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Première séance du jeudi 3 mars 2005

164e séance de la session ordinaire 2004-2005



PRÉSIDENCE DE M. YVES BUR,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

    1

SAUVEGARDE DES ENTREPRISES

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi de sauvegarde des entreprises (n°s 1596, 2095).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Hier soir, l'Assemblée a commencé l'examen des articles et s'est arrêtée à l'article 6.

Article 6

M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg, inscrit sur l'article.

M. Arnaud Montebourg. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, peu à peu se dessine le visage de ce nouveau dispositif qu'est la conciliation, laquelle organise le déséquilibre entre les différents partenaires créanciers de l'entreprise. Pour la première fois est offerte aux administrations financières, aux administrations sociales, aux collectivités publiques, notamment aux collectivités locales, la possibilité de consentir des remises de dettes. Placer d'emblée, alors que les banques pourront sortir de la procédure de conciliation avec un renforcement de leurs créances, les créanciers publics dans la situation de devoir abandonner non seulement les pénalités de retard, les intérêts, mais surtout - et c'est la novation du texte - le principal de leurs créances, c'est porter atteinte au principe d'égalité des créanciers et ouvrir la porte à une forme de chantage. C'est une situation de déséquilibre que nous jugeons politiquement condamnable et juridiquement contestable.

M. le président. Nous en arrivons à l'examen des amendements à l'article 6.

Je suis saisi d'un amendement n° 18, qui fait l'objet d'un sous-amendement n° 456.

La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour soutenir l'amendement n° 18.

M. Xavier de Roux, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Il s'agit esentiellement d'un amendement de précision et de rédaction puisque, contrairement à ce que pouvait laisser croire le texte du projet dans sa rédaction initiale, l'accord de conciliation ne peut avoir l'ambition d'inclure la totalité des créanciers, ce qui est d'ailleurs impossible en l'absence d'une procédure de vérification des créances. C'est pourquoi est retenue dans cet amendement l'expression « principaux créanciers ». L'accord doit pouvoir inclure les fournisseurs, qui sont souvent les créanciers les plus importants, notamment ceux qui financent les ventes à crédit ou avec des délais de paiement.

Par ailleurs, sur la forme, la mission du conciliateur doit être clarifiée par rapport au projet, dans lequel elle est présentée de façon un peu éparse. L'amendement propose donc de rapprocher, dans le texte, la détermination de la partie financière de la mission par le contenu de l'accord financier qu'il doit rechercher avec l'alinéa qui prévoit la possibilité de faire des propositions relatives à la réorganisation de l'entreprise.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l'avis du Gouvernement sur cet amendement.

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès, pour soutenir le sous-amendement n° 456.

M. Michel Vaxès. Je le soutiens avec d'autant plus de conviction que la défense de l'amendement que vient de faire le rapporteur confirme que si l'objectif est de sauvegarder l'intérêt des créanciers, il ne s'agit pas de tous les créanciers, mais seulement des plus gros, c'est-à-dire les banques. Vous avez choisi votre camp, monsieur le rapporteur ; nous avons choisi le nôtre : celui des salariés de l'entreprise et celui de l'emploi. C'est pourquoi ce sous-amendement vise à revenir sur la question qui nous préoccupe : celle de la place de l'emploi et des salariés dans la réforme de la procédure de conciliation.

Monsieur le ministre, si le tribunal statue sur l'homologation de l'accord, les représentants du comité d'entreprise, ou à défaut les délégués du personnel, seront entendus ou dûment appelés en chambre du conseil, c'est bien le sens du texte proposé pour l'article L. 611-9 du code de commerce. Cette idée était déjà portée par la loi de 1985 sur le redressement et la liquidation judiciaires avec la volonté d'associer la collectivité travail à la procédure et aux décisions de justice y afférentes.

Toutefois, nous regrettons vivement que cette sollicitation des salariés n'intervienne uniquement qu'au moment de l'homologation de la conciliation et non pas avant. La préparation de la conciliation ne peut pas se faire sans l'intervention des salariés ou de leurs représentants, qui doivent être entendus. Encore une fois, les oublier, c'est omettre qu'ils sont des acteurs fondamentaux de la vie de l'entreprise et qu'ils ont tout intérêt, comme le chef d'entreprise, comme les créanciers, à assurer la pérennité de l'activité.

C'est pourquoi nous proposons que le conciliateur puisse entendre les salariés ou leurs représentants pour obtenir toutes les informations utiles à la sauvegarde de l'entreprise.

Il s'agit également d'associer les salariés dans l'engagement de cette conciliation afin de créer une dynamique de réussite pour sortir l'entreprise de ses difficultés.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 456 ?

M. Xavier de Roux, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement pour des raisons que j'ai déjà largement exposées hier. Je rappelle simplement que les salariés seront entendus au moment de l'homologation de la conciliation.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg. Je ne comprends pas l'obstination du rapporteur. Il ouvre la procédure de conciliation aux principaux créanciers. Est-ce à dire que les salariés ne sont pas concernés ? Alors qu'il le dise ! Ou bien est-il inutile d'adopter le sous-amendement Vaxès puisque les salariés font partie des principaux créanciers ? Monsieur le rapporteur, je voudrais que vous clarifiiez votre position.

À ce stade, puisque les principaux créanciers sont ouverts à la discussion avec le conciliateur, et que c'est une sorte de vaste forum secret autour du sauvetage d'une entreprise, pourquoi les salariés, leurs représentants ne pourraient-ils pas en faire partie ? Nous le souhaitons. Ils appartiennent à la même entreprise. Ils défendent leur outil de travail. Ils sont intéressés à la survie de l'entreprise. Ils ont parfois - je le disais hier soir - le même patriotisme d'entreprise que les dirigeants. Pour quelle raison ne voulez-vous pas que les salariés soient entendus ? Si vous ne voulez pas du sous-amendement de M. Vaxès, précisez-nous qu'il faut entendre par « principaux créanciers » l'ensemble de la communauté salariale de l'entreprise.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Nous devrions aboutir à un consensus sur cette question. Comme le conciliateur a pour mission de rechercher toutes les solutions possibles pour l'équilibre de l'entreprise, notamment pour l'emploi,...

M. Xavier de Roux, rapporteur. Absolument !

M. Alain Vidalies. ...il vaudrait mieux, monsieur le rapporteur, répondre à M. Vaxès que son sous-amendement est déjà satisfait par la rédaction du texte. Les raisons qui ont été évoquées hier ne sont absolument pas pertinentes en ce cas puisqu'elles sont liées à la confidentialité. Le conciliateur, s'il veut remplir la mission que vous lui confiez, devra bien rencontrer les représentants des salariés à un moment donné. Il faudrait vraiment éviter que le rejet de ce sous-amendement soit interprété comme l'impossibilité pour le conciliateur d'associer les représentants des salariés à sa mission.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Xavier de Roux, rapporteur. Monsieur Vidalies, vous avez tout à fait raison. Je ne voulais pas revenir sur un débat que nous avons eu hier. Je le dis très clairement : il est évident que le conciliateur, dans le cadre de l'article 6, doit, s'il l'estime utile ou nécessaire, entendre les salariés. Je suis entièrement d'accord avec vous sur ce point. Mais je crois qu'il n'est pas nécessaire de rédiger autrement le texte.

M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès. J'ai bien entendu ce que vous venez de dire, monsieur le rapporteur. Mais qu'en est-il si le conciliateur ne juge pas nécessaire d'entendre les salariés ? Vous confirmez, dans le prolongement des débats d'hier soir, que, finalement, votre volonté est d'exclure de la discussion, dans l'ensemble des procédures, les créanciers les plus significatifs de la richesse de l'entreprise, c'est-à-dire les travailleurs.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 456.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 18.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 294 de M. Lasbordes tombe.

Je suis saisi d'un amendement n° 457.

La parole est à M. Michel Vaxès, pour le soutenir.

M. Michel Vaxès. Cet amendement vise à supprimer le troisième alinéa du texte proposé pour l'article L. 611-7 du code du commerce.

Cet amendement est clair. Vous avez souhaité, monsieur le ministre, dans la perspective d'une détection précoce des difficultés, renforcer l'obligation faite au Trésor et aux URSSAF de publier les retards de paiement des dettes fiscales et sociales, sous peine de perdre leur privilège en cas d'ouverture d'une procédure collective. Et vous proposez conjointement, dans cet article, d'ouvrir la possibilité à ces mêmes administrations de renoncer purement et simplement à leurs créances en consentant des remises de dettes.

Donc non seulement vous posez des conditions restrictives à l'ouverture des droits des administrations à faire valoir leur privilège, mais vous proposez, vous invitez même, ces organismes à renoncer maintenant à leurs créances. Ces créances n'ont donc à vos yeux qu'un privilège que nous pourrions qualifier de second ordre, si on le compare à celui des créances bancaires.

Comment ne pas souligner ici, en effet, une nouvelle fois, le déséquilibre flagrant du projet de loi ? Non seulement vous nous faites la promotion d'un texte largement animé par le souci, que vous qualifiez de pragmatique, et que nous qualifions de libéral, de restaurer les droits des créanciers titulaires de sûretés, et particulièrement ceux des établissements de crédits, non seulement vous renforcez l'emprise des créanciers bancaires à toutes les étapes du déroulement de la procédure, mais vous entendez, en outre, accorder un privilège exorbitant aux créances bancaires sur les créances publiques, alors même que ces dernières, dois-je le rappeler, ne sont pas sans conséquences pour nos régimes sociaux.

Nous ne pouvons souscrire à la philosophie qui anime ce type de mesures. Notre amendement ne poursuit donc d'autre but que de restaurer les droits des créanciers publics, parents pauvres, au sens le plus strict du terme, de votre dispositif.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Xavier de Roux, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement parce que c'est une des avancées importantes de ce projet de loi que de permettre aux créanciers publics de faire des remises parallèlement à celles des créanciers privés. Trop souvent, dans la pratique, on voit des plans de redressement qui échouent à cause d'une trop grande rigidité ou d'une interdiction faite aux autorités publiques de consentir des remises de dettes. Et nous essayons, par ce texte, d'introduire de la clarté et de faire en sorte que le redressement soit possible. Il est tout de même paradoxal de voir quelquefois des redressements qui échouent à cause de la position du Trésor ou des URSSAF, ce qui crée d'ailleurs des charges publiques supplémentaires. Il vaut mieux une entreprise qui marche et qui sauvegarde des emplois, plutôt qu'une entreprise mise en liquidation à cause de la rigidité de la loi.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Le Gouvernement est tout à fait défavorable à cet amendement.

La question qui est soulevée est très importante. En effet, j'ai souhaité - et cela a fait l'objet, vous l'imaginez bien, de discussions assez longues avec le ministère de l'économie et des finances - qu'il puisse y avoir, enfin, un effort concomitant des créanciers privés et publics en vue de la poursuite de l'activité des entreprises. Le ministre de l'économie et des finances de l'époque, M. Francis Mer, qui était un homme d'entreprise, m'a aidé dans cette démarche pour faire tomber l'espèce d'a priori négatif qu'avait, de longue date, son ministère sur le sujet.

Nous ne pouvons que nous réjouir de l'évolution substantielle que constitue à cet égard le présent texte. Il serait dommage que, par cet amendement, on en revienne à la « doctrine Bercy » - je le dis sans vouloir être désobligeant à l'endroit d'une très grande administration que je respecte et que j'admire.

Par ailleurs, je répondrai à M. Montebourg que, s'agissant de l'abandon de créances sur la fiscalité locale, bien entendu, elles seront traitées en dégrèvements, c'est-à-dire compensées par l'État. Il est donc inutile d'inquiéter prématurément les collectivités locales de ce pays car les choses sont, sur ce sujet, parfaitement claires.

M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès. Non seulement vous créez de l'inégalité en faisant la distinction entre créanciers privés et publics au détriment de ces derniers, mais vous culpabilisez les créanciers publics en suggérant qu'ils pourraient être responsables des difficultés de l'entreprise lorsqu'ils réclament leurs créances.

Prenons le cas, par exemple, d'une dette de consommation d'eau particulièrement importante : si le créancier est une régie municipale, elle devrait l'effacer, mais si c'est une entreprise privée, elle n'y serait pas tenue. Si vous considérez que c'est ainsi qu'on va de l'avant, nous n'avons pas la même conception du progrès !

M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg. Nous avons déjà noté le déséquilibre de la procédure de conciliation, qui facilite la constitution d'un privilège bancaire, les créanciers publics servant de variable d'ajustement.

M. le garde des sceaux vient de déclarer que les remises de dettes relevant du présent article 6 seraient traitées comme des dégrèvements, ajoutant qu'il ne faut pas inquiéter inutilement les collectivités locales à propos de l'avenir de leurs ressources.

Je crains qu'elles ne soient déjà inquiètes ! Et comme chat échaudé craint l'eau froide, nous avons besoin de plus qu'une simple déclaration de M. Perben. Qu'il nous dise comment il va faire pour éviter toute ambiguïté juridique et politique sur la mise en œuvre de ces dégrèvements et l'interprétation qui sera faite de ces remises de dettes.

Nous souhaitons des explications précises du Gouvernement, de manière que les collectivités locales n'ajoutent pas ce motif d'inquiétude à tous ceux qu'elles ont déjà.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

M. Jérôme Chartier, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. La commission des finances a tout particulièrement examiné cet aspect à propos duquel je veux rassurer M. Montebourg. L'article 1600 du code général des impôts consacre le principe selon lequel, lorsqu'une collectivité locale n'est pas à l'origine d'une remise de dette en capital, cette dette est compensée à due concurrence dans son budget. Par conséquent, la collectivité locale n'aura pas à subir de diminution de ses ressources.

M. Arnaud Montebourg. Nous vous en donnons acte !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 457.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 543.

La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.

M. Alain Vidalies. Il s'agit, par cet amendement, d'exclure des possibilités de remises de dettes les organismes de sécurité sociale, et donc les cotisations qui seraient dues notamment à l'URSSAF - et, nous le verrons ultérieurement, à l'UNEDIC.

Nous avons déjà exposé nos réticences à ce sujet. Sur les remises résultant de la décision d'un comptable public, avec dégrèvement et remboursement aux collectivités locales, le texte peut constituer une avancée en offrant des solutions, nous vous en donnons acte. Mais pourquoi étendre cette possibilité à des arriérés de cotisations de sécurité sociale ou d'UNEDIC ?

En effet, qui va payer ?

Pour les collectivités locales, c'est l'État, garant de l'intérêt national, qui compensera les effets de la décision qu'il a prise au nom de l'intérêt général, en l'occurrence la sauvegarde de l'activité économique. Mais pour la sécurité sociale, qui est un bien commun à l'ensemble des Français, qui va compenser la remise consentie ? Personne, en l'état actuel du texte. Les organismes de sécurité sociale vont donc pouvoir prendre une décision de dégrèvement au profit d'une entreprise et, d'une certaine façon, au détriment de la collectivité des Français, et ce sans que ce dégrèvement soit compensé.

Il y a là une différence de nature qui justifie, de notre point de vue, une différence de traitement. C'est la raison pour laquelle, outre le respect de l'égalité de concurrence entre les entreprises, nous sommes hostiles à des dégrèvements portant sur les dettes dues aux organismes de sécurité sociale.

M. le président. Monsieur Vidalies, puis-je considérer que vous avez défendu en même temps l'amendement suivant, n° 542, qui est dans le même esprit ?

M. Alain Vidalies. Oui, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. J'aimerais poser une question aux différents intervenants : quand il leur arrive, comme à nombre d'entre nous, qu'une entreprise de leur circonscription traverse des difficultés, tiennent-ils le même langage que dans l'hémicycle ?

M. Arnaud Montebourg. Bien sûr !

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Franchement, demandez-vous aux ASSEDIC, à l'UNEDIC, au Trésor public, de ne surtout pas faire de cadeaux à cette entreprise, même si cinq cents emplois sont en jeu ?

Mes chers collègues, comme vous ne pensez pas ce que vous dites, faites-nous gagner du temps ! Comme nous tous, quand, dans vos circonscriptions, une entreprise rencontre des difficultés, vous cherchez tous les moyens de la sauver et de sauver les emplois !

Cessez, par conséquent, ces discours de principe qui sont ridicules ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Mallié. Faites ce que je dis mais ne faites pas ce que je fais !

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?

M. Xavier de Roux, rapporteur. La commission les a repoussés. Il faut, en effet, faire une distinction, mais nous l'avons faite : les organismes de sécurité sociale doivent pouvoir remettre les dettes de cotisations patronales mais naturellement pas les dettes de cotisations salariales qu'ils détiennent, en quelque sorte, pour le compte d'un tiers.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Je ferai deux observations. La première est juridique : une telle possibilité existe déjà dans la procédure actuelle de redressement judiciaire. Il n'y a donc pas de novation s'agissant des dettes sociales.

Deuxièmement, je trouve votre raisonnement, monsieur Vidalies, économiquement non fondé. Dans le cadre de la recherche de conciliation et d'un effort concomitant des principaux créanciers, privés et publics, si les organismes de sécurité sociale consentent un effort en faveur de l'entreprise, ce sera, à l'évidence, en cas de réussite, tout bénéfice pour l'avenir. En effet, si l'entreprise allait à la catastrophe, le coût financier pour ces organismes serait bien supérieur. Par conséquent, ne serait-ce que sur le plan économique, votre raisonnement n'est pas pertinent.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Pendant les vingt premières minutes de cette séance, nous avons pu échanger nos arguments sur un ton raisonnable. Arrive le président de la commission des lois, toujours en forme, me semble-t-il, qui donne au débat une autre tournure.

Que les choses soient claires, monsieur Clément : si vous préférez les affrontements du style Café du Commerce, nous pouvons vous répondre sur le même ton. Mais si votre seul apport au débat est de faire des leçons de morale en nous traitant d'irresponsables et en nous accusant de ne pas penser ce que nous disons, mieux vaudrait vous réfugier dans un silence qui serait fort apprécié !

Monsieur le garde des sceaux, il s'agit là d'un vrai sujet de débat. Nous en avons d'ailleurs longuement discuté en commission, ce qui montre bien que cela n'allait pas de soi. D'ailleurs, vous avez réduit considérablement le périmètre de ces remises, puisque vous en avez exclu ce que l'on appelle le précompte, ce qui rend la mesure plus présentable.

Si votre raisonnement est valable s'agissant des dettes publiques, car il y aura dégrèvement, en ce qui concerne les cotisations de sécurité sociale - et sans faire de procès d'intention -, vous ne pourrez pas empêcher, et surtout s'il existe des collusions locales, que s'organisent des procédures de conciliation, avec la remise de ces dettes qui se fera au préjudice de l'ensemble des bénéficiaires de la sécurité sociale, mais aussi au détriment des entreprises qui, elles, paient régulièrement leurs cotisations.

Sur le principe, nous sommes tous d'accord, mais c'est une erreur de faire entrer dans ce cadre les cotisations de l'UNEDIC et les cotisations patronales de sécurité sociale.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg. Monsieur le garde des sceaux, nous ne refusons pas l'idée d'un accord le plus large possible avec l'ensemble des partenaires de l'entreprise que l'on appelle les créanciers. Nous nous sommes même battus pour qu'il y ait les salariés dans ce concert et nous ne nous opposons pas à ce que chacun consente sa part de sacrifice. Mais nous disons simplement que le dispositif de conciliation met systématiquement en situation d'infériorité certains de ces créanciers - salariés et créanciers publics -, tandis que d'autres, à savoir les banques, sont mis en état de supériorité manifeste. La carte d'identité intellectuelle de cet article 6 est à l'évidence politique et fait passer l'intérêt financier avant la sauvegarde de l'emploi.

L'impossibilité de suspendre les poursuites durant la période de conciliation laisse aux créanciers les plus forts toute latitude d'attaquer, voire de harceler l'entreprise en difficulté, afin d'obtenir des garanties et un accord à l'arrachée qui leur sera favorable. Le seul point positif est que le juge peut suspendre les délais de paiement en se fondant sur les articles 1244-1 et 1244-2 du code civil. Le déséquilibre de cette procédure de conciliation joue donc en faveur de certains créanciers.

C'est à la fois un problème politique et une gageure juridique. Et plus le débat avance, plus nous percevons votre choix politique qui tend à privilégier la finance au détriment de l'emploi. Votre texte, monsieur le garde des sceaux, ne vise pas à sauvegarder les entreprises, mais les intérêts des banques !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Xavier de Roux, rapporteur. M. Montebourg nous explique une fois de plus que les banques sont l'ennemi public de la République. Je lui ferai remarquer que Mme Lebranchu demandait hier que les Codefi, créanciers publics, puissent se réunir plus facilement au niveau des préfectures lorsqu'une entreprise est en difficulté. Jusqu'à présent, les Codefi avaient peu de moyens d'action puisque, notamment en matière de Trésor public, il était impossible de remettre une dette. En donnant aux Codefi plus de moyens d'agir, nous satisfaisons la demande exprimée hier par Mme Lebranchu.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 543.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 542 a déjà été soutenu, et la commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable.

Je mets aux voix cet amendement.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 399.

La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour le soutenir.

M. Arnaud Montebourg. Dès lors que le débiteur peut être en cessation de paiements dans le cadre de la conciliation, on ne voit pas pourquoi l'AGS ne serait pas sollicitée pour assurer le paiement des créances salariales, alors qu'elle est précisément faite pour cela et qu'elle est utilisée dans la procédure de sauvegarde, où il n'y a pas de cessation des paiements possible. D'où cet amendement.

Nous avons émis quelques hypothèses politiques, mais nous attendons maintenant la réponse du ministre et du rapporteur.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Xavier de Roux, rapporteur. Le déficit de l'AGS est un sujet brûlant.

La procédure de conciliation ne permet pas que l'AGS intervienne. Pour qu'elle le puisse, il faudrait qu'il y ait d'abord vérification des créances. Or, il s'agit d'une procédure rapide où il n'y a pas de suspension provisoire des poursuites ni de vérification des créances. À ce stade-là, nous écartons donc l'intervention de l'AGS.

La commission est défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Même avis que celui de la commission.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg. Votre argument selon lequel l'intervention de l'AGS dépend de la vérification des créances salariales ne tient pas. Il suffirait que le rapporteur dépose un amendement visant à faire vérifier les créances pour établir un lien automatique entre la vérification des créances et l'intervention de l'AGS dans le cadre de la procédure de conciliation. Nous attendons donc du rapporteur une réponse plus sérieuse. Il est inacceptable que la commission des lois ne s'exprime pas plus clairement sur un sujet aussi difficile. Hier, Jean le Garrec a exprimé nos craintes sur le devenir des AGS. Le MEDEF a déclaré être prêt à rendre les clés si l'on chargeait la barque. Nous voulons donc comprendre votre stratégie sur les AGS. Et sur ce point, la réponse technico-désinvolte du rapporteur ne nous suffit pas.

M. le président. La parole est à M. Jean Le Garrec.

M. Jean Le Garrec. Je suis, moi aussi, un peu déçu par la réponse du rapporteur. Nous sommes bien là dans une situation de cessation de paiements et s'il y a des créances faciles à vérifier, ce sont bien les créances salariales. C'est précisément dans ce cadre que le rôle de l'AGS est déterminant. Il en va de la sécurité des salariés. Quelles sont donc les raisons qui vous poussent à ne pas poser le problème ? Je vous fais part de mon étonnement.

Nous ne sommes pas en désaccord sur la sécurité des entreprises, et vous nous attribuez des propos que nous récusons. Je pense, par exemple, à l'intervention presque stupide que M. Fourgous a faite hier. Mais, parallèlement au problème de la sécurité des entreprises, se pose celui de la sécurité des salariés. La question est claire et il ne peut y avoir aucune hésitation en la matière. Nous ne pouvons donc, monsieur le rapporteur, nous satisfaire de votre réponse.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Xavier de Roux, rapporteur. Monsieur Le Garrec, je vais être plus précis. Nous sommes dans une procédure de conciliation, pas dans une procédure collective. Pour que cette procédure de conciliation soit efficace, il est prévu que la cessation de paiements soit possible. Mais si j'avais introduit dans le texte ne serait-ce que l'idée de licenciement économique, que n'aurais-je pas entendu !

M. Jean Le Garrec. C'est vrai !

M. Alain Vidalies. Assurément !

M. Xavier de Roux, rapporteur. Dès lors que nous ne parlons pas de licenciement économique, ne parlons pas, je vous en supplie, de l'AGS !

M. Arnaud Montebourg. Cette réponse est inacceptable !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 399.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 400.

La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour le soutenir.

M. Arnaud Montebourg. Nous demandons dans ce débat du respect envers l'opposition et envers ses arguments politiques. Ce texte n'étant soumis qu'à une seule lecture, nous demandons des réponses précises au ministre et au rapporteur. Les articles sont nombreux et nécessitent ces précisions afin d'éclairer la philosophie de ce texte qui constitue une véritable bombe à retardement. Les problèmes qui surviendront ensuite se retourneront contre le législateur et les méthodes expéditives du Gouvernement.

Je souhaite que le rapporteur et le président de la commission évitent les attaques personnelles - dont ce dernier est coutumier - et nous fassent des réponses qui aident nos concitoyens à se retrouver dans le maquis urticant que sera cette loi !

M. le président. Monsieur Montebourg, veuillez défendre votre amendement.

M. Arnaud Montebourg. Monsieur le président, au lieu de formuler une simple remarque, j'aurais pu faire un rappel au règlement et demander une suspension de séance.

J'en viens à l'amendement n° 400, qui vise à ce que le débiteur ne soit pas complètement dessaisi dans le cadre de la procédure de conciliation et puisse être entendu à tout moment par le président du tribunal. C'est souvent une question de survie.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Xavier de Roux, rapporteur. Je ne comprends pas ce que vous voulez, monsieur Montebourg. Certains points exigent des réponses claires, que je m'efforce de vous donner, mais vous repartez à chaque fois dans de longs discours assez difficiles à suivre et j'avoue que je ne comprends pas toujours vos questions, tant votre raisonnement est embrouillé et vos contradictions nombreuses.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg. Monsieur le président, je demande une suspension de séance pour permettre à M. de Roux d'éclaircir ses idées.

M. le président. Je vous accorde une suspension de séance de quelques minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix heures dix, est reprise à dix heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

Je mets aux voix l'amendement n° 400.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 401.

La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour le soutenir.

M. Arnaud Montebourg. Nous proposons que le conciliateur - pièce maîtresse du dispositif - puisse être remplacé à la demande du débiteur.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Xavier de Roux, rapporteur. Nous avons adopté une autre procédure, plus positive, par laquelle les différentes parties proposent un conciliateur au président du tribunal. Cette solution a notre préférence.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Même avis que celui de la commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 401.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 19.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Xavier de Roux, rapporteur. L'amendement n° 19 vise à rendre plus précis le texte proposé pour l'avant-dernier alinéa de l'article L. 611-7 du code de commerce en substituant au mot : « compétent » les mots : « qui a ouvert cette procédure ».

Le projet permet au juge du tribunal de commerce ou du TGI d'appliquer, s'agissant des créanciers ne participant pas à la conciliation et exerçant des poursuites individuelles contre l'entreprise en difficulté, le délai de grâce de deux ans prévu à l'article 1244-1 du code civil. Il est donc souhaitable de préciser que le juge qui ouvre la procédure, en fixe la durée et désigne le conciliateur est le même que celui qui traite les poursuites individuelles éventuellement engagées pendant cette même procédure par d'autres créanciers que ceux qui sont parties à la conciliation, et qui peuvent être exercées dans un autre ressort. Il convient en effet d'unifier la procédure en temps et en lieu.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 19.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 398.

La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour le soutenir.

M. Arnaud Montebourg. Je vais parler lentement afin que le rapporteur puisse éclaircir ses idées et nous répondre précisément.

Dans le cadre de cette procédure de conciliation, nous souhaitons renforcer le pouvoir du conciliateur, bien sûr, mais surtout celui du tribunal, de manière à garantir l'équilibre entre les intérêts : par exemple, il ne faut pas que les emplois soient considérés comme une variable d'ajustement et « passés à la moulinette », ni que les créanciers publics soient lésés au profit des autres créanciers, notamment financiers. L'accord avec les principaux créanciers doit donc être l'objectif recherché par le conciliateur et par le président du tribunal, qui tranchera en définitive en accordant ou non son homologation.

Il faut redonner du pouvoir à l'institution judiciaire. Le rapporteur a déjà commencé à le faire, mais nous souhaitons poursuivre dans cette voie, de manière à assurer un équilibre entre les intérêts en présence.

Contractualiser à l'excès la procédure de conciliation reviendrait, en quelque sorte, à la « privatiser », le juge étant réduit à une instance passive contrainte de ratifier des choix opérés ailleurs, notamment aux guichets des banques. En attribuant, au contraire, davantage d'influence à l'institution judiciaire, on peut parvenir à un équilibre entre les différents intérêts des principaux créanciers. Tel est - et j'espère que le rapporteur l'aura compris - l'esprit de cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Xavier de Roux, rapporteur. L'amendement de M. Montebourg est déjà satisfait par l'adoption de l'amendement n° 18.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Monsieur Montebourg, considérez-vous que votre amendement est déjà satisfait ?

M. Arnaud Montebourg. Je l'ai déjà indiqué en présentant l'amendement : il y a eu un progrès, mais il faut aller plus loin.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 398.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 6, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 6, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg. Monsieur le président, je souhaiterais réunir mon groupe pendant quelques minutes afin de préparer l'examen de l'article 7, qui est important. Je demande donc une brève suspension de séance.

M. le président. La suspension est de droit.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix heures vingt, est reprise à dix heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

Article 7

M. le président. Sur l'article 7, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg. Avec l'article 7, nous mesurons les conséquences du choix du Gouvernement. Permettre la rupture de l'égalité entre les créanciers posera un problème à ceux qui en seront les victimes. En vérité, offrir, pour certains encours, une sécurité aux banques et aux actionnaires placera la procédure de conciliation dans une situation absolument nouvelle à l'issue de laquelle l'accord obtenu devra préserver les droits des créanciers qui ne seront pas parties à celui-ci. Dès lors, ces derniers pourront se rendre devant le tribunal, et non plus devant le président du tribunal, et engager une procédure publique, intenter des recours pour ne pas avoir été associés par le conciliateur à la phase de conciliation.

Les privilèges octroyés à certains créanciers fragiliseront le dispositif de la conciliation et risqueront d'inquiéter les chefs d'entreprise. Cette contradiction que nous jugeons très mal résolue par le texte n'apportera, en conséquence, pas de solution, mais sera source de nouvelles difficultés.

J'aimerais que le garde des sceaux et le rapporteur nous expliquent leur stratégie permettant à la conciliation de fonctionner.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Je reviendrai sur la démonstration précédente de M. le rapporteur qui a considéré qu'il était contradictoire de demander l'intervention de l'AGS dans le cadre de la conciliation au motif que nous n'aurions pas accepté qu'on la fasse jouer par le biais des procédures de licenciement. C'est ici mélanger plusieurs concepts. L'intervention de l'AGS, même en l'absence de cessation de paiement, n'est pas une idée folle qui germerait uniquement dans les esprits des députés socialistes, puisqu'elle figure dans le projet de loi de sauvegarde des entreprises.

Quel problème soulève la conciliation ? C'est qu'en étant ouverte aux entreprises in bonis et à celles qui seront en état de cessation de paiement depuis quarante-cinq jours, elle aboutit, en réalité, à placer sous le même régime des entreprises dont les situations sont très différentes. Cette contradiction prouve que vous vous sortez difficilement de ce problème, notamment lorsqu'il concerne les salariés.

Si des efforts ont été consentis, tant au niveau des abandons de créances que des possibilités de sortie, la logique qui, finalement, s'imposera sera celle de l'intervention des banques et de leur pression sur le chef d'entreprise. Je ne crois pas que cela corresponde véritablement aux objectifs, partagés dans les principes, de la conciliation.

M. le président. Sur l'article 7, je suis saisi d'un amendement n° 20, qui fait l'objet de trois sous-amendements, n°s 537, 635 et 636.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 20.

M. Xavier de Roux, rapporteur. Le problème de la conciliation est complexe. En effet, les intérêts en présence ne sont pas exactement les mêmes, et certains créanciers souhaitent disposer d'une sécurité juridique complète, donc d'un jugement du tribunal pour donner force exécutoire à la procédure.

Nous avons entendu sur ces bancs, à de nombreuses reprises, les arguments de ceux qui défendent la confidentialité de la conciliation et qui considèrent que, faute de confidentialité, il n'y aura pas de conciliation, certains chefs d'entreprise ne voulant pas aller au tribunal, pour éviter une audience quelque peu solennelle.

Pour sauvegarder les entreprises, il convient d'éviter trop de dogmatisme. En effet, les situations sont extrêmement variables. Comment peut-on comparer la situation d'une entreprise qui rencontre une difficulté qu'elle estime pouvoir régler et qui connaît bien ses créanciers à celle d'une entreprise confrontée brusquement à de sérieux problèmes et qui ne devra sa sauvegarde qu'au conciliateur ?

C'est pourquoi la commission des lois a envisagé deux hypothèses. Ainsi, elle reprend le dispositif proposé par le Gouvernement, lequel assure la sécurité juridique, en l'assortissant d'une alternative laissée au choix des parties. Tel est l'objet de l'amendement n° 20 qui tend, dans un souci de simplification, à ouvrir, à la condition que les parties la demandent, la possibilité de confidentialité. La sécurité juridique découlera de la perte de la confidentialité. Ce large choix permettra de répondre à des situations souvent extrêmement différentes.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. J'ai cosigné cet amendement avec le rapporteur parce qu'il enrichit le texte gouvernemental.

La conciliation est effectivement une technique fort intéressante puisque, comme l'a rappelé le rapporteur, elle sera publique et aura des effets erga omnes. Il en va ainsi du mandat ad hoc et du règlement amiable, qui fonctionnent bien dans un contexte de discrétion. Mais nous avons souhaité, dans un souci de sécurité, que la conciliation puisse se limiter à l'homologation et exclure la publicité. C'est une richesse de plus dans la palette, avant les procédures collectives, qui évitera le dépôt de bilan et fera évoluer les mentalités des chefs d'entreprise qui n'hésiteront plus, culturellement, à franchir le pas. Le fait de pouvoir recourir à la procédure de conciliation sans que leurs fournisseurs ou leurs banquiers n'en soient informés les rassurera. Nombre d'entre eux ne tenteraient pas l'opération, s'ils étaient contraints à une publicité.

Cet amendement contribuera, en l'enrichissant, à garantir le bon fonctionnement du système prévu par le Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Philippe Houillon, pour soutenir le sous-amendement n° 537.

M. Philippe Houillon. Je suis évidemment très favorable à l'amendement du rapporteur cosigné par le président de la commission des lois.

Mon sous-amendement tend à assurer un minimum de sécurité juridique supplémentaire dans l'hypothèse de la constatation simplifiée de l'accord de conciliation. Je propose, en conséquence, que le débiteur doive attester qu'il ne se trouvait pas en cessation des paiements lors de la signature de l'accord, ou que cette signature y met fin. Il s'agit de sécuriser l'accord en cas de dépôt de bilan ultérieur et d'ouverture d'une procédure collective.

Cette proposition me semble cohérente avec l'esprit général du texte, notamment en matière de conciliation.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour défendre les sous-amendements nos 635 et 636.

M. Arnaud Montebourg. Un mot d'abord sur le sous-amendement de M. Houillon, en rapport d'ailleurs avec les conséquences, peut-être inattendues mais tout à fait claires, de la procédure de conciliation.

Dès lors que la cessation des paiements disparaît, puisque la conciliation peut intervenir en période de cessation des paiements, cela a des conséquences pour la suite, et d'abord sur la sanction éventuelle, puisque la cessation des paiements et l'absence de déclaration par le débiteur peuvent conduire à administrer des sanctions au dirigeant de l'entreprise, mais, surtout, la conciliation va blanchir tous les actes antérieurs, par exemple ceux qui relèvent du soutien abusif des banques, en cas d'échec ultérieur de la procédure.

Nous souhaitons donc obtenir des assurances du Gouvernement et du rapporteur sur la question de la banqueroute frauduleuse. S'il y a eu des détournements d'actifs antérieurs non repérés et si la conciliation intervient, considèrent-ils qu'elle efface ces actes de banqueroute ?

La question ne se pose que dans le cas où la procédure de conciliation échoue et où l'on se retrouve en situation de liquidation, mais c'est une question importante. Il y a eu en effet dans ce débat - c'était un amendement du rapporteur ou d'un membre de la majorité - la tentation de faire en sorte que la date de la cessation des paiements fixée par le tribunal de commerce emporte des conséquences sur la décision du tribunal correctionnel. Ce serait nouveau : le commercial tiendrait le correctionnel et l'empêcherait de réapprécier le comportement délictueux ou non du débiteur, des créanciers, des banquiers, des éventuels complices, pendant toute la durée de la procédure et éventuellement avant conciliation.

Il y a avec ce sous-amendement de M. Houillon le danger d'introduire une mesure amnistiante concernant des dispositions fondamentales, alors que nous avons assez de mal - et ce n'est pas moi, que je sache, qui ai employé l'expression « patrons voyous » - à attraire dans les procédures les maisons mères pour les rendre responsables des agissements délictueux de leurs filiales.

Nous demandons donc au Gouvernement de nous donner des apaisements à ce sujet et de préciser l'interprétation de son texte. Et nous en tirerons toutes les conséquences.

Le sous-amendement n° 635 a pour objet de permettre au président du tribunal d'imposer une décision à certains créanciers encore réticents, en dépit du droit de veto qu'ils pourraient vouloir exercer. Dans la logique de la loi Badinter, dès lors que la plupart des créanciers qui sont autour de la table sont d'accord, il s'agit d'obliger les derniers à céder et donc de redonner le pouvoir au président du tribunal. C'est une logique moins contractuelle, plus judiciaire, donc plus conforme à l'intérêt général.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les sous-amendements en discussion ?

M. Xavier de Roux, rapporteur. La commission estime tout à fait utile le sous-amendement présenté par M. Houillon et s'y rallie bien volontiers.

En ce qui concerne le sous-amendement n° 635, la référence aux principaux créanciers qu'il tend à introduire est déjà dans l'amendement n° 18 que nous avons voté. Nous avons fixé à l'article 6 la mission du conciliateur.

Le sous-amendement n° 636 n'a pas été examiné par la commission mais j'y suis défavorable à titre personnel. Permettre l'homologation avec effets juridiques par le seul président du tribunal, qui aurait un pouvoir juridictionnel à cet égard, me semble aller contre les pouvoirs généralement accordés au président du tribunal de commerce. Si l'on veut assurer la sécurité juridique d'un jugement, il faut que ce soit un jugement du tribunal, à moins de donner des pouvoirs exorbitants et hors du droit commun au président du tribunal de commerce.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 20 et les trois sous-amendements ?

M. le garde des sceaux. Le Gouvernement est très favorable à l'amendement n° 20, qui est effectivement très important.

Tout au cours de la période de concertation et de discussion et à partir du mois de mai 2004, quand le texte a été connu après avoir été approuvé en conseil des ministres, j'ai participé comme d'autres à un grand nombre de réunions, de colloques et de débats sur le projet de texte, et s'est alors posée cette question du droit d'option entre sécurité juridique, d'une part, et discrétion, d'autre part. Je crois que l'amendement proposé par la commission des lois est une excellente réponse aux interrogations qu'avaient exprimées différents responsables économiques et différents professionnels du droit. C'est une réelle amélioration du texte de mai dernier.

Je suis favorable au sous-amendement proposé par M. Houillon, qui apporte lui aussi un plus en matière de sécurité juridique, et je pense que l'Assemblée nationale peut l'adopter.

Par contre, je suis défavorable aux deux sous-amendements déposés par le groupe socialiste.

D'abord, monsieur Montebourg, nous ne sommes pas en train de modifier le code pénal, et vous connaissez sûrement d'ailleurs la réponse à la question que vous m'avez posée. Rien ne modifie les possibilités de poursuite pénale et je pense que vous le savez, mais, si vous souhaitiez que le Gouvernement le dise publiquement, je le fais bien volontiers.

Le sous-amendement n° 635 est en contradiction avec l'esprit du texte. Je pense qu'au fond, et cela devient évident avec les différentes interventions du groupe socialiste, vous êtes hostiles à cette procédure de conciliation, qui est l'un des éléments importants de ce projet de loi. C'est tout à fait votre droit, c'est parfaitement légitime, mais, on le voit à travers certains sous-amendements, vous n'approuvez pas l'esprit de la conciliation.

Je suis également hostile au sous-amendement n° 636, qui est lui aussi en contradiction avec la souplesse qui doit caractériser la démarche de conciliation.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg. Sur le sous-amendement de M. Houillon, vous ne m'avez pas répondu, monsieur le garde des sceaux. Bien sûr que nous ne modifions pas le code pénal, mais dois-je rappeler que, dans la définition de la banqueroute frauduleuse, la date de cessation des paiements est l'un des éléments de l'infraction. Si l'on fait disparaître la cessation des paiements dans la procédure commerciale, cela aura des conséquences directes sur l'interprétation que devra faire le tribunal correctionnel pour savoir si la société se trouvait ou non en état de cessation des paiements au moment où ont eu lieu les malversations. Bien sûr que nous ne touchons pas au code pénal, mais on y touche indirectement, et il faut que vous nous répondiez sur ce plan-là.

Nous demandons donc l'assurance que l'appréciation faite dans le cadre de la conciliation n'emporte pas celle du juge correctionnel, ce qui veut dire que le pénal est autonome par rapport au commercial. C'est l'esprit dans lequel s'exprime le garde des sceaux, mais pas encore assez clairement.

S'agissant du sous-amendement n° 635, le rapporteur, qui feint toujours de ne pas nous comprendre, a répondu que l'amendement n° 18 améliorait les pouvoirs du conciliateur en réunissant les principaux créanciers. C'est exact, mais il s'agit ici des pouvoirs du juge, et nous demandons le parallélisme des formes. Ce que vous faites pour le conciliateur, faites-le pour le juge. Ce n'est tout de même pas la mer à boire ! Si le texte ne permet pas au juge d'être volontariste et d'aller contre la volonté de certains créanciers, c'est donc que le juge a moins de pouvoirs que le conciliateur et qu'il est en quelque sorte un observateur de ce qui se passera en dehors de lui.

Contrairement à ce que dit M. le garde des sceaux, nous souscrivons à l'esprit de la conciliation, mais nous voudrions que ce soit une vraie conciliation avec l'ensemble des partenaires. Nous nous sommes battus pour que les salariés soient associés, nous avons expliqué qu'on ne pouvait pas mettre certains en état d'infériorité et d'autres en surplomb de la procédure. C'est bien souscrire à l'esprit de la conciliation.

Les attaques contre les socialistes n'ont aucun sens ici, monsieur le garde des sceaux.

M. le garde des sceaux. Je ne les ai pas attaqués !

M. Arnaud Montebourg. Nous travaillons pour que cette loi ait un visage présentable et pour que chacun puisse s'y retrouver. Entendez bien nos arguments. Ils ne sont pas vains, ils ne sont pas inutiles.

Quant au sous-amendement n° 636, nous le retirons. C'était d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles nous avons demandé une suspension de séance.

M. le président. La parole est à M. Philippe Houillon.

M. Philippe Houillon. Je suis tout de même surpris, monsieur Montebourg, que vous compreniez systématiquement l'inverse de ce qui est écrit. Ce n'est donc pas par hasard...

Pour le sous-amendement que j'ai présenté, je veux d'un mot vous rassurer. Il prévoit non une décision de justice mais une déclaration du débiteur.

M. Arnaud Montebourg. Avec homologation !

M. Philippe Houillon. Non ! Le président statue au vu d'une déclaration, c'est-à-dire que le débiteur s'engage, se responsabilise. S'il racontait des histoires et si, ultérieurement, un tribunal pénal constatait des infractions, on pourrait justement lui opposer sa mauvaise foi et l'incriminer davantage.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Évidemment !

M. Philippe Houillon. C'est donc l'inverse de ce que vous dites, monsieur Montebourg.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Xavier de Roux, rapporteur. Philippe Houillon vient de répondre très clairement, mais je voudrais ajouter un mot pour clarifier les choses à propos du droit pénal.

M. Arnaud Montebourg. Très bien !

M. Xavier de Roux, rapporteur. Notre code pénal est riche. Le détournement d'actifs et l'abus de biens sociaux sont couverts par deux délits, les peines les plus sévères s'appliquant à l'abus de biens sociaux. Le fait déclencheur est le détournement d'actifs, ce n'est pas la cessation des paiements.

M. Arnaud Montebourg. Et la banqueroute ?

M. Xavier de Roux, rapporteur. Elle vise les mêmes faits, c'est-à-dire le détournement d'actifs, et elle intervient après la cessation des paiements,...

M. Arnaud Montebourg. Voilà !

M. Xavier de Roux, rapporteur. ...mais, curieusement, elle est moins sévèrement réprimée.

M. Arnaud Montebourg. Peu importe ! Il existe, il faut le faire vivre !

M. Xavier de Roux, rapporteur. Avant la cessation des paiements, l'abus de biens sociaux couvre tout. Curieusement, je le répète, le texte applicable à la banqueroute est moins sévère. Qui peut le plus peut le moins,...

M. Arnaud Montebourg. Ce n'est pas sérieux !

M. Xavier de Roux, rapporteur. ...et je crois que la totalité des faits de détournement d'actifs sont très largement couverts par notre code pénal.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Ne parvenant pas à concilier l'efficacité de la procédure et la sécurité, la commission des lois a choisi d'une certaine manière de laisser le choix aux intéressés, ce qui n'est pas absurde. Mais nous nous interrogeons sur cette démarche et nous essayons de la comprendre.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Tant mieux !

M. Alain Vidalies. Est-elle suffisamment affirmée et, dans tous les cas, maîtrisée ?

Tel que le texte est rédigé, deux questions se posent. Dans le cas où le président ne fait que constater, la décision, qui n'est pas soumise à publicité, n'est pas susceptible de recours. Or elle engage les personnes qui en sont signataires et peut porter préjudice à des tiers. Quels sont les droits des tiers, notamment pour ce qui est de la tierce opposition à cette démarche ?

La seconde question est plus compliquée. Tel que votre texte sera maintenant rédigé, à partir d'une idée que nous trouvons intéressante, deux cas de figure sont envisageables à l'article L. 611-8 : la constatation et l'homologation. Dans le deuxième cas, on renvoie à un certain nombre de conditions, dont la première sera, après l'adoption de l'amendement de M. Houillon sur l'attestation de l'état de non-cessation de paiement, commune avec le premier cas. Faut-il en déduire que les deux autres conditions - « Les termes de l'accord sont de nature à assurer la pérennité de l'activité de l'entreprise » et « L'accord ne porte pas atteinte aux intérêts des créanciers non-signataires » - ne s'imposeraient plus dans le premier cas parce que le texte ferait apparaître cette distinction ?

Il serait utile, monsieur le rapporteur, puisque ces questions vont nécessairement se poser, que vous puissiez y répondre car nous sommes intéressés par vos propositions.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg. Je suis surpris de la désinvolture avec laquelle M. le rapporteur répond à nos demandes d'apaisement. Nous ne demandons pas le Pérou, mais la clarté !

M. de Roux s'étonne que je défende la banqueroute, délit moins sévèrement réprimé que l'abus de biens sociaux. Si un délit contient comme élément matériel l'état de cessation de paiement, il est normal de se demander, quand vous commencez à tripatouiller la question de la cessation des paiements, si vous n'êtes pas en train de supprimer le délit de banqueroute !

Deuxièmement, je vous ferai observer que s'agissant de la banqueroute frauduleuse d'une entreprise, les organisations syndicales et les organisations représentatives du personnel peuvent se constituer partie civile. Cela n'est pas le cas s'agissant des abus de biens sociaux.

Nos inquiétudes sont donc parfaitement fondées. M. de Roux daignera-t-il y répondre clairement, sans ironie et dans le cadre de nos échanges politiques naturels ?

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Xavier de Roux, rapporteur. Je veux bien répondre à des questions claires. Je me propose de répondre très clairement à celles de M. Vidalies.

Mais, de vous à moi, monsieur Montebourg, je ne comprends rien à ce que vous dites et aux questions que vous me posez. Je n'arrive pas à vous suivre. Vous avez une logique étrange, qui n'est pas la mienne : je ne peux pas répondre à un patchwork d'idées qui sortent en tous sens et sans cohérence. Ce texte est un peu compliqué et un minimum de méthode s'impose.

Monsieur Vidalies, le I de mon amendement n° 20 prévoit clairement qu'il n'y a pas d'effet vis-à-vis des tiers. Ou bien on choisit la sécurité juridique ou bien l'on choisit la confidentialité. Dans ce dernier cas, il n'y a pas d'effet vis-à-vis des tiers.

Dès lors qu'il s'agit d'un jugement du tribunal, il est soumis bien entendu à la tierce opposition et emporte un effet juridictionnel. C'est tout à fait ce que nous souhaitons : d'un côté, nous sommes dans le cadre d'une procédure qui assure une totale protection juridique, notamment vis-à-vis des tiers qui sont soumis à l'exécution du jugement ; de l'autre, nous sommes dans le cadre d'accords et de contrats.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 537.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 635.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Le sous-amendement n° 636 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 20, modifié par le sous-amendement n° 537.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 402 et 403, deuxième rectification, de M. Montebourg tombent.

Rappel au règlement

M. Arnaud Montebourg. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour un rappel au règlement.

M. Arnaud Montebourg. Nous sommes tout à fait capables de discuter en nous respectant, mais je constate que le rapporteur a décidé d'agréer certains orateurs de l'opposition et de refuser de répondre à d'autres. Est-il le rapporteur de toute la commission ou de ses seuls caprices ? S'il ne comprend pas nos questions, nous les répéterons jusqu'à ce que nous obtenions satisfaction. Et, bien qu'il ait la faveur de M. de Roux, M. Vidalies ne manquera pas de dire dans un instant que la réponse qu'il lui a apportée ne lui a pas donné satisfaction.

Je veux bien reconnaître certaines incapacités, mais je souhaite que M. le rapporteur réponde à la question que pose Mme Eva Joly, dans un très bel ouvrage, L'abus de biens sociaux à l'épreuve de la pratique, dont je lui conseille la lecture. Je souhaite que M. le garde des sceaux prenne également la peine de nous répondre avec clarté.

Dans la conciliation, nous décidons d'intervenir sur la date de cessation des paiements, d'une façon d'ailleurs artificielle puisqu'elle apparaît puis peut disparaître...

M. le président. Monsieur Montebourg, nous quittons le champ du rappel au règlement.

M. Arnaud Montebourg. Le rappel au règlement est relatif à l'organisation des débats, et j'ai fait l'objet d'une rebuffade de la part du rapporteur...

M. Xavier de Roux, rapporteur. Je voulais vous répondre !

M. le président. Laissons M. Montebourg terminer, mais très rapidement !

M. Arnaud Montebourg. Convenez, monsieur le président, que je ne suis vraiment pas encombrant ! (Sourires.) Je pose quelques questions car ceux qui vont nous lire auront besoin de clarifications.

Lorsqu'on touche à la cessation des paiements, quelle est la valeur de ce choix au titre de la procédure de conciliation et quelles en sont les conséquences au plan pénal ? Je souhaite que le garde des sceaux nous éclaire sur ce point.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. le garde des sceaux. Monsieur Montebourg, vous m'avez interrogé, je vais vous répondre. Je confirme en tout point la réponse que vous a donnée M. Houillon et que vous connaissez : vous savez très bien que la déclaration du débiteur n'engage que lui-même.

M. Arnaud Montebourg. Merci !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Xavier de Roux, rapporteur. Monsieur Montebourg, je réponds aux questions quand je les comprends. Cette fois-ci, j'ai pu comprendre celle que vous avez posée, et je vais vous répondre.

Encore une fois, il me semble que vous n'avez pas lu le texte : la conciliation ne fixe pas de date de cessation de paiement ; elle permet simplement de se prolonger après son intervention. On espère que la conciliation se fasse hors de la cessation de paiement, c'est le bon sens.

Reprise de la discussion

M. le président. Je suis saisi de deux amendements nos 458 et 544, pouvant faire l'objet d'une présentation commune.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir amendement n° 458.

Mme Jacqueline Fraysse. M. le garde des sceaux a affirmé lors de son audition par la commission des lois, et nous avons lu dans le dossier de presse du ministère, que votre principale préoccupation était celle du maintien de l'emploi dans les entreprises en difficulté. Est-il nécessaire de préciser que c'est une préoccupation que nous partageons tous ?

Nous regrettons donc de constater que ce texte traite surtout de la garantie des intérêts des créanciers mais non, et c'est préoccupant, de la garantie de l'emploi, qui, comme vous le disiez vous-même, devrait être privilégiée, particulièrement dans le contexte actuel. Faut-il rappeler que le taux de chômage dans ce pays flirte depuis trop longtemps avec les 10 % ; que plus de 6 % de la population est pauvre et que ce taux, après avoir diminué, tend à augmenter de manière sensible ; que le nombre d'allocataires du RMI a augmenté de 10,5 % entre juin 2002 et juin 2004, et celui des dossiers de surendettement de 22 % entre le premier trimestre 2003 et le premier trimestre 2004. De plus, alors que la croissance est en phase de reprise, seuls 40 000 emplois ont été créés, ce qui montre bien que les entreprises préfèrent augmenter leurs profits et conforter leurs marges plutôt que de consentir des investissements productifs et favorables à l'emploi.

C'est pourquoi nous considérons que le développement, comme le maintien de l'emploi, devrait être une priorité et guider le traitement des entreprises en difficulté.

Notre amendement tend donc à insérer dans le 2° du texte proposé pour l'article L. 611-8 du code de commerce, après les mots : « à assurer », les mots : « le maintien de l'emploi et ». C'est, je le répète une question essentielle.

Certes, la question de l'emploi ne relève pas uniquement de ce texte, mais ce sont tout de même les ambitions que vous avez affichées. Tout cela tranche cruellement avec l'action que mène ce gouvernement qui multiplie les mesures visant à précariser l'emploi, faciliter les licenciements économiques, démanteler le code du travail. Il est temps, monsieur le garde des sceaux, comme vous nous l'aviez annoncé, de recentrer ce texte sur les objectifs prioritaires que sont la sauvegarde des entreprises et, par voie de conséquence, de l'emploi.

L'objet de cet amendement est simple, il devrait recueillir l'assentiment de tous. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Xavier de Roux, rapporteur. Il est inutile de modifier le texte, dont le but même, qui est la sauvegarde de l'entreprise, est évidemment aussi la sauvegarde de l'emploi. Les emplois se trouvant, jusqu'à nouvel ordre, dans les entreprises, plus on veillera à sauvegarder les entreprises, plus on leur permettra de se créer, de se développer et d'être efficaces, plus il y aura d'activité, et donc d'emploi. On ne peut séparer l'emploi de l'entreprise. Une entreprise est une collectivité de travailleurs, et l'emploi se développe quand les travailleurs ont du travail - c'est une tautologie. Nous maintenons donc le texte en l'état.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Je partage le souci de Mme Fraysse, mais le texte me paraît y répondre. En effet, l'article 6 - qui fixe, en quelque sorte, la définition de l'exercice, dispose que « le conciliateur peut présenter toute proposition se rapportant à la sauvegarde de l'entreprise, à la poursuite de l'activité économique et au maintien de l'emploi » L'article 7, qui porte sur la mise en œuvre de ces objectifs, ne conserve - au 2°, que vous souhaitez amender - que l'expression juridique de « la pérennité de l'activité de l'entreprise ». En termes techniques et juridiques, cela suffit et il est inutile de rappeler l'objectif exprimé une fois pour toutes dans l'article 6 - en « facteur commun », comme on pourrait le dire en termes mathématiques.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Bien sûr !

M. le garde des sceaux. Je vous propose donc de retirer votre amendement.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Lors de la discussion générale, j'avais rappelé modestement - car je ne suis pas juriste - notre préoccupation d'élus de base face à ce texte. Lorsque nous rencontrons, en effet, les chefs d'entreprises en redressement, désireux de poursuivre l'activité et de maintenir des emplois, ils nous disent bien que l'emploi n'est pas la préoccupation dominante des tribunaux de commerce, dont la priorité est purement comptable - quand elle ne consiste pas, devant l'ampleur de leur tâche, à se faciliter le travail en liquidant rapidement certaines affaires au profit de certaines autres, pour des raisons parfois obscures.

Nous sommes soucieux de la sauvegarde de l'entreprise et du maintien de l'emploi. Les licenciements qui accompagnent les difficultés des entreprises - aujourd'hui 300 000 - devraient être le moins nombreux possible.

Je n'ai pas bien compris les arguments avancés par le rapporteur pour justifier son amendement visant à faciliter les modalités le licenciement durant la procédure de sauvegarde. L'idée que la gestion de l'emploi pourrait être la variable d'ajustement de la sauvegarde de l'entreprise est préoccupante. Pour nous, la sauvegarde de l'entreprise est avant tout la sauvegarde de l'emploi. Au-delà de l'activité de l'entreprise, il y a l'emploi. L'objet de l'entreprise, c'est de faire travailler des gens, car ce sont eux qui créent la valeur.

Il n'est dons pas inutile d'introduire un peu de social dans le juridique. Le rôle du conciliateur et des tribunaux de commerce doit désormais être plus soucieux de l'emploi. C'est là, après tout, un élément du « contrat » de M. le Premier ministre pour 2005. Vous pourriez donc, à ce titre, accepter cet amendement commun au groupe communiste et au nôtre.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour soutenir l'amendement n° 544.

M. Alain Vidalies. L'amendement n° 544 a le même objet que l'amendement n° 458 de nos collègues du groupe communiste et républicain.

Monsieur le garde des sceaux, si je ne souscris pas à votre démonstration, du moins a-t-elle éclairé notre débat. La situation est simple : vous avez rappelé la mission expressément fixée au conciliateur par l'article L. 611-7 : il peut présenter toute proposition se rapportant à la sauvegarde de l'entreprise, à la poursuite de l'activité économique et au maintien de l'emploi ». Lorsque le conciliateur a achevé sa mission et qu'un accord a été trouvé, il est homologué par le tribunal dans des conditions que fixe votre texte. La différence entre les termes dans lesquels est exprimé le contenu de la mission et les conditions de l'homologation pose une vraie question, qui n'est pas seulement de nature sociale, mais touche aussi à la portée juridique de ce dispositif.

Selon vous, l'expression « pérennité de l'entreprise » recouvre tous les termes de la mission du conciliateur. Les choses ne sont peut-être pas aussi simples ! Le choix de ces mots suscite quelque inquiétude de notre part. Ainsi, un accord homologué par le tribunal, qui est une décision de justice, sera susceptible de tierce opposition, qui est juridiquement l'une des seules voies de recours utilisées en l'absence d'institution représentative du personnel - cette forme d'intervention a, d'ailleurs, été validée par la Cour de cassation. Ce recours sera examiné par le juge au regard des objectifs fixés par le texte.

Ma question est donc la suivante : dans les cas de tierce opposition formulée, faute de comité d'entreprise et de délégués du personnel, par des salariés qui jugeront que l'accord est mauvais, les salariés ne seront-ils pas pénalisés par le fait que, dans votre rédaction de l'article 7, l'objectif du maintien de l'emploi ne figure plus parmi les conditions nécessaires à la validité de cet accord ?

Puisque nous avons les mêmes objectifs, il serait préférable d'adopter l'amendement proposé par nos collègues communistes ou le nôtre, pour confirmer que nous sommes d'accord et lever toutes nos inquiétudes. Votre refus, en revanche, serait inquiétant.

M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès.

M. Michel Vaxès. Je souhaiterais monsieur le ministre, que vous nous précisiez le contenu de la réponse que vous avez faite tout à l'heure à Jacqueline Fraysse. Si j'ai bien compris, vous nous demandez de retirer cet amendement au motif qu'il serait satisfait. Pouvez-vous confirmer avec précision que la conciliation s'accompagne nécessairement du maintien de l'emploi ? Comme nos collègues socialistes, ce n'est pas ainsi que nous avons compris vos propos. Si tel était pourtant le sens de votre réponse, il n'y aurait aucun inconvénient à le dire clairement.

L'inquiétude que m'inspire cette question est la même que celle que peuvent susciter certains amendements que nous examinerons prochainement et qui font de l'emploi la variable d'ajustement du redressement de l'entreprise.

Monsieur le garde des sceaux, votre réponse doit être claire, car elle figurera au compte rendu de nos débats publié au Journal officiel.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Xavier de Roux, rapporteur. Lorsqu'une entreprise est en difficulté, et risque de déposer son bilan, il est évident que les emplois sont en danger.

M. Michel Vaxès. Ah ! Voilà !

M. Xavier de Roux, rapporteur. C'est une évidence ! Le risque est même qu'à la suite d'une liquidation, tous les emplois disparaissent. Or notre objectif est précisément le maintien de l'emploi, c'est-à-dire de l'activité de l'entreprise. Une entreprise, vous le savez, est d'abord un lieu où l'on crée des produits et des services. C'est un lieu de création, qui répond aux besoins des consommateurs.

M. Michel Vaxès. Et des banques !

M. Xavier de Roux, rapporteur. Sauf à créer des ateliers nationaux, on ne peut distinguer l'entreprise des emplois !

M. Michel Vaxès. Qui faut-il croire ?

M. Xavier de Roux, rapporteur. Je vous rappelle les termes de l'amendement n° 18, qui reprend une grande partie de la rédaction du projet du Gouvernement et précise que le conciliateur - dont le rôle consiste à trouver une solution pour l'entreprise - « peut présenter toute proposition se rapportant à la sauvegarde de l'entreprise, à la poursuite de l'activité économique et au maintien de l'emploi ».

Cette discussion est un peu surréaliste, car nous avons longuement expliqué que l'objet même de tout ce texte est de faire en sorte que les entreprises soient sauvegardées et les emplois maintenus.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Je répondrai à la fois à M. Vidalies et à M. Vaxès. S'il est tout à fait juste que le salarié peut introduire une tierce opposition, celle-ci ne peut avoir pour effet de fixer définitivement le nombre d'emplois dans l'entreprise. Pour avoir eu des responsabilités d'élus locaux, nous connaissons tous la réalité du terrain, et il ne s'agit pas de mener ici un débat virtuel et théorique sur les difficultés des entreprises.

La réalité à laquelle sont confrontées les entreprises, c'est le rétrécissement du marché et un déséquilibre financier. Dans nos permanences, nous sommes amenés à discuter avec toutes les parties pour faire en sorte que le plus grand nombre possible d'emplois soient sauvés. Bien sûr, cela signifie aussi, en négatif, que le nombre d'emplois est inférieur à la fin qu'au début. Pour autant, il importe de faire le mieux possible ce travail - c'est ce que font tous les élus face à cette réalité économique, et c'est aussi le sens de notre débat.

Je n'avais pas compris, monsieur Vaxès, que la proposition de Mme Fraysse pouvait présupposer le principe de la fixité du nombre d'emplois.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. C'est un rêve !

M. le garde des sceaux. Si tel est le sens de votre amendement, j'y suis défavorable, et je comprends que vous ne puissiez le retirer.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 458.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 544.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 404.

La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour le soutenir.

M. Arnaud Montebourg. Je souhaite d'abord rectifier cet amendement, comme le règlement le permet, en substituant aux mots « à l'alinéa précédent » les termes « à l'article L. 611-11 » : il s'agit de l'article qui organise le privilège des banquiers.

En effet la procédure de conciliation que nous sommes en train d'élaborer prévoit la mise en place d'un privilège en faveur notamment des créanciers bancaires, dans le détail de laquelle nous entrerons tout à l'heure.

Nous avons soulevé lors de la discussion générale la question tout à fait fondamentale de la place des banques dans le système économique. Nous avons déploré à cette occasion que l'octroi aux banques de ce que d'aucuns appellent un « super privilège » n'ait pas fait l'objet de la moindre étude d'impact. C'est d'autant plus regrettable que les financements bancaires sont quasiment absents dans l'économie des petites et moyennes entreprises. Nous avons rappelé à ce propos qu'une banque détenue par l'État à 50 % assurait des investissements à hauteur de sept milliards d'euros destinés directement à pallier le refus du système bancaire privé de financer ce type de risques, alors que celui-ci affiche des profits considérables - quatre milliards d'euros pour BNP-Paribas par exemple.

M. Philippe Houillon. C'est hors sujet !

M. Arnaud Montebourg. Or voilà qu'on décide de leur octroyer un privilège exorbitant, inconnu du droit positif. Est-il abusif dans de telles conditions de poser la question des contreparties ? Vous voyez que notre proposition est pragmatique : si nous faisons ce cadeau aux banques, quel cadeau feront-elles à la France, à l'économie de notre pays, aux petites et moyennes entreprises ? Cette question a-t-elle jamais été posée ?

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Quel cadeau ?

M. Arnaud Montebourg. Je ne suis pourtant pas le seul à m'étonner : la commission des finances a exprimé des sentiments de même nature, par la voix de collègues de la majorité. Libre à vous de ricaner : il n'en reste pas moins vrai qu'il s'agit là d'un problème tout à fait fondamental.

M. Philippe Houillon. Qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre !

M. Arnaud Montebourg. Nous ne défendons pas là une position radicale vis-à-vis des banques, contrairement à ce que vous prétendez, monsieur le rapporteur. Il s'agit simplement de déterminer une position équilibrée, comme avait su le faire la loi sur les nouvelles régulations économiques. Cette loi tout à fait d'avant-garde avait su faire progresser la responsabilité sociale et environnementale des entreprises - ce ne sont pas ceux qui ont approuvé la charte de l'environnement qui pourraient aujourd'hui déplorer l'existence de ce texte.

Dans l'esprit de cette loi, nous proposons qu'en contrepartie de ce privilège, les entreprises s'expliquent sur leur comportement économique, social et environnemental. En effet, les banques qui voudront bénéficier de ces dispositions devront publier un rapport annuel sur leur politique de financement des petites et moyennes entreprises, celles qu'elles ont coutume de traiter avec mépris, quand elles ne les envoient pas au tapis, ce qui arrive souvent s'agissant des très petites entreprises de moins de dix salariés. Elles devront dorénavant justifier leur attitude vis-à-vis de cette partie de l'économie qui est la plus créatrice d'emplois. Il faudra également qu'elle donne des informations précises sur la définition d'un certain nombre de ratios. Nul doute que nous disposerions grâce à cette procédure d'un certain nombre d'informations assez étonnantes, au lieu que nous sommes aujourd'hui dans le flou le plus total.

Nous avons pu mesurer la puissance et l'influence des banquiers, dont les actions de lobbying auprès des services de la chancellerie ont pesé sur les travaux préparatoires à ce projet de loi, comme elles ont pesé sur ceux de la commission des lois. Nous allons voir, chers collègues de la majorité, si vous êtes au moins capables d'exiger d'elles un minimum de transparence. Ce serait une juste contrepartie, s'agissant d'agents économiques aussi importants.

Voilà pourquoi je vous prie, chers collègues, de bien vouloir écouter cet appel à définir ensemble de justes et nécessaires contreparties.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Xavier de Roux, rapporteur. Si vous lisez mon rapport, monsieur Montebourg, vous y trouverez un certain nombre de remarques à propos de ce que j'appelle « l'industrialisation » bancaire : la concentration bancaire - résultat d'ailleurs de la nationalisation des bancaires, qui a entraîné la suppression des banques locales, enracinés dans les régions, et la création de très grands groupes. - a considérablement « mécanisé » les ratios prudentiels des banques. Il est vrai que ce phénomène d'industrialisation bancaire a eu pour effet de diminuer la prise de risque au détriment des petites entreprises. Cette question mérite une réflexion approfondie, et je suis persuadé que la commission des finances saura la mener. Il s'agit en effet de comportements de prudentialité, qui ne relèvent pas du droit.

De là à réclamer la publication d'un nouveau rapport, alors que nous sommes déjà accablés dans tous les domaines de rapports que personne ne lit...

M. Arnaud Montebourg. Pas dans ce domaine !

M. Xavier de Roux, rapporteur. Si ! Nous recevons de la part des banques des kilos de rapports. Je ne sais pas si vous les lisez tous.

M. Arnaud Montebourg. Nous les lisons !

M. Xavier de Roux, rapporteur. Personnellement, je me contente d'y jeter un œil, et pas forcément très attentif ! Un rapport supplémentaire serait donc à mon avis un cautère sur une jambe de bois.

M. Jérôme Chartier, rapporteur pour avis. Exactement !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Pourquoi lui donner à nouveau la parole ?

M. Arnaud Montebourg. Nous pouvons nous retrouver dans le diagnostic du rapporteur, d'autant qu'il déplore lui-même dans son rapport que le débat politique sur la définition de nouveaux équilibres dans les procédures de sauvegarde des entreprises n'ait pas été l'occasion de proposer un texte relatif au financement de l'économie. Or s'il est un sujet dont la puissance publique doit se préoccuper, c'est bien de la manière dont l'économie est ou n'est pas financée. Où va l'épargne ? À quoi sert l'argent qui n'est pas investi ? Comment se justifient des profits bancaires records, voire insolents, si cela ne sert en rien l'intérêt économique général ? Parce que nous ne voulons pas d'une économie de rentiers, nous devons nous assurer que cet argent est réinjecté dans les circuits économiques.

À ces préoccupations, le rapporteur répond « mécanisation », « prudentialité », pour expliquer l'automaticité des refus de financement : ce sont là des phénomènes sur lesquels la puissance publique a le devoir de se pencher. D'ailleurs lorsque l'argent des contribuables finance la SOFARIS, ou la Banque de développement des petites et moyennes entreprises, que faisons-nous d'autre, sinon pallier la frilosité du système bancaire ? Point n'est besoin d'invoquer un atavisme culturel : c'est simplement que nous n'avons jamais, sur ce sujet, osé prendre le taureau par les cornes, et vous avez raison, monsieur le rapporteur, de déplorer que cet aspect trop négligé du financement de l'économie n'ait pas été sérieusement examiné.

J'affirme pour ma part l'utilité des rapports : un rapport est un élément nécessaire, quoique non suffisant, du jugement, et c'est pourquoi nous ferons d'autres propositions au cours de ce débat. C'est un premier pas nécessaire, si on veut faire les pas suivants.

Mais si vous souhaitez que nous défendions des mesures plus radicales, tendez-nous les bras : nous serons au rendez-vous.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 404, tel qu'il a été rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 405 de M. Montebourg n'a plus d'objet.

Je suis saisi d'un amendement n° 288.

La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour le soutenir.

M. Jérôme Chartier, rapporteur pour avis. Le texte dispose, à l'article L.611-9 du code de commerce, que « le tribunal statue sur l'homologation après avoir entendu ou dûment appelé en chambre du conseil le débiteur, les créanciers parties à l'accord, les représentants du comité d'entreprise, ou, à défaut, des délégués du personnel, le conciliateur et le ministère public. Il peut entendre toute autre personne dont l'audition lui paraît utile ».

Nous proposons par cet amendement qu'au cas où l'accord ne porte pas sur la restructuration de l'entreprise, au sens de l'article L. 320-3 du code du travail, c'est-à-dire au cas où on ne touche pas à l'emploi, cette disposition ne soit qu'une faculté, et non une obligation : le président du tribunal pourra entendre les représentants du comité d'entreprise s'il le juge nécessaire.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Xavier de Roux, rapporteur. Cet amendement n'a pas été retenu par la commission.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Je souhaiterais, monsieur le rapporteur pour avis, que vous retiriez cet amendement, qui introduit une complication inutile. On peut comprendre son objectif, qui est d'exclure l'audition du comité d'entreprise lorsque l'accord n'a pas d'incidence sur l'emploi. Mais on peut craindre d'abord que cette disposition ne devienne un nid à contentieux, puisqu'il faudra déterminer s'il y a ou non des conséquences pour l'emploi. On risque, d'autre part, de contrevenir au code du travail, qui prévoit clairement la faculté pour le comité d'entreprise de s'exprimer, dans ce type de circonstances comme dans d'autres.

M. le président. Retirez-vous cet amendement, monsieur le rapporteur pour avis ?

M. Jérôme Chartier, rapporteur pour avis. Je retire cet amendement, qui visait surtout à soulever la question de la confidentialité.

Je profite de cette occasion, monsieur le rapporteur, pour exprimer mon soutien à cette procédure d'homologation, qui existe déjà et qui sera désormais inscrite dans la loi. En effet, sans être juridiquement opposable, du moins elle encadre strictement les décisions prises dans le cadre de cette conciliation, en prévoyant notamment l'accord du président du tribunal, donnant ainsi plus de force à ces décisions.

Je craignais simplement qu'on ne soit obligé de convoquer le ban et l'arrière-ban pour chaque conciliation, même s'il n'y a pas restructuration de l'entreprise au sens du code du travail, c'est-à-dire s'il n'y a pas d'incidence directe sur l'emploi.

Puisque ce cadre a été prévu hors homologation du tribunal au sens strict, mon amendement est partiellement satisfait. Voilà pourquoi je le retire.

M. le président. L'amendement n° 288 est retiré.

Je suis saisi de deux amendements, nos 459 et 545, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour défendre l'amendement n° 459

Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement participe de la même philosophie que ceux déposés tout au long de ce texte, visant à faire entendre la voix des salariés dans ces procédures de soutien aux entreprises en difficulté. Cela suppose naturellement que l'on considère les salariés comme des acteurs de la vie de l'entreprise, et non comme des ennemis : apparemment il n'est pas superflu de le souligner !

Comme le chef d'entreprise, ils ont intérêt - oh ! combien - à ce que l'activité de l'entreprise soit maintenue, leur outil de travail préservé, leur salaire et leurs moyens de vivre sauvegardés.

Il en va de même du développement de nos territoires. Les salariés ont un intérêt identique à celui du chef d'entreprise ou des élus locaux à développer l'activité des entreprises et à tout mettre en œuvre pour aider les entreprises à sortir des difficultés qu'elles pourraient rencontrer.

C'est pourquoi il importe de prévoir l'association des salariés à l'élaboration de chaque procédure.

L'article 7 définit une étape du déroulement de la procédure de conciliation destinée à trouver une solution à l'amiable entre le débiteur et ses créanciers. Lorsque l'accord est trouvé, il est homologué par le tribunal. Dans cette perspective, le tribunal aura préalablement entendu le débiteur et ses créanciers, parties à l'accord, le conciliateur et le ministère public.

Votre projet prévoit, et c'est bien, « les représentants du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel ». Or vous le savez comme nous, dans les plus petites structures, il n'y a pas de comité d'entreprise, pas davantage de délégués du personnel dans certains cas : l'expression des salariés n'est donc pas assurée.

M. Philippe Cochet. C'est faux !

Mme Jacqueline Fraysse. Je n'ignore pas que l'article L. 611-9 du code de commerce prévoit que le tribunal « peut entendre toute autre personne dont l'audition lui paraît utile. » Toutefois, je crois nécessaire d'être précis sur les personnes obligatoirement entendues. C'est l'objet de cet amendement.

Nous proposons que les salariés soient impérativement entendus s'il n'y a pas de représentant du personnel dans l'entreprise en difficulté. Il s'agit là encore d'un amendement simple, de bon sens, respectueux de tous et qui pourrait, me semble-t-il, être adopté par l'ensemble de notre assemblée.

M. Michel Vaxès. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir l'amendement n° 545.

M. Alain Vidalies. Monsieur le président, cet amendement peut certes être présenté en discussion commune avec le précédent, mais, en réalité, son périmètre est un peu différent.

Il s'agit de savoir si la consultation prévue par le texte est limitée aux entreprises de plus de cinquante salariés. La rédaction actuelle du texte - « les représentants du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel » - ne vise que les entreprises de plus de cinquante salariés puisque elles seules ont un comité d'entreprise. Selon toute une série de décisions de la Cour de cassation, l'expression « ou, à défaut, des délégués du personnel » ne vise pas les entreprises comportant des délégués du personnel, c'est-à-dire de plus de onze salariés, mais bien celles de plus de cinquante salariés comportant non pas un comité d'entreprise, mais des délégués du personnel. C'est ce que signifie la rédaction actuelle du projet.

Proposer de supprimer « à défaut » signifie simplement - et cela a une portée importante - que la concertation doit aussi intervenir dans les entreprises à partir de onze salariés, c'est-à-dire celles ayant des délégués du personnel de plein droit.

L'amendement de nos collègues communistes va au-delà : il concerne l'ensemble des salariés en visant les délégués du personnel ou, à défaut, les salariés, c'est-à-dire toute l'entreprise. Nous le verrons d'ailleurs un peu plus tard car une telle procédure existe déjà dans le code de commerce pour les toutes petites entreprises où il y a bien, même sans comité d'entreprise ni délégués du personnel, une institution qui existe représentant les créanciers et pouvant d'ailleurs être désignée par l'assemblée générale des créanciers. Cette procédure est assez peu utilisée, et son pouvoir est limité à la vérification des créances. Nous y reviendrons probablement ultérieurement s'agissant des entreprises entre zéro et onze salariés.

Sachant que ce projet va s'adresser à beaucoup de petites entreprises, essayons au moins de prendre en considération, comme l'a dit fortement et excellemment notre collègue communiste, les salariés dans cette discussion importante ! Ils ont évidemment partie liée avec leur entreprise : ils ont leur expérience, leurs compétences, leur savoir-faire qu'ils peuvent mettre à profit dans la discussion pour parvenir à des solutions qui soient pertinentes.

Nous voulons permettre cette expression et ce partage des objectifs de sauvetage de l'entreprise, mais nous sentons à l'égard de nos propositions une espèce de suspicion qui me paraît, excusez l'expression, un peu archaïque. Aujourd'hui, il faut prendre en compte l'ensemble des paramètres de l'entreprise et, en premier lieu, à côté des dirigeants, les salariés.

M. Arnaud Montebourg. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Xavier de Roux, rapporteur. Ce débat purement textuel cache, en réalité, je ne sais quelles arrière-pensées.

Je rappelle que l'article L. 611-9 du texte vise expressément les représentants du comité d'entreprise, des délégués du personnel, le conciliateur ; le tribunal peut même entendre toute personne dont l'audition lui paraît utile, c'est-à-dire éventuellement un ou plusieurs salariés lorsqu'il n'y a pas de délégué du personnel.

Quel est le problème ?

À partir de cinquante salariés, le comité d'entreprise doit obligatoirement être consulté. S'il n'y a pas de comité d'entreprise, les délégués du personnel doivent obligatoirement être consultés. Reste, comme vous l'expliquiez, monsieur Vidalies, les micro-entreprises, c'est-à-dire de moins de onze salariés.

M. Alain Vidalies. Nous ne sommes pas d'accord ! Puis-je vous interrompre, monsieur le rapporteur ?

M. Xavier de Roux, rapporteur. Bien sûr.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, avec l'autorisation de M. le rapporteur.

M. Alain Vidalies. Merci, monsieur le rapporteur.

Nous avons en effet un désaccord sur l'état du droit positif : ce désaccord résulte d'une lecture souvent faite et commentée, mais qui n'est pas juste par rapport à l'état de la jurisprudence. Et nous en voyons les conséquences sur notre discussion.

La rédaction du texte actuel, « les représentants du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel », ne signifie pas ce que vous venez d'indiquer, à savoir que la seule question restant à régler serait celle des entreprises de moins de onze salariés. En réalité, la lecture de l'article aboutit à traiter simplement la question des entreprises de plus de cinquante salariés, car les mots « à défaut » ne visent que les entreprises de plus de cinquante salariés où il n'y a pas de comité d'entreprise et donc le cas où sont entendus les délégués du personnel.

Ce que je souhaite, c'est que le projet prenne en compte toutes les entreprises à partir de onze salariés. Et comme vous sembliez ne pas être choqué, pensant que c'était le cas, je pense que vous allez vous rallier à mon amendement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Xavier de Roux, rapporteur. Nous sommes d'accord sur le fond, mais je crois que votre amendement n'ajoute et ne précise rien.

Je le sais parfaitement, monsieur Vidalies : il existe des entreprises de plus de cinquante salariés qui, pour toutes sortes de raisons, n'ont pas de comité d'entreprise ; mais dans ce cas, elles ont des délégués du personnel. Il y a donc bien des délégués du personnel « à défaut ». Très sincèrement, il me semble que le texte couvre les cas que vous visez.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Je comprends le texte ainsi : les termes « ou, à défaut » visent les entreprises entre onze et cinquante salariés.

Cela étant dit, j'ai demandé que la question soit expertisée par le ministère du travail car nous devons évidemment nous mettre d'accord sur la signification réelle du texte actuel.

Le règlement de l'Assemblée nous permet de réserver la discussion, monsieur le président : une fois que ce point sera éclairci, nous y reviendrons, si nécessaire.

M. Arnaud Montebourg et M. Alain Vidalies. Très bien !

M. le président. Monsieur Vaxès, êtes-vous satisfait de cette réponse ?

M. Michel Vaxès. Dans la mesure où M. le ministre, et je l'en remercie, nous propose de revenir sur cette discussion, il faut la renvoyer à un moment ultérieur du débat, sitôt obtenus les éclaircissements des services juridiques du ministère.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. le garde des sceaux. Monsieur le président, je demande la réserve de la discussion des deux amendements en attendant l'expertise juridique.

M. Arnaud Montebourg. Très bien !

M. le président. Les amendements nos 459 et 545 sont réservés.

Le vote sur l'article 7 sera donc également réservé.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Cela me paraît être la sagesse car, apparemment, le ministre pensait que les entreprises au-dessus de onze salariés étaient couvertes. Si cet objectif est partagé par tout le monde, autant l'acter ; si mon raisonnement est faux, j'en prendrai acte ultérieurement.

Si mon raisonnement est validé par le ministère du travail, il faudra modifier le texte du projet avec l'adoption de nos amendements. La lecture qui sera faite de ces dispositions permettra de constater que ce ne sont pas que les entreprises au-dessus de cinquante salariés qui sont visées, mais bien l'ensemble des entreprises à partir de onze salariés.

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 21 de la commission.

Il s'agit d'un amendement de coordination auquel le Gouvernement est évidemment favorable.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 634 qui fait l'objet de trois sous-amendements nos 648 rectifié, 649 et 647.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 634.

M. Xavier de Roux, rapporteur. Cet amendement est un peu long, et je m'en excuse, car il est à la fois rédactionnel et essaye de couvrir une situation qui le l'était pas complètement dans le texte du Gouvernement.

La première modification importante porte sur le dernier paragraphe de l'article 611-10. L'amendement propose la rédaction suivante : « Saisi par l'une des parties à l'accord homologué, le tribunal, s'il constate l'inexécution des engagements résultant de cet accord, prononce la résolution de celui-ci ainsi que la déchéance de tout délai de paiement accordé. »

Vous verrez que toute la discussion porte sur l'automaticité de la décision du tribunal. Doit-il prononcer la résolution automatiquement ou pas ? La solution proposée par la commission des lois est que si le tribunal est saisi par l'une des parties à l'accord et qu'il y a inexécution, le tribunal est lié et doit prononcer la résolution. C'est le premier point, et le plus important.

Les deux autres points de l'amendement sont des améliorations rédactionnelles.

Au deuxième alinéa, il est nécessaire de prévoir dans la loi la durée du recours en tierce opposition, puisque le délai de droit commun prévu est de trente ans en application de l'article 586 du nouveau code de procédure civile qui dispose que « la tierce opposition est ouverte à titre principal pendant trente ans à compter du jugement à moins que la loi n'en dispose autrement. » Pour éviter une fragilité excessive et paradoxale de l'accord par son homologation - à cause de cette disposition -, il est proposé de réduire ce délai trentenaire de droit commun à celui de dix jours prévu, pour l'appel de l'ordonnance d'homologation simple, par l'article 39-1 du décret modifié du 1er mars 1985, de même que pour les tierces oppositions aux jugements relatifs aux procédures collectives par l'article 156 du premier décret du 27 décembre 1985.

Par ailleurs, il est proposé une mesure de cohérence avec le dispositif prévu en ce qui concerne le plan de sauvegarde par l'article L. 626-8, qui fait bénéficier - et c'est important - les cautions personnes physiques des dispositions du plan favorables au débiteur. Il est proposé par cet amendement d'inscrire dans la loi le principe suivant lequel les cautions personnes physiques, y compris garants autonomes et coobligées, peuvent se prévaloir des délais accordés par l'accord de conciliation. Cette modification tient compte à la fois du principe suivant lequel la caution, en quelque sorte « accessoire » au contrat, doit bénéficier des mêmes avantages que le principal, et que la jurisprudence vient précisément de consacrer ce principe en reconnaissant que les remises accordées à l'occasion du règlement amiable des difficultés d'une entreprise profitaient à la caution. Il s'agit d'un arrêt récent de la Cour de cassation, du 5 mai 2004. Il est préférable, pour éviter tout revirement de jurisprudence, de consacrer cette règle opportune et légitime dans la loi.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Sur le fond, je n'ai rien à ajouter, si ce n'est que je suis favorable à cet amendement. Nous sommes là, il est vrai, à 80 % dans le domaine réglementaire, mais j'espère que le Conseil constitutionnel ne nous sanctionnera pas pour un tel empiétement de la loi sur le règlement. (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour soutenir les sous-amendements nos 648 rectifié, 649 et 647.

M. Arnaud Montebourg. Je retire les sous-amendements nos 647 et 648 rectifié. Le sous-amendement n° 649 propose une mesure de cohérence permettant la levée des interdictions d'émettre des chèques une fois l'accord obtenu.

M. le président. Les sous-amendements nos 647 et 648 rectifié sont retirés.

Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 649 ?

M. Xavier de Roux, rapporteur. Ce sous-amendement n'a pas été examiné par la commission des lois.

M. Arnaud Montebourg. Si, sous la forme de l'amendement n° 407 !

M. Xavier de Roux, rapporteur. Je me demande si, dans une matière qui doit conserver un peu de plasticité, l'automaticité que l'on créerait en votant ce sous-amendement est bien utile. La commission n'y est pas favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Il va peut-être se passer un événement considérable : je suis plutôt favorable au sous-amendement de M. Montebourg.

M. Paul Giacobbi. Il neige déjà ! (Rires.)

M. le garde des sceaux. Je ne veux pas mettre la commission en porte-à-faux...

M. Xavier de Roux, rapporteur. Je n'y vois pas malice ! (Sourires.)

M. le garde des sceaux. ...mais je trouve que l'automaticité est plutôt un avantage.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg. À l'origine, ce sous-amendement était un amendement qu'avait examiné la commission, mais comme, lors de la réunion tenue en application de l'article 88 du règlement, le rapporteur a proposé de nombreuses rédactions nouvelles du texte, nous sommes obligés, pour reconstituer notre pouvoir d'amendement, de déposer des sous-amendements, ce qui bouleverse un peu l'ordre de nos débats. Je prie nos collègues de bien vouloir nous en excuser, car nous n'y sommes pour rien.

Sur le fond, si un accord est intervenu, comment pourrait-on continuer d'interdire à l'entreprise d'émettre des chèques ?

Avec cet amendement, devenu sous-amendement, je voulais tout simplement montrer que le rapporteur n'avait pas la science infuse.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 649.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 634, modifié par le sous-amendement n° 649.

(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 406 de M. Montebourg, 565 de M. Cardo, 289 de M. Chartier, 407, 408 et 409 de M. Montebourg n'ont plus d'objet.

Le vote sur l'article 7 est réservé.

La parole est à M. le garde des sceaux.

M. le garde des sceaux. Je suis bien sûr favorable à la réserve, que j'ai moi-même demandée tout à l'heure. Peut-être pourrions-nous revenir sur ce sujet après la pause du déjeuner : nous aurons alors une explication très claire et j'aurai une proposition à vous faire pour lever toute ambiguïté sur le sens que nous donnons à cet article.

Article 8

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 8.

La parole est à M. Paul Giacobbi.

M. Paul Giacobbi. Je vous prie de m'excuser d'oser prendre la parole, puisque, selon M. le rapporteur, je n'ai pas lu le texte, ne connais pas le droit et suis même victime d'hallucinations juridiques qui me font voir, dans le projet, des dispositions qui n'y figurent pas. Il m'a même été fait grief de ne pas avoir été présent lors du débat sur la loi Le Chapelier. (Rires.)

M. Xavier de Roux, rapporteur. C'est dommage, en effet !

M. Paul Giacobbi. Je le confesse volontiers : mes ascendants directs n'ont siégé sur ces bancs que depuis la fin du xixe siècle. Mais peu importe. À propos de ce genre d'incompréhension, La Rochefoucauld a parlé de plaisir de gourmet et, depuis deux jours, vous m'avez procuré ce plaisir de manière répétitive. Continuez donc. (Sourires.)

En ce qui concerne l'article 8, plusieurs remarques s'imposent. Du point de vue de la forme, on trouve des répétitions un peu lourdes : « préjudices subis du fait des concours consentis du fait d'un accord homologué ». On pourrait remplacer le second « du fait » par les mots « dans le cadre ». Je n'ai relevé aucun amendement ou sous-amendement qui le fasse, mais peut-être n'ai-je pas été attentif.

Il me semble ensuite − mais sans doute m'éclairera-t-on sur ce sujet − que l'on pourrait être un peu plus explicite sur la procédure à laquelle s'applique la disposition créant le privilège. L'article 8, qui crée l'article L. 611-11, semble indiquer que le privilège ne vaut que pour la conciliation, puisque l'on parle des « créances nées avant l'ouverture de la conciliation ». Mais, à l'article 34, qui modifie l'article L. 622-15, on évoque « le privilège établi par l'article L. 611-11 du présent code » dans le cas du plan de sauvegarde. Il faudrait être plus clair.

D'autre part, je remercie M. le ministre d'avoir voulu me rassurer en ce qui concerne la constitutionnalité de la réorganisation de l'ordre des créances. Le Conseil constitutionnel admet en effet que l'ordre des créances puisse être modifié, et M. le ministre me fera la grâce de penser que je le savais. Encore faut-il que cette modification repose sur un intérêt général. J'ai d'ailleurs, en défendant l'exception d'irrecevabilité, cité divers cas dans lesquels il me paraît parfaitement fondé que l'on modifie éventuellement l'ordre des créances.

Lorsque je me suis interrogé sur la constitutionnalité de ces dispositions − par exemple au regard du principe d'égalité ou du droit de propriété −, je me suis demandé en vertu de quel intérêt général supérieur l'on pouvait faire passer le créancier privé qui remet de l'argent avant le créancier public qui, a priori, me paraît représenter par définition l'intérêt général.

Je me suis d'ailleurs posé la même question pour le créancier privé qui remet de l'argent par rapport à tout autre créancier privé autre que le salarié, même dans le cas où celui-ci consent des délais de paiement supplémentaires.

D'un point de vue général, il me semble que, dans tout le texte, mais déjà dans cet article, les créanciers publics − pour ne parler que d'eux − sont systématiquement placés dans une situation d'infériorité. Le créancier public est déchu de son privilège, même dans le cas où il accorde des délais, et même dans celui où il consent à abandonner une partie de ses créances, ce qui ne constitue pas un apport d'argent frais − on ne va tout de même pas demander au Trésor public ou à l'ASSEDIC de remettre des sous dans une entreprise qui lui en doit déjà ! Le créancier public n'est pas non plus représenté au titre de la sauvegarde dans les comités de créanciers, pas plus que le salarié. Il s'agit bien d'un climat général dans lequel on place le créancier public dans une situation d'infériorité. Je signale d'ailleurs au passage que, aux États-Unis, c'est le contrôleur fédéral − appelons-le comme ça, pour que M. de Roux ne me reproche pas d'employer un terme étranger − qui décide de la composition des comités de créanciers et qui veille souvent à réunir dans un comité particulier les créanciers privilégiés et les salariés. Que diriez-vous si nous réclamions des mesures semblables ou si nous demandions que les procédures soient engagées et encadrées par un fonctionnaire d'État ?

Enfin, pour ce qui est du soutien abusif, je crois que vous vous y prenez assez mal, indépendamment de toute question de fond. Plus vous amenderez, plus la situation empirera. Mais nous y reviendrons tout à l'heure, à propos de l'amendement qui fait appel à l'intention.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Montebourg.

M. Arnaud Montebourg. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec l'article 8, nous en venons à la pomme de discorde politique. Il crée en effet un article L. 611-11 qui organise deux privilèges pour les apporteurs de crédit, c'est-à-dire les organismes bancaires. Nous exprimons à ce sujet un désaccord radical.

L'article comporte deux aspects : le premier est le super-privilège des apporteurs d'argent frais ; le second est la sécurisation des banques en cas de soutien, avec la fin du soutien abusif.

À la lecture de cet article, on comprend que seuls les banques bénéficieront de ce privilège : il y est question des « personnes qui consentent [...] un crédit ou une avance au débiteur en vue d'assurer la poursuite d'activité de l'entreprise et sa pérennité ». Qui peut consentir un crédit ou une avance ? Le banquier et l'actionnaire. La confusion est donc assez nette. Nous aimerions savoir qui est inclus dans le champ de ceux qui vont pouvoir décrocher ce super-privilège.

Nous nous interrogeons également sur la rupture d'égalité entre les créanciers. Paul Giacobbi vient de le dire, après l'avoir expliqué en défendant l'exception d'irrecevabilité : il se pose un léger problème de justification constitutionnelle de cette rupture. Le Conseil constitutionnel a déjà dit que la rupture d'égalité était compatible avec la Constitution, à condition qu'elle serve l'intérêt général, mais il n'a jamais dit que la rupture d'égalité des créanciers entre eux, par transformation de la hiérarchie aujourd'hui fixée, était constitutionnelle.

Que vont offrir les banques en contrepartie de ce magnifique cadeau ? Y a-t-il quelqu'un, au Gouvernement ou à la commission, qui puisse nous dire ce qui leur a été demandé ? Vont-elles, par exemple, consentir des efforts sur les taux ? Nous avons reçu différents praticiens, dont la CGPME, qu'on ne peut soupçonner de bolchevisme : ils nous ont dit que, lorsque le banquier apporte de l'argent dans le cadre d'une poursuite d'activité, il s'est déjà payé, et même surpayé. Quelles sont les contreparties à cet extraordinaire cadeau que vous faites aux banques ?

Lorsque la compagnie Citigroup réalise 17 milliards de dollars de bénéfice sur l'exercice 2004, qu'elle licencie 1 000 personnes, augmente ses marges de profit de 20 %, lorsque la BNP affiche en 2004 − un excellent millésime, décidément ! − 4,6 milliards d'euros de bénéfice, avons-nous vraiment besoin de contribuer à accroître encore leurs profits et ne pouvons-nous leur demander un petit effort ? Est-il permis de poser cette question et d'espérer une réponse ? Peut-être la solution ne réside-t-elle pas dans ce texte, mais qu'on nous le dise. Les parlementaires, chargés des intérêts de la nation, ont tout de même le droit de poser des questions. Pour seule réponse, on nous dit qu'on ne peut pas faire autrement, que les banques sont les plus fortes et que, si elles refusent, c'est la fin. Mais quelles contreparties leur demande-t-on ? On ne nous répond pas et nous trouvons désastreux que ce texte brise l'égalité des créanciers au profit des banques.

Le second point a trait au soutien abusif.

On ne peut - et Paul Giacobbi a eu raison de souligner le caractère radicalement anticonstitutionnel d'une telle disposition - créer des clauses d'irresponsabilité à raison de son propre comportement. Ce n'est d'ailleurs pas une loi - vilaine car dirigiste, comme vous avez un peu trop tendance à le dire - qui a établi la règle relative au soutien abusif, mais la jurisprudence, qui a appliqué l'article 1382 du code civil, devenu un principe général de notre droit, obligeant celui qui commet une faute à en réparer les conséquences. N'est-il pas d'ailleurs naturel qu'une responsabilité puisse être engagée en raison des dégâts qu'une décision peut produire ?

Il est donc absolument impossible de réglementer le soutien abusif, et le Conseil constitutionnel l'a déjà rappelé à plusieurs reprises en refusant toute exonération de responsabilité. Il n'en est qu'un, oserais-je dire, qui échappe à toute responsabilité en vertu de la Constitution : le Président de la République.

M. Xavier de Roux, rapporteur. Ça nous manquait !

M. Arnaud Montebourg. Vouloir faire profiter d'autres partenaires en matière de clause d'irresponsabilité devient presque contagieux !

M. le président. Je vous demande de bien vouloir conclure, monsieur Montebourg.

M. Arnaud Montebourg. Je conclus, monsieur le président.

Pour créer les conditions de l'irresponsabilité, il faut avoir un curieux sens de l'intérêt général. La Constitution le justifie pour le Président de la République. Nous le contestons mais, après tout, il s'agit de la Constitution. Mais pour les établissements bancaires qui affichent des profits insolents sans prendre de risques dans le financement de l'économie, vous allez un peu loin !

C'est un point sur lequel nous vous contestons toute légitimité politique à avancer.

M. Xavier de Roux, rapporteur. Rien que ça !

M. Arnaud Montebourg. Examinons d'ailleurs le nombre de condamnations qui ont été rendues pour soutien abusif : elles se comptent sur les doigts d'une main et, de surcroît, avec un encours maximal qui, ces dernières années, n'a jamais dépassé 14 millions d'euros en un an, ce qui est une goutte d'eau dans l'océan de richesse des banques.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. C'est Lénine !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jérôme Chartier, rapporteur pour avis. La rédaction originelle de l'article 8 me posait quelques problèmes et je voulais m'en expliquer, ayant eu l'honneur d'être cité dans la discussion générale pour la clarté des termes employés dans mon rapport.

Si j'ai parlé de « super privilège » - avec des guillemets car ce terme n'existe dans aucun code - c'est parce que je ne voyais pas, comme M. Montebourg, pourquoi les banques, au moment où les difficultés de l'entreprise imposeraient de remettre de l'argent frais ou d'apporter des biens, devaient bénéficier d'un avantage supplémentaire par rapport aux autres partenaires de l'entreprise.

M. Arnaud Montebourg. Très juste !

M. Jérôme Chartier, rapporteur pour avis. Certes, les banques n'étaient pas les seules concernées par cet article 8. On y trouvait également les actionnaires, pour le compte courant,...

M. Arnaud Montebourg. C'est encore pire !

M. Jérôme Chartier, rapporteur pour avis. ...ainsi que les sociétés financières dites « facteurs », cette dernière prise en compte me semblant, elle, normale. En effet, si l'on peut considérer que les crédits sont de la trésorerie positive, les avances constituent de la trésorerie négative : autrement dit, elles autorisent un accroissement des délais de paiement. Bref, la rédaction initiale de l'article 8 concernait, par extension, ce que l'on peut appeler les établissements de crédit et ceux qui accordent des délais de paiement.

Cette rédaction ne me convenait pas en raison du principe d'équité que je voulais instaurer entre tous ceux qui prennent le risque, lorsque l'entreprise connaît des difficultés, d'apporter soit de l'argent soit des biens soit des services. Les faire bénéficier du même privilège me semblait essentiel.

De ce point de vue, l'amendement n° 574 du rapporteur me satisfait, qui propose de rédiger ainsi le premier alinéa de l'article L. 611-11 du code de commerce : « Les personnes qui consentent, dans l'accord homologué [...], un nouvel apport en trésorerie au débiteur [...], sont payées, [...], par privilège à toutes créances nées avant l'ouverture de la conciliation. Dans les mêmes conditions, les personnes qui fournissent, dans l'accord homologué, un nouveau bien ou service en vue d'assurer la poursuite d'activité de l'entreprise et sa pérennité, sont payées, pour le prix de ce bien ou de ce service, par privilège à toutes créances nées avant l'ouverture de la conciliation. »

De ce fait, seraient concernés non seulement les établissements de crédit et les facteurs, c'est-à-dire les sociétés d'affacturage qui prennent en charge les créances à la place des fournisseurs, mais également toutes les entreprises qui, de façon directe ou indirecte, veulent contribuer à la pérennité du débiteur en apportant un bien ou un service. Cette vision très large de la conciliation permettrait à l'entreprise de redémarrer, et la rédaction de cet amendement me convient donc parfaitement.

Je parlais, disais-je, de « super privilège » dans mon rapport. Là, c'est un super privilège que l'on accorde à tous ceux qui veulent participer à la pérennité de l'entreprise. Cela me semble juste, et c'est la raison pour laquelle j'apporterai mon plein soutien à l'amendement de la commission des lois.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Xavier de Roux, rapporteur. Je tiens à apporter quelques éclaircissements afin que ce débat ne soit pas obscur.

Ce qui est amusant en l'espèce c'est que, comme cela nous arrive parfois dans cette assemblée, le combat est à front renversé. M. Giacobbi citait en soutien à son exception d'irrecevabilité, une décision du Conseil constitutionnel, qui avait été saisi par l'opposition d'alors protestant véhémentement contre le fameux article 40 de la loi de 1985 - entré depuis dans nos mœurs. Cet article avait justement pour objet de donner aux banques un super privilège permettant aux banquiers d'être payés en priorité. À l'époque, le débat entre intérêt général et intérêt des créanciers tournait à l'avantage de ce dernier, et c'est parce que cet article 40 semblait justement porter atteinte à l'égalité des créanciers que l'opposition d'alors, devenue la majorité d'aujourd'hui, avait saisi le Conseil constitutionnel.

Ce dernier a retoqué notre demande en raison des considérants très clairs suivants : « [...] la loi a pu, sans être astreinte à prévoir quelque indemnisation que ce soit, modifier le rang des créances assorties de sûretés réelles, à l'avantage de créanciers qui, depuis l'ouverture de la procédure, ont concouru à la réalisation de l'objectif d'intérêt général de redressement des entreprises en difficulté ; qu'ainsi, elle a soumis à des règles différentes des créanciers placés dans des situations différentes au regard de l'objectif poursuivi ». Quel était l'objectif poursuivi sinon l'intérêt général, c'est-à-dire celui de la pérennité de l'entreprise ?

Depuis cette querelle de 1985, le droit a coulé sous les ponts, et la notion même d'intérêt général recueille l'accord de tous sur ces bancs. Pourquoi alors cette brusque querelle sémantique ?

M. Arnaud Montebourg. Nous en reparlerons, monsieur le rapporteur.

M. Xavier de Roux, rapporteur. C'est tout le problème de la sémantique : elle incite à lancer des mots, à faire de la propagande, comme si les banques étaient, encore une fois, l'ennemi public numéro un.

M. Arnaud Montebourg. Mais non !

Mme Janine Jambu. Les réalités sont là !

M. Xavier de Roux, rapporteur. On se croirait revenu au temps de Balzac, pire de Lénine, lorsque certains pensaient être dévorés par l'hydre de Zurich !

Monsieur Montebourg, reprenons notre calme et soyons clairs : M. Badinter, en 1985, pensait à l'intérêt des banques en privilégiant leur intervention après le dépôt de bilan. Je voulais simplement le rappeler, afin de recadrer un peu le débat et d'en finir avec les fantasmes.

M. Pascal Clément, président de la commission des lois. Très bien !

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    2

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, n° 1596, de sauvegarde des entreprises :

Rapport, n° 2095, de M. Xavier de Roux, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République,

Avis, n° 2099, de M. Jérôme Chartier, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures vingt-cinq.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot