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Deuxième séance du mercredi 2 mars 2005

163e séance de la session ordinaire 2004-2005



PRÉSIDENCE DE Mme PAULETTE GUINCHARD-KUNSTLER,

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

    1

SAUVEGARDE DES ENTREPRISES

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi de sauvegarde des entreprises (n°s 1596, 2095).

Motion de renvoi en commission

Mme la présidente. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 7, du règlement.

La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Madame la présidente, monsieur le ministre de la justice, mes chers collègues, j'évoquerai surtout dans cette motion de renvoi en commission la place du dialogue social et des salariés dans les nouvelles procédures prévues par le projet de loi et principalement la sauvegarde.

Depuis le changement de gouvernement, le détricotage du code du travail a été une constante. Le Gouvernement et l'UMP ont profité de la loi sur le dialogue social pour remettre en cause deux règles fondamentales du droit du travail, le respect de la hiérarchie des normes et le principe de faveur, et ils ont profité de la loi sur la cohésion sociale pour alléger les procédures de licenciement économique.

Dans les deux cas, comme pour la modification législative sur le temps de déplacement, la méthode utilisée fut la même : les dispositions contestées ne figurent pas dans le projet de loi examiné en conseil des ministres, elles viennent polluer le texte d'origine soit par le moyen d'une lettre rectificative, soit par des amendements.

Par référence au dicton « chat échaudé craint l'eau froide », le groupe socialiste souhaite, avant d'entrer dans l'examen approfondi du texte, que le Gouvernement et l'UMP précisent leurs intentions sur la place des salariés et de l'emploi dans la réforme des faillites. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Cette question est majeure, dès lors que vous voudrez bien vous souvenir qu'une entreprise, ce ne sont pas seulement des dirigeants, des actionnaires et des banques créancières, ce sont aussi des hommes et des femmes...

M. Paul Giacobbi. Très bien !

M. Alain Vidalies. ...qui, par leur travail, produisent de la richesse. Il est peut-être utile de rappeler que l'on n'a jamais vu un portefeuille d'actions ou un stock d'or créer de la richesse sans le travail des hommes et des femmes.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Excellent !

M. Alain Vidalies. Or, quand un projet de loi traite de la sauvegarde des entreprises en difficulté, il traite aussi, par définition, de l'emploi, de l'avenir des 300 000 salariés concernés chaque année par ces procédures qui aboutissent à 150 000 licenciements : 90 % de ces procédures concernent des entreprises de moins de dix salariés dépourvues de toute institution représentative du personnel, et elles aboutissent, neuf fois sur dix, à la liquidation de l'entreprise et au licenciement des salariés.

Face à cette situation, le constat d'échec peut être partagé, comme la nécessité d'une réforme, s'agissant au surplus d'une législation qui, pour l'essentiel, date de 1985 nonobstant la loi de 1994, mais vous n'avez pas inscrit ce projet de loi dans une démarche pragmatique reposant sur la nécessité de moderniser, d'actualiser notre législation.

Au contraire, vous avez choisi une vision idéologique qui frise la caricature quand, dès le deuxième paragraphe de l'exposé des motifs du projet, il est écrit : « Ce droit est désormais inadapté à notre économie. Il trouvait sa place dans un principe d'économie dirigée, caractérisée par les nationalisations et l'interventionnisme de l'État dans la vie des entreprises. Il se traduisait par un considérable amoindrissement des droits des créanciers au profit de la recherche à tout prix du sauvetage de la plus grande part des entreprises en difficulté. »

À part le Gouvernement dans cet exposé des motifs, je n'ai trouvé aucun commentateur politique ou juridique ayant décelé dans la loi de 1985 le substrat des errements du collectivisme. (Rires sur les bancs du groupe socialiste.) On peut d'ailleurs se demander comment vous avez pu supporter un tel joug...

M. Arnaud Montebourg. Aussi longtemps !

M. Alain Vidalies. ...de 1986 à 1988, de 1993 à 1997 et de 2002 à 2005.

Au-delà de cette singularité, le Gouvernement annonce, dès le deuxième paragraphe de son exposé des motifs, que l'objectif est bien de combattre une législation qui, à ses yeux, protège trop les entreprises et donc l'emploi au détriment des créanciers. C'est un choix politique clair qui mérite d'être davantage mis en exergue et qui annonce des lendemains douloureux pour les salariés concernés.

Votre choix est clair, sauf le titre, qui est un peu timide par rapport à l'exposé des motifs. « Projet de loi pour la sauvegarde des créanciers » aurait, me semble-t-il, constitué un titre plus pertinent.

Cette vision particulière de l'entreprise vous a conduits pour l'essentiel à ignorer les salariés, tant sur la forme que dans le fond.

Dans la loi sur le dialogue social, le Gouvernement et l'UMP ont pris l'engagement de soumettre aux partenaires sociaux toute réforme ayant des incidences en matière d'emploi ou de législation sociale. Or force est de constater que vous ne respectez même pas les textes de loi que vous venez de voter et que cette réforme sur les entreprises en difficulté n'a jamais été inscrite au menu du dialogue social. Ce n'est évidemment pas un oubli. C'est tout simplement que vous considérez que cette législation échappe au champ du dialogue social. Les salariés et leurs organisations syndicales n'ont pas à s'immiscer dans cette affaire.

Le rapporteur de notre commission des lois, dont je regrette l'absence, n'a même pas fait semblant de contourner cette difficulté. Il a auditionné soixante personnes, parmi lesquelles, naturellement, les représentants des entreprises, du MEDEF, de l'UPA, de la CGPME, des représentants des banques, des magistrats, des avocats, de nombreux avocats, des professeurs de droit, des comptables, des experts, et j'en passe, mais, cherchez l'oubli, aucune organisation syndicale de salariés.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Eh oui !

M. Alain Vidalies. Certes, je n'ignore pas que la commission avait organisé une table ronde avec les organisations syndicales sur la réforme du droit des sociétés, mais il n'en reste pas moins qu'aucune consultation n'a été organisée sur le texte du projet de loi.

Alors que l'UMP entonne régulièrement et à tue-tête le refrain du dialogue social, force est de constater que vous êtes plus forts pour la théorie que pour les travaux pratiques.

M. Arnaud Montebourg. Et encore !

M. Alain Vidalies. Voilà la réalité. En France, en 2005, le Gouvernement et l'UMP envisagent de modifier la législation sur les entreprises en difficulté sans négociation préalable entre les partenaires sociaux et sans même songer à auditionner les organisations syndicales de salariés.

Votre réforme intervient dans un contexte marqué par une utilisation de plus en plus fréquente du dépôt de bilan pour contourner les exigences de la législation sur les plans sociaux.

Dans un entretien publié par La Tribune, le 28 novembre 2003, un associé d'un grand cabinet d'avocats parisien à qui l'on demandait si le dépôt de bilan lui semblait une voie de restructuration comme une autre a répondu que, dans bien des cas, il était très difficile aujourd'hui de restructurer en profondeur des PME importantes sans déposer le bilan.

Ainsi, parmi les 54 000 faillites qui fragilisent notre tissu économique, un nombre certain d'entre elles relèvent d'une volonté de restructuration de grosses PME dont le volet social aurait très bien pu se traduire par un plan de sauvegarde de l'emploi.

Or les deux techniques du dépôt de bilan et du plan de sauvegarde de l'emploi n'ont pas du tout les mêmes conséquences pour les salariés.

Le détournement de procédure qui permet à certains de choisir le dépôt de bilan plutôt que le plan de sauvegarde de l'emploi correspond à deux objectifs : la prise en charge d'une partie du passif social par l'AGS et l'accélération des procédures de licenciement.

Le projet de loi déposé par le Gouvernement ne comporte aucune mesure susceptible de corriger ou d'aggraver cette situation, dès lors que, pour l'essentiel, il ignore la composante des salariés dans l'entreprise.

La principale innovation de ce texte est la création de la procédure de sauvegarde, sorte de redressement judiciaire anticipé inspiré de la loi américaine dite du chapitre 11, loi dont on nous parle souvent, en oubliant que, comme l'a rappelé M. Giacobbi, l'une de ses particularités est la présence, pour surveiller le tout au moment de l'exécution, d'un fonctionnaire issu du gouvernement fédéral.

M. Arnaud Montebourg. Un contrôleur d'État !

M. Alain Vidalies. Cette procédure de sauvegarde, considérée par le Gouvernement comme le pivot du nouveau dispositif, intervient à titre préventif et donc en l'absence de tout état de cessation des paiements.

Sa mise en œuvre, à l'initiative du seul chef d'entreprise, peut intervenir dans des conditions particulièrement floues, puisqu'il s'agit uniquement de difficultés susceptibles de le conduire à la cessation des paiements.

Cette formulation quasiment laconique diffère de l'avant-projet de la chancellerie en 2003, qui visait le débiteur justifiant « de difficultés avérées ou prévisibles susceptibles d'entraîner, à bref délai, la cessation des paiements ». Aujourd'hui, les difficultés n'ont plus à être avérées ou prévisibles, et l'exigence du bref délai a disparu. Les plaideurs, demain, ne manqueront d'ailleurs pas de s'interroger sur un tel changement de terminologie.

Cette extension manifeste du champ d'application de la sauvegarde n'entraînait pas de conséquences particulières pour les salariés, puisque le volet social de la restructuration ne pouvait, en l'état de la rédaction du projet de loi, que s'inscrire dans le droit commun, c'est-à-dire la mise en œuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi.

Or le rapporteur et la majorité UMP de la commission des lois ont voté deux amendements qui modifient complètement l'économie générale de votre projet de loi pour en faire, en réalité, une nouvelle machine à licencier plus rapidement et à moindre coût.

M. Arnaud Montebourg. Exactement !

M. Alain Vidalies. Concernant les licenciements économiques, le code du travail distingue naturellement les procédures mises en œuvre après un dépôt de bilan dans le cadre d'un redressement judiciaire ou d'une liquidation de biens.

M. Philippe Cochet. C'est hallucinant de bêtise !

M. Alain Vidalies. Pour les licenciements individuels, le délai de licenciement est raccourci et la notification peut intervenir dès le surlendemain de l'entretien préalable.

Pour les licenciements de moins dix salariés, l'article 321-9 du code du travail ne prévoit qu'une seule réunion d'information et de consultation des représentants du personnel.

Les lettres de licenciement sont notifiées par l'administrateur ou le mandataire judiciaire et font seulement référence à l'ordonnance du juge-commissaire en période d'observation ou à la décision du tribunal en cas d'homologation d'un plan ou de mise en liquidation judiciaire.

M. Arnaud Montebourg. La démonstration est saisissante !

M. Alain Vidalies. Sauf circonstances très particulières, les licenciements notifiés en exécution d'un plan de cession constituent une dérogation expresse à l'article L. 122-12 alinéa 2 du code du travail qui précise que « s'il survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise. »

Enfin et surtout, du fait du contrôle exercé par le juge-commissaire ou par le tribunal, la cause économique du licenciement...

M. Arnaud Montebourg. Voilà !

M. Alain Vidalies. ...ne peut plus être contestée devant la juridiction prud'homale, dès lors que les ordonnances ou les jugements sont devenus définitifs.

Le juge prud'homal ne peut donc contrôler ni la réalité des difficultés économiques, ni la suppression d'emplois notifiée dans le cadre du redressement ou de la liquidation judiciaire.

Peut-on appliquer ces dispositions extrêmement réductrices des droits des salariés à la nouvelle procédure de sauvegarde ?

Chacun comprend que nous sommes ici au cœur du débat et que la réponse à cette question change profondément la nature de votre projet de loi.

Devant les conséquences graves de cet amendement, le groupe socialiste a choisi d'interroger le Gouvernement lors de la séance des questions d'actualité du 16 février dernier.

M. Jacob, au nom du Gouvernement, a précisé que le garde des sceaux n'était pas favorable à l'assouplissement des règles du licenciement économique.

Monsieur le garde des sceaux, vous avez aujourd'hui, en réponse à une question que je vous ai posée, confirmé publiquement votre position.

Le plus surprenant est que, ce matin même, en commission des lois, pourtant informée de votre position, le rapporteur, le président de la commission, la majorité UMP ont donné un avis favorable et adopté un amendement, sous la signature de M. Cardo, qui est exactement le même que l'amendement précédemment déposé par le rapporteur.

Vous conviendrez qu'une clarification s'impose. Que veulent faire le Gouvernement et l'UMP ?

Cette clarification est d'autant plus nécessaire, monsieur le ministre, qu'il ne vous aura pas échappé qu'au moment même où vous m'indiquiez votre opposition à cet amendement, dans le journal Le Monde daté du 3 mars...

M. Xavier de Roux, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. C'est en effet une source importante du droit !

M. Alain Vidalies. Je devine que votre intervention est destinée à essayer de mettre en place une manœuvre dissuasive par rapport à la suite que vous connaissez ! Mais je vais tout de même continuer puisque j'en venais effectivement à vous !

Au moment, donc, où vous me répondiez, monsieur le ministre, le journal Le Monde publiait un article comportant des propos du rapporteur. Je cite :

« Le ministre pense ce qu'il veut,... »

M. Xavier de Roux, rapporteur. Oui.

M. Alain Vidalies. « ...maintient le rapporteur de la commission. Moi, je suis juriste. » Je n'ose penser ce que signifie cette phrase ! Désolé pour vous, monsieur le ministre ! « Dès lors qu'on considère que la procédure de sauvegarde est un redressement judiciaire anticipé, les mêmes règles doivent s'appliquer. » (Sourires sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Xavier de Roux, rapporteur. C'est assez logique !

M. Alain Vidalies. Votre logique politique est redoutable, surtout pour ceux qui en seront les victimes !

M. Arnaud Montebourg. On en parlera à vos électeurs !

M. Xavier de Roux, rapporteur. Monsieur Montebourg !

M. Alain Vidalies. Que veulent faire le Gouvernement et l'UMP ?

Il ne s'agit évidemment pas d'une difficulté secondaire dans laquelle le Gouvernement pourrait s'en remettre à la sagesse de l'Assemblée ou pire, s'opposer sur le principe tout en opposant une résistance, en réalité complice, à l'adoption de cet amendement.

Sur l'importance et les conséquences de cette initiative, je me permets simplement de rappeler les craintes exprimées par toutes les organisations syndicales de salariés. Et je ne veux en citer qu'une : la Confédération générale des cadres, qui rappelle d'ailleurs qu'elle était au départ, comme probablement d'autres citoyens, tout à fait favorable à votre projet.

La CGC précise dans son communiqué :

« La CGC a salué le projet de loi de sauvegarde des entreprises. Or, les députés UMP proposent, à l'occasion de ce texte, de porter un nouveau coup à la procédure de licenciement pour motif économique. Après la loi Borloo de cohésion sociale qui a remis en cause nombre d'acquis des salariés en la matière, il s'agirait d'étendre l'allégement des procédures de licenciement pour motif économique existant en matière de redressement ou de liquidation judiciaire dès la phase de sauvegarde. Cet amendement permettrait ainsi de supprimer les étapes en matière de consultation des représentants du personnel et d'accélérer les licenciements. Faut-il rappeler que le projet de loi lui-même, s'agissant de cette phase de sauvegarde, indique qu'il s'agit de permettre, avant tout, la poursuite de l'activité et le maintien des emplois. La sauvegarde des entreprises ne peut-elle passer que par la réduction de la masse salariale ? Ce sont une nouvelle fois les salariés qui vont trinquer ! »

M. Philippe Cochet. C'est une caricature ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Alain Vidalies. Sauf que, monsieur, c'est tout de même l'avis de la Confédération générale des cadres ! Elle jugera de votre appréciation ! Si vous en êtes à considérer que la CGC se trouve aux extrêmes infréquentables d'un gauchisme avéré, je pense que, effectivement, le dialogue va être compliqué !

Ce débat sur l'extension à la sauvegarde des procédures dérogatoires de licenciement économique doit également prendre en compte celui sur l'intervention de l'Association pour la gestion du régime d'assurance des salaires.

Je rappelle que l'AGS, créée en février 1974, a pour objet de garantir aux cas de redressement ou de liquidation judiciaire le paiement des créances dues en exécution du contrat de travail.

Ce régime, et c'est sa particularité, est géré uniquement par le patronat et son financement assuré par une contribution des entreprises actuellement égale à 0,45 % de la masse salariale. Ce taux a été relevé de 0,10 % en 2003.

L'AGS a indemnisé, en 2003, 294 000 salariés et a versé 2 milliards d'euros d'indemnités.

Le projet de loi élargit le champ d'intervention de l'AGS aux salariés des professions libérales et surtout à la procédure de sauvegarde.

Je cite ces deux extensions en même temps car le rapport de M. de Roux comporte cette appréciation que je trouve personnellement extraordinaire.

M. Xavier de Roux, rapporteur. Diable !

M. Alain Vidalies. Je cite : « Le périmètre de l'AGS est étendu aux salariés des professionnels libéraux. Ces structures connaissant statistiquement moins de sinistres que les entreprises,... »

M. Xavier de Roux, rapporteur. Oui !

M. Alain Vidalies. «...le résultat net de cette extension devrait s'avérer positif pour l'AGS. »

M. Xavier de Roux, rapporteur. Oui !

M. Alain Vidalies. « Aucun chiffrage précis n'a malheureusement pu être transmis à votre rapporteur, pour lui permettre d'apprécier les ordres de grandeur respectifs des recettes supplémentaires ... »

M. Xavier de Roux, rapporteur. Oui, c'est vrai !

M. Alain Vidalies. «... dues à la prise en compte des salariés des professionnels libéraux, et des dépenses supplémentaires résultant de l'intervention de l'AGS dans la procédure de sauvegarde ».

Je pense - et j'en suis un acteur - que les intéressés apprécieront (Rires sur les bancs du groupe socialiste) cet aveu étonnant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Vous avez imaginé faire payer les professions libérales pour financer les restructurations des PME !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec et M. Arnaud Montebourg. Très bien !

M. Alain Vidalies. Et en plus, vous dites « oui » ! Je trouve cela tout à fait extraordinaire !

M. Xavier de Roux, rapporteur. Mais nos salariés seront très contents d'avoir l'AGS ! (Sourires sur les bancs du groupe socialiste.) N'oubliez pas vos salariés, monsieur Vidalies !

M. Alain Vidalies. En tout cas, je ne regrette pas de vous avoir cité : c'est un moment intéressant !

M. Xavier de Roux, rapporteur. Je vous trouve bien égoïste ! Vous devriez penser à vos salariés ! C'est incroyable ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Alain Vidalies. Les conditions d'intervention de l'AGS dans la procédure de sauvegarde génèrent un débat légitime et méritent pour le moins une clarification.

Ainsi, le rapporteur, après l'examen des dispositions du projet de loi, est amené à écrire : « L'intervention de l'AGS au titre des licenciements économiques devrait être sensiblement plus limitée, dans le cadre de la sauvegarde, qu'une lecture rapide pourrait le laisser penser :... »

M. Xavier de Roux, rapporteur. Oui.

M. Alain Vidalies. « ...en l'état du projet de loi, les règles de droit commun et les délais de la procédure de licenciement économique collectif rendront difficile la satisfaction de ces conditions d'intervention de l'AGS. »

M. Xavier de Roux, rapporteur. Oui.

M. Alain Vidalies. Et vous poursuivez : « Pourtant, la plupart des intéressés estiment souhaitable que la charge des indemnités de licenciement soit assumée par l'AGS, pour permettre un traitement anticipé des réductions d'effectifs qui s'avéreront indispensables,... »

M. Xavier de Roux, rapporteur. Bien sûr, c'est ce qu'ont dit tous les syndicats de salariés !

M. Alain Vidalies. « ...avec un coût économique et social moindre ».

Simplifier les procédures de licenciement, faire payer les salaires et les indemnités par les AGS, c'est quand même, il faut le reconnaître, un monde rêvé pour les banquiers créanciers !

M. Xavier de Roux, rapporteur. Prenez les déclarations des syndicats !

M. Alain Vidalies. Évidemment, les AGS ne disposent pas des moyens suffisants pour payer à guichet ouvert ces restructurations décidées par l'entreprise, mais qui, en réalité, seront souvent imposées par les principaux créanciers, c'est-à-dire les banques.

M. Xavier de Roux, rapporteur. Mais ce sera payé par les avocats !

M. Alain Vidalies. Déjà, le MEDEF refuse d'augmenter les cotisations à la charge des entreprises et menace de « rendre les clés de l'AGS ».

Déjà, les plafonds de prise en charge par l'AGS ont été diminués en 2004.

Le scénario qui s'annonce est cousu de fil blanc !

Le projet de loi et les amendements de l'UMP chargent la barque de l'AGS. Faute de ressources, cette structure sera amenée à réduire le montant des indemnités et des salaires dont elle assure la garantie.

M. Xavier de Roux, rapporteur. On dirait le MEDEF !

M. Alain Vidalies. Résultat, c'est bien une nouvelle fois sur les salariés que risque de peser l'essentiel des conséquences de votre initiative.

M. Arnaud Montebourg. Et ça a déjà commencé !

M. Alain Vidalies. Comment ne pas constater dès maintenant que ces questions majeures ne peuvent être traitées à la va-vite, au détour d'un projet de loi, sans aucune concertation préalable avec les partenaires sociaux,...

M. Gérard Bapt. Le dialogue social !

M. Alain Vidalies. ...notamment avec les organisations syndicales de salariés ?

Les propositions du rapporteur vont d'ailleurs même au-delà. En effet, au nom de la protection de la confidentialité, M. de Roux propose de ne pas communiquer au comité d'entreprise l'information nécessaire au moment de l'ouverture de la procédure de sauvegarde, mais uniquement lors de l'audience prévue dans le cas d'homologation par jugement, c'est-à-dire en fin de procédure. Le comité d'entreprise serait ainsi privé de toute information sur la désignation d'un mandataire ad hoc ou d'un conciliateur, ou même sur la constatation de l'accord de conciliation par ordonnance du président du tribunal.

Rien n'a échappé à votre vigilance, monsieur le rapporteur...

M. Xavier de Roux, rapporteur. Rien ! Absolument rien !

M. Alain Vidalies. ...pas même les malheureux salariés licenciés après une liquidation de biens. Leurs droits sont aujourd'hui limités au respect du délai de cinq jours pour l'entretien préalable et de un jour franc pour l'envoi de la lettre de licenciement. Le liquidateur doit prononcer les licenciements dans un délai de quinze jours.

Un amendement du rapporteur propose de supprimer ces règles minimales, en expliquant, sans rire, que c'est dans l'intérêt des salariés. Je le cite : « Il est donc de l'intérêt des salariés que les modalités de leur licenciement soient simplifiées et accélérées, dans la mesure où, en tout état de cause, l'entreprise a disparu et ses actifs ont été dispersés. Dans ces circonstances, les salariés sont en effet en attente d'une information et d'un traitement rapide de leur situation. [...] Il est donc inutile, sinon dommageable, pour les salariés d'appliquer les délais prévus par le droit commun. »

M. Xavier de Roux, rapporteur. Au lieu de faire de la propagande, dites-nous plutôt quel est le droit, aujourd'hui !

M. Alain Vidalies. Je l'ai rappelé, en parlant des délais. Ne vous énervez pas, monsieur le rapporteur.

M. Xavier de Roux, rapporteur. Je ne m'énerve pas ! Vous êtes un juriste, vous connaissez la loi, vous savez donc ce que dit le droit, aujourd'hui !

Mme la présidente. Poursuivez, monsieur Vidalies.

M. Xavier de Roux, rapporteur. Oui, il est interrompu, c'est intolérable ! (Sourires.)

M. Alain Vidalies. J'ai fait une lecture attentive de votre rapport, et, au surplus... (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la présidente. Poursuivez, monsieur Vidalies.

M. Alain Vidalies. Madame la présidente, c'est une agression verbale permanente !

M. Xavier de Roux, rapporteur. Ce n'est pas une agression verbale : c'est une question que je vous pose !

M. Alain Vidalies. L'agression verbale du rapporteur est destinée à me déstabiliser. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Émile Blessig. En effet, M. Vidalies a l'air complètement déstabilisé ! (Rires.)

M. Alain Vidalies. Je vais mobiliser tous mes moyens pour continuer.

M. Paul Giacobbi. Nous vous soutenons dans cette épreuve !

Mme Marylise Lebranchu. Bon courage !

M. Alain Vidalies. À vous lire, monsieur le rapporteur, on pourrait croire que vous répondez à une aspiration des organisations syndicales.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Une aspiration divine !

M. Alain Vidalies. Cette conception des rapports sociaux et de la place des salariés dans la vie de l'entreprise constitue une provocation supplémentaire bien inutile. Au total, il n'est donc pas étonnant que les salariés soient les grands absents de ce projet de loi. Il nous semble pourtant indispensable d'apporter des réponses à des questions légitimes sur la place et le rôle des salariés dans les différentes procédures.

En premier lieu, je veux évoquer le problème des conséquences de l'absence d'institutions représentatives du personnel dans les entreprises de moins de onze salariés. Certes, pour le contrôle des créances salariales, le droit positif organise dans tous les cas la représentation des salariés, mais l'absence d'institutions représentatives les exclut du droit à l'information et du droit à l'expression à chaque phase de la procédure. Comme nous l'avions fait pour l'assistance du salarié au moment du licenciement, avec la création du conseiller du salarié, il paraîtrait opportun de créer les conditions d'une assistance syndicale pour les salariés des petites entreprises concernés par une procédure collective.

Mme Marylise Lebranchu. Très juste !

M. Alain Vidalies. Cette assistance pourrait s'exercer soit dans le cadre d'une extension de la mission du conseiller du salarié, soit par le biais de la généralisation de l'intervention des délégués de site.

L'exercice du droit d'alerte dans les entreprises de moins de onze salariés mérite également d'être abordé. Ils sont en effet exclus de ce droit visé, dans le projet de loi, aux articles L. 631-5 et L. 640-6. Concrètement, les salariés d'une petite entreprise confrontés à la réalité d'un état de cessation de paiement ne disposent d'aucun cadre juridique pour alerter le président du tribunal de commerce ou le ministère public. Ce droit d'alerte spécifique pourrait être attribué au responsable départemental de chacune des organisations syndicales représentatives au plan national.

Mme Marylise Lebranchu. Très bonne idée !

M. Alain Vidalies. L'œuvre législative de votre majorité mériterait d'être coordonnée. En effet, la proposition de loi portant réforme de l'organisation du temps de travail, c'est-à-dire la loi sur les 35 heures, aura pour principale conséquence de permettre l'alimentation du compte épargne-temps. Dans son rapport au nom de la commission des affaires sociales, M. Morange notait : La garantie de l'AGS « étant limitée à un plafond fixé par décret, l'une des questions qui se pose, compte tenu du nouveau régime plus souple d'accumulation des droits sur le compte épargne-temps, sera celle de la garantie des droits supérieurs à ce plafond ». Or, en cas de surcroît d'activité, l'employeur pourra décider de mettre dans le compte épargne-temps les heures effectuées au-delà de la durée collective, ainsi que certains éléments complémentaires du salaire.

Il convient d'éviter au salarié tout risque de perdre le montant de ce compte qui devrait être exclu du plafond de l'AGS, notamment lorsque le salarié aura du mal à récupérer son compte épargne-temps, dans la situation de sauvegarde ou dans les autres cas prévus par la loi.

M. Arnaud Montebourg. Que répondez-vous à cela, monsieur de Roux ?

M. Alain Vidalies. En conclusion, la commission a certes déjà beaucoup travaillé, mais il paraîtrait nécessaire qu'elle reprenne l'examen du texte en organisant l'audition des syndicats de salariés, qu'elle a oubliés.

M. Xavier de Roux, rapporteur. Non, nous les avons entendus !

M. Alain Vidalies. Ils peuvent légitimement craindre d'être à ce jour les grands oubliés de cette réforme et même, au pire, si vous suiviez les propositions du rapporteur, d'en être demain les victimes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je voudrais simplement livrer une information à l'Assemblée nationale. Les organisations syndicales de salariés ont été reçues à trois reprises, par moi-même ou par mes collaborateurs. La première fois, dès l'origine des travaux, à l'été 2003, nous avons fait, avec elles, le bilan de la situation, nous avons recueilli leurs avis et leurs critiques sur la législation en vigueur. La deuxième fois, à la fin de l'année 2003 et au début de l'année 2004, nous leur avons soumis l'avant-projet de loi. Enfin, je les ai reçues, ces dernières semaines, avant le présent débat, pour connaître leur point de vue sur les différents sujets en discussion. Il ne me paraissait pas inutile que l'Assemblée nationale dispose de cette information.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Cette motion de renvoi en commission se justifie d'autant moins que, comme je l'ai fait observer en ouverture du débat, la commission des lois a eu, plus que d'habitude, le temps de travailler sur le sujet qui nous est proposé. Je rappelle, pour la deuxième ou la troisième fois, que, après s'être penchée sur la gouvernance de l'entreprise, la mission d'information sur le droit des sociétés avait décidé de faire porter ses travaux sur les procédures collectives : ses conclusions sont consignées dans un premier rapport. Le second rapport − celui de M. de Roux − compte plus de 700 pages. L'ampleur des informations qui y sont contenues prouve que nous avons tâché d'envisager toutes les possibilités et toutes les conséquences de nos décisions.

Quant aux salariés, ce sont les premiers qu'a reçus la mission d'information. Je ne me souviens d'ailleurs pas que nous ayons été bien nombreux pour les accueillir, ce qui est un peu dommage.

M. Paul Giacobbi. La qualité suppléait la quantité !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Nous avons, en toute confiance, essayé de faire progresser cette vaste question que, malheureusement, depuis le début de ce débat, vous considérez par le mauvais bout de la lorgnette. Vous essayez de passer pour les champions du social...

M. Alain Vidalies. Contre vous, ce sera facile !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Le droit du travail en a quand même pris dans la figure, ces derniers temps !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. ...en prétendant que vous, vous sauvez les salariés, alors que nous les sacrifions. Quel manichéisme ! En vous écoutant, je me demande s'il y a encore des Français assez peu formés, assez naïfs pour croire que la politique française se résume à cela : d'un côté, des bornés de droite, de vilains petits canards, s'acharnant à pratiquer des licenciements à tout prix...

M. Alain Vidalies. Vous avez le mérite de la clairvoyance !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. ...et, de l'autre, de grands généreux, des bons, grâce auxquels le chômage n'existe pas. D'ailleurs, c'est bien simple, chaque fois que la gauche est au pouvoir, le chômage s'effondre !

Mme Marylise Lebranchu. C'est ce qui s'est passé la dernière fois !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Madame, ne confondez pas tout : dans la croissance économique, vous n'êtes pour rien.

Mme Marylise Lebranchu. Le gouvernement n'est pour rien dans la croissance économique ?

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Ce que vous dites, madame, montre que les socialistes ont un vrai problème avec l'économie : ils s'imaginent qu'ils la font ! Ni la droite ni la gauche n'arrivent à créer la croissance économique.

M. Alain Vidalies. Elle n'est pas un peu archaïque, cette droite ?

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. On peut, c'est vrai, la contrarier ou l'encourager. Mais ce n'est sûrement pas un gouvernement, quel qu'il soit, qui fait la croissance.

Mme Marylise Lebranchu. M. Raffarin n'est pas d'accord avec vous !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Vous essayez de le faire croire aux Français. Pour ma part, je les prends au contraire pour des gens mûrs, je leur dis ce que peut le politique et ce qu'il ne peut pas.

En ce qui concerne les procédures collectives, nous dressons tous le constat affreux, extraordinairement préoccupant quand on pense aux hommes et aux femmes qui en font les frais, que ça ne marche pas, qu'il y a plus de 48 000 licenciements cette année.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C'est pour ça que vous accélérez les licenciements !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Ne pourrions-nous nous mettre d'accord, tous ensemble, sans idéologie, mais avec un peu de bon sens et d'expérience, pour faire avancer le sujet ?

M. Arnaud Montebourg. Avec du droit, aussi !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. C'est ce qui vous est proposé à l'occasion de ce débat. Vous avez fait, jusqu'à présent, beaucoup d'idéologie. Je vous encourage maintenant à faire, avec nous, avancer le droit des procédures collectives, dans l'intérêt des salariés, et à ne pas prendre des postures qui ne vous donnent l'air généreux qu'un court instant, car les Français savent depuis longtemps que les déclarations sont une chose...

M. Gérard Bapt. Ils le savent depuis qu'ils vous connaissent !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. ...et que les réalités politiques en sont une autre. Essayons ensemble de redonner un peu de crédibilité aux réalités politiques et les Français sortiront gagnants de nos débats. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Gérard Bapt. C'est vraiment parler pour ne rien dire !

Mme la présidente. Dans les explications de vote, la parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg. Nous sommes toujours surpris de voir que, sur les bancs du groupe de l'UMP, il n'y a pas d'expression politique en dehors de celle du président de la commission des lois, qui, d'ailleurs, remplace même le rapporteur.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Ce n'est pas vrai !

M. Arnaud Montebourg. Nous aimerions que notre assemblée établisse un partage des rôles conforme au règlement. Nous pourrions ainsi connaître la position du groupe de l'UMP, qui ne se résume pas forcément à la personnalité omnisciente et supérieure du président de la commission des lois. C'était une première remarque de forme.

Notre éminent collègue Alain Vidalies nous a donné à entendre une démonstration précise, fondée sur les textes, juridiquement documentée. Il a commencé par rappeler brièvement le contexte, l'engagement pris, au nom du Gouvernement, par le garde des sceaux ici présent, qui voulait faire en sorte qu'on ne puisse toucher au droit du travail sans négociation.

Le président Clément vient de dire que ce texte a donné lieu à moult et moult travaux de la commission.

M. Xavier de Roux, rapporteur. Auxquels vous n'avez pas assisté !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. On ne vous y a jamais vu !

M. Arnaud Montebourg. Certes, mais les syndicats de salariés n'ont été entendus qu'une fois, et ils n'étaient pas au complet. Le garde des sceaux vient d'ailleurs d'indiquer qu'il avait dernièrement reçu les organisations syndicales à la chancellerie.

Faut-il rappeler que le débat est né à la suite d'un amendement de M. de Roux, qui n'a cure des problèmes des salariés et qui se retrouve d'ailleurs incapable de s'exprimer, de plus en plus absent lorsqu'on l'interpelle ?

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Et voilà, les attaques personnelles reprennent !

M. Arnaud Montebourg. Nous verrons bien s'il est capable de défendre cet amendement, et de quelle manière. Malgré la discussion qui a eu lieu en commission des lois, cet amendement a mis le feu aux poudres et a été désavoué à deux reprises par le Gouvernement. Pourtant, deux sous-amendements, votés ce matin en commission des lois, ont pour objet de mieux rétribuer les licenciements dérégulés dans le cadre de la procédure de sauvegarde, qu'a décrite Alain Vidalies, avec le raccourcissement des délais. Paul Giacobbi le disait hier, ces licenciements pourront être massifs, souples et, de surcroît, rapides.

La procédure de sauvegarde n'est rien d'autre que l'absence de cessation des paiements, des sûretés supplémentaires pour les banques, une possibilité d'abandon de créances pour les caisses publiques et une dérégulation pour les salariés licenciés.

Une telle procédure est déséquilibrée. Et vous ne pouvez pas nous accuser de faire de l'idéologie quand nous ne faisons que dénoncer ce déséquilibre, qui est aggravé par l'utilisation assez curieuse, perverse même, et sans horizon dégagé, M. Vidalies vient de le montrer, de l'AGS. Nous sommes quand même en droit de poser des questions en rapport avec les autres lois, très contestables, qui ont été votées par cette majorité.

Sur la question du compte épargne-temps par exemple, aucune garantie ne nous est donnée sur ce que deviendra l'argent épargné sur ce compte par les salariés en cas de procédure de conciliation, de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire. Et ces questions relèveraient de l'idéologie selon le député de la Loire, voire seraient des interrogations de bolcheviks avec un couteau entre les dents ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Nous voulons simplement des réponses, et nous trouvons curieux que le ministre, qui fait ce qu'il peut dans ce débat, ne se lève pas plus souvent pour nous les fournir et pour rassurer la population qui nous écoute.

Puisque la commission des lois a pris beaucoup de temps pour, finalement, esquiver les problèmes et ne répondre à aucune des questions soulevées par les autres textes de loi qui se greffent sur celui-ci, nous sommes fondés à vous demander, mes chers collègues, et nous espérons arriver à vous convaincre, de renvoyer ce texte en commission.

Nous avons été extrêmement surpris de la manière dont le Gouvernement a subitement déclaré l'urgence sur un texte déposé en mai 2004. Et ce matin, en commission des lois, nous avons travaillé à la va-vite, la durée d'examen de chaque amendement ne dépassant pas quelques secondes.

M. Émile Blessig. Mais non !

M. Arnaud Montebourg. Et la veille, ce n'était guère mieux.

Mme la présidente. Monsieur Montebourg, je vous prie de conclure.

M. Arnaud Montebourg. J'en ai terminé, madame la présidente.

Nous avons été également extrêmement surpris de constater qu'au moins la moitié des cinq cents amendements du rapporteur avaient été déposés au dernier moment. Ce n'est pas sérieux et cela ne fait que renforcer les risques déjà considérables inhérents au texte, d'autant que la déclaration d'urgence va nous priver d'une lecture supplémentaire.

M. Paul Giacobbi. Quel dommage !

M. Arnaud Montebourg. Les conséquences risquent d'être cruelles. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. Sur le vote de la motion de renvoi en commission, je suis saisie par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

.......................................................................

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix la motion de renvoi en commission.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

.......................................................................

Mme la présidente. Le scrutin est ouvert.

.......................................................................

Mme la présidente. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

                    Nombre de votants 78

                    Nombre de suffrages exprimés 78

                    Majorité absolue 40

        Pour l'adoption 18

        Contre 60

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Discussion des articles

Mme la présidente. J'appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

Article 1er et annexe

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 2, portant sur l'annexe.

La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour le soutenir.

M. Xavier de Roux, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. J'ai déposé deux amendements, l'amendement n° 2 sur l'annexe et l'amendement n° 1 sur l'article 1er.

Le projet de loi de sauvegarde des entreprises, nous nous en sommes tous rendu compte, est complexe car ses dispositions sont souvent très sophistiquées. Par ailleurs, pour des raisons parfaitement légitimes, le projet améliore la nouvelle structure du livre VI du code de commerce, en distinguant clairement les différentes procédures - sauvegarde, redressement, liquidation - qui correspondent à autant de titres.

Cette réécriture d'ensemble du livre VI entraîne nécessairement de très nombreuses renumérotations d'articles présentées dans l'annexe au projet de loi.

Souhaitant simplifier la lecture du projet, la commission a retenu deux principes, que traduisent les amendements n°s 1 et 2. Ceux-ci permettront de supprimer du projet une soixantaine d'articles ou de parties d'articles, sans changer le fond du projet.

Ces deux principes sont les suivants :

En premier lieu, il est inutile au plan normatif de découpler la nomenclature du livre VI du code de commerce comme le prévoit le projet de loi en quasiment autant d'articles qu'il y a d'éléments de la nomenclature. Le tableau II de l'annexe du projet présenté par l'amendement n° 2 propose d'adopter la nouvelle structure du livre VI globalement et de faire ainsi l'économie de plus de trente articles ou paragraphes du projet de loi.

En second lieu, il est inutile de répéter dans des articles du projet de loi des substitutions de références découlant des renumérotations d'articles quand ces changements sont déjà présents dans l'annexe du projet. Il est donc proposé de faire l'économie de ces redondances, qui alourdissent un peu le projet de loi, et ainsi de supprimer à nouveau une trentaine d'articles ou de paragraphes.

Mme Marylise Lebranchu. Très bien !

M. Alain Vidalies. Ce n'est pas un bon point pour le Gouvernement !

M. Xavier de Roux, rapporteur. Enfin, la réécriture de l'annexe du projet de loi permet de corriger quelques erreurs du tableau de concordance. Ce tableau en effet crée de nombreux articles qui ne peuvent évidemment pas, par construction, concorder avec d'autres articles en vigueur. Le tableau mentionne des articles dont les numéros sont inchangés. C'est donc manifestement inutile.

M. Paul Giacobbi. Cela laisse planer un doute quant à la qualité du travail.

M. Alain Vidalies. C'est un réquisitoire !

M. Xavier de Roux, rapporteur. Le tableau renumérote certains articles avec plusieurs numéros.

Pour ces différentes raisons, et pour alléger sensiblement le projet de loi et n'en conserver que la substance, les amendements n°s 1 et 2 ont pour objet de réécrire totalement l'annexe avec deux tableaux, en ne conservant dans le premier que le sort des articles effectivement abrogés ou renumérotés, et en présentant, dans le second, la structure nouvelle du livre VI, avec tous ses intitulés et ses numéros d'articles. Nous supprimons les trente-cinq articles ou paragraphes d'articles qui ne servent qu'à présenter les libellés de la nomenclature. Nous supprimons enfin les trente-sept articles ou parties d'articles qui proposent seulement des changements de référence qui sont déjà prévus par la table de concordance.

Ainsi, après la réécriture de l'article 1er et de son annexe, soixante-dix amendements de suppression totale ou partielle permettront d'alléger le projet et la future loi d'autant d'articles ou de paragraphes inutiles.

De plus, les amendements n°s 1 et 2 devraient permettre de simplifier la présentation de chacun des articles de façon à harmoniser et à tirer tous les bénéfices de la simplification du texte du projet.

Enfin, il va de soi que l'adoption en bloc, dans l'annexe, de la structure complète du livre VI n'empêchera pas celle-ci d'évoluer au fil des amendements. Tel est l'objet des amendements n°s 1 et 2.

Mme Anne-Marie Comparini. C'est parfait !

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg. Autant nous avons déploré le silence de M. de Roux dans la séquence précédente, autant nous reconnaissons son activisme codificateur. Cette initiative est intéressante. Elle n'a qu'un seul défaut, en dehors du fait qu'elle condamne d'une certaine manière implicitement la chancellerie qui, semble-t-il, ignore le besoin de codifier pour rendre la loi accessible au plus grand nombre de nos concitoyens, alors que des commissions de codification existent dans notre pays,...

M. Xavier de Roux, rapporteur. Cela n'a rien à voir avec notre sujet.

M. Arnaud Montebourg. ...le seul défaut, disais-je, c'est que nous n'avons pas le moyen de bien comprendre ce qu'il nous propose. Nous allons donc nous abstenir, mais nous resterons vigilants, en espérant que le travail du rapporteur n'aura pas été inutile, au moins en cette matière.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'annexe est ainsi rédigée.

Je suis saisie d'un amendement n° 1, portant sur l'article 1er.

M. le rapporteur l'a déjà défendu.

M. le garde des sceaux. Avis favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'article 1er est ainsi rédigé.

Après l'article 1er

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 3 rectifié, portant article additionnel après l'article 1er.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Xavier de Roux, rapporteur. C'est un amendement qui devrait faire plaisir à M. Montebourg.

Il n'a pas pour objet de modifier la carte judiciaire.

M. Arnaud Montebourg. C'est décevant !

M. Xavier de Roux, rapporteur. Il ne fait que déplacer vers le tout début du nouveau livre VI le troisième alinéa de l'article L.621-2 résultant de la renumérotation de l'actuel article L. 621-5 du code de commerce, qui prévoit qu'un décret en Conseil d'État détermine dans chaque département le tribunal ou les tribunaux appelés à connaître des procédures de l'ensemble du livre VI, ainsi que le ressort dans lequel ces tribunaux exercent les attributions qui leur sont dévolues.

En effet, ce troisième alinéa concernant la compétence des tribunaux pour l'ensemble des procédures collectives ou amiables est placé à l'intérieur du titre II, relatif uniquement à la sauvegarde, alors qu'il concerne la totalité du livre VI et notamment les phases de prévention et les procédures négociées du titre Ier et les sanctions du titre V.

Il convient donc, sans autre objet que d'améliorer la lisibilité et l'intelligibilité du futur livre VI, de placer ce dispositif au tout début du livre VI.

Monsieur Montebourg, vous devriez être satisfait.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg. En 1997, lorsque Mme Guigou a entrepris de s'attaquer à la carte judiciaire, il y avait 250 tribunaux de commerce. Il en reste 191. On a toujours dit que c'était là œuvre impossible. Le risque de conflits d'intérêts dépendant de la taille des tribunaux, nous souhaiterions savoir si le Gouvernement a l'intention de reprendre ce travail concernant la carte judiciaire qui est déterminante et contribue à la moralisation, relative certes mais constructive, des tribunaux de commerce. Si tel est le cas, dans quels délais ? Je souhaite obtenir une réponse la plus précise possible.

A ceux de mes collègues qui seraient inquiets, je voudrais livrer une expérience personnelle. Le tribunal de Louhans, en Saône-et-Loire, a été l'une des premières victimes de la réforme Guigou de la carte judiciaire. Certains adversaires politiques de mon département se sont bien évidemment emparés de ce fait et ont commencé à faire signer des pétitions, mais ils ont vite cessé car trois pétitionnaires seulement demandaient le maintien de ce tribunal de commerce, qui n'était d'ailleurs pas un mauvais tribunal mais qui souffrait de sa petitesse et avait besoin d'être rapproché d'un autre qui, lui, pose maintenant des problèmes que j'ai évoqués dans une certaine question préalable.

Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. le garde des sceaux. Je voudrais indiquer, en réponse à M. Montebourg, que le Conseil d'État examine actuellement un projet de décret supprimant les tribunaux de Paimpol, de Romorantin, de Mayenne, de l'Île-Rousse, d'Issoudun, de Montélimar et de Salins-les-Bains.

M. Arnaud Montebourg. Y a-t-il d'autres projets, monsieur le garde des sceaux ?

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 3 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Article 2

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 4, tendant à supprimer l'article 2.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Xavier de Roux, rapporteur. C'est un amendement de coordination avec la réécriture de l'annexe.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l'article 2 est supprimé.

Article 3

Mme la présidente. Sur l'article 3, je suis saisie d'un amendement n° 572.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Xavier de Roux, rapporteur. Il s'agit d'un amendement purement rédactionnel.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 572.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 3, modifié par l'amendement n° 572.

(L'article 3, ainsi modifié, est adopté.)

Article 4

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 573.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Xavier de Roux, rapporteur. C'est également un amendement rédactionnel.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 573.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement n° 495.

La parole est à M. Jérôme Chartier, pour le soutenir.

M. Jérôme Chartier. Cet amendement concerne le rôle de l'expert-comptable dans une entreprise. Vous savez que le commissaire aux comptes doit transmettre au tribunal les informations en sa possession de nature à compromettre l'avenir de l'entreprise. Nous pensons que dans certains cas, notamment lorsqu'il y a défaut de commissaire aux comptes, l'expert-comptable serait la personne la mieux placée pour informer non pas le tribunal, en raison des clauses de confidentialité, mais les dirigeants dans des conditions qui restent à déterminer par décret en Conseil d'État. Il faut le faire de façon formelle, car il existe souvent une relation personnelle entre le dirigeant et l'expert-comptable et ce dernier peut avoir des difficultés à délivrer une information sur des faits de nature à compromettre l'avenir de l'entreprise à la personne qui lui fait tous les mois un chèque afin de payer ses honoraires. En adoptant cet amendement nous aiderions l'expert-comptable à assumer convenablement sa mission d'information auprès du dirigeant.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Xavier de Roux, rapporteur. Cet amendement est important. Nous avons réfléchi au problème de l'alerte justement pour pouvoir appréhender les difficultés de l'entreprise le plus en amont possible. Si beaucoup d'entreprises n'ont pas de commissaire aux comptes pratiquement toutes ont un expert-comptable. Or, il nous semble du devoir des experts-comptables, qui évidemment connaissent les comptes de leurs clients, d'alerter au cas où il ressortirait de ces comptes qu'une difficulté grave va surgir dans l'entreprise. C'est pourquoi la commission a déposé un amendement qui va jusqu'à reconnaître à l'expert-comptable un devoir d'alerte, c'est-à-dire de saisine du président du tribunal de commerce, si l'entreprise avertie par ses soins ne réagit pas. Beaucoup d'entreprises pourraient probablement être sauvées si elles avaient un conseil ferme.

M. Paul Giacobbi. Vous en avez parlé aux experts-comptables ?

M. Xavier de Roux, rapporteur. Naturellement !

M. Paul Giacobbi. Et ils sont d'accord ?

M. Xavier de Roux, rapporteur. Non ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Arnaud Montebourg. C'est extraordinaire !

M. Paul Giacobbi. Comme on les comprend !

M. Xavier de Roux, rapporteur. Monsieur Giacobbi, la loi Le Chapelier a mis fin aux corporations ! Nous représentons ici l'intérêt général. L'amendement de la commission des lois ne plaît peut-être pas aux experts-comptables, mais il va dans le sens de l'alerte correcte des entreprises. Il va plus loin que celui de M. Chartier qui se contente de prévoir que l'expert-comptable devra informer le dirigeant sans pouvoir saisir le tribunal de commerce.

Mme Marylise Lebranchu. C'est une grande erreur !

M. Xavier de Roux, rapporteur. Nous pensons, quant à nous, que le fait d'alerter le dirigeant de l'entreprise de ses difficultés est un devoir important.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. J'espère que personne ne trouvera inconvenant que le président de la commission ne soit favorable ni à cet amendement de M. Chartier ni à celui de M. le rapporteur que nous examinerons ensuite.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Vous êtes bien raisonnable !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Je n'y suis pas favorable pour des raisons de déontologie de la profession.

M. Paul Giacobbi. Très bien !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. L'expert-comptable, comme l'avocat, par définition, conseille son client.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec et M. Paul Giacobbi. Voilà !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Il serait risible d'écrire dans la loi que le conseil devra être donné dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État ! On va bientôt nous demander de consulter le Conseil d'État avant de faire de la bicyclette !

M. Paul Giacobbi. C'est sûrement déjà prévu !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. C'est ahurissant !

Mme Anne-Marie Comparini. Absolument !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Quant à M. le rapporteur , qui par ailleurs garde toute mon estime et mon amitié, il va beaucoup plus loin en proposant que ce devoir d'alerte aille jusqu'à la saisine du président du tribunal de commerce. Vous imaginez !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous imaginons très bien !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Il n'y aurait plus de conseil, plus de confiance.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il n'y aurait plus rien !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Ce serait le mensonge assuré. C'est impensable ! Inutile de dire que les experts-comptables ne comprennent même pas ces amendements. Je supplie donc l'Assemblée de n'adopter ni l'un ni l'autre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. L'amendement actuellement en discussion rappelle un principe déontologique. M. Chartier souhaite l'écrire dans la loi. Quant à moi, je m'en remettrai à la sagesse de l'Assemblée, mais ce rappel me semble inutile.

En revanche, on ne peut envisager que l'expert-comptable ait l'obligation de « dénoncer » au tribunal de commerce la personne pour laquelle il travaille, comme le proposera tout à l'heure M. le rapporteur. Cela me paraît totalement exclu. La profession, que j'ai consultée, est également hostile à ce second amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg. Je m'étonne que M. le garde des sceaux n'adopte pas une position claire sur un sujet de cette nature.

M. le garde des sceaux. Parlez de votre position, pas de la mienne !

M. Arnaud Montebourg. L'amendement de M. Chartier est rédigé d'une curieuse manière. Si l'on veut que les experts-comptables deviennent les « alerteurs » - je n'ose pas utiliser un autre mot - des difficultés des entreprises, il vaut mieux ne pas confier au Conseil d'État le soin de définir les conditions d'exercice d'une telle mission. De ce point de vue, je rejoins l'ironie du président de la commission des lois. Cela renvoie en effet au problème de la responsabilité. Que se passera-t-il quand l'expert-comptable n'aura pas alerté ? Sera-t-il responsable ou pas ? Et qu'en sera-t-il du secret professionnel auquel il est soumis ?

Nous avons là deux sujets fondamentaux qui relèvent de l'article 34 de la Constitution et que l'on renvoie au pouvoir règlementaire, pour des raisons techniques ou politiques, le garde des sceaux s'en remettant à la sagesse de l'Assemblée. Nous risquons l'embardée, mes chers collègues ! Le président de la commission des lois vous a suppliés de rejeter cet amendement. Nous n'irons peut-être pas jusqu'à nous mettre à genoux pour cela, mais s'il était adopté nous courrions le risque majeur d'être placés dans une situation inextricable. Cet amendement ne peut en aucune façon être soutenu.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Houillon.

M. Philippe Houillon. L'amendement de M. Chartier est simple et il a le mérite de consacrer clairement le devoir de conseil de l'expert-comptable. Il ne faut pas confondre cet amendement avec celui dont les orateurs ont parlé, qui n'est pas soumis pour l'instant au vote de l'Assemblée et qui consiste à demander à l'expert-comptable d'alerter une autorité extérieure.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Autant écrire dans la loi que l'expert-comptable a un rôle de conseil. C'est du Fernand Raynaud !

M. Philippe Houillon. Quand cet amendement viendra en discussion, je vous proposerai de le rejeter, précisément parce que l'expert-comptable - l'amendement de M. Chartier ne dit pas autre chose - doit, à titre de conseil, jouir de la confiance de son client pour pouvoir l'aider au lieu de lui faire courir le risque d'une dénonciation.

Mme Anne-Marie Comparini. Il ne s'agit pas de cela !

M. Alain Vidalies. Pas du tout !

M. Philippe Houillon. Je suis donc favorable à l'amendement n° 495, à cela près qu'il faut peut-être le sous-amender afin de ne pas renvoyer à un décret en Conseil d'État la définition des conditions dans lesquelles l'expert-comptable doit exercer son rôle de conseil.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Le texte de l'amendement est déjà assez bavard !

M. Philippe Houillon. Il est bon de réaffirmer le devoir de conseil de l'expert-comptable, mais il serait excessif de compliquer les choses plus avant.

Mme la présidente. La présidence n'accepte de sous-amendement qu'écrit.

La parole est à Mme Anne-Marie Comparini.

Mme Anne-Marie Comparini. Au nom de mon groupe, je voterai contre ces deux amendements, pour une raison de bon sens. Faisons confiance aux professions, surtout lorsqu'elles sont organisées.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Évidemment !

Mme Anne-Marie Comparini. N'oublions pas que des relations personnelles s'établissent entre les experts-comptables et les chefs d'entreprise. Ce n'est pas au législateur à leur dicter leur comportement.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Et arrêtons le bavardage : ce qui tombe sous le sens n'a pas à être dit dans la loi !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Puisque nous abordons un débat sur la sauvegarde des entreprises, il me paraît nécessaire de ne pas oublier ce qui s'y passe. Dans celles qui n'ont pas de commissaires aux comptes, les experts-comptables jouent un rôle extrêmement important. Au-delà de leur fonction de conseil, ils rédigent les feuilles de paie et indiquent dans quelles conditions peuvent être engagées les procédures de rupture de contrat. Ils vont même plus loin dans la relation de confiance, puisqu'ils travaillent sur l'établissement des conventions et sur les modalités de discussion avec des partenaires comme les banques.

Dans quelles conditions veut-on que ces professionnels, appelés à respecter des règles de déontologie dans lesquelles ils engagent leur responsabilité pénale, disent à celui qui l'emploie qu'il doit faire attention parce qu'il est entré dans un processus qui compromet la continuité de l'entreprise ?

Mme Anne-Marie Comparini. C'est tout de même son travail !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Vont-ils le faire par écrit, en recommandé avec accusé de réception, pour garder la trace de ce courrier, parce que, comme l'a souligné Arnaud Montebourg, le problème de leur responsabilité va se poser ?

M. Paul Giacobbi. Évidemment !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ces experts-comptables verront-ils demain leur responsabilité engagée ? Seront-ils poursuivis par la justice ? Nous connaissons tous les contraintes liées à la procédure de liquidation judiciaire.

En outre, s'ils doivent attirer l'attention des dirigeants sur les difficultés de l'entreprise, dans quel cadre de relations cette obligation s'inscrira-t-elle ? À quel titre, sur le plan déontologique, pourront-ils demander à ceux dont ils sont les prestataires de continuer à s'occuper de leur comptabilité ? Il y a une aberration. Si l'on sort de la pratique concrète des entreprises qui n'ont pas de commissaires aux comptes, dans quelle situation va-t-on placer experts-comptables et dirigeants ?

M. Arnaud Montebourg. Très bien !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Enfin, nous aurions tout intérêt à prendre des précautions, pour le cas où les experts-comptables ne seraient pas d'accord avec la gestion d'une entreprise, puisque ce sont eux qui devraient contrôler les modalités selon lesquelles la profession exercerait cette obligation légale.

M. Arnaud Montebourg. Très bien !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Au mieux, cette question devrait être examinée à l'occasion d'un autre débat et, en tout état de cause, il convient de rejeter cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. Sur l'amendement n° 495, je suis saisie par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. Je ne suis pas sûr que cette annonce de scrutin public soit utile, puisque je vais retirer cet amendement.

M. Arnaud Montebourg. Il fallait le dire plus tôt !

M. Jérôme Chartier. Auparavant, je tiens à indiquer aux orateurs qui viennent de s'exprimer que tous leurs arguments plaident en faveur d'une formalisation de l'alerte du chef d'entreprise par l'expert-comptable.

Ils ont souligné que l'expert-comptable entretient une relation personnelle avec le dirigeant, qu'il établit les fiches de paie et qu'il l'aide parfois à établir sa déclaration fiscale. Que doit-il faire si, un jour, il ne sait plus comment dire au dirigeant que l'entreprise va mal et qu'elle risque de déposer son bilan dans quelques mois ?

M. Paul Giacobbi. Dans ce cas, il doit changer de métier !

Mme Anne-Marie Comparini. Ce n'est pas l'objet de la discussion !

M. Jérôme Chartier. À mon sens, s'il ne trouve plus les mots nécessaires, il est bon de l'aider pour qu'il puisse écrire ce qu'il pense et même de lui imposer de le faire. Faute d'une obligation formelle, il n'interviendra pas.

Le projet de loi relatif à la sauvegarde des entreprises traite de la prévention et de deux phases en amont du redressement judiciaire : la conciliation et la sauvegarde. Pour les mener à bien, il faut que des personnes de l'entourage du dirigeant, qui disposent de sa confiance, puissent l'alerter et le décider à aller en conciliation ou à la sauvegarde. Or l'expert-comptable est l'une des personnes les plus proches du chef d'entreprise.

C'est la raison pour laquelle j'ai déposé cet amendement. Dans la profession, nombreux sont ceux qui le considèrent d'un œil favorable, tandis qu'ils portent un jugement plus négatif sur celui de la commission des lois. Constatant que l'Assemblée est elle-même défavorable à mon amendement, je le retire, mais je tiens à souligner formellement que le débat est ouvert.

M. Arnaud Montebourg. D'accord !

M. Jérôme Chartier. Un jour ou l'autre, il faudra aider l'expert-comptable à parler aux dirigeants. Il ne sait pas nécessairement le faire, car il n'en a pas toujours les moyens.

M. Yves Bur. Le débat est clos ! Cela suffit !

M. Jérôme Chartier. Il faut savoir aussi que, dans certains cas, l'expert-comptable n'a que quatre ou cinq clients qui lui assurent son chiffre d'affaire. Va-t-il se couper un bras en prévenant un dirigeant que son entreprise va mal et qu'il l'a mal gérée ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Paul Giacobbi. Vaudrait-il mieux falsifier les comptes ? Le raisonnement est absurde !

Mme la présidente. Merci, monsieur Chartier.

M. Jérôme Chartier. C'est la raison pour laquelle il faudra que l'Assemblée nationale exprime un jour, d'une façon ou d'une autre, son appui à l'expert-comptable face au dirigeant d'entreprise, dans le cadre de ces procédures d'alerte.

Mme la présidente. L'amendement n° 495 est retiré. Dès lors, le scrutin public est annulé.

J'en viens donc à l'amendement n° 5.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Xavier de Roux, rapporteur. Vous le savez, le code du commerce fait obligation aux entreprises de déposer leurs comptes au greffe du tribunal de commerce. Cette mesure de publicité existe depuis 1967.

Or, pour diverses raisons, les entreprises négligent de le faire. Certaines prétendent avoir d'excellentes excuses pour ne pas respecter la loi. Ainsi plus de 50 % des comptes ne sont pas déposés et on peut être certain qu'une entreprise qui connaît des difficultés ne les dépose pas.

C'est pourquoi cet amendement propose de donner au président du tribunal de commerce le pouvoir d'ordonner sous astreinte le dépôt des comptes.

Mme Anne-Marie Comparini et M. Alain Vidalies. . Très bien !

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Sagesse.

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg. Nous soutenons cette mesure de bon sens. En effet, s'il existe une comptabilité pour l'ensemble des entreprises, il n'y a aucune raison pour que l'on ne puisse pas accéder aux informations comptables de certaines d'entre elles.

L'entreprise ne vit pas en vase clos. Elle a des partenaires, des observateurs, des concurrents et des salariés. Il est nécessaire de mettre en œuvre de manière plus active cette obligation qui existe dans les mêmes termes dans tous les pays européens.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Houillon.

M. Philippe Houillon. Pour ma part, je suis défavorable à cet amendement que je considère comme dangereux.

Le projet de loi permet déjà au président du tribunal de commerce de faire injonction, à des entreprises qui ne l'auraient pas fait, de déposer leurs comptes, ce qui est normal. (« Non ! Non ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Par ailleurs, il prévoit, dans l'hypothèse où les entreprises ne satisferaient pas à cette injonction, une sanction lourde : la convocation devant le juge de la prévention pour qu'il prononce, le cas échéant, toute mesure qui apparaîtrait nécessaire au vu de la situation constatée. Sur ce point, la cohérence du projet de loi est totale.

Or l'amendement propose d'ajouter une sanction supplémentaire, ce qui me gêne d'autant plus que celle-ci ne serait pas contradictoire. Il permettrait en effet au président du tribunal de commerce de prononcer unilatéralement une sanction pécuniaire, de manière totalement arbitraire et sans entendre la personne concernée.

M. Arnaud Montebourg. L'amendement prévoit que le président du tribunal de commerce agirait dans le cadre d'un référé et non sur une simple requête !

M. Philippe Houillon. Non, justement ! Il ne s'agirait pas d'un référé, mais je vous suis reconnaissant d'évoquer ce problème, monsieur Montebourg, car il y a une contradiction entre le texte de l'amendement et l'exposé des motifs. Dans l'amendement, il ne s'agit pas d'un référé, donc pas d'une procédure contradictoire.

M. Arnaud Montebourg. Autant pour moi, excusez-moi !

M. Philippe Houillon. Il serait dangereux de permettre la mise en œuvre d'une mesure pécuniaire arbitraire, non contradictoire, unilatérale et dont le montant ne serait même pas contrôlé puisque rien n'est prévu dans l'amendement pour l'encadrer. Une telle disposition ne peut être adoptée en l'état.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Xavier de Roux, rapporteur. Je suis extrêmement étonné par la position de Philippe Houillon, car il ne s'agit au fond que d'assurer un pouvoir de police au président du tribunal de commerce. L'obligation de déposer les comptes est, de plus, une affaire fort ancienne, qui remonte à 1967.

M. Philippe Houillon. Je suis d'accord sur ce point.

M. Xavier de Roux, rapporteur. Je trouve cette position très grave.

Naturellement, je connais fort bien le raisonnement qui justifie le non-dépôt des comptes. Les entreprises arguent qu'elles travaillent avec la grande distribution et que, si leurs bénéfices sont connus, celle-ci les étranglera.

M. Alain Vidalies. L'argument est bien connu.

M. Arnaud Montebourg. Voilà ce que c'est que le libéralisme !

M. Xavier de Roux, rapporteur. Je connais cet argument pour l'avoir souvent entendu. J'ai reçu de nombreux représentants d'entreprise qui me l'ont opposé. Néanmoins je considère qu'il faut assurer la transparence des comptes. L'obligation de leur dépôt n'est pas respectée : 62 % des SARL s'en dispensent, ce qui est inadmissible si l'on veut avoir une vraie police et une alerte efficace en ce qui concerne les difficultés des entreprises.

Je maintiens donc cet amendement et je demande à l'Assemblée de le voter.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour soutenir l'amendement n° 390.

M. Arnaud Montebourg. Le ministre a justifié la décision du Gouvernement de déclarer l'urgence sur ce texte en indiquant qu'il faudrait beaucoup de temps pour publier l'ensemble des décrets d'application de cette loi « complexe et technique ».

C'est la raison pour laquelle nous avons décidé de défendre la compétence parlementaire et de lutter contre le renvoi systématique à la chancellerie, à l'exécutif et au Conseil d'État de l'élaboration du décret d'application qui paralyse la mise en œuvre de la loi. Passer davantage de temps sur le travail parlementaire permet d'en gagner sur la publication des décrets. Tel est le sens de cet amendement.

Au cours du débat, nous en défendrons d'autres qui vont dans le même sens. J'invite l'ensemble de nos collègues à défendre notre compétence pour que le Parlement exerce la plénitude de ses fonctions et cesse de s'en remettre de manière excessive au silence du pouvoir exécutif.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Xavier de Roux, rapporteur. La commission est contre cet amendement.

La Constitution distingue très clairement les domaines respectifs du pouvoir législatif et du pouvoir réglementaire, et il est inutile d'y revenir sans cesse. Nous n'avons pas à modifier ici, dans le cadre de cette discussion, la Constitution de la République.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, pour les raisons que vient d'exposer le rapporteur.

Par ailleurs, je tiens à rappeler ce que j'ai dit, car ce n'est pas ce que vous avez cru entendre, monsieur Montebourg. J'ai indiqué que je souhaitais que le projet de loi puisse être adopté avant le 14 juillet, afin que le délai probable de mise en œuvre des décrets nous permette d'appliquer la loi au 1er janvier 2006.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 390.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 6.

M. Xavier de Roux, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Arlette Grosskost, pour présenter l'amendement n° 332.

Mme Arlette Grosskost. Sans remettre en cause l'obligation de dépôt des comptes au greffe - comptes qui peuvent être exploités par tout observatoire, quel qu'il soit -, cet amendement permettrait que, dans certaines circonstances, notamment dans un environnement concurrentiel particulier, ils puissent, après avis du procureur de la République, ne pas être communiqués à des tiers.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Xavier de Roux, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement, pour les raisons que j'ai indiquées tout à l'heure. Chacun doit respecter la loi, et aucun corporatisme ne justifie que l'on y déroge.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 332.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 7.

M. Xavier de Roux, rapporteur. Cet amendement est retiré, compte tenu de la discussion que nous avons eue lors de l'examen de l'amendement n° 495.

Mme la présidente. L'amendement n° 7 est retiré.

Nous en venons donc à l'amendement n° 391.

La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour le défendre.

M. Arnaud Montebourg. Tout à l'heure, on a cru utile de proposer que soit confiée une mission d'alerte à des partenaires extérieurs à l'institution judiciaire, avec les problèmes de déontologie et de responsabilité que cela pose. Or, comme nous l'ont suggéré des praticiens qui connaissent bien le fonctionnement des tribunaux de commerce, nous avons à portée de main une mine d'informations à l'intérieur de l'institution consulaire. Je veux parler des greffes des tribunaux de commerce qui emmagasinent quantité d'informations, notamment sur les impayés en matière de créances publiques. Nous verrons d'ailleurs plus tard que la question du devoir d'alerte de l'URSSAF a été très clairement posée.

Il faut utiliser au mieux ce qui existe déjà et, de ce point de vue, étendre aux greffes des tribunaux de commerce la mission d'informer le président du tribunal ne nous paraît pas excessif. J'ajoute que cela ne porte atteinte à aucune règle ni à aucun droit, dans la mesure où les greffes sont précisément un magasin d'informations, qu'ils savent d'ailleurs parfaitement monnayer ; nous en reparlerons plus tard.

Par ailleurs, je crois savoir que même la CGPME soutient cette idée, que nous vous soumettons afin que ce texte soit le meilleur possible, malgré la déclaration d'urgence par le Gouvernement.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Xavier de Roux, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement, car les greffiers des tribunaux de commerce, que vous n'aimez pas beaucoup, monsieur Montebourg, exercent cette mission d'information auprès des présidents. En outre, si l'on veut leur confier une mission nouvelle, il faudrait qu'elle soit rémunérée.

M. Arnaud Montebourg. Ah bon ?

M. Xavier de Roux, rapporteur. Or j'ai cru comprendre que vous étiez assez peu favorable à l'augmentation des honoraires des greffes.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg. Faudrait-il rémunérer les greffes, alors que celui du tribunal de commerce de Paris, par exemple, a réalisé, en 1996, 39 millions de francs de bénéfices ? La réponse du rapporteur, tout comme sa résistance à cette idée, me paraît curieuse, et je lui demande solennellement d'y réfléchir sérieusement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 391.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vidalies, pour présenter l'amendement n° 540 rectifié.

M. Alain Vidalies. Cet amendement, que j'ai évoqué lorsque j'ai défendu la motion de renvoi en commission, concerne les conditions dans lesquelles l'information sur la situation des petites entreprises, notamment, peut être portée à la connaissance du président du tribunal.

Lorsqu'elles existent, les institutions représentatives du personnel - comité d'entreprise ou délégués du personnel - peuvent prendre l'initiative d'informer le président du tribunal. Certes, le code du travail et le code du commerce mentionnent souvent que cette information peut être transmise par « le comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel », laissant à penser que cette disposition s'applique à toutes les entreprises de plus de onze salariés, où des délégués du personnel sont obligatoirement désignés. En réalité, cependant, ne sont visées que les entreprises de plus de cinquante salariés dans lesquelles il existe obligatoirement un comité d'entreprise, les délégués du personnel n'intervenant qu'en cas de carence de ce dernier.

La question des droits et de la représentation des salariés reste donc entière pour les entreprises de moins de cinquante salariés. Or 90 % des procédures dont nous parlons concernent des entreprises de moins de dix salariés. Les droits de ces derniers ne peuvent être ignorés.

M. Arnaud Montebourg. Très juste !

M. Alain Vidalies. Nous proposons donc que, pour les petites entreprises, le responsable départemental d'une organisation syndicale représentative puisse informer le président du tribunal ou le ministère public de leurs difficultés. En effet, le préambule de la Constitution de 1946 précise bien que les salariés exercent leurs pouvoirs à travers leurs représentants. Du reste, il me semble que nous aurions intérêt à nous mettre d'accord sur le fait que ce sont bien les organisations syndicales qui représentent les salariés, et non pas par d'autres institutions qui, comme certains le souhaitent, entreraient en concurrence avec elles, ce qui, en fin de compte, ne serait dans l'intérêt ni des entreprises ni des salariés.

Par ailleurs, nous estimons qu'en limitant le pouvoir d'information au seul responsable départemental des organisations syndicales représentatives au niveau national, nous apportons une réponse appropriée qui écarte tout risque. Quoi qu'il en soit, même si certains n'acceptent pas cette proposition sur un plan pratique, il convient d'assurer les droits des salariés des entreprises de moins de onze salariés. D'autres solutions sont possibles. Le pire serait de n'en apporter aucune. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Xavier de Roux, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement. En effet, le code du travail prévoit déjà, dans ses articles L. 432-5 et R. 432-17, un droit d'alerte du comité d'entreprise.

M. Michel Vaxès. L'amendement concerne les cas où il n'y a pas de comité d'entreprise !

M. Xavier de Roux, rapporteur. Par ailleurs, l'information du comité d'entreprise par le commissaire aux comptes dans le cadre de son devoir d'alerte est prévue aux articles L. 612-2 et L. 612-3. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Alain Vidalies. Quand il y a plus de cinquante salariés !

M. Xavier de Roux, rapporteur. Enfin, selon le droit commun, quiconque connaissant les difficultés d'une entreprise, notamment un représentant syndical, peut saisir le président du tribunal de commerce. Cela se fait d'ailleurs assez souvent.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement car ce qu'il souhaite écrire dans la loi est déjà de pratique quotidienne. Les organisations syndicales me l'ont d'ailleurs confirmé lorsque je les ai rencontrées. Des représentants du comité d'entreprise, des délégués syndicaux de l'entreprise ou des responsables syndicaux départementaux informent le procureur de la République, le président du tribunal, voire le préfet ou le maire de la ville. Ne faisons pas une loi bavarde.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Nous avançons, car vous reconnaissez que c'est une réalité, alors que vous auriez pu invoquer une approche dogmatique ou idéologique.

Nous avons également rencontré les organisations syndicales, monsieur le garde des sceaux, et elles nous ont dit qu'il était nécessaire que leur intervention ait un fondement juridique. En effet - et le président de la commission a même cité des exemples dans lesquels un parlementaire devait intervenir auprès du président du tribunal de commerce -, la légitimité de leur démarche ne peut dépendre de l'humeur, des convictions ou de l'appréciation du président de tribunal de commerce.

Que les représentants des petites entreprises rencontrent les présidents des unions départementales des organisations syndicales, lesquels décident ensuite d'entreprendre une démarche auprès du président du tribunal ou du procureur, c'est en effet la pratique. Toutefois il faut que cette démarche ait un fondement légitime qui garantisse sa recevabilité.

En outre, cette pratique n'est pas généralisée. Par conséquent, en refusant de l'inscrire dans la loi, vous laissez persister une inégalité entre les salariés en matière de droit d'alerte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Émile Blessig. Mais non !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Xavier de Roux, rapporteur. Nous avons, nous aussi, interrogé les responsables syndicaux. J'ai posé personnellement la question à M. Jean-Claude Quentin, représentant de Force ouvrière. Je vais vous lire sa réponse, qui figure à la page 54 du rapport d'information de la commission des lois.

M. Arnaud Montebourg. Nous l'avons déjà lu !

M. Xavier de Roux, rapporteur. Il nous a dit : « Aujourd'hui, lorsqu'on parle du droit d'alerte, on parle surtout d'une relation avec le chef d'entreprise, ou éventuellement avec les administrateurs.

« Il existe, si mes souvenirs sont bons, une procédure permettant de saisir le président du tribunal de commerce qui peut, en toute confidentialité, mener une enquête sur le fonctionnement de l'entreprise et même convoquer le chef d'entreprise pour lui demander des explications.

« Le droit d'alerte doit être utilisé dans ce sens : un salarié ou un délégué syndical qui a des doutes sur la bonne santé de son entreprise doit demander au secrétaire d'Union départementale d'envoyer un courrier au président du tribunal de commerce pour lui faire part d'éléments mettant manifestement l'entreprise en péril. »

Dans la mesure où nous avons posé expressément la question aux représentants syndicaux, je m'en tiens à la réponse qu'ils ont donnée.

M. Alain Vidalies. Je n'ai pas dit autre chose !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Nous avançons !

Mme la présidente. La parole est à M. Émile Blessig.

M. Émile Blessig. Il me paraît important de bien distinguer l'alerte proprement dite de l'option qui s'offre ensuite au président du tribunal de commerce. En l'occurrence, nous traitons de l'alerte, et la question qui se pose est de savoir si ce pouvoir d'information est effectif dans les petites entreprises. Pour moi, la réponse est oui.

Quant à l'opportunité de formaliser davantage ce pouvoir d'information, je n'en suis pas convaincu. Il me semble que celui-ci doit être exercé en préservant une certaine souplesse, compte tenu des réalités sociologiques des petites entreprises et de leurs salariés que vous souhaitez protéger.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 540 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 4, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 4, ainsi modifié, est adopté.)

Article 5

Mme la présidente. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 5.

La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès. L'article 5 du projet de loi est relatif à la procédure de conciliation, qui vient remplacer l'actuelle procédure de règlement amiable.

Elle reste un mode de traitement préventif extrajudiciaire des difficultés des entreprises pour une tentative de redressement amiable. Cette procédure est ouverte à la seule initiative du débiteur, lequel pourra en bénéficier lorsque l'entreprise éprouvera une difficulté juridique, économique ou financière avérée ou prévisible, ou bien lorsqu'elle se trouvera en état de cessation de paiement depuis moins de 45 jours.

À ce sujet, je veux formuler trois remarques.

Premièrement, en ouvrant le bénéfice de cette procédure à la seule demande du débiteur, le texte part d'un présupposé plus que contestable. Il pose en effet en préalable que le chef d'entreprise est apte à analyser sa situation économique et à déterminer le procédé de traitement qui lui est le plus favorable : la voie amiable ou la voie judiciaire. Pourtant, force est de constater qu'aujourd'hui le dirigeant refuse le plus souvent de reconnaître un état de cessation des paiements déjà avéré. En conséquence, il est dangereux de remettre entre ses seules mains le choix de l'ouverture d'une procédure de conciliation, d'autant que nous ne pouvons être à l'abri de débiteurs qui, souhaitant à tout prix éviter une procédure judiciaire, négocient un accord amiable très désavantageux à la fois pour le dirigeant de l'entreprise et pour ses salariés.

Cela me conduit à ma deuxième remarque : les salariés sont écartés de la possibilité de demander le bénéfice d'une procédure de conciliation pour leur entreprise. Pourtant, ils peuvent aussi être aptes à analyser leur situation économique et à déterminer le procédé de traitement le plus favorable à l'entreprise. C'est pourquoi il convient de leur ouvrir ce bénéfice. Le risque de voir un débiteur négocier un accord amiable très désavantageux serait ainsi écarté. Les salariés ne se livreraient pas à des stratégies judiciaires, car eux n'hésiteraient pas à recourir à la voie judiciaire si cela s'avérait nécessaire. Ils n'accordent pas la même signification à la reconnaissance des difficultés qu'un dirigeant d'entreprise.

Enfin, en prévoyant que la conciliation peut être ouverte même en cas de cessation de paiements depuis moins de 45 jours, le texte ouvre une période d'insécurité juridique. Il brouille en effet les critères d'ouverture des procédures en diluant l'importance de la cessation de paiements et favorise, là encore, les calculs stratégiques des dirigeants et des créanciers, au détriment des intérêts des salariés.

Pour pallier ces risques, nous avons déposé des amendements visant à ce que les salariés puissent être à l'initiative ou pleinement associés à la procédure de conciliation.

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg. Le mandat ad hoc, d'origine prétorienne, fait désormais partie de la norme législative. Assez peu utilisé, il aboutit pourtant à deux tiers de sauvetages parmi les entreprises qui y ont recours. Ce taux de réussite, meilleur que celui des procédures collectives, fait que l'on peut considérer ce dispositif comme satisfaisant.

Il n'en est pas de même de la conciliation. Présentant une certaine similitude avec le règlement amiable, dont elle s'inspire, elle pose problème lorsqu'elle aboutit à un déséquilibre dans la procédure du fait de la rupture de la confidentialité. En cas de difficultés rencontrées par l'entreprise, il est normal que ses partenaires soient informés afin de permettre la conclusion d'un accord. Si la procédure de conciliation est critiquable, c'est en raison du privilège bancaire qu'elle entraîne.

J'ai dû subir, hier soir, les attaques du président et du rapporteur de la commission des lois qui m'accusaient d'avoir des visions, telle sainte Bernadette. Force est pourtant de constater que votre texte accorde un privilège au créancier bancaire sur l'argent frais injecté dans l'entreprise. Dès lors que vous rompez l'égalité entre les créanciers, vous devez les en informer, et cette rupture de la confidentialité a pour effet d'effrayer tous les candidats à la procédure de conciliation. C'est un véritable cercle vicieux.

Je le répète, nous condamnons non pas la conciliation, mais le privilège accordé aux banquiers et la rupture de confidentialité qu'il entraîne. Ainsi, le jugement d'homologation d'un accord intervenu à la suite d'une conciliation fera l'objet d'une publicité et sera susceptible de tierce opposition par un créancier, ce qui provoquera la fragilisation de l'entreprise, pouvant mener jusqu'à sa liquidation.

Quand nous attirons l'attention sur les effets pervers du privilège, ce n'est ni du délire, ni de la fumisterie, ni de l'idéologie, comme vous voudriez le faire croire, mais la dénonciation d'un problème bien concret.

C'est pourquoi nous avons déposé un amendement de suppression de l'article 5.

Mme la présidente. Je suis en effet saisie d'un amendement n° 392 visant à la suppression de l'article 5.

La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour le soutenir.

M. Arnaud Montebourg. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Xavier de Roux, rapporteur. La commission est hostile à cet amendement qui reviendrait à supprimer et le mandat ad hoc, et la conciliation. Certes, pour M. Montebourg, les banques sont les principales ennemies de la République, à lui en donner des cauchemars. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Arnaud Montebourg. Ridicule !

M. Xavier de Roux, rapporteur. C'est en tout cas ce que vous ne cessez de répéter depuis deux jours !

M. Arnaud Montebourg. Si vous continuez, je vais devoir faire un rappel au règlement !

M. Xavier de Roux, rapporteur. Quoi qu'il en soit, la commission est hostile à la suppression de deux institutions qui fonctionnent efficacement, à savoir le mandat ad hoc et la conciliation, qui pourrait être ouverte à l'égard des entreprises se trouvant depuis moins de 45 jours en cessation de paiements. Cet assouplissement constitue une innovation très importante.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. L'esprit de l'article 5 est d'apporter une sécurité juridique qui n'existe pas aujourd'hui. Le Gouvernement est donc défavorable à la suppression de cet article très important.

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg. Cet amendement est un amendement de discussion : je veux simplement appeler l'attention de nos collègues sur le problème du privilège. Non pas que nous pensions, comme le prétend M. de Roux, que les banques sont l'ennemi public de la République. Dans toute économie, les banques sont nécessaires...

M. Xavier de Roux, rapporteur. Ah ! Il l'a dit ! (Sourires.)

M. Arnaud Montebourg. Je l'ai dit parce que je le pense. Mais quelle contrepartie exiger à ce privilège ? Quels risques de déséquilibre provoquera-t-il ? Telles sont les questions, tout à fait sérieuses, que nous posons.

Nous soutenons le mandat ad hoc et nous ne sommes pas contre la conciliation, sous réserve de l'aménagement du dispositif proposé. À cet égard, nous avons déposé un amendement de modification visant à pallier les inconvénients de la conciliation, laquelle, en l'état actuel, pourrait se révéler lourde de conséquences.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. J'essaie de suivre le raisonnement de M. Montebourg, ce qui n'est pas toujours facile.

L'article 8, qu'il voudrait supprimer, dispose que les personnes qui consentent « un crédit ou une avance au débiteur en vue d'assurer la poursuite d'activité de l'entreprise et sa pérennité, sont payées, pour le montant de ce crédit ou de cette avance, par privilège à toutes créances nées avant l'ouverture de la conciliation. »

Je conçois, monsieur Montebourg, vous qui êtes né avec la Révolution française, que le mot « privilège » vous fasse bondir, provoquant une sorte de réflexe pavlovien (Sourires.) Cependant si une entreprise en difficulté a besoin d'argent nouveau, elle ne pourra l'obtenir sans accorder certaines garanties. À défaut, elle n'aura pas cet argent et sa chute entraînera celle de ses salariés qui seront privés de travail. Il y a donc une contradiction dans vos propos, et le fait de crier : « Privilège, privilège, privilège ! » ne résout rien.

M. Arnaud Montebourg. Nous sommes surtout défavorables au super-privilège non compensé !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Mais comment une entreprise qui a besoin d'argent va-t-elle en obtenir ? Vous ne proposez aucune solution.

M. Arnaud Montebourg. Nous allons en parler dans la discussion de l'article suivant !

Mme la présidente. Je précise que M. Montebourg proposait la suppression de l'article 5, et non de l'article 8.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Monsieur Montebourg s'est trompé d'article, mais j'ai rectifié ! Je parle le Montebourg couramment ! (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Émile Blessig.

M. Émile Blessig. Monsieur Montebourg, vous avez souligné à plusieurs reprises l'absence de contreparties. Or, que ce soit dans le cadre de la désignation d'un mandataire ad hoc ou de la procédure de conciliation, la contrepartie de l'engagement du créancier c'est de sauver une entreprise en difficulté, donc de préserver des emplois. Tel est précisément ce que prévoit l'article 5. Je comprends mal, dès lors, que vous vouliez le supprimer.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marylise Lebranchu.

Mme Marylise Lebranchu. Ainsi que l'a indiqué Arnaud Montebourg, nos amendements servent aussi à ouvrir la discussion. En l'occurrence le débat ne porte pas sur l'intérêt que présentent les banques. N'ayez crainte, nous ne sommes pas à ce point déconnectés des réalités ! Il s'agit de savoir si, après les succès constatés grâce au mandat ad hoc, par exemple, les chefs d'entreprise vont effectivement se servir des mesures proposées dans le cadre de la conciliation.

Nous considérons, quant à nous, que, pour que cette procédure remporte le succès attendu - et même espéré -, il faut préserver la confidentialité du fait, notamment, des dispositions prévues pour les banques. À cet égard, monsieur Clément, le présent débat ne porte pas sur l'exégèse de la Révolution française et de la sémantique qu'elle a engendrée. Je vous rappelle que le « privilège » est aussi un terme de droit.

M. Arnaud Montebourg. Nous pourrions effectivement faire un peu d'exégèse !

Mme Marylise Lebranchu. Le texte prévoit précisément de créer un privilège pour le créancier qui apporte de l'argent frais afin de sécuriser son crédit. Le créancier, en l'occurrence un banquier, pourra donc informer les autres acteurs de son geste. Ainsi que cela apparaît dans le rapport des auditions auxquelles la commission a procédé, il s'agit en fait pour lui, grâce à la publicité qui sera faite, d'alerter tout le monde sur la situation afin que l'entreprise ne recommence pas à avoir des comportements qui pourraient mettre cet apport d'argent frais en péril. Cela implique de ne pas respecter le principe de confidentialité.

Or, comme nous le savons tous, les chefs d'entreprises, notamment de petites entreprises, qui travaillent avec des fournisseurs, des co-traitants et des sous-traitants, redoutent précisément la publicité. Les élus locaux que nous sommes pourraient d'ailleurs, demain, ne pas vouloir donner un marché public à une entreprise dont ils sauraient qu'elle est en conciliation au tribunal de commerce pour ne pas risquer de mettre en difficulté la collectivité. La direction générale de la concurrence et de la répression des fraudes a d'ores et déjà noté que, dans les commissions d'appel d'offres, nombre de collectivités territoriales invoquent les difficultés d'une entreprise pour ne pas la retenir.

Que se passera-t-il pour l'entreprise qui va se retrouver avec un appel d'offres en moins, un fournisseur qui fera défaut par crainte de ne pas être payé, et un co-traitant potentiel qui n'osera plus partager son marché ? Elle sera fichue !

Nous sommes bien conscients de ne pas vous avoir convaincus, que ce soit en commission ou dans cet hémicycle, hier. Pourtant, même la CGPME, qui n'est pas un organisme de révolution permanente, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission des lois, souhaiterait que la procédure de conciliation soit confiée à une autre instance que le tribunal. Le CODEFI a ainsi été évoqué.

Le problème est bien réel car le privilège accordé rompt la confidentialité et met en danger, selon moi, cette procédure de conciliation qui est pourtant attendue.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Xavier de Roux, rapporteur. Ce débat sur la confidentialité est important mais nous l'aurons à l'article 7. J'ai d'ailleurs déposé moi-même un amendement à ce sujet. Pour l'heure, nous n'en sommes qu'à l'article 5.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 392.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Rappel au règlement

M. Arnaud Montebourg. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour un rappel au règlement.

M. Arnaud Montebourg. J'invite le président de la commission des lois et le rapporteur à ne pas assortir systématiquement leurs commentaires politiques ou juridiques sur nos amendements de considérations personnelles. Certes, je pourrais faire de même, mais le débat n'y gagnerait guère.

M. le rapporteur vient ainsi de déclarer que je considérais les banques comme des ennemies de la République.

M. Xavier de Roux, rapporteur. Oui !

M. Arnaud Montebourg. Je crois que l'on pourrait faire l'économie de ce genre de procès qui, d'ailleurs ne font pas avancer le débat...

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Certes, mais, ça soulage !

M. Arnaud Montebourg. ...puisque j'ai dû immédiatement démentir ce propos.

Le président de la commission des lois a déclaré, quant à lui, que j'étais un enfant de la Révolution française.

M. Xavier de Roux, rapporteur. Ce n'est pas méchant !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Disant cela, je pensais vous faire plaisir, monsieur Montebourg ! C'était pour vous flatter ! (Sourires.)

M. Arnaud Montebourg. Edgar Faure, lorsqu'il avait ouvert les cérémonies de commémoration de la Révolution, avait déclaré : « Deux personnes auraient pu l'éviter, Turgot et moi-même. Malheureusement, Turgot était mort ; quant à moi, je n'étais pas né. »(Sourires.)

Monsieur le président de la commission des lois, évitons les remarques personnelles car tout le monde peut sortir son petit Edgar Faure.

Le privilège - au-delà de ceux qui ont été abolis voilà quelques siècles - c'est la loi privée. Et, dès lors qu'on parle de loi particulière, on doit se poser la question de sa compensation. C'est d'ailleurs ainsi que raisonne le Conseil constitutionnel : il cherche à définir les conditions dans lesquelles la rupture de l'égalité entre les créanciers concourt à l'intérêt général. Nous aurons ce débat devant lui.

Reprise de la discussion

Mme la présidente. Nous reprenons l'examen des amendements.

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 8 rectifié.

M. Xavier de Roux, rapporteur. Amendement de coordination.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 8 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente..La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 9.

M. Xavier de Roux, rapporteur. Cet amendement de précision tend à rendre compétent le tribunal de grande instance puisque les professionnels libéraux peuvent maintenant bénéficier de la possibilité d'un mandat ad hoc.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 9.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 300 de M. Perruchot n'est pas défendu.

J'appelle donc l'amendement n° 311.

La parole est à Mme Arlette Grosskost, pour le défendre.

Mme Arlette Grosskost. Les chambres de métiers et de l'artisanat exercent d'ores et déjà un rôle de conseil dans la sauvegarde des entreprises. Cet amendement vise à reconnaître ce rôle en prévoyant que, pour les entreprises artisanales, le mandataire ad hoc sera choisi sur une liste établie par la chambre de métiers et de l'artisanat. Les spécificités de l'artisanat seront ainsi prises en compte.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Xavier de Roux, rapporteur. Défavorable, non pas que la commission n'aime pas la chambre de métiers, mais il faut prendre en compte la liberté du président du tribunal. Rien ne lui interdit de désigner un mandataire qui fasse partie de la chambre de métiers.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable pour les mêmes motifs.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 311.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 393 et 10, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour soutenir l'amendement n° 393.

M. Arnaud Montebourg. Avec cet amendement, nous posons la question des critères d'ouverture de la procédure de conciliation. Le sujet n'est pas mince. Certes, le texte en énumère un certain nombre, mais, et cela rejoint le débat sur les contreparties du privilège bancaire, nous considérons qu'il faut y ajouter le refus de prêt.

Comme je l'ai rappelé en défendant la question préalable, hier soir, le refus de prêt est cause de 10% des défaillances d'entreprises. Il constitue un acte de rupture, l'exercice d'un rapport de force. C'est le moment où la banque va décider de prendre le pouvoir sur le débiteur pour le mener là où elle veut sans forcément le dire. C'est encore le moment où l'on arrache les cautions sur le dirigeant. Or, monsieur le garde des sceaux, votre texte aggrave considérablement le régime des cautions au détriment des dirigeants ; nous y reviendrons.

Cet amendement de repli vise donc à prévoir, de façon constructive, que la conciliation pourra être ouverte en cas de besoin ne pouvant être couverts par un financement adapté aux possibilités de l'entreprise. C'est une manière d'amener les banques à mettre de l'eau dans leur vin et de leur dire : si vous ne voulez pas que nous nous mettions d'accord maintenant, on va se réunir à plusieurs.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 393 et présenter l'amendement n° 10.

M. Xavier de Roux, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 393 qui réduit considérablement le champ d'application de la procédure de conciliation.

Elle suggère, quant à elle, une nouvelle rédaction du texte proposé pour l'article L. 611-4.

Curieusement, en effet, le texte du projet de loi semble faire de la cessation des paiements une condition de la conciliation. Or, en réalité - et c'est en ce sens que nous l'avons récrit -, il s'agit de prévoir que la conciliation est possible dans un délai de quarante-cinq jours après la cessation des paiements, ce qui constitue une avancée considérable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?

M. le garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement de M. Montebourg qui tend, et cela m'a surpris, à supprimer le b) du texte proposé pour l'article L. 611-4 dont je rappelle les termes : « Ou qu'elles se trouvent, depuis moins de quarante-cinq jours, en cessation des paiements. » Or, ainsi que l'a souligné le rapporteur, cette précision est très importante.

En revanche, le Gouvernement est favorable à l'amendement de la commission.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 393.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 10.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, les amendements nos 394 et 395 de M. Montebourg n'ont plus d'objet.

J'en viens donc à l'amendement n° 12 rectifié.

La parole est à M. le rapporteur, pour le présenter.

M. Xavier de Roux, rapporteur. Amendement rédactionnel.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 12 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 11.

M. Xavier de Roux, rapporteur. Amendement de coordination.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux, rapporteur. Sagesse.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 11.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de l'amendement n° 13.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Xavier de Roux, rapporteur. C'est un amendement rédactionnel.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 13.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Vaxès, pour présenter l'amendement n° 455.

M. Michel Vaxès. Avec cet amendement, nous abordons la première d'une série de propositions que nous formulerons tout au long de ce texte et qui visent à accorder aux salariés le droit et les moyens de participer à la sauvegarde de l'entreprise.

En effet, comme nous l'avons souligné dans le cadre de la discussion générale, il importe de concevoir les salariés et leurs représentants comme des acteurs essentiels dans les décisions qui pourront être prises pour assurer la pérennité de leur entreprise. En l'espèce, nous nous trouvons aux premiers instants des difficultés rencontrées par l'entreprise, dans des conditions telles qu'elles permettent d'envisager la conciliation. Celle-ci a pour but de rechercher les moyens propres à concilier le débiteur et ses créanciers au moment où l'entreprise éprouve des difficultés juridiques, économiques ou financières, mais aussi lorsqu'elle se trouve en cessation des paiements depuis au moins quarante-cinq jours.

Dès ces premiers instants, il est important d'associer les salariés ou leurs représentants. Leur présence a un double intérêt, car leur emploi est concerné et la pérennité de leur entreprise est en jeu. Si nous voulons lier la vie de l'entreprise à l'efficacité économique et à la modernité, nous devrons bien un jour mettre en œuvre les principes d'une entreprise citoyenne. Cela suppose de donner aux salariés des droits nouveaux et un pouvoir d'intervention plus démocratique.

Les salariés doivent donc être associés de façon efficace à la vie de leur entreprise. Ils ne faut pas qu'ils soient considérés comme un comité consultatif ou un simple outil de travail. Il est nécessaire de les associer à la gestion, aux choix stratégiques de leur entreprise sur tout ce qui touche à l'emploi sous toutes ses formes, notamment le recours à la sous-traitance, les choix d'externalisation ou de cession des productions et services assurés par elle.

Or les règles actuelles limitent le rôle des élus à un simple avis, qui, de plus, est rarement suivi. Il faut leur donner les moyens de prendre part aux décisions qui assureront la pérennité de l'entreprise, au développement de l'activité de celle-ci, les aider à suivre les mutations technologiques et à assurer l'adaptation de l'entreprise à la conjoncture.

C'est une vision progressiste du monde du travail et de toute notre économie que nous vous présentons. Cet amendement, rédigé dans cet esprit, fait un premier pas en ce sens en proposant d'ouvrir le droit de saisine aux salariés ou à leurs représentants.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Xavier de Roux, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement. Il part d'une très bonne idée, mais le droit d'alerte figure dans le code du travail. Nous nous sommes déjà expliqués sur ce point.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Je pense que seul le chef d'entreprise doit pouvoir saisir le tribunal ou ouvrir une procédure de conciliation, compte tenu de la confidentialité de la démarche. Par contre, j'ai bien compris le souci que vous avez exprimé, monsieur le député. Dans l'article 7, que nous allons bientôt aborder, nous verrons que, lorsque le tribunal statue sur l'homologation, il consulte bien entendu les différentes parties prenantes à la vie de l'entreprise, en particulier les représentants des salariés.

M. Xavier de Roux, rapporteur. Absolument !

M. le garde des sceaux. Il faut faire la différence entre le déclenchement du processus qui, compte tenu de son caractère confidentiel, ne peut être qu'entre les mains du responsable de l'entreprise, et l'homologation, pour laquelle nous devons prévoir ce dialogue et cette information.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès. J'entends bien ce que dit M. le ministre, mais les salariés ne sont invités à donner leur avis qu'en fin de procédure. Ce n'est pas la question que pose notre amendement qui leur offre la possibilité de proposer l'ouverture d'une conciliation. Or vous n'avez pas répondu à cette question. En fait, et je l'ai perçu tout au long de nos débats, le rôle des salariés dans l'entreprise est non seulement sous-estimé, il est nié. Ils ne sont pas associés aux décisions.

M. le garde des sceaux. Mais si !

M. Michel Vaxès. Non, monsieur le ministre !

Tout à l'heure, j'ai entendu certains collègues de votre majorité parler abondamment, à s'en lasser, de ce que représente l'entreprise en termes d'emplois et de création de richesses. Je vous rappelle que si une entreprise crée de la richesse, c'est grâce à ses salariés et qu'une entreprise sans salariés n'est pas une entreprise !

M. le garde des sceaux. C'est vrai !

M. Michel Vaxès. Il faudrait reconnaître à ces salariés le droit de faire appel eux aussi aux procédures envisagées par votre texte.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Deux questions importantes se posent.

Tout d'abord devons-nous préciser, dans ce texte et dans les autres, le pouvoir du comité d'entreprise, ou celui-ci doit-il être entendu d'une manière générale comme résultant des attributions du comité d'entreprise prévues dans le code du travail ? Il s'agit d'un sujet compliqué, monsieur le rapporteur car, chaque fois que l'on dépose un amendement, par exemple pour préciser le pouvoir du comité d'entreprise en matière d'alerte, vous nous renvoyez aux textes existants.

À cet égard, je veux rappeler ce qui s'est passé en 1985 lors du vote de la loi : alors le texte déposé par le Gouvernement devant l'Assemblée précisait les conditions d'intervention du comité d'entreprise. C'est l'Assemblée elle-même, pas forcément très inspirée, qui a considéré que cette précision était redondante, au motif que les pouvoirs du comité d'entreprise figuraient en termes généraux dans le code du travail. Cette suppression, effectuée en 1985 par le Gouvernement, sous prétexte que la précision était redondante, est à l'origine d'un droit en ce qui concerne l'intervention du comité d'entreprise, dont certains d'ailleurs ont ensuite contesté l'existence.

Certes l'article L. 432-1 du code du travail est rédigé dans des termes suffisamment larges pour s'appliquer à la quasi-totalité des cas de figure que nous examinons. Son premier alinéa, notamment, dispose :

« Dans l'ordre économique, le comité d'entreprise est obligatoirement informé et consulté sur les questions intéressant l'organisation, la gestion, la marche générale de l'entreprise et, notamment, sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail, les conditions d'emploi, de travail et de formation professionnelle du personnel ». Avec une telle rédaction, vous pouvez nous renvoyer en permanence à ce texte pour écarter la consultation ou l'initiative du comité d'entreprise.

L'expérience législative montre cependant que ce n'est pas un bon raisonnement. Vous ne pouvez pas nous renvoyer systématiquement à ce texte, car il s'agit du code du commerce, et les subtilités sur le code pilote et le code suiveur échappent à beaucoup de praticiens. Il serait donc plus efficace d'inscrire à nouveau le droit de saisine dans la loi, même si cela vous paraît redondant. Le rôle de la loi est d'être comprise et de pouvoir être appliquée par tous nos concitoyens.

La deuxième question porte sur le moment où le comité d'entreprise ou les délégués du personnel peuvent intervenir. C'est une vraie question de fond. Monsieur le garde des sceaux, vous avez répondu favorablement pour l'homologation - c'est un point positif - mais la question est posée : l'information peut-elle intervenir au début de la procédure et non pas seulement lors de l'homologation, qui se situe à la fin de la procédure de conciliation ?

Mme Marylise Lebranchu. Superbe démonstration !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 455.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 14.

M. Xavier de Roux, rapporteur. C'est un amendement de précision.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 14.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour soutenir l'amendement n° 396.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Eu égard à l'importance de l'expertise et au caractère amiable de la procédure, il est nécessaire de reconnaître au débiteur le droit d'accéder au rapport d'expertise et le droit de demander une contre-expertise.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Xavier de Roux, rapporteur. La commission estime que cette mesure est de nature réglementaire.

M. Arnaud Montebourg. Cela recommence !

M. Xavier de Roux, rapporteur. Elle a donc demandé son rejet.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement qui méconnaît la nature du rapport dont il est question. Il s'agit d'une mesure d'investigation destinée à favoriser la mission du conciliateur. Celui-ci, par définition, va donc en discuter avec le débiteur, car c'est l'objet même de sa mission. Entrer dans une logique de rapport et de contre-rapport alors que nous sommes enfermés dans des délais relativement restreints - cinq mois - serait une démarche contre-productive. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Je vous fais remarquer, messieurs, que je ne me retranche pas derrière les prérogatives du domaine réglementaire !

M. Alain Vidalies. Je vous en remercie !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il est bien d'avoir fait référence au domaine réglementaire, mais le texte proposé pour l'article L. 611-6 est appelé à devenir très précisément la loi. Or nous souhaitons simplement le compléter par un dispositif législatif. Nous ne sommes pas, à ma connaissance, dans un processus réglementaire, puisque l'ensemble du dispositif relèvera de la loi.

Monsieur le garde des sceaux, que le rapporteur entende et examine les éléments que lui fournit le débiteur est une chose, mais que le débiteur connaisse les conditions dans lesquelles ces éléments ont été introduits dans son rapport, et éventuellement en conteste le contenu, en est une autre. Que le débiteur soit concerné par l'investigation, nous l'avons bien compris, mais il doit avoir connaissance des éléments conclusifs du rapporteur afin de pouvoir éventuellement porter à la connaissance du président du tribunal son interprétation divergente des propos qu'il a pu tenir au rapporteur. Nous sommes bien dans un processus de débat ouvert et non dans le cadre d'une simple information.

M. Arnaud Montebourg. Très juste !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 396.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de l'amendement n° 15 qui fait l'objet d'un sous-amendement, n° 638.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 15.

M. Xavier de Roux, rapporteur. Cet amendement tend à rédiger différemment le troisième alinéa du texte proposé pour l'article L. 611-6.

Sans lier complètement le président du tribunal, il est utile, pour le bon climat de la conciliation, que les parties puissent proposer une personne pour la désignation du conciliateur par le tribunal. Nous pensons qu'un tel choix permettrait d'améliorer les chances de réussite de la conciliation.

Par ailleurs, l'amendement comble un oubli du texte en précisant que la prorogation d'un mois de la durée de la conciliation est décidée par le président du tribunal, par parallélisme des formes avec la détermination de la durée initiale de la procédure.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vidalies, pour défendre le sous-amendement n° 638.

M. Alain Vidalies. Le sous-amendement n° 638 ressemble beaucoup à notre amendement n° 541. Mais, comme le rapporteur a imaginé nous couper l'herbe sous le pied en déposant des amendements dont l'adoption ferait tomber les nôtres, j'ai présenté ce sous-amendement à son amendement pour avoir l'occasion de m'exprimer sur ce sujet.

Demeure donc la question de savoir à quel moment les représentants du personnel peuvent demander à être consultés. Existe-t-il des raisons impérieuses pour ne pas les informer dès le début de l'ouverture de la conciliation ? Pour justifier pareille mise à l'écart, on ne peut faire appel aux dispositions générales du code du travail qui prévoient un droit à l'information sur tout ce qui concerne l'emploi et l'avenir de l'entreprise. Ce droit est même suffisamment large pour s'appliquer dans le cas dont nous parlons.

Vous vous abritez derrière le respect de la confidentialité, destinée surtout à protéger l'entreprise de son environnement concurrentiel, mais l'avenir de l'entreprise n'est-il la préoccupation que du seul chef d'entreprise ? Quand admettra-t-on que l'entreprise est un tout, avec des dirigeants, un capital, des hommes et des femmes qui y travaillent ? La décision revient au chef d'entreprise mais la vie et le sort de ses salariés en dépendent.

En outre, comme les salariés ont aussi un savoir-faire, ils ont peut-être des idées et des choses à dire au président du tribunal de commerce. Pourquoi une telle suspicion envers eux, au point de les écarter dès le début de la procédure, quitte à se priver de ce qu'ils pourraient apporter dans une décision qui les concerne au premier chef ? C'est incompréhensible, mais révélateur de votre vision très traditionnelle de l'entreprise, qui ne reconnaît une place aux salariés qu'à certains moments, et qui ne les considère pas comme faisant partie intégrante de la vie de l'entreprise.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement ?

M. Xavier de Roux, rapporteur. La commission n'a pas pu examiner le sous-amendement. À titre personnel, j'y suis défavorable, comme à tous ceux qui traitent de ce sujet, pour deux raisons.

D'abord, l'article L. 611-6 laissera au président du tribunal la possibilité de choisir un expert pour établir un rapport sur la situation économique, sociale et financière de l'entreprise, ce qui signifie que, dans le cadre de sa mission, qui est confidentielle,...

M. Alain Vidalies. Vous faites confiance à l'expert, mais pas aux syndicats !

M. Xavier de Roux, rapporteur. ...l'expert pourra parfaitement entendre qui il veut.

Ensuite, chacun s'accorde, y compris sur vos bancs, pour reconnaître la nécessité de respecter la confidentialité de la procédure de conciliation. Vous avez même déclaré tout à l'heure que, faute de confidentialité, la procédure ne pourrait pas aboutir. Je ne vois pas comment elle peut être respectée jusqu'au bout si tout le monde est au courant dès le départ.

Je comprends vos amendements. En cas de problèmes sociaux au sein de l'entreprise, les représentants syndicaux pourront s'exprimer, mais la procédure doit rester confidentielle. Nous en reparlerons lors de l'examen de l'article 7. Sinon, la procédure de conciliation tout entière risquerait d'être remise en cause.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 638 et sur l'amendement n° 15 ?

M. le garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable au sous-amendement et favorable à l'amendement de la commission.

Ainsi que j'ai déjà eu l'occasion de le souligner, il y a un temps pour tout, et la confidentialité, dont chacun s'accorde à reconnaître qu'elle est nécessaire, doit être respectée au début de la procédure de conciliation.

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg. Nous sommes fâchés de la manière dont vous voulez nous faire dire que, puisque nous sommes favorables à la confidentialité, nous devrions admettre qu'il faudrait que les salariés soient exclus de la procédure.

Où s'arrête la confidentialité ? Le cercle de confidentialité comprend le processus productif où se combinent capital et travail, où tout le monde est intéressé au sauvetage de l'entreprise. La confidentialité doit s'appliquer aux concurrents qui menacent et qui ont un intérêt objectif à voir reculer l'influence de l'entreprise. Nous ne pouvons donc pas laisser dire que la confidentialité est exclusive de toute information ou association des salariés à la solution issue du processus de conciliation.

Cette marque de défiance de la part du garde des sceaux et des membres de la majorité qui soutiennent le texte est politique. Elle signe, comme le font d'autres étapes du texte, l'oubli des salariés. En revanche, que de précautions pour d'autres partenaires ! La confidentialité peut parfaitement être respectée par des salariés responsables, qui ont intérêt à défendre leur outil de travail. Parfois, ils le défendent même mieux que leur employeur. Combien de fois avons-nous vu des ouvriers en larmes déclarer qu'ils veulent continuer à travailler et qu'ils sont prêts à tout. Le patron, lui, est déjà parti, en Roumanie ou en Suisse, à la cloche de bois.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cela est arrivé souvent !

M. Arnaud Montebourg. Nous avons tous connu de tels cas dans nos circonscriptions. Le patriotisme d'entreprise existe, et il est inacceptable que vous laissiez entendre que les salariés ne pourraient pas l'éprouver. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 638.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 15.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l'amendement n° 541 de M. Vidalies tombe.

J'appelle donc l'amendement n° 16.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Xavier de Roux, rapporteur. Le projet initial prévoyait de transmettre la désignation du mandataire ad hoc au parquet. Toujours dans un souci de confidentialité, l'amendement propose de ne pas l'informer systématiquement.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 16.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 17.

M. Xavier de Roux, rapporteur. Il s'agit de réparer un oubli. Certaines professions libérales à statut législatif ou réglementaire n'ont pas d'autorité disciplinaire, les agents commerciaux par exemple. C'est pourquoi nous avons jugé utile d'ajouter « le cas échéant ».

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. J'interviens pour déplorer de ne pas avoir obtenu d'explications convaincantes sur l'amendement qui vient d'être voté. Même si le texte est compliqué, le sujet mérite que l'Assemblée comprenne de quoi il retourne, ne serait-ce que pour que nous soyons sûrs d'avoir bien compris.

M. le rapporteur vient de nous indiquer que, dans certaines circonstances, s'agissant notamment de la désignation d'un mandataire ad hoc, il est contre-productif de prévoir l'information systématique du parquet.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Cela a été voté !

M. Alain Vidalies. Je sais, mais je reviens sur l'exposé sommaire de l'amendement n° 16 qui indique : « Compte tenu des moyens et du temps que les parquets peuvent réellement consacrer, dans de nombreuses juridictions de petite taille, au suivi de la prévention des entreprises en difficulté, il est contre-productif de prévoir systématiquement l'information du ministère public de la nomination de chaque mandataire ad hoc. » Autrement dit, le parquet n'a pas les moyens de faire son travail. Il est étonnant d'en arriver à supprimer le contrôle du parquet pour ce motif, alors que le texte prétend moraliser le dispositif !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Ce n'est pas la raison !

M. Alain Vidalies. Une telle explication étant pour le moins extraordinaire, je suis tout disposé à vous écouter m'en fournir d'autres. En tout cas, comptez sur moi pour donner à cet exposé sommaire toute la notoriété qu'il mérite. En effet la majorité propose de supprimer le contrôle du parquet sur les procédures parce que les parquets n'ont pas de temps à y consacrer, ce qui laisse entendre que le garde des sceaux ne leur en donne pas les moyens.

Vous comprendrez qu'un tel motif nous fasse réagir : il pourrait être utilisé à mauvais escient dans d'autres domaines ou devant les tribunaux à propos d'autres procédures, pour porter atteinte à l'autorité de la République. Je déplore de revenir en arrière, mais je crois que vous devriez faire valoir d'autres arguments pour justifier une initiative aussi singulière.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 17.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 5, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 5, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 5

Mme la présidente. Je suis saisie d'un amendement, n° 397, portant article additionnel après l'article 5.

La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour le défendre.

M. Arnaud Montebourg. Cet amendement a pour objet de rétablir, dans le cadre de la procédure de conciliation, la possibilité pour le juge de suspendre les poursuites. La suspension des poursuites est, pour le tribunal ou son délégué, le moyen de figer la situation du débiteur qui demande à discuter avec ses créanciers. Cette procédure existait dans la loi de 1967, bien qu'elle ait été très peu utilisée. Dans le cadre de la conciliation, elle pourrait recouvrer de l'intérêt.

Nous considérons que, lorsque la conciliation est engagée, nous sommes dans une procédure contractuelle. Il y a le fort d'un côté et le faible de l'autre. Le juge homologue ensuite ; il est en quelque sorte un agent de ratification passif de la décision intervenue entre les créanciers et le débiteur.

Durant ce temps, les poursuites continuent. Le texte prévoit d'ailleurs que le juge peut intervenir pour octroyer des délais de paiement au débiteur. Chaque créancier continue donc la course-poursuite à sa manière et en fonction de ses objectifs. Peu importe son véritable intérêt, puisqu'il ne le connaît pas, faute de se trouver dans la conciliation.

Nous sommes donc dans une situation où le juge est privé de tout pouvoir coercitif sur les créanciers. Le déséquilibre en faveur des créanciers au détriment du débiteur risque de produire - nul ne l'ignore - une décision finale excessivement favorable au créancier et excessivement défavorable à la survie de l'emploi. Telle est la réalité.

Lorsqu'on donne, au travers d'une procédure, du pouvoir aux uns sans en donner aux autres, on ne saurait s'étonner que les uns l'emportent sur les autres. Si, d'une part, l'on veut rééquilibrer la négociation dans le cadre de la procédure de conciliation et permettre que le sacrifice du redressement et du sauvetage soit finalement réparti de façon harmonieuse, sans que les salariés ou les créanciers publics deviennent la variable d'ajustement - comme cela a été reconnu sous forme de lapsus par certains députés de la majorité tout à l'heure -,...

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Non ! Par la gauche militante !

M. Arnaud Montebourg. ...et si, d'autre part, on ne veut pas que la procédure place d'autres partenaires, tels que le banquier, dans une situation quasiment dominante s'apparentant à une rente confortée, le juge - telle est notre proposition - doit avoir le pouvoir de rééquilibrer la négociation au travers de la suspension des poursuites. Le débat en ce domaine mérite d'être approfondi.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Xavier de Roux, rapporteur. Défavorable, pour des raisons assez simples.

Lorsque, en 1994, nous nous sommes penchés sur la création du règlement amiable, nous avions introduit dans le texte la possibilité pour le président du tribunal d'ordonner la suspension provisoire des poursuites, en reprenant très partiellement la solution prévue dans la loi de 1967. Dix ans de pratique ont révélé que cette possibilité n'a jamais été utilisée par les tribunaux de commerce.

Dès lors que nous entrons dans le cadre de la procédure de sauvegarde, qui signifie que l'entreprise n'est pas en état de cessation de paiement ; dès lors que nous faisons, conformément à la réglementation de la CEE, une claire distinction entre ce qui relève d'une procédure collective et ce qui n'en relève pas ; dès lors, enfin, que le règlement amiable n'entre pas dans le cadre d'une procédure d'insolvabilité et d'une procédure collective, la suspension provisoire des poursuites n'a pas lieu d'être.

J'appelle également votre attention sur le fait que votre amendement concerne plutôt l'article 6. En effet, ce dernier donne au président du tribunal la possibilité de protéger efficacement le débiteur en opposant aux créanciers les délais prévus à l'article 1244-1 du code civil.

M. Arnaud Montebourg. On a déjà évoqué la question !

M. Alain Vidalies. Il s'agit d'un simple délai de grâce, ce qui n'est pas la même chose que la suspension des poursuites !

M. Xavier de Roux, rapporteur. Nous sommes sur ce sujet important, de façon très claire, en ordre de bataille : il existe d'un côté des procédures collectives, et de l'autre des procédures amiables, ainsi qu'un recours toujours possible au code civil.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Il serait préférable que vous retiriez votre amendement !

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable.

J'avoue ne pas bien comprendre : cet amendement confond ou superpose la conciliation et la sauvegarde. Je ne saurais donc l'accepter, même s'il constitue peut-être un hommage à la procédure de sauvegarde que je propose à l'Assemblée nationale.

M. Arnaud Montebourg. Attendons encore un peu pour les hommages, monsieur le garde des sceaux !

M. le garde des sceaux. Je le prends comme tel.

Cela étant je demeure hostile à la confusion qu'instaure cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur le rapporteur, nous savons en quoi consiste le délai de grâce prévu par le code civil. Nous ne sommes pas dans un tel cas de figure, puisque le présent article concerne les procédures collectives ; l'article 5 vise en effet les procédures de conciliation.

En revanche nous contestons, au travers de notre amendement, que, pendant la procédure de conciliation, rien ne puisse arrêter les créanciers dans leurs poursuites. Tous les instruments sont entre leurs mains. Les garanties, les privilèges et éventuellement les droits d'exécution, de saisie ou de conservation qu'ils détiennent leur permettent de prendre toutes les initiatives, indépendamment du processus de conciliation dans lequel s'inscrit le tribunal. Rien ne peut les empêcher d'agir ainsi.

Notre amendement vise donc à donner au contraire la possibilité au président du tribunal, à la demande du conciliateur, d'interrompre les processus d'exécution et de créances qui forcent le débiteur et le placent à terme dans l'impossibilité de réagir. Ces processus visent d'ailleurs le plus souvent à rompre l'égalité de traitement entre les créanciers. Tous ceux qui ont une expérience en la matière savent très bien que celui qui agira le plus rapidement ou qui saura s'arroger quelque privilège - les créanciers privilégiés, cela existe - pourra sauver une partie de ses meubles avant de se retrouver noyé dans la masse des créanciers.

Cet amendement vise donc à faire cesser de telles contraintes avant que le processus de conciliation ne soit arrivé à son terme. Si vous refusez une telle suspension des poursuites, vous ne résoudrez aucune difficulté.

M. Alain Vidalies et M. Arnaud Montebourg. Évidemment !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. En outre, chacun connaît la raison pour laquelle la possibilité de suspendre les poursuites n'a jamais été utilisée : le débiteur ne pouvait pas en faire la demande. L'instrument était placé dans les mains du président du tribunal, dans le cadre du règlement des contradictions d'intérêts entre plusieurs créanciers. Nous proposons simplement de conforter le principe de conciliation introduit par le projet de loi en permettant au président d'interrompre ou de suspendre des procédures de recouvrement, voire d'exécution forcée, durant le déroulement de la procédure de conciliation. Notre amendement n'altère donc en rien, bien au contraire, la procédure de sauvegarde qui intervient ensuite.

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Madame la présidente, chacun s'est suffisamment exprimé sur l'amendement. On ne peut donner la parole plusieurs fois au même orateur : c'est insupportable !

Mme la présidente. C'est la dernière intervention, monsieur Clément !

M. Arnaud Montebourg. La réponse du garde des sceaux m'a paru pour le moins bien légère.

Botter en touche en prétendant que notre amendement serait un hommage discret à sa procédure de sauvegarde n'est pas sérieux. Les éléments rappelés à l'instant par Jean-Yves Le Bouillonnec montrent bien, au contraire, que la suspension des poursuites permettrait d'obliger les créanciers à accepter une négociation dans laquelle le débiteur pourrait disposer d'un moyen de se défendre.

Invoquer, comme le fait tout aussi légèrement le rapporteur, les délais de paiement prévus par l'article 1244-1 du code civil, n'est pas davantage sérieux. En effet, la course entre les créanciers, que vient d'évoquer M. Le Bouillonnec et en contrepartie de laquelle on arrache la caution, existe bien. C'est elle qui continue à dépouiller l'entreprise.

Il est de plus nécessaire de rappeler que la sauvegarde est incompatible avec la cessation des paiements, alors que la conciliation est une procédure qui permet la cessation des paiements en deçà même du délai de quarante-cinq jours.

M. Alain Vidalies. Exactement !

M. Arnaud Montebourg. Si vous refusez la suspension des poursuites, c'est que vous ne voulez pas donner au débiteur les moyens de se défendre. En fait vous souhaitez l'affaiblir et donner le pouvoir aux créanciers, du moins à ceux auxquels l'article suivant garantira un privilège. Voilà la vérité !

C'est un choix politique que nous combattons. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Les choses sont claires !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Xavier de Roux, rapporteur. Je ne peux pas laisser passer sans réagir de telles énormités. Il convient de garder raison !

Qui dit conciliation, dit recherche d'un accord : par conséquent, lorsque la procédure de conciliation est lancée, les principaux créanciers n'exercent pas leurs poursuites, puisque celles-ci rendraient toute conciliation impossible. Il n'y aurait même pas de discussion possible.

M. Arnaud Montebourg. Dans ces conditions, pourquoi avoir évoqué les délais de paiement prévus par le code civil ?

Mme la présidente. Monsieur Montebourg, veuillez écouter le rapporteur. Nous étions tous d'accord, me semble-t-il, pour lever la séance aux alentours de zéro heure trente.

M. Xavier de Roux, rapporteur. Il s'agit d'une question de droit.

M. Arnaud Montebourg. Le droit, la nouvelle vache sacrée !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 397.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    2

ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES

Mme la présidente. Aujourd'hui, à neuf heures trente, première séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, n° 1596, de sauvegarde des entreprises :

Rapport, n° 2095, de M. Xavier de Roux, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République,

Avis, n° 2099, de M. Jérôme Chartier, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

À quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

À vingt et une heures, troisième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le jeudi 3 mars 2005, à zéro heure vingt-cinq.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot