Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus intégraux (session ordinaire 2004-2005)

 

Deuxième séance du jeudi 21 octobre 2004

24e séance de la session ordinaire 2004-2005


PRÉSIDENCE DE M. MAURICE LEROY,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

    1

LOI DE FINANCES POUR 2005

PREMIÈRE PARTIE

Suite de la discussion des articles
de la première partie

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2005 (nos 1800, 1863).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Ce matin, l'Assemblée a commencé l'examen des articles et s'est arrêtée avant le vote sur l'article 2.

Article 2 (suite)

M. le président. Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 est adopté.)

Après l'article 2

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements portant articles additionnels après l'article 2.

L'amendement n° 47 est-il défendu ?

M. Michel Bouvard. Oui, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l'économie général et du Plan, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 47.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 47.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 47.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 48.

M. Michel Bouvard. Il est défendu.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 48.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 101.

M. Michel Bouvard. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 101.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 30.

La parole est à M. Sébastien Huyghe, pour le soutenir.

M. Sébastien Huyghe. Cet amendement s'inscrit dans le droit fil de la politique conduite pour accroître l'attractivité de notre territoire et dans la continuité de ce qui avait été fait l'année dernière en faveur des « impatriés », avec la création de l'article 81 B du code des impôts.

Ces cadres étrangers qui viennent travailler en France ont pu se voir octroyer, en effet, sous des formes diverses, des rémunérations qu'ils perçoivent en réalité une fois arrivés chez nous. Prenons l'exemple des stock-options qu'ils ont obtenues sur leur territoire d'origine mais pour lesquelles ils n'exercent l'option qu'une fois en France. Aujourd'hui, l'exercice de cette option, qui n'a rien à voir avec le travail qu'ils ont fourni pour l'obtenir, est taxé selon la réglementation française. Mon amendement vise précisément à ne pas soumettre à une quelconque imposition en France des rémunérations octroyées à des salariés internationaux préalablement à leur arrivée chez nous.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a repoussé cet amendement qui me donne l'occasion de saluer l'excellent travail mené, il y a un an, par Sébastien Huyghe. En effet, le rapport qu'il a présenté pour améliorer la situation des « impatriés », notamment des cadres étrangers qui sont conduits à travailler en France, a été suivi d'effets, et des dispositions ont été prises dans le cadre du collectif 2003.

Monsieur Huyghe, je tiens donc à vous rassurer : votre amendement est inutile dans la majorité des cas, car votre préoccupation est satisfaite. En droit français aux termes de l'article 166 du code général des impôts, à compter du transfert en France, la personne est en effet imposable sur l'ensemble de ses revenus, quelle qu'en soit la source. Mais les conventions fiscales internationales prévoient, dans la majorité des cas, que les revenus sont imposés dans le pays où a été exercé l'activité source de ce revenu.

Nous arrivons donc exactement au résultat que vous souhaitez, d'autant que notre pays a signé des conventions fiscales avec la quasi-totalité des pays d'origine de ces cadres « impatriés », souvent salariés d'entreprises internationales.

Dès lors, contentons-nous de l'excellente législation adoptée il y a seulement un an, à votre initiative, monsieur Huyghe.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Même avis que la commission. Les dispositions de nombreuses conventions internationales règlent en effet le problème que vous soulevez fort justement, monsieur Huyghe. Je vous propose donc de retirer votre amendement.

M. le président. La parole est à M. Sébastien Huyghe.

M. Sébastien Huyghe. D'après les informations dont je dispose, les conventions internationales ne suffisent pas. Certes, les plans de stock-options dites qualifiées sont concernés. Pour les États-Unis, par exemple, il s'agit des plans de la section 421 du code américain des revenus internes. Mais cela ne représente qu'une très faible partie des plans, qui, dans leur majorité, ne sont pas pris en compte par les conventions internationales.

Dans un souci d'ouverture, je suis prêt à retirer mon amendement si le Gouvernement accepte de procéder à une expertise sur la proportion des plans concernés. Nous pourrions ainsi, d'ici à la deuxième lecture, adopter la position la plus efficace possible.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur Huyghe, le Gouvernement est d'accord avec votre proposition. Nous insisterons même auprès de l'OCDE pour que le fameux groupe de travail nous rende ses conclusions le plus rapidement possible.

M. Sébastien Huyghe. Dans ces conditions, monsieur le président, je retire cet amendement ainsi que le suivant, qui était un amendement de repli.

M. le président. Les amendements nos 30 et 31 sont donc retirés.

Je suis saisi d'un amendement n° 134.

La parole est à M. Michel Bouvard, pour le soutenir.

M. Michel Bouvard. Je considère que cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 134.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 464.

M. Michel Bouvard. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission n'a pas examiné cet amendement qui vise à relever la limite des kilomètres pris en compte sur justificatif pour la déduction des frais au titre des déplacements entre le domicile et le lieu de travail. Je note que ce kilométrage avait déjà été augmenté sensiblement : il est passé en effet à quarante kilomètres alors que la moyenne de ces trajets est de l'ordre de quinze kilomètres.

Bien sûr, c'est la hausse actuelle du prix du pétrole qui a motivé cet amendement de M. Warsmann. Mais le ministre Nicolas Sarkozy a pris en la matière des engagements extrêmement clairs, avant-hier, qui apportent une réponse satisfaisante. À titre personnel, j'émets donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. La question posée par M. Warsmann est légitime. Mais nous préférons nous en tenir au dispositif actuel. Il serait bon, donc, que cet amendement soit retiré, d'autant que nous donnons aux services fiscaux des instructions très régulières pour qu'ils fassent preuve de compréhension dans l'appréciation des kilométrages. La préoccupation de M. Warsmann est ainsi prise en compte.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Compte tenu de ce que vient de dire M. Bussereau et des explications qui ont été données avant-hier par M. Sarkozy sur la manière dont sera géré le problème de la hausse du prix des carburants, si elle devait durer, je pense pouvoir retirer l'amendement de M. Warsmann.

M. le président. L'amendement n° 464 est retiré.

M. Didier Migaud. Je le reprends !

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. On ne peut pas considérer qu'une demande est légitime et lui apporter une réponse aussi fuyante. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Michel Bouvard. Les réponses du Gouvernement et de la commission étaient très claires !

M. Didier Migaud. Avec cet amendement, il s'agit de prendre en compte la réalité des frais et du trajet entre le domicile et le lieu de travail. Pour l'instant, la limite est fixée à quarante kilomètres. Or un nombre de plus en plus important de Français est amené à dépasser cette limite. Dans ces conditions, pourquoi laisser à l'administration une latitude d'appréciation? Le législateur peut également dire son mot. Cet amendement prévoit précisément de relever la limite à soixante kilomètres dès lors que le contribuable pourra prouver qu'il parcourt cette distance pour se rendre de son domicile à son lieu de travail.

Je ne comprends donc pas la réaction de nos collègues ainsi que celle de la commission et du Gouvernement. Il s'agit là de frais réels. Cela n'a rien à voir avec les nouvelles propositions de M. Sarkozy qui, je le crains d'ailleurs, ne représenteront pas grand-chose au niveau de la TIPP et de la TVA sur les frais d'essence et de fioul domestique.

L'opposition, qui n'est absolument pas sectaire, reprend donc cet amendement de bon sens et souhaite que l'Assemblée le vote. En tout cas, nous ne sommes pas convaincus par l'argumentation du rapporteur général et du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Monsieur Migaud, le rapporteur général va vous apporter un complément d'information. Cet amendement pose le problème des frais de transport engagés par les salariés ayant opté pour le régime des frais réels et non pour la déduction forfaitaire de 10 %.

M. Didier Migaud. Tout à fait !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Pour ceux qui effectuent plus de 40 kilomètres entre leur domicile et leur lieu de travail,...

M. Didier Migaud. C'est de plus en plus fréquent !

M. Gilles Carrez, rapporteur général.... l'administration fiscale a pour instruction d'admettre les frais réels correspondant à cette distance, ce que va vous confirmer M. le secrétaire d'État. Cela ne pose pas de problème jusqu'à maintenant et nous n'avons aucune raison de modifier cette limite.

M. le président. Mes chers collègues, je vais donner la parole à M. Migaud pour répondre à la commission. Considérant que l'Assemblée est suffisamment éclairée, je vous proposerai ensuite de voter cet amendement.

M. Michel Bouvard. Nous sommes en effet très éclairés !

M. Didier Migaud. Monsieur le président, il est très important pour nous de nous exprimer sur une telle question dans le cadre du débat parlementaire.

Peut-on interpréter les propos du rapporteur général comme une réponse favorable au contribuable qui présentera des frais de déplacement correspondant à une distance allant jusqu'à 60 kilomètres ? Cela signifie-t-il que l'administration sera fortement incitée à les prendre en compte ?

M. Jean-Louis Dumont. Il faut un engagement !

M. Didier Migaud. Je veux bien admettre qu'il ne soit pas nécessaire de légiférer sur ce point, mais j'attire votre attention sur ce que vient de dire le rapporteur général : « La loi fixe la limite des frais professionnels à 40 kilomètres, mais l'administration a un pouvoir d'interprétation ». Pour ma part, je préférerais que la loi soit plus précise et qu'elle étende la distance à 60 kilomètres.

M. Jean-Louis Dumont. Ce sera plus clair que l'interprétation de l'administration !

M. Didier Migaud. Admettre que l'administration fiscale a un certain pouvoir en matière d'interprétation de la règle, est-ce affirmer qu'elle fera preuve de compréhension et prendra en compte la distance de 60 kilomètres ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C'est le cas !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur Migaud, je retrouve en vous entendant ce défaut socialiste qui consiste à vouloir toujours plus de lois, plus de textes, plus de paperasse, c'est-à-dire plus de complications.

M. le rapporteur général vous a apporté une réponse extrêmement précise. Pour ma part, je vous ai indiqué que nous avions, sans attendre que l'Assemblée s'exprime, donné des instructions aux services fiscaux pour qu'ils apprécient les distances avec bienveillance et pragmatisme et pour qu'ils tiennent compte des situations individuelles.

M. Didier Migaud. Jusqu'à 60 kilomètres ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Cela répond tout à fait à votre demande et satisfait totalement cet amendement. Pourquoi voulez-vous toujours rigidifier les choses et imprimer des kilomètres de textes ? J'ai été pendant plus de dix ans membre de la commission des lois de cette assemblée. Durant toutes ces années, nous avons demandé d'inscrire le moins possible dans les textes afin de laisser les fonctionnaires de nos ministères apprécier chaque situation. Nous devons leur faire confiance - monsieur Migaud, je pense que vous partagez cet avis - et attendre d'eux qu'ils se conduisent de manière intelligente sur le terrain.

M. Jean-Louis Dumont. C'est une question de principe !

M. le président. Monsieur Migaud, après cette réponse, retirez-vous l'amendement ?

M. Didier Migaud. Non, monsieur le président, mais je souhaite répondre au Gouvernement.

Monsieur le secrétaire d'État, je suis d'accord avec vous pour considérer que le Parlement légifère trop dans certains domaines.

M. Michel Piron. C'est vrai !

M. Didier Migaud. Je suis parfaitement ce raisonnement, mais je pense qu'il est parfois utile, pour que le contribuable n'ait pas le sentiment d'une appréciation subjective, de fixer des règles objectives, particulièrement en matière de fiscalité. En l'absence d'argumentation contraire, je retiens de cet échange que l'administration fiscale, au moins jusqu'à 60 kilomètres, recevra favorablement toute demande émanant d'un contribuable.

M. Jean-Louis Dumont. Et qu'elle recevra des instructions pour cela !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 464.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 243.

La parole est à M. Didier Migaud, pour le soutenir.

M. Didier Migaud. Nous abordons avec cet amendement la fiscalité dérogatoire. C'est un sujet que tout le monde juge essentiel. Pour le président de la commission des finances, il est tellement essentiel qu'il justifie la réunion d'une commission de travail. Le problème est que le président de la commission nous a déjà fait cette réponse l'année dernière.

Que propose cet amendement ? Il existe en France un certain nombre de niches fiscales. En effet, dans notre pays, la fiscalité dérogatoire est très importante. Elle a d'ailleurs fait l'objet en 2003 d'un rapport du conseil des impôts, dans sa vingt et unième édition, adressé au Président de la République et intitulé : « La fiscalité dérogatoire. Pour un réexamen des dépenses fiscales ». Ce rapport, tout le monde en convient, est formidable !

M. Francis Delattre. C'est vous qui l'aviez demandé ! Mais de 1998 à 2003, qu'avez-vous fait ?

M. Didier Migaud. Oh, mon cher collègue, je suis prêt, si le temps nous est accordé, à comparer le combat engagé contre les niches fiscales entre 1997 et 2002 et celui qui est mené depuis 2002.

M. Michel Bouvard. Non, c'est inutile !

M. Francis Delattre. Vous avez fabriqué de nouvelles niches !

M. Didier Migaud. Et, comme ce matin lorsque nous avons comparé les années 1999 et 2004, je ne suis pas sûr que cela soit à votre avantage !

J'en reviens au rapport du conseil des impôts, qui dénonce un certain nombre de choses et souligne la complexité de notre fiscalité, qui en devient pratiquement illisible, en général et pour chacun des contribuables de notre pays.

Un certain nombre de propositions ont été faites au Gouvernement afin de remettre en cause ces niches fiscales. Lorsque l'actuel ministre de l'économie est arrivé, nous avons espéré que des progrès seraient réalisés dans ce domaine, car dans l'une de ses premières interventions il a déclaré vouloir lutter contre les niches fiscales.

M. Francis Delattre. C'est juste !

M. Didier Migaud. Voilà, avons-nous pensé, une proposition intéressante. Mais dans les faits, nous constatons que, depuis qu'il est ministre, de nouvelles niches fiscales ont été créées. Certes, elles ne sont que temporaires, mais leur mise en place n'a fait l'objet d'aucune évaluation. Elles ont d'ailleurs renforcé le caractère dérogatoire de notre fiscalité. Aujourd'hui, de nombreux contribuables qui devraient le payer échappent à l'impôt sur le revenu, en additionnant un certain nombre de niches fiscales.

Monsieur le président, je voudrais signaler au service de la séance que je ne comprends pas pourquoi l'amendement n° 243, étant un amendement de repli, est présenté avant l'amendement n° 248. J'ai déjà fait cette observation en commission des finances, mais il n'en a malheureusement pas été tenu compte.

Les avantages fiscaux ne doivent pas être cumulés. Nous proposons donc, à travers cet amendement, de plafonner les réductions à 20 % du revenu imposable, afin que le contribuable qui doit payer l'impôt sur le revenu le paie réellement, même si certaines incitations fiscales peuvent, en certaines circonstances, se justifier. Tel est le sens de cet amendement, qui a suscité des réactions très positives. Nous souhaitons aujourd'hui passer des intentions aux actes.

M. Francis Delattre. Avez-vous réalisé une étude d'impact au groupe socialiste ?

M. Didier Migaud. Cet amendement devrait nous permettre d'avancer en direction d'une fiscalité plus juste et plus efficace.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a donné un avis défavorable à cet amendement, comme à tous les amendements du même type. Certes, l'idée qu'il contient est intéressante.

M. Didier Migaud. Ah ? Ça nous fait une belle jambe !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Elle est tellement intéressante que l'on y réfléchit depuis de nombreuses années.

L'année dernière, le Conseil des impôts a relevé l'existence de plus de 400 niches fiscales. Il faut le reconnaître, quels que soient les gouvernements et les majorités, de nouvelles niches sont sans cesse créées. Je me souviens par exemple de notre excellent collègue Didier Migaud nous proposant une niche pour l'investissement locatif dans les zones de revitalisation rurale, notamment dans les zones de montagne.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Oui, en Isère !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je me souviens du ministre du logement Louis Besson nous proposant un certain nombre de niches pour encourager le logement locatif.

M. Michel Bouvard. Il y a des niches positives !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. L'idée, voire la mise en place du plafonnement des réductions de l'impôt sur le revenu était déjà étudiée lorsque j'étais dans l'opposition. Pourquoi n'y sommes-nous pas encore parvenus ? Tout simplement parce que ce serait extraordinairement difficile.

Tout d'abord, les niches fiscales fonctionnent de différentes manières. Il existe des réductions de l'assiette de l'impôt, des réductions de l'impôt lui-même et des crédits d'impôt. Calculer le montant global d'incitations fiscales aussi différentes est absolument impossible : ce serait vouloir additionner des pommes et des carottes.

Ensuite, ces incitations fiscales que l'on appelle les niches, prises séparément, présentent un véritable intérêt. Je prendrai pour exemple l'encouragement à l'épargne, avec l'épargne au bénéfice des fonds propres des entreprises, constituée par les contrats d'assurance-vie, les plans d'épargne en actions, ou encore l'épargne retraite, plus récente. Je peux également citer le dispositif destiné au logement ou encore celui, créé en 1992 par la précédente majorité, destiné à encourager les emplois à domicile. Toutes ces incitations visent à développer tel ou tel comportement favorable à l'épargne ou à l'embauche et chacune présente un intérêt.

Si elles étaient plafonnées, quelle est l'incitation qui subirait les conséquences du plafonnement ? Il est impossible de le dire.

Enfin, les niches fiscales qui visent les investissements, par exemple celles destinées à favoriser le logement, agissent dans la durée. L'incitation fiscale n'est pas accordée pour une année mais pour plusieurs années. En pratique, comment reprendre, plusieurs années plus tard, un avantage accordé dans le passé ?

Ces explications, je les ai entendues ici même dans la bouche de mon prédécesseur. À l'époque, je les ai acceptées. Je lui demande aujourd'hui de les accepter à son tour, tout en rappelant un principe auquel le président de la commission des finances, comme moi, est très attaché : ce n'est pas parce que la difficulté est considérable que nous ne devons pas continuer à réfléchir.

Je pense, monsieur Migaud, que l'étude de cette question doit être poursuivie. Dès que nous trouverons une solution à peu près satisfaisante, nous serons les premiers à vous la proposer.

En attendant ce jour et en espérant vos encouragements, car l'objectif est difficile à atteindre, la commission des finances a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Cet amendement présenté par M. Migaud est le premier d'une série d'amendements importants qui posent le problème des niches fiscales.

Le sujet n'est pas nouveau. Rappelez-vous, monsieur Migaud : nous l'avons abordé lors de notre première audition, M. Sarkozy et moi-même, devant la commission des finances, à l'invitation du président Méhaignerie. C'est un problème qui a fait l'objet de plusieurs rapports, en particulier l'avant-dernier rapport du Conseil des impôts. Comme nous en avions pris l'engagement devant vous, nous avons fait procéder à un examen approfondi de ces dispositifs. Certes, leur légitimité peut être contestée, mais nous pensons que le constat sévère du Conseil des impôts doit être relativisé. Je vais vous en donner les raisons.

Tout d'abord, monsieur Migaud, et vous le savez mieux que quiconque, toutes les dépenses fiscales ne constituent pas des niches, entendues comme des avantages catégoriels qui seraient exorbitants du droit commun. Je pense à la prime pour l'emploi, qui a été évoquée hier au cours de la discussion générale.

Parmi les dispositifs susceptibles d'être assimilés à des niches, nombreux sont ceux qui, après un examen attentif, présentent une légitimité sociale ou économique. D'autres bénéficient fréquemment à des personnes âgées de condition modeste. Je citerai quelques exemples : l'avantage lié au quotient familial accordé aux anciens combattants âgés de plus de 75 ans, l'exonération d'impôt pour supplément de retraite attribuée aux personnes qui ont élevé une famille nombreuse, ou encore l'abattement accordé aux personnes de condition modeste âgées de plus de 65 ans. Je ne pense pas, monsieur Migaud, qu'il soit dans les intentions de l'opposition - ce ne sont pas en tout cas celles de la majorité - d'alourdir la pression fiscale de ces personnes en remettant en cause les avantages qui leur ont été accordés.

M. Michel Bouvard. Ils l'ont pourtant déjà fait !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Pour terminer, je dirai que la fiscalité est un instrument privilégié, parmi d'autres, pour mener une politique économique et sociale. La fiscalité dérogatoire n'est pas critiquable, intrinsèquement, lorsqu'elle a pour objectif la défense d'intérêts essentiels tels que l'emploi ou le soutien de nos compatriotes les plus vulnérables.

Après cette démonstration et celle - excellente - du rapporteur général, vous comprendrez que le Gouvernement assume l'existence de ces mesures dérogatoires et n'entend pas à ce jour y renoncer.

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud, pour répondre à la commission.

M. Didier Migaud. J'ai écouté avec intérêt les réponses qui viennent d'être apportées, notamment par le Gouvernement : il me semble, monsieur le secrétaire d'État, que vous avez pris quelque distance avec les propos de M. le ministre d'État.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Ce sont les mêmes !

M. Augustin Bonrepaux. Pas tout à fait !

M. Didier Migaud. Pas tout à fait : le ministre d'État m'est apparu plus volontariste, même si, loin de traduire ce volontarisme en actes, il a fait des propositions opposées.

J'entends votre raisonnement, monsieur le secrétaire d'État ; mais permettez-moi de vous faire observer que ni les bénéficiaires de la PPE ni les personnes âgées dont vous avez parlé ne seront concernés par le plafonnement proposé par cet amendement.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Ce ne sont que des exemples !

M. Didier Migaud. On peut certes toujours donner les exemples que l'on veut. Quoi qu'il en soit, nous sommes tout à fait prêts à travailler avec vous, mais le problème, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur général, c'est que vous nous donniez l'année dernière la même réponse au mot près - j'ai ici vos propos de l'an dernier.

M. Michel Piron. C'est signe de cohérence !

M. Didier Migaud. Vous nous aviez dit alors que c'était une idée intéressante, qu'il fallait creuser, et autres propos de la même eau. Mais d'une année à l'autre vous n'avez fait aucun progrès ! Nous serions les premiers à vous aider à concrétiser vos propositions ; mais c'est au moment du passage à l'acte que ça coince. Nous sommes tout à fait disposés à vous faciliter ce passage, qui peut être, croyez-moi, un moment agréable, pourvu qu'il s'agisse de réaliser des ambitions affichées. Puisque tout le monde est d'accord sur l'objectif, pourquoi ne pas créer un groupe de travail - je veux dire un véritable groupe de travail - qui nous permette d'avancer sur ce sujet et de disposer de propositions concrètes à l'occasion de la prochaine loi de finances.

C'est pourquoi nous réitérons notre proposition. Nous sommes tout à fait conscients des enjeux, d'autant que ce débat concerne aussi la fiscalité locale. Il est vrai, et cela lui a été souvent reproché, que notre fiscalité est trop complexe, mais nous savons bien que la simplifier à l'excès peut nuire à la justice fiscale, parce que certaines spécificités doivent être prises en compte, tant en ce qui concerne les personnes que les collectivités. Une fiscalité dérogatoire ne nous choque pas a priori, pourvu qu'elle soit justifiée et que son efficacité économique et sociale soit prouvée. Or beaucoup de niches fiscales ont pour seule vocation et seule conséquence de permettre à des gens jouissant de situations aisées d'échapper à l'impôt sur le revenu. Cela est d'autant plus anormal que ces dispositifs, choquants sur le plan de la justice fiscale, finissent par être coûteux pour le budget de l'État car ce sont autant de dépenses fiscales. Il est vrai qu'ils peuvent à court terme vous permettre de respecter la norme d'évolution de la dépense publique, et nous aurons l'occasion de revenir sur ce sujet.

En un mot, monsieur le président, nous sommes d'autant moins convaincus par ces bonnes intentions qu'on nous oppose qu'on nous les a déjà servies l'année dernière. Il faudrait que, de temps en temps, la majorité concrétise les bonnes intentions qu'il lui arrive d'exprimer en certaines circonstances.

M. Jean-Pierre Brard. Ce ne sont plus des niches, ce sont des cavernes fiscales !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 243.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 248.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour le soutenir.

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je vous ferai observer que le ministre des finances fait preuve, lui aussi, de constance, dans ses propos du moins. Au moment de prendre ses fonctions, il a affirmé vouloir réduire le nombre des niches fiscales : or il le disait déjà en 1993, et, monsieur le président de la commission des finances, vous devez vous en souvenir. Soutenir l'activité par une réforme de l'impôt sur le revenu était au nombre des objectifs qu'il assignait alors au budget. Selon ses termes, un impôt mal compris était un impôt mal accepté, et il regrettait qu'il y ait pas moins de 116 mesures diverses de réduction. Il est vrai que tout aussitôt il augmentait la déduction fiscale en cas de création d'emplois à domicile de façon aussi excessive qu'il le fait aujourd'hui. S'agirait-il d'un double discours ?

Monsieur Méhaignerie, vous devez vous souvenir de nos débats de l'époque : la commission des finances avait finalement donné son accord à un plafonnement de ces avantages fiscaux, mais vous ne l'avez jamais obtenu.

À l'inverse, l'une des premières décisions du gouvernement de Lionel Jospin en 1997 a été de réduire l'importance des niches fiscales, pour leur rendre leur finalité originelle, à savoir favoriser la création d'emplois. Voilà pourquoi nous avons ramené l'avantage fiscal lié à la création d'emplois à domicile à un niveau qui, tout en favorisant l'emploi,...

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Vous avez favorisé le chômage, au contraire !

M. Augustin Bonrepaux. ...ne fait pas un cadeau fiscal pur et simple.

C'est dans le même esprit que nous avons réformé la loi Pons à l'initiative du rapporteur général Didier Migaud. Il s'agissait de permettre que les niches fiscales instituées par cette loi, qui ne sont pas sans intérêt pour encourager l'emploi ou l'investissement, atteignent réellement ces objectifs.

Vous avez vous-même, monsieur le rapporteur général, signalé une de nos initiatives de l'époque, qui visait à inciter à l'investissement touristique dans les zones défavorisées. Mais une des premières décisions de l'actuelle majorité a été de doubler cette défiscalisation, qui était pourtant déjà suffisamment efficace. Ce n'est là qu'un exemple des avantages fiscaux que nous avions institués et que vous avez accrus alors qu'ils satisfaisaient déjà les objectifs qui leur étaient assignés. Vous avez ainsi créé autant d'effets d'aubaine. C'est qu'à vos yeux rien n'est jamais trop beau pour les plus favorisés.

Le plafonnement que nous proposons a pour but d'éviter ces déductions excessives qui bénéficient toujours aux mêmes. Il ne nous semble pas déraisonnable de plafonner l'ensemble des réductions d'impôt ou déductions du revenu imposable à 40 % de ce revenu, voire 20 %, comme nous le proposons. Je ne vois pas quels arguments vous pourriez opposer à cette solution. Ceux qui souhaiteraient créer de l'emploi à domicile ou investir dans les régions de tourisme y seront toujours encouragés. Simplement ils ne pourront plus échapper totalement à l'impôt par le jeu du cumul des niches fiscales, ce que précisément nous combattons.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du plan. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, le Parlement et les partis s'honoreraient à admettre tous ensemble que la pression fiscale qui s'exerce en France sur les entreprises et sur les ménages est parmi les plus élevées d'Europe, tout en travaillant ensemble à supprimer les niches fiscales. Je suis, monsieur le secrétaire d'État, tout à fait disposé à aller dans cette double direction : allègement moyen des taux, qui nous permette de revenir dans la moyenne européenne, et réduction des niches.

Vous l'avez dit, monsieur le rapporteur général, les différents corporatismes ont élevé sur cette voie des obstacles si nombreux qu'on ne peut pas faire l'économie d'une alliance des différents partis dans ce domaine. Voilà l'esprit dans lequel j'affirme qu'on doit engager ce travail, et l'engager ensemble. Mais je ne vois pas l'intérêt de le réaliser brutalement aujourd'hui, sans en avoir mesuré toutes les conséquences.

Sur ce point, monsieur le secrétaire d'État, et sur l'introduction de la prime pour l'emploi dans la fiche de paie, nous souhaitons cette année avancer, comme nous avons avancé sur la redevance au regard des demandes que nous avions formulées l'année dernière.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Je suis ravi de la proposition du président Méhaignerie, car ce travail de fond me semble intéressant. Il faudrait aussi étudier la possibilité de donner à ces avantages fiscaux un caractère temporaire : on pourrait ainsi imaginer leur suppression automatique à l'issue d'un certain délai, sauf décision de reconduction de principe. Une telle limitation dans le temps a d'ailleurs déjà été débattue par certaines commissions de votre assemblée en ce qui concerne le travail législatif en général. On avait institué dans le même esprit les études d'impact, afin de mesurer dans le temps les conséquences des textes législatifs.

La préoccupation qu'exprime votre amendement est louable, monsieur Bonrepaux, mais je vous ferai remarquer que les déductions et réductions fiscales que vous visez ont des finalités de toutes natures, sociales autant qu'économiques. Elles concernent donc aussi des personnes de condition modeste, et pas seulement des ménages aisés. Ne serait-ce que pour cette raison, le Gouvernement y est opposé.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, vous avez entendu le secrétaire d'État : c'est parce que des personnes modestes risqueraient de pâtir de la mesure proposée par nos collègues Bonrepaux et Migaud qu'il se refuse, dans sa mansuétude, à l'approuver ! Voilà une lecture pour le moins partiale, monsieur le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Il s'agit de défendre les personnes modestes !

M. Jean-Pierre Brard. Vous, défendre les personnes modestes ! Si c'était vrai, ça se saurait, depuis le temps, et même vos électeurs l'auraient remarqué !

Quant à vous, monsieur le président Méhaignerie, vous nous dites que la pression fiscale qui s'exerce en France sur les entreprises et les ménages est une des plus élevées d'Europe. Ne serions-nous pas aussi, par hasard, le pays où les prestations de solidarité sont parmi les plus importantes d'Europe, voire du monde ? Ne bénéficions-nous pas d'un système de santé qui, malgré les attaques que vous lui avez portées, garantit à chacun l'accès aux soins, à la différence de ce qui se passe aux États-Unis ou en Grande-Bretagne ? N'avons-nous pas un système d'éducation qui, malgré les difficultés qu'il connaît, reste ouvert à tous ? Tout cela a évidemment un prix, qui ne pourrait pas être supporté si notre fiscalité n'était pas ce qu'elle est, bien qu'elle ne pèse pas assez sur les plus riches.

On nous parle d'une éventuelle collaboration des différents partis : comme aurait pu le dire notre bon « Samariton », on n'est pas loin de la collaboration de classe ! Car à quoi viserait une telle collaboration, sinon à plumer encore davantage les plus modestes ! Vous imaginez bien qu'une telle proposition a peu de chance de faire consensus.

Vous vous déclarez, monsieur le secrétaire d'État, « ravi » de la proposition de M. Méhaignerie, qui ouvrirait la voie à un travail de fond, par exemple en étudiant la possibilité de limiter dans le temps les niches fiscales. Paroles, paroles que tout cela, car quant à votre action concrète, elle se résume à l'octroi de nouveaux avantages aux privilégiés, qui n'en attendaient pas tant ! Il est vrai que quand on aime, on ne refuse rien, on va même au-delà de la demande. Toutes ces paroles non suivies d'actes concrets n'ont qu'un but : endormir les victimes de votre politique.

Voilà pourquoi nous voterons l'amendement de nos collègues Migaud et Bonrepaux, qui nous semble frappé au coin de la justice sociale : mais il est vrai, monsieur le secrétaire d'État, que ce n'est pas votre préoccupation.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Ce n'est pas en prétendant, monsieur le secrétaire d'État, défendre les contribuables modestes par la multiplication des niches fiscales que vous convaincrez nos compatriotes de votre souci de justice !

Notre série d'amendements décline différents taux de plafonnement global des déductions et réductions du revenu imposable. C'est là une piste qui méritait votre attention, d'autant que M. le ministre d'État a affirmé, lors de sa prise de fonctions, son souci de simplifier notre système fiscal en supprimant toutes les niches sans intérêt économique ou social. Or non seulement il n'y a pour le moment nulle action en ce sens, mais on va au contraire consolider certaines niches fiscales.

Quant à vous, monsieur Méhaignerie, vous avez déclaré souhaiter traquer les niches fiscales, notamment pour gager la perte de recettes attendue de la remise en cause de l'ISF, que vous appelez de vos vœux par ailleurs. Si nous ignorons encore son étendue, faute, à ce qu'il semble, d'accord entre le Gouvernement et sa majorité, voire à l'intérieur même de la majorité, cette remise en cause n'est pas douteuse, pas plus que la diminution de ressources fiscales qu'elle provoquera.

Vous aviez donc déclaré que vous gageriez cette perte de recettes par la suppression ou la limitation d'un certain nombre de niches fiscales. Or, s'il y aura bien une perte de recettes par la remise en cause de l'ISF, il n'y aura par contre ni suppression ni limitation de l'effet anti-redistributif de ces niches fiscales pour les contribuables soumis à l'IRPP.

Certes, nous voulons bien travailler chaque fois qu'une commission se réunit sur tel ou tel sujet. Malheureusement, nous constatons qu'année après année les choses s'aggravent plutôt qu'elles ne vont dans le sens de la justice fiscale.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 248.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 249.

La parole est à M. Didier Migaud, pour le soutenir.

M. Didier Migaud. Peut-être allons-nous avancer grâce à ces amendements qui ont, en fait, la même philosophie.

Plutôt que de raisonner en pourcentage, celui-ci propose un plafond sur lequel, bien sûr, nous sommes ouverts à la discussion. 7 500 euros correspondent à l'équivalent d'une voiture donnée par l'État à un certain nombre de contribuables : la Logan...

M. Jean-Jacques Descamps. Une petite voiture !

M. Didier Migaud. C'est déjà une voiture familiale !

M. le président. Mes chers collègues, nous ne sommes pas au Salon de l'auto !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Tout à fait, monsieur le président !

M. Didier Migaud. Le montant de 7 500 euros de réduction de la fiscalité correspond - il faut toujours avoir des références - à un ordre de grandeur.

Monsieur le président de la commission des finances, nous écoutons toujours avec beaucoup d'attention et d'intérêt votre raisonnement, surtout lorsqu'il va dans notre sens : vous évoquez en effet vous-même la constitution d'une commission et déclarez que l'existence d'autant de niches n'est pas normale.

Cela dit, ces deux dernières années, vous avez voté des réductions d'impôts - même si, d'après vos propres déclarations, vous vous êtes un peu forcé pour celle de l'impôt sur le revenu, vous finissez toujours par les voter - sans qu'elles soient accompagnées de réductions ou de suppressions de niches fiscales.

Cet amendement vous propose donc, une fois de plus, de mettre vos propres déclarations en accord avec une application directe sur le terrain.

Si, monsieur le président de la commission, monsieur le secrétaire d'État, vous nous répondiez que vous êtes prêts, dès le vote de cette loi de finances, à mettre en place un groupe de travail pour réfléchir à la suppression des niches fiscales, nous pourrions renoncer à défendre nos amendements.

Nous avons constaté hier que vous faisiez preuve d'une très grande réactivité pour créer des commissions, voire pour en avancer la constitution, même si nous ne nous faisons aucune illusion sur les travaux de la commission en question. Nous aurons l'occasion d'en reparler. Pour notre part, nous sommes toujours prêts à travailler, mais nous ne voulons pas être trompés ni participer à une tromperie à l'égard de l'opinion publique.

M. Jean-Jacques Descamps. Vous l'avez suffisamment trompée comme ça !

M. Didier Migaud. Ne vous en faites pas : en ce qui nous concerne, nous voulons dénoncer les choses, comprendre les modes de calcul, et nous serons toujours présents pour défendre l'intérêt des consommateurs et de nos concitoyens.

Compte tenu, donc, de la réactivité dont vous faites preuve pour la création de commissions, je vous pose une question : vous engagez-vous à mettre en place ce groupe de travail, cette commission, dans des délais rapprochés ? Nous aimerions obtenir cet engagement du président de la commission des finances, mais également - bien sûr - du ministre. Car si la commission des finances travaille seule dans son coin et que le secrétaire d'État au budget nous rétorque que, de toute façon, on peut toujours travailler, mais qu'il ne tiendra jamais compte de ce qu'on proposera, nous ne serons pas davantage avancés. Notre souhait est donc que le secrétaire d'État s'engage, lui aussi, à accepter la mise en place d'un vrai groupe de travail, le plus rapidement possible, pour approfondir ces sujets.

M. Jean-Louis Dumont. Très bien !

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 250.

La parole est à M. Jean-Claude Viollet, pour le soutenir.

M. Jean-Claude Viollet. Comme le disait notre collègue Migaud, tous ces amendements se tiennent ; celui-ci est un amendement de repli. Je reviens donc sur les arguments avancés en réponse aux précédents amendements pour défendre celui-ci.

Il y a effectivement un certain nombre d'incitations fiscales, à des moments donnés, qui se veulent des leviers par rapport à des politiques choisies.

Si chacune de ces incitations est plafonnée, le cumul de ces incitations ne l'est pas. Chacun comprend alors que sont naturellement avantagés ceux qui peuvent le plus en matière d'engagement financier - les plus riches, comme cela a été dit -, alors que là n'est pas le but initial d'un certain nombre de ces incitations fiscales. En outre, ce cumul enlève tout sens à l'impôt contributif, à la redistribution poursuivie à travers l'impôt.

Nous ne sommes plus à l'époque de l'impôt sur les fenêtres ! Nous avons fait le choix de la solidarité, de la redistribution, de la contribution de chacun en fonction de ses revenus, et cela dans l'intérêt général.

Par conséquent, je souscris à ce qui vient d'être dit : si le Gouvernement s'engage aujourd'hui à mettre en place - comme cela est demandé sur l'ensemble de ces bancs - un groupe de travail sur l'avenir de l'ensemble de ce dispositif de réductions, pour l'évaluer, juger de la pertinence des incitations, de leurs effets réels, de leur éventuelle limitation dans la durée, et réfléchir à la limitation de leur cumul, alors nous aurons fait œuvre utile pour une plus grande efficacité, une plus grande justice en matière de politique fiscale.

Encore convient-il aujourd'hui de s'y engager. J'ai entendu les mots : « si tout le monde en était d'accord ». J'ai cru comprendre que c'est le cas : il ne reste donc plus qu'à agir.

M. Jean-Pierre Brard. Voilà !

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 249 et 250 ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Avis défavorable à ces deux amendements, qui se ressemblent beaucoup, à quelques détails près.

Je vais faire une proposition précise.

Comme je l'ai souligné tout à l'heure, la commission des finances reste ouverte - et vous savez que nous y sommes très attachés - pour réfléchir au moyen de remettre un peu d'ordre dans ce paysage où figurent de trop nombreuses exemptions, exonérations, plafonnements, dégrèvements de toute nature. Il est une voie sur laquelle nous pourrions avancer beaucoup plus rapidement, permettant d'aboutir à des résultats à court terme : celle qui consiste à rendre temporaires toutes ces mesures d'exonération, c'est-à-dire à leur lier une date de validité, et à assortir cette date d'une obligation d'évaluation.

Un fait me frappe, en effet. Le texte sur les territoires ruraux, par exemple, examiné récemment par l'Assemblée, foisonne de petites incitations Certes, elles partent de très bonnes intentions et ne représentent pas des enjeux considérables, mais il faut bien se rendre compte qu'il y a, là encore, une multitude de niches. Or ce type de dérogation ayant tendance à se multiplier dans toutes sortes de textes qui ne sont pas des lois de finances, un vrai problème commence à se poser car nous perdons non seulement en cohérence, mais aussi en évaluation. En effet, mises bout à bout, ces incitations fiscales représentent des sommes considérables.

Par conséquent, je pense que nous devrions travailler à court terme sur cette idée intéressante consistant à lier ces incitations à une date, à une durée précise, mais aussi à une obligation d'évaluation, laquelle, monsieur le secrétaire d'État, pourrait trouver place tous les ans, dans les lois de finances.

Nous respecterions ainsi la possibilité pour les parlementaires d'amender les textes et de proposer des dispositions incitatives sur le logement, sur l'aménagement du territoire, sur l'épargne, tout en conservant a posteriori une approche d'ensemble au titre du délai et de l'évaluation qui relèveraient de la loi de finances.

Ces propositions précises sont la preuve que nous avons réfléchi à ce sujet. Nous sommes d'une totale bonne foi : essayons donc de progresser ensemble. Ce sujet nous préoccupe tous ; nous le traiterons d'autant mieux que nous l'aborderons avec la volonté d'aboutir.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Les propositions du rapporteur général me semblent très intéressantes. Je pense que ce travail pourrait se faire utilement au sein de la commission des finances et je prends l'engagement, au nom du Gouvernement, de lui fournir tous les éléments chiffrés et utiles.

J'ajoute qu'il y a une logique à tout cela. En effet, nous discutons là des recettes, mais, s'agissant des dépenses, nous avons - et vous en êtes, monsieur Migaud, un des pères avec M. Lambert - engagé la LOLF, qui a pour but de justifier toute dépense à l'euro près. Il peut donc paraître intelligent d'avoir, en matière de recettes, une attitude non pas parallèle, mais témoignant du même état d'esprit. En tout cas, le Gouvernement facilitera au maximum le travail de la commission des finances.

S'agissant des deux amendements, le Gouvernement maintient la même position que pour les précédents : défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Vous voyez, monsieur le président, ce sont des encouragements qui sont prodigués à la fois par le rapporteur général et le ministre ; néanmoins, cela ne les empêche pas de s'entêter dans leur refus !

Chacun aura bien compris que le Gouvernement est en difficulté puisqu'il a eu besoin, pour la préparation budgétaire - M. Bussereau l'a confessé tout à l'heure - de faire appel au renfort de hauts fonctionnaires qui se sont exprimés publiquement, violant l'obligation de réserve et l'éthique qui sied aux fonctionnaires. Il faut vraiment que vous soyez faible aujourd'hui pour faire appel à des supplétifs qui violent l'éthique républicaine des fonctionnaires dans l'appareil de l'État ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Mallié. Ce que vous dites est inacceptable !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. C'est inadmissible !

M. Jean-Pierre Brard. Oui, il est inacceptable pour un fonctionnaire de violer son devoir de réserve ! Et vos vociférations n'y changeront rien !

Venons-en à la proposition du rapporteur général et du ministre.

La proposition qui nous a été faite, et à laquelle ils n'ont pas répondu clairement, est de créer un groupe de travail sur les niches. Si j'ai bien compris les propos du président de la commission tout à l'heure, tous doivent travailler ensemble. Frères parlementaires de tous bords, unissons-nous contre les niches ! C'était à peu près le discours de M. Méhaignerie.

M. Charles Cova. À la niche, monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard. Vous le savez : les hommes et les femmes politiques sont jugés aux actes.

M. le rapporteur général nous a fait faire une promenade bucolique dans les territoires ruraux, en faveur desquels le texte a permis de créer de nouvelles niches fiscales. Il a affirmé que sa bonne foi était totale et que nous devions progresser ensemble. Mais vous n'avez pas pris d'engagement, monsieur le rapporteur ! Prenez-le donc, ici, publiquement, pour la constitution d'un groupe de travail spécifique sur ces niches.

Pour être tout à fait complet, je vous propose d'aller un peu plus loin et de vous intéresser à ceux qui trahissent l'intérêt national en se réfugiant au-delà des frontières, ceux auxquels vous pensez toujours.

« Ces exilés de luxe - comme les appelle Le Monde - qui ont choisi la Belgique pour échapper à l'impôt sur la fortune, ne songent plus à se cacher. » On se demande d'ailleurs pourquoi ils le feraient, puisque le Gouvernement les encourage. En Belgique, « dans ce pays de rentiers où le travail est surtaxé mais la propriété sacralisée, on qualifie l'impôt sur les successions d'"impôt des imbéciles" ». L'article précise que « les banques belges estimaient à 2,5 milliards d'euros le patrimoine français expatrié. Les autres "réfugiés" − qui sont cités après Ghislain Prouvost ou Lotfi Belhassine − « se font discrets mais leur Who's who officieux a fière allure : inauguré par Bernard Tapie, que l'on avait retrouvé domicilié » − sûrement comme un SDF − « chez un aristocrate libéral, il comprendrait les familles Darty, Masurel, Defforey (Carrefour), Mulliez (Auchan), Midy (laboratoires pharmaceutiques), et aussi Denis Payre, le wonderboy lyonnais de la société Business Objects, première européenne entrée dans le Nasdaq, la Bourse américaine des valeurs technologiques, en 1994. »

M. Richard Mallié. Il se perd dans son texte !

M. Jean-Pierre Brard. Si nous voulons être complets, il faut faire la chasse à tous ces privilégiés qui pratiquent l'évasion fiscale pour se soustraire à nos valeurs républicaines de solidarité. Mais, au lieu de combattre ces gens-là, vous prenez prétexte de leur existence pour réduire les ressources de l'État, indispensables pour mener à bien les politiques de solidarité dont ont besoin les plus modestes et les couches moyennes. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Créons donc ce groupe de travail et allons jusqu'au bout de nos investigations afin de définir des mesures qui aillent dans le sens de la justice sociale et de la solidarité.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. L'analyse des niches fiscales est une bonne chose, mais, comme les meilleures intentions peuvent parfois se perdre en chemin, il est important, à ce stade, de préciser la terminologie. Diverses études statistiques, dont celles du Conseil des impôts, mêlent des réalités assez éloignées les unes des autres. Ainsi, le quotient familial est cité parmi les niches fiscales. Certes, l'amendement de nos collègues socialistes parle des « réductions d'impôt, autres que celle résultant du quotient familial ».

M. Jean-Pierre Brard. C'est pourtant clair !

M. Hervé Mariton. Cela dit, n'a-t-on pas, il y a quelques années, par une décision assez funeste, plafonné le quotient familial ? Il faudrait affirmer clairement que le quotient familial est d'une tout autre nature que les niches fiscales. Il serait utile de définir une autre terminologie, afin que ce débat soit définitivement tranché. On a beau se livrer aux analyses les plus fines, si l'on continue de désigner des réalités très différentes par un même terme, on risque des dérapages. En tout cas, l'UMP considère que le quotient familial est totalement distinct des niches fiscales et doit être absolument préservé. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur Brard, j'ai, pour vous, de la sympathie et du respect.

M. Jean-Pierre Brard. Et c'est réciproque... la plupart du temps !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Mais je voudrais que vous cessiez d'attaquer les fonctionnaires.

M. Jean-Pierre Brard. Je n'attaque pas les fonctionnaires !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Chaque fois qu'a lieu un accident ou une catastrophe, nous entendons, à la télévision, l'interview d'un directeur de cabinet ou d'un colonel du SDIS.

M. Éric Besson. Cela n'a rien à voir !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Nous lisons tous les jours dans la presse des entretiens avec des fonctionnaires, tel le directeur du Conservatoire du littoral, ou d'autres : c'est la tradition de notre pays. Mais elle veut aussi − et quel que soit le gouvernement − qu'un fonctionnaire ou, mieux encore, un haut fonctionnaire ne s'exprime qu'après avoir reçu l'autorisation de son ministre. Au nom de cette tradition républicaine, un fonctionnaire a donc le droit de s'exprimer, avec l'autorisation de son ministre, sur un sujet extrêmement technique.

Monsieur Brard, ces attaques personnelles sont d'une nature que je ne qualifierai pas...

M. Richard Mallié. Elles sont scandaleuses !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. ...car l'adjectif auquel je songe vous discréditerait et je n'ai pas envie de le faire. Nous vous écoutons habituellement avec attention, mais il y a un moment où il faut que vous arrêtiez ce petit jeu, qui est irrespectueux pour la fonction publique de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Le sujet de l'interview et la personne concernée ne sont tout de même pas banals, et je comprends qu'on puisse être surpris.

M. Louis Giscard d'Estaing. Nous ne sommes pas là pour faire une revue de presse !

M. Didier Migaud. On peut tout de même s'exprimer librement ! Nous n'avons pas abusé de notre temps de parole et nos observations n'ont rien d'attaques personnelles. Je pense d'ailleurs que, s'il est quelqu'un à qui l'on doit reprocher quelque chose, c'est plutôt le ministre. L'interview en question a un tel contenu politique qu'il aurait été préférable que ce soit lui en personne qui s'exprime.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Vous êtes bien le seul à y avoir vu un contenu politique ! C'est d'une telle technicité !

M. Didier Migaud. Ce n'est pas la haute fonctionnaire qui est en cause : elle est parfaitement respectable, obéissait peut-être à des instructions et ne faisait donc que son travail. Mais je trouve regrettable cette démission du politique à propos des questions de fond.

Monsieur le président, je voudrais revenir à l'amendement. Il aurait été paradoxal que vous ne nous redonniez pas la parole, puisque nous en sommes les auteurs et que nous avons été interpellés tant par le secrétaire d'État que par le président de la commission des finances. Nous avons écouté avec intérêt la réponse du rapporteur général : il nous assure que, sur ce sujet, sa bonne foi est totale, laissant entendre que, sur d'autres sujets, elle peut ne pas l'être. (Rires sur les bancs du groupe socialiste. − Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Nous sommes donc prêts à lui faire confiance et, sur ce sujet, à le créditer de la bonne foi qu'il revendique.

M. Richard Mallié. C'est du trotskisme, ça !

M. Didier Migaud. Mais je m'adresse à présent autant au rapporteur général qu'au président de la commission des finances. Le secrétaire d'État a dit qu'il était prêt à demander à Bercy de livrer tous les éléments qui nous permettront de travailler sur ce sujet. Si le président de la commission des finances acceptait de prendre plusieurs engagements à cet égard, nous serions prêts à retirer nos amendements. Ainsi, pourrait-il s'engager à créer un groupe de travail...

M. Hervé Mariton. C'est du harcèlement moral !

M. Didier Migaud. ...dans des délais rapprochés, non pas pour enterrer le sujet mais pour y travailler ?

M. Michel Piron. C'est du psittacisme !

M. Didier Migaud. Je suis sûr que le président de la commission des finances sera sensible à cette suggestion. Nous sommes plusieurs, ici, à être à l'origine des progrès en matière de contrôle et de développement de nos relations avec la Cour des comptes, et nous nous efforçons de veiller à ce que ses rapports soient suivis d'effet. D'une certaine façon, nous nous reconnaissons, nous aussi, un droit de suite en la matière. Pourquoi ne tiendrions-nous pas le même raisonnement à propos des rapports du Conseil des impôts ? Je suis étonné que ce Conseil, constitué de personnes de qualité, publie un rapport annuel qui fait l'objet d'une certaine publicité, que nous lisons tous, et que jamais la commission des finances ne s'en soit saisie.

M. Michel Bouvard. Elle aurait pu le faire depuis des années !

M. Didier Migaud. Je reconnais que nous aurions pu le faire lorsque nous étions dans la majorité.

M. Michel Bouvard. C'est bien de le reconnaître !

M. Jean-Pierre Brard. Il est de bonne foi !

M. Didier Migaud. Puisque certains commentaires et observations du Conseil des impôts sont contestés par des députés, pourquoi ne pas organiser un débat avec le Conseil des impôts sur différents sujets, dont la fiscalité dérogatoire ?

Monsieur le président de la commission, je vous concède que les discussions générales sont sans intérêt.

M. Michel Piron. Quel aveu !

M. Didier Migaud. Les orateurs prononcent leurs discours mais ne s'écoutent pas les uns les autres.

M. Philippe Rouault. Pourquoi intervenez-vous, alors ?

M. Didier Migaud. Je suis précisément de ceux qui proposent des modifications dans l'examen des projets de loi de finances. Dès qu'on en vient à la discussion des amendements, il peut y avoir des échanges intéressants, et nous pouvons peut-être contribuer à certains progrès. Cela pose la question de notre méthode de travail. Pourquoi ne pas organiser, au niveau de la commission des finances − ou, à défaut, de la mission d'évaluation et de contrôle −, une réunion avec le Conseil des impôts ? L'ordre du jour comporterait la fiscalité dérogatoire et la question des niches fiscales, et nous pourrions, alors, formuler des propositions. Si vous acceptez cette démarche, nous sommes prêts à retirer nos amendements, car nous privilégions toujours le travail par rapport à l'affichage.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, le ministre s'est adressé à moi personnellement. Monsieur Bussereau, passez-moi l'expression, mais il ne faut pas manquer d'air pour dire que j'attaque la fonction publique.

M. Édouard Landrain. Relisez-vous, monsieur Brard !

M. Jean-Pierre Brard. Jusqu'à nouvel ordre, c'est vous qui coupez la tête des fonctionnaires. De grâce, ne vous cachez pas derrière votre petit doigt. L'interview en question n'a aucun caractère technique.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. L'avez-vous lue ?

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le secrétaire d'État, ce que je vous reproche, c'est de transformer des hauts fonctionnaires en supplétifs de la politique gouvernementale en leur demandant de s'exprimer à votre place. Vous considérez précisément qu'il suffit de donner un habillage technique à un discours très idéologique pour qu'il soit plus crédible. Or, quand on lit l'interview, on est en pleine idéologie. Derrière une présentation pateline et bonasse, il s'agit d'une remise en cause des fondements de notre politique fiscale républicaine. Du point de vue du fonctionnaire, il y a eu manquement à l'éthique de la fonction publique, mais le plus coupable est encore celui qui lui a demandé de se livrer à un tel exercice, même si l'intéressé n'aurait pas dû accepter.

Vous nous avez expliqué comment cela s'est passé et vous avez reconnu votre responsabilité : je considère donc que cette affaire est close. Mais il en est une autre qui reste en suspens, et à propos de laquelle je n'ai pas obtenu de réponse. Le ministre d'État a-t-il bien tenu les propos qui lui ont été prêtés et que je rappelle : « La France admire les USA. Je me sens étranger dans mon propre pays. Il nous manque un Powell en France. La France admire et respecte les USA. » ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Posez-lui les questions qui le concernent quand il est là !

M. Jean-Pierre Brard. Vous dites que le ministre d'État n'est pas là, mais je sais que vous entretenez avec lui des relations de proximité : s'il vous envoie un SMS, vous ne manquerez pas de nous le lire.

M. Michel Bouvard. M. Brard s'éloigne du sujet !

M. Jean-Pierre Brard. Il suffirait que le ministre d'État nous fasse savoir que sa langue a fourché, ou qu'il n'a pas tenu ces propos, pour que nous puissions clore cette affaire.

M. le président. Monsieur Brard, j'aurais apprécié que vous soyez bref.

M. Richard Mallié. Ça fait quinze fois qu'on entend la même chose !

M. Jean-Pierre Brard. Car, si le numéro 2 du Gouvernement a effectivement tenu de tels propos, c'est très grave.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Monsieur Brard, voilà quatre fois qu'on entend cela.

M. Richard Mallié. Quinze fois ! J'ai compté !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Si nous voulons un débat de qualité, concentrons-nous sur les cinq ou six points essentiels du projet de loi de finances.

Pour répondre à la question de M. Migaud, je suis favorable à la constitution de ce groupe de travail, qui, à partir du 15 janvier, pourra auditionner le Conseil des impôts. Je le dis d'autant plus volontiers que je ne partage pas toujours les conclusions du Conseil. Ainsi, j'estime qu'il y a erreur de diagnostic sur la nature des investissements étrangers en France et qu'il n'est pas certain qu'on doive, en la matière, se livrer à l'autosatisfaction.

M. Augustin Bonrepaux. On en parlera !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Nous en parlerons en effet à partir du 15 janvier, dans le cadre de ce groupe de travail.

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Monsieur le président, je suis prêt à retirer nos amendements en raison des engagements solennels que vient de prendre le président de la commission des finances. Nous participerons à ce débat avec le Conseil des impôts, en souhaitant qu'il concerne à la fois la fiscalité dérogatoire, dont nous venons de parler, et le dernier rapport du Conseil des impôts, qui offre matière à réflexion également.

M. le président. Les amendements n°s 249 et 250 sont retirés.

Je suis saisi d'un amendement n° 224.

La parole est à M. Gérard Bapt, pour le soutenir.

M. Gérard Bapt. L'esprit de cet amendement est d'apporter une aide à la syndicalisation. Le dialogue social ne repose pas, la majorité elle-même le regrette parfois, sur des bases suffisamment larges du côté des salariés. Un précédent gouvernement avait accordé des aides sous forme d'une réduction d'impôt au titre des cotisations syndicales. Aujourd'hui, dans la même logique, nous proposons de transformer cette réduction d'impôt en crédit d'impôt, de façon que les salariés modestes non imposables puissent également profiter de cet avantage fiscal.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté cet amendement. Je me permets de vous rappeler, mon cher collègue, que cette réduction d'impôt a été créée en 1989 par le gouvernement Rocard et qu'elle a gardé cette forme pendant la dernière législature. Il n'y a aucune raison de la transformer aujourd'hui en crédit d'impôt.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Le Gouvernement est bien entendu défavorable à cet amendement, pour les mêmes raisons que celles évoquées par le rapporteur général. Au-delà de son objet, cet amendement soulève une question de politique fiscale récurrente que j'aimerais clarifier dès maintenant, avant que nous n'examinions les amendements suivants.

Le crédit d'impôt est un mécanisme dérogatoire, qui conduit en réalité le Trésor public à subventionner pour partie des dépenses. Il se distingue des réductions d'impôt, qui consistent à diminuer la dette d'impôt et qui, de ce fait, constituent une incitation fiscale. Nous considérons que ce mécanisme ne doit pas être banalisé et qu'il doit au contraire resté réservé à des cas très limités. La proposition qui nous est faite dans cet amendement est un exemple de banalisation.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Ce n'est pas parce que cette mesure a été créée par un gouvernement socialiste qu'on ne peut pas l'améliorer au vu de l'évolution des problèmes sociaux et de la fiscalité.

J'entends bien qu'un crédit d'impôt, ce n'est pas la même chose qu'une réduction d'impôt, mais avouez, monsieur le secrétaire d'État, que, pour les salariés modestes non imposables, une telle mesure présenterait un intérêt certain : ces salariés pourraient ainsi participer plus activement à la vie syndicale et sociale.

Quant à votre opposition de principe à une telle transformation et à l'extension du nombre de cas de crédit d'impôt, je vous fais remarquer, monsieur le secrétaire d'État, qu'elle est en totale contradiction avec la disposition que vous vous apprêtez à prendre sur l'aide directe pour l'acquisition d'une couverture médicale universelle complémentaire.

M. Richard Mallié. Oh !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Il s'agit d'une mesure d'intérêt général !

M. Gérard Bapt. Certes, il s'agit d'un intérêt social, d'un intérêt général, mais essayer d'élever le taux de syndicalisation des salariés français, dont on sait qu'il est très bas par rapport aux autres pays de l'Union européenne, présente également un intérêt général.

M. Richard Mallié. La couverture universelle, c'est un intérêt de santé publique. Il ne faut pas confondre syndicat et santé !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le secrétaire d'État, sur cette question de principe - faut-il aider la démocratie en favorisant le développement du syndicalisme, qui est, hélas, un peu faible dans notre pays -, vos arguments me paraissent bien minces. Vous parlez de banalisation mais, au-delà du jargon et de la langue de bois, apparaît très clairement une ligne de partage : pour vous, il y a les contribuables qui paient des impôts directs et les autres, qui n'en paient pas. En réalité, ceux qui ne paient pas d'impôts directs sont ceux qui paient, proportionnellement, les impôts les plus lourds à travers la fiscalité indirecte comme la TVA. Or cette population, la plus modeste, n'a droit de votre part à aucun égard.

M. Richard Mallié. C'est fou ce qu'on peut entendre !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Que faites-vous de l'exonération de la redevance audiovisuelle pour les RMIstes ?

M. Jean-Pierre Brard. Ce n'est pas la crainte d'une banalisation qui vous fait rejeter cet amendement, c'est votre refus de soutenir les Français les plus modestes en favorisant leur syndicalisation. Votre discours n'est en fait qu'un habillage de circonstance.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 224.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 263.

La parole est à Mme Geneviève Perrin-Gaillard, pour le soutenir.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Cet amendement nous paraît très important. Nous souhaitons tous faire en sorte que la France soit un pays moderne et innovant.

M. Jean-Jacques Descamps. Eh bien, ce n'est pas ce que vous avez fait jusqu'à maintenant !

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Pour permettre à davantage de jeunes de poursuivre leurs études secondaires ou supérieures, il vous est proposé de transformer en crédit d'impôt l'actuelle réduction d'impôt qui est accordée au titre des frais de scolarité.

Le nombre de familles en difficulté augmente sans cesse. Les études sont de plus en plus chères, car les frais d'inscription dans les universités, les frais de transport et de logement s'alourdissent. Dès lors, la simple réduction d'impôt paraît assez injuste. En effet, scolariser ses enfants dans l'enseignement supérieur coûte moins cher à ceux qui bénéficient d'une réduction d'impôt qu'à ceux qui, malheureusement, ne peuvent rien déduire et sont donc obligés de payer plein pot.

Cet amendement mérite, je crois, d'être étudié avec beaucoup d'intérêt. Il n'est pas rare de recevoir dans nos permanences des jeunes qui se plaignent de ne pas pouvoir continuer leurs études supérieures alors qu'ils en ont la capacité. Certes, il existe des aides comme les bourses, mais elles sont difficiles à obtenir, leur montant est peu élevé et les critères de ressources sont très durs - il faut avoir atteint un certain degré de pauvreté pour y prétendre. Transformer la réduction d'impôt accordée au titre des frais de scolarité des enfants poursuivant des études secondaires ou supérieures en crédit d'impôt serait vraiment une bonne mesure.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a donné un avis défavorable à cette proposition. L'aide aux familles fonctionne depuis plusieurs décennies déjà sous forme de réduction d'impôt. Pour les familles non imposables, c'est le système des bourses qui fonctionne et vous savez bien, madame, que les crédits consacrés aux bourses sont chaque année substantiellement réévalués.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Non !

M. Didier Migaud. Ce n'est pas vrai !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. La fiscalité, je le rappelais tout à l'heure, est un instrument au service de la politique économique et sociale, elle ne peut pas, madame Perrin-Gaillard, se substituer à des mesures mieux ciblées. Développer de manière inconsidérée le crédit d'impôt représenterait un coût insupportable pour les finances publiques et, à la limite, la mesure deviendrait inéquitable parce que favorisant certaines catégories de contribuables. En outre, de nombreuses aides sociales permettent de prendre en charge les difficultés rencontrées par nos compatriotes les plus démunis.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Non !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Il existe notamment l'allocation de rentrée scolaire, qui est revalorisée chaque année. Il faut éviter que des cumuls d'avantages ne nuisent à l'égalité sociale.

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Je voudrais réagir aux propos du rapporteur général et du secrétaire d'État.

Nous sommes sensibles, monsieur le rapporteur général, au fait que vous ne souhaitiez pas que l'on touche à un certain nombre de dispositions qui ont pu être créées par vos prédécesseurs. Mais nous constatons que, sur d'autres sujets, vous ne faites pas preuve de la même rigidité de pensée. (Sourires.)

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Si : vous allez voir !

M. Didier Migaud. De temps en temps, lâchez-vous ! En l'occurrence, nous considérons que vous pourriez évoluer utilement, dans l'intérêt de la justice fiscale.

Monsieur le secrétaire d'État, contrairement à vous, nous considérons que les dispositifs actuels de réduction d'impôt sont inéquitables vis-à-vis de certaines catégories de contribuables. Vos propos selon lesquels le crédit d'impôt était un « bon outil » nous avaient laissé espérer.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. C'est un bon outil à condition de ne pas être utilisé en permanence.

M. Didier Migaud. Malheureusement, cette déclaration s'appliquait au prêt à taux zéro, qui est justement un très mauvais exemple ainsi que nous le montrerons ultérieurement.

M. Michel Piron. C'est au contraire un excellent exemple !

M. Didier Migaud. Nous pensons qu'il est important de transformer certaines réductions d'impôt en crédits d'impôt, pour que tous les Français soient concernés par ces mesures d'incitation.

M. Michel Piron. Donc, vous êtes d'accord.

M. Didier Migaud. Dans l'amendement n° 263, il est proposé que les frais de scolarité des enfants qui poursuivent des études secondaires ou supérieures puissent faire l'objet d'un crédit d'impôt. Je vous invite, monsieur le rapporteur général, à actualiser vos fiches car, contrairement à ce que vous dites, le montant des bourses n'augmente pas. Vous allez proposer d'indexer l'ISF sur le coût de la vie, mais les bourses, elles, ne sont pas indexées.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C'est une contrevérité. Les bourses évoluent chaque année en fonction de l'inflation !

M. Didier Migaud. Non. Nombre de prestations servies aux familles ou aux enfants modestes ne bénéficient pas, malheureusement, des mesures positives que vous pouvez prendre. Dès qu'il s'agit de mesures positives, nous aurons l'occasion de le démontrer, vous les ciblez sur un tout petit nombre de personnes. Mais quand il s'agit du plus grand nombre - il est vrai que cela coûte plus cher -, vous êtes aux abonnés absents.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Si la discussion générale est souvent académique, la discussion des amendements permet de soulever des questions de méthode. Cet amendement pose un vrai problème, qui mériterait que soit ouvert de manière globale et complète le dossier de l'accès à l'enseignement supérieur, pour étudier notamment la multitude d'avantages ou de régimes liés au statut étudiant.

La mesure qui nous est proposée concerne deux catégories d'enfants, ceux qui suivent des études secondaires et ceux qui suivent des études supérieures, mais se posent, en filigrane, les problèmes du rattachement au foyer fiscal, de l'évolution des bourses, de l'allocation de logement pour les étudiants - on sait que des étudiants touchent l'allocation de logement étudiant tout en restant rattachés au foyer fiscal de leurs parents, ce qui représente un coût pour les finances publiques. Tout cela mériterait un examen global, dans l'esprit de la loi organique : quelle est la mission de l'État en matière d'accompagnement de l'enseignement supérieur ? Quels moyens doivent être mis en œuvre pour favoriser l'accès aux études supérieures du plus grand nombre des enfants de nos concitoyens, et notamment des plus modestes ? Cet amendement ne fait qu'aborder partiellement le problème.

M. Didier Migaud. Sous-amendez !

M. Michel Bouvard. Sans doute aurons-nous l'occasion d'y revenir lors de la discussion du budget de l'enseignement supérieur. Nous verrons notamment quelle est l'évolution des bourses, puisque ce budget comporte un volet concernant les bourses. Mais si nous voulons faire œuvre utile, nous devons éviter d'aborder cette question d'une manière partielle, ce que fait cet amendement. C'est la raison pour laquelle je crois qu'il ne faut pas l'adopter, même si le problème qu'il pose est intéressant.

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Il faut regarder ce qui se passe sur le terrain. On nous dit que les bourses augmentent. Je veux bien admettre qu'elles augmentent un petit peu, mais leur évolution n'a rien à voir avec l'ampleur des difficultés que connaissent un nombre croissant de familles, d'autant que certains jeunes sont exclus du dispositif.

J'ai bien entendu la proposition de M. Bouvard. Je crois qu'en effet il faudrait élargir le champ et considérer l'accès des jeunes à l'enseignement supérieur dans son ensemble. Il n'empêche que le problème est posé et qu'il faut y regarder de plus près parce que nous rencontrons de plus en plus souvent des jeunes ou des familles qui viennent nous voir pour dire qu'elles ne peuvent pas continuer à payer les études de leurs enfants, lesquels sont obligés d'abandonner. Pour un pays moderne qui se dit innovant, en avance, je trouve ça dommage.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 263.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 226 et 225, pouvant faire l'objet d'une présentation commune.

La parole est à Mme Geneviève Perrin-Gaillard, pour les soutenir.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Ces amendements visent notamment à transformer en crédit d'impôt l'actuelle réduction d'impôt accordée aux personnes âgées hébergées en unité de soins de longue durée et dans les maisons de retraite médicalisées.

Dans le dispositif en vigueur, seuls sont pris en compte, pour la réduction d'impôt, les frais liés à la dépendance, à l'exclusion des dépenses liées à l'hébergement. Or certaines personnes en grande difficulté ne peuvent plus assumer ces dépenses qui augmentent régulièrement, contrairement à leurs ressources. Il importe de faire en geste dans leur direction.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté ces amendements, dont l'un vise à améliorer la réduction d'impôt. J'appelle l'attention de Mme Perrin-Gaillard sur le fait que cette amélioration a déjà été réalisée l'année dernière. Le plafond des dépenses retenues pour le calcul de la réduction d'impôt a en effet été porté de 2 300 à 3 000 euros pour prendre en compte l'augmentation du coût de la dépendance.

Quant à l'amendement n° 226, il vise à transformer l'actuelle réduction d'impôt en crédit d'impôt. La question de la dépendance illustre bien la façon dont fonctionnent les aides, en particulier en direction des personnes âgées dépendantes. Soit celles-ci sont assujetties à l'impôt sur le revenu, et dans ce cas elles ont une réduction d'impôt ; soit elles paient peu d'impôt sur le revenu ou pas du tout, parce que leurs revenus sont insuffisants ou inexistants, et dans ce cas intervient l'allocation personnalisée d'autonomie - l'APA - qui, comme vous le savez, est versée sous condition de ressources. Il y a donc continuité des aides. La réduction d'impôt ayant été revalorisée l'année dernière en cohérence avec la création et la montée en régime de l'APA, nous sommes en présence d'un système équilibré. C'est la raison pour laquelle ces amendements ont été rejetés.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Même avis que la commission.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Viollet.

M. Jean-Claude Viollet. Je m'étonne du rapprochement qui vient d'être fait entre la prise en compte des frais liés à l'hébergement et l'allocation personnalisée d'autonomie, car ce sont deux choses différentes.

M. Michel Bouvard. En effet, l'APA, c'est très différent, parce que cela coûte beaucoup aux conseils généraux !

M. Jean-Claude Viollet. La revalorisation de 2 300 à 3 000 euros dont vient de parler M. le rapporteur général est sans commune mesure avec l'avantage fiscal dont bénéficieront demain certaines personnes pour l'emploi d'un salarié à domicile.

J'observe également que, dans la réforme de l'APA que vous avez opérée,...

M. Michel Bouvard. L'APA c'est vous !

M. Jean-Claude Viollet. ... ce sont précisément les plus modestes, ceux qui n'étaient pas imposables, qui ont été le plus pénalisés, avec l'augmentation du ticket modérateur.

Un crédit d'impôt serait un avantage pour toutes les personnes âgées qui vivent leurs derniers jours en maison de retraite, qu'elles soient imposables ou non. En outre, une telle mesure ne pénaliserait pas les familles qui sont contraintes de supporter les frais d'hébergement de leur parent. C'est une proposition de justice.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 226.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 225.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 253.

La parole est à M. Didier Migaud, pour le soutenir.

M. Didier Migaud. Cet amendement vise à transformer une niche fiscale en crédit d'impôt. Il s'agit de votre fameuse mesure, qui figure dans la deuxième partie de ce projet de loi de finances et augmente très sensiblement la réduction d'impôt pour emploi à domicile.

Nous nous sommes exprimés à plusieurs reprises au cours de la discussion générale sur cette disposition , qui est d'ailleurs une caricature de votre politique fiscale. En effet, vous décidez une pause dans la réduction de l'impôt sur le revenu, mais en même temps vous accordez une réduction encore plus ciblée sur quelques milliers de foyers seulement .

L'année dernière, vos prédécesseurs nous avaient déjà proposé d'augmenter la réduction d'impôt pour emploi à domicile et nous avions eu un débat intéressant sur ce sujet en commission des finances et en séance publique, notamment sur la base du rapport du Conseil des impôts sur la fiscalité dérogatoire. Le président de la commission des finances lui-même avait exprimé certaines réserves face à cette proposition.

Cette année , vous vous obstinez et vous nous proposez une nouvelle réduction d'impôt pour emploi à domicile, sachant que beaucoup de personnes atteignent déjà le plafond de la réduction et que cette mesure concernera encore moins de familles que l'année dernière. En 2003, vous aviez évoqué le chiffre de 70 000 familles concernées. Cette année, le ministre a parlé de 30 000 familles. Et nous ne sommes même pas sûrs que ce chiffre soit atteint, qu'il corresponde à la réalité. Il serait d'ailleurs intéressant, monsieur le secrétaire d'État, que vous nous le confirmiez pour que nous puissions ensuite le vérifier.

Nous proposons, quant à nous, de transformer cette réduction d'impôt en crédit d'impôt. Ça, ce serait utile, et je reprendrai votre exemple de tout à l'heure du crédit d'impôt qui peut être un bon outil à partir du moment où nous avons à la fois le souci d'assurer la justice fiscale, de favoriser l'emploi et d'aider les familles.

Vous nous dites que votre dispositif a vocation non seulement à encourager les familles, à les aider, mais également à soutenir l'emploi. Or, si l'on se penche sur les rapports relatifs à la question, on s'aperçoit que la plupart des familles ne sont pas concernées par cette mesure, dont l'effet sur l'emploi est de surcroît quasiment nul. Je vous renvoie une fois de plus au rapport du Conseil des impôts ou à ce qu'écrit la fédération des employeurs de salariés à domicile.

Sur les 2 300 000 foyers qui emploient une personne à domicile, 1 400 000 seulement bénéficient de la réduction d'impôt. Cela veut dire que 900 000 familles ne sont pas aidées, tout simplement parce qu'elles ne paient pas l'impôt sur le revenu. Mais elles peuvent aussi avoir besoin d'un salarié à domicile pour quelques heures. Pourquoi ne seraient-elles pas soutenues ? Notre proposition permettrait d'encourager l'emploi tout en soutenant des familles qui en auraient sans doute davantage besoin que celles concernées par votre mesure.

M. le ministre d'État nous a dit que cela coûterait trop cher - plusieurs centaines de millions d'euros. Mais cela pourrait parfaitement ne rien coûter ! Il suffit de se référer au rapport du Conseil des impôts sur la fiscalité dérogatoire, qui propose une mesure à coût nul. En effet, baisser la réduction d'impôt pour certaines familles permettrait d'aider celles qui, aujourd'hui, ne sont pas concernées par votre mesure.

M. Philippe Auberger. Et cela entraînerait des licenciements !

M. Didier Migaud. Mais non, monsieur Auberger ! Vous mettez souvent en avant le fait que c'est nous qui avons proposé ce dispositif,...

M. Philippe Auberger. Le chèque emploi service, c'est vous !

M. Didier Migaud. ... mais ne tombez pas dans la caricature ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Oui, nous revendiquons ce dispositif, mais c'était un dispositif d'incitation ! Là, vous le transformez complètement en privilège, en cadeau fiscal. Il y a une nette différence. D'ailleurs, je relève que M. le ministre d'État fait preuve d'une certaine constance, puisqu'en 1995 déjà il avait proposé de doubler le plafond proposé par Martine Aubry et que nous l'avons réduit sensiblement dès que nous sommes revenus au pouvoir sans que cela ait un impact sur le nombre d'emplois créés dans ce secteur.

M. le président. Il faut conclure, monsieur Migaud !

M. Didier Migaud. Oui, monsieur le président, mais c'est un sujet important !

Cela montre bien qu'au-delà d'un certain seuil, l'effet sur l'emploi est nul, monsieur le secrétaire d'État. Notre amendement vise à soutenir à la fois l'emploi et toutes les familles , sans créer un effet d'aubaine pour certaines d'entre elles.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission est défavorable à cet amendement.

Puisque M. Migaud parle d'effet d'aubaine, je voudrais appeler son attention sur le fait que le dispositif relatif aux emplois à domicile figure en deuxième partie du projet de loi de finances, précisément pour éviter les effets d'aubaine, puisqu'il ne jouera qu'au titre des revenus 2005.

M. Philippe Auberger. On le lui a déjà dit ce matin !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il s'agit en effet avant tout d'une mesure pour l'emploi. Lorsque cette niche fiscale a été créée par Martine Aubry, en 1992, elle avait deux objectifs : faciliter la création d'emplois à domicile et réduire le travail au noir.

Une évaluation intervenue au bout de deux ans a montré que cette mesure avait été très positive dans les deux cas. Sa portée a donc été accrue en 1994 et la réduction de l'assiette imposable est passée de 45 000 à 90 000 francs.

En 1997, après le changement de majorité, la mesure a été confirmée, en raison de ses effets sur l'emploi, mais la réduction de l'assiette imposable a été réduite.

Après plusieurs années, au terme de la dernière législature, elle a été actualisée. Nous verrons, lors de la deuxième partie de la discussion budgétaire, qu'il s'agit aujourd'hui de poursuivre dans cette voie.

Vous le voyez, il n'y a pas de remise en cause de fond des objectifs premiers de cette mesure qui non seulement relève de l'emploi, mais envoie également un signal important en direction des familles, auxquelles elle permettra notamment d'assurer la garde des enfants à domicile.

M. Didier Migaud. Mais non ! Elle ne profitera qu'à 30 000 familles !

M. Augustin Bonrepaux. Dites-nous donc, monsieur le rapporteur général, combien de familles seront concernées !

M. Michel Bouvard. Le vrai problème est de savoir combien d'emplois seront concernés !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous savons, monsieur Bonrepaux, que vous êtes député de l'Ariège. Pour ma part, je suis l'élu d'une circonscription de la proche banlieue parisienne. A ce titre, je peux citer le cas d'innombrables jeunes ménages aux revenus modestes...

M. Augustin Bonrepaux. Combien sont-ils ? Donnez-nous un chiffre !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Souvent, le mari et la femme sont obligés de travailler tous deux du fait des prix qu'atteint l'immobilier en région parisienne. Compte tenu des temps très longs de transport que connaissent les banlieusards, ils sont obligés de laisser leurs enfants à sept heures du matin pour ne les retrouver, le soir, qu'à dix-neuf, voire vingt heures, ce qui les met en difficulté quand ils ne trouvent pas de place en crèche. Cette mesure répondra à une attente très forte de leur part.

M. Augustin Bonrepaux. De combien de personnes s'agit-il ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ces jeunes ménages se comptent par dizaines de milliers.

M. Augustin Bonrepaux. Combien de dizaines de milliers ? Trois ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. À ceux-là s'ajoutent les familles qui sont de plus en plus souvent contraintes de faire garder à domicile un grand-parent atteint, par exemple, d'un début de maladie d'Alzheimer.

M. Didier Migaud. Le cas est très différent !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ce dispositif, dont nous ne revendiquons nullement la paternité puisqu'il a été inventé par Mme Aubry, a traversé trois législatures. Il est équitable, répond aux besoins des familles et prend en compte de manière satisfaisante les problèmes de la dépendance et du vieillissement de la population.

Quand on se trouve ainsi face à un excellent dispositif, il importe avant tout de rechercher un consensus afin de l'améliorer. Certains amendements tentent d'ailleurs de le faire. Mais, en attendant de les examiner, la commission n'a pas souhaité que l'on polémique sur ce sujet.

M. Didier Migaud. On vous comprend. Cela vous arrange bien !

M. Gérard Bapt. Voilà qui est drôle !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Elle a émis un avis défavorable en attendant le moment d'ouvrir réellement le débat, lors de la seconde partie de la discussion budgétaire.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. La position du Gouvernement est simple. Il présente une mesure dont il est très fier.

M. Didier Migaud. Il n'y a vraiment pas de quoi !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Celle-ci sera examinée en seconde partie de la loi de finances. Nous entendrons alors la défense des amendements déposés à son sujet.

Je tiens cependant à dire que je suis effrayé par la cécité des députés de l'opposition. Ils sont toujours en train de dénoncer les privilèges dont bénéficient tel ou tel. Mais, dans la commune dont je suis l'élu et que Mme Geneviève Perrin-Gaillard connaît bien, beaucoup de personnes ont pu ainsi échapper au RMI et à l'assistanat.

M. Augustin Bonrepaux. Et elles bénéficieront vraiment de cette mesure ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Grâce au chèque emploi service, elles peuvent aujourd'hui travailler en faisant, par exemple, deux heures de jardinage chez quelqu'un et trois heures d'aide ailleurs.

M. Jean-Pierre Brard. Ce n'est pas ce dont il est question !

M. Didier Migaud. Il ne s'agit ici que de financer des domestiques ! Demandez à M. de Courson : il vous expliquera !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Un grand nombre de gens sont sortis du sous-emploi grâce à ce dispositif et nous en sommes fiers. C'est pour cela que nous prévoyons de le développer. Or, ce que l'on nous propose par cet amendement, c'est d'en réduire l'efficacité.

M. Didier Migaud. Nullement !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. C'est pourquoi j'avoue ne pas comprendre cette proposition.

Sur l'amendement n° 253, comme sur tous ceux qui vont suivre, le Gouvernement émet un avis défavorable. Nous discuterons de ce problème le moment venu.

En attendant, je prie les députés de l'opposition de ne pas sous-estimer le problème de l'emploi et ne pas apprécier les mesures que nous proposons en faisant abstraction de toute vision sociale !

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. M. le rapporteur général a invoqué un grand nombre d'arguments pour expliquer qu'une déduction fiscale supplémentaire n'était pas la bonne voie. Après avoir rappelé que c'était Mme Aubry qui en avait pris l'initiative, il a souligné que cette mesure avait été très favorable et que, deux ans après sa mise en place, elle avait effectivement joué en faveur du retour à l'emploi et de la lutte contre le travail au noir. Mais, dans ce cas, pourquoi doubler la réduction d'impôt, qui avait déjà été doublée par M. Sarkozy en 1994 ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Regardez devant vous, pas derrière !

M. Augustin Bonrepaux. D'ailleurs, M. Sarkozy avait alors présenté cette mesure comme un cadeau fiscal. Il avait prévenu la majorité de l'époque qu'il n'était pas possible d'abaisser les deux derniers taux de l'impôt sur le revenu, parce que cela aurait été mal perçu, et qu'il y avait beaucoup mieux à faire. Voilà pourquoi il a doublé la somme déductible !

Revenus aux affaires en 1997, nous l'avons réduite à 6 900 euros. Or, à la suite de cette décision, le nombre d'emplois créés n'a pas diminué.

M. Didier Migaud. Il a même augmenté !

M. Augustin Bonrepaux. C'est dire que, à partir d'un certain niveau, toute déduction supplémentaire n'a aucune incidence sur l'emploi et relève simplement d'un cadeau fiscal.

Vous dites, monsieur le rapporteur général, que des dizaines de milliers d'emplois sont en cause. Quel est le chiffre exact ? Trente mille ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Beaucoup plus que cela !

M. Augustin Bonrepaux. Vous prétendez développer l'emploi pour aider les RMIstes, mais très peu de gens profiteront de ce dispositif. Aujourd'hui, les emplois qui peuvent en bénéficier ont déjà été mis en place. Le seul apport de ce texte concernera la réduction d'impôt elle-même.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. C'est une bien meilleure mesure que celle de vos emplois aidés !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Vous êtes un député de terrain, monsieur Bonrepaux : soyez réaliste !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. D'ailleurs, la mesure ne vise pas seulement à réinsérer des RMIstes !

M. Augustin Bonrepaux. Les RMIstes, nous en parlerons tout à l'heure, ainsi que de la pauvreté qui augmente. Mais, pour en rester à ce sujet, que faites-vous des 900 000 personnes qui emploient quelqu'un à domicile sans bénéficier d'aucun abattement ?

Nous, nous voulons encourager tout le monde. Je remarque d'ailleurs que notre proposition va dans le sens de ce que réclame la Fédération nationale des particuliers employeurs. Celle-ci considère qu'une augmentation du plafond n'est pas une solution appropriée et que, hormis certains cas de garde à domicile ou certaines situations de grande dépendance, la mesure que vous préconisez ne répond pas à la majorité des besoins des employeurs.

M. Didier Migaud. En effet !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Dans ce cas, que n'avez-vous appliqué votre proposition lorsque vous étiez aux affaires ?

M. Augustin Bonrepaux. Nous avons réduit le plafond de la déduction à 6 900 euros, alors que vous voulez le porter à 10 000 euros sans aucune raison. Le ramener à 6 900 euros et utiliser la différence pour créer un crédit d'impôt permettrait d'étendre le bénéfice de cette mesure à toute personne qui emploie quelqu'un à domicile. C'est aussi simple que cela !

Je crois que l'on ne peut nous opposer aucun argument, à moins que l'on ne cherche rien d'autre que la possibilité d'offrir un cadeau fiscal à quelque 30 000 familles privilégiées.

Vous osez prétendre, monsieur le rapporteur général, que cette mesure va résoudre le problème des ménages de catégorie moyenne qui n'ont pas les moyens de faire garder leurs enfants ? Racontez cela à d'autres !

M. Édouard Landrain. À vos électeurs, par exemple ?

M. Augustin Bonrepaux. L'amendement no 253 est particulièrement justifié. Le Gouvernement doit faire un choix : soit il propose une véritable mesure en faveur de l'emploi, soit il se contente d'offrir des cadeaux fiscaux.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Mes chers collègues, nous pouvons avoir des avis divergents sur une telle question mais, de grâce, nous en débattrons le 19 novembre, au cours de la deuxième partie de la discussion budgétaire.

Si nous entamons maintenant cette discussion, quel temps nous restera-t-il pour aborder d'autres questions aussi importantes que celle des collectivités locales, à laquelle vous êtes si attaché, monsieur Bonrepaux ?

M. Augustin Bonrepaux. En effet !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Si nous continuons à ce rythme, cette question ne viendra en discussion qu'à quatre heures du matin dans la nuit de vendredi à samedi.

M. Didier Migaud. Nous y consacrerons le temps qu'il faudra.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Ce n'est pas sérieux ! Nous devons mener un travail de fond sur ce point le 19 novembre. Il est inutile d'avoir plusieurs fois le même débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Je comprends que nos collègues de droite aient hâte d'en finir, car, comme le disait M. le secrétaire d'État, nous appuyons là où ça fait mal. La preuve, c'est qu'ils réagissent !

M. Michel Piron. Allons !

M. Christian Cabal. Nous n'avons mal nulle part !

M. Jean-Pierre Brard. Allez-y, messieurs. Profitez-en pendant que c'est encore possible !

Le président de la commission nous assure que nous reparlerons de ces questions plus tard. C'est vrai, parce que la pédagogie, c'est l'art de la répétition, surtout quand l'élève a, comme nos collègues de la majorité, la tête un peu dure. (Sourires.)

M. Sébastien Huyghe. C'est l'hôpital qui se moque de la charité !

M. Jean-Pierre Brard. Pourquoi donc tenions-nous à les aborder dès maintenant ? Parce que le débat sur les recettes est celui qui permet le mieux d'apprécier la réalité d'une politique.

D'ailleurs, pour la loi de finances pour 2005, mieux vaudrait parler de renoncement aux recettes, monsieur le secrétaire d'État, puisque vous distribuez des privilèges à ceux qui en ont déjà. Et, comme l'a signalé Augustin Bonrepaux, les emplois concernés par ces mesures sont déjà créés.

Si vous distribuiez sous forme de crédit d'impôt la manne que vous vous apprêtez à dilapider, vous donneriez en fait du pouvoir d'achat à des gens qui en sont privés. Mais il y a, pour vous, une ligne de partage simple, voire simpliste, qui sépare ceux qui paient l'impôt sur le revenu de ceux qui ne le paient pas. C'est aussi simple que cela. Vous vous acharnez toujours sur ceux qui ne sont pas assujettis à la fiscalité directe et subissent de plein fouet la fiscalité indirecte.

Vous menez, monsieur le secrétaire d'État, une politique de classe, pour parler comme notre collègue Paul Giacobbi. Vous le savez, c'est un modéré, puisque c'est un radical. Dans sa bouche, une telle expression n'a donc pas la connotation extrémiste que lui donneraient certains.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Il s'agit tout de même d'un radical de gauche ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Un radical de gauche est toujours modéré, monsieur le secrétaire d'État, tout comme un radical de droite !

Vous voyez bien pourquoi nous devons avoir cette discussion dès aujourd'hui : elle permet de mettre en perspective tous vos coups tordus, pour que l'opinion comprenne mieux quel est le sens de votre projet de loi de finances.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Je suis sûr, monsieur le président, que vous me saurez gré, ainsi que Michel Bouvard et Didier Migaud, d'aérer un peu le débat, en annonçant - et je remercie le Gouvernement pour l'efficacité de sa politique - qu'aujourd'hui, dans la Drôme, un loup a été tiré. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Michel Bouvard. Enfin !

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Et vous en êtes fier ?

M. Jean-Pierre Brard. Le chasseur était-il un employé à domicile ?

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 253.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 254 et 255, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Didier Migaud, pour soutenir l'amendement n° 254.

M. Didier Migaud. Je veux dire à M. Méhaignerie que nous ne sommes pas obligés de nous plier à la volonté de la majorité en ce qui concerne l'organisation de nos travaux. Il est un peu facile de renvoyer cette question à l'examen de la seconde partie du budget. Au-delà du montant de la réduction d'impôt proposée, c'est de sa transformation en crédit d'impôt qu'il s'agit, et cette question a toute sa place dans la première partie. Il s'agit d'un problème de philosophie fiscale...

M. Michel Piron. De technique plutôt que de philosophie fiscale !

M. Didier Migaud. ...et je ne crois pas que nous perdions notre temps à en débattre. Je comprends la gêne du président de la commission des finances car, au fond, il partage les préoccupations que nous exprimons.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Mais non !

M. Didier Migaud. Mais, comme sa famille politique d'origine, il ne va pas au bout de sa pensée. Il emploie des périphrases pour exprimer une certaine distance et faire savoir au Gouvernement qu'il n'est pas tout à fait d'accord avec lui, mais le ministre n'est pas inquiet, car il sait que, lors du vote, M. Méhaignerie ne fera pas défection. Et, effectivement, il n'a encore jamais failli.

Monsieur le secrétaire d'État, nos points de vue divergent sur de nombreux sujets, mais ayons la courtoisie de ne pas utiliser des arguments qui n'en sont pas.

M. Jean-Pierre Brard. Des arguties !

M. Didier Migaud. Comment pouvez-vous dire qu'il s'agit d'une mesure de soutien aux familles françaises, alors que moins de 30 000 d'entre elles, soit 0,2 % des foyers fiscaux, sont concernées ?

M. Jean-Pierre Brard. Les familles dorées !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Qu'en savez-vous ?

M. Didier Migaud. Évidemment, ce dispositif est intéressant, mais à condition qu'il demeure incitatif. C'est nous qui l'avons créé, monsieur le rapporteur général, mais, aujourd'hui comme en 1995, vous le dénaturez, et nous ne nous y reconnaissons plus. Il est devenu, pour vous, un moyen d'accroître les réductions d'impôt sur le revenu. M. Sarkozy lui-même - M. Bonrepaux l'a rappelé - disait en 1995 : « Ce que je vous propose est un moyen de réduire l'imposition sur le revenu. »

Évitons donc de nous balancer à la figure des arguments aussi facilement contredits, même par le Conseil des impôts ! Si nous souhaitons auditionner ses membres sur la fiscalité dérogatoire et sur l'attractivité de notre pays, c'est parce que ce sont de hauts magistrats, c'est-à-dire des hauts fonctionnaires, hauts fonctionnaires que vous avez défendus tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'État. Alors, pourquoi ne pas les défendre jusqu'au bout et reconnaître que leurs rapports correspondent à une certaine réalité ? Si l'on fait confiance au Conseil des impôts et que l'on reconnaît la qualité de ses membres, on essaie de tenir compte de ses avis dans les propositions que l'on formule. Or cette instance a bien montré que, au-delà d'un certain seuil, cette mesure n'a aucun effet sur l'emploi et sur l'aide aux familles.

Notre proposition est un point dur. Nous avons évoqué les bourses tout à l'heure, mais on s'aperçoit, notamment à la lecture du rapport du rapporteur général, que l'augmentation de la prime pour l'emploi se résume à presque rien, ...

M. Michel Piron. 4 % !

M. Michel Bouvard. Et le relèvement du SMIC pour 1 million de Français ?

M. Didier Migaud. ... alors que vous allez permettre à un petit nombre de familles de bénéficier d'une aide supplémentaire de l'État. Est-ce cela que vous appelez la justice fiscale ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Contrairement à vous, nous ne pensons pas que nous consacrons trop de temps à débattre de ce sujet, car il caractérise l'injustice de votre budget et il est révélateur de la conception différente que nous nous faisons de la politique fiscale.

M. Jean-Pierre Brard. C'est symbolique !

M. Didier Migaud. C'est pourquoi nous ne vous lâcherons pas, monsieur le secrétaire d'État. Quoi qu'il en soit, nous souhaitons que vous nous apportiez de vraies réponses. Assumez l'injustice de votre politique fiscale ! Ne vous cachez pas derrière des arguments qui n'en sont pas !

M. le président. Nous en venons à l'amendement n° 255.

M. Augustin Bonrepaux. C'est un amendement de repli.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Avis défavorable. Monsieur Migaud, ce dispositif figure dans la seconde partie du budget parce que, son objectif étant d'encourager l'embauche ou l'augmentation du temps de travail des employés à domicile, nous souhaitons qu'il influence les comportements dès le 1er janvier 2005 et s'applique aux revenus de 2005, imposés en 2006. Or, si cette mesure figurait en première partie, elle n'aurait pas le même effet, puisque l'avantage serait accordé a posteriori à des employeurs qui ont déjà embauché ou augmenté la durée du travail.

Il s'agit d'une mesure « emploi » en direction des familles qui a donc toute sa place en seconde partie.

M. Didier Migaud. Elle ne concerne que 0,2 % des foyers fiscaux !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Vous avez cité le chiffre de 30 000, mais ce sont 70 000 familles qui atteignent d'ores et déjà officiellement le plafond. Et chacun sait que de nombreuses personnes ne déclarent que les heures effectuées jusqu'à ce plafond et paient au noir au-delà.

M. Gérard Bapt. Oh !

M. Édouard Landrain. Hélas, c'est vrai !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Or, nombre des dispositions que nous prenons visent précisément à lutter contre le travail au noir, afin de recouvrer des cotisations sociales supplémentaires et d'assainir la situation. Je rappelle du reste à ceux qui ont créé la prime pour l'emploi que celle-ci avait notamment pour objectif de lutter contre le travail au noir et de rémunérer le mieux possible le travail officiel.

M. Didier Migaud. C'est pourquoi le dispositif incitatif est utile !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous avançons donc des arguments de fond, tout à fait honorables, et il n'y a pas lieu de nous faire de procès d'intention.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Même avis.

M. le président. la parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. On oppose à nos propositions un refus sans arguments. Depuis le début de ce débat, nous demandons à M. le rapporteur général de nous dire exactement combien de familles sont concernées par cette mesure. Si, comme on nous le dit, elle vise à développer largement l'emploi, il est important que nous sachions combien d'emplois elle va créer. Plus on élève le plafond, plus les familles concernées ont de hauts revenus. Combien sont-elles ?

La Fédération nationale des employeurs à domicile estime que la réduction d'impôt est un outil concret qui bénéficie aux particuliers, comme vous l'avez dit tout à l'heure en rappelant que la mesure de Mme Aubry s'était révélée très efficace. Mais elle explique également que le relèvement du plafond de la réduction d'impôt est une réponse inadaptée qui peut avoir de graves conséquences.

D'abord, son impact sur la création d'emplois est illusoire. En effet, une telle mesure ne concerne que les revenus les plus élevés, qui emploient déjà des personnes à domicile. Ils bénéficieront donc d'une déduction fiscale supplémentaire sans pour autant avoir embauché. Elle produira un effet d'aubaine mais n'aura pas d'effet incitatif.

Ensuite, et c'est important, la population des employeurs ne se reconnaît pas dans cette mesure, qu'elle considère destinée à une catégorie particulière. Ce dispositif a donc finalement un effet dissuasif, car les employeurs modestes se disent qu'ils n'arriveront jamais à bénéficier de la réduction.

Au total, votre mesure est contre productive en termes d'emploi. Votre seul objectif ne peut donc être que de faire un cadeau fiscal aux familles privilégiées, c'est-à-dire à celles qui atteignent le plafond actuel. Monsieur le rapporteur général, je renouvelle par conséquent ma question : quel est le nombre de familles qui vont en bénéficier ?

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Monsieur le rapporteur général, nous sommes, comme vous, des hommes de terrain. Je sais comment les choses se passent, notamment au service emploi que j'ai créé dans mon centre social.

Les chiffres que vous citiez dans votre rapport de 2003 sont intéressants. En 2000, sur les 2 170 000 personnes qui déclaraient employer une personne à domicile, seules 1 540 000 bénéficiaient de la réduction d'impôt. Selon le Conseil des impôts, le nombre de celles qui n'en profitent pas passerait de 690 000 en 2000 à 900 000. Les personnes qui ne sont pas assujetties à l'impôt sur le revenu ne profitent pas de cette mesure.

Que les familles bénéficiaires soient 30 000 ou 70 000, je ne pense pas que cela change grand-chose. Mais, à ce niveau de revenus, il est particulièrement choquant que vous affirmiez que cette mesure permettra de lutter contre le travail clandestin. Ces familles déclareraient le salaire de leurs employés à domicile au niveau du bénéfice plein de la réduction d'impôt et paieraient au noir au-delà.

M. Jean-Pierre Brard. Ce sont des esclavagistes !

M. Gérard Bapt. Pour lutter efficacement contre le travail clandestin, il est bien évident qu'il faut s'adresser aux employeurs qui ne déclarent pas leur emploi à domicile parce qu'ils ont des ressources très faibles, sachant qu'un certain nombre de personnes préfèrent travailler au noir que pas du tout. Les personnels municipaux sont du reste choqués d'entendre des gens qui cherchent à employer une personne pour quelques heures à domicile annoncer qu'ils la paieront au noir.

Par ailleurs, en 1998, nous avons diminué le plafond de la réduction.

Si une augmentation du plafond d'exonération constituait un réel encouragement à l'emploi à domicile, celui-ci devrait se traduire dans les chiffres, de la même manière d'ailleurs qu'une baisse du plafond devrait avoir pour effet, si ce n'est une diminution du nombre de personnes déclarant employer du personnel à domicile, au moins une stabilisation de la mesure. Or on constate que quel que soit le plafond, y compris lorsqu'il est réduit considérablement comme nous l'avions fait en 1998, le nombre d'emplois salariés dans les services domestiques ne cesse d'augmenter année après année, répondant en fait à un besoin social. Le Premier ministre a d'ailleurs affirmé souhaiter une augmentation régulière de ces emplois assurant les services de proximité.

Je vous invite à examiner les chiffres, qui vous démontreront que ce n'est pas en augmentant le plafond que vous augmenterez le nombre d'emplois à domicile déclarés par les ménages fiscaux français.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 254.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Nous poursuivons avec l'amendement n° 255.

La parole est à M. Éric Besson.

M. Éric Besson. Je voudrais revenir sur quelques points qui viennent d'être abordés (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) J'estime ne pas avoir abusé de mon temps de parole, puisque je ne prends la parole que pour la deuxième fois aujourd'hui. Vous n'avez donc aucune raison de protester, mes chers collègues.

Je voudrais revenir, monsieur le ministre, sur les propos que vous avez tenus en réponse à notre collègue Brard concernant l'interview accordée aux Échos par la directrice de la législation fiscale - que je salue, puisque l'on me dit qu'elle est présente dans l'hémicycle. Je confesse que j'ignorais l'existence de cette interview jusqu'à ce que j'assiste à votre échange avec Jean-Pierre Brard. Je me la suis procurée depuis et j'en ai pris connaissance. Monsieur le ministre, je crois qu'il aurait été plus simple d'admettre très franchement que cet entretien est aux limites de l'acceptable (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) Cette interview que j'ai sous les yeux, si elle est effectivement technique, ne l'est pas seulement. Ainsi, à la question : « Les entreprises jugent insuffisantes les mesures fiscales figurant dans le budget 2005, ou en tout cas en retrait par rapport à l'an passé. Qu'en pensez-vous ? », Mme Lepetit a répondu : « Le projet de loi de finances comporte cette année davantage d'articles pour les entreprises. Le Gouvernement utilise très largement le levier fiscal qui est à sa disposition pour mener une politique économique permettant de rester compétitif, d'éviter les comportements dilatoires et de pratiquer des incitations » (« Et alors ? » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Elle mérite une prime !

M. Éric Besson. Vous pouvez être en accord avec ces propos, monsieur le ministre, c'est votre droit le plus strict et si tel est le cas, cela n'a rien d'étonnant compte tenu de votre fonction. Le problème est que ces commentaires auraient dû venir directement de vous. Votre majorité n'a-t-elle pas fait son cheval de bataille, notamment lors de la campagne électorale de 2002, de la nécessité de distinguer les responsabilités des hauts fonctionnaires de celles des ministres, la confusion des genres étant à l'origine de la fracture républicaine et du fait que les politiques ont tendance à ne plus assumer les responsabilités qui leur reviennent ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Yves Jego. Les déclarations du syndicat de la magistrature vous dérangent moins !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Et que penser des relations entre Vivendi et certains députés ?

M. Éric Besson. Contrairement à ce que vous insinuez - et c'est la deuxième attaque personnelle sur ce point en quelques jours -, je n'ai aucune raison d'avoir mauvaise conscience. Puisque l'occasion m'en est donnée, je vais faire une mise au point. Il est exact que j'ai travaillé pour le groupe Générale des Eaux, devenu ensuite Vivendi, de 1989 à 2002. J'ai été délégué général de la fondation Vivendi, créée en 1995 alors que je n'étais ni maire ni député,...

M. Jean-Jacques Descamps. C'est ce que l'on appelle pantoufler !

M. Éric Besson. ...qui s'occupait de la réinsertion des chômeurs de longue durée et de la création d'emplois de service.

M. Jean-Jacques Descamps. Qu'est-ce que cela a à voir avec notre débat ?

M. Éric Besson. Quel que soit le sort du groupe Vivendi, quelque jugement que l'on puisse porter sur la gestion de son président, je suis fier de ce que j'ai accompli au sein de cette fondation, qui a permis de créer 15 000 emplois.

M. Yves Jego. Cela ne vous autorise pas à vous attaquer aux hauts fonctionnaires !

M. Éric Besson. Comme j'ai pu le constater, rien n'a changé depuis que Balzac a écrit La Comédie humaine...

M. Yves Jego. Qui s'excuse s'accuse !

M. Éric Besson. Ainsi, moi qui ai connu Jean-Marie Messier au faîte de sa gloire, je ne peux admettre que ceux qui l'ont adulé et courtisé, ou qui ont bénéficié de ses services, le piétinent et lui crachent dessus maintenant qu'il a un genou à terre.

M. Xavier de Roux. Personne ne lui crache dessus !

M. Éric Besson. Je refuse de me joindre à la curée. Mais je n'ai pas non plus à répondre de sa gestion, qu'il lui revient d'assumer.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. On ne vous a pas demandé de vous justifier !

M. Éric Besson. Le ministre m'a bel et bien interpellé sur ce point alors que je lui parlais de la distinction entre haut fonctionnaire et ministre. Mais vous pouvez toujours creuser, vous ne trouverez rien à me reprocher, et je répète que je suis fier de l'action que j'ai menée à la tête de la fondation pour les chômeurs de longue durée.

M. Jean-Jacques Descamps. Allons, reprenons un peu de hauteur !

M. Éric Besson. Je reviens sur ce que vous avez dit au sujet de l'emploi, monsieur le ministre. Celui-ci a bon dos : désormais, chaque fois que vous nous proposez des mesures, c'est sous couvert de favoriser la situation de l'emploi. Cela a été le cas pour les niches fiscales de la loi Dutreil, ça l'est pour cette mesure que mes collègues Migaud, Bonrepaux et Bapt ont à juste titre qualifiée de non-sens, et ça le sera encore pour les dispositions que vous proposez au sujet de l'impôt sur la fortune.

Vous avez cité le chèque emploi service. Lorsque le Premier ministre en a parlé, il y a quelques mois, il a annoncé le chiffre de 500 000 emplois créés par cette mesure. Pourriez-vous éclairer la représentation nationale et nous préciser combien d'emplois ont réellement été créés ? De même, on nous avait présenté le CIVIS comme devant remplacer les emplois jeunes. Savez-vous combien de CIVIS ont été signés à ce jour ? Seulement 300. Et le RMA ? Il devait remplacer avantageusement le RMI, dont il supprimerait tous les inconvénients. À ce jour, il ne concerne que 1 000 personnes. Alors, de grâce, soyez sérieux et cessez d'invoquer l'argument de l'emploi à tout propos !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur Besson, votre carrière professionnelle ne regarde que vous.

M. Éric Besson. C'est vous qui y avez fait allusion !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Il est de tradition dans notre pays que les hauts fonctionnaires puissent s'exprimer. L'interview à laquelle vous avez fait allusion était purement technique...

M. Jean-Pierre Brard. Idéologique, voulez-vous dire ! C'était de la propagande !

M. le président. Allons, monsieur Brard !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. ...et n'avait donc rien d'anormal. Je vous invite à reprendre les archives des Échos de 1997 à 2002. Vous pourrez constater que les hauts fonctionnaires s'y sont toujours exprimés pour donner, en leur qualité, un avis, sous l'autorité de leur gouvernement - ce fut notamment le cas de Mme Parly, qui devint par la suite secrétaire d'État au budget -, ce qui constitue une tradition républicaine.

M. Yves Jego. Et à l'époque cela ne vous gênait pas !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Sur le fond, monsieur Besson, même si vous n'êtes député que depuis peu, vous ne pouvez ignorer l'impact des emplois familiaux sur le terrain. C'est bien pourquoi le Gouvernement présentera cette mesure en deuxième partie de la loi de finances. Autant dire que vous faites perdre son temps à la représentation nationale, puisque le même débat aura lieu à nouveau, et que la majorité adoptera cette mesure au service de la justice sociale et de l'emploi (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 255.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 259.

La parole est à M. Didier Migaud, pour le soutenir.

M. Yves Jego. Nous allons encore perdre un quart d'heure !

M. Didier Migaud. Ce n'est pas perdre du temps que de vous amener à dévoiler votre conception de la justice fiscale.

M. Xavier de Roux. Nous ne sommes pas des obsédés du fisc !

M. Didier Migaud. Nous non plus, que je sache.

M. Jean-Pierre Brard. La majorité a proposé l'amnistie pour les voyous !

M. le président. Allons, mes chers collègues, je vous prie de laisser M. Migaud s'exprimer, afin que nous puissions avancer dans ce débat.

M. Jean-Pierre Brard. Il ne faut pas aller trop vite !

M. le président. Vous n'avez pas la parole, monsieur Brard. Poursuivez, monsieur Migaud.

M. Didier Migaud. Nous n'avons pas encore obtenu de réponses précises aux questions que nous avons posées, notamment sur l'efficacité de cette mesure. C'est d'autant plus étonnant que vous ne cessez de rappeler la nécessité d'évaluer les mesures fiscales et budgétaires que nous adoptons - un impératif dont les dispositions de la LOLF ont d'ailleurs constitué une application.

Vous nous proposez des mesures supplémentaires sans prévoir l'évaluation de leurs effets. On comprend votre embarras : toutes les simulations qui ont été faites, y compris celles réalisées par des organismes officiels comme le Conseil des impôts, montrent que vos propositions ne répondent pas aux objectifs que vous vous assignez. C'est donc tromper l'opinion que d'affirmer que ces mesures sont favorables aux familles et à l'emploi. En réalité, celles-ci ne concernent que quelques milliers de ménages.

M. Xavier de Roux. C'est Gog et Demagog !

M. Didier Migaud. Vous semblez considérer que l'on s'attarde sans raison sur des mesures qui ne concernent que 0,2 % des foyers fiscaux, ceux-là mêmes qui constituent votre cible favorite, comme nous aurons l'occasion de le redire au sujet de l'ISF. Mais, dans ce cas, comment se fait-il que l'examen de chaque texte important constitue l'occasion de nouvelles propositions de votre part au bénéfice de cette partie de la population ? Des propositions ont déjà été faites en la matière l'année dernière, d'autres sont faites cette année, et je ne doute pas que, si elles ne sont pas acceptées dans le cadre de la loi de finances, elles seront reprises dans le texte préparé par M. Jacob.

M. Xavier de Roux. Avec obstination !

M. Philippe Rouault. Car ce sont d'excellentes propositions !

M. Didier Migaud. En ce cas, n'ayez pas peur : assumez !

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. On assume !

M. Didier Migaud. Ne cédez pas à l'hypocrisie du Gouvernement et dites franchement que la prime pour l'emploi va augmenter d'un euro ou d'un euro et demi par mois, alors que les réductions en termes d'ISF et d'impôt sur le revenu se chiffreront par centaines de milliers d'euros !

M. Jean-Pierre Brard. Oui, persévérez ! Vous serez canonisés par le baron Seillière !

M. Didier Migaud. Faites donc preuve de ce courage auquel vous nous appelez si souvent ! Par nos propositions, nous demandons davantage de justice fiscale, et je comprends que cela vous dérange tant.

Par ailleurs, j'attache de l'importance à ce que, dans cet hémicycle, nous disions des choses vraies.

M. Michel Piron. C'est bien de le préciser !

M. Didier Migaud. Tout à l'heure, vous nous avez accusés de dire des choses fausses sur la question de l'évolution des bourses.

M. Michel Piron. Des erreurs !

M. Didier Migaud. Vous avez dit que nos affirmations ne correspondaient pas à la réalité. Mais reprenez les projets de loi de finances pour 2004 et 2005. Vous pourrez y lire que si les bourses ont effectivement augmenté de 1,5 % deux années de suite, l'inflation de 1,7 % que l'on prévoyait pour 2004 a en réalité atteint 2,2 %, et que la prévision est de 1,8 % pour 2005. Ajoutez-y l'augmentation de 4 % des droits d'inscription, et vous ne pourrez qu'admettre le décalage entre l'évolution des prix et celle des bourses, et la perte de pouvoir d'achat qui en résulte. Nos affirmations étaient donc parfaitement fondées et, une fois de plus, nous vous prenons en flagrant délit de mensonge. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Cela peut se vérifier à partir de vos propres documents.

Le président Méhaignerie en a appelé à un débat serein, clair et loyal. Nous essayons, pour notre part, de nous en tenir au texte. Dès lors, ne déformez pas ce que nous disons. De même que vos arguments concernant les bourses sont infondés, de même vous n'êtes pas capable de prouver que les mesures relatives à l'emploi à domicile profitent au plus grand nombre, tant du point de vue des familles que du point de vue de l'emploi.

Tel est le sens de ce nouvel amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable, pour les raisons déjà évoquées.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Même avis que la commission.

M. Didier Migaud. Ils ne répondent pas sur la question des bourses. Cela les laisse cois !

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Je voudrais poser à nouveau la question au rapporteur général, qui semble à court d'arguments puisqu'il se limite à dire qu'il est défavorable...

M. Xavier de Roux. C'est déjà ça !

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur Carrez, je vous ai demandé combien de ménages seraient concernés par la mesure inscrite dans la seconde partie - je le concède - du projet de budget. Vous avez répondu : des dizaines de milliers. Combien de dizaines ? Nous attendons la réponse !

Vous disposez certainement de ces éléments, monsieur le secrétaire d'État. Il est inconcevable que vous proposiez une mesure censée favoriser l'emploi sans savoir combien d'emplois elle créera. Je répète donc ma question : combien de familles sont-elles concernées ?

Par ailleurs, vous pouvez bien vous refuser à nous donner des éléments sur le crédit d'impôt que nous proposons : la Fédération nationale des particuliers employeurs, elle, a effectué des simulations et nous les a communiquées. Avec le crédit d'impôt, ce seraient 943 000 familles supplémentaires qui bénéficieraient de la mesure : toutes celles qui aujourd'hui sont exclues du dispositif alors qu'elles emploient des personnes à domicile pourraient en bénéficier. Mais, pour vous, le problème est que les perdants seraient ceux qui appartiennent au dernier décile, c'est-à-dire ceux qui ont les plus hauts revenus. Dans cette catégorie, seules 18 000 familles seraient gagnantes, les autres voyant leur réduction diminuer.

À coût nul pour les finances publiques, nous proposons donc une mesure de justice et une mesure favorable à l'emploi. Mais jamais vous ne nous répondez, monsieur le secrétaire d'État, et voilà que vous êtes maintenant plongé dans des lectures sans doute plus divertissantes que le projet de loi de finances !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Je vous écoute, monsieur Bonrepaux !

M. Augustin Bonrepaux. Au lieu d'informer l'opinion publique de l'intérêt présumé de votre mesure, de sa popularité, d'annoncer aux familles qu'elles seront 300 000 ou 500 000 à en bénéficier, vous gardez un silence gêné. C'est qu'en réalité 70 000 familles seulement étaient concernées, l'année dernière, lorsque vous avez porté le plafond de la réduction à 10 000 euros - alors qu'il suffisait de le maintenir à 6 900 euros pour que la mesure fût incitative. Vous avez donc transformé une mesure incitative en cadeau fiscal pour les privilégiés. Nous proposons de revenir à ce plafond de 6 900 euros, car nous aussi, nous sommes soucieux de la gestion des crédits publics ! Vous ne cessez de dire qu'il faut bien gérer l'argent de l'État : voilà une bonne façon de le faire, en l'affectant réellement aux créations d'emplois, et non en le dilapidant en cadeaux fiscaux !

M. Xavier de Roux. Pourquoi n'aimez-vous pas les riches, monsieur Bonrepaux ? (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 259.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 260.

La parole est à M. Gérard Bapt, pour le soutenir.

M. Gérard Bapt. C'est un amendement de repli par rapport au précédent, mais qui procède de la même idée. Non que nous n'aimions pas les riches (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.),...

M. Xavier de Roux. Ah ! Il y a un progrès !

M. Gérard Bapt. ...mais au contraire parce que nous souhaitons qu'il y ait le plus de riches possible et qu'ils paient bien leurs impôts pour nous permettre de développer une politique de solidarité. (Sourires.)

M. Édouard Landrain. Démagogue ! ...

M. Gérard Bapt. La crise sociale s'aggrave, comme l'attestent les chiffres rendus publics à l'occasion de la journée mondiale de lutte contre la misère : il faut donc, pour conserver la cohésion sociale, que s'exprime un minimum de justice fiscale et de solidarité. Votre mesure va à l'inverse de cet objectif, d'où notre proposition de limiter le bénéfice de ce cadeau fiscal aux personnes dont le revenu fiscal de référence n'excède pas 115 000 euros - ce qui constitue, vous en conviendrez, un revenu relativement confortable.

Vous nous reprochez notre acharnement à dénoncer cette mesure qui nous choque, car elle nous paraît provocante dans la situation sociale actuelle, mais vous faites preuve de la même obstination pour la défendre. On peut certes espérer que quelques petits amendements nous serons soumis lors de l'examen de la seconde partie du projet - sur ce point purement technique, monsieur le rapporteur général, nous acceptons votre objection -, mais votre obstination s'explique aussi par le fait que vous avez resserré les rangs. Il fallait bien que le Premier ministre restaure son autorité ! Nous verrons, à ce propos, ce qu'il adviendra lorsque les dispositions relatives à l'ISF viendront en discussion...

Reste que cette mesure a jeté un grand trouble dans la majorité, non seulement à l'UDF, mais aussi à l'UMP. Je me rappelle un débat télévisé, sur une chaîne économique dont je tairai le nom aux résonances par trop anglo-saxonnes, auquel je participais avec notre excellent collègue Hervé Mariton. Il n'est pas parmi nous en ce moment : sans doute arpente-t-il la salle des Quatre colonnes pour persuader les journalistes du bien-fondé de ce budget. La tâche n'étant pas mince, on peut comprendre qu'il y consacre plus de temps qu'à la séance !

M. Jean-Pierre Brard. C'est votre bon Samariton ! (Sourires.)

M. Michel Piron. Un seul être vous manque...

M. Gérard Bapt. Durant ce débat, M. Mariton avait admis que cette mesure était sans doute inadaptée et inopportune, et s'était prononcé pour un crédit d'impôt. Je l'avais alors assuré que, si tel était le cas, nous voterions son amendement.

M. Didier Migaud. Eh oui ! Nous ne sommes pas sectaires, nous !

M. Gérard Bapt. Cet amendement sera-t-il déposé à l'occasion de l'examen de la seconde partie du budget ? Les arguments développés tant par le Gouvernement que par l'UMP me font douter que la bonne idée initiale de M. Mariton ait fructifié ces derniers jours.

M. Xavier de Roux. Le voilà ! Quand on parle du loup...

M. Richard Mallié. Le loup a été descendu : c'est lui-même qui l'a annoncé ! (Rires.)

M. Gérard Bapt. Je viens de dire beaucoup de bien de vous, monsieur Mariton. (Rires.) Malheureusement, sur cette idée, vous avez été battu !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable, toujours pour les mêmes raisons.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Même avis que la commission.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Le débat reste ouvert. La réflexion sur le crédit d'impôt peut encore avancer.

M. Didier Migaud. Nous ne pouvons régler la question que lors de la discussion de la première partie.

M. Hervé Mariton. Les choses ne sont pas suffisamment précises aujourd'hui : sur le développement de l'emploi à domicile, le chantier qui s'ouvre est immense et l'on ne saurait en venir à bout avec un amendement adopté dans l'instant.

M. Didier Migaud. Vous n'avez qu'à le sous-amender !

M. Hervé Mariton. Ce n'est pas ma façon de procéder, monsieur Migaud ! Chacun connaît les difficultés techniques et le coût de ces mesures. Il n'y a pas de tabou sur la notion de crédit d'impôt, mais la réflexion n'est pas mûre.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur général, je suis effaré par cette discussion. Quel zèle inépuisable pour servir les intérêts des privilégiés ! Il semble que vous ayez oublié ce qui s'est passé au printemps dans notre pays. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Édouard Landrain. Ça y est ! C'est reparti !

M. Xavier de Roux. C'est vrai, nous ne nous souvenons plus !

M. Jean-Pierre Brard. Comment donc ? Vous vous êtes fait botter les fesses ! Vous en êtes réduits à demander l'asile à M. Zeller, les Français s'étant libérés de vous dans toutes les autres régions !

M. Richard Mallié. Vous oubliez la Corse de M. de Rocca Serra !

M. Jean-Pierre Brard. Nous en reparlerons, mon cher collègue. Reconnaissez que quelques ingrédients locaux peuvent expliquer cette situation atypique.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Adressez-vous à M. Giacobbi, il connaît bien la question ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Vraiment, vous êtes autistes. Les Français vous ont délivré à plusieurs reprises cette année un message clair : ils ne veulent plus de votre politique, sachant bien que vous n'avez d'yeux et d'oreilles que pour les privilégiés. Ils l'ont signifié par leurs bulletins de vote.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Il ne faut pas mélanger les niveaux !

M. Jean-Pierre Brard. Vous avez d'autant plus raison, ma chère collègue, que vous êtes en train de passer sous la ligne de flottaison ! Vous faites de la brasse coulée... (Rires.)

M. Michel Piron. La technicité de l'argumentaire est remarquable !

M. Jean-Pierre Brard. Permettez-moi donc de donner à méditer - non pas à vous, monsieur le président, qui êtes un homme sage après avoir connu des expériences diverses...

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Il est devenu sage, en effet !

M. le président. Merci, monsieur Brard... (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Bussereau, reconnaissez que notre président de séance a été à bonne école, même si je doute qu'il en ait tiré le meilleur profit - mais c'est un autre sujet...

M. le président. Je vous accorderais volontiers une suspension de séance pour reconstituer la ligue dissoute, monsieur Brard (Rires), mais je préférerais que vous reveniez à l'amendement sur lequel je vous ai donné la parole.

M. Jean-Pierre Brard. Veuillez m'excuser, monsieur le président. Vous et moi appartenons au plus grand parti de France, le parti des « ex ».

Revenons à notre sujet, à savoir l'autisme et l'arrogance qui caractérisent le Gouvernement,...

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Parole d'expert !

M. Jean-Pierre Brard. ...cette même arrogance qui était l'apanage de Marie-Antoinette.

M. Michel Piron. Voilà qu'il veut couper la tête de Mme des Esgaulx, maintenant ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Permettez-moi donc de livrer à votre réflexion ces vers des Innocentines, de René de Obaldia, qui décrivent fort bien ce qui pourrait vous arriver :

« L'arrogance du fort s'éteint comme une braise

« Quand il n'est plus certain de filer à l'anglaise. » (Sourires.)

M. le président. Merci, monsieur Brard. Il fallait que ce fût dit.

Je mets aux voix l'amendement n° 260.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 281.

La parole est à Mme Geneviève Perrin-Gaillard, pour le soutenir.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Cette discussion montre bien que la majorité fait preuve d'autisme. Alors que, dans quelques heures, nous allons aborder les amendements relatifs à l'ISF, celui-ci propose d'exclure les personnes redevables de cet impôt du bénéfice des hausses successives du plafond des dépenses prises en compte au titre de la réduction d'impôt pour emploi d'une personne à domicile. Il est clair, en effet, que ces contribuables n'ont pas besoin d'une réduction d'impôt supplémentaire pour employer du personnel à domicile.

Comme nous ne cessons de le répéter, cette hausse du plafond ne bénéficiera qu'aux plus aisés, parmi lesquels, si cet amendement n'est pas adopté, les personnes redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune. Avouez que, pour tous ceux qui sont en difficulté aujourd'hui, cette mesure traduit une arrogance et un mépris insupportables. Cet amendement mériterait donc plus de considération et de respect que vous n'en avez fait preuve jusqu'à présent.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Avis défavorable à cet amendement, qu'on retrouve à chaque loi de finances.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Je suis surpris de la sécheresse de cette réponse. Vous vouliez parler de l'ISF : parlons-en !

M. Jean-Pierre Brard. Mais oui !

M. Didier Migaud. Profitez de l'occasion, qui est excellente. Pourquoi le président de la commission des finances n'a-t-il pas saisi la balle au bond ? Lui qui désire aller à l'essentiel, qui pour lui est l'ISF...

Notre amendement concerne précisément l'ISF, même s'il ne va pas tout à fait dans le sens que vous souhaitez. Mais, au moins, argumentez ! Je comprends que le secrétaire d'État manque d'arguments et qu'il préfère évacuer le problème. Nous aimerions pourtant l'entendre davantage à ce propos.

Pourquoi souhaitez-vous que les redevables de l'ISF puissent bénéficier de cette mesure supplémentaire ? Nous estimons, pour notre part, qu'une telle mesure peut avoir un effet à partir du moment où elle est plafonnée - d'où nos amendements précédents. Certaines personnes ont suffisamment de moyens pour ne pas en obtenir davantage de l'État. Je précise que ce relèvement du plafond sera sans conséquence sur l'emploi et sur le soutien aux familles.

Le redevables de l'ISF ne me paraissent pas mériter le soutien de l'État et donc l'accès à certains dispositifs. Mais encore une fois, vous avez une autre conception de la justice fiscale, et vous venez d'en faire la démonstration.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Je regrette qu'on n'en soit qu'à l'article 2 ! Cela dit, j'ai prié - mais personne n'a répondu (Sourires) -...

M. Jean-Pierre Brard. C'est que vous manquiez de ferveur !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. ...mes amis socialistes de bien vouloir accélérer les débats.

Monsieur Migaud, parlons transparence. Vous voulez aborder globalement le problème de l'imposition sur le patrimoine. Le ministre des finances devrait nous rejoindre à dix-huit heures trente, ce qui lui donnera l'occasion de répondre à vos questions.

M. Jean-Pierre Brard. Et il pourra aussi répondre à ma question sur ses déclarations à propos de l'Amérique !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Dans un souci de transparence et de respect des parlementaires, il peut répondre à tout moment. Demandons-lui donc d'aborder le sujet que vous venez de soulever.

M. Didier Migaud. Je me contente de suivre l'ordre du jour !

M. le président. La parole est à M. Richard Mallié.

M. Richard Mallié. J'ai entendu M. Bonrepaux faire référence à la Fédération nationale des particuliers employeurs. Je tiens à compléter ses propos. Les chiffres qui nous ont été donnés sont importants. Notre collègue en a trahi un certain nombre, et je tiens à faire un bref rappel.

Entre 1994 et 1995, les mesures prises par le gouvernement de l'époque ont permis la création de 42 800 emplois. Entre 1995 et 1996, nous en étions à 81 000 emplois supplémentaires. Entre 2002 et 2003, à 16 000.

En revanche, entre 1997 et 1998, nous avons perdu plus de 300 000 particuliers employeurs. Cela, vous ne l'avez pas dit !

M. Augustin Bonrepaux. Ce n'est pas vrai !

M. Richard Mallié. Nous sommes passés de 1 606 000 employeurs à 1 294 000.

M. Augustin Bonrepaux. Et combien d'emplois ont été créés ? 16 000 ! Il ne faut pas raconter n'importe quoi !

M. Richard Mallié. Monsieur Bonrepaux, je ne vous ai pas interrompu, laissez-moi terminer !

On a perdu en fait 20 % de particuliers employeurs. Cela montre très clairement que les incitations fiscales marchent ; que ce dispositif, que vous avez eu le mérite de créer quand vous étiez au gouvernement, entre 1988 et 1993, était bon. Nous l'avons pérennisée, et cela va continuer.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 281.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 258.

La parole est à M. Jean-Claude Viollet, pour le soutenir.

M. Jean-Claude Viollet. Changeons de sujet. Le secrétaire d'État a évoqué la vie associative et ses bénévoles. L'article 200 du code général des impôts prévoit aujourd'hui des réductions d'impôt sur le revenu pour les dons et versements aux associations, fondations, etc. Dans la loi du 6 juillet 2000, nous avons introduit une réduction d'impôt pour les frais engagés dans le cadre de l'activité bénévole, entre autres pour l'organisation de la promotion des activités physiques et sportives. Chacun a pu constater l'effet de levier qu'a eu cette disposition dans le monde sportif, dans la vie associative. C'était une première reconnaissance de l'activité des bénévoles.

Il nous faut maintenant aller au-delà dans la reconnaissance de l'engagement citoyen et bénévole. Une réflexion a été menée en particulier dans mon département, choisi par votre gouvernement comme département expérimental pour la présence des services publics en milieu rural. Elle s'est déroulée dans des groupes thématiques, ainsi que dans des réunions de pays. Il en est ressorti, comme le relate un rapport remis par le représentant de l'État au ministre de l'époque, qu'il était effectivement possible de mobiliser un important bénévolat dans le monde rural, mais aussi dans un certain nombre de quartiers urbains, notamment dans le domaine de l'action sociale, par exemple en direction des personnes âgées ou de l'enfance. Mais il est aussi apparu qu'il fallait mettre en place les moyens de cet engagement bénévole.

De son côté, l'Union départementale des associations familiales de Charente, dans son assemblée générale, a évoqué précisément cette reconnaissance du bénévolat par sa valorisation, et ce par le biais de dispositions d'ordre social en direction des personnes âgées, de la petite enfance, voire d'autres secteurs de l'action sociale.

Cet amendement prévoit très précisément les conditions de cette valorisation, il détermine le coût du travail bénévole et limite à 60 % le pourcentage du crédit d'impôt. Les sommes qui sont prises en compte, dans la limite de 600 euros, correspondent au coût du travail bénévole. Ce dernier est calculé en multipliant le nombre d'heures de travail bénévole effectivement exercé par le taux horaire correspondant à la rémunération minimale visée à l'article L. 141-11 du code du travail.

Cet engagement est important. Il répond à des besoins d'autant plus importants que certaines associations, qui oeuvrent dans ces domaines sociaux, sont aujourd'hui en difficulté à la suite de la suppression du dispositif emplois-jeunes et de la réduction drastique que vous avez opérée sur le nombre de contrats emploi solidarité ou de contrats consolidés, mais aussi sur la prise en charge des CES ou des CEC restants.

Nous avons là un chantier à ouvrir. Il peut être ouvert à l'occasion de cette loi de finances. C'est la raison pour laquelle nous avons élaboré cet amendement, qui va dans le sens de l'engagement citoyen, de l'engagement associatif bénévole, au service du lien social, au service du vivre ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable. Le Gouvernement nous a présenté l'an dernier un texte extrêmement important, la loi « mécénat », qui a considérablement étendu la possibilité de faire des dons à des associations. Comme vous l'avez souligné dans votre présentation, monsieur Viollet, qui dit bénévolat dit organisation associative dans un but d'intérêt général, notamment dans le domaine social. Or, et cela n'a pas été assez souligné, depuis la loi « mécénat » votée par notre majorité, on peut déduire à proportion de 60 % les dons aux associations, dans la limite d'un plafond, lui-même considérablement réévalué, de 20 % du revenu imposable. Nous disposons donc aujourd'hui d'un instrument fiscal très puissant pour aider les associations. Et en les aidant, on encourage le travail bénévole.

Notre collègue a donc satisfaction par ce biais des dons aux associations, dispositif tout aussi efficace que ce qu'il propose. Je crois que c'est l'honneur de cette majorité et de ce gouvernement d'avoir fortement encouragé les dons et le mécénat.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Mon voisin géographique, M. Viollet, a évoqué à juste titre la situation des bénévoles. Je crois que, sur tous les bancs de cette assemblée, nous sommes très attentifs au travail bénévole au service de la vie associative, et nous savons bien ce qu'il représente.

Vous le savez, monsieur Viollet, les bénévoles bénéficient d'une réduction d'impôt pour les frais qu'ils engagent, à condition qu'ils ne leur soient pas remboursés par l'association. Ce régime permet de prendre en considération le bénévolat dans la mesure où il est dérogatoire par rapport à celui des salariés qui déduisent leurs frais kilométriques.

Je trouve, et je vous le dis sans acrimonie, que votre proposition qui vise à transférer sur l'État la rémunération des bénévoles serait un détournement de la notion même de bénévolat. Pour cette raison, et celles évoquées par le rapporteur général, je ne suis pas favorable à votre amendement, tout en comprenant que vous ayez voulu rendre un hommage aux bénévoles de nos associations.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Viollet.

M. Jean-Claude Viollet. Ce qui nous sépare sans doute, c'est la notion de citoyenneté, une citoyenneté que cet amendement vise à encourager.

Bien sûr, les dons sont toujours possibles. Nous avons eu l'an dernier un débat portant notamment sur les dons faits aux Restos du cœur. Souvenez-vous de la façon dont cette association avait été mise à mal...

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Elle l'est encore !

M. Jean-Claude Viollet. ...par la réduction drastique de la déduction que vous aviez décidée et qu'il a fallu corriger.

M. Michel Bouvard. Provocateur !

M. Jean-Claude Viollet. C'est une dure réalité, et vous le savez bien.

Mais il s'agit ici d'aller au-delà s'agissant du bénévolat. Vous avez parlé de la déduction des frais engagés. Celle-ci a été appliquée grâce à une de nos lois votée en 2000, qui s'est avérée constituer un formidable levier. Mais nous, nous parlons de la valorisation de l'engagement bénévole. Comme cela ressort de la réflexion que vous nous aviez demandé de faire sur la présence des services publics en milieu rural, il n'y a pas d'autre solution, pour satisfaire certains besoins, qu'un engagement plus fort du bénévolat. Cela vaut, entre autres, en matière de veille sociétale. Et ce n'est pas l'exemple de la canicule, ou celui des problèmes d'accueil de la petite enfance en milieu rural, qui nous fera dire le contraire. L'Union charentaise des associations familiales considère aussi qu'il faut trouver une solution en matière d'engagement bénévole et que celui-ci doit être valorisé.

Voilà pourquoi nous avons déposé cet amendement. Il ne s'agit pas de mécénat, il s'agit d'engagement citoyen. Au nom de la cohésion sociale, au nom du lien social, au nom du vivre ensemble sur nos territoires, l'occasion vous est donnée de créer un effet de levier. Vous ne voulez pas la saisir. Dont acte.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. L'échange qui vient d'avoir lieu était très pédagogique. Quand on touche au bénévolat et aux associations, il est politiquement correct de tenir un discours tout en rondeur et tout en douceur. Il y a, derrière la proposition de notre collègue Viollet, des dizaines et des centaines de milliers de militants.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Nous sommes tous des militants associatifs !

M. Jean-Pierre Brard. Nous ne militons pas forcément dans les mêmes associations. Cela se saurait.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Ce n'est pas exact.

M. Jean-Pierre Brard. Nous pouvons peut-être nous retrouver dans une association de pêcheurs à la ligne... ou de pécheurs devant l'Éternel. (Sourires.)

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Non : d'associations contre le racisme, la violence ou l'anti-sémitisme...

M. Jean-Pierre Brard. Certes, et j'en suis d'ailleurs convaincu.

Militer, même pour les plus modestes, cela signifie toujours en être concrètement de sa poche. Et si les gens s'engagent, ce n'est pas pour en tirer quelque gain que ce soit. Raison de plus pour les aider. Parce que leur action équivaut à du ciment social.

Vous avez fusillé les emplois-jeunes. Vous avez porté atteinte aux emplois aidés. Vous avez réduit les subventions aux associations qui innervaient le tissu social. Vous avez liquidé tout cela et, aujourd'hui, les villes qui connaissent un foisonnement de la vie démocratique et associative en subissent les conséquences. Les personnes qui travaillaient dans ces associations sont maintenant sans emploi.

La proposition de M. Viollet est modeste et symbolique. Vous assurez les militants bénévoles de votre estime et de votre considération. Mais quand il faut passer à l'acte, votre porte-monnaie - je veux parler des caisses de l'État - reste fermé. Il est vrai que vous l'avez déjà vidé, réservant vos faveurs aux privilégiés plutôt qu'à ceux qui font vivre notre société.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 258.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 257.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour le soutenir.

M. Augustin Bonrepaux. Cet amendement est particulièrement important dans un contexte de pauvreté grandissante. Nous allons voir si la majorité est aussi généreuse envers les plus pauvres qu'envers les 30 000 familles qui vont bénéficier de 65 millions d'euros.

La loi relative au mécénat a généralisé les réductions fiscales pour les dons aux associations, faisant disparaître l'incitation particulière qu'avait créée l'amendement « Coluche ». L'année dernière déjà, nous avions déposé un amendement tendant à donner aux Restaurants du cœur les moyens de faire face à l'accroissement de la pauvreté. Nous proposions d'augmenter la réduction fiscale de dix points. La majorité ayant toujours le souci d'être économe quand il s'agit des plus modestes, nous n'en avions obtenu que six. Nous revenons avec cet amendement, en proposant cette fois de donner à l'avantage la forme d'un crédit d'impôt. Les statistiques montrent en effet que les personnes non imposables sont à l'origine de près de 25 % des dons aux associations. Ainsi, en 2000, 900 millions d'euros de dons ont été déclarés par un quart des foyers fiscaux non imposables, en particulier des jeunes.

Un tel dispositif doit être encouragé, surtout en cette période d'aggravation de la précarité et de la pauvreté. Le dimanche 17 octobre, Journée mondiale du refus de la misère, nous avons eu connaissance du rapport de l'Observatoire national de l'exclusion sociale, dont vous faites moins état que du rapport Camdessus. Selon ce rapport, l'extinction programmée des emplois-jeunes et la diminution du nombre de contrats aidés ont fini logiquement par entraîner une aggravation de la pauvreté. Aujourd'hui, dans notre pays, plus de 3,5 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté et, si l'on retenait les critères européens, elles seraient 7 millions, soit 12 % de la population. Vous nous opposerez le plan Borloo de cohésion sociale. Mais celui-ci ne fait que déplacer les problèmes. Certes, il prévoit des logements dans les zones urbaines, mais c'est au détriment des zones rurales, qui reçoivent moins de crédits pour le logement et où il faut, en plus, augmenter les loyers pour financer la taxation supplémentaire imposée aux offices HLM.

Vous vous glorifiez de la situation, mais tous les indicateurs sont dans le rouge. Le nombre de RMIstes a augmenté de 1,4 % en 2002, de 4,9 % en 2003, de 10,5 % en 2004. La précarité gagne toutes les couches de la société. Nombreux sont nos concitoyens qui vivent avec à peine 420 euros par mois, alors que la déduction fiscale supplémentaire pour emploi à domicile représente 135 euros par mois pour 30 000 familles. C'est le tiers de ce qu'ont 3,5 millions de familles pour vivre aujourd'hui en France ! Le surendettement est en hausse de 22 %. Les dispositifs d'accueil sont saturés. M. le président de la commission des finances nous a expliqué que c'était dû aux étrangers en situation précaire. C'est vrai et cela prouve bien que la suppression du centre de Sangatte, loin de résoudre les problèmes, les a dispersés sur l'ensemble du territoire,...

M. Michel Bouvard. Ils n'étaient pas qu'à Sangatte !

M. Augustin Bonrepaux. ...situation qui donne raison à ceux qui annonçaient la multiplication de mini-Sangatte sur tout le territoire.

Le problème est aujourd'hui de savoir si vous allez laisser aux collectivités locales, sur lesquelles vous transférez de plus en plus le coût de la précarité - RMI, enfance en difficulté -, le choix de venir en aide aux Restaurants du cœur. Monsieur le rapporteur général, vous avez refusé mon amendement en commission, préférant faire des cadeaux fiscaux aux nantis. Cet hiver, l'accroissement de la pauvreté et de la précarité rendra la situation dramatique. C'est vous qui en porterez la responsabilité !

M. Éric Raoult. C'est du Dickens !

M. Augustin Bonrepaux. Si vous refusez cet amendement, dites au moins à l'Assemblée nationale - et au pays - quel aurait été l'impact de la mesure que je propose pour venir en aide aux Restaurants du cœur. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Je suis fatigué de cette caricature misérabiliste. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je voudrais que vous vous interrogiez parfois sur votre propre responsabilité. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Éric Raoult. Les nouveaux pauvres, par exemple !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Entre 1980 et 2000, c'est en France que le taux de chômage a le plus augmenté et que le pouvoir d'achat des salariés a le moins progressé, beaucoup moins qu'entre 1960 et 1980.

M. Augustin Bonrepaux. Qu'est-ce que c'est que cette histoire !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Faites votre examen de conscience de temps en temps. Nous sommes fatigués, monsieur Bonrepaux, de vos excès caricaturaux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Augustin Bonrepaux. C'est un scandale !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Je comprends les propos pleins de sagesse de M. Méhaignerie. Je vous répondrai, monsieur Bonrepaux, que nous avons eu l'année dernière un débat important pour porter la réduction d'impôt de 60 % à 66 %. C'était un équilibre intelligent et consensuel. Vous voulez, cette année, la porter à 70 %. Honnêtement, ce n'est pas utile.

Je vous prends ici en flagrant délit de double langage.

M. Éric Raoult. Cela arrive souvent !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Je vous ai entendu un peu plus tôt vous plaindre - encore sur un ton misérabiliste - des problèmes de nos buralistes, en particulier ceux de votre région frontalière.

M. Augustin Bonrepaux. Vous entendez des voix. Ce n'était pas moi !

M. Jean-Louis Dumont. C'était moi !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Quand j'entends M. Bonrepaux ou M. Dumont, j'entends la même voix politique.

M. Jean-Pierre Brard. Vous êtes de Domrémy ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. J'observe que vous avez gagé cette mesure par les droits sur le tabac. Vous irez, monsieur Bonrepaux, dans votre département de l'Ariège, aux frontières de l'Andorre, expliquer cela aux buralistes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le secrétaire d'État, vous nous dites parfois que nous sommes hors sujet. Là, vous flottez en dehors des eaux où nous naviguons.

Vous avez rappelé le débat important de l'année dernière. Depuis, les effets de votre politique ont accru le nombre de RMIstes de 12 %. Voilà la réalité. J'ai été très étonné d'entendre dans la bouche du président Méhaignerie, un homme connu pour son humanité, des propos tels que « caricature misérabiliste ». Je vous invite, mes chers collègues, si le bureau de l'Assemblée acceptait de nous ménager une suspension de séance, à vous rendre dans ma bonne ville de Montreuil.

M. Yves Jego. Cela suffit ! Vous n'êtes pas le seul maire ici ! Cessez votre leçon !

M. Jean-Pierre Brard. Ce n'est pas une leçon. Mais vous avez raison : du fait de votre politique, la misère n'est pas seulement montreuilloise, vous la distribuez partout, sauf dans les beaux quartiers.

M. Yves Jego. Un peu de modestie, arrêtez de vous prendre pour l'exemple de la gestion locale !

M. Philippe Auberger. C'est l'abbé Jean-Pierre !

M. Jean-Pierre Brard. Je ne suis pas seul à bien gérer ma ville. Il y a d'autres maires, puisque nous sommes 36 000.

M. Alain Joyandet. La misère, c'est le résultat de ce que vous avez fait pendant quinze ans à la tête de ce pays !

M. Jean-Pierre Brard. De quoi parlez-vous ? Moi je parle de ma bonne ville de Montreuil, que connaît bien Éric Raoult puisqu'il n'en est qu'à trois lieues.

Mais je reviens à mon sujet.

M. le président. Mieux vaut revenir à une lieue de l'amendement, en effet. (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Je vais même revenir à l'amendement tout court.

À propos de caricature misérabiliste, j'indique que l'année dernière, à Montreuil, tous les soirs, entre vingt-deux heures et minuit, devant la mairie, on comptait soixante SDF qui bénéficiaient de repas. Cette année, ils sont plus de cent.

M. Yves Jego. Que fait le maire ? Qu'ils en changent !

M. Jean-Pierre Brard. C'est le résultat de votre politique...

Monsieur le secrétaire d'État, vous nous dites que l'amendement n'est pas utile. Bien sûr que si ! La demande, hélas, est de plus en plus forte. Dans notre pays, aujourd'hui, des gens ont faim à cause de votre politique. Et vous traitez cela d'un revers de main, avec mépris.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Pas du tout !

M. Jean-Pierre Brard. En réalité, dès lors qu'il s'agit d'accorder un petit avantage pour faciliter l'abondement des fonds qui permettent de financer les actes de solidarité, vous dites non.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Nous aidons les associations autant que vous !

M. Jean-Pierre Brard. Mais vous dites oui à une déduction fiscale supplémentaire, jusqu'à 3 000 euros, pour les emplois à domicile, parce que vous beurrez toujours la tartine des privilégiés et n'avez que mépris pour la misère.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Nous créons des emplois pour qu'il y ait moins de SDF !

M. Jean-Pierre Brard. Je vous mets au défi, ce soir, de venir dans ma bonne ville et de discuter avec les gens que vous réduisez à la misère !

M. Yves Jego. À croire qu'on ne le fait jamais ! Quelle démagogie !

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Je voudrais rafraîchir la mémoire de M. le président de la commission des finances. De 1997 à 2002, le nombre de chômeurs a diminué de 900 000.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Et entre 1980 et 2000 ?

M. Augustin Bonrepaux. De 1997 à 2002, le nombre de RMIstes a, parallèlement, diminué.

M. Yves Jego. Ce qui explique votre score au premier tour de la présidentielle !

M. Augustin Bonrepaux. De 1997 à 2002, le nombre de pauvres a diminué d'un demi-million. Et depuis 2002, le chômage augmente.

M. Yves Jego. Depuis 2001 !

M. Richard Mallié. Quel culot !

M. Augustin Bonrepaux. Lors de la réforme des retraites, on nous avait assuré que la diminution de la population active entraînerait celle du nombre de chômeurs : il augmente. Le nombre de RMIstes a crû de 4,9 % en 2003 et de 10,5 % en 2004. C'est vous qui en êtes responsables !

M. Richard Mallié. Qu'avez-vous fait de la croissance !

M. Augustin Bonrepaux. Vous ne voulez rien faire pour venir au secours des plus pauvres. Vous refusez notre amendement sans même nous dire ce qu'il coûterait.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Je l'ai dit : 25 millions d'euros !

M. Augustin Bonrepaux. À comparer aux 65 millions pour les emplois à domicile et aux 200 millions pour l'ISF, dont profiteront les privilégiés. N'est-ce pas un scandale ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean de Gaulle. Arrêtez votre cinéma !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Nous, on crée des emplois !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 257.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le président, compte tenu du rejet de cet amendement, le groupe socialiste se voit dans l'obligation de se réunir. Je demande une suspension de séance.

M. le président. Puisque vous avez la délégation de votre groupe, elle est de droit.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures quinze, est reprise à dix-huit heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Je suis saisi d'un amendement n° 256.

La parole est à M. Didier Migaud, pour le soutenir.

M. Didier Migaud. L'amendement n° 256 tend à porter de 66 à 70 % le taux spécifique de réduction d'impôt pour les dons au profit des associations telles que les Restaurants du cœur.

Je suis un peu surpris du ton qu'a pris le débat sur l'amendement précédent de M. Bonrepaux, qui aurait dû rassembler la totalité de notre assemblée. Je note un contraste saisissant entre la discussion de cette année sur cette question et celle de l'année dernière, qui avait été empreinte de beaucoup de dignité et au cours de laquelle le Gouvernement avait fait preuve d'une réelle capacité d'écoute. M. Lambert, à l'issue d'échanges constructifs, avait accepté de faire un pas.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Je l'ai rappelé !

M. Didier Migaud. Nous avions regretté qu'il n'aille pas plus loin et indiqué que nous reposerions la question cette année.

Je trouve la réaction de Pierre Méhaignerie assez stupéfiante. Nous accuser de jouer, d'une certaine façon, sur le misérabilisme me paraît un argument peu convenable.

M. Éric Raoult. Mais fondé !

M. Didier Migaud. Non. C'est plutôt indigne de la part du président de la commission des finances. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Édouard Landrain. Mais c'est juste !

M. Didier Migaud. Il prétend que le nombre de chômeurs et de RMIstes a augmenté entre 1997 et 2002. Ce n'est pas exact.

M. Hervé Novelli. C'est vous, monsieur Migaud, qui n'êtes pas digne !

M. Didier Migaud. Les statistiques de l'INSEE montrent, au contraire, que la pauvreté a plutôt reculé pendant cette période, même si, sur la durée, le taux de progression en la matière reste encore trop important. Mais, malheureusement, votre politique a tendance à renforcer les inégalités et les situations sensibles risquent d'augmenter et de s'aggraver.

Monsieur le secrétaire d'État, j'aimerais que vous nous précisiez à nouveau le coût de la disposition proposée dans cet amendement, pour que nous puissions bien situer les choses. Peut-être, d'ailleurs, M. le ministre d'État, qui vous rejoint au banc des ministres, nous accordera-t-il une meilleure écoute.

Je ne souhaite pas polémiquer sur un tel sujet. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Nous avons tous été sollicités. Nous sommes au courant des situations qui existent dans nos communes. Nous voyons bien que la mesure proposée correspond à un problème réel. Elle est limitée puisqu'elle ne s'applique que dans la limite de 600 euros et ne représente donc pas un effort considérable. C'est simplement un geste de solidarité. Que vous le rejetiez de cette manière, en vous mettant même en colère, je le comprends d'autant moins, je le redis, que nous avions eu l'année dernière un débat très digne qui s'était conclu positivement.

Monsieur le ministre d'État, faisons un geste. Adressons un signe à tous les bénévoles de ces associations, qui font un travail considérable, que nous saluons tous dans nos communes. Le coût de la mesure est vraiment très marginal par rapport à d'autre mesures que vous proposez et qui sont assez révoltantes. Je demande à la commission et au Gouvernement de se ressaisir. Oublions la discussion qui a eu lieu sur l'amendement n° 257 de M. Bonrepaux et adressons un signe à toutes celles et à tous ceux qui se mobilisent pour aider des personnes qui en ont grand besoin.

Nous ne souhaitons pas, je le répète, polémiquer et la meilleure façon de ne pas polémiquer est encore de voter cet amendement, même s'il vient de l'opposition car, de temps en temps, elle peut proposer de bonnes dispositions.

M. Hervé Novelli. C'est rare !

M. Didier Migaud. Et il serait à votre honneur, de temps en temps, de le reconnaître.

M. Claude Goasguen. Nous faisons ce que vous avez fait quand nous étions dans l'opposition !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté également l'amendement n° 256 .

M. Migaud essaie de prendre un ton apaisé mais il a commencé son intervention en qualifiant d'indignes les propos du président de la commission des finances...

M. Didier Migaud. Eh oui !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. ...dont chacun connaît la hauteur de vue. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Didier Migaud. Pas cette fois !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Quel contraste entre les injures, les anathèmes, les vociférations, je n'hésite pas à le dire, que nous venons d'essuyer (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste) et le débat de l'année dernière, auquel beaucoup d'entre nous participaient, qui était parfaitement serein, argumenté...

M. Didier Migaud. C'est vous qui donnez à celui de cette année un ton polémique !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. ...et qui nous avait conduits à choisir le taux de 66 %. Nous étions tous d'accord pour reconnaître la qualité et l'excellence du travail accompli par les Restaurants du cœur. Il y en a un dans chacune de nos circonscriptions. Nous sommes très attentifs à leur travail.

Nous avions, à l'époque, félicité le Gouvernement de la loi sur le mécénat. Nos collègues de gauche oublient complètement ou feignent d'oublier que nous avons encouragé le mécénat en portant le taux de la réduction à 60 % dans la limite de 20 % du revenu imposable. C'est dire à quel point nous voulons aider les associations. Et nous avons souhaité faire un geste supplémentaire pour les Restaurants du cœur. Nous avons décidé, ensemble, de porter à 66 % le taux de réduction.

Mes chers collègues, la vraie générosité est celle qui vous engage. Ce n'est pas celle où vous faites payer l'État à votre place par le biais d'une excessive réduction d'impôt. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) La vraie générosité est celle que nous sommes capables d'assumer.

M. Hervé Novelli. Absolument !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Elle consiste à être capable de payer de sa poche pour les Restaurants du cœur un tiers des dons. Et elle honore les Restaurants du cœur.

Ce débat avait eu lieu très sereinement. Nous nous étions accordés sur ce taux qui nous paraissait présenter tous les avantages et répondre au souci d'accorder une aide de façon responsable. Je regrette profondément que, cette année, la discussion ait dérapé et que nos collègues de la gauche aient fait de l'aide à ces associations un sujet de polémique, alors que, l'an dernier, c'était un sujet de consensus. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances. Nous regrettons, souvent, entre nous, que les législations changent sans arrêt. Nous avions pris, l'année dernière, une décision. Nous la remettons en cause.

Compte tenu de l'importance du bénévolat et de la nécessité d'établir un bilan, je vous propose, mes chers collègues - toutes tendances politiques confondues -, de recevoir les grandes structures de bénévolat et de soutien aux personnes en difficulté, afin d'examiner les problèmes avec elles et de voir les solutions qui pourraient leur être apportées, s'il le faut, lors de la deuxième lecture.

A la suite des premiers contacts que nous avons eus, je suis convaincu que l'effort entrepris l'année dernière est largement reconnu par tous. Avant de changer la législation, il est nécessaire de dresser le bilan. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Perrin-Gaillard.

Mme Geneviève Perrin-Gaillard. Les réponses faites à M. Bonrepaux sur l'amendement n° 256 étaient assez hallucinantes.

Monsieur le rapporteur général, vous pensez que la vraie générosité est celle que l'on donne de sa poche. La vraie générosité est aussi celle qui peut être accompagnée par un État solidaire.

Lorsqu'on voit les mesures décidées cet après-midi pour les emplois à domicile et que l'on pinaille maintenant sur le rétablissement de l'incitation prévue par l'amendement Coluche consistant à porter la réduction d'impôt à 70 %, je trouve cela lamentable.

Tout le monde s'accorde à reconnaître que la pauvreté a augmenté dans notre pays. Dans nos circonscriptions, nous recevons tous les jours des bénévoles, des responsables d'associations. Ils sont submergés. Ils n'ont rien pour venir en aide à ces personnes en difficulté. De grâce, ne mégotons pas sur ces 4 % ! Je ne sais pas combien la mesure coûtera. Nous en avons demandé le chiffrage à plusieurs reprises. À mon avis, elle ne devrait pas représenter une grosse dépense pour l'État. Nous devrions nous rassembler tous sur cette idée sans polémiquer.

Je défends cet amendement. Notre pays, le Gouvernement et la représentation nationale s'honoreraient en le votant. C'est la moindre des choses vis-à-vis des personnes en grande difficulté.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Je voudrais dire très amicalement à nos collègues de l'opposition que nous connaissons tous des situations de misère dans nos circonscriptions. Je me souviens de l'ouverture en 1982 à Chambéry de la première structure d'aide à l'intention de ceux que l'on appelait à l'époque les « nouveaux pauvres ». C'était la Cantine savoyarde. Le maire, Pierre Dumas, dont j'étais alors l'adjoint, et moi-même avons soutenu cette structure dès son ouverture.

Il faut éviter de se jeter à la figure la responsabilité de l'évolution de la pauvreté et de la misère dans le pays. Nous savons que les inflexions qui ont pu exister en matière de développement de la pauvreté ou du chômage ne correspondent pas exactement aux dates de début et de fin des législatures. L'inversion de la courbe du chômage est intervenue en 2001. Puis on a assisté à une progression du nombre de RMIstes également en 2001. L'évolution de la situation économique n'était pas de la seule responsabilité du gouvernement de l'époque, pas plus que l'évolution actuelle ne saurait être exclusivement de la responsabilité du présent gouvernement.

Une partie de nos concitoyens et une partie des étrangers qui habitent en France depuis des années se retrouvent dans une situation de misère. Les propos de M. le président de la commission à ce sujet ne sont pas indignes. L'aide médicale d'État constitue un appel d'air formidable. Je suis un député frontalier, je vois des centaines de personnes, tous les mois, qui entrent en France car ils savent que, dans notre pays, ils pourront être soignés gratuitement et nourris.

François Mitterrand avait affirmé que la France ne pouvait pas accueillir toute la misère du monde. (« C'était Michel Rocard ! » sur de nombreux bancs.) Pardonnez-moi, mes chers collègues, mais ils appartiennent à la même sensibilité.

M. Jean-Pierre Brard. Ce n'est pas sûr !

M. Franck Gilard. Mitterrand, lui, ignorait la misère !

M. Michel Bouvard. Évitons de nous lancer des anathèmes, de caricaturer nos positions respectives : nos débats y gagneront.

Le consensus auquel nous étions parvenus l'an dernier avait été motivé par le renforcement des déductions fiscales pour les dons à de nombreuses associations grâce à la loi sur le mécénat. Mais ce renforcement ne devait pas se faire au détriment des Restos du cœur et des associations venant en aide aux plus démunis. Le maintien d'un bonus était nécessaire pour ceux qui donnaient à ces associations. Nous avions placé le curseur à 66 %, mais en nous promettant de voir si les dons aux Restos du cœur diminueraient,...

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Exactement !

M. Michel Bouvard. ...seraient affectés par la mise en œuvre de la loi sur le mécénat, bref s'il y aurait un transfert au détriment des associations qui œuvrent dans le domaine de l'aide alimentaire et au bénéfice des autres associations. C'était cela notre point d'accord.

Je partage donc la position défendue par M. le président de la commission. Ce qui importe n'est pas de passer de 66 % à 70 % parce qu'il y a plus de situations de misère dans notre pays. Il n'est pas évident, en effet, qu'en passant d'un pourcentage à un autre, cela se traduise par un surcroît de dons aux associations. Il faut d'abord savoir quelle a été l'évolution des recettes de ces associations du fait des dispositions en faveur du mécénat. Après seulement, il sera raisonnable de modifier, éventuellement, le taux.

Il me semble nécessaire d'avoir une stabilité législative, que nous réclamons tous. Si la loi est inadaptée, modifions-la. Si l'on ne constate pas d'effets pervers dus aux dispositions sur le mécénat, nous pouvons en rester au consensus unanime de l'an dernier. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C'est le bon sens !

M. le président. La parole est à M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Mesdames et messieurs les députés, il va de soi qu'il n'y a pas ici ceux qui sont généreux et ceux qui ne le seraient pas.

M. Jean-Pierre Brard. Mais si !

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je ne pense pas avoir fait allusion à vous, monsieur Brard. En aucun cas.

Nous essayons de trouver la solution la plus utile pour aider les gens qui consacrent leur vie au bénévolat. Après en avoir parlé à M. le secrétaire d'État, M. le président de la commission des finances a proposé, avec M. le rapporteur général, de recevoir les grandes associations. Nous saurons ainsi comment elles ont vécu la réforme consensuelle de l'an dernier et quels sont leurs demandes et leurs besoins. Cette réunion devra se tenir assez rapidement pour que nous puissions discuter des solutions éventuelles lors de la deuxième lecture de la loi de finances, si ce n'est pas terminé avant, pendant l'examen de la loi de finances rectificative, si nécessaire, ou même à un moment que vous aurez choisi.

M. Bussereau et moi-même, au nom du Gouvernement, serons ouverts aux propositions des parlementaires à partir du moment où il y aura consensus. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il ne s'agit pas de jouer un camp contre l'autre. Il faut que l'ensemble de la représentation nationale, après un débat nourri organisé par la commission, nous indique où mettre le curseur. À ce moment-là, le Gouvernement répondra à la sollicitation unanime des parlementaires qui permettra à chacun de sortir par le haut de ce débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Je note que dès qu'il s'agit d'aider ceux qui sont dans le besoin, il faut procéder à des études approfondies. Il vous faut moins de temps pour décider, lorsqu'il s'agit de l'ISF. Mais ne boudons pas notre plaisir. M. le président de la commission des finances a fait une proposition concrète. J'aurais souhaité que l'amendement présenté par nos collègues soit accepté. Cette première mesure n'aurait pas été exclusive de la proposition de M. Méhaignerie.

Si j'ai bien compris les propos de M. le ministre d'État, nous serons libres, après avoir entendu les grandes associations exprimer leurs besoins, de faire des propositions pour les aider à assumer les tâches qu'elles se sont assignées avec leurs militants, soit en reprenant la proposition de nos collègues socialistes, soit en leur versant les aides financières qui leur sont absolument nécessaires. Si c'est cela qu'il faut comprendre dans la proposition de Pierre Méhaignerie et dans l'engagement pris à l'instant, au nom du Gouvernement, par le ministre d'État, nous pouvons nous retrouver, sans barguigner, sur la nécessité d'aider sans attendre et comme il convient, fortement, massivement, les associations engagées dans la solidarité, au plus près de nos concitoyens les plus frappés par la misère, toujours plus nombreux.

Je ne partage évidemment pas les propos entendus tout à l'heure selon lesquels la population de RMIstes aurait plus ou moins augmenté selon les périodes. Sans vous ressortir mes graphiques, je rappelle simplement que le gouvernement Raffarin, entre juin 2003 et juin 2004, a largement dépassé, pour ce qui est de l'augmentation en pourcentage, les chiffres relevés du temps des gouvernements Balladur et Juppé qui, pourtant, avaient déjà atteint des sommets.

M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.

M. Augustin Bonrepaux. Pour commencer, je demande au rapporteur général d'essayer de se souvenir : ce n'est pas moi qui ai haussé le ton le premier. Je me suis un peu emporté, certes,...

M. Charles de Courson. Il a bon fond !

M. Augustin Bonrepaux.... je le reconnais, mais seulement lorsque M. le président de la commission des finances a lui-même haussé le ton, et de manière un peu exagérée. Je ne vous demande qu'une chose, monsieur le rapporteur général : retirez le mot « injure ». Relisez le compte rendu, vous n'en trouverez pas. Je n'ai pas l'habitude d'injurier les gens.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je le retire, monsieur Bonrepaux.

M. Jean-Louis Dumont. Voilà un apaisement !

M. Augustin Bonrepaux. Cela dit, monsieur le ministre d'État, je vous remercie de l'ouverture d'esprit dont vous venez de faire preuve (« Bravo ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), comme je remercie le président de la commission des finances de sa proposition. Espérons que, grâce à la réflexion qu'engagera la commission, nous pourrons être informés du coût - probablement très modeste - du relèvement du taux comme de celui du crédit d'impôt dont nous proposons de faire bénéficier les donateurs. Nous acceptons donc cette proposition et retirons notre amendement.

M. le président. L'amendement n° 256 est retiré.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le secrétaire d'État, j'aimerais savoir si le ministre d'État va revenir rapidement en séance : je m'étonne de ses visites subreptices et très fugaces dans l'hémicycle. Je me préparais, vous l'imaginez bien, à lui reposer la question à laquelle je n'ai toujours pas eu de réponse...

M. Richard Mallié. Changez de disque !

M. Jean-Pierre Brard. A-t-il vraiment, oui ou non, déclaré aux États-Unis : « La France admire les États-Unis. Je me sens étranger dans mon propre pays. Il nous manque un Powell en France. Le monde admire et respecte les Etats-Unis. » ?

M. Patrick Ollier. Cela n'a rien à voir avec le budget !

M. Jean-Pierre Brard. Aussi voudrais-je savoir si le ministre d'État compte revenir, car je n'ai pas eu le temps de lui reposer ma question. Et s'il ne revient pas, j'espère, monsieur Bussereau, que vous avez la réponse ; sinon, il faudra bien demander une suspension de séance !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Un seul être vous manque...

M. Jean-Pierre Brard. Et tout est dépeuplé, disait Lamartine !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Merci pour cette belle citation ! M. le ministre d'État est sorti un instant - cela vous arrive également en cours de séance. Vous pourrez l'interroger au moment de votre choix.

Article 3

M. le président. Sur l'article 3, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. L'article 3 du projet de loi de finances serait, à vous entendre, emblématique de votre politique de justice sociale ; en tout cas, c'est ainsi que vous le considérez. Les apparences pourraient vous donner raison : la prime pour l'emploi n'est-elle pas augmentée de 4 % ?

Malheureusement, la réalité est tout autre. En euros constants, cela ne fait que 2,3 % d'augmentation - pour peu que l'on retienne un niveau d'inflation calculé sur la base de l'indice des prix, hautement contestable ! Et surtout, il faut traduire concrètement ce que représente cette revalorisation face à toutes les augmentations qui frappent nos concitoyens. Pour chacun des huit millions et demi de ménages bénéficiaires, elle se situera, selon les tranches, entre 1 et 3,50 euros par mois ! Les chiffres sont cruels... Chercher à prouver ainsi votre souci de justice sociale est, reconnaissons-le, assez grotesque.

Cruels, ils le sont d'autant plus que nous pouvons les rapporter à toutes les hausses de tarifs ou de cotisations sociales. Croyez-vous sincèrement que cette maigre revalorisation comblera ne serait-ce que les hausses de l'essence et du fioul ? Pour les ménages qui se chauffent au fioul domestique, l'augmentation atteint 30 % en un an, soit, en valeur, 250 à 300 euros, contre 15 à 45 euros d'augmentation de la prime pour l'emploi... La comparaison est édifiante. Quant à la hausse moyenne du prix de l'essence - en supposant que l'on ne fasse qu'un plein par mois -, elle se traduit par une dépense supplémentaire de 8 à 12 euros, à mettre en rapport avec vos 1 à 3,50 euros de plus par mois !

Bien sûr, nous n'allons pas voter contre l'article 3. Mais nous tenons à dénoncer la faiblesse de la revalorisation proposée, la réalité de la diminution du pouvoir d'achat des plus modestes et l'audace mal venue dont fait preuve ce gouvernement en excipant de cette mesure pour affirmer qu'il défend la justice sociale.

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.

M. Didier Migaud. Rappelons que la prime pour l'emploi avait elle aussi été mise en place par le gouvernement précédent, même si nous avions à l'époque souhaité qu'elle prenne une forme différente : c'est pour répondre aux exigences du Conseil constitutionnel que nous avons été contraints de modifier le dispositif.

Nous souhaitons pour notre part que la prime pour l'emploi soit davantage revalorisée. Le Gouvernement, et particulièrement le Premier ministre, communique beaucoup sur l'augmentation de la PPE. Mais, à y regarder de plus près, en se référant notamment au rapport général, on s'aperçoit qu'on est loin des 4 euros par mois avancés par certains ! Pour bon nombre de bénéficiaires, cela se traduira tout simplement par une non-augmentation... Nous souhaitons donc que la loi de finances comprenne davantage de mesures de soutien à la consommation et au pouvoir d'achat.

Nous venons d'apprendre - M. le ministre d'État en a certainement eu connaissance avant nous - que les chiffres de la consommation pour septembre ont été mauvais. On observe un recul général de la consommation, particulièrement dans le secteur du commerce. Cela traduit les difficultés que ressentent bon nombre de nos concitoyens dans leur vie quotidienne, et plus simplement une stagnation du pouvoir d'achat. Nous insistons donc pour que la prime pour l'emploi soit beaucoup plus revalorisée. Vous vous contentez d'une aumône, choquante si on la compare à toutes les mesures qui bénéficient à un tout petit nombre de personnes : nous en avons débattu à propos de la réduction d'impôt supplémentaire pour l'emploi à domicile. Nous nous réjouissons de l'ouverture du ministre pour ce qui concerne les Restos du cœur. Nous espérons voir des avancées sur ce point d'ici à la deuxième lecture. Mais pour ce qui est de la prime pour l'emploi et de ses huit millions et demi de bénéficiaires, nous souhaitons une revalorisation bien plus forte.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. La prime pour l'emploi fait l'objet d'une actualisation a minima...

M. Hervé Mariton. C'est déjà mieux qu'une actualisation tout court !

M. Gérard Bapt. C'est vraiment le service minimum ! Après les cadeaux fiscaux que vous accordez à une minorité de contribuables, le coup de pouce que vous octroyez à mécanisme destiné à encourager les salariés les plus modestes à travailler, mis en place par la gauche dans une forme certes contestable mais que vous ne modifiez pas, en tout cas pas cette année, paraît vraiment trop timide : 230 millions pour 2005 après les 210 millions accordés en 2004, dont 110 millions au titre du relèvement de 2,3 % des limites de revenu servant au calcul de la prime et 80 millions au titre de l'actualisation des seuils en fonction de l'indice des prix hors tabac... La hausse totale, de 4 % à en croire le Gouvernement, est encore inférieure à celle votée en 2004 : 4,5 %. Pour les huit millions et demi de bénéficiaires, le supplément, sans même prendre en compte l'érosion monétaire, sera de 2,25 euros par mois en moyenne.

Les mesures sociales que vous affichez ont des fondements certes louables, mais des répercussions négligeables, d'autant que, dans le même temps, vous rognez par une série de décrets parus cet été bon nombre de prestations sociales ouvertes sous conditions de ressources. Ainsi les allocations logement, dont bénéficient beaucoup de ces salariés modestes auxquels vous accordez royalement 2,25 euros par mois, ne seront plus servies lorsqu'elles seront inférieures à 24 euros : tant et si bien que ces salariés perdront dix fois plus avec la disparition de leur allocation logement que ce qu'ils auront gagné en supplément de prime pour l'emploi ! Nous défendrons donc des amendements pour augmenter le niveau de la PPE.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. L'augmentation de la prime pour l'emploi est une bonne chose, qui illustre une des dimensions importantes de ce budget. Votre idée était excellente, chers collègues socialistes ; malheureusement, vous l'avez mise en œuvre en retenant des modalités bien trop compliquées.

M. Gérard Bapt. À cause du Conseil constitutionnel !

M. Hervé Mariton. La prime pour l'emploi est bien perçue, mais son mode de perception et son efficacité méritent manifestement d'être améliorés.

M. Gérard Bapt. Vous l'aviez déjà dit l'an dernier !

M. Hervé Mariton. Nous venons de recevoir les résultats de travaux de réflexion sur le fonctionnement de la PPE : il faut maintenant poursuivre le débat. Une revalorisation plus forte ne peut avoir de sens que pour autant qu'on la rendra plus lisible par son bénéficiaire, et par le fait immédiatement incitative. Les deux questions sont totalement liées. Une évolution de la prime pour l'emploi peut tout à fait se concevoir, mais en adoptant un système tout à la fois plus simple et plus incitatif.

M. Gérard Bapt. Il ne fallait pas saisir le Conseil constitutionnel !

M. Hervé Mariton. En attendant, la revalorisation pour 2005 va très au-delà d'une actualisation.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. La majorité peut s'honorer de soutenir la revalorisation proposée par le Gouvernement. Si nous en étions restés au seul taux de l'inflation, un certain nombre de bénéficiaires seraient sortis du dispositif. En y ajoutant 2,3 %, la prime sera servie à huit millions et demi de nos concitoyens.

Cela étant, M. Mariton a très justement pointé les difficultés de son application sur le terrain, tous les députés en sont bien conscients. Lorsque le gouvernement précédent - et c'était une initiative louable - a créé la prime pour l'emploi, son objectif était de différencier les revenus de l'assistance et ceux du travail pour inciter à la reprise d'un emploi. Nous ne sommes pas certains que nos concitoyens qui perçoivent cette prime l'aient bien compris.

M. Hervé Mariton. En effet.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Il est donc indispensable de faire de la pédagogie. Avec Nicolas Sarkozy, nous avons décidé d'envoyer une lettre d'explication aux bénéficiaires. Dans les centres des impôts, même les fonctionnaires qui servent cette prime ont beaucoup de difficulté à faire remplir les papiers nécessaires, car tout est très compliqué. L'acompte souhaité par la commission des finances l'année dernière a été très peu demandé.

M. Didier Migaud. C'est vous qui l'avez mis en place !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Certes, mais notre rôle est aussi de revenir sur des dysfonctionnements et d'améliorer ce qui peut l'être, au bénéfice de nos concitoyens. Notre tâche, dans les mois à venir, est donc d'améliorer considérablement les modalités d'application de la prime pour l'emploi. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. M. Mariton parle d'une mesure « importante ». Il ne faut tout de même pas exagérer : il s'agit de moins de 4 euros par mois ! C'est une aumône faite aux plus modestes dont vous essayez de faire croire qu'elle compenserait, par symétrie, les 3 000 euros que vous accordez par ailleurs pour les emplois à domicile. Le rapport, qui est de 1 à 100, montre à quelle aune vous mesurez vos largesses à l'égard des moins favorisés.

Mais je m'interroge sur le point de savoir - et ce n'est pas une formule de rhétorique - pourquoi vous tenez tant, monsieur le président de la commission des finances et monsieur Mariton, à faire apparaître la prime pour l'emploi sur le bulletin de paie. Généralement, ce qui intéresse le salarié, c'est le montant inscrit en bas, à droite, sur la feuille de salaire. C'est ce qu'il va toucher et qui va lui permettre de vivre ; le reste est rarement consulté ou analysé. Sous prétexte de simplicité, n'y a-t-il pas là une démarche idéologique ? Sachant que vous n'êtes jamais à court d'idées ou d'imagination, cela ne m'étonnerait pas. En fin de compte, ne s'agit-il pas d'encourager le maintien de salaires exagérément bas, prétendument compensés par l'affichage de la prime pour l'emploi, qui dissimulerait leur modestie ?

Vous, qui êtes des libéraux, n'êtes-vous pas en train de rétablir les Ateliers nationaux de 1848 ?

M. Hervé Novelli. Oh !

M. Hervé Mariton. Bel exemple de libéralisme...

M. Jean-Pierre Brard. On ne peut pas dire que ce fut une grande réussite, monsieur Mariton.

M. Hervé Mariton. Nous sommes d'accord ! Ce n'était pas très libéral.

M. Jean-Pierre Brard. Vous êtes en train de nationaliser, si j'ose dire, une partie des salaires, celle que vous dispensez les patrons de payer ou faut-il comprendre autre chose ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Philippe Auberger. N'importe quoi !

M. Hervé Mariton. C'est à n'y rien comprendre !

Mme Marie-Hélène des Esgaulx. Vous vous écoutez parler !

M. Jean-Pierre Brard. Je m'interroge. Je suis intéressé au plus haut point par la réponse que vous tous, monsieur Mariton, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le ministre d'État, monsieur le secrétaire d'État, pourrez me faire. Quelle est la source de votre inspiration ?

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. S'il est un sujet sur lequel se dégage une relative unanimité, c'est bien la question de la revalorisation des bas salaires. La prime pour l'emploi est née du constat que ceux qui sont au bas de l'échelle sociale, et en particulier ceux qui travaillent à temps partiel, ont des revenus non cohérents au regard de ceux que touchent les bénéficiaires de minima de solidarité. Quand nos collègues de gauche ont institué cette prime, tout le monde a été d'accord pour la voter. Le débat qui a lieu maintenant entre nous n'est donc pas d'ordre idéologique.

M. Jean-Pierre Brard. Non ...

M. Charles de Courson. Il porte sur la question de savoir s'il faut rattacher la PPE à l'impôt sur le revenu ou la faire apparaître sur la feuille de salaire.

Dès l'origine, le groupe UDF et, en son nom, Pierre Méhaignerie, qui en était alors membre, avait fait valoir que le décalage chronologique était trop grand entre la reprise de l'activité et le bonus que constitue la PPE. Il trouvait plus astucieux de lier la prime au salaire en réduisant la part salariale des cotisations sociales, pour que les salariés concernés se rendent immédiatement compte de l'amélioration de leur situation permise par le retour à l'emploi. Nous en avons longuement discuté en commission des finances, comme en témoigne le rapport de notre rapporteur général.

Voilà, mes chers collègues, un domaine dans lequel nous avons besoin de l'imagination de tous, car il s'agit d'améliorer l'efficacité des quelque 2 milliards en jeu.

M. Jean-Pierre Brard. De la rouerie plutôt !

M. le président. Je mets aux voix l'article 3.

(L'article 3 est adopté.)

M. Jean-Pierre Brard. Je n'ai pas reçu de réponse à mes interrogations !

Après l'article 3

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 280, portant article additionnel après l'article 3.

La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour le soutenir.

M. Augustin Bonrepaux. Par cet amendement, nous proposons de doubler la prime pour l'emploi. Je me réjouis que tout le monde - Gouvernement, président de la commission des finances, majorité - reconnaisse que la création de la prime pour l'emploi était une bonne mesure, mais on a fait valoir que son application était compliquée. À qui la faute ?

Vous voulez maintenant - le président de la commission des finances ne cesse d'en parler, M. de Courson vient de le rappeler - la faire figurer sur la feuille de paie.

M. Hervé Mariton. Ce serait mieux !

M. Augustin Bonrepaux. Nous vous avions proposé de porter la PPE sur le bulletin de salaire en réduisant la CSG. C'était à la fois simple et équitable.

M. Michel Bouvard et M. Philippe Auberger. Mais vous avez été censurés !

M. Augustin Bonrepaux. Il ne fallait pas faire de recours ! Vous ne seriez pas obligés de proposer maintenant une mesure compliquée et qui le restera. Il faudra des dispositifs particuliers alors que la CSG était une mesure simple. Inutile maintenant de le regretter, il fallait y réfléchir avant. C'était une mesure utile, en faveur de l'emploi, et la réduction de la CSG apparaissait chaque mois sur la feuille de paie.

Vous nous avez soumis une étude. J'ai lu le projet de réforme que vous envisagez, mais les choses ne sont pas si simples. Il ne faudrait pas qu'un complément de salaire incite les employeurs à réduire les salaires.

Vous auriez dû nous écouter dès 2002, monsieur le ministre, plutôt que de baisser l'impôt sur le revenu. Dans le projet de loi de finances rectificative, vous avez refusé toute augmentation de la prime pour l'emploi, préférant réduire l'impôt. Cette mesure a fait la preuve de son inefficacité. C'est pourquoi en 2003, nous avons connu cette situation...

M. Jean-Pierre Brard. Ubuesque !

M. Augustin Bonrepaux. ...difficile pour notre pays, avec une croissance atteignant à peine 0,5 %.

Vous nous dites que la croissance est de retour, mais elle est bien fragile, d'autant que les Etats-Unis et l'Asie doivent faire face à un ralentissement de leur économie. La meilleure façon de la soutenir, c'est d'augmenter la prime pour l'emploi, et avec elle la consommation.

M. Hervé Mariton. Nous l'augmentons !

M. Augustin Bonrepaux. Nous souhaitons la revalorisation de la prime pour l'emploi, tout en étant conscients que cette proposition pourrait être irrecevable au titre de l'article 40. Vous avez les moyens de faire un tel effort, au reste parfaitement justifié. Que représentent en effet 4 euros face à l'inflation et au coût du pétrole ?

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a donné un avis défavorable. Je rappelle qu'un salarié rémunéré au SMIC qui travaille 39 heures aura bénéficié entre 2003 et juillet prochain d'une majoration de revenu de 1 700 euros due à la progression du SMIC et de la PPE. C'est plus qu'un treizième mois.

M. Yves Jego. Tout à fait !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Jamais, au cours de la précédente législature, un effort aussi important n'a été consenti en faveur des bas salaires.

Augustin Bonrepaux a rappelé que, dans sa première version, la prime pour l'emploi était rattachée à la feuille de salaire. Il oublie de dire que si le Conseil constitutionnel a refusé cette version initiale, c'est que le dispositif proposé était profondément injuste parce qu'il n'était pas familialisé. Compte tenu du principe d'égalité devant l'impôt, le Conseil l'a donc annulé et il a fallu, dans l'urgence, monter un système compliqué au travers de l'impôt sur le revenu. De ce fait, la prime pour l'emploi est versée avec un an de retard et n'a pas de relation directe avec la reprise d'activité. Même si, l'an dernier, nous avons mis en place un dispositif autorisant le versement d'un acompte, cela ne modifie rien sur le fond.

Nous avons aujourd'hui deux pistes de réforme qui permettraient d'attacher la prime pour l'emploi au salaire. La première, c'est de passer d'un système fiscal à un système social. Autrement dit, au lieu de la greffer sur l'impôt sur le revenu, on opérerait le versement de la prime pour l'emploi par réduction de la CSG. Dès lors, il faut familialiser cette réduction. La deuxième piste, c'est de maintenir l'accrochage à l'impôt sur le revenu, mais en instaurant un versement trimestriel qui suppose une régularisation a posteriori, si la situation de famille s'est modifiée en cours d'année.

Toujours est-il que la commission des finances est déterminée à procéder à cette réforme. Si nous ne l'avons pas encore fait, c'est qu'il n'était pas possible de la mettre en œuvre tant que nous étions engagés dans le processus d'unification des SMIC. Il y a seulement deux ans, il existait six SMIC différents. L'unification sera achevée au 1er juillet 2005. Nous serons alors en mesure de procéder à une véritable réforme de la prime pour l'emploi, en lui donnant de la lisibilité dès 2006. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Même avis que la commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 280.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 227 .

La parole est à M. Didier Migaud, pour le soutenir.

M. Didier Migaud. Sans reprendre l'argumentation de M. Bonrepaux, j'aimerais appeler M. Carrez à plus de modestie quand il parle de la prime pour l'emploi. La citation de son rapport général va vous montrer l'importance pour chaque bénéficiaire de la fameuse revalorisation dont le Premier ministre nous parle tant. Je lis, page 29 du tome 2 : « Le ministère des finances, de l'économie et de l'industrie a indiqué à votre rapporteur général que ce rehaussement tend à permettre que, pour l'imposition de ses revenus de l'année 2004, une personne rémunérée au SMIC - 39 heures avec quatre heures bénéficiant d'une majoration de 10 % -, qui l'était déjà en 2003, perçoive, en 2005, une prime d'un montant identique : 460 euros, à celui de la prime reçue en 2004 : 463 euros. »

C.Q.F.D., monsieur le rapporteur général : ce n'est pas 4 euros de plus par mois, c'est même 3 euros de moins sur l'année ! Voilà l'exacte incidence de la revalorisation proposée par le Gouvernement. Le rapporteur général ne le dit pas mais il l'écrit : cela ne va absolument rien représenter. Nous nageons en pleine hypocrisie.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Avis défavorable à l'amendement. Je rappelle tout de même à M. Migaud que le cumul des augmentations du SMIC et de la prime pour l'emploi représente 1 700 euros de plus en trois ans.

M. Didier Migaud. Ce n'est pas la question posée !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Avis défavorable également.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 227.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. J'interviendrai très brièvement pour demander à M. le ministre d'État, qui me l'a promise avant-hier soir, une réponse à la question suivante : les propos qui lui ont été prêtés le 4 octobre aux États-Unis sont-ils exacts ? Parole de journal n'est pas parole d'évangile et je préfère avoir de leur auteur présumé une confirmation ou une infirmation.

M. le président. La parole est à M. le ministre d'État.

M. le ministre d'État, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur Brard, libérez la mémoire de votre appareil pour de futurs SMS. J'ai d'autres déclarations à y mettre en stock, déclarations validées par moi-même : je démens avoir tenu de tels propos. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Article 4

M. le président. Je suis saisi de deux amendements de suppression de l'article, nos 282 et 387.

La parole est à M. Didier Migaud, pour soutenir l'amendement n° 282.

M. Didier Migaud. L'article 4 tend à verser 20 euros aux contribuables qui déclareraient leurs revenus par Internet. Vous nous permettrez d'être en désaccord avec cette mesure.

D'abord parce qu'elle est d'une grande lourdeur. Retirer 20 euros des sommes à payer au titre de l'impôt sur le revenu nous paraît engendrer des complications excessives pour le service de la direction générale des impôts.

Ensuite parce qu'elle n'est pas pertinente du point de vue de la justice fiscale, ces contribuables bénéficiant déjà d'un délai supplémentaire. De plus, les personnes qui utilisent Internet pour leur déclaration n'appartiennent pas aux ménages les plus en difficulté.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour soutenir l'amendement n° 387.

M. Jean-Claude Sandrier. L'article 4 prévoit de faire passer de 10 à 20 euros le montant de la réduction d'impôt mise en place de manière expérimentale l'année dernière. Or cette mesure profite avant tout aux personnes ayant les moyens de financer un ordinateur et une connexion à internet. De plus, l'accès aux connaissances informatiques n'est pas égal aux différents niveaux de la société. L'égalité devant l'impôt dont vous parliez tout à l'heure est donc mise à mal.

Certes, le Gouvernement vient de lancer une campagne en faveur de la diffusion de l'informatique et de l'accès à Internet, ainsi qu'une opération permettant d'acquérir un ordinateur portable moyennant un euro par jour pendant trois ans. Ces actions sont un pas vers une plus grande égalité. Mais ce début de démocratisation est loin d'avoir touché tous les Français. Beaucoup de nos concitoyens n'ont pas les moyens financiers de s'acheter un ordinateur, ni l'envie d'ouvrir un crédit pour un outil qui apparaît superflu à ceux qui se demandent d'abord comment joindre les deux bouts à la fin du mois. Il n'est pas normal de disqualifier encore une fois une population qui ne bénéficie que rarement, en tout cas insuffisamment, des fruits de la croissance. Internet est, il est vrai, un formidable outil de communication. Mais en quoi est-il démocratique d'imposer par une contrainte financière la déclaration électronique ? Il faut que les Français puissent choisir.

Le Gouvernement doit sans aucun doute poursuivre son action en faveur d'une plus grande démocratisation d'un outil toujours plus présent dans la vie quotidienne. Cependant, il ne faut pas pénaliser les catégories de la population qui ne peuvent accéder facilement à l'informatique, sans parler des aspects financiers de la question.

Le groupe communiste et républicain ne peut donc que proposer la suppression de l'article.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Avis défavorable : il faut marcher avec son temps. Vous dites que certains contribuables n'ont pas les moyens d'accéder à l'informatique. Or le nombre des déclarations électroniques progresse - de 119 000 en 2002, il est passé à 611 000 en 2003 et à 1 275 000 en 2004 - et elles sont essentiellement le fait de jeunes, habitués aux techniques modernes de communication. Il n'y a pas de différenciation en termes de catégories socio-professionnelles.

Cette excellente mesure est aussi en parfaite adéquation avec notre volonté de réformer l'État. L'administration des impôts a enregistré des réactions extrêmement favorables de la part des usagers, entreprises ou particuliers, qui se montrent très satisfaits de la rapidité de ce dispositif. Et il est de notre intérêt à tous que l'administration se modernise.

Enfin, cela permet de faire des économies considérables.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le président, je suis sidéré par les positions rétrogrades de M. Sandrier et de M. Migaud, qui nous avaient habitués à plus de modernité.

Que constate-t-on concrètement. ?

Premièrement, ce dispositif fonctionne. L'année dernière, plus de 1, 2 million de Français y ont eu recours et nous pouvons espérer qu'ils seront plus de deux millions l'an prochain, même si la France est encore loin d'un pays comme le Chili, où 85 % des contribuables utilisent Internet pour déclarer leurs impôts alors même que le niveau de vie y est moins élevé que le nôtre.

Deuxièmement, les personnes qui font des télé-déclarations ne sont pas les favorisés que vous vous plaisez à évoquer. Ce sont surtout des jeunes, y compris des salariés modestes, qui trouvent cela pratique. Et si le nombre des déclarations électroniques a doublé en un an, c'est bien que les usagers en sont satisfaits.

Troisièmement, si vous vous déplaciez dans les centres des impôts au lieu de vous en tenir à des attitudes idéologiques, les agents des impôts vous diraient combien ils sont ravis de ce nouveau système. Pour eux, il est bien plus simple de travailler sur écran, avec des informations claires et nettes, que de déchiffrer des déclarations sur papier. Cela représente une sensible amélioration de leurs conditions de travail.

Enfin, si nous voulons gagner en productivité pour mieux utiliser l'argent des contribuables et mieux servir les citoyens avec une administration plus moderne, c'est dans cette voie qu'il faut s'engager.

Cette amélioration profite aux contribuables, aux salariés de l'administration des impôts, à la réforme de l'État et donc aux Français. C'est une excellente mesure.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. L'augmentation du nombre des télé-déclarations montre combien il est inutile de dépenser des dizaines de milliers d'euros afin d'en promouvoir l'usage. Cette mesure est superfétatoire.

Ensuite, en instaurant une réduction d'impôt, vous oubliez les personnes non imposables, en particulier les jeunes, que vous pourriez aussi inciter à faire leur déclaration par internet. Il faudrait, pour les prendre en compte, instaurer un crédit d'impôt, ce qui nous ferait sans doute changer d'avis sur la question.

Enfin, les économies de gestion pour l'administration des impôts ne sont sans doute pas telles. Comme il n'est pas demandé aux personnes qui procèdent à une télé-déclaration de fournir des justificatifs, j'imagine qu'il y aura davantage de contrôles.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.

M. Jean-Claude Sandrier. Sans doute cette question ne mérite-t-elle pas de grands débats, mais pour autant ne travestissez pas nos propos ! Nous, nous pensons aux personnes qui n'utilisent pas Internet parce qu'elles n'en ont pas les moyens. Celles qui le peuvent, pourquoi leur donner une prime alors que l'augmentation du nombre des déclarations électroniques se fera naturellement ? Cela n'a pas de sens.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Bien sûr, les représentants du groupe communiste et du groupe socialiste considèrent qu'il ne s'agit pas d'un amendement rétrograde. Soit !

Toujours est-il que cette mesure est très emblématique de la réforme de l'État que nous soutenons. Cette réforme doit profiter aux Français ; il faut qu'ils en bénéficient en retour ; à partir du moment où le citoyen contribue à faire faire des économies à l'État, il est légitime qu'il en soit récompensé. C'est la même philosophie qui inspire la réforme de la redevance télévisuelle : la simplification de sa perception a permis de ne pas l'augmenter et d'exonérer davantage de contribuables. S'il y a économie pour le budget de l'État, il doit y avoir un bénéfice pour les contribuables.

M. Gérard Bapt. Pour tous les contribuables ! Si vous voulez inciter à la déclaration sur Internet, accordez aussi la prime à ceux qui ne sont pas imposables !

M. Michel Bouvard. Mais enfin ! la prime doit aller à ceux qui ont à payer quelque chose. Nous n'allons quand même pas la donner pour remercier les contribuables d'avoir fait leur déclaration d'impôt ! Ce serait caricatural. La mesure est simple et bonne ; elle mérite d'être soutenue telle qu'elle est.

M. le président. Un dernier mot, monsieur Bonrepaux, puis nous passons au vote.

M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le secrétaire d'État, vous nous expliquez que c'est une excellente mesure qui allège le travail des fonctionnaires. Mais comment s'opère le contrôle des déclarations, en particulier en ce qui concerne les déductions liées aux dons à des associations ?

M. le président. Merci d'avoir été aussi synthétique.

La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. M. Bonrepaux pose une question de bon sens. D'abord l'administration peut faire confiance à un contribuable qui donne de l'argent à la Croix rouge ou aux Restaurants du Cœur depuis dix ans ; elle ne considère pas chaque contribuable comme un fraudeur potentiel. Ensuite, les pièces justificatives, quand elles sont demandées s'il y a doute, sont adressées par courrier.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 282 et 387.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 4.

(L'article 4 est adopté.)

Article 5

M. le président. L'amendement n° 516 de M. Balkany est-il défendu ?

M. Michel Bouvard. Non !

M. le président. Je mets aux voix l'article 5.

(L'article 5 est adopté.)

Article 6

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, inscrit sur l'article 6.

M. Jean-Claude Sandrier. L'article 6 n'appelle pas d'opposition de notre part puisqu'il vise à neutraliser les conséquences fiscales de la mensualisation des pensions des non-salariés agricoles. Toutefois, il apparaît bien modeste au regard de la situation des agriculteurs retraités et de leurs conjoints, en tout cas pour les plus modestes d'entre eux.

Les réunions de concertation que le ministère de l'agriculture a tenues avec les organisations syndicales agricoles ont abouti à des mesures qui sont loin de prendre en compte les demandes et les besoins. Vous connaissez, comme moi, les principales revendications. Je les rappelle brièvement : assurer 75 % du SMIC aux retraités agricoles ayant cotisé sur leur carrière complète ; étendre la retraite complémentaire aux conjoints ayant participé à l'exploitation ; abaisser le taux de minoration à 4 % par année manquante, tous régimes confondus ; ouvrir le droit à revalorisation à partir de 22,5 au lieu de 32,5 années de cotisation au régime des non-salariés agricoles, sous réserve de 37,5 années de cotisation tous régimes confondus ; revaloriser de façon accrue les petites retraites ; enfin, différencier au profit des petites retraites la bonification de 10 % pour avoir élevé trois enfants.

Telles sont les principales revendications des exploitants et retraités non-salariés agricoles. La part que l'État doit prendre à sa charge, qui était de 160 millions d'euros, est descendue à 28 millions d'euros dans le budget social 2003, représentant 9,4 % de la dépense totale. C'est donc un véritable abandon qui ne permet pas de subvenir aux besoins des agriculteurs retraités.

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1 de la commission des finances.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Monsieur le président, étant à titre personnel contre cet amendement, je préférerais que M. Le Fur le présente.

M. le président. Vous avez la parole, monsieur Le Fur.

M. Marc Le Fur. Cet amendement a été toutefois adopté par la commission des finances.

Le dispositif proposé vise à résoudre le problème posé par la mensualisation des retraites agricoles, excellente mesure que nous avons adoptée et qui est entrée en vigueur le 1er janvier dernier, mais qu'il ne faudrait pas édulcorer. Le passage du trimestre au mois se traduit cette année par le versement d'une retraite sur quatorze mois. Le Gouvernement a tenu compte du caractère exceptionnel de cette situation, mais sans aller jusqu'au bout. En effet, s'il a accepté de ne pas tenir compte de ces deux mois au titre de l'imposition des revenus de 2004, il propose, ce qui n'est pas tout à fait satisfaisant, de reporter cette imposition au terme de l'existence du contribuable. Nous allons aboutir à une situation quelque peu étonnante puisque des contribuables vont ainsi traîner une dette à l'égard de l'administration fiscale pendant dix, quinze, voire vingt-cinq ans. Soit l'administration fiscale oubliera, soit elle se tournera, au moment du décès, vers les ayants droit, ce qui ne sera pas compris par l'opinion.

M. Gérard Bapt. On ne peut pas dire qu'il s'agisse là d'une simplification administrative.

M. Marc Le Fur. La logique voudrait donc évidemment que l'on exonère ces deux mensualités.

En résumé, nous avons pris une disposition positive, la mensualisation des retraites.

M. Jean-Louis Dumont. Enfin !

M. Marc Le Fur. Encore faut-il ne pas la polluer par des dispositions secondaires et annexes qui la rendraient incomprise.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il est tout à fait exact que la commission des finances a adopté l'amendement, mais il est totalement inconstitutionnel.

Le même problème s'est posé lorsque les retraites des salariés ont été mensualisées, en 1987. La solution qui avait été retenue alors avait consisté à décaler ces deux mois d'année en année, les caisses de retraite communiquant chaque année aux intéressés le montant qu'ils doivent déclarer. Ces deux mois sont pris en compte lors du règlement de la succession. J'indique que ce système fonctionne de la façon la plus simple depuis 1987 pour tous les salariés.

Comme l'a dit Marc le Fur, la mesure de mensualisation des pensions agricoles est une excellente mesure qui était attendue depuis longtemps. Mais il est évident qu'on ne peut pas, à cette occasion, créer une rupture d'égalité avec tous les autres salariés.

Je souscris bien volontiers à l'argument selon lequel il s'agit de petites pensions, mais il ne résiste pas un instant face au principe d'égalité. Il serait donc dommage que le législateur vote, en pleine connaissance de cause, une disposition inconstitutionnelle.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Le Gouvernement est face à un dilemme. Grâce au soutien de la majorité, nous avons beaucoup oeuvré depuis 2002 pour améliorer les retraites agricoles.

M. Hervé Novelli. C'est vrai !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Mais toutes celles et ceux d'entre nous qui connaissent bien le monde rural savent à quel point elles sont encore faibles et quelles difficultés rencontrent nos agriculteurs, et en particulier les veuves d'exploitants, pour vivre avec les pensions qui leur sont servies.

M. Jérôme Bignon. On n'est pas encore à 75 % du SMIC !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Cette année, nous avons mis en place la mensualisation, qui était une revendication ancienne des retraités exploitants agricoles. L'article 6, qui en tire les conséquences fiscales, fait l'objet de l'amendement de M. Le Fur adopté par la commission des finances.

Il est clair que cet amendement encourt un risque d'inconstitutionnalité. Peut-être aucun groupe ne saisira-t-il le Conseil constitutionnel.

M. Gérard Bapt. Ou ne fera pas comme vous pour la PPE !

M. Hervé Morin. Mais le Conseil peut très bien s'autosaisir !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Effectivement. Je vous mets donc en garde contre ce risque, car il n'y a rien de pire qu'un espoir qui s'envole.

M. Jean-Louis Dumont. Cela n'empêche pas de voter l'amendement !

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Que la majorité prenne ses responsabilités ! En tant que représentant de l'État, je suis obligé de dire que nous ne pouvons pas être favorables à cet amendement, tout en comprenant parfaitement la revendication exprimée par M. Le Fur.

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Le rapporteur général a invoqué le principe de l'égalité devant l'impôt. Mais cela fait vingt ans que la mensualisation était attendue par le monde agricole...

M. Jean-Louis Dumont et M. Didier Migaud. C'est vrai !

M. Marc Le Fur. ...et on ne peut pas comparer des salariés mensualisés depuis vingt ans et des agriculteurs qui le sont depuis le 1er janvier de cette année.

M. Jean-Louis Dumont. Et qui ont de bien maigres retraites !

M. Marc Le Fur. Il me semble légitime que nous n'édulcorions pas cette excellente mesure qu'est la mensualisation de l'impôt. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe socialiste.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Monsieur le secrétaire d'État, levez-vous le gage ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Oui, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 1 est ainsi modifié.

Je mets aux voix l'article 6, modifié par l'amendement n° 1 modifié.

(L'article 6, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 6

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 55.

La parole est à M. Louis Giscard d'Estaing, pour le soutenir.

M. Louis Giscard d'Estaing. Cet amendement vise à rétablir l'égalité devant l'impôt en matière d'accidents du travail, entre salariés et non-salariés agricoles. Il s'agit d'harmoniser le régime fiscal des rentes servies à ce titre en rendant également déductibles celles versées aux exploitants.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a repoussé cet amendement, comme l'an dernier d'ailleurs.

M. Jean-Louis Dumont. A tort !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je rappelle que deux régimes distincts - celui des salariés et celui des professions indépendantes - coexistent dans notre droit fiscal. Dans le cas des professions indépendantes, dont font partie par définition les non-salariés agricoles, les rentes servies au titre des accidents du travail ne sont pas déductibles. Si l'on adoptait cet amendement, on introduirait une rupture d'égalité avec les autres professions indépendantes.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 55.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 7

M. le président. La parole est à M. Sébastien Huyghe, inscrit sur l'article.

M. Sébastien Huyghe. L'article 7, qui comprend quatre dispositions, vise à une plus grande équité dans l'imposition des couples liés par un PACS.

Premièrement, il rend possible dès l'année de conclusion du PACS une imposition commune, avec les trois déclarations telles qu'elles existent pour les couples mariés. Mais il sera possible aux services fiscaux de revenir sur l'imposition commune si le PACS est rompu dans l'année ou l'année suivante, ce qui permet d'éviter son utilisation comme instrument d'optimisation fiscale.

Deuxièmement, les partenaires pacsés associés d'une SARL pourront bénéficier du régime d'imposition des SARL de famille, c'est-à-dire de l'imposition sur le revenu.

Troisièmement, en ce qui concerne les droits de mutation à titre gratuit, les taux et l'abattement prévus seront applicables, là aussi, dès la conclusion du PACS, l'administration pouvant requalifier les opérations si le PACS est rompu l'année de sa conclusion ou l'année suivante.

Quatrièmement, l'abattement sur la valeur vénale de la résidence principale du couple sera appliqué en faveur du pacsé survivant.

Il faudra sans doute s'interroger plus tard sur la pertinence des taux et de l'abattement retenus. L'opposition a déposé un amendement pour ramener les taux de taxation de 40 % et 50 % au niveau qui est pratiqué entre frères et sœurs, c'est-à-dire 35 % et 45 %, ce qui me semble aller dans la bonne direction. Il paraît en effet préférable de ne pas multiplier les taux d'imposition.

L'article 7, qui va dans le sens de l'équité, témoigne de notre esprit constructif, loin de l'attitude de rupture de certains, qui n'hésitent pas à franchir la ligne jaune en bafouant la loi au nom d'un pseudo-devoir de désobéissance civile. Je parle de ceux qui célèbrent des mariages en violation du code civil. Un tel comportement va à l'encontre des intérêts de ceux qu'il est censé officiellement défendre et il a surtout pour objectif de permettre à son auteur de faire un coup médiatique. Bafouer la loi, c'est de la délinquance, et ce n'est pas à l'honneur d'un parlementaire d'être un tel exemple pour les jeunes et les moins jeunes. J'imagine bien un voleur rétorquer à un juge : « Monsieur le président, mon geste relève de la désobéissance civile, car je considère que ma victime n'était pas légitimement fondée à posséder l'objet que je lui ai dérobé, alors que j'en étais moi-même privé. »

Cela étant, en sa forme actuelle, le PACS est une hérésie juridique et il faudra bien le toiletter de fond en comble. En effet, comment peut-on laisser les partenaires d'un PACS dans une situation juridique aussi dangereuse que la présomption d'indivision pour tous les biens meubles ou immeubles acquis pendant la durée du pacte ? Il sera au moins nécessaire de mettre en place des régimes juridiques organisant leur vie commune, qui offrent aux partenaires pacsés un statut juridique pour leurs biens.

L'article 7 porte une attention particulière aux partenaires pacsés associés d'une SARL. Il faudra également penser aux partenaires collaborateurs d'un commerçant. Il nous semblerait illogique de considérer le cas du partenaire associé d'une société tandis que celui du collaborateur d'un commerçant installé en nom propre ne le serait pas.

Enfin, nous devrons remettre en cause le principe à mon avis choquant qui, en cas de mise sous tutelle de l'un des pacsés, permet au tuteur de mettre fin unilatéralement au PACS.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Huyghe, une partie de votre propos était passablement hors sujet, et votre déclaration ne fera pas oublier à ceux qui étaient là à cette époque que vous vous êtes battu avec acharnement contre le PACS.

M. le secrétaire d'État au budget et à la réforme budgétaire. Sûrement pas lui ! Il n'était pas élu !

M. Jean-Pierre Brard. Il est bien obligé d'assumer l'héritage. L'honneur de la droite fut sauf grâce à Roselyne Bachelot qui a dû tous vous évangéliser depuis, puisque vous semblez avoir oublié vos discours d'antan.

La loi du 15 novembre 1999 est le fruit d'un intense travail de réflexion et de concertation. Il aura fallu près de sept ans pour que soit définitivement reconnue par la nation une organisation de la vie en couple autre que le mariage. C'est tout à l'honneur du Parlement puisque c'est lui qui a maîtrisé, de bout en bout, le processus d'élaboration de la loi : de la proposition de loi à l'inscription à l'ordre du jour d'une séance réservée à l'initiative parlementaire.

Les opposants au PACS, c'est-à-dire les députés de l'opposition de l'époque, lui ont d'ailleurs beaucoup reproché son origine parlementaire, qui aurait privé le texte de l'avis du Conseil d'État. Sans vouloir remettre en cause la compétence de la haute juridiction administrative dans sa fonction de conseil du Gouvernement, c'est se faire une bien piètre opinion du Parlement que de limiter son rôle uniquement au droit de proposer des amendements à des projets émanant de l'exécutif. La validation par le Conseil constitutionnel de l'ensemble de la loi a apporté à cette conception un éclatant démenti.

L'adoption de la proposition de loi a fait l'objet d'un débat extrêmement difficile. Vous vous rappelez sûrement qu'il fut interrompu prématurément et qu'il fallut le reprendre. C'est dire l'acharnement de nos collègues qui sont aujourd'hui frappés d'amnésie. Chacun se souvient en particulier de l'emphase courroucée de notre collègue Christine Boutin, mais elle n'était pas la seule dans cette bataille perdue. Une manifestation réunissant près de 100 000 personnes hostiles au PACS fut organisée. Il faut faire de l'histoire de temps en temps ! Et j'espère que le rouge monte au front de ceux qui y participèrent car ils étaient en dehors du mouvement de l'histoire.

Il est temps aujourd'hui d'oublier les invectives injurieuses et définitivement homophobes qui furent lancées à l'époque. Le PACS existe, le PACS vit et fait désormais partie de notre vie quotidienne : le terme « pacsé » est entré dans le langage courant et des magasins proposent des listes pour jeunes pacsés, en s'inspirant des listes de mariage. Le PACS permet dorénavant à des couples qui ne peuvent pas se marier d'organiser juridiquement les conditions de leur vie commune. Pour les homosexuels, parfois confrontés à des situations douloureuses et juridiquement complexes, il s'agit là d'une avancée décisive.

Les sondages sur la question prolongent cette analyse. Depuis le vote définitif de la loi, le PACS a été compris par une majorité croissante de Français. Ils étaient 49 % à y être favorables en septembre 1998, 64 % en juin 2000 et 70 % en septembre 2001. Cette majorité transcende les clivages socioprofessionnels puisque, quelle que soit la profession du chef de famille, le pourcentage d'opinions favorables dépasse les 70 %.

Des avancées sont encore possibles, comme l'inscription sur les registres civils qui aurait une grande portée symbolique. L'adoption d'une loi pénalisant les propos homophobes et sexistes serait aussi un pas significatif vers une meilleure reconnaissance de l'homosexualité.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Il faut se réjouir que le Gouvernement accède à une demande que le groupe socialiste faisait depuis deux ans, d'autant que certains qui n'étaient pas encore dans notre assemblée se servaient du PACS pour faire campagne contre des députés socialistes sortants. En écoutant M. Huyghe, j'ai cru me souvenir que cela avait été le cas à Lille, ou tout à côté. Il n'y avait pas que les 35 heures !

M. Sébastien Huyghe. C'est faux !

M. Gérard Bapt. Il est donc instructif de voir que la société peut évoluer et que, si l'article 7 est voté, l'imposition commune au titre de l'impôt sur le revenu sera désormais possible dès la conclusion du PACS. Les personnes liées par un PACS pourront aussi constituer une SARL en société de personnes. En revanche, s'agissant des droits de mutation, si les conditions de durée sont allégées, les tarifs restent défavorables par rapport à ceux applicables aux époux ou aux enfants. Enfin, l'abattement de 20 % sur la résidence principale sera appliqué au partenaire survivant.

Nous apprécions cette avancée qui répond à nos vœux. Je constate que M. le ministre d'État qui, lui aussi, avait voté contre le PACS participe à cette évolution positive. Nous proposerons ce soir des amendements visant à améliorer encore le dispositif, notamment en ce qui concerne les successions, de manière à le simplifier en l'alignant sur les régimes généraux.

M. le président. La parole est à M. Sébastien Huyghe.

M. Sébastien Huyghe. Monsieur le président, je m'étonne d'entendre M. Brard me reprocher d'être hors sujet alors qu'il vient de s'exprimer longuement sur le même thème !

En ce qui concerne le passé, je rappelle que je n'étais pas élu en 1999.

M. Gérard Bapt. Vous étiez militant !

M. Sébastien Huyghe. Il est donc difficile de m'imputer des déclarations que leurs auteurs assumeront certainement.

À propos de ma campagne à Lille, monsieur Bapt, il vous faudrait prouver vos allégations. Je n'ai jamais pris position sur le PACS, ni dans un sens, ni dans l'autre. Vous devriez revoir vos informations plutôt que de proférer des contrevérités.

M. Jean-Pierre Brard. La neutralité en politique n'est pas une identité !

M. Sébastien Huyghe. Je n'ai pas fait campagne sur ce thème. Il y en avait suffisamment d'autres, faut-il vous le rappeler, monsieur Brard ?

M. Jean-Pierre Brard. Les 35 heures, sans doute ?

M. Sébastien Huyghe. C'était effectivement un sujet fort.

Je vais vous rafraîchir la mémoire sur les conditions de vote du PACS : la majorité de l'époque a été mise en minorité, ce qui montre son peu d'ardeur à le soutenir parce qu'il ne faisait pas l'unanimité dans ses rangs.

M. Gérard Bapt. Ne revenez pas sur cet épisode malheureux que même la majorité d'aujourd'hui regrette.

M. Sébastien Huyghe. En outre, entre 1999 et 2002, il ne s'est rien passé sur le sujet alors que les praticiens du droit poussaient des cris d'alarme. Je me borne à constater que le vote acquis en 1999 dans la douleur vous a dédouané de faire quoi que ce soit par la suite tant que vous étiez dans la majorité. Et une fois minoritaires, vous n'avez rien proposé que vous ne soyez sûrs de ne pas voir aboutir.

M. le président. Monsieur Brard, à vouloir faire de l'histoire, on risque d'être pris à son propre jeu. Je me rappelle fort bien de la fameuse séance où les élus de la majorité de l'époque n'étaient pas suffisamment nombreux pour faire adopter le texte malgré les efforts de Mme Guigou qui avait repris trois fois son discours. Il faut être exhaustif !

La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.

    2

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2005, n° 1800 :

Rapport, n° 1863, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot