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Deuxième séance du mardi 29 juin 2004

277e séance de la session ordinaire 2003-2004



PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

    1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

CONDITIONS D'EXPULSION DES ÉTRANGERS

M. le président. La parole est à M. Pierre Morel-A-L'huissier, pour le groupe de l'UMP.

M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Monsieur le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration a réformé le régime de la double peine. Sans supprimer la possibilité d'expulser du territoire les étrangers dont la présence en France constitue une menace grave pour l'ordre public, le dispositif que nous avons adopté protège les étrangers qui ont tissé des liens importants avec notre pays. Seules trois dérogations à cette protection quasi absolue sont possibles. Ces exceptions se limitent aux comportements particulière-ment graves qui remettent en cause la sincérité de l'attachement que l'étranger pourrait avoir à l'égard de la France. C'est ainsi qu'un arrêté ministériel d'expulsion concernant l'imam Bouziane de Vénissieux a dernièrement été suspendu par le tribunal administratif de Lyon. (« Scandaleux ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Aussi le groupe UMP a-t-il défendu une proposition de loi de Pascal Clément et Bernard Accoyer relative aux conditions permettant l'expulsion des personnes visées à l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire si cette nouvelle rédaction donnera réellement aux pouvoirs publics les moyens juridiques aujourd'hui manquants pour lutter efficacement contre des actes contraires aux valeurs qui fondent la République et pour éloigner leurs auteurs du territoire ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le député, vous avez raison : il faut protéger les étrangers et défendre nos valeurs. C'est tout le sens de la mission qui nous revient vis-à-vis de la République.

Le respect, la tolérance, les droits de l'homme sont des principes partagés par tous les Français. Ils ne sont pas négociables, et chacun doit le comprendre. Or, aujourd'hui, nous sommes confrontés à une menace nouvelle. Sous couvert de religion, certains individus sont déterminés à importer dans notre pays des comportements et des doctrines qui sont contraires à l'esprit de la République. Ainsi, dans les médias, dans les lieux de réunion, nous voyons des ressortissants étrangers s'en prendre aux femmes, à leurs droits les plus fondamentaux, ainsi qu'à leur intégrité physique. Ce n'est pas acceptable. J'ai donc décidé de marquer clairement ma détermination et celle du Gouvernement à combattre de tels agissements.

J'ai ainsi procédé, depuis le mois d'avril dernier, à quatre expulsions, dont trois ont été confirmées par le tribunal administratif. Je soutiens pleinement la proposition de loi des présidents Clément et Accoyer, parce qu'elle part d'un constat simple : rien, dans la loi, ne permet aujourd'hui d'expulser quelqu'un qui appelle publiquement à la violence contre les femmes. Il fallait donc modifier l'ordonnance de 1945. Cette proposition de loi complète le dispositif instauré par la loi de novembre 2003 sur les étrangers, sans bien sûr remettre en cause le principe des protections renforcées.

Par ailleurs, afin d'harmoniser les jurisprudences, je prépare avec le garde des sceaux un décret visant à confier la compétence nationale du contentieux des arrêtés ministériels d'expulsion au tribunal administratif de Paris. Vous le voyez donc, c'est dans un esprit républicain, sans transiger sur les valeurs, que nous abordons cette difficile question. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

IMPACT BUDGÉTAIRE DU PLAN GOUVERNEMENTAL DE LA RÉFORME DE L'ASSURANCE MALADIE

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, nous allons commencer cet après-midi le débat sur l'avenir de l'assurance maladie dans le brouillard le plus complet (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) quant à l'impact réel du plan gouvernemental.

Les projections de votre collègue, M. Douste-Blazy, qui prévoient 15 milliards de ressources nouvelles et le retour à l'équilibre en 2007, ont été contredites - et avec quel fracas ! - par une note cosignées par deux éminents responsables de vos services : le directeur de la prévision et celui du budget. Ceux-ci estiment que les mesures de redressement annoncées rapporteront moitié moins que prévu et conduiront à un déficit annuel de 15 milliards en 2007. Il ajoutent que le cadrage financier du Gouvernement, pour ce qui concerne les économies, repose sur des hypothèses de changement de comportements dont l'incidence est très incertaine. Si des hauts fonctionnaires n'ont pas à dicter leurs décisions aux responsables politiques, leur éclairage technique remet en cause toute la validité du plan qui nous sera présenté cet après-midi.

Monsieur le ministre d'État, mes questions sont donc simples et je souhaite que vos réponses le soient tout autant. Que dites-vous de la note de vos services ? Pensez-vous, comme M. Douste-Blazy, qu'elle émane de « technocrates qui se trompent tout le temps » ? Engagez-vous la crédibilité de votre signature de ministre d'État en cautionnant le chiffrage et l'économie du plan de votre collègue de la santé ? Serez-vous capable de tenir les engagements de réduction des déficits...

M. Jean-Michel Fourgous. Et les 35 heures ?

M. Jean-Marc Ayrault. ...que vous avez solennellement pris devant les Français et, au nom de la France, auprès de l'Union européenne ? Nous ne pouvons pas commencer un débat sincère sur ce sujet crucial pour les Français sans avoir obtenu des réponses claires et sereines à ces questions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président Ayrault, en 2004, la France s'est engagée sur 3,6 points de déficit du PIB. J'engage ma crédibilité : nous serons au rendez-vous !

S'agissant du plan de réforme de l'assurance maladie, nous avions trois solutions. La première, c'était de faire des impôts.

M. François Hollande. C'est déjà fait !

Mme Martine David. Et la CSG ?

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Vous m'avez demandé une réponse sereine, ayez une attitude sereine ; le sujet le mérite !

Je n'ai pas voulu de cette solution, car cela aurait cassé la croissance. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.- Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Nous avions une deuxième solution : faire des déremboursements. Avec Philippe Douste-Blazy, nous ne l'avons pas voulu (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), car cela aurait été injuste, et si nous l'avions fait, vous auriez protesté !

M. Bernard Roman. Mais vous l'avez fait !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il existait une troisième solution, la seule : parier sur un changement structurel des comportements.

M. François Hollande. Eh bien, c'est raté !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Mais pour obtenir un tel changement, il faut du temps. Par ailleurs, on ne peut pas mesurer l'évolution des comportements de façon aussi arithmétique que les effets d'un déremboursement. Voilà très exactement quelle est la réalité. (« La réponse ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

S'agissant de la note de Bercy, je ne vous fais pas le reproche de l'ignorer, monsieur Ayrault, mais tous ceux qui ont été membres d'un gouvernement savent parfaitement qu'un ministre reçoit en permanence des documents de travail qui sont destinés à nourrir sa réflexion. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Ne vous moquez pas du président Ayrault : il n'est pas le seul à ne pas avoir d'expérience gouvernementale ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.- Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Martine David. C'est minable !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Les services de Bercy sont dans leur rôle en maximisant les mauvaises nouvelles et en minimisant les bonnes. J'ajoute que, lorsqu'il est arrivé à un gouvernement de suivre à la lettre une note de Bercy annonçant que la récession était là, cela n'a pas conduit à la bonne décision politique. (Rires sur divers bancs.) Je revendique donc le droit pour le politique de ne pas être obligé de suivre les technocrates.

Enfin, monsieur Ayrault, vous vous inquiétez, et c'est votre droit, des vertus de la réforme de l'assurance maladie que nous présentons. Mais si vous l'aviez faite, vous n'auriez pas à vous en inquiéter aujourd'hui ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. -Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Mes chers collègues, en votre nom à tous, je souhaite la bienvenue à Bernard Debré, élu dimanche dernier député de la quinzième circonscription de Paris. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

SITUATION AU DARFOUR

M. le président. La parole est à M. Bernard Debré, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Bernard Debré. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Le Soudan se meurt aujourd'hui après plus de vingt ans de conflits entre le gouvernement musulman du Nord et les rebelles du Sud. A l'ouest du pays, au Darfour, des centaines de milliers de réfugiés ont fui les attaques après la destruction de leur village. Leur survie dépend aujourd'hui totalement de l'aide extérieure. Selon l'ONU, c'est la pire crise humanitaire en cours dans le monde.

Alors que le cessez-le-feu du 8 avril n'est pas respecté et que le gouvernement de Khartoum est impuissant, ce sont les organisations humanitaires internationales, seules, qui apportent aux populations une aide alimentaire et médicale. De plus, la saison des pluies qui commence va, dans quelques semaines, compliquer le transport de l'aide et le secours.

Monsieur le Premier ministre, que comptez-vous faire au nom de la France pour éviter une terrible catastrophe humanitaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la coopération, au développement et à la francophonie.

M. Xavier Darcos, ministre délégué à la coopération, au développement et à la francophonie. Monsieur le député, je vous prie d'excuser Michel Barnier, aujourd'hui en visite dans les territoires palestiniens.

La situation au Darfour est en effet extrêmement préoccupante. Il s'y déroule une crise humanitaire majeure, dont sont victimes, une fois de plus, les plus vulnérables, les femmes, les enfants. Selon les estimations qui nous sont fournies par les autorités soudanaises elles-mêmes, 1,4 million de personnes ont été déplacées.


Si aucune aide ne leur est apportée avant la saison des pluies, qui va arriver rapidement, cette crise va devenir une catastrophe humanitaire. Conjuguée aux violations des droits de l'homme et aux atteintes au droit international humanitaire, qui sont perpétrées quotidiennement, elle menace non seulement le processus de paix entre le nord et le sud du pays, actuellement en cours, mais aussi la stabilité de l'ensemble la région, y compris le Tchad et la République Centrafricaine.

Depuis plusieurs mois, la France s'est pleinement mobilisée sur le plan politique et humanitaire. En février 2004, alors qu'il était ministre des affaires étrangères, Dominique de Villepin s'est rendu au Tchad et au Soudan. Notre pays a soutenu, avec ses partenaires européens, le processus dit de N'Djamena - pourparlers organisés par le président Deby - qui a abouti, le 8 avril dernier, à un cessez-le-feu humanitaire entre le gouvernement soudanais et les rebelles. Ce processus est également soutenu par l'Union européenne tant sur le plan financier que par la voix des observateurs. Et le vice-président de la commission du cessez-le-feu, qui est actuellement sur place, est un colonel français.

Il y a moins d'un mois, je me suis moi-même rendu à N'Djamena pour rencontrer le président Deby. Entre le 20 et le 23 juin, Renaud Muselier a visité les camps de déplacés du Darfour et rencontré à Khartoum le président Béchir. Il a insisté sur la nécessité de désarmer les milices, notamment les janjawids, qui continuent à semer la terreur, et il a demandé au gouvernement soudanais d'assurer rapidement le libre accès des personnels humanitaires à la région. Enfin, l'aide de la France au Darfour atteint dix millions d'euros, ce qui est significatif.

Vous le constatez : la France ne fait pas preuve d'indifférence, loin de là. Elle est mobilisée et nous agissons. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. François Loncle. La réponse est nulle !

CHÔMAGE ET RMI

M. le président. La parole est à M. Gilbert Biessy, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Gilbert Biessy. Monsieur le Premier ministre, un triste record peut de nouveau être attribué à votre gouvernement : celui de la plus forte hausse du nombre de RMIstes dans notre pays. Depuis neuf ans, jamais autant de gens ne s'étaient retrouvés dans la pauvreté et l'exclusion sociale. Ils sont aujourd'hui 1 190 000. (« Eh oui ! Bravo Raffarin ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Cette situation dramatique ne doit rien au hasard.

Vous avez démantelé le code du travail. Vous avez laissé se précariser les contrats et se multiplier licenciements boursiers et délocalisations. Vous avez assoupli la loi sur les trente-cinq heures, qui avait créé des emplois. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Vous avez validé une convention UNEDIC inacceptable qui privait les chômeurs de leur allocation pour les faire basculer dans le RMI. Heureusement, justice leur a été rendue.

Dès votre arrivée, vous avez supprimé les crédits destinés aux emplois aidés, comme les CES ou les contrats emploi consolidé. Vous avez abrogé les CEJ, jetant les jeunes par milliers dans la précarité.

Voilà votre œuvre : une augmentation de 9,6 % du nombre de RMIstes et un chômage à 10 %, chiffres qui donnent le vertige. À part des effets d'annonce, rien n'est fait pour répondre à ces situations d'urgence. Vous avez beau entretenir le mirage de la croissance, l'illusion ne prend pas.

M. Richard Mallié. Quelle est la question ?

M. le président. Posez votre question, monsieur Biessy.

M. Gilbert Biessy. Quant à votre plan de cohésion sociale, il reste très en deçà du virage social annoncé par le Président de la République au lendemain des revers électoraux du Gouvernement. Vous ne dégagerez qu'un milliard et demi. C'est une goutte d'eau dans la mer.

Monsieur le Premier ministre, quelles mesures pensez-vous prendre pour aider les départements à faire face aux demandes de près de 1,2 million de RMIstes ? Prenez la mesure de ces situations et répondez-y autrement que par de nouveaux effets d'annonces ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à la lutte contre la précarité et l'exclusion.

Mme Nelly Olin, ministre déléguée à la lutte contre la précarité et l'exclusion. Monsieur le député, sur un sujet comme celui-ci, je pense que nous devons tous réfléchir à nos responsabilités respectives.

M. Jacques Desallangre. Oui !

Mme la ministre déléguée à la lutte contre la précarité et l'exclusion. Si la situation est aussi difficile aujourd'hui, ce n'est pas du fait des réformes engagées par le Gouvernement (« Mais si ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste), mais plutôt d'une absence de réforme qui a duré trop longtemps. (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. Bernard Roman. N'importe quoi !

Mme la ministre déléguée à la lutte contre la précarité et l'exclusion. Depuis quinze ans, c'est-à-dire depuis la création du RMI, le nombre de ses allocataires a quasiment triplé. Aujourd'hui, un RMIste sur trois perçoit le RMI depuis plus de trois ans et près d'un sur dix depuis plus de dix ans. Plus inquiétant, un RMIste sur deux n'a toujours pas signé de contrat d'insertion. Aujourd'hui, le nombre des allocataires s'élève à plus d'un million.

Cette évolution ne fait que renforcer notre conviction. Face à un marché du travail encore déprimé, nous sommes plus que jamais résolus à agir avec la plus grande détermination. Car l'évolution que vous avez signalée n'est pas une fatalité. Nous refusons la logique de l'assistance, qui emprisonne ceux qu'elle paraît aider. D'ores et déjà, depuis le 1er janvier, les ménages de bonne foi qui sont surendettés peuvent retrouver l'espoir.

M. Henri Emmanuelli. Combien de pages Mme Olin va-t-elle encore nous lire ?

Mme la ministre déléguée à la lutte contre la précarité et l'exclusion. Les crédits de lutte contre l'exclusion ont été préservés de la régulation budgétaire et 186 millions supplémentaires ont été mobilisés par le Gouvernement. Le plan de cohésion sociale propose encore d'autres mesures. Il est urgent de faire un premier pas vers le RMA. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

Mesdames et messieurs les députés de l'opposition, qui hurlez sur vos bancs, vous voulez l'ignorer, mais le seul Gouvernement qui ait réussi à augmenter le SMIC, c'est bien celui de Jean-Pierre Raffarin ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

OUVERTURE DU CAPITAL DE LA SNECMA

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Decagny, pour le groupe UMP.

M. Jean-Claude Decagny. Monsieur le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, en annonçant que les pages jaunes allaient bientôt être mises sur le marché, vous avez à nouveau illustré votre intention de lancer une nouvelle vague de privatisations.

Fort de cette volonté, vous avez annoncé, début mai, que le Gouvernement procéderait, avant l'été, à l'introduction en Bourse de 35 % du capital de la SNECMA. Sa cotation est intervenue le 18 juin. Cette opération, bien accueillie par le marché, doit surtout permettre de renouer avec une véritable politique d'actionnariat populaire fondée sur la participation des particuliers.

À l'heure où l'ouverture du capital de la SNECMA est réalisée, pouvez-vous dresser devant la représentation nationale un premier bilan de la manière dont s'est déroulée cette opération ? Quels enseignements en tirez-vous en vue de futures ouvertures de capital ?

M. le président. La parole est à M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, chacun connaît la mauvaise situation du marché boursier. C'est pourquoi de nombreux observateurs nous avaient demandé de différer cette privatisation. Nous avons été volontaristes et, parce que la SNECMA ne pouvait pas attendre, nous avons fait le pari de la vente.

En fin de compte, l'offre a été deux fois souscrite, puisqu'il y a eu deux fois plus d'acheteurs que de titres à vendre.

M. Yves Fromion. Très bien !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Mieux encore : avant les institutionnels, ce sont d'abord des 800 000 petits porteurs qui ont fait le choix de l'actionnariat populaire. Ils ont pris là une décision importante dans un moment difficile. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Quant aux salariés de l'entreprise, ils ont entièrement souscrit les 3 % du capital qui leur étaient réservés.

M. Richard Mallié. Il faudra le dire aux salariés d'EDF !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Enfin, 1,45 milliard d'euros rentrera dans les caisses de l'État, dont les intérêts patrimoniaux ont ainsi été préservés. (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

Notre politique de l'actionnariat populaire a permis de redonner des moyens à une grande entreprise qui en avait besoin, d'associer les employés aux résultats et de renforcer le contrôle des Français sur leur patrimoine industriel.

C'est là une stratégie gagnante, et nous entendons la poursuivre. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

DÉLINQUANCE ET IMMIGRATION

M. le président. La parole est à M. Christian Estrosi, pour le groupe UMP.

M. Christian Estrosi. Monsieur le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, un grand hebdomadaire révélait, il y a quelques jours, des statistiques particulièrement alarmantes émanant d'études financées par l'IHESI, l'institut des hautes études de la sécurité intérieure, et conduites par un chercheur de CNRS réputé. Elles révélaient qu'un pourcentage élevé de la délinquance émanait de Français originaires de l'étranger, voire d'étrangers présents sur notre sol. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz. Attention ! C'est un sujet très dangereux !

M. Christian Estrosi. Je prends ce chiffre avec beaucoup de hauteur et de prudence. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) En effet, je considère à titre personnel que ces données scientifiques ne sont pas transposables à tous les actes de délinquance.

Mais, selon cette étude, les synthèses quotidiennes des directions centrales de la sécurité publique et de la police judiciaire, qui recensent une partie des délits commis en France, mentionneraient un pourcentage élevé d'auteurs de violences volontaires et de vols à main armée issus de l'immigration.

Alors que la France s'honore d'être une terre d'accueil et d'immigration, un constat s'impose : depuis trente ans, nous assistons à une véritable faillite de toutes les politiques d'intégration.

Depuis deux ans et demi maintenant,...

M. François Hollande. Cela va mieux ?

M. Christian Estrosi. ...votre prédécesseur et vous-même, ainsi que Jean-Pierre Raffarin, regardez la situation avec lucidité et menez votre politique contre les flux migratoires en usant d'un langage de vérité et de transparence.

Pourriez-vous nous indiquer comment vous analysez ces chiffres et de quelle manière vous entendez répondre à la préoccupation des Français et de tous ceux qui viennent vivre sur notre sol ? Les droits et les devoirs de chacun doivent être respectés par tous sur le territoire de la nation française. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le député, le premier devoir, en politique, est la lucidité. Que la délinquance trouve un terreau favorable chez les plus faibles et chez ceux qui sont en situation de précarité, confrontés à des problèmes d'emploi ou de logement, c'est vrai. Que cette réalité traduise un échec de l'intégration dans un certain nombre de cas, c'est vrai aussi. Que l'immigration clandestine aggrave la situation de la délinquance dans notre pays, c'est une évidence : les filières criminelles qui exploitent la personne humaine, fragilisent l'insertion des émigrés en situation régulière.

Vous l'avez dit : l'échec des politiques menées depuis trente ans dans notre pays doit non seulement nous inciter à l'humilité, mais surtout nous pousser à faire mieux. C'est pourquoi, face à ces difficultés, nous voulons faire preuve de courage et de détermination.

Pour ma part, j'entends affirmer l'autorité de l'État sur tout le territoire en luttant contre la délinquance - c'est ma priorité - et en augmentant, en 2004, le nombre des reconduites à la frontière d'immigrés en situation irrégulière.

Mais je veux aller plus loin. C'est tout le sens des six chantiers que j'ai voulu ouvrir. L'un d'eux est consacré au démantèlement des grands réseaux de drogue. Un autre porte sur l'égalité des chances. C'est un chantier pilote par lequel le ministère de l'intérieur entend donner l'exemple dans la République.

Enfin, il faut s'attaquer aux racines du problème. C'est tout le sens du projet de loi sur la prévention de la délinquance. Nous tirerons les enseignements des politiques pilotes engagées dans vingt-quatre quartiers, afin de mettre en valeur les dispositifs les plus vertueux. C'est également ce à quoi tend le projet de loi de cohésion sociale que vous présentera Jean-Louis Borloo.

Vous l'avez dit : la République offre des droits, mais elle impose aussi des devoirs. Il nous appartient de les faire respecter. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)


DATE DES ÉLECTIONS MUNICIPALES

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour le groupe socialiste.

M. Bruno Le Roux. Monsieur le Premier ministre, le week-end dernier, à Châtelaillon-Plage, vous avez annoncé le report des prochaines élections municipales de six à douze mois après l'échéance normale. Cette annonce, faite lors de l'inauguration d'un marché, est profondément désinvolte et choquante. Pourquoi prendre une décision aussi importante dans la précipitation, sans consulter ni les formations politiques, excepté peut-être l'UMP, ni les associations d'élus, ni même, semble-t-il, votre ministre de l'intérieur, qui avait lui-même laissé entendre que ce scrutin serait avancé à décembre 2006 ?

Vous remettriez-vous à la petite cuisine électorale partisane que vous aviez initiée avec la réforme des modes de scrutin des élections régionales et européennes ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) En l'espèce, vous devriez être prudent, car vous êtes déjà passé en force en utilisant l'article 49-3 de la Constitution, et cela ne vous a pas réussi. Sur ces questions, il convient, au contraire, de lever toute ambiguïté et d'assurer une véritable transparence. À cet égard, trois principes devraient vous guider.

Tout d'abord, le principe de transparence. Bien entendu, le calendrier électoral de 2007 doit être clarifié pour que les Français puissent se prononcer sereinement, mais auparavant, il nous faut savoir quelles sont les différentes possibilités juridiques. Avez-vous reçu, monsieur le Premier ministre, une note du Conseil d'État ou un avis du Conseil constitutionnel et, dans ce cas, pouvez-vous nous les fournir ?

Une fois connues ces différentes possibilités, il est nécessaire de prendre l'avis des associations d'élus et des formations politiques, conformément au principe de la consultation républicaine, qui relève de votre responsabilité.

Enfin, il serait absolument inacceptable et très certainement anticonstitutionnel que les sénateurs soient élus en 2007...

M. le président. Monsieur Le Roux, posez votre question, s'il vous plaît.

M. Bruno Le Roux. ...par le collège électoral actuel. Ce serait contraire au principe de représentativité démocratique.

Ma question est simple, monsieur le Premier ministre : quelle sera votre méthode ? Allez-vous, loin de toute précipitation partisane, assurer à ce débat la transparence qu'il mérite ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Mesdames, messieurs les députés, permettez...

M. Bernard Roman. Il ne peut pas répondre : il n'était même pas au courant !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ...que nous sortions de la suspicion pour apporter une vraie réponse à un vrai problème. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Le calendrier électoral de 2007 est intenable. Élections municipales, cantonales, présidentielle, législatives et sénatoriales : il n'est pas possible de bien faire les choses dans les délais,...

M. Alain Néri. Il faut dissoudre !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ...pour des raisons techniques, juridiques et institutionnelles. Il convient en effet d'éviter les mauvais débats et la confusion entre les différentes élections.

Compte tenu de ces difficultés, la modification de la date des élections municipales et cantonales est donc inévitable. On ne peut en effet toucher ni à l'élection du Président de la République ni aux élections législatives, car elles rythment la vie politique. Quant aux élections sénatoriales,...

M. Henri Emmanuelli. C'est la place de Raffarin !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ...il n'est pas possible de les reporter si l'on veut éviter un télescopage avec l'examen de la loi de finances.

Dès lors, deux solutions se présentent. La première, qui consisterait à avancer les élections municipales et cantonales, pourrait avoir des vertus, car cela permettrait d'éviter que le collège électoral pour le renouvellement du Sénat soit le même qu'en 2001 et en 2004, ce qui serait inédit. Mais il n'est pas certain que le Conseil constitutionnel s'accommode d'une telle solution.

M. François Hollande. Saisissons-le !

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. La seconde consiste à reporter ces élections soit à la fin de 2007, soit au début de 2008. C'est ce qu'a indiqué le Premier ministre.

M. François Hollande. Pourquoi ?

M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Notre méthode sera celle du dialogue et de la concertation (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) avec les associations d'élus, les groupes politiques, la commission des lois et les présidences des deux assemblées, pour proposer un nouveau projet de loi et un calendrier. Il y a assez de sujets de polémique dans ce pays pour ne pas en rajouter. Le calendrier électoral n'en est pas un ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

ALCOOL ET SÉCURITÉ ROUTIÈRE

M. le président. La parole est à M. Yves Boisseau, pour le groupe UMP.

M. Yves Boisseau. Monsieur le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer, en faisant de la lutte contre l'insécurité routière l'une de ses priorités, le Gouvernement a obtenu une baisse significative du nombre d'accidents et de tués. Cependant, la situation des jeunes conducteurs de 18 à 24 ans reste préoccupante, car cette tranche d'âge représentait, en 2003, 22 % des victimes de la route, près de la moitié de ces accidents mortels étant liée à une surconsommation d'alcool.

Vous avez d'ores et déjà pris des mesures visant à sensibiliser davantage les responsables des discothèques et des débits de boisson en général. Toutefois, ces efforts ne risquent-ils pas d'être atténués par l'apparition régulière de produits nouveaux vendus à un prix attractif ? Je veux parler des « prémix » et autres « prêts à boire ». Ainsi, une célèbre marque d'apéritifs a lancé récemment un mélange de ce type qui vise clairement les jeunes et sera prochainement facilement accessible dans tous les supermarchés.

Dès lors, monsieur le ministre, comment concilier le respect des activités professionnelles concernées et une politique de santé publique et de sécurité routière volontaire ? Pouvez-vous nous rappeler quelle politique de prévention vous entendez mettre en œuvre pour lutter contre ce fléau à l'approche de la saison estivale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Monsieur Boisseau, lorsque l'on conduit, l'excès d'alcool tue. Les services de la direction de la sécurité routière estiment que, chaque année, plus de 1 600 personnes pourraient avoir la vie sauve si les textes étaient respectés et si les conducteurs évitaient l'abus d'alcool. C'est pourquoi, il y a quelques semaines, j'ai reçu les directeurs de discothèques et d'établissements qui distribuent de l'alcool, pour leur demander de travailler avec nous. J'ai eu en face de moi des professionnels extrêmement responsables, avec lesquels je m'apprête à signer une charte de partenariat comportant des mesures telles que la présence obligatoire, dans ces établissements, d'éthylotests ou la promotion de l'opération « capitaine de soirée » dont le principe est que celui qui conduit ne boit pas. J'espère que cette charte pourra être signée dans les semaines qui viennent de façon que l'été soit plus sûr pour nos jeunes sur les routes.

Par ailleurs, il est vrai, monsieur le député, que les boissons nouvelles, notamment les « prêts à boire », sont source d'accidents si on les consomme de manière excessive. C'est la raison pour laquelle j'ai lancé, cette semaine, une opération « éthylo à un euro », à laquelle les pharmaciens se sont largement associés, puisque, à l'heure actuelle, ils en ont déjà acheté 260 000. Ces éthylotests sont fiables, et je vous invite, mesdames, messieurs les députés, à les utiliser. (Sourires.) Ainsi, nous passerons tous un meilleur été. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je vous rassure, monsieur le ministre, les députés n'ont pas besoin d'éthylotest.

TRAITEMENT DES DÉCHETS MÉNAGERS

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani, pour le groupe UMP.

M. Thierry Mariani. Monsieur le ministre de l'écologie et du développement durable, le développement de la société de consommation s'est accompagné d'une croissance alarmante de nos déchets ménagers, au point que notre pays devra très vite faire face à une pénurie d'installations de traitement. En novembre 2003, un rapport parlementaire sur la gestion des déchets ménagers tirait d'ailleurs la sonnette d'alarme, en précisant : « La fermeture récente d'une trentaine d'incinérateurs combinée à l'accroissement continu de la production de déchets rend plus aigu le problème de leur stockage et de leur traitement. La France dispose de moins d'une dizaine d'années pour moderniser ses installations. » Si l'on ajoute à ce constat la suppression, d'ailleurs justifiée, de nombreuses décharges illégales ou obsolètes et l'insuffisance du recyclage et de la réduction à la source, chacun comprendra que des mesures urgentes doivent être prises. Dans son rapport, notre collègue Émile Blessig estimait qu'il était urgent de développer des installations de proximité respectueuses de la santé et de l'environnement, en précisant que, actuellement, les installations de stockage et de traitement sont sûres et ne polluent pas. Elles associent le tri, le recyclage et la valorisation énergétique.

C'est le cas du projet de centre de tri de déchets ménagers et assimilés non dangereux qui est à l'étude sur la commune de Valréas. Ce projet de proximité permettra une valorisation énergétique des déchets en toute sécurité, l'électricité produite grâce à la méthanisation étant réinjectée dans le réseau EDF. En outre, ce projet associe une plateforme de tri des déchets en amont, afin d'amplifier le recyclage. Les installations de ce type sont, hélas ! en nombre insuffisant, alors qu'elles contribuent à la protection de notre environnement. L'une des principales difficultés, nous le savons, réside dans la réticence des populations, à cause d'opposants virulents qui se complaisent à manipuler les peurs.

Ma question est simple, monsieur le ministre. Qu'envisagez-vous pour réduire la production des déchets à la source et quelle est votre position sur le développement d'installations de traitement modernes et non polluantes telles que celle qui est envisagée sur la commune de Valréas ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'écologie et du développement durable.

M. Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le député, la question des déchets est très vaste et recouvre deux problèmes.

Tout d'abord, leur volume ne cesse d'augmenter. Il nous faut le diminuer. J'ai décidé, à cet effet, de lancer deux actions concrètes. La première, qui associe les grands distributeurs, consiste à limiter le suremballage et la distribution des sacs en caisse. La seconde consiste à offrir un autocollant « Stop pub » aux personnes qui ne souhaitent pas recevoir de prospectus dans leur boîte aux lettres.

Le second problème est celui de la valorisation et du traitement des déchets. Je partage votre préoccupation devant la pénurie annoncée d'installations de traitement. Il faut, à cet égard, être pragmatique et refuser tout dogmatisme : les solutions doivent être prises en fonction des situations locales. Il convient, tout d'abord, de trier et de recycler. Ensuite, plusieurs solutions sont possibles : la mise en compost des déchets qui peuvent l'être, l'incinération avec récupération de l'énergie ou la mise en centres d'enfouissement technique en récupérant les gaz produits.

Le projet situé sur le territoire de votre commune, Valréas, répond au niveau d'exigence environnementale, ce dont je me félicite. Il a d'ailleurs passé avec succès les différentes étapes d'instruction, dont l'enquête publique et le passage en commission départementale d'hygiène. Les prescriptions techniques proposées par les services de l'État permettront d'atteindre un très haut niveau de qualité sanitaire et environnementale. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

INCITATION À L'ACHAT
DE VÉHICULES PEU POLLUANTS

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche, pour le groupe socialiste.

M. Christophe Caresche. Monsieur le ministre de l'écologie et du développement durable, le plan santé-environnement, annoncé la semaine dernière par le Premier ministre lui-même, comprenait une mesure qui a été présentée comme sa mesure phare : l'instauration d'un système bonus-malus, afin d'inciter les Français à acheter des voitures moins polluantes. L'idée était de taxer à l'achat les véhicules qui ne sont pas équipés pour lutter contre l'émission de gaz carboniques et de particules diesel.

Une semaine après cette annonce spectaculaire, il ne reste plus rien ou presque de ce projet. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous avez, en effet, été immédiatement désavoué, monsieur le ministre, par M. Accoyer, président du groupe UMP, qui s'est fait l'ardent défenseur des intérêts de l'industrie automobile, et par votre collègue, M. Devedjian, ministre de l'industrie, qui a considéré que cette mesure était « un peu embêtante ».

Vous venez de faire l'expérience, non seulement de la solidarité qui règne à l'intérieur de la majorité (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), mais aussi de la difficulté de porter une politique écologique au sein d'un gouvernement qui y est fondamentalement hostile. (Mêmes mouvements.) Un mois après le vote de la Charte de l'environnement par l'Assemblée nationale et une semaine après son adoption par le Sénat, cette première volte-face montre bien que l'adoption de ce texte par la majorité parlementaire n'est qu'un unanimisme de façade, un pur affichage.

Face à l'opposition de vos amis, monsieur le ministre, vous avez été contraint de reculer.

M. le président. Monsieur Caresche, posez votre question, s'il vous plaît.

M. Christophe Caresche. Vous avez annoncé le report de l'application de ce dispositif en déclarant qu'il serait soumis au Parlement avant la fin 2004. Ma question est simple : pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, si vous avez, pour cela, l'appui du Premier ministre et de votre majorité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'écologie et du développement durable.

M. Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le député, vous parlez de recul. Il est vrai que sous les gouvernements socialistes, il n'a pu y avoir de recul en matière d'environnement, car il n'y a pas eu d'avancées. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

La lutte contre la pollution de l'air et le réchauffement climatique est un enjeu majeur du XXIsiècle et le secteur des transports est l'un de ceux dont les émissions de gaz à effet de serre croissent le plus : plus de 21 % depuis 1990.

M. Henri Emmanuelli. Répondez à la question !

M. le ministre de l'écologie et du développement durable. Et la tendance est à une hausse constante. Il faut donc prendre des mesures significatives dans le cadre du plan climat. C'est un enjeu écologique majeur.


De nombreux pays européens se sont dotés de dispositifs d'incitation fiscale à l'achat des véhicules ou sur la durée de vie, en fonction de leur consommation d'énergie. La France se doit de réfléchir, elle aussi, à un tel dispositif. Le principe de bonus-malus, qui constitue l'une des pistes de réflexion, consiste à moduler le prix de vente des véhicules en fonction de leur impact écologique...

M. Henri Emmanuelli. On n'est pas à l'école ! Répondez plutôt à la question qui a été posée !

M. le ministre de l'écologie et du développement durable. ...en offrant une prime à l'achat des véhicules les moins polluants, ladite prime étant financée par une contribution des véhicules les plus polluants. Il s'agit en fait d'un principe de péréquation, sur lequel j'ai engagé, sans préjugés, la concertation. Au niveau national, nous mènerons avec le Parlement une large réflexion à ce sujet. Au niveau européen, j'en ai discuté hier encore avec mes homologues européens, et des échanges auront lieu avec la commission européenne dans les prochains jours.

M. Maxime Gremetz. Et les poids lourds, pourquoi n'en parle-t-on jamais ?

M. Henri Emmanuelli. Chacun aura noté que personne n'applaudit !

PRÉCAUTIONS FACE À LA CANICULE

M. le président. La parole est à M. Claude Goasguen, pour le groupe UMP.

M. Claude Goasguen. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué aux personnes âgées. Monsieur le ministre, bon nombre de Français qui nous regardent en ce moment dans les maisons de retraite, dans les hôpitaux, ou à leur domicile, ont besoin d'être rassurés. Ils s'inquiètent de l'arrivée de la canicule et de ses premières manifestations dans le Midi de la France (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Plusieurs députés du groupe socialiste. Vous n'avez rien fait !

M. Claude Goasguen. Ils vous demandent de les rassurer, non pas en leur exposant des plans et des résultats administratifs, mais en leur indiquant les mesures prises depuis l'an dernier. Selon un journal du matin, un certain nombre d'hôpitaux parisiens ne seraient pas encore équipés des dispositifs de précaution pourtant prévus depuis l'an dernier, ce qui peut susciter une inquiétude légitime.

M. Marcel Dehoux. Le ministre a dit de mettre les personnes âgées dans le métro et dans les caves !

M. Claude Goasguen. Par conséquent, pourriez-vous nous dire ce qu'il en est vraiment des mesures de précaution prises dans les maisons de retraite, les hôpitaux et les cliniques, afin de rassurer les Français - notamment les Parisiens - (« Et les autres ? » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) sur ce point. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux personnes âgées.

M. Hubert Falco, ministre délégué aux personnes âgées. Monsieur le député, la mise en place du plan canicule s'accélère. Au début de l'année, 12 % des maisons de retraite publiques et 25 % des maisons de retraite privées étaient équipées d'une pièce rafraîchie. Aujourd'hui, sur l'ensemble du pays, 65 % des établissements en sont dotés.

À Paris - puisque vous m'avez posé une question précise, monsieur le député, j'y répondrai précisément - (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.), 90 % des maisons de retraite sont équipées d'une pièce rafraîchie, ainsi que 93 % des hôpitaux de l'Assistance publique, et 65 % des hôpitaux et cliniques. D'autre part, nous avons pris des dispositions pour que 92 % des lits d'hôpitaux restent ouverts au mois de juillet et au mois d'août, contre 70 % l'été dernier.

M. Henri Emmanuelli. Et les caves ?

M. le ministre délégué aux personnes âgées. Avec Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste), nous avons pris des dispositions visant à permettre aux maisons de retraite d'embaucher des personnels temporaires durant l'été. À cet effet, nous avons débloqué 26 millions d'euros (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mes chers collègues, je vous suggère un peu de modestie devant un problème aussi grave. Croyez-moi, vous n'avez vraiment pas de leçons à nous donner (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Nous avons pris toutes les dispositions pour prévenir la canicule, et nous mobiliser contre ses effets. Nous avons mis en place un plan de veille et d'alerte d'urgence qui n'existait pas, ainsi qu'un plan bleu pour les maisons de retraite, actionné au niveau 3 en région PACA dès mardi.

M. Henri Emmanuelli. Et l'argent ?

M. le ministre délégué aux personnes âgées. Comme vous le voyez, nous sommes prêts à affronter de façon responsable une nouvelle canicule, notre souhait à tous étant de faire en sorte que l'été 2004 ne ressemble pas à l'été 2003.

Quant à l'argent, monsieur le député, sachez que les efforts financiers auxquels nous avons consenti sont sans commune mesure avec ceux de nos prédécesseurs. Alors, de grâce, faites preuve d'un peu d'humilité (Protestations sur les bancs du groupe socialiste - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Michel Delebarre. Rafraîchissez-le !

mesures en faveur de l'adolescence

M. le président. La parole est à M. Bruno Gilles, pour le groupe UMP.

M. Bruno Gilles. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme la ministre de la famille et de l'enfance.

Madame la ministre, l'adolescence a été la grande oubliée de la politique familiale. L'adolescence, âge de toutes les espérances, a été trop souvent délaissée par les pouvoirs publics. Les problèmes, et parfois les souffrances auxquels les adolescents sont confrontés, ont été mal appréhendés.

Aujourd'hui, l'adolescence commence plus tôt et dure plus longtemps. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste.) Cette longue période impose aux adultes d'aider les jeunes, tant dans l'apprentissage de leurs responsabilités que pour faire vivre leurs ambitions. Votre prédécesseur avait créé trois groupes de travail afin d'engager une véritable réflexion associant l'ensemble des acteurs de la politique familiale, et de proposer des réponses concrètes aux attentes des adolescents et de leur entourage. Sur la base de ces contributions, les orientations d'une véritable politique en faveur de l'adolescence ont été arrêtées ce matin lors de la conférence de la famille.

Pouvez-vous, madame la ministre, informer la représentation nationale de ces nouvelles perspectives, des résultats attendus, et des décisions que vous allez prendre ? (« Allô ! » sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la famille et de l'enfance.

Mme Marie-Josée Roig, ministre de la famille et de l'enfance. Monsieur le député, oui le choix du thème de l'adolescence pour la conférence de la famille 2004 répond aux besoins que vous avez exprimés.

La durée de l'adolescence s'est effectivement allongée, et c'est la période de toutes les utopies, tous les élans, tous les excès, tous les dangers, donc une période sur laquelle il faut se pencher (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Trois axes ont été définis à partir des groupes de travail. Nous souhaitons que les adolescents puissent s'engager dans la vie associative, comme le code civil le leur permet. Nous souhaitons également solenniser le passage à la majorité civique, en instaurant le rite républicain de la remise solennelle de leur carte d'électeur.

Plusieurs députés du groupe socialiste. La confirmation !

Mme la ministre de la famille et de l'enfance. Nous allons également adapter le passeport de l'engagement, afin de valoriser les initiatives des adolescents prises en dehors de l'école.

Enfin, nous allons faciliter leur approche du travail en favorisant le choix des jobs de vacances, afin que ceux-ci soient adaptés à leur personnalité, et défiscaliser les revenus de ce travail.

En ce qui concerne la santé des adolescents, il nous a paru nécessaire d'instaurer une rencontre médicale en classe de cinquième, afin que soient décelées les petites fissures, susceptibles de devenir de grandes failles au fil des années. Cet examen, gratuit, sera confié à des généralistes formés aux problèmes spécifiques de l'adolescence.

En accord avec Philippe Douste-Blazy (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et en concertation avec les collectivités locales, nous allons créer des maisons de l'adolescent, lieux d'accueil et d'écoute destinés à détecter les situations déviantes et à préserver nos adolescents, afin de leur permettre de parvenir à l'âge adulte dans les meilleures conditions (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

LOGEMENT OUTRE-MER

M. le président. La parole est à Mme Huguette Bello, députée non-inscrite.

Mme Huguette Bello. Ma question s'adresse au ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Monsieur le ministre, la crise du logement est générale : aucune partie du territoire nationale n'est épargnée. À deux jours des assises nationales du logement, qui vont se tenir au Palais des Congrès, je souhaite attirer votre attention sur la situation de l'outre-mer, où l'accès au logement, constamment problématique, rencontre aujourd'hui des difficultés particulièrement graves.

Les retards accumulés, qui s'ajoutent aux contraintes nouvelles, font du logement le problème numéro un de ces territoires, ex aequo avec l'emploi. Le récent rapport présenté par Marie-Claude Tjibaou, adopté par le conseil économique et social, confirme ce diagnostic. Alors que l'on compte 100 000 demandes de logement, seuls 10 000 sont financées chaque année, dont la moitié pour des logements locatifs sociaux.

À La Réunion, malgré les efforts de l'État et des collectivités, et les résultats obtenus, le déséquilibre du marché du logement ne cesse de s'accentuer. Le surpeuplement, dont on connaît l'incidence sur les problèmes familiaux et sociaux, concerne plus d'un ménage sur cinq. La recrudescence des constructions informelles, en réaction aux demandes de logements sociaux qui restent de longues années sans aboutir, constitue un autre signe révélateur.

Dans le même temps, les crédits affectés au logement, déjà insuffisants, ne sont pas épuisés. C'est là un paradoxe bien connu, imputable principalement à l'augmentation continue du prix des terrains, ainsi qu'à la complexité des procédures et des financements. Tous les acteurs concernés reconnaissent que la chaîne de production des logements est aujourd'hui en panne, et qu'une réforme est nécessaire. Elle est d'autant plus urgente que la croissance du nombre des ménages entraînera inévitablement une augmentation des besoins en logements pendant les vingt prochaines années, ce qui nécessitera de construire 9 000 logements par an, dont deux tiers de logements sociaux.

Avec l'emploi, qui au mépris de tout réalisme vient de subir une annulation budgétaire de 12 millions d'euros, le logement est dans les territoires d'outre-mer l'autre facteur de la cohésion sociale.

M. le président. Madame, pouvez-vous poser votre question, s'il vous plaît ?

Mme Huguette Bello. C'est pourquoi je souhaiterais savoir s'il est prévu un volet spécifique pour l'outre-mer dans le cadre du plan de cohésion sociale qui sera présenté demain, et dans la future loi intitulée « Habitat pour tous » (Applaudissement sur divers bancs.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État au logement.

M. Marc-Philippe Daubresse, secrétaire d'État au logement. Madame la députée, vous avez présenté un diagnostic alarmiste sur la situation du logement, particulièrement en outre-mer.

C'est un diagnostic que nous partageons, et nous avons bien l'intention d'apporter des réponses précises à la crise du logement que traverse l'ensemble du territoire, et qui est exacerbée dans les territoires les plus en difficulté, comme celui que vous représentez. C'est la raison pour laquelle Jean-Louis Borloo présentera demain, avec les cinq ministres qui l'entourent, et sous l'autorité du Premier ministre, un plan de cohésion sociale visant à mobiliser tous les moyens et à actionner tous les leviers en vue de réduire la fracture sociale, sur une période de temps limitée, avec des moyens exceptionnels, et dans trois domaines en particulier : l'emploi, le logement et l'égalité des chances.

Mais, comme vous le savez, l'outre-mer présente une spécificité budgétaire, puisque le logement y relève de la ligne budgétaire unique, ce qui suppose des réponses adaptées pour l'outre-mer.

Pour autant, la boîte à outils du plan de cohésion sociale, qu'il s'agisse du domaine foncier, du prix des terrains, de la mobilisation du parc privé, ou de la méthode nouvelle qui représente une rupture dans le domaine de la production de logements sociaux - que nous voulons fortement augmenter sur une période de cinq ans - pourra s'appliquer à l'outre-mer. Je suis donc ouvert aux propositions que vous nous ferez dans le cadre des assises nationales du logement, et disposé à les étudier avec Mme Girardin, en tenant compte de votre spécificité budgétaire (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.


Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

    2

SERVICE PUBLIC DE L'ÉLECTRICITÉ ET DU GAZ

Explications de vote et vote sur l'ensemble d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi relatif au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières.

La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, monsieur le ministre délégué à l'industrie, mes chers collègues, je m'exprimerai également au nom de notre rapporteur, qui, malheureusement, est empêché aujourd'hui.

Il a été décidé en mars 2002, au sommet de Barcelone, avec l'accord de Lionel Jospin, alors Premier ministre, d'ouvrir à la concurrence le marché européen de l'énergie dès le 1er juillet 2004, c'est-à-dire demain. Il était donc indispensable de prendre les décisions nécessaires pour adapter à ce nouveau contexte nos entreprises nationales, EDF et GDF.

Puisque la majorité d'hier - opposition d'aujourd'hui - n'a rien fait pour tirer les conséquences de son choix à Barcelone, il revenait à notre gouvernement de le faire, et il le fait avec le soutien de sa majorité.

Comment affronter la concurrence en Europe sans cette nécessaire adaptation ? Je voudrais, à cet égard, clarifier le débat.

Oui, la majorité est attachée, autant que vous, mesdames et messieurs de l'opposition, à la réussite d'EDF et de GDF.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Sûrement pas !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Nous sommes attachés autant que vous à l'exercice de leurs missions de service public.

Mme Martine David. Ce n'est pas vrai !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Nous sommes attachés autant que vous au respect des engagements pris vis-à-vis des agents, aussi bien des actifs que des inactifs, aussi bien quant au statut que quant aux retraites.

Mme Martine David. Ce n'est pas vrai !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je tiens à le dire solennellement, personne dans notre majorité ne veut porter atteinte à EDF et à GDF, entreprises nationales qui sont des fleurons de notre industrie...

M. Pierre Ducout. Vous peut-être pas, mais beaucoup d'autres si !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. ...et au service desquelles s'engagent quotidiennement des agents dévoués et compétents.

M. Pierre Ducout. Alors laissez-leur leur statut d'EPIC !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. EDF et GDF sont aujourd'hui des EPIC. Mais ces entreprises qui ne peuvent plus, dans le marché ouvert à la concurrence européenne, bénéficier de la garantie illimitée de l'État, ne peuvent plus rester des EPIC. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Elles deviendront donc, tel que le ministre l'a prévu, des sociétés anonymes à capital d'État, à hauteur de 70 %. Je suis heureux que notre assemblée ait voté l'amendement le prévoyant, que j'ai signé avec notre excellent rapporteur Jean-Claude Lenoir. Et je vous remercie, monsieur Sarkozy, d'avoir accepté cet amendement.

M. Pierre Ducout. Nous voulons en rester à 100 % !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. EDF et GDF ont aussi besoin de capitaux pour se moderniser face à la compétition européenne. Oui, de capitaux !

Depuis vingt-deux ans, mes chers collègues, aucun gouvernement n'a apporté de soutien financier à EDF, propriété de l'État.

De plus, sur proposition de Jean-Pierre Raffarin et de Nicolas Sarkozy, notre majorité a fait un choix essentiel, celui de la pérennité du nucléaire, celui de l'EPR. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Je suis heureux qu'enfin ce choix ait été arrêté alors que vous, mesdames et messieurs de l'opposition, vous avez tergiversé pendant cinq ans.

M. Pierre Ducout. Ce n'est pas vrai !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Vous saviez pourtant qu'il devenait nécessaire de préparer le renouvellement de nos cinquante-huit réacteurs de l'actuelle génération. Rappelons-le, il faut plus de quinze ans pour assurer le déploiement industriel de l'EPR. Merci donc au Gouvernement.

Oui, EDF sera l'instrument de ce vaste projet industriel reposant sur l'EPR. C'est pour cela qu'EDF a besoin de capitaux frais. Et c'est donc pour cela que 30 % du capital pourront être ouverts, lorsque cela sera nécessaire, à d'autres investisseurs que l'État.

M. Pierre Ducout. Il faut en rester à 100 % de capitaux public !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C'est aussi pour cela, à cause de ce projet industriel nucléaire, de cette spécificité, que nous n'avons pas l'intention de privatiser EDF et GDF. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Pierre Ducout. Vous ouvrez la voie à la privatisation !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je le répète à l'opposition qui, pendant quinze jours, a fait semblant de ne pas le comprendre : qu'EDF soit un établissement public ou une société anonyme détenue à 70 % par l'État, pour privatiser, il faudra de toute façon revenir devant le Parlement et voter une nouvelle loi. Alors, cessez d'agiter les fantasmes de la privatisation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Je vous demande aussi d'arrêtez d'entretenir les inquiétudes des agents d'EDF et de GDF. Arrêtez de vous servir de leurs légitimes interrogations au profit de vos intérêts politiques. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Pierre Ducout. Ce sont vos intérêts politiques !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Faisant cela, vous ne rendez service ni à EDF-GDF ni à la France !

Faisant cela, je le dis solennellement car j'ai été choqué par ce qui s'est passé, vous créez les conditions qui ont conduit à des actes absolument inacceptables d'une infime minorité d'agents des entreprises...

M. Pierre Ducout. Les irresponsables, c'est vous !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. ... qui entendent empêcher le débat démocratique notamment en prenant les usagers en otage, ce que nous ne saurions accepter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Je note d'ailleurs que des organisations syndicales, y compris l'organisation majoritaire, ont fait preuve, en condamnant ces actes, qui constituent de véritables sabotages, de davantage de sens des responsabilités que certains membres de l'opposition.

M. Pierre Ducout. Démagogie !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Dans cette réforme européenne, nous ne touchons ni au statut du personnel ni à la retraite puisque nous garantissons leur financement avec la création de la caisse nationale de retraite des industries électriques et gazières.

En définitive, c'est d'abord aux personnels que nous avons pensé dans ce projet.

M. Pierre Ducout. C'est faux !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Là encore, vous avez donc tort, mesdames et messieurs de l'opposition, d'utiliser des contrevérités pour attiser les inquiétudes de celles et ceux qui ont le souci naturel de voir leur situation préservée.

Enfin, je suis heureux, monsieur le ministre d'État, que vous ayez accepté l'amendement que nous avons déposé avec M. Jean-Claude Lenoir et qui permet la participation des agents à hauteur de 15 % du capital. Le gaulliste que je suis se réjouit de voir cette idée de la participation se trouver renforcée au niveau de ces entreprises qui sont, effectivement, des symboles de la réussite industrielle de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Je remercie la majorité, qui a fait son travail tout au long du débat. Monsieur le ministre d'État, monsieur Devedjian, je remercie également le Gouvernement pour son esprit d'ouverture dans ce débat. Je le remercie d'avoir fait preuve de pragmatisme et de courage. Je le remercie d'avoir permis à l'Assemblée de voter ces réformes vitales pour EDF et GDF, pour le service public et pour la nation.

Je vous invite à présent, mesdames et messieurs, à voter ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Mesdames et messieurs les députés, le Gouvernement, par la voix de Patrick Devedjian et par la mienne, veut remercier les parlementaires de l'opposition comme de la majorité qui ont tous, à leur manière, manifester leur attachement et leur intérêt pour ces deux grandes entreprises que sont EDF et Gaz de France.

Il vous remercie également, monsieur le président, d'avoir présidé de nombreuses séances et notamment celle de la dernière nuit du débat.

Deux mots simplement, devant le Premier ministre. Cette réforme est importante parce qu'elle démontre qu'on peut moderniser le service public dans notre pays. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Ce n'était pas joué, ce n'était pas évident. C'était une interrogation . On peut porter le jugement qu'on veut sur la réforme. Mais il était important de démontrer que le service public n'est pas condamné à l'immobilisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Comment imaginer que le statut de 1946 permettrait d'affronter les défis de 2004 ?

M. Pierre Cohen. Cela marchait très bien jusqu'à présent !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Cette réforme, de nature industrielle, va donner les moyens à ces deux grandes entreprises, EDF et Gaz de France, de devenir des champions européens en ayant les moyens financiers et juridiques de leur développement.

M. Jean-Marc Ayrault. Elles n'en avaient pas besoin !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il y aura désormais trois dates fondamentales  : 1946, année fondatrice, le début des années 70, où se fit le choix du nucléaire, et 2 004 avec ce nouveau statut qui permettra d'affronter la concurrence. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Et cette dernière étape est très importante.

Mesdames et messieurs les députés de la majorité, vous aurez été au rendez-vous. C'était le droit de l'opposition de ne pas y être.

M. Pierre Goldberg. C'était son honneur !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Par ailleurs, cette réforme permet à la France d'honorer la parole du Premier ministre, Lionel Jospin, et du Président de la République, Jacques Chirac, à Barcelone. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Des engagements avaient été pris par Lionel Jospin et par le Président de la République : grâce à vous, ils sont tenus. Rappeler que Lionel Jospin avait pris des engagements ne peut pas être considéré comme une critique.

M. Pierre Ducout. Ce n'est pas ça le problème !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Enfin, cette réforme illustre notre volonté de dialogue social. Celle-ci ne s'est jamais démentie tout au long de ces trois derniers mois, y compris aux moments les plus tendus.

Qu'on fasse la comparaison avec d'autres périodes qu'a connues notre pays. Remettons les autres crises sociales en perspective. Certes, il y a eu des incidents, il y a eu des incompréhensions. Et nous sommes allés à la rencontre des électriciens et des gaziers sur le terrain.

M. Maxime Gremetz. La belle affaire !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il y a eu aussi des manifestations. Mais, et j'y insiste, les organisations syndicales d'EDF et de Gaz de France, dans leur immense majorité, ont fait preuve d'un sens de la responsabilité dont il ne serait pas honnête de ne pas leur donner crédit.

M. Pierre Ducout. Dans leur immense majorité, les agents sont surtout contre le changement de statut !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Ce n'était facile pour personne et chacun était poussé à adopter une réaction idéologique.

M. Maxime Gremetz. Ne parlez donc pas au passé, ce n'est pas terminé !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. La majorité ne l'a pas voulu. Les organisations syndicales n'ont plus. Je regrette que l'opposition, seule, ait eu par moments ce comportement idéologique. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Cela ne me donne, monsieur le président de la commission, que plus de force pour dénoncer les incidents inacceptables qui se sont produits.

M. Pierre Ducout. C'est le résultat de vos provocations !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Des plaintes ont été déposées, des sanctions ont été prises car il n'est pas de tradition, à EDF ou à Gaz de France, que des agents démolissent les installations dont ils ont la garde. Ne faisons pas d'amalgame mais n'ayons aucune indulgence pour ce qui est inacceptable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Cette réforme, on en parlait depuis des années : grâce à vous, elle est faite ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)


Explications de vote

M. le président. Nous en venons aux explications de vote sur l'ensemble du texte. Conformément à l'article 54, alinéa 3, de notre règlement, je donnerai la parole à un orateur par groupe.

La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Jean Dionis du Séjour. Avec ce texte, Électricité de France et Gaz de France rompent avec le modèle économique de la reconstruction et du développement industriel et social de notre pays, malgré les chocs pétroliers. Ils tournent ainsi une page brillante de leur histoire.

M. Pierre Ducout. Cela va changer !

M. Jean Dionis du Séjour. Le groupe UDF comprend l'émotion que suscite cette réforme au sein de la communauté des employés d'EDF et de GDF.

Tout au long du débat, notre groupe a fait entendre une parole libre.

Une parole libre lorsque nous avons plaidé pour un nouveau développement des services publics, notamment dans les territoires ruraux. Le groupe UDF se félicite de l'adoption de l'un de ses amendements qui renforce les missions de service public en leur adjoignant le conseil, l'accueil, la gestion clientèle des consommateurs sur l'ensemble du territoire. Cet amendement répond à une très forte attente des populations rurales, qui craignaient la fermeture progressive des agences locales EDF et GDF.

En revanche, le groupe UDF n'a pas été entendu lorsqu'il a proposé de transposer la notion de service universel de l'électricité, comme le prévoyait la directive européenne. Cela aurait pourtant permis de donner des droits nouveaux aux 2,3 millions de clients éligibles, qui seront pour l'essentiel nos artisans et nos commerçants.

Nous avons tous manqué d'audace en refusant d'inscrire dans la loi, comme nous y invitait la directive européenne, que le marché de l'énergie doit être fondé sur un secteur concurrentiel et régulé, un service public recevant contractuellement de l'État des missions sociales, d'aménagement du territoire et d'innovation en matière d'énergies renouvelables, et un service universel qui garantit les droits des consommateurs d'électricité.

Une parole libre en approuvant l'intégration dans les mêmes groupes des activités de production, de transport, de distribution et de vente. Nous vous approuvons également, monsieur le ministre, lorsque vous réservez la délicate question de la fusion EDF-GDF, à laquelle je suis a priori favorable.

Une parole libre, enfin, en nous opposant au statu quo prévu par le projet de loi. Nous pensons en effet que ce n'est pas une solution d'avenir. Le Gouvernement ne touche pas au régime spécial de protection sociale des personnels d'EDF et GDF. Le groupe UDF n'approuve pas ce choix, qui ne respecte pas le principe d'égalité entre tous les Français, principe qui pourtant a inspiré la réforme des retraites de M. Fillon.

La position de notre groupe est cohérente. Oui à la parole donnée, au respect des droits acquis pour les personnels en activité avant la loi, non au maintien du régime spécial, qui est parmi les plus avantageux et coûteux de France, pour le personnel embauché après la loi. Votre choix du statu quo va pénaliser EDF, dont la situation financière est sensible et dont la dette s'élève à 29 milliards d'euros. Avec un régime spécial qui pèse 6 % de son chiffre d'affaires, EDF sera pénalisée lorsqu'elle devra financer les emplois nécessaires à son développement.

Enfin, il y a tout lieu de craindre que la dette sociale et managériale d'EDF soit payée in fine par les clients, à travers une hausse des prix de l'électricité. Ne pas réformer le régime spécial est donc, à notre avis, socialement inéquitable et économiquement contre-productif.

Au nom de cette même liberté de parole, nous sommes clairement favorables à l'ouverture du capital de ces deux sociétés. Nous soutiendrons donc votre projet de loi, car cette ouverture en est le cœur.

Pourquoi changer une formule qui a gagné ? Voilà la question que se posent les personnels d'EDF-GDF, et avec eux un certain nombre de nos concitoyens. C'est tout simplement parce que le monde change. L'ouverture à la concurrence est un long processus, engagé depuis plus de dix ans. Nous ne savons pas qui a raison, de Mme Palacio ou de M. Monti, et nous ne nous en soucions guère. Mais quel que soit l'avis de la Commission, ce qui est sûr, c'est que les concurrents d'EDF ne tarderaient pas à saisir la Cour de justice européenne si l'entreprise conservait son statut d'EPIC et la garantie statutaire de l'État.

C'est la première des raisons pour lesquelles nous soutenons ce projet de loi, mais ce n'est pas la principale. EDF est confrontée au renouvellement de son parc de centrales nucléaires par la génération EPR. Mais elle doit surtout, à court terme, consolider son développement européen à travers des participations au capital d'autres électriciens européens. L'entreprise évalue elle-même ses besoins de financement à 15 milliards d'euros.

Gaz de France, en adoptant une stratégie industrielle forte, s'est fixé deux objectifs : conquérir des parts de marché en Europe et gagner quatre millions de clients nouveaux en France dans les quatre prochaines années. Ses besoins de financement sont de 16 milliards d'euros.

Ces chiffres éclairent le débat : statu quo ou développement industriel ? Nous choisissons tous la seconde réponse, mais qui va payer ? Ce ne sera pas l'État actionnaire, qui n'a pas injecté un centime dans ces entreprises au cours des vingt dernières années ! Nous ne sommes pas non plus convaincus par la démonstration de certains de nos collègues sur la capacité d'autofinancement de ces deux entreprises. Si cette capacité d'autofinancement existait, l'endettement d'EDF n'atteindrait pas un tel niveau ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Pierre Ducout. Cela n'a rien à voir !

M. Jacques Desallangre. Demandez à M. Roussely !

M. Jean Dionis du Séjour. Ce débat nous rappelle sérieusement l'époque où le Gouvernement avait interdit à France Télécom de financer l'acquisition d'Orange par échange d'actions. Le résultat fut un endettement de 70 milliards d'euros, qui a presque mis en faillite France Télécom ! C'est précisément ce que nous ne voulons pas.

Les situations respectives d'EDF et de GDF sont différentes. EDF étant une entreprise productrice, en charge d'un outil stratégique, le nucléaire, elle a légitimement besoin d'une minorité de blocage parmi ses actionnaires. Quant à GDF, c'est avant tout un transporteur et un distributeur. Nous aurions préféré que l'État conserve au moins 50 % du capital de GDF, mais l'heure tardive, monsieur le ministre, ne nous a pas permis vendredi de vous convaincre. J'espère que la sagesse et la courtoisie du Sénat saura le faire.

Je conclus mon propos en disant que, même incomplet, votre projet de loi donne une perspective à ces deux entreprises et leur assure un avenir pour les vingt ans qui viennent. C'est pour cette raison que le groupe UDF votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Daniel Paul. Dans la nuit du 25 au 26 juin 2004, votre majorité a voté l'ouverture à 30 % du capital d'EDF, transformant l'opérateur public en société anonyme.

Vous avez ainsi pris, devant le pays et devant l'Histoire, une lourde responsabilité, celle de détruire un outil national pour le mettre au service des intérêts financiers. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Tout au long de la discussion de votre projet de loi, le groupe des députés communistes et républicains a expliqué pourquoi le statut d'EPIC, mis en place en 1946 par des hommes qui avaient à cœur l'avenir et les intérêts du pays, devait être préservé. Pour nous, en effet, les raisons qui ont motivé les responsables politiques de l'époque sont toujours valables.

Marcel Paul, le 27 mars 1946, à un député l'interrogeant sur les principes qui guidaient la politique du Gouvernement, répondait : « Faire en sorte que les intérêts privés n'aient pas la possibilité de s'opposer aux intérêts du pays ». Ce que Joseph Laniel reprenait à son compte en disant : « L'orientation, l'exploitation, le contrôle de la gestion, la surveillance de l'administration des sociétés étant organisés de haut en bas, il n'existe pas la plus petite possibilité de voir une coalition quelconque d'intérêts privés s'opposer à l'intérêt général ».

Qui oserait dire aujourd'hui que ces propos ne sont pas d'actualité ? L'électricité n'est pas un bien comme les autres, elle est indispensable à la vie, à l'activité économique, à l'indépendance de notre pays. Elle doit donc être soustraite aux intérêts marchands et accessible à tous, dans le cadre d'une péréquation nationale.

Ce constat est renforcé par ce que l'on sait aujourd'hui des relations entre politique énergétique, environnement, effet de serre, modifications climatiques, mais il l'est également du fait de la raréfaction connue des sources d'énergies fossiles.

Nos prédécesseurs, il y a soixante ans, ne savaient pas tout cela, et pourtant ils avaient vu juste en nationalisant EDF et GDF et en faisant des Français les véritables propriétaires de ces entreprises. De cela, vous n'avez que faire, et vous choisissez de spolier les Français ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.) Oui, messieurs les ministres, c'est une spoliation et nous demandons que le peuple soit consulté par référendum !

Vous évoquez l'Europe et le traité de Barcelone : ce n'est pas d'aujourd'hui que date notre condamnation du socle libéral d'une construction européenne qui met à mal les services publics dans tous les pays.

M. Bernard Deflesselles. Adressez-vous à M. Jospin !

M. Daniel Paul. L'accord de Barcelone n'a jamais eu notre soutien...

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Et Gayssot ?

M. Daniel Paul. ...et nous demandons la renégociation de tous ces traités qui participent d'une vision ultralibérale et non de 1a recherche d'une construction européenne porteuse d'avenir. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Rien ne vous oblige à ouvrir le capital de ces entreprises, sinon votre vision dogmatique. Nous vous avons demandé de reprendre les négociations en vous appuyant sur ce qu'a déclaré et écrit M. Monti et sur le constat que chacun peut faire de la situation dans les pays qui nous ont précédés dans cette voie.

Ce bilan est connu : de la Californie à l'Italie, de la Grande-Bretagne à l'Espagne, les mêmes causes ont entraîné les mêmes effets. L'introduction d'intérêts privés dans la production d'électricité nourrit les risques : le privé a besoin de rentabilité à court terme, alors que la production d'électricité nécessite des investissements en moyens de production et de transport dont la rentabilité ne se mesure qu'à moyen ou à long terme.

On sait également que les pics de consommation nécessitent des moyens de production intervenant à la demande, « à la pointe ». Leur rentabilité n'étant pas assurée, au sens financier du terme, le risque est grand de connaître des ruptures ou des recours à des moyens de production peu soucieux de l'environnement.

Un autre bilan est connu : EDF et GDF ont contribué de façon décisive à la reconstruction de notre industrie dans les années quarante et cinquante, et à son essor dans les années soixante. Vous mentez en prétendant que la concurrence et l'ouverture du capital vont faire baisser les prix ! Ce sont les responsables des plus grandes entreprises de notre pays, celles qui consomment le plus d'électricité, qui le disent, au vu de ce qui se passe dans les autres pays.

En France, ce sont M. Gallois, président de la SNCF, M. Beffa, président de Saint-Gobain, M. Brun, président de l'Union française de l'électricité ainsi que M. Peyrelevade qui ont tiré la sonnette d'alarme et nous ont alerté sur les conséquences des hausses de prix pour les entreprises. Je vous le répète, monsieur le ministre délégué à l'industrie, on vous a connu plus proche du patronat sur d'autres questions !

Vous prétextez par ailleurs qu'EDF aurait besoin de fonds propres supplémentaires et que seuls les marchés financiers pourraient lui procurer.

M. Jacques Brunhes. Ce qui est faux !

M. Daniel Paul. S'agit-il de permettre à EDF d'aller se fourvoyer une nouvelle fois dans des aventures extérieures ? Vous connaissez notre opposition à ce jeu de monopoly, qui n'est nullement la vocation d'une entreprise publique.

S'il s'agit de faire face aux besoins de notre pays et de nouer des coopérations en Europe ou dans le reste du monde, EDF n'est pas confrontée aux problèmes que vous vous plaisez à décrire, en dépit des ponctions financières auxquelles l'État procède chaque année.

Vous voulez supprimer le principe de spécialité, au risque de permettre à EDF de s'allier avec un gazier et à GDF avec un autre électricien. Vous forcez ainsi à une concurrence fratricide et frontale nos deux entreprises publiques. Nous avons, pour notre part, proposé la fusion d'EDF et de GDF.

M. Jacques Desallangre. C'est très bien !

M. Daniel Paul. Cette fusion, qui pourrait s'appuyer sur les 64 000 agents du service commun de distribution, réglerait le problème de la spécialité et redonnerait toute leur cohérence à ces deux entreprises.

En réalité, nous n'avons trouvé dans votre projet de loi aucun motif de satisfaction, aucun point positif.

Et quand nous avons souhaité améliorer la sécurité dans les centrales nucléaires, qui vous le savez recourent à une sous-traitance qui fait courir des risques inadmissibles aux personnels et aux riverains, vous avez repoussé notre demande ! Autant dire que vous acceptez de couvrir les accidents qui pourraient survenir dans ces centrales. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Comptez sur nous, monsieur le ministre, pour que votre attitude soit connue !

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est un procès d'intention !

M. Daniel Paul. Vous avez également refusé notre amendement visant à empêcher les collectivités locales, qui demain seront actionnaires d'EDF et de GDF, de vendre leurs actions au privé, comme ce fut le cas pour la Compagnie nationale du Rhône.

Vous refusez d'entendre les salariés qui n'acceptent pas de brader une entreprise nationale. Vous refusez d'entendre la majorité des Français qui réprouvent votre projet. (« C'est faux ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous refusez d'écouter les inquiétudes des responsables économiques soucieux de la compétitivité de nos entreprises.

Vous avez annoncé qu'un groupe de travail vous remettrait un rapport en septembre sur les avantages et les inconvénients d'une fusion entre EDF et GDF, et qu'un autre groupe de travail vous rendrait compte dans un an des besoins, avérés ou non, de fonds propres pour EDF. Ce sont pourtant deux études dont les résultats pourraient modifier la donne ! Mais cela ne vous empêche pas de poursuivre dans la voie de la privatisation. Ou c'est une incohérence, ou cela confirme votre volonté de tromper l'opinion.

Vous avez indiqué que l'État conserverait 50 % du capital de l'entreprise, pour ensuite passer à 70 %, puis à 100 %. Dans la nuit de vendredi à samedi, le taux de participation de l'État est redescendu à 70 %. Quoi qu'il en soit, dans quelques mois, le privé entrera donc dans le capital d'EDF et de GDF.

En votant un tel texte, chers collègues de la majorité, vous acceptez le risque de pénaliser nos entreprises ainsi que nos concitoyens avec des hausses du prix de l'électricité et du gaz, et vous acceptez le risque que survienne une rupture dans la continuité des approvisionnements, ce qui entraînerait la paralysie du pays.

M. Jacques Brunhes. Eh oui !

M. Daniel Paul. Vous prenez le risque de voir ces secteurs dominés par les intérêts financiers, car vous n'ignorez pas que la rentabilité des investissements privés sera prioritaire pour l'entreprise avant même qu'ils ne deviennent rapidement majoritaires, et vous acceptez ainsi le risque de la fin de la péréquation tarifaire.

En votant un tel texte, vous acceptez le diktat des marchés financiers, sur le plan national comme sur celui de la construction européenne. On pourrait imaginer que les enjeux énergétiques justifient une Europe de l'énergie fondée sur la coopération et non sur la concurrence, qui ne vise pas la mise en œuvre de politiques nouvelles, mais dont la seule raison d'être est la recherche de nouvelles parts de marché.

En votant un tel texte, vous tournez le dos aux principes de nos prédécesseurs qui, en 1946, avaient vu juste, et vous tournez aussi le dos aux intérêts, actuels et futurs, de notre pays, qui résident dans la préservation de nos outils énergétiques.


Deux dates resteront, monsieur le ministre d'État : 1946 restera comme la date de la création de nos entreprises nationales ; 2004 celle de la casse de ces mêmes entreprises. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.-Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Vous êtes un gouvernement de mission, bien que la majorité parlementaire qui vous soutient soit restée bien silencieuse tout au long de ces débats. Alors que vous êtes minoritaire dans le pays, et que vous le savez,... (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Bernard Deflesselles. Drôle de conception de la démocratie parlementaire !

M. Daniel Paul. ...vous voulez, coûte que coûte, porter les pires coups aux acquis sociaux de notre peuple. Mesdames et messieurs de la majorité, quand les conséquences de votre loi pénaliseront nos entreprises et l'ensemble de notre pays, il faudra assumer vos responsabilités. (« Oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

La bataille n'est pas finie, et le vote de ce soir n'est pas la fin de l'histoire. Vous avez dû donner des gages et faire des concessions : comptez sur nous pour en faire autant de points d'appui. Nous sommes aux côtés des électriciens et des gaziers, de ceux-là mêmes que vous avez délogés ce matin du site de Saint-Ouen avec le renfort des CRS.

Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Vous êtes aux côtés de ceux qui violent la loi ?

M. Claude Goasguen. Lamentable !

M. Daniel Paul. Nous sommes aux côtés de tous les citoyens qui ne se satisfont pas de la situation que vous allez créer. Nous sommes aux côtés de ceux qui sont porteurs d'une ambition digne du xxie siècle, celle qui vise à faire de nos atouts nationaux ceux d'une Europe qui donnerait la priorité aux intérêts humains et non aux intérêts financiers. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. le président. Avant de donner la parole aux orateurs suivants, je vous informe que je suis saisi sur l'ensemble du projet de loi d'une demande de scrutin public.

le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. François-Michel Gonnot, pour le groupe de l'UMP.

M. François-Michel Gonnot. Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, monsieur le ministre délégué à l'industrie, mes chers collègues, le groupe de l'Union pour un mouvement populaire compte bien prendre ses responsabilités devant l'histoire en votant un projet de loi qui accomplit une réforme nécessaire à la survie et au développement de nos deux entreprises, EDF et Gaz de France.

Le monde a changé depuis soixante ans. Nous assumons pleinement l'héritage de la loi de 1946, comme nous avons eu l'occasion de le démontrer longuement dans cet hémicycle ; nous assumons pleinement ces soixante années qui ont permis d'imposer EDF et Gaz de France comme les plus belles entreprises énergétiques du monde, et de construire une filière industrielle exemplaire.

M. Jacques Desallangre. Continuez ! Rejetez ce texte !

M. François-Michel Gonnot. Ne rien faire, comme nous y a encouragés l'opposition socialiste et communiste pendant plus de cinquante heures de débat parlementaire, aurait été une grave erreur. Le monde a changé, et ne pas changer EDF et GDF, ne pas leur permettre de se moderniser pour s'adapter à ce monde nouveau, cela reviendrait à les condamner.

M. André Chassaigne. Affirmation gratuite !

M. François-Michel Gonnot. Comme le rappelait à l'instant le Ministre d'État, les marchés du gaz et de l'électricité ne sont plus des marchés nationaux, mais des marchés européens. Cela fait dix ans que l'ouverture a été décidée, par les gouvernements de droite, mais aussi par les gouvernements de gauche, et il fallait en tirer les conséquences pour nos deux opérateurs historiques. Je ne reprendrai pas ici la longue litanie des déclarations des premiers ministres socialistes Laurent Fabius, Michel Rocard, Lionel Jospin, mais aussi des ministres de l'économie, comme Dominique Strauss-Kahn, et tant d'autres dans les rangs socialistes, qui, il y a encore quelques mois, demandaient le changement des statuts d'EDF et de GDF...

M. Guy Teissier. Voilà ! Il faut le dire !

M. François-Michel Gonnot. ...quand ils ne réclamaient pas, pour certains, leur privatisation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe socialiste. C'est faux !

M. François-Michel Gonnot. Il fallait réformer, et vous n'avez pas eu ce courage quand vous étiez au pouvoir, pas plus que vous ne l'avez eu en ce qui concerne les retraites ou en ce qui concerne l'assurance maladie. Vous qui n'avez rien fait quand vous étiez au pouvoir, ne venez pas nous reprocher aujourd'hui de faire les réformes nécessaires à la France, et qu'attendent les Français.

M. Pierre Ducout. Démagogie !

M. François-Michel Gonnot. Dans la conduite de ce dossier, vous avez su faire montre, messieurs les ministres - et ce que je dis vaut pour l'ensemble du Gouvernement - d'un esprit d'ouverture...

M. Jacques Desallangre. Quelle ouverture, à part l'ouverture du capital !

M. François-Michel Gonnot. ...et de réalisme, qu'il faut saluer. Vous l'avez redit, cette réforme n'a pas de caractère idéologique ; elle a été conduite sans dogmatisme...

M. Pierre Ducout. C'est une plaisanterie !

M. François-Michel Gonnot. ...dans le respect du passé. Et la négociation avec les salariés des deux entreprises n'a jamais cessé. La réforme ne se fait pas et ne se fera pas contre les personnels, mais pour eux, pour donner une chance à EDF et à Gaz de France de rester demain, dans un environnement en plein bouleversement, les champions qu'ils sont devenus, et leur permettre de conquérir l'Europe.

M. Jacques Desallangre. C'est du Napoléon !

M. François-Michel Gonnot. Aucune porte n'a été fermée à quiconque, et je crois, messieurs les ministres, que beaucoup dans nos rangs y ont été très sensibles. Les rapprochements entre EDF et Gaz de France sont à l'étude.

M. Pierre Ducout. Il serait temps !

M. François-Michel Gonnot. Les besoins de financement vont être estimés de la façon la plus rigoureuse et la plus partenariale qui soit, avant d'envisager l'augmentation éventuelle du capital des deux entreprises.

M. Daniel Paul. Pourquoi ne pas l'avoir fait plus tôt ?

M. François-Michel Gonnot. Les acquis sociaux et les avantages des personnels sont préservés. Les retraites ont été garanties.

M. André Gerin. Tu parles !

M. François-Michel Gonnot. Rien n'a été modifié de ce qui fait la spécificité du service public à la française, qui est notre fierté à tous. Le Gouvernement a su aller à la rencontre des gaziers et des électriciens, les écouter et les entendre. (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Daniel Paul. Ils ne sont pas de cet avis !

M. François-Michel Gonnot. Il a su négocier avec eux. Il a su aussi prendre en compte les propositions que la majorité lui a faites tout au long de nos débats. Enfin il a su envisager les évolutions futures.

Les excès de quelques extrémistes ne doivent pas faire oublier la qualité du dialogue social qui a été mené, comme vous l'avez rappelé, monsieur Sarkozy, et du partenariat que vous avez su établir autour de cette réforme, dialogue social et partenariat qui seront encore nécessaires demain.

Il était indispensable de réformer : nous l'avons fait, et nous en sommes fiers. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. François Brottes, pour le groupe socialiste.

M. François Brottes. Si je m'adresse à vous du haut de cette tribune, monsieur le ministre d'État, c'est parce que je n'aurais pas trouvé très courtois de parler dans votre dos. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, ce qui se passe ici, aujourd'hui, est très grave, et fera date en effet.

La majorité nous invite à franchir la ligne jaune à très vive allure, sans réflexion, sans étude d'impact, sans débat digne d'un enjeu qui concerne toutes les entreprises et tous les Français sans exception. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Vous parlez des 35 heures ?

M. François Brottes. Alors que le Gouvernement vient d'essuyer deux échecs électoraux, au moment du championnat d'Europe de football et à la veille du départ en vacances de beaucoup de nos concitoyens, (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)...

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Quel rapport ?

M. François Brottes. ...vous nous proposez de privatiser à la hussarde EDF et GDF, en commençant par les transformer en sociétés anonymes. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Vous nous proposez d'approuver la confiscation du patrimoine de la nation issu du pacte de rassemblement de la Résistance. Vous nous proposez, avec la réforme d'EDF, de fragiliser et de mettre à mal l'une des plus belles entreprises publique du monde. Vous nous proposez de tourner le dos - certes en plusieurs étapes, car vous êtes habile -...

Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Il faut l'être, pour tourner le dos en plusieurs étapes !

M. François Brottes. ...au service public de l'énergie, à la péréquation des tarifs et à l'égalité d'accès sur tout le territoire. Vous donnez ainsi des gages aux plus libéraux de votre camp, à ceux qui font passer le dogme du libéralisme avant les valeurs de la république. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Ce qui se passe aujourd'hui est grave à cause d'abord de la méthode employée. Premièrement, vous avez tout fait pour laisser croire que la question du statut des personnels était le premier enjeu de votre texte, et ça a plutôt marché : non seulement cela vous a permis de laisser accroire que vous aviez fait toute une série de concessions mais en plus la plupart des media n'ont couvert que cet aspect de la réforme.

Vous avez ensuite fait fluctuer vos positions au gré du courant, pour mieux détourner l'attention et maîtriser seul la manœuvre. Enfin vous avez méprisé le Parlement, et pas seulement en annonçant des dispositions qui ne figuraient pas dans le texte de loi - c'était le cas fameux du capital à 100 % public d'EDF ; vous n'avez surtout même pas daigné répondre aux interpellations de ceux qui ont essayé au cours du débat de vous convaincre, tels mes collègues Christian Bataille, Jean Gaubert, Pierre Ducout, Pierre Cohen, David Habib, Nathalie Gauthier, François Dosé, Augustin Bonrepeaux, Jean louis Dumont, Jean Launay, Eric Besson...

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. N'en jetez plus !

M. François Brottes. ...Jean-Marc Ayrault, moi-même et tous les élus du groupe socialiste qui n'avons de cesse depuis quinze jours, jour après nuit, de vous interpeller. Mais non, rien à faire ! Vous avez persisté à nous opposer le silence : il fallait « plier » ce texte avant l'été. Je vous le dis franchement, une telle méthode n'est pas acceptable, et les Français devaient le savoir.

Ce qui est grave aujourd'hui, c'est le contenu même de votre loi, sur lequel M. Gonnot vient de revenir.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. C'est vous qui êtes grave !

M. François Brottes. Tout d'abord, vous avez tout fait pour laisser croire que tout ça c'était, en gros, la faute à l'Europe et à Jospin - on vient de le voir encore à l'instant. (« Oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. François-Michel Gonnot.Assumez vos choix !

M. François Brottes. Dois-je vous rappeler que c'est un gouvernement de droite, celui de M. Juppé, où M. Borotra était en charge de ce secteur, qui en 1996 a pris l'engagement d'ouvrir le marché de l'énergie, le sommet de Barcelone ne faisant qu'établir le calendrier de cette ouverture. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Bien plus, Lionel Jospin avait réussi alors à exclure, pour les protéger, les ménages de cet engagement. Mais depuis Mme Fontaine et le gouvernement Raffarin II se sont empressés de cautionner avec entrain - toujours le dogme - l'extension aux ménages de l'ouverture à la concurrence, prévue pour 2007.

À l'époque Franck Borotra avait assuré devant l'Assemblée nationale qu'il ne fallait pas s'inquiéter, que cette ouverture ne nous contraindrait pas à changer le statut d'EDF. Ce point est encore confirmé par le commissaire Mario Monti, seul commissaire compétent à Bruxelles pour les questions de concurrence. Vous savez bien, monsieur le ministre d'État, que ce n'est ni la faute à Monti ni la faute à Jospin, c'est votre choix politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Vous nous dites ensuite que c'est pour sortir les établissements du carcan de contraintes, comme le principe de spécialité, que nous devons les transformer en sociétés anonymes. Or la loi de 2000 avait déjà assoupli cette contrainte, et rien ne vous empêchait d'en élargir à nouveau les contours.

Enfin, monsieur le ministre d'État, vous nous dites le même jour, d'une part qu'EDF et GDF ont besoin de fonds propres, et d'autre part que rien ne presse en ce qui concerne l'augmentation de leur capital : ce n'est pas là la moindre des contradictions.

Ce qui est grave aussi, c'est l'improvisation dans laquelle nous sommes. Premièrement, ce n'est plus la loi mais le contrat qui définira les missions de services publics, qui seront d'ailleurs à la charge de tous les opérateurs : cela revient à banaliser complètement le rôle d'EDF et de GDF, et donc à terme à fragiliser le statut des agents et à léser les usagers, devenus des « clients ». Deuxièmement la décision de réduire la proportion du capital qui devra être publique reviendra à une commission « Théodule » : pourquoi ne pas proposer un référendum sur cette question ?

Troisièmement, même la société gérant le réseau de transport d'électricité sera une filiale de la maison mère, société anonyme ; elle sera donc en partie possédée par des intérêts privés, qui d'une part ne seront pas neutres par rapport à l'ensemble des opérateurs, et surtout risqueront, pour des raisons de profit à court terme, de faire l'impasse sur les extensions ou la maintenance indispensables.

Quatrièmement, vous n'avez même pas pris soin de consulter les autorités concédantes que sont les collectivités locales auxquelles appartient le réseau de distribution,...

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Mais si !

M. François Brottes. ...pour savoir si elles étaient d'accord pour « marcher dans votre combine » du changement de statut.

M. Claude Goasguen. Scandaleux !

M. François Brottes. Cinquièmement, vous annoncez le versement par EDF et GDF d'une soulte, pour compenser la charge des retraites qui sera assumée par ailleurs, solution que les salariés avaient pourtant nettement rejetée à l'occasion d'un référendum interne.

Plusieurs députés du groupe socialiste. C'est vrai !

M. François Brottes. Vous êtes en outre incapable de nous en indiquer le montant. Vous nous dites qu'il se situera entre zéro et dix milliards d'euros : autrement dit vous nous prenez, ou pour des naïfs, ou pour des imbéciles. (« Les deux ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Surtout, vous n'osez pas avouer que c'est une arme capitale pour réduire, en surface et ponctuellement, le déficit des comptes de la nation pour 2004.

Sixièmement, nous ne savons toujours pas ni quand, ni à quelle hauteur vous allez, soit ouvrir, soit augmenter le capital de ces sociétés anonymes nouvellement créées.

Septièmement, vous êtes incapable de nous dire quels seront finalement le taux et l'assiette de la nouvelle taxe, cette fameuse contribution tarifaire chère à M. de Courson, prélevée sur le transport et, semble-t-il aujourd'hui, sur la distribution d'énergie ; autrement dit, vous êtes incapable de nous dire quelle en sera l'incidence réelle sur les tarifs.

Huitièmement - et j'en ai presque terminé pour ce qui concerne les exemples - (« Ah ! Enfin ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) pour calmer le jeu, vous engagez une réflexion sur l'intérêt stratégique d'une fusion entre EDF et GDF, ce que je ne saurai vous reprocher ; mais vous ne prenez pas le temps d'attendre le résultat de cette analyse pour modifier fondamentalement le statut de ces entreprises.

Neuvièmement, ce texte ne donne aucune garantie en ce qui concerne le maintien du maillage du territoire et des 65 000 agents concernés.

Enfin vous rebaptisez RTE « EDF Transport », en espérant que, même si cela déplaît à madame Loyala de Palacio, cela suffise à amadouer les personnels. Je veux profiter de cette occasion pour dire combien le combat qu'ils mènent est difficile, d'autant qu'ils sont parfois victimes de provocations. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Claude Goasguen. Qui fait de la provocation ?

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Quelle grossière démagogie !

M. François Brottes. Mais la détermination de leurs réactions est à la hauteur du cynisme avec lequel ils sont traités, non seulement eux, mais avant tout le service public, qu'ils défendent becs et ongles.

M. Claude Goasguen. En enlevant les compteurs ?

M. François Brottes. Ce ne sont pas eux, mais votre loi qui doit être sanctionnée !

M. Bernard Accoyer. C'est honteux !

M. François Brottes. Chacun aura compris qu'un si grand nombre d'interrogations suffit à démontrer que ce texte a été écrit dans l'improvisation, avec la seule volonté de mettre à terre l'un des plus beaux symboles de la réussite du secteur public.

Ce qui se passe aujourd'hui est grave par les conséquences qu'aura votre choix, et je veux conclure par là. (« Enfin ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Les précédents de la Californie, de la Grande-Bretagne, de l'Italie parlent d'eux-mêmes : ils nous rappellent qu'un réseau, c'est fragile, qu'il faut veiller à ce qu'il y ait autant d'électrons qui entrent que d'électrons qui sortent. Et lorsqu'on sait que l'électricité ne se stocke pas, on comprend que le simple jeu d'intérêts autres que le seul intérêt général peut suffire à mettre à genoux, pour des raisons de spéculation ou d'incompétence, un système dont la très grande fiabilité était assurée par nos établissements publics. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)


Outre la sécurité du réseau, pour laquelle vous nous proposez simplement un code de bonne conduite - c'est un peu léger -, quid de la sécurité, du suivi et de la maintenance des cinquante-huit centrales de notre parc nucléaire, gages de l'indépendance énergétique nationale, en passe d'être convoités à leur tour par des intérêts privés, parfois sans scrupule ?

L'énergie, c'est un bien de première nécessité. L'énergie, c'est vital. La soumettre à la seule logique de rentabilité est inacceptable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

D'ailleurs, tout le monde, et en premier lieu les entreprises, va se rendre compte que les tarifs vont considérablement augmenter. Or l'énergie est un poste budgétaire très lourd pour les entreprises comme pour les ménages. La hausse des tarifs provoquera à coup sûr une nouvelle baisse du pouvoir d'achat, mais aussi des délocalisations d'usines et des pertes d'emplois !

Franchement, chers collègues de droite, quand le seul argument que vous nous donnez, avec Mme de Palacio, pour justifier du changement de statut d'EDF et de GDF est qu'il est souhaitable de leur permettre de « faire faillite » comme tout le monde, on n'a pas envie de sourire, on a surtout très envie de se mettre en colère, car il s'agit d'une véritable provocation à l'égard du service public de l'énergie et de la sécurité des installations ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

C'est justement parce qu'il y a concurrence qu'il faut conforter l'existence d'un pôle public de l'énergie fort et innovant !

M. Jean Proriol. Il est survolté !

M. François Brottes. L'expérience l'a montré, et pas toujours à notre avantage, je le reconnais : dès qu'on ouvre le capital, on va au bout de la démarche de privatisation, et, surtout, les réflexes du "management" de l'entreprise changent : on sacrifie très facilement les investissements lourds de maintenance, de recherche ou de formation des personnels au profit du court terme et de la cotation d'une action qui obsède !

Ce qui se passe aujourd'hui est très grave. Votre décision risque de rendre les choses irréversibles, et les Français doivent savoir que ceux qui auront ouvert le processus de privatisation porteront la responsabilité des incidents et de l'augmentation des tarifs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Le groupe socialiste votera contre ce texte (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) avec une profonde conviction et vous demande, solennellement, une dernière fois, d'abandonner cette loi dogmatique et dangereuse de privatisation d'EDF et de GDF. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Vote sur l'ensemble

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix l'ensemble du projet de loi.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

.................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

              Nombre de votants 558

              Nombre de suffrages exprimés 556

              Majorité absolue 279

        Pour l'adoption 376

        Contre 180

L'Assemblée nationale a adopté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'industrie.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie. Monsieur le président, mes chers collègues, l'examen du texte ayant trouvé un terme à l'Assemblée nationale par un vote sans discussion des représentants, légitimes, de la nation, je voudrais faire rapidement le bilan de ce débat.

Je commencerai par remercier la majorité pour sa présence constante, sa détermination, son courage, sa patience, - sa très grande patience - pendant ces débats, une majorité qui s'est montrée à la hauteur dans un débat technique et parfois ardu.

Ce débat a duré quarante-sept heures et vingt minutes, réparties sur treize séances. 1 960 amendements ont été défendus dont 138 ont été adoptés.

Je veux remercier tout particulièrement la commission des affaires économiques, son président Patrick Ollier (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et son rapporteur Jean-Claude Lenoir, qui ont permis l'adoption de soixante-huit amendements. Quatre d'entre eux sont particulièrement importants, et je tiens à les rappeler.

Premièrement, le taux de détention minimum par l'État du capital d'EDF et de Gaz de France est passé de 50 à 70 %.

Deuxièmement, le taux de participation des salariés en cas d'augmentation de capital a été porté de 10 à 15 %.

Troisièmement, la nomination du président et du directeur général d'EDF-Transport est soumise à l'accord du ministre, afin de renforcer l'indépendance de cette filiale.

Enfin, quatrième amendement très significatif, le tarif social, qui concerne déjà plus d'un million de Français, est étendu.

Le débat a également donné lieu à beaucoup d'amendements de l'opposition, qui, pour certains, ont été utiles, huit du parti socialiste et quatre du parti communiste, et je m'en félicite. Et si j'ai remercié la majorité, je veux également remercier l'opposition pour ces amendements de qualité qui ont été adoptés.

Je tiens à remercier en particulier M. Bataille pour son opposition déterminée, mais toujours courtoise et constamment appuyée sur une très bonne expérimentation technique.

Je veux également remercier et rendre hommage à M. Brottes qui, malgré une opposition sans concession, a été très présent et a montré une grande passion, mais aussi un grand sens de l'organisation.

À cet égard, l'opposition nous a appris une méthode à laquelle la majorité devrait réfléchir : déposer douze fois le même amendement photocopié, ce qui permet à douze orateurs de parler du même sujet pendant une heure, chacun s'exprimant pendant cinq minutes. Ce procédé, parfaitement conforme au règlement, s'est révélé redoutablement efficace pour retarder les débats,...

M. Pierre Ducout. Il a enrichi les débats !

M. le ministre délégué à l'industrie. ...mais il a été mis en œuvre avec intelligence et courtoisie, même si, parfois, il nous a portés aux limites de la patience !

Les arguments ont été longuement répétés, monsieur Brottes, et c'est pourquoi nous n'avons pas répliqué à toutes vos interventions, mais il est certain que nous avons répondu au moins une fois à chacune de vos questions.

Nos arguments ont été très simples.

Ils ont porté, d'abord, sur le prix de l'électricité. Déplorant déjà des augmentations du coût de l'électricité, vous ne pouvez en accuser le changement de statut puisqu'il n'a pas encore eu lieu ! C'est évident !

Ils ont porté, aussi, sur le changement de statut de l'EPIC. Le Gouvernement vous a répondu par trois arguments. Premièrement, il a cité la décision de la Commission de Bruxelles du 16 décembre 2003. Au-delà du débat entre M. Monti et Mme de Palacio, que vous avez utilisé, cette décision dit très simplement que le statut d'EPIC confère un avantage, qu'il est possible d'avoir cet avantage, mais qu'il faut le payer, et, pour cela, concéder des parts de marché !

M. Pierre Ducout. Non !

M. le ministre délégué à l'industrie. Évidemment, cela aurait représenté un coût exorbitant pour EDF.

M. le président. S'il vous plaît, monsieur le ministre, ne rouvrons pas le débat !

M. Manuel Valls. et M. Philippe Martin. On refait le match !

M. le ministre délégué à l'industrie. Je ne rouvre pas le débat, monsieur le président, je réponds à l'opposition qui répète à l'envi qu'elle n'a pas entendu nos arguments !

Cette loi, votée aujourd'hui à l'Assemblée nationale et qui va maintenant être examinée au Sénat, tire simplement les conséquences de l'ouverture du marché à la concurrence qui a été voulue des deux côtés de cet hémicycle : celui-ci - à droite - qui l'assume, celui-là - à gauche - qui en a honte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Pierre Ducout. C'est faux !

M. le président. Je vais suspendre la séance pour quelques instants.


Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures dix, est reprise à dix-sept heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

    3

ASSURANCE MALADIE

Discussion, après déclaration d'urgence,
d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à l'assurance maladie (nos 1675, 1703).

Rappels au règlement

M. Jacques Brunhes. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Jacques Brunhes, pour un rappel au règlement.

Monsieur Brunhes, votre rappel au règlement est fondé, je suppose, sur l'article 58, alinéa 3, du règlement ?

M. Jacques Brunhes. En effet, monsieur le président. Vous avez, avec perspicacité, deviné que mon rappel au règlement porterait sur l'ordre du jour.

M. le président. C'est bien pourquoi j'ai évoqué l'article 58.

M. Jacques Brunhes. Monsieur le Premier ministre, le président du groupe des député-e-s communistes et républicains, Alain Bocquet, vous a adressé, le 10 juin, un courrier dans lequel il estimait que les conditions de travail imposées à la représentation nationale ne permettaient pas un travail sérieux et une réflexion approfondie sur des sujets d'importance, concernant au premier chef nos concitoyens. Il élevait donc une vive protestation et exprimait son indignation.

M. Bocquet vient d'avoir une réponse : celle du décret du 25 juin 2004 portant convocation du Parlement en session extraordinaire. C'est une véritable provocation.

Mme Martine David. Oui, c'est fou !

M. Jacques Brunhes. L'ordre du jour prévoit un débat d'orientation, l'examen de dix projets de loi et celui de trois propositions de loi, soit quatorze textes en tout. C'est du jamais vu. Vous entrez ainsi, monsieur le Premier ministre, dans le Livre des records. (« Triste record ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Ce n'est plus une session extraordinaire, c'est une session ordinaire prolongée.

Si, du point de vue quantitatif, elle mérite de figurer au Livre des records, elle ne doit pas être consacrée, sur le plan qualitatif, à des textes anodins. Outre la casse programmée de la sécurité sociale et la privatisation d'EDF-GDF, mesures phares du Gouvernement ultralibéral et que vous entendez faire passer au rouleau compresseur en plein mois de juillet, la session extraordinaire verra l'examen d'autres textes essentiels concernant la décentralisation, la privatisation d'Air France, la santé publique, la bioéthique ou la sécurité civile.

Les députés communistes et républicains s'élèvent contre ce détournement de la Constitution, qui relève de l'excès de pouvoir. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ce matin, en conférence des présidents, j'ai élevé une protestation solennelle. Comment un pouvoir qui a été rejeté massivement trois fois de suite par les électeurs, ne recueillant que 16 % de leurs suffrages alors qu'il dispose de toutes les instances de décision, peut-il décider de faire passer en plein été, au cours d'une session extraordinaire, quatorze textes d'inspiration libérale, qui imposent à tout prix des réformes ? J'ai entendu le président du MEDEF dire : « Réformer encore ! » C'est ce que vous faites. Ces réformes sont taillées sur mesure, mettant en application le credo : du profit pour quelques-uns, de la misère pour la masse.

Le Gouvernement est seul maître de l'ordre du jour. Quand il engage une session extraordinaire avec un tel ordre du jour, il témoigne de son mépris pour l'Assemblée nationale. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Nous ne pouvons pas accepter cette humiliation.

M. François-Michel Gonnot. Partez en vacances, si vous préférez !

M. Jacques Brunhes. Aussi, par ce rappel au règlement, j'entends, au nom du groupe communiste, protester énergiquement. Comme à l'accoutumée, nous combattrons ces mauvais coups et les conceptions ultralibérales, nous défendrons l'avenir de notre pays et de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. le président. Heureusement, monsieur Brunhes, j'ai été assez libéral pour vous laisser dépasser le temps de parole prévu par le règlement. (Sourires.)

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Ultralibéral !

M. Pascal Terrasse. « Libéral » au bon sens du terme !

M. Jean-Marc Ayrault. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Marc Ayrault. Merci d'avance, monsieur le président, pour votre libéralisme.

Monsieur le Premier ministre, l'ouverture de ce débat est un rendez-vous cardinal. En avez-vous donc peur, pour présenter ainsi votre projet de loi en plein cœur de l'été ?

M. Richard Mallié. Mais l'été vient juste de commencer !

M. Jean-Marc Ayrault. Craindriez-vous une réaction de défiance populaire, tant votre plan marie l'illusion, l'imprévoyance et l'injustice ? Seriez-vous si peu assuré sur vos bases quand les doutes s'expriment au sein même de votre gouvernement ? J'espère d'ailleurs que l'absence de M. Douste-Blazy n'est pas due à une urgence...

M. Pascal Terrasse. Il s'explique à Bercy !

M. Jean-Marc Ayrault. ...et qu'il n'a pas été saisi, au dernier moment, par une hésitation à venir présenter son projet devant l'Assemblée nationale.

Mon rappel au règlement a pour but essentiel de demander de la clarté dans l'organisation de nos travaux, comme je l'ai fait ce matin en conférence des présidents. On ne peut plus parler de réforme, ni même de projet ambitieux. Le texte que vous nous présentez est un cataplasme, un de ces plans d'austérité médicale comme nous en avons connu plusieurs depuis une vingtaine d'années.

M. Jacques Myard. Ce n'est pas un rappel au règlement !

M. Jean-Marc Ayrault. Il ne fait que colmater dans l'urgence le déficit record que vous et vos amis avez causé, en amenant la sécurité sociale au bord de la faillite. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

De grâce, épargnez-nous votre ritournelle du « courage ». Votre plan est le contraire du courage. Vous esquivez la question cruciale des structures de notre système de soins, qui datent d'une quarantaine d'années et sont pour une large part responsables de la dérive des dépenses.

M. Alain Gest. Ce n'est pas un rappel au règlement !

M. Jean-Marc Ayrault. Le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie avait pourtant fait de leur réorganisation une priorité, mais vous ne l'avez pas écouté.

M. Alain Gest. La discussion générale a déjà commencé ?

M. François-Michel Gonnot. Ce n'est pas un rappel au règlement !

Mme Martine David. Il fait ce qu'il veut !

M. Jean-Marc Ayrault. Ainsi, il reporte le remboursement de la dette sur les générations futures, avec l'allongement sine die de la CRDS.

M. Pascal Terrasse. C'est l'impôt sur les naissances !

M. Jean-Marc Ayrault. Quant au financement de ces mesures, il relève d'une arithmétique aussi personnelle que fantaisiste. Aux termes de votre projet, les patients n'ont qu'une seule assurance, celle d'être ponctionnés. Un euro pour les consultations, trois pour le forfait hospitalier, une quinzaine pour la CSG : le malade a intérêt à être bien portant. Mais, comme pour les retraites, tous les autres acteurs de santé − professions médicales, industrie pharmaceutique, entreprises −, sont soigneusement dispensés de l'effort. Où est la justice ?

Notre système de santé avait besoin d'une opération à cœur ouvert. Vous avez préféré les soins palliatifs. Le drame, monsieur le Premier ministre, c'est qu'ils ne guériront pas l'assurance maladie. Au mieux, le déficit annuel sera réduit de moitié. C'était, en tout cas, notre estimation, mais elle était trop indulgente. Les services de Bercy, qui ne sont pas suspects de vouloir vous nuire, sont beaucoup plus alarmistes.

M. Alain Gest. Ce n'est pas un rappel au règlement ! C'est insupportable ! Quelle suffisance !

M. Jean-Marc Ayrault. Si, c'est un rappel au règlement.

D'après ces services, le déficit annuel en 2007 serait compris entre 7 et 15 milliards. Pour toute défense, vous entonnez le couplet poujadiste sur les technocrates qui se trompent tout le temps. Le ministre des finances, qui répondait tout à l'heure à une question que je lui posais à ce sujet, ne nous a pas convaincus. Il n'a pas dissipé le doute. C'est pourquoi je demande qu'il soit auditionné par la commission spéciale qui a été mise en place pour examiner ce projet de loi. Le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire, M. Bussereau, qui s'est présenté tout à l'heure devant la commission spéciale, n'a absolument pas accepté le dialogue.

M. Richard Mallié. C'est faux ! Vous n'y étiez pas !

M. Jean-Marc Ayrault. Mes collègues socialistes qui y siégeaient m'ont fait le compte rendu de cette rencontre qui n'a servi à rien.

Vous faites le pari qu'un changement de comportement des usagers et des médecins permettra de freiner la dépense et d'économiser 10 milliards. M. Bussereau lui-même l'a dit − certes pas devant la commission -, si ce plan échoue, il faudra entrer dans une logique de dureté. Voilà qui a le mérite de la franchise, à défaut de l'esprit de justice.

Compte tenu du climat qui s'est instauré, y compris sur les bancs de la majorité, compte tenu des questions qui se posent, des suggestions qui ont été faites, notamment à propos de la CRDS, nous ne pouvons commencer l'examen de votre texte dans ces conditions, monsieur le Premier ministre. Nous demandons que la commission spéciale auditionne le ministre des finances. Cette question n'est pas subalterne, et nous en faisons un préalable. Pour que nous puissions non seulement formuler nos critiques sur les fondements de votre projet, mais aussi défendre nos amendements qui sont autant de solutions, il faut que la préparation du débat soit claire.

C'est pourquoi je demande, monsieur le président, une suspension de séance afin de réunir mon groupe dans l'attente de la réponse qui me sera faite à ce sujet.

M. Alain Gest. Cinéma !

M. Jean-Marc Ayrault. Nous pourrons ensuite reprendre nos travaux dans de meilleures conditions. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je ne répondrai pas sur le fond − nous aurons l'occasion d'en débattre dans les jours qui viennent −, mais seulement sur l'ordre du jour.

Monsieur Brunhes, voilà plus d'un an que la concertation est engagée. Le Haut Conseil a formulé ses propositions à l'automne. Depuis, nous avons multiplié les réunions et organisé un grand débat national. Si le texte vient devant l'Assemblée nationale à cette heure, c'est parce que nous avons respecté les différents partenaires, de manière à avoir une consultation et une concertation approfondies. Quand nous allons vite, vous nous reprochez de ne pas assez négocier. Quand nous négocions, vous nous reprochez d'empiéter sur l'été. Notre rythme de travail a respecté les différents partenaires. Je me souviens que souvent, par le passé − en 1982 ou en 1984, par exemple −, des textes très importants ont été soumis à l'Assemblée nationale ou au Sénat en plein été. Nous continuons un travail qui a été engagé depuis de longs mois et que, dans l'intérêt des Français, il faut maintenant achever.

Chacun pourra prendre part au débat et nous serons très attentifs aux propositions, car, à ce jour, nous n'en avons pas vu beaucoup venir des bancs de l'opposition. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Pascal Terrasse. Il faut sortir de votre tour d'ivoire !

M. le Premier ministre. J'espère que nous aurons l'occasion d'en entendre.

Mme Martine David. Sûrement !

M. le Premier ministre. C'est à cela que sert le débat, et je me réjouirais qu'il puisse commencer sans tarder.

Quant au rappel au règlement de M. Ayrault, il appartient à la commission d'apprécier sa proposition. Chaque fois qu'elle souhaite entendre le Gouvernement, celui-ci est à sa disposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La demande de suspension formulée par le président d'un groupe parlementaire est de droit.


Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures trente, est reprise à dix-sept heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. Maxime Gremetz, pour un rappel au règlement.

M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, je n'ai nullement l'intention de retarder les débats. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Ne me prêtez pas une telle arrière-pensée, monsieur Gremetz. (Sourires.)

M. Maxime Gremetz. On va discuter du fond.

Je veux simplement faire remarquer qu'en fin de matinée, nous avons reçu une convocation pour une réunion de la commission spéciale que vous avez créée, monsieur le président. Nous étions convoqués à seize heures, pour entendre M.  Bussereau expliquer la note de Bercy. Seize heures, je vous le rappelle, c'est tout juste la fin des questions au Gouvernement. De surcroît, à seize heures quinze débutaient les explications de vote, suivies du vote, sur un projet de loi très important, le projet de loi relatif au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières. Pour cette raison, Jacqueline Fraysse et moi-même n'avons pas pu participer à la réunion de la commission. Ce qui fait que nous n'avons toujours pas en notre possession la note explicative de Bercy que l'on nous avait promise. Je trouve le procédé un peu léger.

Seconde remarque, je voudrais, puisque M. le Premier ministre a dit qu'il n'avait jamais reçu de propositions de notre part, lui remettre celles que nous avons données à la commission dès le premier jour, et que donc vous avez, monsieur le président de la commission spéciale (M. Gremetz descend la travée.)

M. le président. Monsieur Gremetz, ne bougez pas, l'huissier va venir les chercher.

M. Maxime Gremetz. Je préfère les apporter moi-même, monsieur le président.

M. le président. On ne va pas les faire disparaître, vous savez.

M. Maxime Gremetz. Non, mais c'est plus poli. (M. Gremetz remet un document à M. le Premier ministre, à M. le ministre de la santé et de la protection sociale, à M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie, ainsi qu'à M. le président et à M. le rapporteur de la commission spéciale.)

M. le président. Monsieur Gremetz, vous pouvez regagner votre place. Vous n'allez quand même pas passer dans toutes les travées. (« Et nous ? » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Ne dites pas ça à M. Gremetz, il est capable de commencer par un côté et de finir par l'autre.

M. Maxime Gremetz. Ne vous inquiétez pas, chers collègues, nous en distribuerons à tout le monde.

M. le président. La parole est à M. Alain Claeys, également pour un rappel au règlement.

Je vous signale tout de même, mes chers collègues, que si vous multipliez les rappels au règlement, certains ne pourront pas s'exprimer avant les informations de vingt heures, et donc il y aura une rupture d'égalité.

M. Maxime Gremetz. Oui, mais mon rappel au règlement était important, monsieur le président.

M. le président. Vous avez la parole, monsieur Claeys.


M. Alain Claeys
. A la fin de son intervention, M. le Premier ministre a fait savoir que le Gouvernement était à la disposition du président de la commission spéciale pour toute audition. Les uns et les autres, nous avons fait, au sein de la mission d'information que vous présidiez vous-même, monsieur Debré, puis au cours des réunions de la commission spéciale, des propositions qui ont été imprimées et rendues publiques et nous avons déposé des amendements. J'aimerais connaître la position du président de la commission spéciale par rapport à celle du Premier ministre.

Il est important d'auditionner le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. La mission d'information a entendu le directeur de la prévision, qui, je suppose, est venu avec l'accord de son ministre. Quand j'ai rappelé cette audition à M. Bussereau, il m'a répondu, à juste raison, que le directeur de la prévision ne dépendait pas de lui mais du ministre de l'économie. Pour évaluer l'efficacité du plan en matière de gestion médicalisée, il est important d'avoir une évaluation comptable des déficits. C'est pourquoi je souhaite que le président de la commission spéciale demande que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie soit entendu.

M. le président. Le président de la commission spéciale vous répondra ultérieurement.

Ouverture de la discussion

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le président, je demande, moi aussi, la parole pour un rappel au règlement !

M. le président. J'ai donné la parole à M. le Premier ministre, monsieur Le Guen.

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, le Gouvernement vous propose aujourd'hui le troisième pilier de son action pour la sauvegarde de notre pacte social. Après la réforme des retraites, après les textes de soutien aux personnes dépendantes, âgées et handicapées, et avant le plan de cohésion social qui sera présenté demain au conseil des ministres et qui constituera le quatrième pilier de notre politique, M. Philippe Douste-Blazy, M. Xavier Bertrand et moi-même vous présentons le projet de loi relatif à l'assurance maladie.

L'allongement de la durée de la vie, chacun le sait, même si, dans le passé, on a peu agi (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), a, depuis de nombreuses années, remis en cause nos équilibres sociaux. Le rapport entre les actifs et les retraités - on compte de moins en moins de cotisants et de plus en plus de retraités -, la démographie des personnes âgées - qui vivent plus longtemps et nécessitent des soins plus sophistiqués -, les souffrances physiques et sociales des personnes handicapées, les besoins sans cesse renouvelés d'une santé de qualité, la promotion du travail pour favoriser l'insertion et l'intégration, tous ces graves sujets imposent un renouveau de notre pacte social.

À la fin de cette session, nous aurons mené les nécessaires réformes qui donneront un avenir à notre modèle social. Je dois le dire : j'ai trouvé, au printemps 2002, un pacte social délabré. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.- Approbations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Les retraites étaient dans l'impasse, la prise en charge des personnes âgées n'était pas financée, les initiatives prises en faveur des personnes handicapées n'avaient pas été menées à leur terme, le SMIC était éclaté, l'assurance maladie était structurellement...

M. Pascal Terrasse. Excédentaire !

M. le Premier ministre. ...bâtie pour les déficits puisque les dépenses n'avaient pas été maîtrisées.

M. Pascal Terrasse. Ce sont vos déficits !

M. le Premier ministre. Nous avons entrepris des réformes sur ces quatre piliers pour offrir un avenir à notre pacte social, à notre sécurité sociale, aux retraites et redonner confiance aux Françaises et aux Français. C'est pour cela que nous nous sommes mobilisés.

Cela n'a pas été facile. Ces réformes, je le sais, sont difficiles pour de nombreux Français. Je veux rendre hommage à ceux qui, en travaillant plus, permettent à la nation de sauver son système de retraites par répartition, à ceux qui donneront une journée de travail pour la solidarité que nous devons aux personnes âgées et aux personnes handicapées (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains)...

M. Maxime Gremetz. C'est la meilleure !

M. Pascal Terrasse. En tout cas, ce ne seront ni les actionnaires ni le MEDEF !

M. le Premier ministre. ...et à ceux qui contribueront au financement du futur de notre assurance maladie.

M. Jean-Marc Ayrault. Vous parlez des générations futures : nos enfants et nos petits-enfants !

M. le Premier ministre. Je veux rendre hommage à ceux qui font des efforts.

Je sais qu'il est de bon ton de préférer la polémique au courage. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Mais je veux saluer les Françaises et les Français grâce aux efforts desquels nous sommes en mesure aujourd'hui d'assurer un avenir à notre pacte social. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.- Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jean-Claude Sandrier. Vous demandez toujours aux mêmes !

M. le Premier ministre. À ces efforts correspondent des progrès, à ces réformes correspondent des droits nouveaux. Ces efforts sont utiles et ils sont justes. Je pense notamment à l'augmentation de 300 euros pour les plus petites retraites.

M. Pascal Terrasse. Les retraités n'ont rien vu, eux !

M. le Premier ministre. Je pense aussi aux nouveaux droits accordés à ceux qui ont commencé à travailler à quatorze, quinze ou seize ans : 120 000 d'entre eux ont déjà choisi cette procédure. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.- Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Pascal Terrasse. 80 000 ! Pas 120 000 !

M. le Premier ministre. Cela a engendré des efforts, certes, mais aussi des droits nouveaux.

Je me réjouis également des 40 000 nouvelles places d'accueil pour les personnes handicapées et des 17 000 places d'infirmiers à domicile pour les personnes âgées.

Des efforts supplémentaires, oui, mais aussi des droits nouveaux, disais-je !

M. Pascal Terrasse. Il n'y a rien ! (« Cela suffit ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le Premier ministre. Je salue, dans le texte présenté par Philippe Douste-Blazy, le droit nouveau offert à deux millions de Françaises et de Français de bénéficier d'une mutuelle. Voilà une grande avancée sociale ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Maxime Gremetz. Parlons-en !

M. le Premier ministre. Ne méprisez pas ce type d'avancées. Les mesures qui ont été prises précédemment ont mis un grand nombre des Français à l'écart de ces progrès. L'accès à une mutuelle et, aujourd'hui, pour les plus fragiles, à une couverture, c'est nous qui le proposons et le réalisons !

Ces réformes sont justes. Elles assurent l'avenir de notre pacte social. Elles créent des droits nouveaux pour des millions de Françaises et de Français.

En ce qui concerne la réforme qui vous est proposée aujourd'hui,...

M. Pascal Terrasse. La grande loi sur la santé !

M. le Premier ministre. ...je tiens d'abord à remercier les membres du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie grâce auxquels nous disposons d'un diagnostic partagé et reconnu.

Je remercie aussi les députés et leur président, Jean-Louis Debré,...

M. Pascal Terrasse. Il n'y a pas beaucoup de députés à droite ce soir ! Vous êtes bien seul, monsieur le Premier ministre !

Mme Sylvia Bassot. Et vous, combien êtes-vous ?

M. le Premier ministre. ...pour la qualité des travaux de la mission d'information que vous avez créée pour ce projet.

M. Pascal Terrasse. Regardez les bancs de l'UMP, monsieur le Premier ministre. Vous êtes bien isolé !

M. Jacques Myard. Regardez les vôtres de bancs, monsieur Terrasse !

M. Pascal Terrasse. Ce n'est pas notre projet qui est en discussion !

M. le Premier ministre. Je tiens également à remercier le président de la commission spéciale, M. Yves Bur, et son rapporteur, M. Jean-Michel Dubernard, pour le travail accompli. Il a permis au Gouvernement, et j'en suis heureux, de vous proposer un texte qui a obtenu l'adhésion de très nombreux partenaires. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Je sais que d'aucuns souhaitaient relancer le débat sur les retraites,...

M. Maxime Gremetz. Eh oui !

M. le Premier ministre. ...et provoquer à nouveau de l'agitation politique et sociale. Mais, aujourd'hui, grâce à la concertation et à la négociation, nous vous proposons un texte raisonnable et responsable. Je remercie Jean-François Mattei, Philippe Douste-Blazy et Xavier Bertrand pour le travail engagé. Grâce à celui-ci, nous pouvons dire aujourd'hui que nous avons sauvé un paritarisme que vous aviez cassé. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire .- Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Richard Mallié. Très bien !

M. Jean-Marc Ayrault. Injustice et inefficacité sont les deux mots qui caractérisent votre projet !

M. le Premier ministre. Cette réforme présente trois caractéristiques que je veux souligner avant que le ministre de la santé et de la protection sociale ne vous présente le projet dans son intégralité, trois idées qui me paraissent particulièrement importantes et significatives et que les Français retiendront.

Premièrement, nous dotons l'assurance maladie d'un nouveau dispositif de pilotage qui allie à la fois concertation et responsabilisation. Nous avons en effet trouvé, grâce à la concertation, le moyen, non seulement de réunir l'ensemble des partenaires pour procéder aux nécessaires négociations, mais aussi de nous doter d'organes de décision portant la responsabilité des actions à mener. Il faut, dans l'assurance maladie, un comité de pilotage qui assume la responsabilité pour pouvoir s'engager et maîtriser les décisions. C'est une avancée très importante pour la gouvernance de la sécurité sociale.

Deuxièmement, l'offre de soins nouvelle permettra une modernisation du traitement des informations médicales, qui contribuera à la fois à une amélioration des soins et à une rationalisation des coûts. Il y a là de vraies avancées. Le dossier médical partagé, grâce aux moyens numériques qui sont à notre disposition, va simplifier les procédures et développer l'information tout au long de la chaîne médicale, ce qui permettra d'améliorer les soins et de rationaliser les investissements et les dépenses. Voilà pourquoi on peut parler d'une réforme de progrès. Ce qui est proposé en matière d'offre de soins est, comme l'a indiqué à plusieurs reprises le ministre de la santé, une étape essentielle pour l'avenir de la sécurité sociale.

Enfin, le financement de la réforme est inspiré par l'esprit de justice. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz. Oh là, là !

M. Jacques Myard. Le Premier ministre a raison !

M. Maxime Gremetz. Comment peut-on oser dire des choses pareilles ?

M. le Premier ministre. Je dis bien : l'esprit de justice ! Je connais les méthodes de l'opposition. Nous l'avons vue à l'œuvre pendant cinq ans. Vous ne cessiez, mesdames, messieurs de la gauche, de désigner des boucs émissaires, de stigmatiser ceux qui, à vous entendre, étaient responsables des maux de la société. Vous avez accusé à tour de rôle les médecins, les pharmaciens, les adeptes du thermalisme, les usagers, les patients.

M. Maxime Gremetz. Le baron !

M. le Premier ministre. Après avoir désigné les coupables, vous cherchiez à les sanctionner. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Nous, nous avons fait en sorte que l'effort soit partagé par tous et réparti de manière équitable. Nous avons voulu un engagement de chacun pour la sécurité sociale de tous.

Il est vrai que la réforme n'est pas une fin en soi. Elle constitue l'un des moyens de pérenniser notre modèle social et de faire de l'allongement de la vie un mieux-être partagé. Nous nous battons tous pour que nos aînés puissent vivre dans de meilleures conditions.

Mesdames, messieurs les députés, vous avez, d'ici à la fin du mois de juillet, la possibilité de franchir une étape essentielle de cette législature, de ce quinquennat, de votre mandat.

M. Maxime Gremetz. Vous parlez pour ceux qui ont voté pour vous !

M. le Premier ministre. Vous avez la possibilité de franchir une étape importante de notre politique de réformes sociales et de garantir un avenir à notre pacte social. C'est ce qu'attendent de vous les Françaises et les Français. Ils ont bien compris que, face aux déficits et aux impasses auxquels nous sommes confrontés, il fallait, par les réformes, assurer l'avenir de notre sécurité sociale et de notre cohésion.

Ce travail accompli, nous pourrons franchir une nouvelle étape et nous attaquer aux réformes de société afin de préparer l'avenir de notre pays : je pense aux réformes concernant la recherche et l'école, qui vous seront proposées à l'automne.

L'action que vous avez engagée sera ainsi construite en trois grandes étapes. La première étape a permis, grâce à des textes sur la justice, la police et la défense, d'assurer à nouveau aux Français la sécurité, qui avait été, dans le passé, mésestimée, sous-estimée. La deuxième étape permettra de renouveler notre pacte social - ce sont les textes sur les retraites, la santé et la cohésion sociale. Puis viendra le temps des réformes d'avenir pour la société française.

Grâce aux efforts engagés par les Français, nous pourrons franchir la deuxième étape dès cet été. Elle sera accompagnée par le retour de la croissance, du développement économique et de la création d'emplois.

M. Pascal Terrasse. Ce n'est pas le cas aujourd'hui et les chiffres du chômage qui seront publiés demain seront accablants !

M. le Premier ministre. Ce n'est pas le cas aujourd'hui, vous avez raison, et les chiffres du chômage, je le sais, ne sont pas bons. En revanche, ceux de la croissance le sont, et ce que je sais, c'est que, quand les chiffres de la croissance sont bons, il en est de même, quelques mois après, de ceux du chômage. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est la raison pour laquelle il faut d'abord créer l'activité.

Nous devons donc nous engager dans la troisième étape de cette législature, qui nous permettra de partager la croissance avec toutes les Françaises et tous les Français. En 2000, alors que la croissance atteignait 4 %, nos prédécesseurs l'ont laissée se dissoudre dans l'appareil d'État.

M. Patrick Bloche. Nous avons créé des emplois !

M. le Premier ministre. Nous voulons, nous, une croissance partagée entre toutes les Françaises et tous les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire .- Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Pascal Terrasse. Comme Juppé en 1995 !


Rappels au règlement

M. Jean-Marc Ayrault. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, je ne vois pas les éclaircissements qu'apporte l'intervention de M. le Premier ministre. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Nous avons demandé la clarté. Or vous nous avez répondu selon votre discours habituel, comme s'il ne s'était rien passé, comme si les Français ne s'étaient pas exprimés depuis trois mois.

M. Jacques Myard. Les Français veulent être gouvernés !

M. Jean-Marc Ayrault. A deux reprises, ils ont dit ce qu'ils pensaient, en utilisant leur bulletin de vote. Ils n'ont peut-être pas manifesté dans la rue, ...

M. Alain Gest. Ça vous manque !

M. Jean-Marc Ayrault. ...mais ils se sont servis de leur bulletin de vote et ils ont bien dit ce qu'ils pensaient. Pour autant, vous semblez ne pas beaucoup vous en soucier.

Je ne comprends pas ce que vous voulez faire. Quand vous parlez de justice et d'effort des Français concernant l'assurance-maladie, vous parlez de l'effort de nos enfants et de nos petits-enfants, puisque vous avez décidé de financer le déficit passé et le déficit à venir, d'ici à 2007, par le prolongement de la CRDS,...

M. Jean-Jacques Descamps. Vous l'avez déjà fait !

M. Jean-Marc Ayrault. ...c'est-à-dire les cotisations d'aujourd'hui, de demain et d'après-demain pour le remboursement de la dette sociale. (« Ce n'est pas un rappel au règlement ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Et vous appelez cela l'équité et la justice ! (« Vous n'avez rien fait du tout ! » sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Vous appelez cela l'effort partagé !

M. Pascal Terrasse. C'est un impôt sur les naissances !

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le Premier ministre, nous ne pouvons pas accepter cette philosophie (« Ce n'est pas un rappel au règlement ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), qui constitue un véritable scandale. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Les emprunts que vous allez être amenés à contracter pour financer les déficits vont générer des intérêts de 50 milliards d'euros,...

M. le président. Veuillez conclure monsieur Ayrault !

M. Jean-Marc Ayrault. ...c'est-à-dire presque autant, et vous le savez fort bien, que le déficit cumulé.

Puisque le Premier ministre a renvoyé la balle au président de la commission spéciale, je demande que celui-ci prenne la décision de réunir la commission, pour entendre le ministre des finances... et pour connaître la vérité, et non qui est l'auteur de la fuite - peut-être le ministre d'État, lui-même, d'ailleurs, pour manifester son désaccord avec la philosophie et les risques de cette réforme.

Nous voulons savoir la vérité. Monsieur le président de la commission spéciale, vous avez le devoir de nous répondre !

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. C'est de l'obstruction !

M. Jean-Jacques Descamps. C'est une attitude honteuse !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à l'assurance maladie.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à l'assurance maladie. Monsieur Ayrault, dès vendredi, M. le rapporteur et moi-même avons demandé au ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de nous transmettre cette note. Elle nous est parvenue hier soir. Nous l'avons fait envoyer par le secrétariat de la commission dès dix-neuf heures. Aujourd'hui, à votre demande, et pour clarifier les circonstances de l'apparition de cette note, nous avons réuni la commission spéciale. M. Bussereau, secrétaire d'État au budget, a été auditionné. Il parlait au nom du ministre d'État.

M. Jean-Marc Ayrault. Que celui-ci vienne le dire lui-même !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. M. Bussereau nous a expliqué qu'il s'agissait d' un document de travail interne, comme beaucoup d'autres notes. Il a également indiqué - ceux qui étaient présents ont pu l'entendre - que M. le ministre d'État et lui-même étaient parfaitement solidaires de M. le ministre de la santé et de M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie et qu'ils soutenaient sans réserve la réforme proposée.

En fait, vous avez voulu relancer en commission spéciale le débat de fond que nous sommes appelés à avoir ici.

M. Jean-Marc Ayrault. Non !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale.Cette affaire est close. Place au débat  de fond devant les Français, au sein de cet hémicycle !

Nous pourrons alors parler des enjeux financiers et des ambitions de ce plan, qui vise à changer le comportement des Français, pour mettre notre assurance maladie sur un chemin vertueux. Rajouter des discussions en commission, poursuivre le harcèlement politicien dans lequel l'opposition s'est engagée n'est pas la meilleure façon d'entamer le débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est M. Jean-Marie Le Guen, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Marie Le Guen. Nous n'avons toujours pas reçu, contrairement aux indications apportées par M. le président de la commission spéciale, cette fameuse note.

M. Jean-Jacques Descamps. Non ! Elle a été distribuée par la commission.

M. Jean-Marie Le Guen. Seuls nos collègues qui étaient en commission ont pu en avoir connaissance.

M. Jean-Jacques Descamps. Il fallait y être !

M. Jean-Marie Le Guen. Aujourd'hui, les membres de la commission n'ont toujours pas reçu cette note. Notre collègue Maxime Gremetz l'a rappelé.

M. Maxime Gremetz. Tout à fait !

M. Alain Cousin. Vous n'étiez pas présent, vous non plus !

M. Jean-Marie Le Guen. La réunion de tout à l'heure s'est achevée dans la confusion, car nous devions aller voter le projet de loi relatif au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Nous n'avons pas eu la possibilité d'interroger M. le secrétaire d'État. Il n'a apporté aucune réponse aux quelques questions posées essentiellement par des collègues de la majorité, car on a suspendu cette réunion pour aller voter.

Je ne crois pas qu'il faille se comporter de cette façon - sauf si vous voulez vraiment fuir le débat.(Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Nous demandons au Gouvernement de s'expliquer sur cette note et de donner les vrais chiffres et, conformément à notre règlement, de nous fournir une étude d'impact comme il l'avait fait pour les retraites.

M. Pascal Terrasse. Absolument ! C'est le flou le plus complet !

M. Jean-Marie Le Guen. Nous allons travailler dans le brouillard le plus total, tant sur le plan économique que sur le plan juridique.

Nous ne pouvons nous satisfaire de la réponse de M. le président de la commission spéciale. C'est pourquoi nous demandons une suspension de séance d'un quart d'heure. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), pour que cette note soit communiquée à l'ensemble de nos collègues.

Nous demandons également au président de la commission spéciale de revenir sur sa décision et de convoquer le ministre d'État, afin qu'il nous éclaire sur cette note et aussi sur son engagement politique.

Vous vous apprêtez, mes chers collègues, si j'ai bien compris, à désigner le ministre d'État comme président de l'UMP. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il est important de savoir si le président du parti majoritaire soutient véritablement les réformes du Gouvernement. (Vives protestations sur les mêmes bancs.)

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Ce n'est pas un rappel au règlement ! C'est de l'obstruction systématique !

M. Jean-Marie Le Guen. A vos réactions, je comprends que cette remarque était une provocation inutile ; aussi, je la retire, et je vous demande de m'excuser.

Je reitère ma demande de suspension.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à dix-huit heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. le ministre de la santé et de la protection sociale.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale. Monsieur le président, monsieur le président de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, j'ai l'honneur de vous présenter, avec Xavier Bertrand, le projet de loi relatif à l'assurance maladie, conformément aux engagements pris par le Président de la République et au calendrier fixé par le Premier ministre dans son discours de politique générale.

Aujourd'hui, nous faisons vivre ce que le Conseil national de la Résistance appelait, il y a soixante ans, le «  Plan complet de la sécurité sociale »...

M. Maxime Gremetz. Oh là là !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. ...en l'adaptant, pour le préparer aux années à venir.

Il n'y a pas, mesdames, messieurs les députés, de plus noble projet que de vouloir sauver un système qui est au cœur de notre pacte républicain.


C'est ce défi que nous vous proposons de relever ensemble.

Adapter notre modèle de protection sociale aux réalités d'aujourd'hui et de demain est l'un des chantiers que le Président de la République a fixés au gouvernement de Jean-Pierre Raffarin et à la majorité parlementaire. Parce que l'allongement de la durée de vie interpelle nos systèmes de retraite et d'assurance maladie. Parce que les mutations du marché du travail rendent nécessaire une redéfinition des formes traditionnelles du lien social. Parce que nous devons redonner à nos concitoyens confiance dans l'avenir.

M. Jean-Marc Ayrault. C'est mal parti !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Et aussi, monsieur Ayrault, parce que notre pays a trop tardé à engager les réformes nécessaires. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Préparer l'avenir doit être la préoccupation centrale de tous les gouvernements.

M. Pascal Terrasse. Juppé nous a dit la même chose en 1995 !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Ceux qui l'oublient lorsqu'ils sont en situation de pouvoir agir portent une lourde responsabilité devant les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Oui, mesdames et messieurs les députés, l'assurance maladie est aujourd'hui confrontée à une triple crise.

Une crise financière, d'abord, car le déficit structurel de l'assurance maladie se creuse de façon continue année après année. Nous serons cette année à 12,9 milliards d'euros de déficit.

M. Pascal Terrasse. C'est votre faute ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Cela signifie que lorsque l'assurance maladie reçoit 100 euros pour rembourser des soins, elle dépense 110 euros. C'est évidemment insoutenable à l'échelle d'un pays. L'écart important entre la progression des recettes et le rythme d'augmentation des dépenses fait peser une menace évidente sur la pérennité de l'assurance maladie.

M. Jean-Marie Le Guen. Vous ne vous battez absolument pas !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Il ne sert à rien de le contester. La responsabilité du Gouvernement est d'y apporter des solutions.

L'assurance maladie est confrontée, en deuxième lieu, à une crise de légitimité, qui s'incarne principalement dans les relations entre l'assurance maladie et les professionnels de santé - tout particulièrement les médecins -, encore marquées par la méfiance et parfois par l'affrontement. Les vingt dernières années de la vie conventionnelle auront été marquées par l'absence d'un véritable dialogue entre les acteurs. Des conventions sont parfois signées sans être appliquées, tandis que l'État se voit amené à intervenir dans la négociation. Le système s'épuise dans un état de perpétuelle négociation où la légitimité des acteurs est sans cesse contestée.

L'assurance maladie est confrontée, enfin, à une crise d'organisation, tant il est difficile aujourd'hui de répondre à une question qui pourtant semble simple : qui gère réellement l'assurance maladie ? Les partenaires sociaux auront tendance à répondre que c'est l'État. L'État renverra aux partenaires sociaux les responsabilités importantes qui leur sont confiées, notamment depuis les ordonnances de 1967. En réalité, il faut le dire, personne aujourd'hui n'assume la responsabilité globale de la gestion de l'assurance maladie. Comme le relève le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, « le système manque aujourd'hui, à tous les niveaux, de capacité à décider en situation de responsabilité ».

L'évolution des dépenses de l'assurance maladie, celle du revenu de remplacement vers la prise en charge des soins qui est à l'œuvre depuis plus de trente ans, ainsi que le caractère universel de la couverture et de ses ressources, remettent évidemment en question la gestion traditionnelle fondée sur le strict paritarisme. Dans le même temps, nous voyons bien l'impasse dans laquelle nous conduirait un processus d'étatisation, ou, à l'inverse, de privatisation. Il y a bien, dès lors, un nouveau mode de gestion à inventer.

Face à cette triple crise, il était donc nécessaire d'agir et d'engager une réforme structurelle de notre assurance maladie.

Le Gouvernement a d'abord décidé de fonder cette réforme sur une analyse précise de la situation. C'est la première mission qui a été confiée par le précédent gouvernement au Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie présidé par Bertrand Fragonard, mission qu'il a parfaitement remplie puisque le rapport du Haut conseil a permis d'établir un diagnostic partagé par l'ensemble des cinquante-trois membres qui participent à cette instance.

Il y a eu ensuite une première phase de concertation, menée par mon prédécesseur, Jean-François Mattei, à qui je souhaite rendre un hommage appuyé.

Puis nous avons, Xavier Bertrand et moi-même, construit cette réforme grâce à un travail de dialogue et d'échanges. J'ai le sentiment que peu de réformes ont donné lieu à autant de rencontres, de concertations et de débats, dans un délai aussi court, justifié par l'urgence. Depuis plus de deux mois, Xavier Bertrand et moi-même avons été en contact permanent avec les partenaires sociaux, les représentants des professionnels de santé et des patients, les représentants des organismes d'assurance maladie, de base et complémentaire. Nous avons mené plus d'une centaine d'entretiens avec l'ensemble des partenaires de cette réforme.

Tous les acteurs - je dis bien tous les acteurs - de l'assurance maladie se sont eux aussi investis dans cette concertation. Ils nous ont fait remonter leur vision de la situation, leurs propositions, leurs inquiétudes. Je tiens ici à leur rendre hommage.

Je veux aussi souligner le rôle joué, dans cette phase de dialogue et de réflexion, par l'Assemblée nationale notamment au travers des travaux menés par la mission d'information présidée par le président Jean-Louis Debré. Oui, monsieur le président, j'ai le sentiment qu'au travers de cette mission, l'Assemblée nationale a bien « pris sa part au débat » et « contribué à éclairer les choix » qui ont été faits, comme vous le souligniez dans votre introduction au rapport présenté par la mission.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, après le temps du diagnostic et du dialogue est venu le temps de la décision et de l'action. Face à l'ampleur des déséquilibres, il était donc nécessaire d'agir et d'entamer ce « redressement par la qualité » qu'appelait de ses vœux le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie. C'est l'objet même du projet de loi que nous vous présentons ce matin et dont nous souhaitons vous donner les principaux axes.

D'abord, il faut mieux organiser notre système de soins. C'est le cœur du projet de loi.

M. Jean-Marc Ayrault. Ah bon ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Nous devons progressivement passer d'un système désorganisé à une organisation librement consentie par le patient.

Premier élément de cohérence du système de soins : le dossier médical personnel.

Chaque Français doit pouvoir disposer d'ici à la fin de 2006 de ce dossier médical, qu'il partagera avec son médecin traitant et, le cas échéant, avec l'ensemble des professionnels de santé qu'il aura choisis.

Le dossier médical sera confidentiel et appartiendra au patient. Les hébergeurs accueillant les données seront agréés conformément à un cahier des charges très strict. Ce dossier sera rendu obligatoire et, à terme, l'accès au dossier conditionnera le remboursement des soins.

L'ensemble des acteurs du système de soins gagnera à la mise en place rapide de ce dossier médical personnel : le patient, d'abord, qui aura une garantie de qualité de soins et un accès unifié à l'information le concernant ; le médecin, ensuite, qui aura un meilleur suivi de son patient grâce à la disponibilité de l'information en temps réel ; l'assurance maladie, enfin, par la limitation des soins inutiles, injustifiés ou dangereux.

Nous devons réussir ensemble la mise en place du dossier médical personnel. Nous avons tous en tête les précédentes tentatives qui n'ont pu aboutir, faute de consensus. Elles ont nourri notre réflexion pour avancer. Les esprits, aussi, ont beaucoup mûri sur ce sujet, qu'il s'agisse des professionnels de santé - tout particulièrement des médecins - ou des patients.

Enfin, les progrès des technologies de l'information rendent possibles des échanges rapides et sécurisés, qui étaient inconcevables il y a dix ans. Je crois donc que nous pouvons en quelques années franchir ce pas décisif qui structurera, j'en suis persuadé, l'organisation même de notre système de soins.

L'organisation des soins suppose aussi de mettre en place de véritables parcours personnalisés de soins au bénéfice du malade, lequel ne doit plus être laissé seul face à une organisation de l'offre de soins qu'il ne comprend pas toujours et dans laquelle, il faut bien le reconnaître, il se perd parfois.

Nous avons tous en tête des exemples personnels d'examens ou de consultations qui se sont répétés en raison du fait que le patient ne sait pas précisément à qui s'adresser, ou par absence de coordination entre offreurs de soins. Nous connaissons tous des gens autour de nous, dans nos familles ou dans notre voisinage, qui ont été radiographiés dans un cabinet privé et qui se sont ensuite présentés à un service d'urgence hospitalière où la première chose demandée a été de refaire une radio sans lire la première. C'est cela l'absence de coordination : 15 % des radios hospitalières ne sont pas lues, selon le dernier rapport du directeur de l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, M. Coulomb.

Il nous faut remettre de la cohérence dans un système de soins qui est parmi les plus performants du monde pour ce que les experts appellent le « curatif individuel », mais qui est l'un des plus mauvais pour ce qui concerne le préventif communautaire ou même l'organisation des soins.

C'est évidemment tout le sens de la mise en place du médecin traitant. Porte d'entrée pour le malade, ce médecin, qu'il soit spécialiste ou généraliste, sera librement choisi par le patient, car la liberté individuelle est au cœur de notre politique. Aucun Français ne se verra imposer son médecin, car ce n'est pas notre modèle.

Le médecin traitant orientera le patient dans le système de santé. Un certain nombre de spécialistes resteront évidemment en accès direct, je pense en particulier aux pédiatres, mais aussi aux ophtalmologues ou aux gynécologues médicaux.

Le Gouvernement ne propose pas que la loi ou des décrets fixent un cadre trop rigide à ce médecin traitant car la mise en œuvre pratique relève de la responsabilité des partenaires conventionnels, c'est-à-dire des caisses d'assurance maladie et des professions de santé. Je sais que certains ont la tentation de fixer très précisément dans la loi toutes les règles liées à ce médecin traitant. J'ai vu qu'un certain nombre d'amendements étaient déposés dans ce sens. Je crois pourtant qu'il faut se garder de la tentation de trop réglementer. Faisons confiance aux caisses d'assurance maladie et aux professions de santé pour définir les modalités pratiques de la mise en place du médecin traitant, dans le respect du cadre général fixé par la loi. C'est le sens de la délégation renforcée.

Dernier point sur lequel je souhaitais insister dans cette nouvelle organisation de l'offre de soins : la nécessité de renforcer le lien entre la médecine de ville et l'hôpital public. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Il n'y a pas d'un côté une réforme de l'assurance maladie et de l'autre une réforme de l'hôpital, qu'il soit public ou privé. Il y a bien une réforme de l'organisation des soins, qui vise au décloisonnement entre la médecine de ville et les hôpitaux, publics comme privés.

Pour des raisons de cohérence, il nous est apparu que cette harmonisation devait être recherchée en priorité au niveau régional.

M. Pascal Terrasse. Pourquoi avoir refusé les agences régionales de santé ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Et c'est notamment pour mettre en œuvre cette coordination régionale que le projet de loi prévoit un rapprochement entre les URCAM, les unions régionales des caisses d'assurance maladie, et les ARH, les agences régionales de l'hospitalisation. Ces deux institutions devront travailler ensemble sur la répartition de l'offre de soins, la permanence des soins, le développement des réseaux. Le rapprochement entre la médecine de ville et l'hôpital est une exigence. Il ne pourra devenir une réalité qu'à la condition d'engager tous les professionnels, en ville ou à l'hôpital, dans la voie de l'efficience et de la qualité.


Ainsi, le dossier médical et le médecin traitant seront des dispositifs communs à l'hôpital et à la ville, au bénéfice du patient qui, lui, est unique.

La deuxième ligne de force de ce projet, c'est la promotion de l'évaluation, et donc de la qualité des soins.

La nécessité d'une évaluation de l'utilité médicale fondée sur des critères réellement scientifiques était l'un des messages forts du rapport du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie. Notre système s'épuise à vouloir tout financer, sans hiérarchie ni visibilité.

C'est la raison pour laquelle il faut optimiser les choix que nous sommes amenés à faire, pour nous donner les moyens de rembourser les médicaments et les traitements innovants qui constituent la médecine de demain.

Nous ne disposons pas aujourd'hui des outils nous permettant d'évaluer l'utilité médicale d'un acte lorsqu'une demande d'admission au remboursement est faite, alors que la démarche existe pour le médicament. C'est évidemment une lacune très importante à laquelle il fallait remédier. La Haute autorité de santé devra émettre des avis sur l'utilité médicale des produits et des actes, préalablement à leur admission au remboursement. Elle pourra également être saisie par différents acteurs - assurance maladie, État, professionnels de santé, représentants des usagers - pour réévaluer l'efficacité de certains traitements si cela s'avère nécessaire.

La Haute autorité se verra confier une seconde mission tout aussi centrale dans le nouveau dispositif : celle de veiller à l'élaboration et à la diffusion des référentiels de bonne pratique.

Mais l'accroissement de la qualité des soins suppose aussi un engagement plus fort des professionnels de santé dans des démarches de formation continue et d'évaluation. J'ai confiance, je l'ai dit, dans la capacité des professionnels de santé à être les acteurs de la réforme, à relever avec nous le défi de la qualité.

Le projet de loi qui vous est soumis prévoit un certain nombre de dispositions qui vont en ce sens. Cet engagement doit concerner les professionnels libéraux comme ceux qui exercent à l'hôpital. Je souligne aussi que nous faisons rentrer cette logique de qualité des soins à l'hôpital public au travers d'accords de bon usage des soins, qui pourront être signés au niveau national entre l'État, les fédérations hospitalières et l'assurance maladie, puis déclinés au niveau local.

Troisième ligne de force de ce projet : la lutte contre les abus. J'ai entendu ici ou là que les abus ne sont pour rien dans le trou de la sécurité sociale.

M. Jean-Marie Le Guen. C'est un abus de langage !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Mais il est important de faire la chasse aux fraudes et aux abus. C'est la raison pour laquelle nous allons mettre en place les outils juridiques pour que, demain, un salarié qui serait en permanence en arrêt maladie alors que rien ne le justifie sur le plan médical, ...

M. Jean-Marc Ayrault. Combien y en a-t-il ?

M. Jean-Marie Le Guen. Vous racontez n'importe quoi, monsieur le ministre ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. ...puisse, après avis d'une commission où siégeront médecins libéraux et médecins conseils,...

M. Jean-Marie Le Guen. Fantasme !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. ...être amené, s'il est solvable, à rembourser les indemnités journalières indûment perçues. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Non, monsieur Le Guen, la RTT ne doit pas être confondue avec l'arrêt maladie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Marie Le Guen. N'importe quoi ! Les médecins manquent d'outils !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Vous tombez bien. Car nous allons également mettre en place des outils juridiques permettant de sanctionner les praticiens qui prescrivent abusivement des arrêts maladie. Le président de la caisse nationale d'assurance maladie lui-même, M. Spaeth, nous demande d'agir à l'encontre des trois à quatre médecins qui, dans chaque département, semblent s'être « spécialisés » dans l'arrêt maladie.(Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Eh oui !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Pour la première fois, des outils juridiques permettront de leur interdire dorénavant de prescrire des arrêts maladie, hors du contrôle du médecin-conseil.

M. Claude Evin. Ce n'est pas la première fois !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. C'est aussi cela la justice et l'équité, monsieur Le Guen. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Quant à la carte Vitale, il est nécessaire de la transformer (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) en carte d'identité de santé afin d'être sûr que son porteur soit bien son titulaire (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Désormais, monsieur Le Guen, grâce à la biométrie, figureront sur la carte la photo d'identité et les empreintes du titulaire. (« Très bien » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Marie Le Guen. On en reparlera !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Enfin, pour accompagner la nouvelle organisation de l'offre de soins, il nous est apparu indispensable de mieux définir les compétences de l'ensemble des acteurs qui participent au pilotage de l'assurance maladie. C'est tout le sens de la nouvelle gouvernance.

M. Jean-Marc Ayrault. Ce n'est pas crédible !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Sans doute, avons-nous trop tendance à n'aborder cette question de la gouvernance qu'en termes d'institutions et de pouvoirs.

Ne perdons jamais de vue qu'il s'agit, avant tout, de mettre notre système d'assurance maladie au service du malade et d'une offre de soins plus efficace et mieux organisée.

Le Gouvernement a fait le choix de déléguer de nouvelles compétences aux caisses d'assurance maladie.

M. Jean-Marie Le Guen. Aux directeurs ! A des proconsuls !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Les gestionnaires de l'assurance maladie disposeront en effet de nouveaux pouvoirs relatifs à la gestion du périmètre des soins remboursés par l'assurance maladie. L'assurance maladie aura un rôle d'initiative important dans la gestion de la nomenclature des actes, mais surtout, il lui appartiendra de définir, dans le respect des limites fixées par l'État, les taux de remboursement. C'est une évolution considérable, qui met effectivement en phase la responsabilité de gestion et les outils de la décision.

L'assurance maladie jouera également un rôle plus important dans le domaine du médicament par le biais d'une participation accrue au comité économique des produits de santé dont les compétences sont élargies et renforcées. Si l'on prend en compte l'élargissement du contenu des conventions signées entre les professionnels de santé et l'assurance maladie, ainsi que le renforcement de l'autonomie des partenaires conventionnels dans la négociation des accords, il apparaît que les gestionnaires de l'assurance maladie disposeront désormais de la plupart des leviers pour assumer la gestion des soins de ville.

Pour ce qui est de l'hôpital, j'ai le sentiment que la mise en place du comité de l'hospitalisation constitue une solution équilibrée permettant d'associer l'assurance maladie aux décisions prises par l'État en ce domaine, qui représente une partie très importante de ses dépenses.

Ces nouvelles compétences exigent de mieux associer les caisses d'assurance maladie à la préparation du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Xavier Bertrand y reviendra tout à l'heure.

Deuxième volet de la nouvelle gouvernance : la réforme des instances dirigeantes des caisses d'assurance maladie.

La crise qu'a traversée le paritarisme ces dernières années imposait d'imaginer de nouvelles solutions et une nouvelle répartition des rôles, qui puisse être équilibrée, entre les différents acteurs. L'assurance maladie a besoin d'instances délibérantes légitimes et d'un exécutif doté des pouvoirs nécessaires à la mise en œuvre des orientations stratégiques. C'est la philosophie qui sous-tend le projet du Gouvernement, et c'est ce que nous avons proposé aux partenaires sociaux avec qui nous avons eu évidemment un dialogue constant sur ce sujet.

Il appartiendra au futur Conseil de définir les principales orientations et de valider les principaux choix de gestion. La direction recevra le pouvoir de les mettre en œuvre. Le directeur restera nommé par l'État, mais le Conseil aura un véritable pouvoir d'appréciation, car il pourra préalablement s'opposer à cette nomination.

M. Claude Evin. Tu parles !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. J'ai le sentiment que cette nouvelle répartition des rôles permettra une gestion efficace de l'assurance maladie. Le retour des représentants des employeurs au sein des conseils permettra aux partenaires sociaux d'assumer ensemble leurs responsabilités.

Troisième volet de la nouvelle gouvernance : l'instauration d'un dialogue entre l'assurance maladie de base et les organismes de protection complémentaire.

Aujourd'hui, ce dialogue n'est pas structuré alors même que les enjeux du partenariat sont majeurs : gestion cohérente des domaines remboursables, relation avec les professionnels de santé, partage des données de santé.

La structuration d'un partenariat efficace entre les acteurs des régimes de base et les organismes complémentaires est donc une nécessité. Il ne s'agit pas de confondre le champ d'intervention de ces différents acteurs ni ce pourquoi ils existent.

Il s'agit d'organiser entre eux le dialogue garantissant une intervention cohérente de ces régimes, dans le respect de la prééminence des régimes de base.

Ce sera l'un des rôles joué par l'Union nationale des caisses d'assurance maladie et de l'Union nationale des organismes de protection complémentaire.

Le partage d'informations doit être au cœur de ce partenariat. L'implication des organismes complémentaires et de l'assurance maladie de base dans un institut des données de santé doit y contribuer fortement. Cet institut sera en charge de veiller aux transferts des données, préalablement rendues anonymes, entre ses membres.

Dernier élément de cette réforme de la gestion de l'assurance maladie : la rénovation du dialogue conventionnel.

M. Jean-Marc Ayrault. Vous le renvoyez plus tard !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je l'ai dit, les rapports entre les professions de santé et les caisses d'assurance maladie ont parfois été difficiles, nos collègues de l'opposition en ont le souvenir cruel. Je crois cependant qu'il tient à peu de chose que les fils du dialogue se renouent.

Le Gouvernement croit au dialogue social, dans le domaine de l'assurance maladie, comme dans les autres.

M. Alain Vidalies. Il est bien le seul !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Ce projet de loi donne de nouveaux outils aux partenaires, grâce notamment à l'instauration d'une procédure d'arbitrage pour régler les éventuels différents. Il consolide les accords, grâce au droit d'opposition donné aux syndicats majoritaires. Ce sera aux acteurs du système de santé et de l'assurance maladie qu'il reviendra de faire vivre la négociation conventionnelle, dans un esprit de dialogue et d'ouverture.

Mme Élisabeth Guigou. Vous bottez en touche !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Organiser notre système de soins, donner à l'assurance maladie les outils et les compétences lui permettant d'assumer ses responsabilités, valoriser la qualité des soins au service du malade, tels sont les objectifs que s'est fixés le Gouvernement dans cette réforme pour sauvegarder notre assurance maladie. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Cela s'accompagne, sur le plan financier, par un effort de redressement de 15 milliards d'euros, qui permettra le retour progressif vers l'équilibre sur la période 2005-2007. (« C'est faux ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Alain Néri. Ce n'est pas ce que dit la note de Bercy !

M. Jean-Marc Ayrault. Qui ment ?

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. M. Xavier Bertrand détaillera tout à l'heure les principales mesures de ce plan de redressement.

M. Pascal Terrasse. On espère qu'il sera meilleur que vous !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Je souhaite cependant en préciser les principes.

Ce plan, mesdames et messieurs les députés, a été construit sur trois idées fortes.

L'ambition d'abord, qui est à la hauteur des déséquilibres auxquels fait aujourd'hui face notre système d'assurance maladie. Cette ambition, c'est celle d'une réforme qui ne consiste pas en un alignement de mesures comptables, mais bien en une réforme structurelle et une modernisation en profondeur de notre système de soins.

La maîtrise médicalisée des dépenses de santé, ensuite, qui est la clé de voûte de cette réforme. Lorsque l'on souhaite résorber les déséquilibres que connaît aujourd'hui notre assurance maladie, il y un grand nombre de mesures financières imaginables. Certaines ont un effet immédiat. Elles consistent à diminuer les droits des assurés, à abaisser les remboursements et à restreindre l'accès aux soins.

M. Jean-Marc Ayrault. C'est exactement ce que vous faites !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Non, tel n'est pas notre projet. Notre ambition est de conduire une réforme médicalisée, fondée sur l'efficience et la qualité des soins, non pas contre, mais avec les professionnels de santé qui en sont les acteurs quotidiens.

M. Jean-Marc Ayrault. Personne n'y croit !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Rien n'aurait été pire que de prendre des mesures conjoncturelles. Cela aurait cassé la confiance et, dans cinq ans, les mêmes causes auraient produit les mêmes effets !

M. Jean-Marc Ayrault. Vous vous contentez de reporter la dette sur les générations futures.

M. Alain Vidalies. C'est la fuite en avant !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Enfin, nous avons essayé, comme nous y invitait le rapport du Haut conseil, d'emprunter le chemin du développement durable pour notre assurance maladie. Ainsi, dans le domaine du médicament, devons-nous apprendre à consommer mieux. C'est en réduisant les volumes consommés et en développant les médicaments génériques que nous pourrons dégager les moyens de financer l'innovation thérapeutique.

M. Jean-Marc Ayrault. Oh ! là ! là !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Il y a dans notre système des abus et des zones de non-qualité. Chaque acte réalisé par un professionnel de santé, chaque demande de soins faite par un assuré doivent être raisonnés.

Voilà, mesdames et messieurs, ce que je voulais vous dire.

M. Pascal Terrasse. L'UMP ne semble pas convaincue !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Si, depuis deux mois, le parti socialiste avait fait des propositions crédibles, cela se saurait ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire- Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Alain Néri. Blablabla !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. Quand on a été incapable, pendant cinq ans de pouvoir, de faire la moindre réforme de structure,...

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Absolument !

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. ...alors que la croissance était là et que les dépenses d'assurance maladie ont augmenté de 4,5 % en 2000, de 5,5 % en 2001 et de 7,2 % en 2002, on n'a pas de leçons à donner ! Faites attention à ce que vous dites, car sinon cela pourrait être dangereux pour vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire- Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Alain Néri. Qui tient les rênes maintenant ?

M. Pascal Terrasse. Ces menaces sont scandaleuses !

M. Jean-Marie Le Guen. Vous n'êtes pas à l'UMP, monsieur le ministre !


M. le ministre de la santé et de la protection sociale.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, nous avons devant nous un débat que je souhaite riche et ouvert. Nous pouvons ensemble améliorer le texte. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Au-delà des clivages partisans, nous devrions pouvoir nous accorder sur l'objectif simple de soigner mieux en dépensant mieux. Le Gouvernement engage une réforme profonde de la politique de santé de notre pays au travers d'une politique de prévention, d'une modernisation sans précédent de l'hôpital et d'une réforme ambitieuse de l'assurance maladie.

Ambition, qualité des soins, équité, voilà les mots qui définissent le mieux notre projet de réforme de l'assurance maladie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Rappel au règlement

M. Jean-Marc Ayrault. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour un rappel au règlement. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, je demande à M. Douste-Blazy de retirer les menaces qu'il a proférées. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Mallié. Pour qui vous prenez-vous ?

M. Jean-Marc Ayrault. Même si vous êtes en désaccord avec nous, monsieur le ministre, vous ne devez pas vous exprimer ainsi. Je regrette profondément que vous ayez dérapé. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Mallié. C'est vous le roi du dérapage incontrôlé !

M. Jean-Marc Ayrault. N'auriez-vous d'énergie que pour vous en prendre aux socialistes ?

M. Pascal Terrasse. Avec des menaces scandaleuses !

M. Jean-Marc Ayrault. Je rappelle que nous avons laissé l'assurance maladie en équilibre.

M. Richard Mallié. Grâce à qui ?

M. Jean-Marc Ayrault. Or non seulement vous avez rompu l'équilibre, mais encore vous faites peser la dette sur les générations futures. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

De plus, je n'accepte pas que vous disiez que nous ne faisons aucune proposition.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. C'est pourtant vrai !

M. Pierre-Louis Fagniez. C'est la réalité !

M. Jean-Marc Ayrault. Nous en faisons depuis plusieurs semaines. Vous le savez bien, monsieur le ministre, puisque vous y avez réagi à plusieurs reprises. Nous allons les transformer en amendements, et nous verrons bien comment vous répondrez quand nous dirons, par exemple, qu'il y a une certaine lâcheté à reporter la dette sur nos enfants et petits-enfants et à inventer un impôt sur la naissance. Nous ferons des contre-propositions et nous verrons si vous êtes capables de les écouter. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Daniel Garrigue. Cela n'avait rien à voir avec un rappel au règlement !

Reprise de la discussion

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie.

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'État à l'assurance maladie. Monsieur le président, monsieur le président de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, après le temps du dialogue avec les partenaires sociaux et les acteurs du système de santé, voici venu le temps, tant important, du débat parlementaire. En dehors de l'hémicycle, d'ailleurs, cela fait plusieurs semaines que les parlementaires travaillent sur la modernisation de notre système d'assurance maladie.

Je veux d'abord remercier le président Debré et tous les membres de la mission d'information qu'il présidait pour leur contribution à la préparation de ce projet de réforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Leurs travaux remarquables ont permis à chacun de commencer un examen important des dysfonctionnements de notre système de santé. Si tous n'ont pas été d'accord sur les solutions à apporter, il existe au moins un accord sur les principes qui doivent rester au fondement de notre système - solidarité, universalité, égalité d'accès aux soins et qualité des prestations -, ainsi que sur la gravité de la situation.

Je souhaite également remercier M. Édouard Landrain pour la qualité du rapport qu'il a fait au nom de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne. Il retrouvera dans le plan soumis au Parlement plusieurs des propositions qu'il a formulées en s'inspirant des mesures adoptées par nos partenaires européens. Tous les pays occidentaux sont en effet controntés à la réforme de leur système de santé, en raison du vieillissement de la population, du progrès technique et de l'évolution de nos habitudes médicales.

Après les interventions de M. le Premier ministre et de M. le ministre de la santé, je reviendrai sur un point essentiel. Si nous sommes d'accord sur l'impérieuse nécessité de mettre en place un plan ambitieux pour notre système d'assurance maladie, nous sommes aussi conscients de l'urgence à le moderniser.

Je veux non seulement vous dire que nous pouvons sauver la sécurité sociale, mais aussi vous montrer comment nous entendons le faire. Cela apportera une clarté que certains appellent de leurs vœux.

Nous le savons tous, la situation financière de l'assurance maladie n'est pas soutenable. Trois chiffres suffisent à le montrer : le déficit s'aggrave de 23 000 euros par minute - j'ai bien dit « le déficit », et non la dépense - et il sera de 12,9 milliards en 2004, tandis que la dette s'élèvera à 33 milliards à la fin de l'année. Ce déficit est dû pour partie au ralentissement économique international de ces trois dernières années, mais surtout à la forte croissance des dépenses de santé, qui remonte à une époque plus ancienne.

Le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, qui a effectué un travail important en quelques mois, a analysé les effets à moyen terme de cette forte croissance des dépenses. Il a rappelé deux scénarios possibles. Si rien n'est fait avant 2020, il ne restera que deux solutions. Ou bien le taux de remboursement devra descendre de 76 % à 51 %, ce qui reviendrait à une privatisation rampante du système...

M. Alain Néri. C'est ce que vous faites !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. ...dont nous ne voulons pas.

M. Jean-Pierre Blazy. Vous en rêvez, pourtant !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. C'est pourquoi, nous, nous avons le courage d'assumer cette modernisation. Ou bien - solution de facilité pour certains - il faudrait accroître fortement les prélèvements sur les revenus des Français...

M. Jean-Marie Le Guen. Vous le faites déjà avec la CSG et le CRDS !

M. Alain Néri. Et le prélèvement d'un euro par visite !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. ...en doublant le taux de CSG affectée à l'assurance maladie, soit une hausse de 5,4 points, ce qui amputerait d'autant le pouvoir d'achat des Français.

Nous refusons ces deux scénarios, et c'est pourquoi nous avons le courage d'engager la modernisation de l'assurance maladie.

M. Richard Mallié. Très bien !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Il est vrai qu'à une période récente, quand la croissance était forte,...

M. Pascal Terrasse. Grâce à qui ?

M. Richard Mallié. Grâce à nous !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. ...la nécessité des réformes était aussi grande. De nombreux rapports et travaux d'experts indiquaient clairement qu'il fallait entreprendre cette modernisation, mais rien n'a été fait. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Aujourd'hui, le contexte économique est moins favorable.

M. Jean-Pierre Blazy. C'est le moins que l'on puisse dire !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Néanmoins, nous prenons nos responsabilités afin d'assurer la sauvegarde de notre système de sécurité sociale. C'est pourquoi ce projet s'inscrit dans la droite ligne...

M. Jean-Pierre Blazy. La ligne de la droite, plutôt !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. ...des recommandations du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie.

M. Jean-Marie Le Guen. Vraiment pas !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Ceux d'entre vous qui en étaient membres auront, je l'espère, l'honnêteté de le reconnaître.

On a reproché à notre plan d'être insuffisant, de trop reposer sur le changement de comportement des différents acteurs du système de santé. Je le répète, ce plan est crédible parce que, pour la première fois, il s'attaque aux problèmes structurels du système de santé en créant les conditions d'un véritable changement des comportements.

M. Richard Mallié. Ils ne savent pas ce que cela veut dire !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. C'est d'ailleurs sur cet aspect qu'il diffère des seize plans antérieurs qui se sont succédé depuis 1977. C'est parce nous voulons changer les comportements que, pour la première fois, ce plan réussira là où tous les autres ont échoué.

M. Alain Néri. Ce n'est pas ce que dit Bercy !

M. Jean-Marie Le Guen. Personne n'y croit !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Selon le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, le déficit est dû pour les deux tiers à des facteurs structurels et pour un tiers à des motifs conjoncturels. En réduisant les dépenses de 10 milliards d'euros et en augmentant les recettes de 5 milliards d'euros, le Gouvernement a suivi la même logique, la seule légitime aux yeux du Haut conseil. Pour résoudre des problèmes structurels, il faut en effet des réponses structurelles.

M. Richard Mallié. Très bien !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Nous avons pris le temps de l'écoute et de la concertation. Nous avons beaucoup échangé pour bâtir cette réforme. Nous avons entendu beaucoup d'avis et avec les acteurs du système de santé, nous avons progressé. Nous avons refusé de nous engager dans la voie de la facilité et dans ce qui marque traditionnellement tout plan de réforme de l'assurance maladie : les déremboursements massifs.

M. Maxime Gremetz. Ah !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Baisser de cinq points le taux de remboursement aurait permis de dégager 1,7 milliard d'euros d'économie. Quinze points représenteraient même 5,1 milliards d'euros, ce qui est considérable. Sur le papier, il s'agit d'économies certaines, immédiates, comptables. Mais c'est aussi un non-sens tant cela s'apparente à un simple transfert entre gestionnaires, un transfert de l'assurance maladie de base vers les organismes complémentaires, l'assuré étant prié de payer des cotisations toujours plus élevées.

Notre plan ne modifie en rien la frontière entre régime obligatoire et régime complémentaire. Les efforts que nous demandons aux Français ne visent qu'à consolider un système qu'ils connaissent et apprécient.

Nous avons aussi refusé de remettre en question ce qui fait le cœur même de notre système d'assurance maladie, à savoir la liberté : liberté pour le patient de consulter le médecin de son choix, liberté du médecin de prescrire ce qu'il juge être bon pour son patient. Mais pour moi, la liberté ne signifie pas le laisser-faire. Pour nous, la liberté a pour contreparties la responsabilité et la solidarité.

Nous avons enfin refusé de nous engager dans la voie des prélèvements massifs pour faire rentrer de l'argent dans les caisses de la sécurité sociale. N'en déplaise à certains, il n'existe pas de ressources que l'on pourrait ponctionner sans conséquence sur la croissance et donc indirectement sur les recettes mêmes de l'assurance maladie.

M. Maxime Gremetz. Si !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Comme l'a encore souligné le Haut conseil, traiter la question du financement par la seule voie des prélèvements créerait des tensions insoutenables. Cela reviendrait à doubler le taux de la CSG maladie d'ici à 2020, ce qui est impossible, sauf à sacrifier le pouvoir d'achat des Français.

Avant de parler des moindres dépenses, je rappellerai, pour éviter les caricatures, qu'en 2007, nous dépenserons davantage pour notre santé qu'en 2004. Les dépenses de santé continueront de croître, et c'est légitime. Il n'y a pas, il n'y aura pas de rationnement des soins, de quelque nature que ce soit.

M. Jean-Marie Le Guen. C'est l'assurance maladie que vous rationnez !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Dans le même temps, nous faisons en sorte que chaque euro investi dans notre système de soins le soit à bon escient.

Cela passe d'abord par la maîtrise médicalisée des dépenses. Il est vrai, et nous l'assumons pleinement, que nous avons écarté le choix d'une maîtrise comptable de l'assurance maladie au profit d'une maîtrise médicalisée, à hauteur de 3,5 milliards d'euros en 2007. Dans son point mensuel de conjoncture de mai 2004, la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés évalue entre 5 et 6 milliards le coût des dépenses « injustifiées », c'est-à-dire les prescriptions excessives ou inadaptées, les remboursements inopportuns, pour les seuls soins de ville, soit l'équivalent de 15 % des prescriptions réalisées. Le Gouvernement est bien en deçà de cette estimation : une économie de 3,5 milliards d'euros nous paraît être un objectif prudent, et donc réaliste.

Promouvoir le bon usage du médicament, grâce au déploiement de logiciels d'aide à la prescription et à des campagnes d'informations - la dernière, sur les antibiotiques a permis une diminution de 20 % de leur prescription - et à une mobilisation du service médical, doit nous permettre d'économiser 800 millions d'euros par an. Je rappelle que nous consommons en France une boîte de médicament par personne et par semaine, soit une fois et demie plus que les Allemands et les Espagnols, et deux fois plus que les Néerlandais.

Le projet de loi prévoit aussi la mise au point d'une charte de qualité de la visite médicale entre les industriels et le comité économique des produits de santé.

Le développement des référentiels de bonne pratique, qui aura un effet réel grâce à la liquidation médicalisée mise en place par les caisses d'assurance maladie, représentera 800 millions d'euros de moindres dépenses.

Troisième volet de cette maîtrise médicalisée, la coordination des soins, au travers du dossier médical personnel, du médecin traitant et du rapprochement entre la ville et l'hôpital nous fera économiser un milliard d'euros d'ici à 2007.

Enfin, les règles liées à la prise en charge à 100 % devront être mieux respectées, car de multiples études montrent que nous prenons en charge à 100 % des soins qui n'ont rien à voir avec l'affection qui justifie le classement en ALD.

Le médicament doit aussi nous permettre de réaliser ces moindres dépenses. La politique du médicament nous permettra de dépenser 2,3 milliards d'euros de moins en 2007. Nous construisons ce volet en partenariat avec l'industrie du médicament...

M. Jean-Marie Le Guen. C'est rassurant !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. ...afin de concilier les exigences d'économies avec la nécessaire valorisation de la recherche et de l'innovation.


La question n'est pas tant celle de l'attractivité de l'industrie pharmaceutique que celle de l'attractivité de la France pour que les Français puissent continuer à bénéficier des meilleurs médicaments et des médicaments les plus innovants. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Nul ne saurait nier les retombées importantes en termes d'innovation mais aussi d'emploi. Néanmoins, soigner mieux en dépensant mieux doit aussi s'appliquer à la filière des produits de santé.

Un économiste réputé, Claude Le Pen, estime à 1 milliard d'euros par an, en 2007, les économies réalisables grâce au médicament générique. En Allemagne, 30 % des médicaments vendus sont des génériques, en Angleterre 50 %. En France, nous n'en sommes qu'à 13 %. La marge de progrès est donc considérable et les économies seront bien au rendez-vous.

Mesdames, messieurs les députés, le succès du générique est l'exemple type qui montre que les Cassandre de l'époque se trompaient.

M. Jean-Marie Le Guen. C'est ce que nous disait M. Mattei il y a trois ans !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Certains avaient prétendu que le générique ne marcherait jamais ; la hausse de 40 % de la consommation de générique l'an dernier montre que nous sommes bel et bien capables, les uns et les autres, de faire évoluer nos comportements.

M. Richard Mallié et M. André Schneider. Eh oui !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Le plan médicament prévoit aussi une meilleure adaptation des conditionnements aux prescriptions...

M. Alain Gest. Très bien !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. ...en permettant par exemple la délivrance de boîtes de trois mois à certains malades chroniques, et en adaptant les conditionnements, notamment lorsqu'il s'agit de maladies et de traitement pour les enfants.

M. Pierre-Louis Fagniez et M. Alain Gest. C'est important !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Cette mesure de bon sens permettra de réaliser une économie de 180 millions d'euros par an.

Une plus grande maîtrise du processus de rétrocession des médicaments de l'hôpital vers la ville, qui est à l'origine d'une forte progression des dépenses, nous permettra de réaliser 150 millions d'euros d'économies. Le plan prévoit aussi un relèvement mesuré des taxes applicables aux industries du médicament, à travers la reconduction de la taxe sur le chiffre d'affaires des laboratoires pharmaceutiques instaurée par la loi de financement pour 2004, et l'augmentation de la taxe sur les dépenses de promotion, pour 200 millions d'euros environ. D'autres mesures de gestion des prix des molécules anciennes sont en cours d'élaboration dans le cadre de ce partenariat pour atteindre à terme, en 2007, environ 550 millions d'euros.

J'en viens à l'hôpital. Parce qu'il contribue à près de la moitié des dépenses d'assurance maladie, il était légitime que la modernisation de la gestion de l'hôpital participe à la réforme de l'assurance maladie.

M. Jean-Pierre Blazy. Comment ? Expliquez-le nous !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. C'est principalement grâce à une rationalisation de la politique d'achat, que l'hôpital contribuera aux économies, et ce à hauteur de 1,6 milliard.

Je voudrais vous rappeler un chiffre que chacun connaît et qui vous permettra de mesurer quelles sont nos marges de progrès. La mission d'étude et d'analyse hospitalière a souligné la très grande différence entre les coûts d'achat d'un hôpital à un autre, qui vont pour certains produits de 1 à 5. Pour ne vous donner qu'un seul exemple, sachez que le prix de l'oxygène médical varie de 33 centimes d'euro à 1,90 euro par mètre cube. Ne peut-on pas harmoniser et réaliser de véritables économies sans nuire en rien à la qualité des soins à l'hôpital ?

M. André Schneider. Absolument !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Il y a ensuite, et Philippe Douste-Blazy en a parlé, le meilleur contrôle des indemnités journalières.

Par le renforcement du contrôle des arrêts de travail, au travers de procédures simplifiées, plus efficaces, dans le respect des patients comme des professionnels, nous voulons recentrer cette dépense sur sa véritable finalité : indemniser la personne temporairement dans l'incapacité de travailler pour raison médicale. Une réduction de la part des indemnités injustifiées et une diminution de moitié du tendanciel de progression de la dépense permettront une économie de l'ordre de 800 millions d'euros en 2007. Ce résultat n'est pas hors de portée, comme le montre l'inflexion sensible des indemnités journalières en 2004, en raison des contrôles accrus que la Caisse nationale d'assurance maladie opère depuis l'automne 2003.

Il s'agit, non de culpabiliser les uns ou les autres, mais simplement de s'assurer de la réalité de la justification médicale de l'arrêt de travail et de décourager les abus.

M. Bernard Accoyer. Très bien !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Dans les 10 milliards d'euros, il y a aussi l'économie des frais financiers liés au transfert de la dette à la CADES. Nous aurons l'occasion de débattre de ce transfert. En dépit des inconvénients d'une telle solution, il nous a semblé que ce dispositif restait préférable à l'augmentation très importante des prélèvements obligatoires qui aurait été nécessaire. Ce transfert nous permet en tout cas d'économiser un peu plus d'un milliard d'euros en frais financiers.

Avant-dernier volet de l'action sur les dépenses : la modernisation de la gestion du réseau des caisses d'assurance maladie. La sécurité sociale doit, tout comme l'État, se moderniser. L'augmentation de la productivité, liée notamment au déploiement de la télétransmission, et le non-remplacement d'une partie des départs à la retraite permettront de dégager 200 millions d'euros d'économies d'ici à 2007.

Enfin dans la droite ligne du projet de loi de financement pour 2004, le ministère de la santé et la CNAMTS ont engagé un plan d'optimisation du rendement des recours contre les tiers qui désignent les cas dans lesquels l'assurance maladie doit et peut récupérer auprès de l'assurance le coût des dépenses qu'elle a engagées du fait d'un accident dont un tiers est responsable.

M. Alain Gest. Très bien !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Les négociations entre la CNAMTS et les assureurs devraient aboutir dans les prochaines semaines. Un ensemble de mesures de sensibilisation des professionnels de santé et des assurés et de mobilisation du réseau de l'assurance maladie nous permettront de récupérer un peu plus de 100 millions d'euros par an.

M. Jean-Marie Le Guen. Zéro dit Bercy !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Cela représentera 300 millions d'euros supplémentaires à l'horizon 2007.

M. Jean-Marie Le Guen. Vous mettez l'administration sous la tutelle des assurances !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Le plan du Gouvernement prévoit 5 milliards d'euros pour les nouvelles recettes, dont un milliard d'euros au titre de la participation des usagers, à travers la contribution d'un euro et de l'augmentation du forfait journalier d'un euro par an jusqu'en 2007.

S'agissant de la contribution d'un euro, il nous a semblé en effet indispensable de susciter une prise de conscience parmi nos concitoyens du coût de leur consommation de soins,...

M. Maxime Gremetz. C'est comme pour le tabac !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. ...le développement du tiers payant ayant incontestablement suscité un sentiment de gratuité.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Il était temps de s'en rendre compte !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Nous avons tous des exemples en tête.

Nous ne voulons culpabiliser personne. Il ne s'agit pas d'une mesure financière puisque nous parlons de 700 millions d'euros sur un plan global de 15 milliards d'euros, mais simplement de responsabiliser chacun dans un souci d'équité puisque l'accès aux soins des plus démunis ne sera pas entravé et que les familles ne seront pas pénalisées, étant entendu que les enfants seront exonérés jusqu'à l'âge de seize ans du paiement d'un euro.

M. Édouard Landrain. Très bien !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Cessons sur ce débat les postures. Tout acte de soin a un coût, et à force de l'oublier, nous entraînons collectivement notre assurance maladie vers la faillite. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Marie Le Guen. C'est scandaleux !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Il y a ensuite 4 milliards d'euros de recetttes supplémentaires.

Je citerai d'abord le transfert de l'Etat à l'assurance maladie. L'État apportera une contribution d'un milliard à travers une fraction plus importante des droits tabacs affectée à l'assurance maladie.

M. Jean-Marie Le Guen. C'est 10 % de ce que l'État doit !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Le Parlement a souligné, à de nombreuses reprises, la complexité des liens financiers entre l'État et la sécurité sociale, ainsi que la nécessité de clarifier les choses.

Nous avions déjà entamé cette clarification en supprimant le FOREC et en affectant une part croissante des droits sur les tabacs à l'assurance maladie depuis 2002. Avec la réforme de l'assurance maladie, nous faisons un pas de plus en opérant ce transfert d'un milliard d'euros des droits sur les tabacs. Il s'agit d'un geste fort dans un contexte financier difficile pour les finances publiques.

M. Jean-Pierre Blazy et M. Jean-Marie Le Guen. Ridicule et illégitime !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Cela peut en surprendre certains car, à une époque, c'était le phénomène inverse qui se produisait, notamment pour financer les 35 heures ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Marie Le Guen. On y reviendra !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. La mesure dont je parlais à l'instant est une réponse concrète au débat sur les charges indues. De plus une telle affectation des droits sur les tabacs à l'assurance maladie repose sur une vraie logique de santé publique.

Ce transfert s'accompagnera du nécessaire renforcement de l'autonomie des comptes de la sécurité sociale. Le texte prévoit que tout transfert de charges entre l'État et l'assurance maladie devra être compensé. Comme l'avait fait Simone Veil en 1994 avec le principe de la compensation des exonérations de cotisations sociales, nous contribuons ainsi à identifier plus clairement les périmètres financiers respectifs de l'État et de la sécurité sociale, ce qui est une demande forte et légitime des gestionnaires. En effet, l'assurance maladie n'a pas vocation à être la variable d'ajustement de calculs financiers, ce qui, au final, ne change pas les équations des déficits publics. Les jeux d'écriture ne règlent pas le déficit de l'assurance maladie. Une telle mesure est indispensable pour mieux responsabiliser les gestionnaires.

Je souhaiterais souligner le souci de justice et d'équité qui a animé le Gouvernement dans le choix des mesures destinées à dégager des recettes. J'insiste sur le fait que c'est un effort partagé...

M. Jean-Pierre Blazy. Mal partagé !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. ...que nous demandons à tous.

L'augmentation de la CSG sur les retraités ne s'applique qu'aux retraités imposables. Elle est limitée puisqu'elle s'élève à 0,4 point, ce qui laisse un écart important - 0,9 point - avec le taux de CSG payée par les actifs. Alors qu'une politique ambitieuse de prise en charge de la dépendance se met en place, il nous a semblé possible que les retraités contribuent à l'effort de redressement de l'assurance maladie. Cela représente 600 millions d'euros. L'augmentation de l'assiette de la CSG sur les revenus d'activité nous a, par ailleurs, semblé justifiée après la réforme des frais professionnels intervenue fin 2002. L'augmentation de l'assiette générera 1 milliard d'euros de recettes supplémentaires.

Le taux de CSG sur les revenus du patrimoine et de placement sera quant à lui relevé de 0,7 point, soit 630 millions d'euros de recettes nouvelles.

M. Jean-Pierre Blazy. C'est insuffisant ! On aurait pu faire mieux !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Compte tenu du prélèvement déjà prévu au profit de la CNSA, le taux de CSG sur les revenus financiers et du patrimoine sera porté à 8,5 %. Enfin, la CSG sur le produit des jeux sera quant à elle relevée de 2 points et passera à 9,5 %, soit 100 millions d'euros de recettes supplémentaires.

M. Jean-Pierre Blazy. Ce n'est pas beaucoup !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. S'agissant des entreprises, le projet de loi prévoit une augmentation de 0,03 point de la contribution spécifique de solidarité sur les sociétés.

M. Jean-Pierre Blazy. Que c'est énorme !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Il est important que les entreprises participent à l'effort de redressement des comptes de l'assurance maladie. Elles le font dans des proportions qui, là encore, nous semblent raisonnables.

Vous le voyez, notre plan a été envisagé sans tabou, sans aucune idéologie,...

M. Maxime Gremetz. Oh !

M. Jean-Pierre Blazy. On veut nous faire prendre des vessies pour des lanternes !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. ...mais au nom du pragmatisme et de l'effort équitable. C'est un plan de maîtrise médicalisée et non un plan de maîtrise comptable.

M. Maxime Gremetz. Quel effort !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Nous avons délibérément fait le choix d'écarter la maîtrise comptable des dépenses de santé car elle ne fonctionne pas et surtout parce qu'elle est contraire à l'esprit de notre système de santé.

Au-delà de ces éléments, je voudrais insister sur un point qui concerne plus particulièrement le Parlement : le respect des objectifs de dépenses d'assurance maladie.

M. Jean-Marie Le Guen. Enfin !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Afin d'éviter que se creusent de nouveaux déficits, il nous semble essentiel de moderniser en profondeur le pilotage financier de l'assurance maladie, notamment dans sa dimension parlementaire.

Ces cinq dernières années nous ont montré les limites du dispositif actuel de gestion des finances de l'assurance maladie. La réforme de 1996 a constitué un premier progrès dans le pilotage des finances de l'assurance maladie.

M. Richard Mallié. Les socialistes l'ont oublié !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. En donnant au Parlement la faculté de fixer chaque année les ressources et de déterminer l'ONDAM, les lois de financement de la sécurité sociale ont constitué, outre une avancée démocratique très importante, un cadre de référence pour gérer les finances de l'assurance maladie, comme celles des autres branches.

Dans le même temps, on ne peut que constater l'insuffisante emprise des lois de financement sur la réalité des dépenses et sur ses leviers. Chaque année, vous votez un objectif de dépenses, qui est presque systématiquement dépassé depuis 1996, vidant ainsi ce vote d'une grande partie de sa substance. Nous devons améliorer les outils nous permettant d'anticiper les évolutions et de réagir en cas de dégradation brutale des équilibres de l'assurance maladie.

Le premier de ces outils, c'est une loi de financement modifiée par une réforme de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Très bien !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Des parlementaires ont déjà fait nombre de propositions. Le Gouvernement présentera un texte en ce sens à l'automne. Il vous proposera une évolution des lois de financement à deux niveaux : d'une part, en inscrivant les dépenses dans un cadre pluriannuel, afin de donner une vraie visibilité aux gestionnaires sur un cycle qui pourrait être de trois ans ; d'autre part, en renforçant la lisibilité de l'équilibre des différentes branches, car la loi de financement ne permet pas aujourd'hui d'avoir une vision suffisamment claire du rapport entre recettes et dépenses dans chacune des branches de la sécurité sociale.

Les deux autres outils figurent dans le projet de loi que nous vous présentons aujourd'hui. Les Caisses nationales d'assurance maladie seront associées à la préparation des objectifs de dépenses. Elles feront chaque année des propositions d'orientation. C'est, je crois, un élément central dans la responsabilisation des gestionnaires de l'assurance maladie mais aussi pour établir un ONDAM au caractère réaliste beaucoup plus affirmé.

M. Édouard Landrain. Très bien !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. À côté de cette responsabilité nouvelle confiée aux caisses, figure dans le projet de loi le comité d'alerte. Il aura un rôle central à jouer dans l'exécution des lois de financement. Lorsqu'un risque sérieux de dépassement apparaîtra avant le milieu de l'année, le comité d'alerte devra en prévenir les gestionnaires.

Nous avons souhaité que ce comité d'alerte intervienne exclusivement sur un plan technique, en déterminant les risques de dérive. Il sera indépendant de l'assurance maladie comme du Gouvernement. C'est, là encore, un outil simple pour une gestion cohérente et transparente des finances de l'assurance maladie.

Il ne s'agit aucunement d'enfermer les dépenses de santé dans une enveloppe comptable. Cela n'aurait tout simplement aucun sens. Aucun Gouvernement n'ordonnera la fermeture des cabinets médicaux ou des hôpitaux le 15 décembre par exemple, sous prétexte que l'enveloppe attribuée aurait été dépassée.

M. Jean-Marie Le Guen. Mais la fin des remboursements, oui !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. On peut être responsable des dépenses sans être prisonnier d'une enveloppe.

M. Jean-Marie Le Guen. La maîtrise comptable de l'assurance maladie !


M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie.
Toutes ces mesures réussiront grâce à l'engagement de tous. Leur mise en œuvre ne pourra donc être que progressive. Elles devraient nous permettre de revenir vers l'équilibre financier de l'assurance maladie en 2007. Mais nous saurons avant si la situation évolue dans le bon sens, si cette évolution des comportements est possible. Pour ma part, je le crois. En 2005, nous saurons si les comportements commencent à se modifier, si la dérive des comptes est endiguée et si le déficit se réduit. Oui, dès la fin de 2005, nous saurons si nous sommes en passe de remporter ce défi.

Nous avons bien conscience, Philippe Douste-Blazy et moi-même, d'avoir une obligation de résultat. Pour réussir, nous devrons, après le vote de la loi, rester mobilisés et mettre en œuvre résolument le texte qui aura été adopté. C'est ce que j'appelle le « service après vote » du plan de modernisation de l'assurance maladie. En effet, une grande partie du travail restera à faire. À la demande du Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, nous nous sommes engagés à ce que les décrets d'application des différentes mesures que vous allez adopter soient pris rapidement. D'ores et déjà, de nombreux décrets sont en cours de préparation et ils seront adaptés en fonction du vote des parlementaires.

M. Jean-Pierre Blazy. C'est heureux !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. En tout état de cause, certains décrets pourront être publiés dès le début du mois de septembre.

Par ailleurs, nous mettrons en place un vrai suivi des engagements pris et une évaluation de leurs effets. Nous voulons que cette réforme atteigne ses objectifs et nous mettons tout en œuvre pour que cela soit le cas. L'impact des mesures de la réforme sera évalué périodiquement, avec un tableau de bord qui sera rendu public et, bien entendu, communiqué au Parlement. Le Gouvernement proposera d'ailleurs d'associer à ce suivi les rapporteurs du projet de loi, comme nous y invite la proposition de résolution de votre collègue, Jean-Luc Warsmann.

M. Bernard Accoyer. Très bien !

M. le secrétaire d'État à l'assurance maladie. Dès la rentrée, nous expliquerons davantage encore aux patients et aux acteurs de la santé les modalités et la réalité de cette modernisation.

Mesdames et messieurs les députés, la modernisation de l'assurance maladie se déroulera en trois temps : le temps de la démocratie sociale, que nous avons fait vivre ; le temps de la démocratie parlementaire, qui s'ouvre solennellement cet après-midi ; enfin, le temps de la démocratie citoyenne, qui va nous mobiliser. Elle repose aussi sur trois principes : la détermination au service d'une ambition ; le dialogue au service de la concertation et la pédagogie au service du devoir de vérité.

Nous sommes persuadés que, si chacun y met du sien, nous réussirons à sauvegarder notre système de santé, un système dans lequel chacun contribue selon ses moyens, mais dans lequel chacun est soigné suivant ses besoins, un système de santé qui fait notre fierté. Relevons ensemble le défi d'une modernisation qui conforte la solidarité, d'une solidarité que renforce la responsabilité.

L'enjeu est de taille : garantir l'avenir de notre sécurité sociale à la française. Il est dorénavant de notre devoir, dans cet hémicycle, d'être aussi au rendez-vous de nos responsabilités. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à l'assurance maladie.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à l'assurance maladie. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, aujourd'hui, notre responsabilité est exaltante ! Il nous faut rien de moins que sauvegarder l'assurance maladie, cette branche que les Français assimilent volontiers à la sécurité sociale tout entière, la « Sécu » disent-ils,...

M. Maxime Gremetz. La Sécu, c'est « Vitale » !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. ...ce système « unique au monde », « merveilleux », cette « bonne fée », comme ils la qualifiaient dans l'étude que nous avions commandée il y a dix-huit mois avec le président de la commission des finances, Pierre Méhaignerie. Ils ont pour elle un attachement que je considère comme quasi « œdipien ». On les comprend !

Rappelons en effet les principes fondateurs de cet édifice, principes qui ont gagné en force avec le temps : universalité de la couverture, qui exprime la solidarité nationale ; prise en charge indépendante de l'état de santé, de l'âge et des comportements, indépendante aussi du niveau de revenus ; caractère obligatoire de l'affiliation qui garantit la cohérence du système ; taux de prise en charge élevé assurant la gratuité, ou presque, des soins coûteux, particulièrement à l'hôpital.

Les problématiques de l'assurance maladie et du système de soins doivent faire l'objet d'une analyse globale. Leur articulation devait conduire à un unique objectif : un accès égal à des soins de qualité égale pour tous. Qu'en est-il aujourd'hui ? L'accès est-il égal ? Et la qualité ? Je crains de ne pas pouvoir dresser un bilan très satisfaisant en réponse à ces questions. Tout au contraire, depuis quelques années, lentement, à bas bruit, nous nous éloignons de cet idéal.

(M. Éric Raoult remplace M. Jean-Louis Debré au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT,

vice-président

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Au-delà de mon expérience de médecin, je relaie, comme vous, mes chers collègues, de nombreux courriers attirant mon attention sur les disparités de qualité, sur les phénomènes de file d'attente, sur les inégalités géographiques, ces trois handicaps pouvant se cumuler ! Ces témoignages sont confirmés par le diagnostic du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie et par le rapport de la mission d'information sur la problématique de l'assurance maladie initiée par le président de l'Assemblée nationale, Jean-Louis Debré. Ces deux instances ont bien mis en relief le caractère indissociable du système d'assurance et du système de soins. Elles ont aussi montré la nécessité de les moderniser et de mieux les articuler. C'est ma conviction et la volonté du Président de la République et du Premier ministre qui, tous deux, ont souhaité dès le début de la législature procéder à une modernisation trop longtemps retardée. C'est une lourde tâche.

Ce projet de loi prend place dans une politique d'ensemble. Ont ainsi été présentés le projet de loi relatif à la politique de santé publique, qui sera définitivement adopté avant la fin de la session extraordinaire ; le projet de loi relatif au dispositif de solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, définitivement adopté le 17 juin ; le projet de loi relatif à l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées, qui sera adopté avant la fin de l'année ; le plan Hôpital 2007, via l'article 50 du projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit ; le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux ; sans oublier la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, loi que j'ai votée, je souhaite le rappeler ici et maintenant. L'ensemble présente une belle cohérence, incluant la dimension médico-sociale. Nous sommes loin d'un texte « unijambiste » comme certains ont voulu le faire croire.

M. Jean-Marie Le Guen. Il n'y a que vous qui employez ce terme !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. L'Assemblée nationale a largement contribué à la préparation de la réforme. La création de l'office parlementaire d'évaluation des politiques de santé, l'OPEPS, a favorisé une réflexion sur l'évaluation de l'efficacité médico-économique de notre système. La mission d'information sur l'organisation interne de l'hôpital, présidée par René Couanau, et deux tables rondes sur le thème de l'hôpital ont permis de mieux comprendre les enjeux de la réforme hospitalière. Pour effectuer des comparaisons internationales, une délégation de la commission des affaires sociales s'est rendue à Québec et à Londres en septembre 2003 ; par ailleurs, nos relations sont étroites avec la commission de la santé du Bundestag. Et le rapport de notre collègue Édouard Landrain sur la réforme de l'assurance maladie en Europe a été éclairant. Des députés, de la majorité comme de l'opposition, ont participé dans un esprit coopératif aux travaux du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie et je veux saluer ici notre collègue Jean-Marie Le Guen qui, comme moi, en a partagé le diagnostic. La mission d'information de l'Assemblée nationale sur la problématique de l'assurance maladie a effectué un travail considérable dans des délais très serrés. Enfin, la commission spéciale a réalisé trente auditions entre son installation et le début de ses travaux.

Notre commission a étudié à ce jour 1 453 amendements. Sur ce sujet, je ferai deux remarques. D'une part, je regrette le raz-de-marée des amendements du groupe des député-e-s communistes et républicains. Il est impossible de dégager de ces milliers d'amendements la moindre orientation politique. Où est la ligne ? Quel est le message ? L'obstruction parlementaire ne profite jamais au débat de fond. C'est regrettable sur un sujet d'une telle importance. Ceci expliquant cela, j'aimerais d'autre part saluer les fonctionnaires de l'Assemblée : les administrateurs et les secrétaires qui ont travaillé sans relâche, mais aussi les agents qui ont réalisé plusieurs dizaines de milliers photocopies avec le sourire et dans la bonne humeur. Ils ont tous accompli un travail considérable.

Lancée par Jean-François Mattei, auquel je tiens à rendre hommage, la réforme de l'assurance maladie que vous nous proposez aujourd'hui, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, est le point d'équilibre le meilleur possible entre deux tensions : ne pas se laisser entraîner par la ligne de pente - la dérive financière -, car ce serait irresponsable ; tout faire pour remonter la pente en assurant aux Français qu'ils bénéficieront encore dans les années à venir d'un des systèmes de santé les meilleurs au monde. Ce sera notre fierté d'élus du peuple.

Le socle du projet reste la solidarité. Et pour cause ! Qui songerait à démanteler l'un des plus puissants facteurs de cohésion de la société française ? La « Sécu » est un élément consubstantiel de notre patrimoine national. C'est un héritage commun qui trouve ses racines dans notre histoire. Je ne voudrais pas aborder ce texte sans rendre hommage aux pères fondateurs de l'assurance maladie : le général de Gaulle, un visionnaire, qui sut s'adjoindre l'expérience d'un connaisseur hors pair des mécanismes assurantiels d'avant-guerre, Pierre Laroque, et d'un autre membre du Conseil national de la Résistance, Ambroise Croizat qui souhaitait « en terminer avec l'indignité des vies dans l'angoisse de l'accident, de la maladie ou des souffrances de l'enfant ». « Les vrais hommes de progrès », disait Ernest Renan, « sont ceux qui ont pour point de départ un profond respect du passé. » Que cette réflexion puisse nous inspirer pendant nos débats.

Le texte prend le parti de faire confiance aux assurés et aux professionnels de santé pour être les acteurs d'une réforme qu'ils doivent s'approprier. C'est un plan d'ensemble, structurant, qui vise non seulement à prendre les mesures financières nécessaires, mais aussi à promouvoir la qualité des soins, à changer les comportements et à réformer le pilotage de l'assurance maladie, dans le respect d'une assurance maladie solidaire.

Vous avez souvent résumé l'esprit du projet de loi, monsieur le ministre, par l'expression « soigner mieux en dépensant mieux ». Il s'inspire de quatre principes : augmentation de la qualité des soins ; responsabilisation du patient ; organisation rénovée ; financement à la hauteur des besoins.

L'augmentation de la qualité des soins passe par une coordination et une continuité renforcées. C'est une œuvre de longue haleine : les résultats ne seront perceptibles que dans quelques années car ils sont subordonnés à un changement des comportements des usagers, comme des professionnels. De ce point de vue, il ne s'agit pas du « grand soir » du système de santé.

Le dossier médical personnel permettra le décloisonnement entre la médecine de ville et l'hôpital. Il facilitera le travail en réseau. Il pose des questions éthiques et déontologiques, qui ont d'ailleurs été prises en compte lors des travaux de la commission grâce notamment à un amendement proposé par notre collègue Claude Évin. La commission a adopté, à mon initiative, un amendement interdisant notamment que l'accès au dossier médical personnel soit une condition de la conclusion d'un contrat de protection complémentaire santé.

Pour réussir, le dispositif devra être simple, généralisé d'emblée et évolutif. Il constituera un formidable outil de modernisation du système de soins si son objectif unique reste le service médical rendu au patient, et à lui seul. La confiance du patient envers ce nouvel outil doit être totale : ni l'assurance maladie, ni les organes de santé publique ne doivent y avoir accès ! Un dispositif encourageant le patient à utiliser le dossier médical personnel est prévu, mais le patient reste libre de son utilisation.

Les débats en commission ont été passionnés. Il vous faudra, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, nous préciser les conditions d'application du système, notamment pour la médecine du travail, la nature des différentes informations regroupées dans le dossier médical personnel, et enfin, les économies qu'on peut en espérer à terme.

Le projet reconnaît la place essentielle du médecin traitant, choisi par le patient. Ce sera le plus souvent un généraliste, mais un spécialiste pourra être désigné comme médecin traitant dans certaines pathologies. Ce médecin, proche du traditionnel médecin de famille, dispose d'une vue d'ensemble du patient. Il connaît son histoire personnelle, son contexte familial et culturel, son environnement social et économique. Son approche, loin d'être limitée à un organe en particulier, s'étend à l'état de santé global de son patient. L'assuré pourra changer de médecin traitant en prévenant la caisse primaire dont il relève : le projet respecte bien la liberté de choix du patient.

Le texte met également en place un dispositif encourageant l'assuré à respecter les filières de soins, intégrant médecins généralistes et médecins spécialistes. Le patient conservera un accès direct sans pénalité à certaines spécialités. Vous nous préciserez, monsieur le ministre, les conditions dans lesquelles l'accès direct sans pénalités sera conservé et les exceptions au principe de majoration de participation, comme vous y invite un amendement adopté par la commission.


La continuité des soins, en partie garantie par le dossier médical personnel, est renforcée par le travail en réseau et le respect de protocoles de soins, notamment pour les malades atteints d'une affection de longue durée - ALD. La prise en charge des ALD fera l'objet d'un encadrement médicalisé et renforcé. Plus généralement, alors que la gestion du risque comporte des inégalités dans les remboursements des lunettes et des prothèses auditives ou dentaires, la prise en charge des ALD n'est pas, de mon point de vue, satisfaisante. Elles représentent 50 % des dépenses d'assurance maladie et sont toutes traitées sur le même plan alors qu'elles n'ont rien de commun entre elles. Au sein de chacune des ALD des distinctions sont nécessaires. En fonction du type de maladie et des malades, certains devraient être plus aidés.

La réforme ne réussira pas sans l'engagement des professionnels de santé. Je salue l'attitude très constructive de leurs organisations professionnelles tout au long de la préparation du texte. De fait, le projet de loi est exigeant à leur égard. Il leur demande d'approfondir leur démarche d'évaluation et de formation continue et de s'engager plus avant dans le respect des bonnes pratiques et des référentiels de soins validés par la Haute autorité. L'article 8 du projet accélérera le rythme de l'évaluation des pratiques professionnelles, tant pour les médecins conventionnés que pour les médecins hospitaliers. Il était temps de sortir, en matière d'évaluation des pratiques et de formation médicale, des déclarations de principes et des slogans.

Les assurés, de leur côté, seront mieux informés de la participation des médecins à ces dispositifs d'évaluation. Il me semble essentiel de mieux orienter les assurés vers la qualité. Messieurs les ministres, par quelle voie les caisses pourront-elles renseigner les assurés ? Un site Internet a été évoqué : ce point mérite d'être examiné avec prudence.

L'une des caractéristiques de l'exercice libéral en France est le relatif isolement des professionnels de santé. Le projet de loi, qui favorise le développement des réseaux, des filières de soins et de l'exercice en groupe contribuera à rompre cette solitude, parfois durement vécue par les plus jeunes lorsqu'ils s'installent, surtout lorsqu'ils le font dans les zones dites désertifiées.

Il convient également de responsabiliser les patients. Ils seront amenés à changer leurs comportements. Le système français associe à un niveau élevé de socialisation des dépenses un haut degré de liberté pour les patients et les professionnels de santé. Une telle liberté est sans commune mesure avec celle qui prévaut chez nos voisins. Nous souhaitons préserver cette exception tout en luttant contre ses effets pervers, qui risquent de la tuer. En effet, elle entraîne parfois des gaspillages et elle ne conduit pas toujours à une prise en charge sanitaire optimale du patient.

L'un des aspects positifs du texte est d'inviter le patient à changer son comportement et à devenir en quelque sorte acteur de sa santé. Les exemples récents de la réduction de la consommation d'antibiotiques ou de développement de la prescription des médicaments génériques sont encourageants. La preuve a été faite que les Français sont prêts à suivre une telle voie. Je crois nécessaire de multiplier les campagnes d'explications par une communication adaptée afin que l'intérêt de telles mesures soit bien compris.

Les ressources de l'assurance maladie n'étant pas illimitées, l'amélioration de la qualité des soins commande également que chaque euro dépensé par la collectivité soit utilisé au mieux de l'intérêt du patient. Le texte renforce les sanctions en cas de comportement abusif ou frauduleux. Cela passe par la sécurisation de la carte Vitale qui, désormais - tel est le souhait des commissaires, que vous avez confirmé, monsieur le ministre -, devra comporter la photographie d'identité du porteur. Elle deviendra la carte d'identité « santé » qu'il vous plaît d'évoquer. Cela passe également par un dispositif gradué de sanctions à l'encontre des usagers et des professionnels de santé en cas d'abus, ainsi que sur la récupération des prestations indues en cas de fraude.

Des leviers efficaces sont mis en place en vue d'améliorer la gestion des indemnités journalières. Les dépenses en indemnités journalières, chacun le sait, se sont accélérées au cours des dernières années de manière « médicalement » inexplicable, notamment pour les arrêts de longue durée. La consommation d'arrêts de travail est en moyenne de six jours par actif à Paris contre dix-huit jours dans le Gard ! Une action ciblée sur les plus gros prescripteurs d'arrêts et un contrôle plus efficace des assurés devraient permettre des économies sur ce poste, qui a représenté, à lui seul, près de 6 milliards d'euros de dépenses pour l'assurance maladie en 2003. Un amendement a été adopté par la commission, à mon initiative, visant à mieux encadrer les prolongations d'arrêts de travail.

Le bon usage des médicaments est vigoureusement encouragé par la poursuite du développement des génériques, la mise en place de conditionnements mieux adaptés et l'amélioration de la qualité des pratiques et de l'information des praticiens. J'attends beaucoup de la charte que devront conclure les entreprises du médicament et le comité économique des produits de santé en vue d'éviter certaines dérives en la matière.

À l'horizon 2007, les économies réalisées sur les dépenses liées aux produits de santé pourraient ainsi s'élever à 2,3 milliards d'euros, vous nous l'avez confirmé, monsieur le ministre. Le comité économique des produits de santé, dont les pouvoirs sont accrus et auquel les régimes obligatoires de base d'assurance maladie sont mieux associés, voit son rôle conforté dans le sens d'une amélioration de la chaîne du remboursement au bénéfice des assurés. J'attends encore plus de l'amélioration de la formation continue des professionnels de santé.

La mise en œuvre de ces mesures devrait d'abord réduire puis, j'en fais le pari, faire disparaître les dépenses inutiles, principale source d'économies en médecine de ville et à l'hôpital.

M. Gérard Bapt. Pari risqué !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. L'hôpital, monsieur Bapt, reste et restera la pierre angulaire de notre système de soins. Il compte pour près de la moitié des dépenses de l'assurance maladie. Sa gestion financière sera révolutionnée par la tarification à l'activité et son organisation interne et son mode de pilotage doivent être réformés. Nous pouvons à la fois rendre un meilleur service aux malades et réaliser des économies dont l'importance me semble aujourd'hui largement sous-estimée.

Le chantier de la gouvernance est l'un des plus difficiles et des plus importants du texte. Les travaux de la mission Debré ont mis en relief les effets délétères de l'absence de pilotage du système de santé et des impulsions désordonnées, voire contradictoires, données par des acteurs mal coordonnés, sans vision commune et repliés sur leurs champs de compétence limités.

Le schéma proposé apporte l'indispensable clarification des responsabilités entre l'État et les caisses tout en réaffirmant les compétences de l'État, garant d'une protection de la santé indépendante des situations d'âge, de santé, de revenus et veillant à la réalisation des objectifs de santé publique.

La réforme de l'assurance maladie repose sur deux caractéristiques majeures : le maintien d'un pilotage par les partenaires sociaux et une organisation institutionnelle leur permettant d'exercer réellement cette compétence. Les partenaires sociaux retrouveront leur rôle initial, c'est-à-dire leur fonction d'orientation au sein du conseil de la caisse où ils auront une place prépondérante. L'exécutif sera renforcé dans son autonomie de gestion. Le nouvel équilibre ne doit pas être appréhendé en termes de concurrence entre les conseils et les directeurs mais en termes de complémentarité. La commission a adopté plusieurs amendements visant à préciser cet équilibre.

La création d'une Union nationale des caisses d'assurance maladie accentuera la collaboration des trois régimes, en leur proposant une maîtrise de l'ensemble des dépenses de la branche maladie, sans préjudice pour leurs identités respectives.

Le pilotage financier est rendu plus crédible par la mise en place du comité d'alerte destiné à prévenir tout dérapage des dépenses. Le vote de l'ONDAM - l'un des grands progrès des ordonnances de 1996 - a été malheureusement vidé de son sens par des dépassements systématiques qui ont ôté toute signification à l'intervention du Parlement. À cet égard, pouvez-vous, messieurs les ministres, nous préciser le calendrier de la réforme de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, s'agissant notamment de la notion de pluriannualité ?

La Haute autorité de santé, dont le caractère est scientifique, apportera une expertise indispensable. Afin de garantir une meilleure transparence, la commission a souhaité que la Haute autorité dépose un rapport annuel au Parlement sur ses travaux. Sa mission d'évaluation de l'ensemble des actes, des produits et des prestations de santé et son rôle dans la promotion des bonnes pratiques et l'amélioration de l'information s'appuieront notamment sur les travaux de l'ANAES et de l'AFSSAPS et elle reprendra les missions actuellement confiées au FOPIM. Dans tous ces domaines, il nous faut en effet passer à la vitesse supérieure, comme vous l'avez souhaité, monsieur le ministre, lors de votre audition par la commission.

L'Institut des données de santé sera un établissement collecteur et diffuseur de données à la crédibilité incontestable. Les données, bien évidemment anonymes, seront accessibles à des partenaires aussi différents que les caisses, les mutuelles, les autres assureurs, les professionnels et les établissements de santé.

Un tel renouvellement des institutions permettra d'étendre les pouvoirs de l'assurance maladie en matière de remboursement des dépenses. C'est à l'UNCAM que reviendra la compétence de déterminer le taux des remboursements. Si cette compétence demeure encadrée dans des limites fixées par décret, elle représente une grande avancée pour les gestionnaires. C'est à l'UNCAM que reviendra la responsabilité des procédures d'inscription à la nomenclature des actes et prestations remboursables. Les ministres compétents conserveront néanmoins un droit d'opposition pour raison de santé publique. En matière de fixation des prix des médicaments, l'assurance maladie bénéficiera de prérogatives accrues sous forme d'un pouvoir de décision qui se substituera aux compétences ministérielles actuelles moyennant un ultime droit d'opposition.

Cette extension des pouvoirs se traduira, en outre, par une plus grande efficacité. Le projet de loi met fin à l'absurde système de vases communicants dans lequel les assurances complémentaires se précipitaient pour rembourser les dépenses que l'assurance maladie avait choisi de ne plus prendre en charge. À quoi sert un ticket modérateur, une franchise ou un forfait hospitalier s'il est intégralement pris en charge par les complémentaires ? Une telle pratique ne freine pas la dépense mais la rend socialement moins équitable.

M. Jacques Myard. Très juste !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Le projet de loi fait donc le choix, non d'interdire une prise en charge par les complémentaires, mais de la rendre financièrement peu attractive pour elles. S'instaure ainsi, par un dialogue entre l'UNCAM et l'union des complémentaires, une prise en charge enfin coordonnée des remboursements, dans le respect de la prééminence de l'assurance maladie. La commission a d'ailleurs adopté trois amendements importants précisant l'articulation entre l'UNCAM et les complémentaires. Ce dialogue sera étendu aux professionnels de santé puisque la commission a adopté un amendement créant une Union nationale des professions de santé.

M. Gérard Bapt. Vous trouvez cela socialement plus juste !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Cette extension des pouvoirs de l'assurance maladie constitue donc, mes chers collègues, un véritable basculement de compétence, qui placera les gestionnaires des régimes de base devant leurs responsabilités, celles qu'ils souhaitent recevoir dans le cadre d'une plus grande délégation de gestion. Une telle compétence est également confortée dans le champ conventionnel. Le champ de la convention est étendu. Les accords interprofessionnels seront favorisés. L'État ne sera plus dans la position de décideur d'ultime recours comme il l'est aujourd'hui. La création d'un droit d'opposition et la mise en place d'un règlement arbitral éviteront bien des dysfonctionnements liés au dispositif actuel, à la fois lourd et peu efficace, et des négociations qui s'apparentaient un peu trop à une sorte de « billard à trois bandes », encourageant toutes les surenchères.

La volonté de mieux coordonner la médecine de ville et l'hôpital et d'associer plus étroitement l'assurance maladie au pilotage de l'hôpital est consacrée au plan national par la création du comité d'hospitalisation, que les commissaires ont préféré rebaptiser « conseil ». Il sera un centre d'expertise associant plus étroitement l'assurance maladie aux décisions prises en matière de financement pour l'hôpital public et l'hôpital privé, une structure nécessaire au moment où se met en place la tarification à l'activité. Les compétences de ce conseil pourraient être renforcées. Des amendements allant en ce sens ont été adoptés à mon initiative par la commission.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Très bien !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. La Conférence nationale de santé, rétablie par le projet de loi relatif à la santé publique, sera un lieu d'expression pour les usagers et les professionnels de santé, leur permettant de donner des avis sur les deux aspects complémentaires que sont la prévention et le soin.

Mais c'est au plan régional que la coordination doit prendre toute sa dimension grâce au rapprochement entre agences régionales de l'hospitalisation et unions régionales des caisses d'assurance maladie. De nombreux députés, messieurs les ministres, espéraient...

M. Gérard Bapt. Majoritairement !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. ...que vous avanceriez plus en direction des agences régionales de santé. La situation est complexe, il est vrai, tant sont nombreux les acteurs et enchevêtrées leurs attributions respectives.

M. Jean-Marie Le Guen. Certes !

M. Claude Evin. Justement !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Monsieur Bapt et Monsieur Le Guen, l'ARH est un GIP, dont la DRASS et l'URCAM sont membres. Le directeur de la DRASS est vice-président de la commission exécutive de l'ARH et la DRASS exerce la tutelle sur la CRAM. ARH et URCAM ont déjà une compétence conjointe en matière de financement des réseaux de santé.

M. Jean-Marie Le Guen. Ce n'est pas à nous que vous devez en parler, monsieur le rapporteur, mais à quelqu'un d'autre !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Alors que l'ARH est dotée de puissants moyens de recomposition de l'offre, l'URCAM n'a que peu de compétence sur l'organisation des soins de ville. A un tel stade, les deux entités ne peuvent donc qu'être coordonnées et non fusionnées.

La commission vous proposera la mise en place de missions régionales de santé, qui renforceront encore la coordination ville-hôpital. Ces missions s'articuleront avec les groupements régionaux de santé publique et les conférences régionales de santé rétablies par l'Assemblée dans la loi de santé publique. Je tiens à ajouter que le président de la commission spéciale, M. Bur, a proposé un amendement visant à expérimenter plus avant les agences régionales de santé dans des régions volontaires.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Très bien !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. C'est un premier pas, mais un grand pas, vers les agences régionales de santé, et je demande à Jean-Luc Préel et Claude Evin, fervents militants des ARS, d'en tenir compte.


Le financement est à la hauteur des besoins.

Nous devons être réalistes et pragmatiques et tenir compte du déficit de l'assurance maladie, des déficits de l'État, des impératifs européens, et de ce que la France ne dispose pas de réserves financières. Nos prédécesseurs ont dépensé sans compter (« Oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), sans oser la moindre réforme de structure, sans penser un tant soit peu à demain. C'est aussi cela que nous devons « éponger » aujourd'hui.

M. Jean-Marie Le Guen. Ce sont les assurés que vous allez éponger !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Le texte privilégie les économies issues d'une meilleure organisation et d'un meilleur fonctionnement du système de soins. Je n'entrerai pas dans les détails, mais le choix de la maîtrise médicalisée, la réforme du mode de financement des établissements de santé avec la mise en place progressive de la tarification à l'activité, les mesures proposées pour les produits de santé par le biais des taxes sur les dépenses de promotion et le relèvement de leur contribution sur le chiffre d'affaires, toutes ces mesures constituent des moyens d'action que nul ne peut mettre en doute. Il en va de même des économies résultant d'un meilleur contrôle et d'une gestion plus rigoureuse des caisses d'assurance maladie

Le texte prévoit par ailleurs un partage équitable de l'effort à faire pour redresser les comptes de l'assurance maladie.

Il nous faut tout d'abord résoudre la question du passif, de la dette accumulée : 35 milliards d'euros à la fin de cette année. La commission a souhaité limiter dans le temps, à 2020, la prolongation de la durée de vie de la CADES, tout en augmentant légèrement, de 0,15 point, le taux de la CRDS. Non seulement cette prolongation est indispensable, mais elle est aussi conforme à l'un des principes fondateurs de l'assurance maladie, celui de la solidarité entre générations. Si la commission n'a pas souhaité une prolongation sans limite précise de la CADES, c'est par souci d'un partage équitable de la charge de la dette entre générations.

Au demeurant, monsieur le ministre, vous envisagez d'autres mécanismes permettant d'accélérer le remboursement de la dette en fonction des excédents réalisés.

M. le ministre de la santé et de la protection sociale. En effet !

M. Gérard Bapt. Nous aimerions savoir précisément de quoi il retourne !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Il sera intéressant d'en débattre.

L'usager sera quant à lui amené à participer par le biais d'une contribution forfaitaire pour chaque consultation ou acte médical. Que n'a-t-on entendu sur cet euro symbolique, qui ne concernera ni les enfants, ni les femmes enceintes, ni les bénéficiaires de la CMU !

M. Jacques Myard. C'est très insuffisant ! Il faut passer tout de suite à deux euros !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Cette contribution restera très inférieure à ce qu'elle est dans les autres pays européens, notamment ceux qui ont un gouvernement socialiste. Mais c'est un signe qui a du sens. L'augmentation du forfait hospitalier procède de la même réflexion.

La force de ce texte est que chacun contribue de façon raisonnable et équitable au succès de la réforme : assurés, patients, professionnels de santé, entreprises pharmaceutiques, notamment par le biais des contributions sur les dépenses de promotion des médicaments, employeurs, par la hausse de la contribution sociale de solidarité des sociétés, État, par le transfert d'un milliard d'euros de droits sur les ventes de tabacs.

L'une des meilleures illustrations de ce partage de l'effort est l'ensemble des mesures relatives à la CSG. Outre l'élargissement de son assiette sur les revenus d'activité, sont également prévus des relèvements de taux de 0,4 point pour les retraités imposables - ce taux restant inférieur de près d'un point à celui des actifs -, de 0,7 point sur les revenus du patrimoine et de deux points pour la CSG sur les jeux.

Le projet prend en compte et corrige les nombreuses dérives qui se sont accumulées depuis plusieurs années au risque de détruire notre régime d'assurance maladie. Je pense notamment à l'inégalité dont sont victimes les 8 % de Français qui, faute de moyens, n'ont pas accès à une complémentaire. Grâce à la clarification des relations entre régimes de base et complémentaires par l'article 32, il est enfin possible d'étendre la couverture complémentaire. La commission a en outre adopté un amendement visant à aider l'accès à une complémentaire.

J'ai bien entendu les propos pessimistes de la direction de la prévision du ministère de l'économie et des finances. Celle-ci est assurément dans son rôle, mais elle est aussi la première à savoir que son raisonnement est purement financier et technique. Elle précise au demeurant, en guise de commentaire, « qu'il y a des choses qu'on ne peut quantifier ». Dominique Bussereau, auditionné aujourd'hui par la commission spéciale, a replacé la note dans son contexte. D'ailleurs, ceux qui connaissent le système de l'intérieur, ceux qui y vivent tous les jours, patients, professionnels de santé en ville ou à l'hôpital, savent parfois des choses que les technocrates ignorent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Nous avons tous constaté les pertes en ligne, les gaspillages et parfois les abus, toutes choses effectivement difficiles à quantifier : c'est tout l'objectif du projet de loi.

Permettez-moi d'insister pour conclure, mes chers collègues, sur le nouveau départ que représente ce projet de loi pour notre assurance maladie et notre système de soins. Personne ne peut dire raisonnablement le contraire, surtout quand les contre-projets, lorsqu'ils existent, paraissent bien légers et certainement pas à la hauteur des enjeux, notamment des enjeux financiers.

M. Édouard Landrain. Très juste ! Les socialistes ont manqué de courage !

M. Gérard Bapt. Vous ne les avez même pas regardés, ces contre-projets, monsieur le rapporteur !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Je rêvais, monsieur Bapt, d'un consensus à l'allemande, et je suis toujours convaincu qu'il aurait été possible, si je m'en tiens aux conversations que j'ai pu avoir avec des responsables du principal parti de l'opposition - responsables qui ont, je le précise, tout mon respect.

M. Claude Évin. Un consensus, ça se prépare !

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur. Ce rêve s'est évanoui. Question de culture ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Vous donnez aujourd'hui, messieurs les ministres, un signale fort. Votre projet de loi sera amélioré par l'Assemblée et certainement voté, mais nous avons tous à l'esprit qu'il n'est jamais qu'une étape. Sa réussite dépendra de la qualité de sa mise en œuvre, de l'adhésion et de l'engagement de tous, du calendrier des échéances que vous nous proposerez.

Il doit être mis en œuvre avec rapidité et détermination. Nous sommes tous concernés. C'est tous ensemble que nous devons sauver la « Sécu ». Nous, parlementaires, nous avons l'obligation d'agir. Personne ne croit plus que les choses iront mieux si nous ne changeons rien. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Yves Bur, président de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à l'assurance maladie.

M. Yves Bur, président de la commission spéciale, chargée d'examiner le projet de loi relatif à l'assurance maladie. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce qui nous unit au sein de cette assemblée, au moment où nous abordons enfin la réforme de l'assurance maladie et la modernisation de notre système de santé, après la réforme des retraites menée à bien par le Gouvernement et sa majorité, c'est la volonté partagée de sauver ce qui est au cœur du lien social dans notre pays : la solidarité face à la maladie.

En proie à une évolution très préoccupante des déficits, la France est confrontée aujourd'hui, comme la plupart des pays développés, à un défi majeur pour la cohésion sociale, déjà mise à mal par une compétition internationale de plus en plus rude. Comment assurer à chacun le droit de bénéficier de soins de qualité ? Même si les options proposées divergent, nous pouvons au moins être d'accord pour débattre au fond de cette attente sociale. Il s'agit là de la colonne vertébrale de la cohésion sociale. Je souhaite très sincèrement que ce débat soit à la hauteur des enjeux et que nous évitions un enlisement procédurier qui en affaiblirait la portée et l'intérêt.

Il a fallu attendre neuf longues années après la réforme engagée par Alain Juppé pour qu'un gouvernement ose à nouveau s'attaquer à un dossier jugé explosif. Tous les acteurs - les politiques, les acteurs sociaux, les professionnels de santé - portent la responsabilité de cette fuite en avant qui a conduit notre assurance maladie au bord de l'abîme.

Aujourd'hui, plus de 10 % de nos dépenses de santé ne sont pas financées, ce qui équivaut au remboursement de l'ensemble des médicaments. Ce déficit, qui sera de l'ordre de 12,9 milliards d'euros en 2004, pourrait, dans l'hypothèse d'une croissance des dépenses supérieure de 1,5 point à l'évolution du PIB, atteindre 29 milliards d'euros en 2010 et même 66 milliards en 2020, hors charge de la dette !

Pour contrecarrer une telle évolution que personne ne peut accepter, le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie a conclu que la conservation d'un système d'assurance maladie solidaire et économe en prélèvements passait par la conjugaison de trois actions : en premier lieu, il faut améliorer le fonctionnement du système de soins et du système de protection sociale ; il faut ensuite, sans remettre en cause les principes de solidarité, ajuster les conditions de prise en charge en appelant à une coordination plus étroite entre les différents financeurs du risque maladie ; en troisième lieu, il serait utile d'engager des réflexions sur le système de recettes en prenant en considération les principes d'universalité de l'assiette et de parité des efforts contributifs et des droits entre les régimes et leurs ressortissants. Il insiste aussi sur la nécessaire transparence des rapports financiers entre l'État et l'assurance maladie.

La réforme que nous soumettons aux Français s'inspire de ces conclusions, adoptées par le Haut Conseil à l'unanimité. Tournant délibérément le dos à des mesures de maîtrise comptable, qui n'ont pas fait leurs preuves par le passé, sous des gouvernements de droite comme de gauche, ce projet a bien pour ambition de modifier durablement et en profondeur les comportements de tous les acteurs de la santé et des assurés. L'enjeu de la réforme consiste à ce que chacun des acteurs, professionnels comme usagers, fasse un recours raisonné et raisonnable au système de santé, avec un souci permanent de la bonne utilisation des ressources.

Il s'agit donc d'engager l'ensemble des protagonistes dans une démarche pédagogique qui doit modifier en profondeur et durablement les représentations et les comportements face à la maladie. Chacun doit comprendre - et les professionnels de santé en premier - qu'un système de solidarité fondé sur la liberté d'accès à tous les niveaux ne peut durablement tenir que si nous avons la certitude que l'utilisation des ressources solidaires est partout optimale. Cela suppose qu'émerge enfin un vrai consensus pour éliminer les excès et les abus, ce qui exigera des sacrifices partagés par tous et l'arrêt de toutes les manœuvres et combats d'arrière-garde pour justifier l'injustifiable en prenant prétexte du doute inhérent à toute démarche soignante. Nous devons obtenir que chaque acteur, soignant et soigné, intègre dans ses exigences comme dans ses pratiques le souci permanent du coût pour la sécurité sociale. L'enjeu de la réforme ne peut se résumer à trouver de manière arbitraire ou autoritaire 10 à 15 milliards d'euros pour assurer temporairement un équilibre fragile : il est bien d'ancrer durablement dans le système français une nouvelle attitude des professionnels et des usagers afin d'en assurer la pérennité.

C'est là une tâche particulièrement difficile car chacun considère, tout en reconnaissant la nécessité d'un changement radical, que la responsabilité incombe à l'autre.

Les patients doivent comprendre et accepter que l'accroissement de la consommation de biens de santé n'est pas la meilleure garantie pour être en bonne santé ou pour guérir. La surconsommation de médicaments, d'arrêts de travail, de transports sanitaires, de visites à domicile, d'examens inutiles, conséquence d'un système non piloté, non régulé et laxiste, doit cesser.

De même, il faut que les professionnels médicaux acceptent d'inscrire clairement leur exercice dans une pratique optimisée et efficiente. C'est ainsi qu'ils devront activement aider à la mise en place accélérée du dossier médical partagé et d'une meilleure coordination des soins organisée autour du principe du médecin traitant ; ils devront également s'engager sur une diminution sensible de leurs prescriptions, trop souvent médicalement injustifiées, et être plus actifs pour réduire une surconsommation médicamenteuse qu'aucune spécificité nationale ne saurait justifier et pour promouvoir les génériques bien au-delà des résultats actuels, qui sont encore insuffisants par rapport aux pays voisins.

La même exigence s'impose à l'hôpital, qui ne peut s'exonérer, au nom du service public, de profonds changements pour mieux utiliser les moyens considérables - la moitié des dépenses de santé - que nous lui consacrons. La tarification à l'activité et les moyens du plan Hôpital 2007 doivent être les leviers de cette évolution incontournable.

Personne ne peut réfuter ces propositions tant elles paraissent s'imposer d'évidence, et l'on doit plutôt s'interroger sur les raisons qui nous ont conduits collectivement à ne pas engager ces chantiers plus tôt, quand la croissance permettait une réflexion plus sereine ou quand l'accroissement des déficits aurait dû accélérer la prise de conscience.

La question centrale est bien de s'assurer que cette réforme apportera les résultats escomptés dans un délai compatible avec la gestion des dettes générées par l'évolution actuelle.

Il nous faut prendre conscience que les principes fondateurs de notre système de solidarité face à la maladie ne sont pas synonymes de liberté totale et sans limite de consommation, et que le respect de ces principes n'implique pas automatiquement l'absence, voire le refus de toute régulation au nom d'un droit des malades dévoyé. Il faut soutenir et renforcer les efforts d'optimisation des dépenses de l'assurance maladie et les objectifs que la CNAM s'est fixés.

Six plans d'action nationaux sont actuellement engagés, portant sur l'usage du médicament, les arrêts de travail, les prescriptions d'analyses de biologie médicale, les transports sanitaires et l'utilisation des dispositifs médicaux. Ils représentent une somme totale de plus de 27 milliards d'euros de dépenses, dont l'optimisation médicalisée peut conduire à des économies minimales de 10 à 15 %.

Il convient aussi d'agir sur les dépenses liées aux affections de longue durée, qui représentent, avec 18 milliards d'euros dépensés, 40 % des dépenses de soins de ville. Elles ont augmenté de 11 % l'année dernière.


Agir sur ces dépenses constitue, de l'avis de tous les spécialistes, un gisement d'économies, sans pour autant porter atteinte à la qualité de la prise en charge, bien au contraire.

Personne ne peut plus rester passif quand ces dépenses explosent sans réelle justification médicale. Il faut donc s'assurer que la qualité de la prise en charge médicale est optimale et que les seules dépenses liées à l'affection de longue durée sont prises en charge à 100 %. Cela pourrait diminuer les dépenses de 2 milliards d'euros. Il faut donc renforcer la portée des protocoles de soins mis en place par le PLFSS de 2004.

De même, une étude sur les comportements de prescription des médecins généralistes montre que des économies importantes pourraient être réalisées si les plus gros prescripteurs étaient incités à modifier leur comportement. L'économie générée par un exercice médicalement plus vertueux de ces seuls prescripteurs pourrait atteindre entre 2 et 2,5 milliards d'euros.

Les conclusions des diverses études permettent d'avancer l'idée qu'une économie de 5 à 6 milliards d'euros semble possible sans remettre en cause la qualité de la prise en charge du point de vue médical.

L'analyse de ces données confirme, une fois de plus, le diagnostic partagé du Haut conseil quand il appelle à une réorganisation du système de soins autour d'un meilleur rapport qualité-prix.

Ces données mettent aussi clairement les prescripteurs en première ligne. Ceux-ci ont stigmatisé à juste titre les essais de maîtrise comptable qui furent un échec. Ils se disent prêts à miser à fond sur le potentiel d'optimisation des dépenses en évoquant 1994, année mythique de la maîtrise médicalisée. Dès lors, nous attendons d'eux qu'ils s'engagent au plus vite à réaliser une année 1994 en 2005, en 2006 et en 2007. Que cessent les combats d'arrière-garde ! Il ne faut pas prendre le risque de se retrouver, en 2006 ou en 2007, comme en 1995.

Il faut que les professionnels médicaux, dans le secteur libéral comme à l'hôpital, s'engagent enfin résolument dans une pratique du « juste soin », qui devra être contractualisée avec la future instance de pilotage et de décision.

J'en appelle aux médecins et à l'ensemble des professions de santé pour assumer les responsabilités que leur confère le savoir médical. Il ne s'agit pas de privilégier la responsabilité financière par rapport à la responsabilité médicale, mais de parvenir à réconcilier les deux, de sorte que l'une n'aille pas sans l'autre.

La commission spéciale estime aussi qu'une telle évolution des comportements ne peut être dictée uniquement par le haut et que le système de santé serait mieux piloté dans une plus grande proximité, c'est-à-dire au niveau régional. Entre déconcentration des pouvoirs, qui cache en fait une étatisation complète du système, et décentralisation au profit des régions - qui ne sont pas prêtes -, nous proposons une démarche pragmatique : la mise en place d'une mission régionale de santé qui aura la responsabilité de mieux articuler médecine de ville et hôpital autour d'un vrai travail en réseau, de mieux promouvoir les objectifs de bonne pratique et de prendre en compte les spécificités régionales en termes de santé publique. Je souhaite que le Gouvernement s'engage résolument dans cette voie et mette rapidement en place, avec deux ou trois régions pilotes, une expérimentation pour une régionalisation plus poussée.

S'agissant de la dette, nombre d'entre nous considèrent comme moralement inacceptable de charger la barque des générations futures...

M. Maxime Gremetz. Ah !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. ...en leur faisant payer les conséquences de notre incurie à assumer nos propres faiblesses.

M. Jean-Marie Le Guen. Très bien !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. C'est la raison pour laquelle, tout en comprenant la volonté du Gouvernement de ne recourir qu'à une augmentation limitée des prélèvements obligatoires, nous souhaitons cantonner le remboursement de la CADES à l'horizon 2020 et ajuster légèrement la CRDS. C'est un signe adressé à nos jeunes et le refus d'adopter une position égoïste à court terme.

Enfin, nous avons bien entendu, messieurs les ministres, votre souhait de couronner cette nouvelle gouvernance de l'assurance maladie par une refonte de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale. Nous partageons pleinement cet objectif, afin de donner plus de substance à cet outil encore neuf, créé par Alain Juppé il y a seulement huit ans. Il s'agit d'un enjeu majeur pour le Parlement, et je souhaite que cette réforme s'engage à l'automne, sur une initiative parlementaire, après la discussion du PLFSS pour 2005, à l'image de ce qui s'est passé pour la LOLF, qui constituera demain notre nouvelle constitution financière. Un consensus droite-gauche est possible sur ce sujet, pour mieux associer le Parlement au contrôle de la sécurité sociale. Nous vous ferons des propositions en temps utile, j'espère qu'elles retiendront toute votre attention.

M. Jean-Marie Le Guen. Nous aussi !

M. Yves Bur, président de la commission spéciale. Messieurs les ministres, le débat qui s'engage aujourd'hui nous permettra d'aborder les diverses facettes de votre projet de réforme, qui illustrent la complexité d'une transformation de notre système d'assurance maladie.

Cette réforme est ambitieuse et suscite beaucoup d'espoirs chez nos compatriotes, mais personne n'imagine un instant que sa réussite se concrétisera ici, au Parlement.

Votre défi, messieurs les ministres, sera bien de donner corps à cette nouvelle gouvernance que tout le monde attend pour conduire notre assurance maladie et l'ensemble de notre système de santé sur un chemin plus vertueux.

Votre défi sera bien de permettre à cette nouvelle gouvernance de transformer en réalité les espoirs de réduction du déficit à partir des changements de comportement auxquels vous appelez tous les Français et l'ensemble des professionnels de santé.

Croire que ces changements se feront sans grincements de dents est utopique : la réforme sera exigeante pour tous et les efforts devront s'inscrire dans la durée. Votre responsabilité est engagée pour concrétiser ces espoirs dans ce que vous appelez le « service après vote ». Sachez que nous serons à vos côtés pour sauver notre sécurité sociale en la modernisant. Il s'agit de permettre à chacun, quels que soient ses revenus et sa situation sociale, de bénéficier d'une solidarité active face à la maladie, une solidarité au sein de laquelle chacun, aussi, sera amené à être plus responsable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

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ORDRE DU JOUR
DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, n° 1675, relatif à l'assurance maladie :

Rapport, n° 1703, de M. Jean-Michel Dubernard, au nom de la commission spéciale.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures cinq.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot