qu'aucune pièce justificative de revenus soit exigée. Il serait pourtant simple de dire aux prêteurs que, dès lors que ce travail, déjà effectué par les grandes banques, ne serait pas fait, ils n'auraient pas le droit d'exiger le remboursement. C'est en responsabilisant que l'on obtiendra des résultats dans la lutte contre le surendettement et que l'on évitera des situations humainement catastrophiques, qui ont, à terme, un impact sur la consommation. Ainsi, tout en protégeant ceux qui ont besoin de l'être par l'extension à tous les organismes de crédit des pratiques des grands établissements, qui sont sur ce point exemplaires, on ne nuirait pas à la consommation.

Nous souhaitons aussi profiter de ce texte pour évoquer, dans cet hémicycle, le second grand sujet qui nous préoccupe : la baisse des prix dans la grande distribution, condition indispensable de la relance de la consommation. Sur ce point, nous partageons les objectifs du ministre d'État, mais proposons une méthode quelque peu différente.

Le groupe UDF estime que, parallèlement à la démarche du Gouvernement, nous devons nous orienter, comme l'a demandé le groupe d'études de la commission des affaires économiques, vers l'établissement de prix nets dans la grande distribution, afin de rétablir le lien de confiance entre les producteurs et les distributeurs. C'est le seul moyen de pérenniser la baisse des prix.

Nous poursuivons trois objectifs.

Le premier est de clarifier les pratiques commerciales entre les producteurs, les fournisseurs et la grande distribution. Vous avez cité les marges arrière, monsieur le ministre. Elles peuvent aujourd'hui atteindre 7 % sur les produits agricoles transformés et dépasser 50 % du prix facturé pour les produits transformés. Des pratiques abusives ont été recensées par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. En intégrant la coopération commerciale dans le schéma du seuil de revente à perte, qui, actuellement, ne va que de la production à la commercialisation, on pourrait, d'une part, donner un contenu juridique aux opérations de promotion en renvoyant la définition et la répartition au décret, et, d'autre part, encadrer et réduire le coût de ces services que le distributeur pourra proposer.

Le deuxième objectif est d'établir les bases d'une négociation des prix à la baisse. La maîtrise des prix par les pouvoirs publics ne peut porter que sur la régulation juridique des contrats commerciaux. La seule approche législative possible pour accompagner les négociations entre les pouvoirs publics et les acteurs économiques consiste à imposer une facturation à l'achat en prix nets, comme cela se pratique sur les factures des hard discounters. La conséquence attendue de cette disposition serait la baisse du seuil de revente à perte, puisque les fournisseurs anticipaient dans leurs prix le coût des marges arrière.

Le troisième objectif est de faciliter les contrôles de la DGCCRF. Le rapport du groupe de travail de la commission des affaires économiques souligne la complexité de ces contrôles et les difficultés que rencontre la DGCCRF pour faire appliquer le droit existant. La clarification proposée par un de nos amendements permettra de faciliter ce travail.

Le dispositif que nous proposons permet de répondre à ces trois questions, qui sont au cœur de la relance de la consommation. Le Gouvernement a entrepris d'agir sous l'impulsion très volontaire du ministre d'État. Mais les résultats obtenus ne témoignent pas d'un succès total. Une baisse des prix de 3 % est déjà en soi une victoire. Le groupe UDF pense que, dès aujourd'hui, le Parlement peut prendre la responsabilité d'engager le nécessaire aménagement des marges arrière, pour avoir enfin un dispositif clair et simple pour tous.

Pour conclure, le groupe UDF salue les mesures d'incitation à la consommation et souhaite que, sur les autres points, le ministre d'État, comme à son habitude, fasse preuve de l'ouverture d'esprit nécessaire à l'amélioration de ce texte.

Je vous remercie.

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Merci à vous !

M. le président. La parole est à M. Luc-Marie Chatel.

M. Luc-Marie Chatel. Monsieur le ministre d'État, vous présentez aujourd'hui un projet de loi important, qui touche à la vie quotidienne de nos concitoyens et laisse présager de bonnes perspectives d'avenir pour la croissance.

Je ne peux que saluer les mesures contenues dans le deuxième volet de votre texte, traitant des aides à l'investissement et des activités de proximité. Nous tenons, sur ces questions, à saluer le volontarisme du Gouvernement qui, depuis sa nomination, a pris de nombreuses initiatives pour respecter les engagements que le Président de la République a pris devant les Français, aussi bien sur la restauration que sur la taxe professionnelle. Maintes fois évoquées, toujours repoussées, c'est par ce gouvernement que ces dispositions sont mises en œuvre.

M'étant beaucoup impliqué, depuis quelques mois, dans les questions de consommation, vous me permettrez, monsieur le ministre d'État, de concentrer mon propos sur ce sujet.

La consommation est le moteur de l'activité économique et de la croissance. Les ménages contribuent pour 54 % au produit intérieur brut.

Le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin s'est efforcé, dès sa nomination, à créer une véritable dynamique en faveur de la consommation des ménages. Je rappellerai les mesures prises depuis deux ans à cet effet : baisse de l'impôt sur le revenu - en 2004, 17 millions de foyers fiscaux imposables paieront 10 % d'impôt de moins qu'en 2002 - ; hausse de la prime pour l'emploi qui, elle, a profité aux 8,5 millions de salariés les moins favorisés ; augmentation historique du SMIC, soit 11,4 % pour la période 2003-2004, en termes réels, et 16,4 % si l'on prend en compte l'inflation.

Je pourrais également citer l'augmentation de l'allocation de rentrée scolaire ou l'assouplissement des 35 heures, qui permet à ceux qui veulent gagner plus de travailler plus en faisant des heures supplémentaires.

Toutes ces mesures ont eu un réel impact sur la croissance. Dans un environnement international incertain, marqué par un tassement de la croissance dans la zone euro, c'est la consommation des ménages qui a porté la croissance en France et qui a permis à notre pays d'éviter la récession.

Les derniers résultats conjoncturels sont, en ce domaine, positifs puisque, selon l'INSEE, au cours des douze derniers mois, la consommation des produits manufacturés s'est accrue de 4,8 %. Mais c'est surtout du côté de l'épargne que se situe la bonne nouvelle : alors que, ces dernières années, notre pays battait des records avec un taux d'épargne d'environ 17 %, ce taux, selon la dernière note de conjoncture de l'INSEE, aurait baissé de 1,5 point sur la période 2003-2004. Cela confirme l'impact de la politique menée par le Gouvernement sur la consommation des ménages.

Alors que l'embellie point et qu'une croissance de 3 % s'annonce, il est indispensable de conforter ce mouvement afin qu'il ait un véritable effet de levier sur la croissance.

Votre projet de loi, monsieur le ministre d'État, traduit une détermination et un volontarisme exemplaires pour la relance de la consommation. Il s'adresse à tous les échelons de notre économie : les actifs, les commerçants, les entreprises, les personnes les plus défavorisées. Il doit être considéré dans la globalité de votre action, qu'il complète efficacement.

Vous avez choisi d'activer plusieurs leviers en même temps.

Le premier levier est la mobilisation de l'épargne. Malgré les chiffres encourageants que j'ai cités, les Français continuent à beaucoup épargner, en tout cas plus que leurs voisins espagnols ou britanniques, par exemple. Il est donc urgent d'aller chercher ces réservoirs de croissance là où ils se trouvent. La disposition consistant à transférer l'argent depuis les plus âgés d'entre nous - qui ont des sous mais consomment peu - vers les plus jeunes - qui n'en ont pas mais ont de réels besoins de consommation - nous semble particulièrement astucieuse. Le déblocage d'une partie des réserves de participation va également dans ce sens. Cette mesure avait déjà fait ses preuves il y a quelques années.

Le deuxième levier que vous activez est le crédit à la consommation, outil très utile notamment pour les ménages les plus modestes. En 2002, une enquête réalisée par un professionnel du secteur précisait que 86 % des personnes interrogées reconnaissaient qu'il constituait un réel soutien à la consommation. Il permet en effet au plus grand nombre d'accéder à certains biens d'équipement ou de services - automobiles, gros mobiliers, électroménager - qu'ils pourraient difficilement se payer comptant.

Il existe, en ce domaine, un paradoxe singulier. Les dérives et le surendettement sont souvent, à juste raison, dénoncés, mais s'il existe, en France, une frange de 3 à 4 % de la population très surendettée, la grande majorité de nos concitoyens - les 97 % restants - sont moins endettés que leurs voisins européens. Ainsi, l'encours moyen par habitant de crédit à la consommation est de 1 650 euros en France contre 2 400 en Allemagne ou 4 000 en Grande Bretagne. Le crédit à la consommation a donc un potentiel de développement en France et peut constituer un levier efficace de la croissance, à condition d'être bien utilisé et mieux encadré.

Il convient donc d'agir en parallèle dans deux directions.

Il faut, tout d'abord, s'attaquer aux dérives et aux excès du crédit. Le Gouvernement l'a fait, non seulement en faisant adopter par le Parlement la loi Borloo sur la procédure de rétablissement personnel, mais aussi en travaillant plus en amont sur l'information et la protection du consommateur dans la loi de sécurité financière et en soutenant la proposition de loi encadrant mieux le crédit revolving que j'avais eu l'occasion de déposer et qui a été adoptée avant-hier par le Sénat.

Il convient aussi de rendre le crédit à la consommation plus accessible. C'est l'objet de votre projet de loi, monsieur le ministre d'État, qui prévoit une réduction d'impôt au titre de certains crédits à la consommation.

Vous travaillez enfin sur le pouvoir d'achat des ménages. Je salue à ce titre l'action que vous avez menée auprès des professionnels de la distribution, des industriels, des producteurs pour parvenir, la semaine dernière, à un accord. Cette baisse des prix des grandes marques dans la grande distribution n'est pas que symbolique. On ne peut s'indigner quand les prix montent de 2 % et passer sous silence les baisses. Vous allez, grâce à cet accord, rendre une année d'inflation aux Français. Mais surtout cet engagement est la première pierre d'un travail de fond considérable et marque le début de la remise à plat des relations entre distributeurs et industriels pour aller vers plus de transparence et de respect mutuel et une meilleure prise en compte de l'intérêt du consommateur final.

Je note avec satisfaction, monsieur le ministre d'État, que vous avez pris en compte les remarques du groupe de travail de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, que j'ai l'honneur de présider, concernant le maintien d'un seuil de revente à perte et la suppression des marges arrières sur les produits agricoles non transformés ainsi que la réflexion menée sur les ventes aux enchères sur Internet.

Votre projet de loi, monsieur le ministre, laisse augurer des résultats concrets et un changement des mentalités. Tout ce qui permet de rendre aux Français confiance dans l'avenir ne peut qu'être salué et vivement soutenu. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Merci, monsieur le député.

M. le président. La parole est à Mme Béatrice Pavy.

Mme Béatrice Pavy. Le projet de loi que vous nous proposez, monsieur le ministre d'État, a non seulement le mérite d'être simple et clair mais les mesures qu'il comporte sont de véritables leviers pour favoriser la consommation, donc la croissance économique et la création d'emplois.

La réduction d'impôt sur les intérêts des prêts à la consommation permettra sans aucun doute aux ménages de mieux s'équiper et d'améliorer ainsi leur qualité de vie. Donner la possibilité d'emprunter en bénéficiant d'allégements fiscaux tout en étant extrêmement vigilants quant au maintien des taux d'intérêt bancaires, c'est redonner confiance aux consommateurs. Encourager la donation aux enfants ou aux petits enfants est gage de solidarité intergénérationnelle. La possibilité donnée aux salariés de débloquer de façon anticipée les sommes placées sur un plan d'épargne salariale leur permettra de faire face à des dépenses imprévues, en plus du recours à l'emprunt.

Toutes ces mesures vont dans le bon sens : la consommation augmentant, les entreprises devront produire plus et donc embaucher de nouveau. Il est préférable de donner de l'activité aux entreprises pendant une période de croissance, aussi faible soit-elle, plutôt que de les aider à embaucher quand les carnets de commandes sont vides.

J'ai un peu de mal à comprendre les critiques de la gauche, qui prétend que les mesures de ce projet de loi profitent aux plus riches et ne favorisent en rien la croissance. Nos collègues ont la mémoire courte. Ils oublient qu'ils sont eux-mêmes à l'origine d'une loi qui n'a fait l'objet d'aucune évaluation ou que d'une évaluation très approximative et que nous payons tous les jours en termes de compétitivité, et d'emplois et qui pèse lourd sur le budget de l'État. Comment ont-ils pu imaginer qu'une réduction du temps de travail puisse être un facteur de croissance et de progrès social simplement en faisant croire aux Français que l'on pouvait travailler moins et gagner plus ?

M. Didier Migaud. Allez jusqu'au bout de votre raisonnement : supprimez-les 35 heures !

Mme Béatrice Pavy. Non seulement les 35 heures n'ont rien apporté à la lutte contre le chômage, mais elles ont empêché notre pays de bénéficier à plein des années de croissance.

En marge de votre projet, l'accord que vous avez obtenu le 17 juin dernier des distributeurs, industriels, syndicats agricoles et associations de consommateurs, qui se sont engagés collectivement en faveur d'une baisse durable et significative de 2 % des prix à la consommation, entraînera une progression de l'ordre de 0,2 % du pouvoir d'achat des ménages. Et il est prévu une baisse supplémentaire des prix de 1 % en 2005.

Nous ne pouvons que nous réjouir d'un engagement qui profitera directement aux consommateurs, et que les petits commerces qui s'inquiètent de ne pouvoir afficher la même baisse se souviennent que, lorsque les Français, comme depuis 1997, ont moins de pouvoirs d'achat et n'ont plus confiance dans les prix, c'est toute une filière commerciale qui souffre.

Il était donc indispensable d'accompagner cet engagement de baisse des prix à la consommation par des dispositions visant, grâce à des exonérations et à des dégrèvements de taxe professionnelle, à encourager l'investissement des entreprises et le maintien d'activités de proximité.

La récente proposition d'ouverture des grandes surfaces le dimanche ajoute encore à la crainte des petits commerces locaux. Je souhaite que le Gouvernement soit vigilant et prenne les garanties nécessaires afin de limiter le nombre d'ouvertures annuelles.

M. Michel Bouvard. Très bien !

Mme Béatrice Pavy. Par ailleurs, venant compléter le dispositif de soutien à la consommation, les mesures en faveur de l'hôtellerie et de la restauration ne font que répondre à un véritable besoin dans un secteur en perte de vocations en raison des contraintes horaires et du fractionnement du travail dans la journée et la semaine. Il est donc nécessaire d'impulser une dynamique d'embauche par des aides à l'emploi permettant une revalorisation réelle des salaires dans cette branche d'activité.

Enfin, limiter ces avantages fiscaux dans le temps permettra d'en mesurer l'impact et d'évaluer les effets sur la consommation et sur l'emploi pour juger de l'opportunité de leur maintien ou de leur suppression.

Ne pas se résigner à une croissance molle, c'est savoir, en dépit d'un contexte budgétaire contraignant,...

M. Didier Migaud. Et pourtant !

Mme Béatrice Pavy. ...prendre par anticipation les mesures qui s'imposent dans un souci d'équité, d'efficacité fiscale et de justice sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La discussion générale est close.

Motion de renvoi en commission

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du règlement.

La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Monsieur le président, je suis surpris que ni M. le ministre d'État ni M. le secrétaire d'État n'éprouvent le besoin de répondre aux orateurs. C'est la première fois que je vois cela. Ce n'est pas dans les habitudes du ministre d'État.

Au vu de cette attitude, nous préférons engager tout de suite la discussion des articles et nous concentrer sur la défense de nos amendements.

Renvoyer le texte en commission n'aurait strictement aucun effet puisque celle-ci ne veut rien entendre. Véritablement envoûtée, elle est complètement soumise au ministre de l'économie et préfère cibler ses attaques contre le chef de l'État et contre le Premier ministre. L'ambiance est telle, aujourd'hui, que la commission des finances et Bercy mènent le même combat.

Afin d'être efficaces, nous préférons que la discussion s'engage sans plus attendre, tout en regrettant à nouveau que M. le ministre d'État et M. le secrétaire d'État soient restés cois après l'intervention des orateurs dans la discussion générale, comme ils l'ont été après avoir entendu l'argumentation très pertinente d'Augustin Bonrepaux.

M. le président. Je vous remercie, monsieur Migaud, pour votre brièveté.

Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.

(La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le président, compte tenu du fait que nous n'ayons pas défendu la motion de renvoi en commission, je demande une brève suspension de séance avant le passage à la discussion des articles.

M. le président. J'allais vous la proposer !

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-huit heures.)

M. le président. La séance est reprise.

Discussion des articles

M. le président. J'appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

Avant l'article 1er

M. le président. Nous commençons par plusieurs amendements portant articles additionnels avant l'article 1er.

Je suis saisi d'un amendement n° 79.

La parole est à M. le rapporteur général, pour le défendre.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire, pour donner l'avis du Gouvernement sur cet amendement.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. L'avis du Gouvernement est favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 79.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 37.

La parole est à M. Didier Migaud, pour le défendre.

M. Didier Migaud. Cet amendement tend à plafonner l'ensemble des réductions fiscales auxquelles on peut avoir droit. Si l'on n'y prend pas garde, en effet, quelqu'un qui gagne beaucoup d'argent pourrait ne payer pratiquement aucun impôt sur le revenu en bénéficiant des conseils d'un conseiller fiscal des plus avisés. Je crois qu'un tel souci peut être partagé par l'ensemble de nos collègues. En tout cas, le président de la commission des finances a dit qu'il était sensible à notre proposition.

Nous pensons qu'il y a une atteinte à la justice fiscale et qu'il est tout à fait légitime de plafonner les avantages auxquels peuvent donner lieu un certain nombre de niches fiscales. Nous proposons donc que l'ensemble des réductions ne puissent réduire le revenu imposable de plus de 40 %.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté cet amendement.

Cela dit, c'est une idée intéressante autour de laquelle nous tournons depuis des années. Sous la précédente législature, déjà, on s'interrogeait sur la possibilité de fixer un plafond global, en agissant sur les réductions d'impôt, voire en jouant sur l'assiette de l'impôt, mais on se heurte à des difficultés techniques que vous connaissez bien, monsieur Migaud. N'oublions pas qu'un certain nombre d'avantages fiscaux sont attribués sur plusieurs années. Par ailleurs, sur quels avantages faire porter le plafonnement ?

Pour le moment, nous n'avons pas de réponse satisfaisante à apporter mais c'est un sujet que la commission des finances souhaite étudier. Je sais qu'il est très cher au cœur de son président.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Le Gouvernement entend parfaitement les arguments de la commission des finances et propose que cette question soit réexaminée lors de l'examen de la loi de finances. Nicolas Sarkozy a en effet indiqué que nous aurions alors un débat sur les niches fiscales. Je vous demande donc, monsieur Migaud, de retirer cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Si le Gouvernement et le président de la commission des finances s'engagent à ce que nous ayons un débat sur les niches fiscales à l'automne prochain lors de l'examen du projet de loi de finances, nous acceptons de retirer l'amendement, et nous sommes d'accord pour constituer un groupe de travail.

Par boutade, j'ai remis tout à l'heure le rapport du Conseil des impôts sur la fiscalité dérogatoire au ministre d'État.

Cela dit, nous aimerions savoir, monsieur le secrétaire d'État, à qui la rédaction d'un rapport a été confiée et dans quel délai il doit être écrit. Nous voulons que vous soyez en mesure de respecter les engagements que vous prenez et nous sommes attentifs à ce que votre discours soit conforme à la réalité. Trop souvent, en effet, on peut déplorer un fort décalage. On a beau être souple, on risque des fractures à faire le grand écart comme vous le faites trop souvent.

Bref, quand avez-vous l'intention de nous remettre le rapport sur les niches fiscales, à qui l'avez-vous confié et êtes-vous d'accord pour que nous ayons un débat à l'automne prochain sur l'ensemble des niches fiscales et la fiscalité dérogatoire ?

M. le président. La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Monsieur Migaud, le Gouvernement s'est engagé à travailler avec nous aux moyens à mettre en œuvre pour limiter la portée d'un certain nombre de niches fiscales de façon à aller dans le sens d'une plus grande justice fiscale.

M. Didier Migaud. À qui le rapport a-t-il été confié ?

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. C'est nous qui allons prendre l'initiative de travailler avec des membres du ministère des finances et du cabinet du ministre sur des suggestions et des propositions concrètes.

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Le ministre avait annoncé qu'il allait demander un rapport. C'est donc à la commission des finances qu'il le demande ?

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Tout à fait !

M. Didier Migaud. Je retire l'amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 37 est retiré.

Je suis saisi d'un amendement n° 38.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour le défendre.

M. Augustin Bonrepaux. Nous proposons une autre façon d'instituer un plafonnement. Cet amendement tend à limiter les réductions d'impôt à 10 000 euros. Vu l'engagement du Gouvernement, je suis prêt à le retirer, à condition, bien sûr, que l'on examine aussi cette hypothèse.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Même réponse que précédemment.

M. Augustin Bonrepaux. Je retire l'amendement.

M. le président. L'amendement n° 38 est retiré.

Je suis saisi d'un amendement n° 17.

La parole est à M. Didier Migaud, pour le défendre.

M. Didier Migaud. Cet amendement concerne l'avantage fiscal accordé pour l'emploi d'une personne à domicile, et je pense que nous pourrions adopter une telle mesure sans attendre le rapport sur les niches fiscales.

Nous sommes sensibles à l'effet que peut avoir un dispositif d'incitation fiscale pour l'emploi de personnes à domicile. C'est d'ailleurs Martine Aubry qui l'avait proposé, dans le cadre d'une politique d'incitation à l'emploi. Mais cette mesure a totalement été détournée de son sens par Nicolas Sarkozy quand il était ministre du budget. Ne pouvant proposer une réduction des taux de l'impôt sur le revenu, il avait transformé l'incitation en privilège fiscal. Lorsque la gauche est revenue au pouvoir, nous avons réduit ce privilège pour que ce ne soit qu'une incitation. Revenus au pouvoir dans le cadre de l'alternance, vous avez à nouveau augmenté le plafond de la réduction d'impôt, alors même que, selon le rapport du Conseil des impôts, sur 2,2 millions de foyers qui déclarent des emplois à domicile, 900 000 ne profitent pas de cet avantage parce qu'ils ne paient pas d'impôt sur le revenu.

Nous proposons donc de transformer la réduction d'impôt en crédit d'impôt, la mesure pouvant s'autofinancer puisque l'on diminuerait la réduction fiscale. Ce serait plus juste et plus efficace. Je crois, monsieur le rapporteur général, monsieur le secrétaire d'État, que ce serait conforme au discours que vous tenez sur un certain nombre de niches fiscales qui ne sont pas efficaces et qui sont injustes au regard de l'équité fiscale.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a donné un avis défavorable à cet amendement, comme elle l'avait fait d'ailleurs à l'occasion du débat sur la loi de finances de 2004.

Cet avantage fiscal pour l'emploi à domicile, créé en 1992 par le gouvernement de M. Bérégovoy, avait été amplifié à l'initiative notamment de Nicolas Sarkozy, alors ministre du budget, et porté à 90 000 francs. La majorité suivante l'a réduit à 45 000 francs. Finalement, le dispositif que nous avons adopté au titre de la loi de finances de 2003 et consolidé depuis est à un niveau intermédiaire de 10 000 euros, qui nous paraît être un montant raisonnable.

Cette mesure est très efficace du point de vue de l'emploi, chacun le reconnaît.

M. Didier Migaud. Non !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Si vous avez réduit l'avantage, monsieur Migaud, vous avez toujours considéré que c'était une réduction d'impôt et non pas un crédit d'impôt. Il faut poursuivre dans cette voie. Il s'agit d'aider les 17 millions de ménages qui acquittent l'impôt sur le revenu. Je ne vois pas pourquoi une mesure serait injuste dès lors qu'elle s'appliquerait aux ménages qui paient l'impôt. Il est tout à fait normal, dans le cadre d'une politique fiscale, de prendre des mesures en faveur de ceux qui paient l'impôt.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Le Gouvernement entend avec plaisir l'argumentation du rapporteur général. Transformer cette réduction d'impôt en crédit d'impôt, comme le suggère M. Migaud, ce serait abaisser significativement le plafond des dépenses éligibles. Ce ne serait pas une bonne chose pour tous les bénéficiaires des réductions d'impôt, pour les familles qui font garder leurs enfants, pour les personnes invalides qui ont besoin d'être aidées, pour les personnes âgées auxquelles ce dispositif offre une alternative à l'hébergement en maison de retraite. Ce ne serait pas bon pour la collectivité dans son ensemble, puisque cette mesure constitue une véritable incitation à la création d'emplois et a contribué fortement à lutter contre l'économie grise. Il me paraît donc important de la maintenir en l'état, ce qui donne satisfaction aux familles.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le secrétaire d'État, cette argumentation n'est pas acceptable. Cette déduction fiscale existait ; vous l'avez quasiment doublée, mais sans créer d'emploi supplémentaire.

Sur les 2,2 millions d'emplois de salariés à domicile, seul 1,3 million bénéficiera de la réduction d'impôt. Pour les 900 000 autres, vous ne faites rien. Augmenter la réduction d'impôt est une injustice, un effet d'aubaine accordé aux plus favorisés.

Avec les mêmes moyens - et ne nous dites pas que cela créerait une dépense supplémentaire - vous pouviez accorder ce crédit d'impôt et aider équitablement tous les emplois à domicile.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 17.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 16.

La parole est à M. Didier Migaud, pour le soutenir.

M. Didier Migaud. Monsieur le rapporteur général, le rapport du Conseil des impôts montre l'effet d'aubaine de la mesure Aubry, renforcée Sarkozy, et combien il serait opportun de l'élargir aux foyers qui ne paient pas d'impôt sur le revenu pour qu'elle soit plus efficace en termes de création d'emplois.

L'amendement n° 16 a pour objet d'augmenter sensiblement la prime pour l'emploi. Cette mesure permettrait de soutenir la consommation et donc la croissance.

Vous l'avez certes augmenté lors du dernier budget, mais nous avions alors démontré que l'augmentation était extrêmement modeste pour les bénéficiaires de cette prime, alors même que vous proposiez parallèlement une réduction supplémentaire de l'impôt sur le revenu, ce qui était une injustice flagrante.

Augmenter la prime pour l'emploi permet de conforter le pouvoir d'achat et donc de consolider la capacité à consommer de plusieurs millions de Français. Si cette mesure peut, dans un premier temps, apparaître coûteuse, elle devient ensuite bénéfique pour l'État qui bénéficie des recettes de TVA sur la consommation.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté cet amendement. Nous avons sensiblement amélioré la prime pour l'emploi.

M. Didier Migaud et M. Augustin Bonrepaux. Ce n'est pas vrai !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous avons relevé les taux de calcul...

M. Augustin Bonrepaux. Pratiquement pas !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. ...de 4,4 à 4,6 %, et de 11 à 11,5 %, ce qui n'est pas négligeable, mais surtout nous avons amélioré la prime pour l'emploi au titre du travail à temps partiel.

Dans la loi de finances pour 2004, nous avons créé un système d'acompte qui accélère la perception de la prime pour l'emploi dès lors qu'un emploi est retrouvé, ce qui évite d'attendre un an compte tenu du décalage au titre de l'impôt sur le revenu. Nous avons fait tout ce que nous pouvions pour améliorer le dispositif.

Messieurs les ministres, nous souhaiterions que la prime pour l'emploi bénéficie d'un système d'accrochage sur la feuille de paie, sinon mensuellement, peut-être trimestriellement.

Nous avons demandé à vos services de réfléchir sur ce point. Certes, la question est délicate, mais nous souhaiterions pouvoir aboutir rapidement. La visibilité, l'efficacité de la prime pour l'emploi en dépendent.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure à M. Méhaignerie, cette mesure est à l'étude, mais elle présente des difficultés.

Le premier instrument pour donner du pouvoir d'achat aux bas salaires, monsieur Migaud, c'est le SMIC. C'est la raison pour laquelle celui-ci sera fortement revalorisé.

La prime pour l'emploi n'a pas été oubliée puisqu'elle a été renforcée, notamment pour les salariés qui travaillent à temps partiel. Nous avons également proposé un mécanisme d'avance.

Enfin, les hausses cumulées du SMIC et de la PPE depuis 2002 a procuré un gain de pouvoir d'achat très important.

Dès lors, il ne nous apparaît pas que la priorité immédiate soit dans l'augmentation de la PPE, mais plutôt dans la nécessité de restaurer la confiance et le pouvoir d'achat de nos concitoyens, ce que vise le projet de loi. Le Gouvernement est donc hostile à l'amendement.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le secrétaire d'État, vous dites qu'il faut restaurer la confiance et le pouvoir d'achat, mais c'est ce que nous vous proposons de faire pour les revenus les plus modestes, pour encourager et revaloriser le travail. C'est ce que vous dites, mais ce n'est pas ce que vous faites.

Vos sept propositions concernent uniquement les 50 % de Français qui sont imposables et qui ont donc des revenus suffisants. Par contre, pour les autres, il n'y a rien.

Si vous aviez suivi nos propositions dès 2002, au lieu de baisser l'impôt sur le revenu ce qui, comme l'a reconnu M. le président de la commission des finances, n'a servi à rien, nous ne serions pas dans la situation où nous sommes parce que vous auriez amélioré le revenu de 8 millions de travailleurs, au lieu d'en faire bénéficier uniquement les favorisés.

Nous proposons d'en revenir à des méthodes un peu plus réalistes, un peu plus justes aussi, et d'insérer dans ce projet de loi un peu plus de justice sociale en donnant véritablement les moyens de consommer à ceux qui en ont le plus besoin.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 16.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 19.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour le soutenir.

M. Augustin Bonrepaux. Cet amendement, particulièrement important, vise à remettre en cause les cadeaux fiscaux accordés en matière d'impôt de solidarité sur la fortune à l'occasion de la loi sur l'initiative économique.

Notre amendement vise plus précisément la possibilité d'échapper à l'ISF dans le cadre d'un « pacte d'actionnaires » représentant 20 % seulement des droits d'une société dont est membre une personne exerçant dans la société sa fonction principale.

Appuyé sur un discours visant à « exonérer l'outil de travail », alors que tel a toujours été le cas, ce dispositif permettrait en fait d'échapper à l'ISF dans des conditions particulièrement souples.

Vous parlez beaucoup d'attractivité, mais celle-ci n'est pas uniquement fiscale. Une étude récente qui émane du MEDEF montre qu'il faut aussi compter avec les infrastructures, c'est-à-dire tous les équipements qui favorisent le travail et l'implantation des entreprises.

Or c'est cette attractivité que votre réforme d'EDF est en train de casser puisqu'elle provoquera une augmentation de plus 15 % du prix de l'électricité et du gaz, rendant notre pays encore moins attractif.

Vous cassez l'attractivité en gelant la plupart des contrats État-régions,...

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Vous recommencez depuis le début !

M. Augustin Bonrepaux. ...retardant ainsi les travaux sur les grandes infrastructures - travaux routiers, travaux ferroviaires !

L'attractivité de notre pays, ce sont également les services publics, et en particulier ceux de l'éducation nationale et de la santé, que vous mettez à mal.

Notre amendement vous permettrait, tout en réalisant des économies, de faire un peu plus dans le social. Il est donc particulièrement justifié.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté cet amendement qui vise à supprimer une disposition de la loi sur l'initiative économique permettant d'éviter des délocalisations.

Cette disposition vise à permettre la passation de pactes d'actionnaires, dès lors que ces actionnaires acceptent de s'engager pendant une durée d'au moins six ans. Cela évite que des entreprises françaises connues ne passent, à cause de l'ISF, sous la coupe de firmes multinationales, et que tout cela ne se traduise par des hémorragies d'emplois vers l'étranger.

J'avais proposé cette mesure dans le cadre de l'examen de la loi Dutreil, dans la droite ligne de ce qu'a fait mon prédécesseur, Didier Migaud, au titre des droits de succession. Il a mis en place le pacte « Migaud-Gattaz »...

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. À quand le pacte « Migaud- Seillière » ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. ...qui autorise un abattement de 50 % des droits de succession. Souvenez-vous des successions de certains laboratoires pharmaceutiques : les héritiers, incapables de payer les droits de succession, ont cédé les laboratoires à l'étranger. Cela s'est traduit, dans un premier temps, par des délocalisations de centres de recherche, puis d'emplois industriels.

Nous devons tout faire pour garder nos emplois sur le territoire national. Dès lors que l'ISF conduit à des délocalisations d'emplois, nous devons avoir le courage d'abandonner l'idéologie, de raisonner de façon pragmatique car la bataille pour le maintien de l'emploi dans notre pays est absolument prioritaire.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. L'avis du Gouvernement est identique à celui de la commission.

Il s'agit d'une disposition tout à fait importante de la loi Dutreil. Supprimer cette exonération partielle en faveur des parts ou actions de sociétés, que les détenteurs s'engagent collectivement à conserver, remettrait en cause des dispositions qui participent au soutien de l'investissement dans les entreprises, permettant aux actionnaires minoritaires de conserver leur participation et, comme l'a dit excellemment Gilles Carrez, de contribuer au développement des entreprises, donc de notre économie.

C'est un dispositif équilibré qui assure la stabilité de l'actionnariat au sein des entreprises. Je ne vois donc pas l'intérêt de cet amendement dont je souhaiterais qu'il puisse être retiré. À défaut, le Gouvernement demandera son rejet.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Mes chers collègues, vous présentez des amendements léonins qui visent à faire passer la majorité pour le défenseur des riches, des privilégiés, quitte à sacrifier, au nom de l'idéologie, certains de nos intérêts économiques.

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ce n'est pas joli !

M. Michel Bouvard. Comme vient de l'expliquer Gilles Carrez, ce ne sont plus les très grands groupes, mais les grandes PME, les sociétés d'une certaine importance qui constituent le tissu industriel créateur d'emplois.

Lors d'une succession difficile, en cas de désaccord des actionnaires, le risque de cession de titres est grand. Quand les actionnaires voient les droits de succession qu'ils vont devoir acquitter, les investissements qui seront à réaliser, et qu'ils constatent qu'ils ne toucheront pas de dividendes pendant plusieurs années alors que, leurs actions étant valorisées, ils seront lourdement taxés sur leur revenu personnel, la tentation est de vendre.

Voilà comment la France, à la différence de nos voisins, a liquidé toute une partie de l'industrie à capitaux familiaux. Le tissu industriel du nord de l'Italie, que Didier Migaud connaît comme moi, fait apparaître une structure de grosses PME industrielles familiales qui portent le dynamisme de toute la Padanie, qu'on cite très souvent en exemple pour le maintien des emplois industriels. L'une des explications est là.

Je suis prêt à partager l'analyse d'Augustin Bonrepaux, selon laquelle l'attractivité du territoire tient aussi à d'autres facteurs, et notamment aux infrastructures, et cela même si je ne puis souscrire à son analyse de la hausse du prix de l'électricité, car il y a belle lurette que les industriels en souffrent, et pour d'autres raisons, comme l'insuffisance de production de nos voisins et l'acceptation de l'ouverture du marché - qui n'est pas le fait de l'actuelle majorité. En revanche, la caricature de la majorité que traduisent de tels amendements n'est pas honnête et dessert les intérêts économiques de notre pays.

Nous sommes donc tout à fait favorables à la demande de rejet du Gouvernement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 19.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 18.

La parole est à M. Didier Migaud, pour le soutenir.

M. Didier Migaud. Je ne voudrais pas laisser sans réponse l'intervention de notre collègue Michel Bouvard. On peut comprendre qu'il soit complexé lorsque nous reprochons à la politique du Gouvernement d'être trop ciblée sur certaines catégories de personnes.

M. Michel Bouvard. Il en faut plus pour me complexer !

M. Didier Migaud. Nous démontrons bien, me semble-t-il, que le reproche d'idéologie systématique qu'il nous fait n'est nullement fondé, et que nous avons pour seul objectif la relance de la consommation et de l'activité dans notre pays. Nous croyons qu'on est d'autant plus efficace qu'on est juste. Or l'injustice est précisément l'un des reproches qu'on peut faire à la politique du Gouvernement, comme l'ont exprimé les Français à l'occasion des deux dernières consultations électorales.

Je comprends la gêne de Michel Bouvard devant nos propositions, mais ce n'est pas ici le lieu d'étaler sur le divan les difficultés qu'il éprouve à s'expliquer devant l'opinion publique. (Sourires.)

L'amendement n° 18 vise à limiter le risque des délocalisations de PME hors du territoire national. En effet, la disposition de la loi Dutreil qui accorde un avantage fiscal pour l'investissement dans une PME, y compris dans les nouveaux pays membres de l'Union européenne, est susceptible d'encourager de telles délocalisations. Cette disposition, qui peut sembler répondre au souci d'aider les PME, est porteuse d'un effet d'aubaine et d'effets pervers qui pourront se révéler très contre-performants. Nous proposons donc de supprimer cette disposition, qui contredit tous les discours que nous entendons.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Avis défavorable.

Disons les choses simplement : il est ici question de l'investissement en numéraire dans les fonds propres des PME. Selon la définition européenne, une PME est une entreprise dont le chiffre d'affaires est inférieur à 40 millions d'euros ou qui emploie moins de deux cent cinquante salariés. Nous savons tous que, depuis très longtemps, nos PME souffrent d'une fragilité due à l'insuffisance de leurs fonds propres. Une mesure de bon sens consiste à permettre à tout résident français qui investit dans une PME de ne pas inclure cet investissement dans l'assiette de l'ISF.

Selon vous, cette mesure risquerait de favoriser des investissements à l'étranger. Un peu de bon sens, s'il vous plaît ! Un résident français ne va pas investir dans les fonds propres d'une PME allemande ou italienne ! Il est clair que la mesure vise d'abord à favoriser l'investissement dans les PME régionales qu'évoquait tout à l'heure Michel Bouvard.

Il y a en outre, monsieur Migaud, quelque mauvaise foi dans vos propos. Je me souviens que, lorsque vous étiez rapporteur général du budget, vous nous expliquiez qu'il était tout à fait naturel d'élargir à l'acquisition d'actions étrangères le dispositif des plans d'épargne en actions Strauss-Kahn, parce que la France faisait partie de l'Union européenne et que, pour toutes ces mesures fiscales, il nous fallait raisonner dans un cadre européen.

Le fait qu'on parle d'ISF ne doit pas vous faire abandonner tout bon sens ! Il nous faut combattre tout effet pervers de l'ISF qui limite le développement de nos entreprises sur notre territoire.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Même avis que la commission. Cet amendement, qui vise à supprimer l'exonération de l'ISF relative aux souscriptions en numéraire ou en nature au capital des PME, va à l'encontre de l'objectif de ce texte, qui est le soutien à la consommation et à l'investissement. L'adoption de cet amendement découragerait l'investissement des redevables de l'ISF dans ces entreprises. Le Gouvernement ne peut donc y être favorable.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur général, vous avez parfaitement le droit de dire que vous êtes opposés à l'ISF et que vous voulez le supprimer progressivement, mais vous ne pouvez pas présenter la mesure dont il s'agit comme destinée à développer les PME, car elle va encourager les délocalisations. Vous savez bien que de nombreuses délocalisations vers divers pays de l'Union européenne sont en projet ou ont déjà été réalisées.

Nous le répétons, cette nouvelle possibilité de déduction n'est pas une mesure pour l'emploi, mais une mesure contre l'emploi, par laquelle vous allez encourager les délocalisations.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 18.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 20.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour le soutenir.

M. Augustin Bonrepaux. Alors que la situation des finances publiques est particulièrement tendue et qu'une indispensable politique de soutien à la consommation et à la croissance nous est refusée, le Gouvernement et sa majorité ont choisi d'accorder aux plus hauts revenus des cadeaux fiscaux ciblés, notamment en matière d'ISF - nous venons d'en dénoncer plusieurs.

Cet amendement a pour objet de revenir sur la disposition votée dans le cadre de la loi sur l'initiative économique, qui abaissait de 75 % à 50 % le seuil de détention des parts d'une entreprise permettant d'obtenir pour celles-ci la qualification de bien professionnel.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Même avis que la commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 20.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 64.

La parole est à M. Francis Hillmeyer, pour le soutenir.

M. Francis Hillmeyer. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 64.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 1er

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 45, visant à supprimer l'article 1er.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour soutenir cet amendement.

M. Jean-Claude Sandrier. Dans son dernier rapport annuel, le Conseil des impôts déplorait le grand nombre de mesures fiscales dérogatoires - il en recensait quatre cent dix-huit en 2003 ! - et observait que le coût de ces mesures, le plus souvent très ciblées, est important, tandis que leur efficacité est incertaine. Ce n'est pas nous qui le disons !

Il est établi que les 10 % des ménages les plus aisés bénéficient de près de 86 % des réductions d'impôt et de 36 % des déductions en base. Or la tendance à la hausse de la fiscalité dérogatoire, constatée depuis vingt ans, n'est pas infléchie, bien au contraire.

Comme je l'ai rappelé au cours de la discussion générale, en matière d'impôt sur le revenu, sur les vingt-sept nouvelles dispositions adoptées en 2003, toutes - à l'exception des 10 euros annuels supplémentaires accordés aux bénéficiaires de la prime pour l'emploi - présentent un intérêt immédiat pour les contribuables aisés, tandis qu'à peine la moitié sont susceptibles d'avoir un impact sur les autres contribuables.

Dans le cadre d'un projet de loi visant à soutenir la consommation, et compte tenu du fait que la propension à épargner est d'autant plus forte que les revenus perçus sont élevés, on aurait pu s'attendre à un changement de cap. Il n'en est rien.

Cet article 1er crée une nouvelle niche fiscale, qui, en outre, concerne essentiellement les hauts revenus. Les autres, qui ont pourtant une forte propension à consommer, ne peuvent divertir une part de leur revenu suffisamment conséquente pour tirer un quelconque bénéfice de ce qu'il faut bien qualifier de nouveau cadeau fiscal offert aux nantis.

Au-delà, nous sommes en droit de nous interroger quant à l'impact de cette disposition sur la consommation. Certes, dans une certaine mesure, la propension à épargner varie en fonction de l'âge et les jeunes générations sont réputées plus enclines à consommer. Mais, en l'occurrence, l'élément capital est que cette propension à épargner dépend principalement du niveau de revenu et, partant, de la catégorie socioprofessionnelle.

L'impact de cette mesure profondément injuste sur l'évolution de la consommation de biens et de services méritera donc d'être évalué avec la plus grande précision. En tout état de cause, s'il est sûr qu'elle aura un coût, on ne sait pas ce qu'elle rapportera.

L'amendement n° 45 vise donc à supprimer l'article 1er.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission n'a pas examiné cet amendement, mais j'exprime personnellement un avis défavorable pour des raisons déjà évoquées. La mesure relative aux donations est une excellente mesure.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Même avis que la commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 45.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 72, qui fait l'objet d'un sous-amendement n° 85 rectifié.

La parole est à M. Francis Hillmeyer, pour soutenir l'amendement n° 72.

M. Francis Hillmeyer. L'exonération totale des droits de mutation dans la limite de 20 000 euros est une bonne mesure pour relancer la consommation, et il serait sain d'en étendre le bénéfice aux nièces et neveux, en particulier pour les familles qui n'ont pas d'enfants.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 72 et soutenir le sous-amendement n° 85 rectifié.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cet amendement très intéressant n'a pas été étudié par la commission. Il semblerait préférable, comme le prévoit le sous-amendement n° 85 rectifié, d'en limiter le bénéfice aux cas où le donateur n'a pas d'héritiers en ligne directe. Si M. Hillmeyer voulait bien accepter ce sous-amendement, nous ne pourrions que donner un avis favorable à l'amendement.

M. le président. La parole est à M. Francis Hillmeyer.

M. Francis Hillmeyer. J'accepte le sous-amendement n° 85 rectifié.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. L'amendement ainsi sous-amendé reçoit l'avis favorable du Gouvernement, qui lève le gage.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 85 rectifié.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 72, compte tenu de la suppression du gage et modifié par le sous-amendement n° 85 rectifié.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 21.

La parole est à M. Didier Migaud, pour le soutenir.

M. Didier Migaud. L'examen de ce texte nous place dans une situation particulière : vous semblez vouloir en finir rapidement, ce qui est compréhensible puisque la plupart des mesures que vous nous proposez sont déjà entrées en application, et nous avons donc l'impression que le Parlement parle, mais qu'il ne sert pas à grand-chose.

M. Michel Bouvard. Allons donc !

M. Didier Migaud. C'est assez net dans le cas de cette disposition relative aux donations : lorsque vous l'avez annoncée, monsieur le ministre d'État, dans votre conférence de presse-spectacle, le 4 mai dernier,...

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Et en commission des finances !

M. Didier Migaud. ...et en commission des finances, le 4 mai également, nous pensions qu'elle serait proposée à l'Assemblée nationale et au Sénat. Quelle n'a pas été notre surprise de la voir entrer en application le 1er juin - avant même la présentation du projet de loi en conseil des ministres et, a fortiori, son examen par l'Assemblée nationale ! Ce n'est pas de bonne méthode.

Certes, il y a des précédents...

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il est plus prudent de le reconnaître, en effet !

M. Didier Migaud. Je ne les ignore pas du fait des fonctions que j'ai occupées. Et ces précédents peuvent se justifier, en matière de TVA, par exemple. Retarder l'application de dispositions, alors même qu'elles ont été annoncées, peut effectivement bloquer l'activité et avoir, finalement, des effets pervers sur l'économie. Certaines mesures doivent donc être appliquées immédiatement. D'ailleurs, je n'ai rien à redire contre le fait que l'article 2 soit applicable dès le mois de mai car je considère qu'en l'occurrence l'urgence est justifiée. Tel n'est pas le cas, en revanche, pour les dispositions relatives aux donations qui auraient pu entrer en vigueur le 1er juillet et le 1er août. Monsieur le ministre d'État, j'estime que ce qui relève de l'article 34 doit renvoyer à un certain nombre de principes.

Notre amendement vise donc à limiter le bénéfice de l'exonération aux seuls dons qui interviendront à compter du 1er juillet. Certes, nous l'avons déposé pour la forme. Mais celle-ci a parfois son importance. Si nous ne voulons pas être toujours considérés par le Gouvernement comme une simple chambre d'enregistrement, il faut que, de temps en temps, nous soyons capables de montrer un peu de révolte. Il faut refuser cette soumission constante - trop constante - du Parlement au regard des propositions du Gouvernement relevant du domaine de l'article 34.

Donc, oui, il y a des précédents. Oui, certains sont justifiés. Mais d'autres ne le sont pas. C'est précisément le cas de cette mesure pour laquelle l'urgence ne s'imposait pas. D'ailleurs, le fait que vous prévoyiez des dates d'application différentes pour l'article 1er et l'article 2 le montre bien.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ce sentiment de révolte ?(Sourires.)

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement. Je note au passage que M. Migaud a la révolte sélective, selon qu'il est dans la majorité ou dans l'opposition. Cela dit, je lui pardonne après avoir examiné les précédents, qui sont très nombreux. Il y en a sur la TVA, en effet. Mais il y en a surtout un relatif, lui aussi, aux droits de succession. Il est vrai, monsieur Migaud, que vous n'étiez pas député, à l'époque.

M. Didier Migaud. Ah !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Augustin Bonrepaux, en revanche, lui l'était déjà.

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Hélas pour lui ! (Sourires.)

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Mes chers collègues, en 1983, la majorité de gauche a considérablement augmenté les droits de succession : elle les a même quasiment doublés. C'est d'ailleurs pour cela que Jean-Pierre Brard nous a demandé, tout à l'heure, de les baisser. Eh bien, cette mesure, pourtant très défavorable aux contribuables, a été votée dans le cadre d'une loi promulguée le 31 décembre 1983 et mise en application - M. Bonrepaux s'en souvient - dès le 14 septembre. Vous ne manquez donc vraiment pas d'air de nous reprocher aujourd'hui d'anticiper d'un mois une mesure favorable aux contribuables alors que vous n'avez pas hésité à anticiper de quatre mois une des dispositions les plus défavorables qu'on ait connues en matière de droit de succession. Alors gardez vos leçons !

Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Deux remarques. D'abord, je reconnais bien volontiers l'honnêteté de M. Migaud,...

M. Didier Migaud. Merci.

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ...à moins que ce ne soit de la prudence, qui a rappelé qu'en la matière les précédents étaient nombreux.

M. Didier Migaud. On peut être à la fois honnête et prudent, monsieur le ministre d'État ! (Sourires.)

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Toutefois, il aurait dû aussi rappeler que je suis venu devant la commission des finances avant même d'annoncer ces mesures lors de ma conférence de presse.

M. Didier Migaud. Cela ne change rien sur le fond !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je tiens à souligner, mesdames et messieurs, que, pour une fois, un ministre des finances a veillé à informer la commission des finances avant la presse. Vous avez eu la primeur de ces annonces dont nous avons débattu ensemble. C'est ainsi que Dominique Bussereau et moi-même concevons les choses. Mais tel n'a pas toujours été le cas - M. Migaud m'en donnera acte bien volontiers.

Alors, y a-t-il urgence ? La question est en soi étonnante. En effet, nous ne proposons cette mesure qu'avec l'espoir qu'elle marche. Je doute de son efficacité si vous la faites entrer en vigueur le 15 juillet avec application au 15 août. N'oubliez pas que les Français vont partir en vacances et que cette disposition est destinée aux enfants et aux petits-enfants majeurs - nous n'avons pas cherché à alimenter le plan d'épargne des mineurs. Il importe de chercher à rendre service aux familles. Pendant que vous y êtes, monsieur Migaud, proposez le 1er août pour l'ouverture de la mesure et le 31 août pour la fermeture. Et vous me demanderez ensuite de rendre des comptes et de vous expliquer pourquoi cela n'a pas marché.

Enfin, le groupe socialiste - et c'est son droit - nous dit qu'il faut aller vite, qu'il faut être efficace. Mais, dans ces conditions, on ne peut pas reprocher au Gouvernement d'être réactif, de prendre des mesures au bon moment, d'y croire et de les proposer au moment adéquat pour soutenir la consommation. Je vous rappelle que les soldes viennent de commencer. Nous souhaitons, quant à nous, que la croissance reparte tout de suite parce que nous considérons que les chômeurs ne peuvent pas attendre.

Alors, merci d'avoir souligné notre efficacité et notre rapidité. Mais nous ne suivrons pas tous vos conseils. Je demande donc à l'Assemblée nationale de bien vouloir considérer que cette excellente mesure doit s'appliquer dès le 1er juin. Rien ne justifie qu'on la repousse d'un mois. Pendant que vous y êtes, monsieur Migaud, pourquoi ne pas nous proposer un groupe de travail et une commission de réflexion ? (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Monsieur le ministre, évitons les caricatures et les raisonnements trop simplistes. Ce n'est pas de votre niveau, ni de celui du débat.

Certes, les soldes viennent de commencer. Mais à qui allez-vous faire croire que les grands-parents ou les parents qui font des achats à leurs petits-enfants ou à leurs enfants pendant cette période, le déclaraient au fisc ? Jean-Pierre Brard avait raison tout à l'heure : cette mesure est en fait peu efficace. Certes, la transparence va y gagner et c'est sûrement mieux. Mais il ne faut pas attendre vraiment des résultats en termes de consommation. Du reste, j'ai le sentiment que vous n'y croyez pas vous-même.

Par ailleurs, il ne saurait suffire d'informer la commission des finances pour considérer qu'une disposition a force de loi.

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je n'ai pas dit cela !

M. Didier Migaud. Le raisonnement est faible, pour le moins.

Oui, il y a des précédents. Et je suis sensible à l'argument qui consiste à dire que, lorsqu'une mesure est annoncée, il peut être grave, par rapport à l'économie, de retarder son application. À cet égard, je constate toutefois que le rapporteur général a dû remonter jusqu'à 1983 pour trouver une disposition qui puisse nous être opposée.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. En matière de droits sur les successions !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur Migaud, on peut aussi trouver des précédents en 1999 et en 2000 !

M. Didier Migaud. Certes, et vous en trouverez sûrement sur la TVA. Mais en l'occurrence, cela me paraît légitime. Je rappelle, une fois encore, que je ne vous adresse pas ce reproche pour les mesures relatives au crédit à la consommation.

Je demande simplement qu'on mette un terme à ces méthodes de gouvernement. On ne peut pas à la fois tenir un discours sur l'affirmation du rôle du Parlement et accepter systématiquement d'être mis devant le fait accompli s'agissant d'un certain type de dispositions. Je n'exagère pas l'importance de ces dernières. Je considère néanmoins que cette méthode de gouvernement n'est pas bonne.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Je voterai contre l'amendement de M. Migaud sans états d'âme. Bien sûr, nous aurions tous des exemples à citer. Et, en tout état de cause, Didier Migaud a tort de donner trop d'importance à cette affaire. Cela étant, il n'est pas raisonnable de remonter des décennies en arrière pour pointer de telles pratiques.

À défaut de constituer un groupe d'études, il faudra, dès lors qu'on applique une nouvelle méthode budgétaire, convenir d'une règle du jeu entre le Parlement et le Gouvernement - espérons qu'elle sera de nature à survivre aux alternances - quant à la pratique à adopter pour de telles mesures. Nul n'ignore en effet que, parfois, les décisions doivent être prises très rapidement et que cela pose un problème au regard de l'autorisation parlementaire.

Dans ces conditions, le plus simple est de définir une pratique qui puisse faire l'objet d'une concertation de l'ensemble des groupes politiques, à l'Assemblée et au Sénat, et que les gouvernements successifs devront respecter. Cela me semble mieux que d'aller rechercher dans les placards et les archives les entorses précédentes à l'autorité parlementaire.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 21.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 22.

La parole est à M. Didier Migaud, pour le soutenir.

M. Didier Migaud. Nous proposons de plafonner le montant total des sommes exonérées en application du dispositif prévu à l'article 1er car, si nous ne prenons aucune précaution, nous allons créer un formidable effet d'aubaine. On ouvre là la possibilité de s'exonérer de l'impôt sur les successions. Celui qui est à la tête d'une grande famille comptant de nombreux enfants et petits-enfants peut ainsi multiplier les donations de 20 000 euros par dix ou quinze.

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Une famille de quinze enfants, c'est assez rare !

M. Didier Migaud. Quinze petits-enfants, monsieur le ministre. Ne déformez pas mes propos ! On a souvent - et c'est une loi naturelle - beaucoup plus de petits-enfants que d'enfants.

En tout état de cause, cette mesure, que nous n'estimons pas très efficace, doit, selon nous, être plafonnée pour ne pas concourir à l'augmentation du nombre de niches fiscales incontrôlées.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement. Je vous rappelle, monsieur Migaud, que, sous la précédente législature, de bonnes mesures de réduction de droits en matière de donations ont d'ores et déjà été prises, en fonction d'ailleurs de l'âge des donateurs et que, jamais, il n'a été envisagé de plafonner le dispositif. Quand on donne, on donne ! Plafonner le montant d'une donation n'a pas de sens dans notre droit fiscal.

Suivant ce qui avait été fait précédemment, la commission a donc repoussé cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Cet amendement m'attriste. Je croyais M. Migaud davantage tourné vers les familles. La disposition qu'il propose revient, en effet, à pénaliser les familles de plus de trois enfants, ce qui est paradoxal alors que nous nous efforçons de lutter contre la dénatalité. Cet amendement constituerait donc une source d'inégalité et je ne comprends pas qu'un esprit aussi généreux que M. Migaud puisse proposer une telle disposition. Bien sûr, nous y sommes défavorables.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 22.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 82 et 61, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement n° 82.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cet amendement reprend en fait la proposition, fort intéressante, de nos collègues Laffineur et Giscard d'Estaing.

De quoi s'agit-il ? Il y a aujourd'hui en France 7,5 millions de PEA qui représentent un montant de 75 milliards d'épargne. Or, pour s'inscrire dans la démarche du Gouvernement tendant à orienter une partie de l'épargne vers la consommation, il est logique d'étudier la possibilité d'alimenter - de façon très limitée - la consommation à partir de ces plans d'épargne en actions. Le problème, c'est qu'avec le régime actuel, on perd tous les avantages fiscaux afférents à ces plans dès lors qu'on en prélève une somme, même modeste.

Mon amendement vise donc à fixer à 10 000 euros le montant des retraits anticipés autorisés sur un PEA sans perte des avantages fiscaux en cas de donation. Ce montant est celui qui a été retenu pour les sommes débloquées au titre de la participation, de l'intéressement, de ce qu'on appelle l'épargne salariale. Mes collègues Marc Laffineur et Louis Giscard d'Estaing ont, quant à eux, proposé de porter le plafond à 30 000 euros.

Certes, il ne s'agit pas d'épargne salariale. Mais, notre souci est, de façon très pragmatique, d'encourager la consommation. Or il serait dommage de se priver des 75 milliards aujourd'hui déposés sur les plans d'épargne en actions d'autant qu'en limitant à 10 000 euros le montant des retraits anticipés, on ne risque pas de remettre en cause cette épargne qui sert à financer nos entreprises.

M. le président. L'amendement n° 61 n'est pas défendu.

Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 82 ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. L'idée est intelligente, ne serait-ce que parce qu'elle vient du rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. MM. Laffineur et Giscard d'Estaing ont eu la même !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. En effet.

On voit bien le sens de cet amendement, qui vise à favoriser la transmission des liquidités. Cela étant, il ne nous est pas possible, et nous le regrettons, de l'accepter, pour des raisons que vous connaissez bien. Le PEA bénéficie d'avantages fiscaux importants, liés à un emploi bloqué des fonds, exclusivement en actions, pour assurer un financement durable de nos entreprises. Cela entraîne une gestion d'une grande complexité. Le suivi des retraits sous condition de réemploi présente à l'évidence, pour les banques, une difficulté supplémentaire, à un moment où nous les sollicitons beaucoup, vous le savez - en particulier avec le PERP.

Par conséquent, monsieur le rapporteur général, nous préférons, dans l'immédiat, privilégier le statu quo, et nous vous demandons de bien vouloir retirer votre amendement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. J'avais essayé de rendre plus acceptable, plus comestible, la proposition intéressante de nos collègues. Je n'y suis pas parvenu. Je retire donc l'amendement.

M. le président. L'amendement n° 82 est retiré.

Je mets aux voix l'article 1er, modifié par l'amendement n° 72.

(L'article 1er, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 1er

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 25, portant article additionnel après l'article 1er.

La parole est à M. Patrick Bloche, pour le soutenir.

M. Patrick Bloche. Je me permettrai, monsieur le président, si vous en êtes d'accord, de défendre en même temps les amendements nos 26 et 27. Ces trois amendements s'inscrivent dans une même démarche, même si l'amendement n° 25 traite de l'imposition sur les revenus et les deux autres des donations.

Le groupe socialiste avait déjà déposé ces amendements lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2004. Les dispositions qu'ils proposent visent à améliorer le pacte civil de solidarité. Comme vous le savez, le PACS est né d'une loi votée en 1999, il y a bientôt cinq ans. À l'époque, le législateur - j'étais alors le rapporteur pour avis de ce texte dont Jean-Pierre Michel était le rapporteur - avait voulu éviter que le PACS ne soit une possibilité d'optimisation fiscale. En accord avec le Gouvernement, nous avions prévu un délai de trois ans pour bénéficier de l'imposition commune, et de deux ans pour bénéficier des tarifs minorés d'enregistrement applicables en cas de donation entre partenaires pacsés. Ces dispositions avaient pour but de faire en sorte que le PACS puisse produire ses effets, et, en l'occurrence, qu'on en mesure les conséquences sur le plan fiscal.

Déjà en 2001, Jean-Pierre Michel et moi-même avions remis un rapport visant à faire le bilan de deux années d'application du PACS. Dès cette époque, nous soulignions le fait que la crainte d'une utilisation du PACS à des fins d'optimisation fiscale ne s'était pas révélée fondée - étant entendu, au demeurant, et je parle devant des collègues bien plus expérimentés que moi en ce domaine, que l'imposition commune peut parfois avoir pour effet de payer plus d'impôt.

Aujourd'hui, où en est-on ? Le PACS produit ses effets depuis cinq ans. Il rencontre un succès incontestable et incontesté, ce qui n'est pas étonnant puisqu'il a correspondu, lors de son adoption, à une demande sociale : 230 000 de nos concitoyens sont aujourd'hui pacsés. Le Gouvernement, à l'occasion d'un débat récent et très médiatisé, s'est lui-même engagé à améliorer le pacte civil de solidarité. Voilà l'occasion, aujourd'hui 24 juin, de passer à l'acte, si j'ose dire, de passer des intentions à l'action en modifiant le code général des impôts.

L'amendement n° 25 tend à supprimer le délai de trois ans permettant aux partenaires d'un PACS de bénéficier d'une imposition commune de leurs revenus.

L'amendement n° 26 vise à supprimer la condition de deux ans donnant droit au bénéfice des tarifs minorés d'enregistrement applicables en cas de donation entre partenaires pacsés.

L'amendement n° 27, enfin, tend à supprimer la condition de deux ans donnant droit au bénéfice de l'abattement applicable aux donations entre partenaires pacsés.

Ces trois amendements, vous l'avez compris, visent donc à améliorer le PACS, comme le souhaite le Gouvernement, ainsi, naturellement, que le groupe socialiste.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 25 ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a repoussé cet amendement, ainsi que les deux autres.

Je reprends très rapidement les arguments que nous leur avions déjà opposés à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2004. C'est de façon délibérée que l'on a créé une différenciation fiscale entre le mariage et le PACS. Il y a une réelle préoccupation, je le dis à M. Bloche, quant au risque que certains PACS puissent se transformer en moyens d'optimisation fiscale.

J'ajoute que le Conseil constitutionnel, lorsqu'il a examiné les dispositions tendant à introduire une différenciation entre le mariage et le PACS, a insisté sur leur caractère opportun. Nous avons là une jurisprudence qui est bien établie. Certes, le temps passe, mais je pense qu'il n'y a pas lieu, aujourd'hui 24 juin, de modifier cette différenciation fiscale entre le PACS et le mariage.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. M. Bloche conviendra que son amendement, s'il est bien sûr intéressant, n'est pas vraiment en rapport avec l'objet d'un projet de loi relatif à la relance de la consommation et de l'investissement.

M. Didier Migaud. Ça, on ne sait pas !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Je vous laisse libre de vos appréciations, monsieur Migaud. Vos propos figureront au compte rendu.

M. le garde des sceaux a installé, comme l'a rappelé M. Bloche, un groupe de travail chargé de réfléchir à tous les aménagements possibles du PACS. Je propose donc à M. Bloche d'attendre les conclusions de ce groupe de travail, qui doit les rendre au mois d'octobre, pour que nous puissions ensemble, avec lui, examiner les mesures qu'il propose.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Je suis très déçu, bien que nullement surpris, par les réponses de M. le rapporteur général et de M. le secrétaire d'État.

Ce matin, en conseil des ministres, a été adopté un projet de loi de lutte contre l'homophobie et le sexisme, ce qui était sans doute une manière d'envoyer un signal avant une manifestation annuelle qui aura lieu samedi. Je pensais donc que l'Assemblée nationale, surtout dans le cadre de cette première lecture, pouvait adresser un signal allant dans le même sens.

De plus, les arguments qui me sont donnés par le rapporteur général - car le Gouvernement est visiblement dans une position d'attente - ne sont guère convaincants à un moment où il faut faire tomber un certain nombre de discriminations entre couples mariés et couples pacsés. Encore ces discriminations pourraient-elles inciter les couples hétérosexuels à se marier. Mais les couples homosexuels, eux, ne peuvent pas se marier. Par conséquent, le fait de repousser ces amendements est d'une certaine manière une façon d'inciter à la légalisation du mariage homosexuel. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Michel Bouvard. Voilà un raccourci saisissant ! C'est fabuleux !

M. Patrick Bloche. C'est là quelque chose qui ne pose aucun problème au groupe socialiste, puisque nous nous sommes prononcés pour cette légalisation, mais cela ne manifeste pas une très cohérence de la part du Gouvernement étant donné la position qu'il a adoptée sur la question, laquelle position explique d'ailleurs son souci d'améliorer le PACS.

M. le président. La parole est à M. le ministre d'État.

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je crains, monsieur le président, que M. Bloche n'ait pas bien compris la réponse de M. Bussereau, qui n'était pas une fin de non-recevoir.

Le sujet est important et il est délicat, parce qu'il touche au droit en même temps qu'à des questions de sensibilité. Voyez-vous, il y a deux manières de le traiter. Il y a l'approche médiatique, qui fait reculer les choses - vous y avez fait écho vous-même, monsieur Bloche, en termes mesurés, ce dont le Gouvernement vous remercie. Et puis il y a l'approche sérieuse du sujet. Du point de vue fiscal, il y a des améliorations à apporter au PACS. C'est là une position que nous partageons. Ce que nous voudrions, c'est faire un travail sérieux. Et il me semble que nous pourrons le mener à bien dans le cadre du projet de loi de finances pour 2005, qui viendra en discussion à l'automne.

Le Gouvernement n'a pas apporté une réponse négative à vos demandes, monsieur Bloche. Il essaie de faire un travail sérieux. D'ailleurs, vous savez bien qu'il y a beaucoup d'autres aspects à prendre en compte. Je ne vous fais pas de procès d'intention. Je ne vous reproche pas de vouloir défendre en quelque sorte des amendements d'appel. Il y a un problème, et nous pensons que le mariage homosexuel n'est pas la réponse adéquate. Nous pensons également que le PACS était une réponse insuffisante. Plus nous nous efforcerons de progresser ensemble sans en faire un enjeu partisan, plus nous permettrons de dépassionner un débat qui, lorsqu'il est passionnel, pousse à des réactions caricaturales.

Je voudrais donc que vous compreniez bien que le Gouvernement entend les préoccupations que vous avez exprimées, comme celles exprimées par d'autres, sur tous les bancs de cet hémicycle. Il entend y répondre dans le cadre du projet de loi de finances pour 2005. C'est ce qu'a voulu dire M. Bussereau.

Par ailleurs, un groupe de travail a été mis en place par la chancellerie. Que nous dirait-on si, dans la précipitation, et à l'occasion d'un projet de loi relatif à la consommation, nous anticipions des conclusions qu'il rendra en octobre ? La discussion budgétaire se fera en octobre, en novembre, et même en décembre. Nous aurons donc tout le temps d'en reparler. C'est un engagement que le Gouvernement prend devant l'Assemblée nationale.

M. le président. Monsieur Bloche, compte tenu des engagements de M. le ministre d'État, retirez-vous les amendements ?

M. Patrick Bloche. Je serai très bref, monsieur le président, et je vous remercie de me donner la parole. Je ne la reprendrai plus. J'ai d'ailleurs souhaité défendre en même temps ces trois amendements pour des motifs de cohérence que tout le monde a compris.

Je prends note des engagements de M. le ministre d'État. Je ne veux pas ici ouvrir un débat sur la question du mariage homosexuel, puisque mes amendements visent un dispositif législatif existant, en l'occurrence le pacte civil de solidarité.

M. le ministre d'État a dit qu'il jugeait le PACS « insuffisant ». J'ai quelque mauvaise grâce à accepter ce terme. Le PACS a correspondu, à un moment donné, à un équilibre qui a été trouvé sans que l'actuelle majorité parlementaire nous aide beaucoup, il faut bien l'avouer.

M. Didier Migaud. C'est le moins que l'on puisse dire !

M. Patrick Bloche. Qu'elle juge aujourd'hui le PACS « insuffisant », je m'en satisfais. Cela veut dire que le temps a fait son œuvre. Mais le regard qu'elle portait à l'époque n'allait pas dans le sens d'un tel jugement. Il s'agissait plutôt d'une opposition frontale.

Cela dit, nous prenons date, et je suis tout à fait disposé à retirer les amendements, compte tenu du fait que nous reprendrons cette discussion à l'automne, dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances pour 2005.

M. le président. L'amendement n° 25 est retiré.

Je suis saisi d'un amendement n° 23.

La parole est à M. Didier Migaud, pour le soutenir.

M. Didier Migaud. Il s'agit par cet amendement de transformer l'actuelle réduction d'impôt de 50 % pour les cotisations versées aux organisations syndicales en crédit d'impôt.

Pour répondre par avance à une objection possible du Gouvernement, j'insiste sur le fait que la restriction visant à n'appliquer cette disposition qu'en déduction de l'impôt dû n'est justifiée qu'au regard des règles de la recevabilité financière des amendements d'origine parlementaire. Il va de soi que si nous n'étions pas soumis à l'article 40, nous aurions proposé une autre rédaction. Il demeure que le principe de cet amendement, c'est la transformation d'une réduction d'impôt en crédit d'impôt.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 23.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 24.

La parole est à M. Didier Migaud, pour le soutenir.

M. Didier Migaud. Cet amendement procède de la même démarche que le précédent en ce qui concerne les enfants qui poursuivent des études secondaires ou supérieures. Là aussi, nous proposons la transformation d'une réduction d'impôt en crédit d'impôt.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 24.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Les amendements nos 26 et 27 ont été retirés.

Article 2

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 46, tendant à supprimer l'article 2.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le soutenir.

M. Jean-Claude Sandrier. Il s'agit là encore d'une niche fiscale, mais d'un type particulier, car elle comporte un risque pour ceux qui pourraient en bénéficier.

Le Gouvernement entend encourager le crédit à la consommation. Or, depuis de nombreuses années, et notamment depuis la loi dite Neiertz du 31 décembre 1989, le lien a été établi entre surendettement et crédit à la consommation. Pendant bien longtemps, on a considéré que le surendettement était actif, c'est-à-dire quelque chose qui était lié à un comportement irrationnel ou déraisonnable des ménages. Mais aujourd'hui, on sait que les deux tiers des dossiers examinés par les commissions départementales de surendettement concernent le surendettement passif. Cela signifie que l'immense majorité des personnes en situation de surendettement sont des personnes fragilisées, économiquement et socialement. Dans l'espoir de se dégager de situations difficiles, elles ont eu recours au crédit à la consommation, mettant ainsi le doigt dans un engrenage. Incapables de rembourser un premier emprunt, elles en ont contracté un autre, et ainsi de suite.

Si la loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, dite loi Borloo, a constitué une avancée incontestable et incontestée en matière de lutte contre le surendettement, elle s'en tient à des solutions réparatrices. Vous me répondrez que c'est déjà beaucoup, mais ce n'est pas suffisant. Il importe de développer la prévention des situations de surendettement. En ce domaine, l'arsenal législatif disponible mérite d'être puissamment amélioré. La publicité pour les crédits à la consommation demeure encore manifestement tendancieuse, employant couramment des expressions comme « réserve d'argent ». Les pouvoirs publics semblent surtout hésiter à responsabiliser les organismes prêteurs par des mesures concrètes.

Aussi, dans l'immédiat, nous ne pouvons que demander la suppression de l'article 2.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Luc-Marie Chatel.

M. Luc-Marie Chatel. J'aimerais préciser deux points à M. Sandrier.

L'argumentation de notre collègue procède, en partie, d'idées reçues sur le surendettement. Je l'encourage à lire une étude réalisée par un cabinet britannique pour la Direction générale de la santé et de la protection des consommateurs située au sein de la Commission européenne, dont il ressort qu'il n'y a pas forcément de lien immédiat entre le recours au crédit à la consommation et le surendettement.

Je citerai deux exemples.

La Grèce a le plus grand nombre de ménages surendettés en Europe, avec un taux de 49 %, selon les critères de l'étude. Pourtant, le pourcentage de ménages ayant eu recours au crédit à la consommation est de 9 %, soit le plus bas d'Europe. A l'inverse, en Grande-Bretagne, 18 % de ménages sont surendettés, alors que 34 % ont recours au crédit à la consommation, soit un des taux les plus élevés d'Europe. Donc, tout cela est beaucoup plus compliqué qu'on ne le pense.

Enfin, le Gouvernement et l'Assemblée nationale ont travaillé sur l'amont du surendettement et du crédit à la consommation. Je n'en veux pour preuve que la disposition de la loi de sécurité financière relative à l'information du consommateur. Nous avons également légiféré ensemble sur le crédit revolving. Votre groupe, monsieur Sandrier, avait d'ailleurs approuvé notre proposition de loi tendant à redonner confiance au consommateur.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 46.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 28.

La parole est à M. Didier Migaud, pour le soutenir.

M. Didier Migaud. Beaucoup de ceux qui se sont penchés sur les études d'impact de la mesure proposée ont considéré qu'elle en aurait assez peu, dès lors qu'elle se limite à une réduction d'impôt. Nous proposons qu'elle concerne beaucoup plus de personnes en la transformant en crédit d'impôt. Vous me répondrez, monsieur le secrétaire d'État, qu'elle sera plus coûteuse. Certes, mais elle sera plus efficace.

Vous recherchez avant tout de conforter la consommation, ne serait-ce que pour faire bénéficier l'État de recettes supplémentaires. Nous proposons donc de donner plus de dimension à la mesure, tout en restant vigilants sur les questions de surendettement d'un certain nombre de ménages. Des précautions doivent, en effet, être prises.

Tel est le sens de cet amendement, qui prévoit de transformer la réduction d'impôt en crédit d'impôt pour que tous les Français soient ainsi concernés.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a donné un avis défavorable pour des raisons - je ne vous le cacherai pas, monsieur Migaud - budgétaires. Elles renvoient à la discussion nous avons eue ce matin lors du débat d'orientation budgétaire pour 2005.

M. Didier Migaud. Il y a des mesures qui vous gênent moins !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Même avis que la commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 28.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis sais d'un amendement n° 29.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour le soutenir.

M. Augustin Bonrepaux. Cet amendement tend à supprimer le deuxième alinéa du I du texte proposé pour l'article 199 vicies du code général des impôts. La disposition visée constituera, dans la majorité des cas, un effet d'aubaine, puisque vous permettez des déductions à partir du 1er mai, alors que nous sommes le 24 juin. Elle pourrait parallèlement présenter un réel danger en incitant au surendettement. La réduction d'impôt serait, en effet, destinée à des contribuables qui s'inscrivent déjà dans une démarche de mobilisation d'un crédit à la consommation et n'aura donc pas d'effet notable sur la hausse de la consommation.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 29.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 5.

La parole est à M. le rapporteur général, pour le soutenir.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Rédactionnel !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 6.

La parole est à M. le rapporteur général, pour le soutenir.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Rédactionnel !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 2, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. Nous en venons à une série d'amendements portant articles additionnels après l'article 2.

Après l'article 2

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 48.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le soutenir.

M. Jean-Claude Sandrier. J'ai bien compris le propos de M. Chatel. Le mien se fondait sur le constat que font en France, depuis qu'elles existent, les commissions de surendettement. Ainsi, les deux tiers des dossiers relèvent du surendettement passif ; des personnes en difficulté mettent, en effet, inconsciemment le doigt dans un engrenage.

Je ne conteste pas les exemples de la Grande-Bretagne et de la Grèce, que je ne connais pas. Toutefois, comme l'Union européenne compte maintenant vingt-cinq pays, j'attends votre étude sur l'ensemble de ces pays : ce sera plus complet !

Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps les amendements nos 48, 49, 50 et 51, qui se rejoignent.

M. le président. Très bien !

M. Jean-Claude Sandrier. Jusqu'à l'adoption de la loi de sécurité financière, et en particulier de son article 87, la publicité mensongère ou tendancieuse ne faisait pas l'objet de dispositions particulières dans le domaine du crédit à la consommation. Cette lacune particulièrement dommageable n'a été que très partiellement comblée.

Les articles L. 121-1 à L. 121-15 du code de la consommation régissent la publicité dans le cadre des pratiques commerciales réglementées. A ce titre, l'article L. 121-1, dont il aurait fallu s'inspirer plus largement, prévoit certaines dispositions susceptibles de contribuer à une définition globale de la publicité mensongère. Aux termes de cet article « est interdite toute publicité comportant, sous quelque forme que ce soit, des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur, lorsque celles-ci portent sur un ou plusieurs des éléments ci-après : existence, nature, composition, qualités substantielles, teneur en principes utiles, espèce, origine, quantité, mode et date de fabrication, propriétés, prix et conditions de vente de biens ou services qui font l'objet de la publicité, conditions de leur utilisation, résultats qui peuvent être attendus de leur utilisation, motifs ou procédés de la vente ou de la prestation de services ». Le surendettement demeure un problème chronique en France. S'il est lié à des facteurs variés, il est clair que les abus commis par les promoteurs de crédit, dont les pratiques se situent parfois à la limite de la réglementation, méritent d'être sanctionnés. La publicité constitue un terreau privilégié d'exploitation des failles et interstices de la réglementation, d'utilisation de la vulnérabilité des consommateurs et de création d'une illusion sur un accès facile et illimité à un pouvoir d'achat supplémentaire d'un coût réduit. Tout le monde a pu le constater.

C'est pourquoi nous proposons cet amendement qui reprend, mot pour mot, le texte de l'article 59 ter, futur article 87 du projet de loi de sécurité financière, tel qu'adopté par le Sénat en première lecture sur proposition de Philippe Marini, rapporteur de la commission des finances.

Dans la suite de la navette, la définition de la publicité mensongère ou tendancieuse en matière de crédit à la consommation a été édulcorée, ce qui est regrettable. En outre, les peines prévues en cas d'infractions ne sont plus que des contraventions de cinquième classe tandis que, dans la rédaction initiale proposée par M. Marini, les sanctions prévues étaient celles visées par l'article L. 213-1 du code de la consommation. Ces peines s'appliquent en cas de tromperie. Dans ce cas, la peine maximale alternative ou cumulative consiste en un emprisonnement de deux ans et une amende de 37 500 euros, ce qui est tout de même différent.

Personne ne peut nier que la publicité mensongère s'assimile à de la tromperie. C'est pourquoi nous vous invitons vivement, mes chers collègues, à voter cet amendement. Il est le seul à pouvoir réellement protéger les consommateurs et à leur redonner confiance dans les pratiques des établissements de crédit. Éviter ces errements rehausserait la valeur de votre proposition, monsieur le secrétaire d'État. En outre, vous pourrez voir dans le Journal officiel du mercredi 19 mars que cet amendement a obtenu le soutien de l'ensemble des groupes politiques au Sénat.

L'amendement n° 49 tend à responsabiliser les organismes prêteurs.

L'amendement n° 50 supprime la mesure d'exemption du régime du démarchage au profit des propositions de crédit à la consommation effectuées sur le lieu de vente pour le compte des établissements de crédit.

Enfin, l'amendement n° 51 vise à assimiler à du démarchage toute prise de contact, quelle que soit la personne à l'origine de la démarche, dans les bureaux de services financiers, lorsque ces derniers sont implantés sur le même site ou à proximité immédiate d'établissements de grande distribution.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a repoussé ces amendements, considérant qu'ils n'avaient pas leur place dans ce texte, même si l'article 2 traite de l'incitation au crédit à la consommation.

Cela dit, monsieur Sandrier, les problèmes que vous soulevez sont importants. Ces derniers mois, nous avons bien progressé sur ces questions puisque la loi de sécurité financière a amélioré le dispositif, ainsi que la proposition de loi de notre collègue Luc-Marie Chatel. En outre, la procédure dite de rétablissement personnel que nous avons instituée vise à aller à aller au cœur de ce problème du surendettement. Ces questions nous préoccupent donc grandement.

Comme je l'ai indiqué lors de la discussion générale, les ministres ont pris contact avec les professions bancaires et ont obtenu des avancées que M. le secrétaire d'État pourra nous confirmer. Ainsi les avantages fiscaux accordés ne seront pas captés pour partie par les prêteurs, mais bénéficieront en totalité à l'emprunteur. Ce point était fondamental. Nous pouvons considérer qu'il est maintenant acquis.

Se posait, ensuite, le problème des risques d'incitation au surendettement. Là aussi, monsieur le secrétaire d'État, vous avez obtenu l'accord formel des prêteurs qu'ils consulteraient, à l'occasion des prêts à la consommation, le fichier national des incidents de remboursement et qu'ils seraient particulièrement vigilants en mettant en place un suivi personnalisé. Je sais que cela ne correspond pas à l'élaboration que nous envisageons d'un fichier général permettant une connaissance de la totalité des crédits en cours pour chaque emprunteur.

Vous voyez, monsieur Sandrier, que les préoccupations que vous soulevez à travers ces amendements sont déjà largement prises en compte.

M. Jean-Claude Sandrier. Il n'y a pas de garantie !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Je confirme les deux points que vient d'évoquer M. le rapporteur général.

Les mesures proposées dans l'amendement n° 48 visent à durcir les dispositions figurant déjà dans un article du code de la consommation au risque de le déséquilibrer.

L'amendement n° 49 est satisfait par le régime particulièrement détaillé de protection des emprunteurs.

L'amendement n° 47 soulève un point qui, pour l'instant, ne fait pas l'unanimité chez les consommateurs. Il fait actuellement l'objet d'une concertation.

Nous ne sommes pas favorables à l'amendement n° 51 parce qu'il fait peser une incertitude juridique sur l'application du dispositif de démarchage bancaire et financier.

Pour toutes ces raisons, et sans entrer dans les détails, le Gouvernement est défavorable aux amendements proposés par M. Sandrier, même s'il en comprend naturellement l'intérêt.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 48.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 49.

Cet amendement a déjà été défendu.

La commission et le Gouvernement se sont exprimés.

Je mets aux voix l'amendement n° 49.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 65.

La parole est à M. Francis Hillmeyer, pour le soutenir.

M. Francis Hillmeyer. J'ai déjà parlé tout à l'heure des problèmes de surendettement, qui ne sauraient nous laisser indifférents.

Il ressort du résumé des conclusions d'une enquête réalisée par la Banque de France, rendu public le 14 février 2002, que 80 % des dossiers de surendettement comportent des crédits revolving.

Il convient que les établissements de crédit connaissent avec précision la solvabilité des demandeurs de crédit à la consommation avant de contracter avec eux, ce qui n'est pas toujours le cas. Nous proposons par conséquent que l'établissement qui aurait accordé un prêt tout en sachant que l'emprunteur était endetté au-delà d'un certain seuil ne puisse exercer de procédures d'exécution à l'encontre du débiteur devenu défaillant, sauf, évidemment, si celui-ci avait sciemment dissimulé des documents relatifs à sa situation patrimoniale.

Ces précautions me semblent indispensables dans le cadre d'un projet de loi qui, en instituant une réduction d'impôt, incite fortement à la souscription de crédits renouvelables.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a repoussé cet amendement, pour les motifs que je viens d'exposer.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Le Gouvernement mesure l'intérêt de l'amendement mais le trouve sévère, monsieur Hillmeyer.

M. Jean-Claude Sandrier. Sévère mais juste !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Cet amendement va un peu loin car fixer un niveau maximum d'endettement constituerait une remise en cause rigide et excessive de la liberté et de la responsabilité des acteurs économiques. Considérant que l'esprit de cet amendement est déjà satisfait par la réglementation en vigueur, nous vous proposons de le retirer.

M. le président. La parole est à M. Luc-Marie Chatel.

M. Luc-Marie Chatel. Je profite de l'occasion pour souligner l'importance du sujet, même si la réponse proposée ici me semble inappropriée. Je pense de plus en plus que nous devrons aller, à terme, vers l'élaboration de ce que l'on appelle un « fichier positif » - notre collègue Jacques Masdeu-Arus a d'ailleurs déposé une proposition de loi en ce sens.

Nous rencontrons toutefois deux difficultés : premièrement, il n'y a pas encore de consensus, en France, sur le sujet, ni au sein des institutions financières ni parmi les associations de consommateurs ; deuxièmement, la CNIL a émis un avis réservé.

Il convient donc de parvenir à un consensus et de trouver les modalités techniques susceptibles d'optimiser l'utilisation de ce type de fichiers, en tirant les conséquences, peut-être, d'exemples étrangers, comme celui de la Belgique, qui a mis en place cet outil il y a dix-huit mois. Je crois que c'est la piste la plus intéressante.

M. le président. Monsieur Hillmeyer, retirez-vous votre amendement ?

M. Francis Hillmeyer. Je le retire tout en souhaitant que nous puissions effectivement revenir sur le sujet car tous ceux qui ont la charge d'une collectivité - notamment les maires - sont souvent confrontés à ce genre de difficultés.

M. le président. L'amendement n° 65 est retiré.

Je suis saisi d'un amendement n° 47.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le soutenir.

M. Jean-Claude Sandrier. M. le ministre a brièvement donné son avis sur cet amendement, mais je lui demanderai des explications plus précises. Certes, les prêteurs ont fait preuve de très bonnes intentions, mais les garanties réglementaires ne sont pas du tout renforcées.

À l'occasion de l'examen du projet de loi de sécurité financière, la majorité a décidé de suspendre, pour une durée de dix-huit mois, les dispositions de la loi MURCEF relatives aux conventions de compte de dépôt. Cette mesure, dénoncée par l'ensemble des associations de défense des consommateurs, est apparue particulièrement symptomatique de l'incapacité du Gouvernement à saisir les raisons du mécontentement des Français vis-à-vis des établissements de crédit.

Trois reproches sont en général adressés aux banques : premièrement, elles augmentent de plus en plus leurs tarifs ; deuxièmement, elles tendent de plus en plus à faire payer des prestations traditionnellement gratuites ; troisièmement, elles agissent de la sorte sans prévenir leurs clients.

Sous le titre « Les Français n'ont plus confiance », le journaliste Nicolas Gurgand, dans un article paru dans Le Point en avril dernier, n'hésitait pas à poser une question qui fâche mais qui est sans doute légitime : « Les banques nous volent-elles ? »

Selon un rapport du comité consultatif de la Banque de France, le nombre des réclamations écrites adressées aux établissements de crédit a bondi de 48 % en 2001, alors même qu'on partait déjà de très haut, puisqu'elles sont passées de 37 204 en 2000 à 55 284 en 2001. C'est un véritable problème, et il est insuffisant de l'évacuer en prétextant que toutes les associations ne sont pas d'accord.

Les enquêtes d'opinion ne font d'ailleurs que confirmer l'urgence d'établir la transparence. Les résultats d'un sondage réalisé par l'IFOP les 6 et 7 mars derniers sont on ne peut plus clairs. À la question : « Avez-vous une idée précise du montant que votre banque vous facture au titre des frais bancaires ? », sept Français sur dix répondaient par la négative. À la question : « Êtes-vous favorable à ce qu'une présentation claire et séparée des frais bancaires soit obligatoire ? », 84 % des Français répondaient par l'affirmative. Et 2 % seulement des personnes interrogées se déclaraient sans opinion. Ces résultats prouvent que le problème se pose aux Français dans leur vie quotidienne.

Pour comprendre cette crise de confiance, il faut s'aventurer dans la jungle de la tarification bancaire, comme l'a fait UFC-Que Choisir en menant une enquête auprès de vingt-trois établissements. Certaines mesures s'avèrent particulièrement difficiles à justifier : frais comptabilisés pour établir une procuration, frais de conservation en agence d'un chéquier non retiré depuis six semaines - cela doit coûter une fortune ! -, frais de mise à disposition d'un chéquier en agence, etc.

Les clients, dans la grande majorité des cas, ne savent pas que les opérations qu'ils ont demandées - ou pas, d'ailleurs - seront facturées. Ils en connaissent encore moins le prix, l'affichage en agence des tarifs bancaires et l'édition de plaquettes tarifaires ne permettant pas nécessairement d'avoir un point de vue satisfaisant en la matière puisque l'exhaustivité est rarement au rendez-vous. Au demeurant, le principal problème est celui du manque de lisibilité de cette information, celle-ci étant systématiquement fournie a posteriori : dans un premier temps, la banque se paie sur le compte de son client en le débitant, après quoi elle l'en informe via le relevé. C'est un problème. Alors que tous les autres professionnels sont tenus de présenter une facture avant paiement ou tout au moins une note d'information spécifique, on est en droit de se demander au nom de quoi les banques échappent encore à cette obligation.

Il s'agit donc de faire en sorte que les frais bancaires perçus par les établissements de crédit fassent l'objet d'une présentation claire et séparée sur les relevés de compte. Le problème n'est pas mince car cette absence de transparence peut parfaitement justifier des accusations de vol.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Même si je dois reconnaître que notre collègue Jean-Claude Sandrier dit des choses parfaitement exactes, la commission a repoussé l'amendement n° 47, qui n'a pas sa place dans ce texte.

Ne pourrait-on envisager de conduire cette réflexion dans le cadre de la proposition de loi de notre collègue Luc-Marie Chatel ou d'un autre texte ? Il est effectivement indispensable d'améliorer la clarté dans les différentes commissions prélevées à des titres divers sur les comptes bancaires.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur Sandrier, vous avez raison de me demander une réponse plus détaillée car c'est un vrai problème. Si j'avais été interrogé par l'institut de sondage IFOP, j'aurais certainement donné les mêmes réponses que la majorité des Français, et j'imagine que la plupart de vos collègues ici présents sont dans le même cas.

Mais le sujet ne se rattache pas vraiment au texte dont nous discutons, vous voudrez bien en convenir. Je vous rappelle que, à la demande du ministère de l'économie et des finances, et plus particulièrement de mon collègue chargé des PME, le comité consultatif du conseil national du crédit et du titre examine l'opportunité de présenter les frais bancaires - dont vous avez fait un long inventaire assez intéressant - de manière différenciée. Je vous répète que les consommateurs ne sont pas unanimes, certains préférant que les frais restent associés à l'opération et fassent l'objet d'une présentation chronologique sur les relevés de compte, comme le font actuellement les banques dans la plupart des cas.

Je vous propose donc de laisser la concertation se poursuivre et d'attendre les conclusions, à l'automne, du comité consultatif. Mais nous ne verrions que des avantages - et je me tourne vers Luc-Marie Chatel - à ce que ce point soit traité sous une forme législative car c'est une question que beaucoup de Français se posent et que vous avez eu raison de poser.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 47.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 51.

Cet amendement a déjà été défendu.

La commission et le Gouvernement ont donné leur avis.

Je mets aux voix l'amendement n° 51.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 60.

Cet amendement est-il défendu ?

M. Michel Bouvard. Oui, monsieur le président !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission, après avoir hésité, a finalement repoussé cet amendement pour des raisons strictement formelles, estimant qu'il n'entrait pas dans le champ du texte. Il n'en reste pas moins qu'il ne pose aucun problème de fond puisqu'il vise à réparer un oubli concernant le démarchage bancaire : il s'agit d'exclure des dispositions régissant cette pratique les financements au titre des contrats de location de longue durée.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. J'étais enclin à m'en remettre à la sagesse de l'Assemblée, mais, constatant que la commission n'y voit pas d'inconvénient, nous pourrions nous déclarer favorables à cet amendement de M. Mariton.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 60.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 50.

Cet amendement a déjà été défendu.

La commission et le Gouvernement ont donné leur avis.

Je mets aux voix l'amendement n° 50.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    3

ORDRE DU JOUR
DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, n° 1676, pour le soutien à la consommation et à l'investissement :

Rapport, n° 1682, de M. Gilles Carrez, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quarante-cinq.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot