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Première séance du mardi 15 mars 2005

174e séance de la session ordinaire 2004-2005



PRÉSIDENCE DE M. MAURICE LEROY,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

    1

PROCLAMATION D'UN DÉPUTÉ

M. le président. M. le président de l'Assemblée nationale a reçu, le 14 mars 2005, de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, une communication faite en application de l'article L.O. 179 du code électoral, l'informant que, le 13 mars 2005, M. Nicolas Sarkozy a été élu député de la sixième circonscription des Hauts-de-Seine.

M. Alain Bocquet. Bravo ! Quelle surprise ! (Sourires.)

    2

DROIT À VIVRE DANS LA DIGNITÉ

Discussion d'une proposition de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Jean-Claude Sandrier et de plusieurs de ses collègues relative au droit à vivre dans la dignité (nos 2145, 2152).

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

M. Jean-Claude Sandrier, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Monsieur le président, madame la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion, chers collègues, en ce jour particulier où reprennent les autorisations d'expulsions de logements, la proposition de loi que j'ai l'honneur de rapporter au nom du groupe des député-e-s communistes et républicains concerne ce problème douloureux, intolérable même en ce début de XXIe siècle dans un pays comme le nôtre où une insolente richesse et des profits considérables pour quelques-uns viennent insulter une pauvreté et une détresse dont toutes les grandes associations caritatives nous indiquent qu'elles augmentent. Il suffit de regarder les chiffres de ce matin : le nombre de RMIstes augmente de 9 %, le pouvoir d'achat baisse, le chômage dépasse les 10 %.

Le 22 février dernier, sur toute une page, le journal Les Echos titrait : « Pauvreté : une bataille à recommencer ». Je suis, comme vous, élu de la nation, et j'ai honte ! Nous ne pouvons plus accepter que des citoyens en soient réduits à la mendicité ou puissent, du jour au lendemain, être privés des moyens de se nourrir, de se loger, de se chauffer, de disposer de la lumière ou de l'eau courante. C'est pourtant le terrible constat auquel nous sommes encore aujourd'hui confrontés, malgré la mobilisation des associations, malgré les efforts consentis, je ne le nie pas, par le législateur, mais dont les faits nous rappellent chaque jour l'insuffisance, et cela en raison notamment de l'absence dans notre pays d'un authentique service public du logement.

Chacun d'entre nous, d'entre nos concitoyens, pourrait aujourd'hui reprendre à son compte l'appel lancé par l'abbé Pierre il y a cinquante ans, le 1er février 1954 : « Mes amis, au secours ! Une femme vient de mourir gelée, cette nuit à trois heures, sur le trottoir du boulevard Sébastopol, serrant sur elle le papier par lequel, avant-hier, on l'avait expulsé ».

Ayons le courage de reconnaître que cela existe encore. Dans la France d'aujourd'hui, des personnes meurent de froid, des personnes meurent des suites d'accidents intervenus après une coupure d'électricité, comme à Castres, l'hiver dernier ; comme encore à Saint-Denis, l'été dernier. En 2002, EDF a coupé l'électricité à une personne dont la fille était sous assistance respiratoire : cette dernière en est morte.

Le droit au logement, le droit de disposer d'une fourniture en énergie ou en eau ne peuvent humainement être opposés au droit de propriété qui autoriserait les expulsions.

En premier lieu, parce que le préambule de la Constitution de 1946 reconnaît à toute personne le droit aux « conditions nécessaires à son développement », à sa « sécurité matérielle » ainsi qu'à « des moyens convenables d'existence ».

En second lieu, parce que le Conseil constitutionnel s'est fondé sur ces articles pour affirmer en 1995 que « la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme de dégradation est un principe à valeur constitutionnelle ». Ajoutant que « la possibilité pour toute personne de disposer d'un logement décent est un objectif de valeur constitutionnelle ». Cette jurisprudence a amené le tribunal de grande instance de Paris, en mars 1995, à conclure que cet impératif constitutionnel « constitue un devoir de solidarité nationale qui mérite protection au même titre que le droit de propriété ».

Il en va de même en droit international et en droit communautaire. Je m'en tiendrai à rappeler ce que mentionne la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, qui dispose que « toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l'alimentation, l'habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires ».

Droit constitutionnel, le droit au logement et à une vie digne est donc également l'un des droits fondamentaux de l'homme auquel ne peut être opposé le droit de propriété. Notre devoir est donc de nous conformer à ces textes. Car, soulignons-le, tous les efforts effectués par le législateur depuis vingt-cinq ans, et qui sont rappelés dans mon rapport, n'ont pu arrêter le phénomène dégradant, humiliant et dangereux des expulsions et des coupures d'eau et d'énergie. Tous ces efforts n'ont pas fait obstacle aux 215 000 coupures d'électricité et aux quelques 17 000 coupures d'eau pour impayés qui interviennent chaque année. Que penser des expulsions locatives, qui étaient au nombre de 7 534 en 2002, contre 4 359 en 1998 pour les seules expulsions effectivement effectuées par les forces de police, sans compter le cas des locataires qui quittent les lieux avant l'intervention des forces de l'ordre ? De ce fait, nous pouvons estimer, en l'absence de statistiques précises, à environ 10 000 les contentieux locatifs aboutissant chaque année à une expulsion.

On pourrait certes nous objecter - et on le fait d'ailleurs - qu'un certain nombre de personnes visées par les mesures d'expulsion ou de coupures en énergie ou en eau sont de mauvaise foi. Je voudrais répondre dès à présent à cette objection. Dans la matière qui nous occupe, il me semble en effet que cette distinction, souvent utilisée comme un prétexte, est par ailleurs d'une particulière gravité. Nous sommes en effet confrontés à un problème de proportionnalité. Il est visiblement disproportionné de prendre des mesures aussi dangereuses et attentatoires à la dignité de la personne que de la priver de logement ou d'électricité ou encore d'eau, au seul motif qu'elle se serait rendue coupable de ne pas payer son loyer ou d'occuper sans titre le local qu'elle habite. Dans tous les cas, et j'y insiste, pareille mesure est parfaitement inhumaine et ne règle pas le fond du problème posé.

Par ailleurs, personne n'a le droit d'arguer de la notion de responsabilité pour justifier des mesures portant atteinte à la dignité de la personne, voire mettant sa vie en danger. S'il doit être question de responsabilité, pourquoi utiliser cet argument uniquement contre les personnes défavorisées ? Car la responsabilité est par nature incessible. Entendons que je ne peux demander à autrui d'être responsable si je n'ai au préalable pris moi-même toutes mes responsabilités. Et la responsabilité des représentants de la nation est aujourd'hui de mettre fin à des pratiques d'un autre temps, fondées sur un amoralisme juridique qui s'applique avec un zèle particulier à faire triompher le droit du contrat au mépris du principe de solidarité et d'humanité.

J'insiste sur l'importance de reconnaître la responsabilité de l'État, du Gouvernement et des élus que nous sommes avant de donner des leçons de responsabilité à ceux qui connaissent des difficultés.

En effet, comment ne pas imaginer les dégâts causés lorsqu'en cinq ans les loyers ont augmenté de 9 % dans le parc social, de 15 % dans le parc privé, alors que l'aide au logement n'a cru que de 6 % ? Comment oublier que 200 000 familles viennent de voir supprimer leur APL, et que l'union sociale pour l'habitat vient de rappeler que « l'État paye avec de plus en plus de retard les subventions qu'il nous doit » ? Comment oublier, enfin, que l'État s'est désengagé du FSL, chargé d'aider les locataires en difficulté ? Ce faisant, les assistantes sociales s'adressent de plus en plus aux associations caritatives, le droit au logement se transformant en charité pour le logement, avec le risque que, si la situation des familles continue de se dégrader, les associations n'aient pas les capacités de suivre.

Le principe constitutionnel de devoir de solidarité nationale ne peut se traduire pour l'État uniquement en droit pour le préfet d'accorder l'aide de la police pour expulser.

Notre proposition de loi entend donc aller droit au but en proclamant l'interdiction pure et simple des expulsions locatives et des coupures de fournitures en énergie ou en eau. Il s'agit de mesures de protection.

Dans un article 1er, nous proposons en effet d'interdire les expulsions locatives au seul motif du défaut de paiement et en raison de difficultés économiques et sociales. Nous avons également fait le choix d'interdire les coupures de fournitures en énergie et en eau. Ce principe d'interdiction a, dans les deux cas, pour objectif de renverser la logique actuelle qui veut que le débiteur soit placé devant le risque de sanctions graves, incomparables avec le risque encouru à l'inverse par les bailleurs, fournisseurs ou distributeurs.

Notre dispositif ne vise donc pas à donner quitus aux mauvais payeurs, comme certains voudraient le laisser croire, ni à dissuader les bailleurs de louer leurs biens, mais à donner aux personnes en difficulté, comme aux bailleurs et aux fournisseurs, la garantie que les droits de chacun seront respectés. C'est pour ces raisons que nous avons voulu retenir un principe d'alerte et de saisine d'une commission départementale intervenant dès le deuxième loyer ou la deuxième échéance impayés, sur la demande du créancier, sans recours à une procédure contentieuse, réservant l'intervention du juge aux seuls cas où le débiteur est déclaré solvable et se refuse à acquitter sa dette.

D'ailleurs, il est important de souligner que ces procédures d'expulsion représentent aujourd'hui un coût social exorbitant par rapport aux dettes en jeu. Une étude publiée par l'Union sociale pour l'habitat montrait que le coût des impayés de loyers pour les entreprises sociales de l'habitat, les offices HLM et le ministère de l'intérieur représentait entre 115 et 120 millions d'euros en 2001, et 135 millions d'euros en 2004, soit le double des crédits engagés par le fonds de solidarité pour le logement. Il faut y ajouter le coût administratif de la procédure judiciaire, celui - exorbitant - du relogement des personnes expulsées, le coût administratif de la procédure précontentieuse. Le total peut être ainsi estimé à plus de 200 millions d'euros.

Au regard de ces chiffres, on voit tout le profit, humain mais aussi économique, que l'on pourrait tirer d'un relèvement du fonds social du logement et des aides directes aux personnes défavorisées, et plus encore d'une procédure non contentieuse telle que celle que nous proposons.

Nous avons par ailleurs souhaité, à titre préventif, l'extension de la tarification sociale en matière d'électricité à l'ensemble des personnes qui ne sont pas assujetties à l'impôt sur le revenu. Quant aux mesures visant le « reste à vivre », c'est-à-dire la part insaisissable des revenus, elles viennent conforter et garantir des revenus décents permettant aux familles concernées de poursuivre une vie sociale normale. Ce n'est pas le cas aujourd'hui, car même si la plupart des commissions de surendettement vont au-delà du plancher légal, la détermination du « reste à vivre » reste trop aléatoire, trop différenciée et, de fait, insuffisante.

Il paraît donc indispensable de prendre en compte le nombre de personnes à charge et le montant des prestations sociales : c'est une simple mesure de justice.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je crois utile que vous puissiez examiner le texte que le groupe des député-e-s communistes et républicains vous propose aujourd'hui. Il ne couvre certes pas tout le champ de la détresse sociale, qui touche un nombre croissant de nos concitoyens, mais, lorsqu'il est question de vie ou de mort, lorsqu'il est question de la dignité, de la simple survie de personnes, nul ne saurait admettre des insuffisances évidentes et se contenter de formulations imprécises ou trop générales.

Il y va d'une certaine idée de la solidarité, d'une certaine idée de la France aussi, et d'une certaine conception de l'action politique.

Permettez-moi de conclure en citant un curé de mon département qui écrit, dans son journal paroissial : « Qui mettra un peu d'humanité dans ce monde ? » S'il vous plaît, soyons là pour lui répondre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je rappelle à M. Sandrier, qui vient de rapporter en son nom, que la commission des affaires économiques a statué sur la proposition de loi, en votant contre le passage à la discussion des articles. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Puisqu'il a omis de le dire, il est de mon devoir de le faire.

Pourquoi cette décision, alors que la proposition de loi est incontestablement pétrie de bonnes intentions ?

Personne ne pouvait, monsieur le rapporteur, rester insensible à vos propos. Chacun ici n'a pu qu'éprouver de l'émotion à vous entendre décrire certains cas rencontrés, et je la partage. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

Mme Catherine Génisson. Nous ne sommes pas que dans le domaine de l'émotion !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Mme la ministre, comme tous les membres de la majorité, la partagent également. Et nous sommes tous d'accord sur le fond : il y a des situations inacceptables dans notre pays, auxquelles doivent être apportées, autant que faire se peut, grâce à l'imagination du Gouvernement et du Parlement, des solutions. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Madame Saugues, le gouvernement que vous souteniez est resté assez longtemps aux affaires pour pouvoir le faire, si cela avait été aussi simple que vous le laissez penser aujourd'hui. Or, il ne l'a pas fait !

Mme Odile Saugues. On va en parler !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Mme la ministre parlera beaucoup mieux que moi de la politique du gouvernement actuel.

Si donc, monsieur le rapporteur, je suis d'accord avec le constat, il n'en est pas de même sur la manière de réagir. Je dois, d'abord, vous remercier d'avoir rendu hommage à notre majorité, en reconnaissant ses efforts et ceux du Gouvernement qu'elle soutient. (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

Le débat s'instaure donc sur de bonnes bases, mais on ne trouvera pas les solutions seulement avec de bonnes intentions. Celles que vous proposez, la commission des affaires économiques ne les a pas considérées comme opérationnelles.

M. François Liberti. Mais l'Assemblée le fera peut-être !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Certes, l'article 1er, qui tend à interdire les expulsions, pourrait être considéré comme opérationnel, tant il est radical. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Il a, en tout cas, le mérite de la simplicité ! Mais bien que vous ayez pris la précaution d'insister, à plusieurs reprises, sur le fait que votre proposition n'y contrevenait pas, il existe un principe constitutionnel de protection du droit de propriété. Or les conséquences d'une telle initiative pourraient porter atteinte à la faculté qu'ont les propriétaires, quels qu'ils soient, de louer ou non. D'ailleurs, toute initiative aussi radicale - du moins selon moi et selon la commission des affaires économiques - aurait des effets bien différents de ceux que vous espérez, et irait même à l'encontre de votre objectif. Cet article serait donc contreproductif, car il aurait des effets pervers en dissuadant de louer.

M. François Liberti. Ce n'est pas une raison pour ne pas passer à la discussion des articles !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. En outre, dois-je rappeler qu'une commission administrative - que vous avez contribué à mettre en place - existe déjà ? Le FSL, fonds de solidarité pour le logement, fonctionne. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.) Il a été décentralisé au niveau des départements.

Plusieurs députés du groupe des député-e-s communistes et républicains. Vous réduisez son enveloppe budgétaire !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Les chiffres sont clairs : s'agissant de l'énergie, le FSL met au pot 50 millions d'euros, qui permettent d'aider les ménages en difficulté, en empêchant les coupures de courant ; il consacre aussi 70 millions d'euros au seul droit au logement.

Madame la ministre, sans doute aurez-vous à cœur de rappeler les dispositions que vous avez prises vous-même, avec M. Borloo, quant à la commission de surendettement et aux 500 000 logements sociaux : je ne m'y attarde donc pas.

Bref, monsieur Sandrier, outre le risque d'aller à l'encontre du droit de propriété, l'existence d'une commission administrative, d'une commission de surendettement et d'un dispositif dont vous avez bien voulu donner acte au Gouvernement nous font conclure qu'il n'y a pas matière à passer à la discussion des articles.

En revanche, il y a matière à ouvrir le débat et peut-être à aller plus loin, madame la ministre, mais c'est là de votre responsabilité. Nous aurons, en effet, d'autres occasions de nous retrouver, notamment pour examiner le projet de loi « Habitat pour tous », que vous avez déposé, avec M. Borloo, et qui viendra en discussion d'ici à l'été prochain.

J'espère, monsieur Sandrier, que vous serez encore avec nous...

Mme Muguette Jacquaint. Pourquoi non ? Il ne sera pas expulsé !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. ...à la commission des affaires économiques, pour en débattre. Ce sera avec un grand plaisir, car vous y faites montre d'un état d'esprit très objectif et très ouvert, bien que nous ne soyons pas d'accord sur les modalités de passage aux actes.

Je le répète, la commission des affaires économiques, demande à l'Assemblée, de refuser de passer à la discussion des articles de cette proposition de loi.

Mme Catherine Génisson. Vous ne ressentez pas d'émotion, vous faites simplement preuve de sensiblerie !

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Alain Bocquet.

M. Alain Bocquet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, aujourd'hui, 15 mars, est une date fatidique pour des dizaines de milliers de familles populaires. C'est une journée d'angoisse, de détresse et de souffrance forte pour des enfants en bas âge, des adolescents, des femmes et des hommes, victimes du chômage, de la misère ou d'accidents de la vie. C'est le jour où les huissiers, accompagnés de la force publique, viennent appliquer froidement cette mesure inhumaine et moyenâgeuse : l'expulsion. « Expulsé ! Circulez, il n'y a rien à voir ! »

Cent mille foyers sont concernés chaque année, et 23 000 expulsions ont été décidées en 2004. C'est une honte, un scandale, dans une des économies les plus riches du monde, dans une France qui se dit moderne et qui a inscrit à son fronton : « Liberté, Égalité, Fraternité ».

La proposition de loi que nous vous soumettons a pour volonté de sortir, sans attendre, de ces pratiques d'un autre âge, pour assurer à chacun de nos concitoyens le droit de vivre dans la dignité. La nation a un devoir impérieux de solidarité envers tous ses ressortissants. Mais on est très loin du compte car la fracture sociale ne fait que s'approfondir sous les coups d'une politique au service absolu du capital financier. Jamais UMP n'a autant signifié Union pour une minorité de privilégiés !

En France, aujourd'hui, 3,5 millions de personnes, dont un million d'enfants, vivent en dessous du seuil de pauvreté. Notre pays compte 1,3 million d'allocataires du RMI. Ce chiffre a progressé de près de 10 % en un an. Le chômage dépasse les 10 % et frappe 2,5 millions de personnes, et la précarité s'installe partout ; 65 % des jeunes de moins de 25 ans et 50 % des femmes inscrits au chômage ne touchent aucune indemnité.

Le pouvoir d'achat des fonctionnaires a reculé de 5 % en cinq ans ; et si, en 1975, 5 % des salariés étaient rémunérés au SMIC, ils sont 14 % en 2004. Pis encore, en 2002, 17 % des salariés gagnaient 950 euros par mois, somme inférieure au SMIC, ce qui n'a rien d'étonnant dans un pays de bas salaires comme la France, où le pouvoir d'achat connaît une baisse continue. L'INSEE vient de révéler que, dans le privé, les salaires avaient encore baissé de 0,3 %.

Le montant moyen d'une pension de retraite est de 848 euros pour une femme. Et - faut-il le rappeler ? - vous avez refusé de porter l'allocation pour adulte handicapé au niveau du SMIC. Le RMI s'élevait, au 1er janvier, à 425,40 euros pour une personne isolée et, pour un couple, à 638,10 euros. Il n'est donc pas étonnant, face à d'aussi précaires conditions et moyens d'existence, que le surendettement ait explosé et progressé de 22 % depuis 2002.

Chaque mois, beaucoup sont placés devant le choix cornélien de payer leur loyer - dont le coût a encore augmenté de 5 % en 2004 - ou l'électricité, ou l'eau, ou le gaz, ou la nourriture, ou les études de leurs enfants ou les dépenses de santé, qui sont parmi les premières sacrifiées. D'après l'INSEE, entre 1998 et 2004, la part consacrée par les ménages au loyer a augmenté de 12,3 % ; à l'eau, de 14,1 % ; au gaz, de 18,6 % ; au médecin, de 15,4 %.

En revanche, la presse révèle l'opulence des dirigeants d'entreprise. Jean-René Fourtou, PDG de Vivendi Universal et roi des stock-options, bénéficie d'un modeste salaire annuel de 2,2 millions d'euros, plus un million de titres en 2002 et un autre en 2003 dégageant une plus-value en 2004 estimée à 20 millions d'euros.

M. Daniel Paul. Ce n'est pas mal !

M. Alain Bocquet. Bernard Charlès, directeur général de Dassault Systèmes, gagne, lui, plus de 21 millions d'euros par an ! De quoi voir venir...

M. Jacques Desallangre. Il doit avoir un gros loyer ! (Sourires.)

M. Alain Bocquet. S'agissant du logement, on n'a jamais connu une telle crise depuis la guerre : il y a six millions de personnes mal logées en France, dont trois millions sont confrontées à l'insalubrité, au surpeuplement et à la promiscuité, ou privés de domicile personnel, sans oublier les 86 500 sans domicile fixe.

Il est donc urgent d'instaurer un véritable service public du logement au plan national et de changer de politique et de législation pour permettre à chacune et chacun d'avoir une vie digne. D'autant que les moyens existent. Car la France est riche. Mais cette richesse est concentrée entre les mains de quelques-uns et c'est tout le problème ! Les entreprises du CAC 40 ont ainsi distribué l'an dernier 17 milliards d'euros de dividendes à leurs actionnaires dont la moitié sont des fonds de pension étrangers. L'entreprise Total vient de pulvériser son propre record, celui du plus gros bénéfice de France, avec 9 milliards d'euros. Dans le même temps la productivité du travail a augmenté de 1,8 % en 2004 tandis que les salaires n'ont fait que stagner.

Mme Catherine Génisson. On presse les citrons !

M. Alain Bocquet. Face à une telle confiscation des richesses au profit de l'actionnariat boursier, on comprend que la colère gronde et que le mouvement social, qui monte en puissance, vous contraigne à reculer. Le mouvement syndical est aujourd'hui engagé dans l'action unitaire pour la relance de l'emploi, l'augmentation des salaires et le recul des inégalités. C'est dans cette perspective de lutte contre vos choix et ceux du MEDEF, contre leurs conséquences désastreuses sur la vie de nos concitoyens, que nous inscrivons cette proposition de loi.

Votre politique de rigueur fait croître l'exigence de justice sociale et la revendication d'une revalorisation générale des pouvoirs d'achat : revalorisation du SMIC - à hauteur de 1 400 euros par mois pour 35 heures hebdomadaires - et de l'ensemble des salaires, condition nécessaire d'une croissance durable créatrice d'activité et d'emplois.

Les Français ne sont pas dupes des choix économiques que vous opérez. Il y a longtemps qu'ils n'adhèrent plus aux vieilles lunes des « profits d'aujourd'hui qui feront les emplois de demain», pas plus qu'ils n'adhèrent à l'idée que l'inscription d'une Charte des droits fondamentaux au cœur d'un projet ultralibéral de Constitution européenne pourra répondre à l'exclusion et aux reculs sociaux.

Nos concitoyens, qui ont fait les comptes des promesses de Maastricht, perçoivent mieux l'impasse sociale dans laquelle elles menacent de les conduire, dans une Europe qui a versé 199 milliards d'euros de dividendes aux actionnariats boursiers, mais qui compte 65 millions de pauvres et refuse aux associations caritatives la réouverture, au-delà de 2005, des frigos européens de stocks alimentaires.

Notre proposition de loi se situe résolument à l'opposé. Elle tend d'abord à dépasser les limites de la loi de juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions, en prévoyant une exception à la compétence du juge lorsqu'une expulsion locative est poursuivie exclusivement pour défaut de paiement du loyer et des charges. Nous proposons que, dans ce cas de figure, le bailleur du logement ait l'obligation de saisir une commission départementale chargée de statuer sur ces dossiers et sur la solvabilité du débiteur.

Quant aux coupures d'électricité ou de gaz, elles se multiplient honteusement. Par ces froides semaines d'hiver, il est inadmissible de laisser de pauvres gens sans lumière ni chauffage. Ils sont pourtant légion puisque 700 000 foyers ont été privés d'électricité pour « impayés» en 2004.

M. François Liberti. Que fait M. Borloo ?

Mme Odile Saugues. Des annonces !

M. Alain Bocquet. Dans ma région du Nord-Pas-de-Calais, la seule agence EDF de Douai a procédé à 4 000 coupures partielles d'électricité en 2004. Tandis que, à deux pas de la frontière, en Belgique, des patrons français installent leur résidence principale à quelques kilomètres de Lille pour échapper à la fiscalité de notre pays, notamment à l'impôt de solidarité sur la fortune et aux droits de succession. Certains n'y habitent même pas et disposent de systèmes informatiques sophistiqués qui, chaque jour, font couler l'eau, allument les lumières et relèvent les volets, pour justifier de factures de consommation en cas de contrôle.

M. François Liberti. Eh oui !

M. Alain Bocquet. Voilà comment trichent les riches au vu et au su de tous.

M. François Liberti. C'est la cohésion sociale voulue par le Gouvernement !

M. Alain Bocquet. Ceux qui vivent dans l'opulence ne manquent pas d'insolence. Cependant, votre gouvernement affiche pour ces pratiques une belle tolérance, alors que vous assignez devant les tribunaux les maires - et ils sont nombreux - qui prennent des arrêtés interdisant les coupures d'électricité. Je suis d'ailleurs de leur nombre, poursuivi en justice par l'État et EDF en cours de privatisation. Quel symbole !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Un maire ne peut pas prendre de décisions illégales !

M. Alain Bocquet. Mais nous ne renoncerons pas à prendre des arrêtés. Vous les dites illégaux, nous les proclamons légitimes au nom du respect de la dignité et de la solidarité humaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

En ce qui concerne l'énergie en effet, nous considérons que l'électricité et le gaz sont des produits de première nécessité, indispensables à la garantie des droits fondamentaux de la personne. Il faut donc que les services publics de l'énergie concourent à la cohésion sociale en permettant la distribution universelle de ces biens. L'État doit faire respecter les principes constitutionnels qui établissent ces droits, en garantissant l'accès de chacun à ces services publics.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Pourquoi n'avez-vous donc rien fait pendant cinq ans ?

M. Alain Bocquet. Parce que, monsieur Ollier, nous étions minoritaires au sein de la majorité.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Vous auriez pu vous opposer, quitter la majorité !

M. Alain Bocquet. Probablement.

Nous proposons que le fournisseur soit tenu de saisir, à compter de deux mois, la commission départementale de solidarité. Mais il faut aussi que sa responsabilité pénale soit engagée s'il décide de couper l'énergie fournie.

Enfin, nous proposons l'extension de la tarification sociale en matière d'électricité à toutes les personnes non assujetties à l'impôt sur le revenu. Nous formulons les mêmes exigences pour le gaz et l'eau. Celle-ci est indispensable à la vie et l'on n'a pas le droit d'en priver les familles.

Les Françaises et les Français expriment le droit de vivre dans la dignité, le droit de vivre, tout simplement. C'est pourquoi l'octroi d'un « reste à vivre » devrait tenir compte des personnes à charge. Sur ce point, nos propositions contribueraient à gommer les différences qui existent d'une commission de surendettement à une autre dans la détermination de ce revenu.

Tels sont, chers collègues, l'esprit et la lettre de la proposition de loi pour le droit à vivre dans la dignité, que les députés communistes et républicains soumettent au débat. Nous regrettons que la commission, sous la houlette de M. Ollier, ait refusé de passer à la discussion des articles : cela montre que la majorité craint le débat qui permettrait de franchir une étape législative utile à ceux de nos concitoyens qui vivent dans la misère et l'angoisse. Notre proposition est porteuse d'une véritable volonté de cohésion sociale, contrairement à la démagogie que vous affichez dans vos lois. Elle a pour objectif de soutenir les attentes prioritaires de nos concitoyens, blessés par la prédominance des lois du marché et la recherche exclusive du profit. Je vous remercie, mes chers collègues, de contribuer à l'enrichissement de ce texte et je vous invite - au cas où la majorité changerait d'avis - à l'adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Alain Cousin.

M. Alain Cousin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe de l'UMP est sensible aux situations difficiles auxquelles nos concitoyens peuvent être confrontés...

M. François Liberti. Il suffit de voir combien vous êtes nombreux !

M. Alain Cousin. ...et nous partageons l'objectif poursuivi par cette proposition de loi communiste.

Tous les Français ont effectivement le droit de vivre dans la dignité. Nous considérons en revanche que les mesures proposées dans ce texte sont démagogiques et ne régleront en aucune façon les problèmes d'expulsions locatives ou de coupures d'eau, d'électricité et de gaz, qui sont au cœur de votre dispositif.

Alors que vous avez bénéficié d'une période de croissance exceptionnelle entre 1997 et 2002, vous n'avez pas su enrayer les situations d'exclusion dans notre pays, bien au contraire.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Écoutez, monsieur Bocquet !

M. Alain Cousin. M. Alain Bocquet, président du groupe communiste a rappelé qu'il y avait 6 millions de personnes mal logées. Le problème ne date donc pas d'hier.

Mme Catherine Génisson. Ce n'est pas une excuse !

Mme Odile Saugues. Cela fait trois ans que vous êtes là !

M. Alain Cousin. Les mesures mises en place par le gouvernement de Lionel Jospin, soutenues à l'époque par les communistes, n'ont pas eu les résultats escomptés,...

M. Gilbert Biessy. De toute façon, vous étiez contre !

M. Alain Cousin. ...comme le démontre le rapport 2003-2004 de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale. À titre d'exemple, j'évoquerai l'augmentation des contentieux locatifs et la mise en place tardive des chartes pour la prévention des exclusions - au 31 décembre 2003, seuls soixante-six départements en étaient dotés.

Depuis 2002, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin et la majorité UMP ne sont pas restés inactifs. Nous nous sommes attachés à apporter des réponses concrètes pour remédier aux problèmes de précarité. La loi du 1er août 2003 de programmation pour la ville et le renouvellement urbain a institué la procédure du rétablissement personnel. La loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005 a modifié les modalités du calcul du « reste à vivre ». La loi du 13 août 2004 relative aux responsabilités locales a étendu le champ d'application des fonds de solidarité pour le logement - placés désormais sous l'autorité des départements - aux impayés d'eau et d'énergie.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Absolument !

M. Alain Cousin. Enfin, le décret du 8 avril 2004 a instauré la tarification sociale de l'électricité.

Nous poursuivons notre réflexion et notre action puisque le projet de loi « Habitat pour tous », que vient d'évoquer Patrick Ollier, comportera les dispositions visant à renforcer le droit au logement des personnes démunies.

En outre, des mesures réglementaires renforceront prochainement le dispositif d'aide sociale en matière d'électricité pour prévenir les coupures d'énergie. Elles ont été annoncées par le ministre délégué à l'industrie, Patrick Devedjian, lors d'un déplacement à Mantes-la-Jolie, le 11 mars dernier.

Nous sommes, madame la ministre, particulièrement attentifs, au sein du groupe de l'UMP, à l'évolution de toutes ces questions. En matière de prévention des expulsions, le comité interministériel de lutte contre l'exclusion du 6 juillet 2004 a placé cette problématique au rang de priorité de l'action gouvernementale.

À ce titre, nous avons voté, dans le cadre de la loi de programmation de cohésion sociale, le maintien de l'aide personnalisée au logement en cas de signature d'un protocole d'accord entre l'occupant de bonne foi d'un logement HLM, dont le bail a été résilié, et le bailleur, concernant l'apurement des dettes de loyer et de charges. Un accompagnement social des familles est également prévu. Ces mesures pérennisent le dispositif mis en œuvre par la circulaire du 13 mai 2004 relative à la prévention des expulsions dans le parc social.

S'agissant de l'application d'un système de garantie des risques locatifs dans le parc privé conventionné, qui a été évoqué lors de la discussion de la loi de programmation de cohésion sociale, pouvez-vous nous indiquer, madame la ministre, quel est l'avancement de la réflexion du Gouvernement et des acteurs concernés ?

L'interdiction des expulsions préconisée par le groupe communiste risque d'avoir des effets désastreux sur l'offre de logements, en particulier dans le parc privé, alors que nous avons besoin de la participation active de l'ensemble des acteurs pour lutter contre la pénurie de logements en France.

On ne peut pas, en effet, traiter cette question à coup de clichés. Nous connaissons tous, dans nos circonscriptions, des petits commerçants qui, après avoir économisé toute leur vie pour s'acheter un appartement ou une petite maison qu'ils louent afin de compléter leur retraite, se retrouvent, par malheur, victimes de locataires indélicats - pour ne pas dire de très mauvaise foi. De telles choses arrivent, et vous le savez fort bien.

Mme Odile Saugues. Peut-être, mais elles servent d'excuse pour tout le reste !

M. François Liberti. C'est aujourd'hui qu'ils sont pénalisés par les impayés !

M. Alain Cousin. Il est très important de respecter le travail de ces gens qui ont choisi de constituer de cette manière un complément de retraite et ont dû économiser pendant quarante ans pour y parvenir.

M. François Liberti. Ce n'est pas le problème !

M. Alain Cousin. Des mesures telles que celles que vous proposez n'encourageront pas les épargnants à économiser et à se constituer un capital pour leur retraite.

Mme Odile Saugues. Vous mélangez tout ! C'est trop facile !

M. Jacques Desallangre. Revenez au débat !

M. François Liberti. Quelle hypocrisie !

M. Alain Cousin. Comme Patrick Ollier l'a noté à l'instant, nous nous interrogeons également sur la constitutionnalité d'une telle disposition, qui remet en cause le droit de propriété.

M. Jacques Desallangre. Et les logements insalubres que l'on fait payer une fortune ?

M. Alain Cousin. Je vous renvoie à cet égard à l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789.

En ce qui concerne les coupures d'énergie, votre proposition s'inscrit dans la même logique que celle du groupe socialiste relative à la couverture énergétique universelle.

Comme vous le savez, les opérateurs historiques, EDF et GDF, ainsi que les pouvoirs publics ont toujours considéré la coupure d'énergie comme la dernière étape d'un processus de concertation.

Le SME, service de maintien de l'énergie, créé par EDF en 1994, permet de fournir une quantité minimale d'énergie - 3 000 watts - afin de laisser au client le temps nécessaire pour régulariser sa situation. En 2003, 195 000 SME ont ainsi été mis en place.

M. François Liberti. Il ne s'agit pas de clients, mais d'usagers ! Votre vocabulaire est révélateur d'un certain état d'esprit !

Mme Marie-George Buffet. Il existe un droit à l'acheminement, je vous le rappelle !

M. Alain Cousin. Un service minimum de 1 000 watts peut ensuite être mis en œuvre afin d'éviter une coupure immédiate.

Par ailleurs, depuis 1999, EDF s'est engagé à ne pas couper l'électricité sans qu'un contact direct n'ait été recherché avec le client - et j'insiste sur ce mot.

M. François Liberti. Bien sûr !

M. Alain Cousin. Des interlocuteurs « solidarité énergie » ont, en outre, été désignés dans chaque centre EDF-GDF services.

De telles procédures ont permis de faire reculer le nombre de coupures d'énergie pour cause d'impayés, qui sont ainsi passées de 670 000 en 1993 à 189 000 en 2004.

Les personnes ayant des difficultés pour régler leur facture d'eau, d'énergie ou de téléphone peuvent également bénéficier de l'aide du fonds de solidarité pour le logement.

M. Jean-Claude Sandrier, rapporteur. Le problème est que cela ne suffit pas.

M. Alain Cousin. Les aides attribuées par le fonds de solidarité énergie, aujourd'hui intégré au FSL, se sont élevées à 45 millions d'euros en 2003. Les conseils généraux et les fournisseurs d'eau, d'énergie et de téléphone participent au financement de ces fonds - 20 millions d'euros en 2004 pour EDF - et contribuent à aider les personnes en difficulté. Et lorsque la situation l'exige, aucun président de conseil général ne refuse d'intervenir, ce qu'il peut faire grâce à son réseau de travailleurs sociaux.

Mme Catherine Génisson. Mais le temps qu'il soit saisi, les dégâts ont été produits !

M. Alain Cousin. Un tarif social de l'électricité a été mis en œuvre, en 2004, par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin. Cette mesure, prévue par la loi du 10 février 2000 de modernisation et de développement du service public de l'électricité, concerne 1,6 million de familles. Elle permet une réduction de 30 à 50 % de la facture d'électricité des familles ayant de faibles revenus, c'est-à-dire dont les ressources sont inférieures à 5 520 euros. Le coût de l'abonnement est également réduit de 30, 40 ou 50 % selon la composition de la famille.

Un groupe de travail chargé d'élaborer des propositions pour améliorer l'aide sociale pour l'accès à l'énergie a par ailleurs été mis en place par le ministre délégué à l'industrie, Patrick Devedjian, en décembre 2004. La réflexion, à laquelle participaient notamment des représentants de la commune de Saint-Denis, administrée par notre collègue communiste Patrick Braouezec, va donner lieu à la publication de deux décrets. L'un permettra d'améliorer l'information des clients en difficulté et des services sociaux - le conseil général, en charge du FSL, ainsi que le maire de la commune - afin de rendre plus efficaces les dispositifs de prévention des coupures d'énergie. Jusqu'à présent, en effet, la législation interdisait aux fournisseurs d'énergie de communiquer aux organismes sociaux les identités des personnes qui faisaient l'objet d'une coupure.

Le groupe de l'UMP est particulièrement favorable à cette évolution qui permettra de traiter, en amont, de manière efficace, les dossiers des personnes en situation de précarité et d'éviter, dans la mesure du possible, la répétition d'événements tragiques.

Le second décret devrait s'attacher à la tarification des services de fourniture d'électricité. À ce sujet, pouvez-vous, madame la ministre déléguée, nous apporter des précisions sur ces mesures et nous indiquer dans quel délai les décrets seront publiés ?

De même, la majorité UMP a récemment apporté des améliorations au calcul du « reste à vivre », qui prend désormais en compte les dépenses de logement, de nourriture et de scolarité, dans la limite d'un plafond fixé par la commission de surendettement. En outre, priorité est donnée aux créances locatives sur les créances bancaires. Ces mesures ont pour objectif de protéger les bailleurs et les locataires d'un risque d'expulsion pour impayés.

Nous disposons donc d'un arsenal important pour prévenir les expulsions et les coupures d'eau ou d'énergie. Nous continuerons à œuvrer afin de rendre plus efficaces les mesures de prévention existantes en direction de personnes certes en grande difficulté, mais de bonne foi.

Alors que le groupe communiste nous propose, comme d'habitude, un dispositif d'assistanat (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains), ...

M. Alain Bocquet. Il faut donc laisser mourir les pauvres ?

Mme Catherine Génisson. C'est honteux !

M. Alain Cousin. ...qui ne ferait qu'accentuer la fracture sociale, nous considérons pour notre part qu'une politique cohérente et appropriée d'aide aux plus démunis consiste à favoriser l'emploi et à développer le pouvoir d'achat de nos concitoyens.

Mme Marie-George Buffet. Alors il ne faut pas licencier !

M. Alain Cousin. C'est le chemin de la responsabilité, qui permet à chacun et à chacune d'entre nous de trouver sa part, sa place et sa dignité au sein de la société. Et c'est la politique suivie par le Gouvernement et que nous soutenons : revalorisation importante des bas salaires (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains), mobilisation en faveur du logement social - vous ne pouvez pas affirmer en avoir fait autant -, développement du microcrédit, etc. Comme vous l'avez deviné, mes chers collègues, le groupe de l'UMP ne votera donc pas cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. François Liberti. On l'avait deviné, en effet ! C'est lamentable !

M. le président. La parole est à Mme Odile Saugues.

Mme Odile Saugues. Monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, comment la société française pourrait-elle oublier l'appel de l'abbé Pierre, ce cri de révolte lancé pendant l'hiver 1954 en direction d'un monde plein d'indifférence ?

À cinquante et un ans de distance, alors que l'abbé Pierre use ses dernières forces à nous convaincre que notre société, gavée de gadgets et de superflu, passe à côté des plus pauvres de ses frères, il est temps pour nous, responsables politiques, de faire le point avec humilité, d'en tirer les conséquences et d'élaborer une ligne d'action.

Si le droit au logement est bien inscrit dans la loi Besson de 1990, il n'est pas pour autant défini, dans notre constitution, en tant que droit opposable. Ne serait-ce qu'un droit accessoire ? En ce domaine, nous n'avançons qu'à petits pas, et la réflexion n'a pas conduit jusqu'à présent à la mise en œuvre concrète d'un droit opposable.

Chaque année nouvelle apporte sa moisson de rapports alarmants signés de différentes associations : Droit au logement, Fondation abbé Pierre pour le logement des défavorisés, Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale, ainsi que le Conseil national de l'habitat, par le biais de ses différentes composantes, telles les associations de locataires et les institutionnels : CNL, CGL, CLCV, UNAF, CNAF, Fédération nationale des centres PACT-ARIM et bien d'autres. Tous apportent leur contribution à ce qui devrait être une réflexion nationale.

D'une année à l'autre, c'est la même litanie de carences déjà identifiées, d'économies mesquines et de gels budgétaires, tant il est vrai que le budget du logement, considéré comme une variable d'ajustement, est tout naturellement celui que l'on ponctionne en silence. Le rapport pour 2004 du Conseil national de l'habitat recense quelques-unes de ces mesquineries gouvernementales. Ainsi, la majoration de quinze à vingt-quatre euros du seuil de non-versement des aides personnalisées au logement - soit une augmentation de 60 % - se traduit par la sortie de 115 000 ménages du dispositif. Pour les anciens bénéficiaires, cela représente un manque à gagner de 280 euros par an, une somme qui n'est pas négligeable pour le budget d'une famille de classe moyenne : elle correspond, pour une famille de deux enfants ne bénéficiant plus d'aucune aide, à un revenu de vie inférieur à celui d'un smicard.

De nombreuses protestations sont montées de toutes parts pour stigmatiser l'attitude scandaleuse du Gouvernement. J'ai eu l'occasion d'intervenir à plusieurs reprises sur ce sujet, citant le jugement très dur porté par l'Association des familles en Europe : « le Gouvernement organise avec minutie le dépouillement des familles ».

Les aides à la personne, chacun le sait, ne rendent pas réellement les ménages solvables. En outre, le délai de carence, qui décale d'un mois l'ouverture des droits par rapport au paiement du premier loyer, peut constituer de façon précoce une source d'impayés et d'endettement pour les ménages les plus fragiles.

Par ailleurs, le forfait charges ne couvre que la moitié des charges effectives d'une location HLM. À cet égard, l'hiver que nous venons de connaître, et pendant lequel le froid a durement sévi, va laisser des traces dans le budget d'un certain nombre de ménages. Enfin, un point particulièrement préoccupant, bien que parfaitement identifié, n'a jusqu'à présent trouvé aucune forme de solution : les loyers sont alignés sur l'indice du coût de la construction, dont on connaît l'augmentation inquiétante, alors que les aides personnelles au logement sont, quant à elles, alignées sur l'indice INSEE du coût de la vie.

L'INSEE constate ainsi que le taux d'effort net - c'est-à-dire le rapport entre le loyer moins les aides au logement et le revenu du ménage - a augmenté de plus de trois points. C'est dans le parc privé qu'il progresse le plus depuis quatre ans.

S'agissant du parc privé, notons que le dispositif de Robien conduit à accorder des aides publiques à des investisseurs privés sans exiger la moindre contrepartie sociale, contrairement à ce que faisait le dispositif Besson qu'il remplace. Selon l'Union sociale pour l'habitat, l'avantage ainsi consenti est équivalent, voire parfois supérieur au coût supporté par l'État pour la construction d'un logement social, ce qui est insupportable. Le groupe socialiste comme la Fondation abbé Pierre ont dénoncé l'adoption, dans le cadre de la loi « urbanisme et habitat » du 2 juillet 2003, de cette mesure, dont nous constatons les effets néfastes sur l'évolution des loyers, accélérant la marche vers l'exclusion d'un certain nombre de locataires.

Ainsi, madame la ministre déléguée, vos annonces médiatiques s'apparentent-elles à des « médications de charlatan ».

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C'est excessif !

Mme Odile Saugues. Rééditer les « chalandonnettes », proposer des logements au rabais ne vous permettra pas de remédier au problème du manque de logements et surtout du mal-logement. Nous ne pouvons pas admettre qu'un nombre de plus en plus important de locataires de bonne foi, mais fragiles, soient expulsés en raison des aléas qu'ils subissent.

Pour nous, femmes et hommes responsables, il s'agit de définir, sans surenchère, un droit au logement opposable, ce que j'ai tenté de faire lorsque, en tant que présidente du Conseil national de l'habitat, j'ai rédigé un rapport, remis le 31 janvier 2002 à Mme Lienemann - alors secrétaire d'État au logement - et consacré à la couverture logement universelle.

Pour nous, le droit au logement est d'abord la possibilité pour tous d'entrer dans un logement correspondant à la composition de la famille.

Cela conduit à nous interroger sur la diversité de l'offre pour tous les types de populations en fonction du parcours social. Par exemple, une personne provenant d'un hébergement d'urgence doit pouvoir se réinsérer dans un tissu social adapté. Or nous n'avons pas de réponse à ce type de problème. Combien de familles sont ainsi logées dans des hôtels sordides et coûteux, seule réponse institutionnelle à leur déshérence ? Les efforts entrepris en ce domaine par les associations caritatives et certains bailleurs sociaux restent insuffisants.

Un autre problème est celui de la quantité d'argent nécessaire pour accéder à un logement. Dans le secteur privé, le dépôt de garantie correspond théoriquement à deux mois de loyer, mais dans les faits il s'agit plutôt d'une année entière ! Quand on sait qu'à cette contrainte s'ajoute l'exigence d'un garant, le règlement du loyer à l'avance, le coût du déménagement et tous les frais annexes, et que l'APL n'est versée qu'un mois plus tard, on comprend que le droit au logement, l'accès même au logement est loin d'être garanti pour tous.

Mais même après avoir effectué avec succès ce véritable parcours du combattant, ce qui suppose une offre suffisante et adaptée aux besoins, il faudra au locataire une vie dénuée de difficultés familiales ou professionnelles pour se maintenir dans les lieux. Or, nous savons tous, en tant qu'élus, que les parcours professionnels peuvent être erratiques : le chômage et les contrats précaires, en effet, ne favorisent pas la stabilité.

À cela s'ajoutent la maladie et surtout un fait de société devenu quasi incontournable : l'instabilité des ménages. Ainsi, ce que nous appelons dans notre jargon de bailleur « la décohabitation » amène des gens à chercher un logement pour permettre l'accueil des enfants à tour de rôle, et ce avec un revenu moindre et alors que les aides personnalisées au logement ne seront versées qu'à l'un des deux parents. C'est là une des graves causes actuelles de précarisation dans le logement. La mise en œuvre d'un droit au logement opposable me paraît être une obligation, si nous voulons assurer un véritable droit au logement. La couverture logement universelle, telle que je l'avais proposée dans le rapport du CNH, la préconisait entre autres.

Le fonds de solidarité logement, qui était utilisé à aider l'entrée dans le logement des plus démunis et à leur permettre d'y demeurer en cas de difficulté de courte durée, ne pourra plus jouer ce rôle de façon satisfaisante, la décentralisation l'ayant mis à la charge totale des départements, déjà bien en peine de satisfaire les demandes croissantes de locataires en détresse. Par ailleurs, nous n'avons aucune garantie sur la manière dont ils le mettront en place.

La couverture logement universelle, telle que je l'avais proposée, n'était pas un dispositif unique, mais une somme de mesures correctrices et de mesures nouvelles apportant davantage de cohésion entre les différents mécanismes d'ores et déjà mis en œuvre. Elle reposait sur trois logiques - amélioration des dispositifs existants ; continuité des droits ; équité territoriale - et sur cinq principes - universalité pour tous les publics en difficulté de logement ; couverture de l'ensemble du parcours résidentiel sans rupture ; gestion collective des risques et financement partagé, le système impliquant tous les acteurs du logement ; responsabilisation des acteurs, le système ne devant pas susciter de hausse de loyer, de surenchère de garantie et d'augmentation des niveaux d'impayés ; cohérence des dispositifs par l'articulation et l'accessibilité des droits. Sa partie la plus novatrice concernait la proposition de réforme de la loi de 1989 sur les rapports locatifs et la mise en place de la garantie de dettes locatives et des dégradations en remplacement du dépôt de garantie si contraignant pour les accédants, le fonds de garantie créé étant financé par une contribution du 1 % logement pour la population éligible à la participation des employeurs à l'effort de construction - la fameuse PEEC -, mais aussi par le fonds de solidarité logement, par l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat pour la remise en état des logements et par les organismes concernant les secteurs professionnels non assujettis à la PEEC : fonctionnaires, retraités, professions agricoles, étudiants et professions libérales. L'objectif était d'avoir une garantie couvrant les locataires et les propriétaires bailleurs en leur assurant une protection contre les risques d'impayés par la sécurisation de l'investissement et l'élargissement de l'offre.

Pour simplifier l'accession des demandeurs, les guichets, qu'il convenait de rendre polyvalents, devaient instruire les demandes sur un support simple.

Si la couverture logement universelle avait été adoptée, nous ne serions pas aujourd'hui confrontés au problème récurrent des expulsions pour impayés de loyers. Cette réflexion, menée par tous les acteurs du logement - institutionnels, syndicaux, caritatifs -, fut caricaturée, parce que accusée de conduire à une déresponsabilisation des locataires. Le coût de cette couverture était évalué, en janvier 2002, à 76 millions d'euros. C'est cette même somme, madame la ministre, qui fut économisée dans le premier budget du logement établi par la droite nouvellement aux commandes, et ce en rognant sur les aides personnalisées au logement. Votre choix, en arrivant au pouvoir en 2002, fut de mettre cette couverture logement universelle sous le boisseau.

La différence entre la politique du logement qui correspond à l'attente des citoyens et la vôtre, ce n'est pas tel ou tel financement extraordinaire, mais la volonté politique de donner à chacun un droit imprescriptible, celui de jouir tout au long de sa vie d'un logement digne permettant de s'épanouir.

Pour conduire cette politique et empêcher que chaque mois de mars voie arriver son lot d'expulsions - il en est prévu 12 000 supplémentaires cette année -, ...

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Vous avez perdu cinq ans sur ce plan, madame !

Mme Odile Saugues. ...il ne faut pas autre chose que des mesures annoncées, sans roulement de tambour, certes, mais financées, ce qui n'est pas le cas de celles auxquelles vous nous avez habitués ces trois dernières années. Et ce n'est pas en faisant miroiter à chaque Français ce rêve de devenir facilement propriétaire que vous résoudrez les problèmes du mal-logement et de l'expulsion en France.

La France est dotée d'une sécurité sociale qui couvre tous les citoyens sur le plan santé. Il nous reste à construire une sécurité logement universelle qui assure à chacun la reconnaissance du droit au logement pour tous, source d'épanouissement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis que nos lointains ancêtres sont descendus des arbres pour aller se réfugier dans des grottes, le logement a toujours été une préoccupation essentielle. Elle le demeure plus que jamais dans notre société contemporaine. Dans ces conditions, qui peut être contre le « droit à vivre dans la dignité » ? Personne. Au-delà des mots, au-delà du caractère particulièrement généreux de l'énoncé de cette proposition de loi, nous devons profiter de ce débat pour voir ensemble comment concrétiser ce droit à vivre dans la dignité pour tous nos concitoyens, en particulier ceux qui sont en difficulté.

Le problème est réel. Et j'ai, à cet instant, une pensée émue pour une dame qui, voici quelques semaines, a péri carbonisée dans son logement, à Castres, ville dont j'ai l'honneur d'être l'élu. Malheureusement, cette situation n'est pas un cas unique. Qu'il existe encore, malgré tous les efforts qui ont pu être consentis, grâce à des moyens particulièrement importants et au travail des services sociaux, de telles situations de précarité,...

Mme Muguette Jacquaint. Cela vous étonne ?

M. Philippe Folliot. ...d'isolement et de misère sociale qui passent inaperçues doit tous nous interpeller. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Gilbert Biessy. C'est votre politique qui a conduit à cela !

M. Jacques Desallangre. C'est logique !

M. Philippe Folliot. Je ne vous ai pas interrompus, mes chers collègues.

M. Gilbert Biessy. Nous faisons des réflexions à voix haute !

M. Jacques Desallangre. C'est sous le coup de l'émotion !

M. Philippe Folliot. J'ai eu bien des occasions d'être ému, moi aussi, quand le porte-parole du groupe des député-e-s communistes et républicains s'est exprimé, mais je ne l'ai pas interrompu ! Donc, je vous demanderai gentiment et démocratiquement de faire de même !

M. Gilbert Biessy. Mais la réaction, c'est humain !

M. André Chassaigne. Et votre discours est plus libéral que gaulliste !

M. Philippe Folliot. Pour autant, nous pensons qu'il est fondamental de veiller à ce qu'une solution puisse être apportée à la situation dans laquelle se trouvent certains de nos concitoyens. À des solutions de portée générale, avec les risques d'effets pervers que je citerai tout à l'heure, le groupe UDF préférerait des dispositifs qui tiennent davantage compte de la diversité des situations sociales.

Ce texte entraîne une réflexion sur la problématique du droit de la propriété que l'on ne doit pas écarter d'un revers de main. Sans revenir sur l'argument selon lequel l'article 1er de cette proposition de loi serait anticonstitutionnel, j'attire l'attention de la représentation nationale sur les possibles effets pervers que ce texte pourrait avoir sur les bailleurs privés, qui ne sont pas tous des grands groupes contrôlés par des capitaux anonymes...

M. François Liberti. Qui ne sont pas non plus des commerçants !

M. Philippe Folliot. ...ou de quelconques fonds de pensions avides de profits. Les bailleurs privés, ce sont, notamment dans des départements ruraux, des personnes souvent modestes, des commerçants, des artisans, mais aussi des salariés, qui ont économisé et acquis des logements locatifs pour préparer leur retraite. Ils se trouvent parfois dans des situations assez difficiles.

M. François Liberti. Ce sont les impayés qui les pénalisent !

M. Philippe Folliot. Dans ce cadre, il nous paraît important de veiller à ce que cette proposition n'aille pas à l'encontre du but recherché et que, si vous permettez cette expression, le remède soit pire que le mal. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. François Liberti. C'est honteux ! L'expulsion serait un remède ! C'est un scandale d'entendre cela !

M. Philippe Folliot. Le groupe UDF pense, en conséquence, qu'il est essentiel de veiller au bon fonctionnement du parcours résidentiel et à l'augmentation de l'offre de logements. Il convient de relancer l'accession sociale à la propriété et de faire en sorte que les propriétaires privés ne renoncent pas à louer les logements qu'ils possèdent en raison de difficultés telles que les impayés de loyers.

Mme Muguette Jacquaint. Il y en a qui mettent des taudis en location à 5 000 euros par mois !

M. Philippe Folliot. À cet effet, le groupe UDF avait proposé que la DGF des communes faisant des efforts pour développer le parc locatif social soit majorée. De telles mesures seraient assurément de nature à apporter des solutions aux problèmes qui se posent.

Je ne reviendrai pas sur la loi « urbanisme et habitat » et sur celles de nos propositions qui ont été retenues, notamment pour augmenter la superficie constructible des terrains.

Nous devons aussi nous poser un certain nombre d'autres questions. Je profite de l'occasion qui nous est offerte pour soulever le problème du déséquilibre dans notre pays entre la politique de l'aide à la pierre et celle de l'aide à la personne. Depuis des décennies, nous avons privilégié l'aide à la personne, sans pour autant répondre aux difficultés sur le terrain, sacrifiant de la sorte l'aide à la pierre.

S'agissant des expulsions, toutes les personnes concernées ne sont pas dans une situation identique, et je vous parle en tant qu'ancien gestionnaire de logements locatifs sociaux, directeur d'une coopérative HLM. Un certain nombre d'expulsions paraissent tout à fait légitimes au regard du comportement totalement asocial de quelques locataires.

Mme Muguette Jacquaint. On ne parle pas de ceux-là !

M. Jacques Desallangre. On parle de la misère, pas de la mauvaise foi !

M. Philippe Folliot. Une mesure générale telle qu'elle est proposée ne permettra donc pas de répondre aux situations telles qu'elles existent sur le terrain.

M. André Gerin. Les gens ne sont pas des paquets jetables !

M. Philippe Folliot. Il y a aussi, bien entendu, le risque de déresponsabilisation des individus.

Mme Muguette Jacquaint. Vous êtes responsables avec 800 euros de salaire par mois ?

M. Philippe Folliot. Des familles modestes font des efforts significatifs pour arriver à régler leurs charges de logement et les autres. Il n'y a pas forcément de parallèle entre le niveau des revenus et le surendettement, certaines catégories de population qui ne peuvent pas payer leur loyer ayant parfois des revenus relativement importants.

Mme Muguette Jacquaint. Là, on ne sent pas d'émotion !

M. André Gerin. Vous parlez de Neuilly et de Paris 16e !

M. le président. Monsieur Gerin, laissez M. Folliot conclure.

M. Philippe Folliot. Je vais essayer de conclure, monsieur le président, mais je suis incessamment interrompu.

M. le président. Je l'ai bien vu !

M. Philippe Folliot. J'ai donc des difficultés à m'exprimer.

M. André Gerin. Vous ne connaissez même pas la réalité ! C'est une honte !

M. Philippe Folliot. Je n'ai pas de leçon à recevoir à ce sujet !

M. André Gerin. On dirait que vous parlez de Neuilly et de Paris 16e ! C'est une honte !

M. Pierre Cardo. C'est incroyable de s'emporter ainsi !

M. Philippe Folliot. Je ne vais pas parler ici de ma situation personnelle,...

M. André Gerin. À Paris 16e, il n'y a pas de problème !

M. Pierre Cardo. Il y en a partout !

M. Philippe Folliot. ...mais je ne suis pas né avec une cuiller en argent dans la bouche, contrairement à ce que vous pourriez croire !

M. André Gerin. Il n'y en a que pour les privilégiés dans ce pays !

M. Pierre Cardo. N'exagérez pas !

M. Philippe Folliot. Pour l'énergie et pour l'eau, il existe des mécanismes de tarification spéciale au niveau du fonds de solidarité énergie ou du FSL. Ces mesures positives pourraient être adaptées et complétées par d'autres dispositifs de solidarité. Nous avions notamment proposé de mettre à contribution une partie des fonds de la CCAS d'EDF pour aider les familles en difficulté.

L'article 5 de ce texte, qui a trait au reste à vivre, nous paraît aller dans le bon sens. Il y a des éléments qu'il sera peut-être important de reprendre dans le cadre d'un prochain texte, d'une prochaine discussion. Depuis avril 2004, l'APL n'est plus versée quand elle est inférieure à 24 euros. Le Gouvernement ne pourrait-il pas reconsidérer cette mesure, madame la ministre ?

Mme Muguette Jacquaint. Pourquoi avez-vous voté contre notre amendement ? Démago !

M. Philippe Folliot. C'est un droit, qui n'est pas servi à celles et ceux qui pourraient en bénéficier. Les sommes en question pourraient être cumulées et versées lorsque leur montant dépasserait 24 euros.

En fonction de l'ensemble de ces éléments, et n'en déplaise à quelques-unes et quelques-uns, le groupe UDF et apparentés pense...

M. Gilbert Biessy. Vous ne pensez pas bien !

M. André Gerin. Il pense pour les privilégiés !

M. Philippe Folliot. ...que ce texte pose une bonne question mais n'apporte pas forcément une bonne réponse aux situations difficiles...

Mme Muguette Jacquaint. Vous ne voulez pas leur apporter de réponse !

M. François Liberti. Ça, c'est du courage !

M. Philippe Folliot. ...que connaissent bon nombre de nos concitoyens.

M. Patrick Roy. Franchement, c'est de l'hypocrisie !

M. François Liberti. Intervention peu glorieuse !

M. André Gerin. Vive les privilégiés !

M. Pierre Cardo. On n'est pas dans une manif !

M. Gilbert Biessy. Ça va continuer les manifs, ne pleurez pas !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. On n'est pas dans un meeting !

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson.

Mme Catherine Génisson. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous avons aujourd'hui l'opportunité de défendre ce que l'homme a de plus inattaquable, de plus intime, mais aussi de plus public, sa dignité, ce qui lui reste quand les aléas de la vie ont tout abîmé, travail, santé, logement, vie personnelle, et je pourrais continuer la liste.

Lorsque la dignité de la personne se trouve menacée, il est impossible de ne pas réagir. On ne peut pas vivre dignement sans un minimum élémentaire de bien-être, on ne peut pas vivre dignement dans le plus complet dénuement quand tout espoir est perdu.

Nous ne pouvons que constater avec gravité l'augmentation de la précarité sur notre territoire : en 2004, plus de 9 % des Français, 1 061 000 personnes, vivaient avec le revenu minimum d'insertion.

M. Patrick Roy. Quel bilan !

Mme Catherine Génisson. Aujourd'hui, 3 400 000 personnes qui travaillent sont en dessous du seuil de pauvreté, dont 80 % de femmes,...

M. Patrick Roy. Quel bilan !

Mme Catherine Génisson. ...et 22 500 femmes qui ont un emploi sont sans domicile fixe, de même que 16 000 enfants.

Après ma collègue Odile Saugues, qui s'est attachée à défendre le droit à la couverture logement universelle, je parlerai plus particulièrement de la fourniture d'énergie.

Depuis le passage de la majorité de leur capital dans le secteur privé, EDF et GDF ont durci leurs politiques. Les coupures d'électricité et de gaz deviennent plus nombreuses, ignorant des situations d'urgence, d'urgence sociale.

Privées de courant par décision d'EDF à la suite de factures non réglées, des familles démunies sont contraintes de recourir à des méthodes dangereuses de remplacement. Elles s'éclairent à la bougie, utilisent des bouteilles de gaz. Il en résulte des incendies, qui ont conduit à des situations catastrophiques, et même à des décès. Je voudrais aussi parler avec sobriété, avec pudeur, de cette jeune enfant découverte en hypothermie par sa maîtresse parce que, chez elle, il n'y avait plus ni gaz ni électricité.

Mme Odile Saugues. C'est terrible !

Mme Marie-George Buffet. C'est ça la réalité !

Mme Catherine Génisson. Le préambule de la Constitution de 1946 précise que la nation assure à l'individu et à sa famille les conditions nécessaires à leur développement et que tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence.

L'électricité et le gaz sont des produits de première nécessité, indispensables pour que chaque citoyen ait la garantie de pouvoir exercer ses droits fondamentaux.

Les services publics de l'électricité et du gaz doivent participer à la construction de notre cohésion sociale. Ils doivent assurer le droit de tous à accéder à ces produits de première nécessité.

Dans le cadre de la lutte contre les exclusions, il est du devoir de l'État de faire respecter les principes constitutionnels d'égalité d'accès et de continuité du service public, de garantir ces droits à tous nos concitoyens.

Il est de notre devoir d'assurer ce droit à tous nos concitoyens, quelle que soit la précarité de leur situation.

Ce combat, nous l'avons engagé dans les départements du Pas-de-Calais et du Nord, où de nombreuses communes ont pris des arrêtés anti-coupures d'énergie. Ces deux départements sont particulièrement touchés par le problème du chômage. Mon collègue Jean-Pierre Kucheida, député du Pas-de-Calais, maire de Liévin, fait partie des maires qui ont pris de tels arrêtés.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Qu'avez-vous fait lorsque vous étiez au gouvernement ?

Mme Catherine Génisson. Ça fait trois ans que vous êtes au gouvernement ! Alors agissez !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Pendant cinq ans, qu'avez-vous fait ? C'est bien de donner des leçons maintenant !

Mme Catherine Génisson. Nous avons fait voter la loi de lutte contre les exclusions, qui a porté ses fruits !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Vous avez été incapables de régler le problème et, maintenant, vous voudriez que l'on fasse des miracles !

Mme Catherine Génisson. Jean-Pierre Kucheida est à l'initiative d'une proposition de loi de notre groupe tendant à instaurer une couverture énergétique universelle pour les personnes en difficulté. Les coupures d'électricité et de gaz doivent être interdites sur le territoire français dès lors qu'elles sanctionnent les familles ou les personnes seules qui n'ont pu régler leurs quittances en raison de difficultés économiques ou sociales soudaines. Notre groupe politique interviendra d'ailleurs sur ce sujet fondamental lors de l'examen la semaine prochaine par notre assemblée du projet de loi d'orientation sur l'énergie, si cette proposition de loi n'est pas acceptée.

Il est de notre devoir de protéger nos concitoyens en grande difficulté en leur garantissant l'égal accès à ces biens de première nécessité. C'est pourquoi je soutiens cette proposition de loi, qui garantit la protection, la dignité et le respect de chaque personne, de chaque citoyen. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. André Gerin. Très, très bien !

M. le président. La parole est à Mme Hélène Mignon.

Mme Hélène Mignon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, durant la période hivernale que nous venons de vivre, les Français, par l'intermédiaire de flashs d'information répétés, ont été heureusement sensibilisés sur les risques courus par les personnes vivant dehors, mais, si l'urgence peut s'expliquer une année, elle devient difficile à supporter lorsqu'elle se répète au fil des ans.

Nous avons été sollicités par les associations caritatives, en particulier les Restos du cœur, pour venir en aide aux plus démunis. Nous y avons sans doute vous et moi répondu. Mais est-ce ainsi que l'on peut répondre à l'attente de nos concitoyens les plus meurtris par les aléas de la vie ?

Aujourd'hui, les médias se font l'écho de la reprise des expulsions, mais on ne se soucie pas de ce qui se passe tout au long de l'année, de ce que souffrent ceux qui ne peuvent se chauffer, s'éclairer normalement, qui n'ont pas droit à une vie décente.

La précarité augmente, monsieur Ollier, que vous le vouliez ou non. Nous n'en sommes pas heureux, ni vous ni nous,...

Mme Nelly Olin, ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. C'est vrai !

Mme Hélène Mignon. ...mais c'est un fait. Le nombre de personnes touchant le RMI grandit, les contrats à durée déterminée, le temps partiel, chez les femmes essentiellement, ne permettent pas de vivre décemment seul ou avec des enfants. Tout s'aggrave. Combien de jeunes couples, même avec un salaire, n'ont pas accès au logement ? Ils peuvent rester dans leur famille, dit-on alors, mais vous savez que c'est un problème difficile, et le surcoût actuel de l'immobilier va compliquer les choses.

C'est vrai qu'il y a de mauvais payeurs, et je crois que personne ici ne veut les soutenir, mais combien sont-ils par rapport à tous ceux qui ne peuvent pas payer ?

Plusieurs députés du groupe des député-e-s communistes et républicains. Bien sûr !

Mme Jacqueline Fraysse. Une infime minorité !

Mme Hélène Mignon. Il faut en prendre conscience.

Comment chercher un travail quand on n'a pas de logement ? Comment faire suivre un cursus scolaire normal à ses enfants lorsqu'on est obligé de déménager de façon fréquente ? Comment permettre à des enfants de travailler dans de bonnes conditions lorsqu'on est entassé dans un petit appartement, lorsqu'on n'a pas droit au chauffage, à l'éclairage, de façon normale ? Comment ne pas se dire que nous sommes par notre faute à tous à l'origine de troubles psychiques qui marqueront toute l'existence de ces enfants ?

Je ne crois pas que le problème du logement soit un problème subsidiaire, et je regrette que, dans la loi dite de cohésion sociale que nous avons discutée il y a quelques semaines, nous ayons abordé des problèmes qui n'avaient rien à y voir tels que la démolition d'une partie du code du travail ou la formation professionnelle par l'apprentissage et qui pouvaient être examinés à un autre moment. Par contre, nous aurions pu aller plus loin sur le logement, mais aussi tout simplement sur la façon dont on permet à nos concitoyens de vivre normalement, d'avoir un objectif, un projet de vie. Sur ce point, malheureusement, nous n'avons pas pris les dispositions qui s'imposaient.

Nous devons tout de même continuer à vouloir rendre effectifs les droits fondamentaux fondés sur l'égale dignité de chacun. Que signifie alors associer ceux qui vivent quotidiennement la grande pauvreté à l'élaboration, à la mise en œuvre, à l'évaluation des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion ?

ATD Quart-Monde le dit, une telle ambition doit nous inciter à ne jamais accepter pour d'autres ce que nous n'accepterions pas pour nous-mêmes. L'égale dignité, affirmée comme fondement des droits fondamentaux, n'est-elle pas à ce prix ? Qui accepterait de devoir vivre durablement sans toit ? Qui accepterait de devoir, chaque hiver, recourir aux distributions alimentaires pour nourrir ses enfants et sa famille ? Qui accepterait que ses enfants sortent un à un de l'école sans maîtriser les savoirs de base permettant d'accéder à une formation qualifiante ? Chaque citoyen doit pouvoir se loger, bénéficier d'un confort minimal et toucher un salaire décent. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. la discussion générale est close.

La parole est à Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion.

Mme Nelly Olin, ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, j'ai écouté tous les intervenants avec beaucoup d'attention. Le droit à vivre dans la dignité nous concerne tous. Nul ne peut demeurer insensible à la précarité et à la détresse des plus démunis de nos concitoyens, mais nous avons tous un devoir d'humilité et n'avons surtout pas le droit sur un tel sujet, difficile et douloureux, de céder à la démagogie et à la surenchère. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Gilbert Biessy. C'est quoi la démagogie ?

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Je tiens, mesdames, messieurs les députés, à vous rappeler que ce gouvernement, sous l'impulsion du Président de la République, a fait de la restauration de la cohésion sociale un objectif prioritaire. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jacques Desallangre. On est content de l'apprendre !

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Il ne peut donc qu'adhérer au principe et à l'objectif de cette proposition de loi.

M. Patrick Roy. Il ne faut pas seulement le dire, il faut le faire !

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Je ne vous ai pas interrompus, vous écoutant tous avec beaucoup d'attention. Ce serait une marque de correction de votre part que de ne pas m'interrompre non plus. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Restaurer l'autonomie et la dignité des personnes en difficulté en trouvant un juste équilibre entre protection et responsabilité, tel est le sens de l'action conduite par le Premier ministre depuis 2002.

M. Daniel Paul. On voit le résultat !

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Aussi, face aux situations sociales difficiles, voire douloureuses, visées par cette proposition de loi, le Gouvernement n'a pas attendu pour agir. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

Mme Muguette Jacquaint. Ça manque pourtant d'efficacité !

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Ainsi la loi de programmation pour la ville et le renouvellement urbain du 1er août 2003 a-t-elle instauré une procédure de rétablissement personnel - c'est une avancée que vous aviez tous souhaitée. Un décret du 8 avril 2004 relatif au tarif social d'électricité a bénéficié, à juste titre, à 1,6 million de ménages.

Mme Claude Greff. Exactement ! Il faut le rappeler !

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. La loi du 13 août 2004, relative aux libertés et aux responsabilités locales, a renforcé le dispositif départemental d'aide aux impayés d'eau et d'énergie en prenant en compte les situations d'urgence. La loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005 prévoit une évolution des modalités de calcul du « reste à vivre » pour les ménages surendettés. De plus, je le rappelle à Mme Saugues, l'article 86 de cette loi donne la priorité d'accès au logement social aux personnes hébergées en CHRS.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Très bien !

Mme Odile Saugues. Venez sur le terrain !

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Cela a été inscrit dans la loi parce que je l'ai personnellement souhaité. Je reviendrai sur le problème du logement.

Mme Odile Saugues. On peut en parler ! C'est l'offre qui est insuffisante !

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Un décret mettant en place un dispositif de prévention des coupures d'énergie doit paraître dans les prochains jours. Je m'étais engagée devant votre assemblée à intervenir auprès d'EDF afin que les personnes en grandes difficultés n'aient pas en plus à souffrir du froid pendant ces périodes difficiles.

Mme Muguette Jacquaint. Lorsqu'ils sont expulsés elles n'ont plus ni gaz, ni électricité !

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Enfin, M. Bocquet a évoqué la question du SMIC. Le Gouvernement, en réunifiant les SMIC, a permis à 1 million de salariés de percevoir une augmentation de 11 % (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. -Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains)...

M. Gilbert Biessy. C'est faux, les salaires baissent. Il fallait écouter la radio ce matin !

M. Jérôme Bignon. C'est nous qui avons augmenté le SMIC, pas la gauche ! Quand nous sommes arrivés, il y avait sept SMIC !

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. ...contre 0,29 %, de coup de pouce en coup de pouce, lors des trois dernières années du précédent gouvernement.

J'ai apprécié la qualité et le ton modéré de votre propos, monsieur le rapporteur. Un tel débat ne saurait générer de polémique. Nous avons tous une responsabilité et nous devons y faire face. Ainsi, monsieur le rapporteur, le Gouvernement a bien assumé ses responsabilités et vous avez d'ailleurs souligné les « efforts législatifs ».

S'agissant des expulsions locatives, je suis, comme vous, mesdames, messieurs les députés, extrêmement préoccupée par la situation des familles qui risquent d'être expulsées en cette fin de période hivernale. Mais veillons à ne pas nous tromper de réponse à force de surenchère !

Je ne m'étendrai pas sur l'aspect juridique et le risque d'inconstitutionnalité d'une mesure d'interdiction pure et simple des expulsions : une telle disposition porte atteinte au droit de propriété.

M. André Gerin. De tels propos sont insupportables !

M. Gilbert Biessy. Les riches sont trop protégés !

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Plutôt que d'interdire, le Gouvernement préfère prévenir.

Monsieur Cousin, vous avez rappelé notre préoccupation commune de garantir les créances locatives. Je vous rappelle que l'article 125 de la loi de programmation pour la cohésion sociale prévoit de sécuriser le paiement des loyers et des charges locatives aux bailleurs, privés et publics, en donnant au remboursement des créances locatives la priorité lors des procédures d'apurement des dettes menées par les commissions de surendettement. C'est une première étape dont nous ne manquerons pas de dresser le bilan, notamment dans le cadre du groupe de suivi du surendettement.

Par ailleurs, avec Marc-Philippe Daubresse, nous sommes en train d'évaluer les différents dispositifs de garantie de paiement des loyers qui pourraient venir en complément du fonds de solidarité pour le logement.

L'interdiction de principe faite aux bailleurs d'expulser un locataire risquerait d'avoir l'effet inverse de celui poursuivi et d'aboutir à un retrait du marché des logements locatifs privés. Nous ne pouvons collectivement en prendre le risque à l'heure où le Gouvernement lance la mise en œuvre du plan de cohésion sociale (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) qui a pour ambition de résoudre la grave crise du logement en rattrapant le retard pris en matière de logement locatif social, mais aussi en mobilisant le parc privé.

M. Jean-Marie Geveaux. Eh oui !

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Je ne vous ferai pas l'injure, mesdames, messieurs de l'opposition, de vous rappeler vos tristes records de construction des logements sociaux, notamment en 1999 avec seulement 39 000 logements sociaux construits,...

Mme Odile Saugues. Vous trichez sur les chiffres !

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. ...ni le nom du ministre de l'époque.

Mme Hélène Mignon. Nous le savons, mais vous qu'avez-vous fait ?

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. En matière de prévention des expulsions, je souhaite également rappeler que la loi de programmation pour la cohésion sociale organise le maintien des aides personnelles en cas de résiliation du bail et pérennise les mesures des protocoles d'urgence du 13 mai 2004 sur la prévention des expulsions dans le parc social.

Vous avez fait référence, mesdames, messieurs de l'opposition, aux dispositifs que vous aviez mis en place, mais dont vous n'avez jamais fait l'évaluation.

Mme Odile Saugues. Si ! Soixante-seize millions d'euros !

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Ce n'est que sous le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin qu'a été évaluée la loi de 1998 et qu'un comité interministériel a abouti à des propositions concrètes et à des financements importants.

Par ailleurs, nous avons tenu à ce que le juge, qui intervient en fin de procédure, soit complètement éclairé sur la situation sociale et financière du locataire avant de prendre sa décision. À cet effet, un guide relatif à l'enquête sociale sera adressé à tous les préfets pour améliorer la qualité de cette enquête, qui devra être systématique.

S'agissant des impayés d'énergie, permettez-moi d'apporter quelques précisions. En 2003, le montant des contributions au fonds de solidarité énergie s'est élevé à 70 millions d'euros, soit une augmentation de 15 % par rapport à 2002. L'engagement financier de l'État s'est élevé à 11,5 millions d'euros, soit le double de ce qui était consacré en 1999. Au total, 230 000 ménages ont pu bénéficier de ce dispositif.

La loi du 13 août 2004 renforce la prévention en stipulant que des modalités d'urgence doivent être prévues pour l'octroi et le paiement des dettes afin d'éviter les coupures d'énergie. Toutefois, les événements tragiques de l'été dernier ont mis en évidence les insuffisances des dispositifs existants.

C'est pourquoi j'ai rencontré M. Gadonneix, président d'EDF, pour convenir que, dans l'attente de la mise en place d'un dispositif d'alerte amélioré, aucune coupure d'électricité ne serait opérée pour les ménages démunis durant la période hivernale.

Nous avons par ailleurs, avec mon collègue Patrick Devedjian, mis en place un groupe de travail réunissant EDF, la commune de Saint-Denis, des associations de consommateurs et l'association « Droit à l'énergie, SOS futur ». Un projet de décret est en préparation afin de renforcer le dispositif de prévention des coupures. Nous avons ainsi créé pour EDF une véritable obligation de signalement aux services sociaux et aux maires.

Je peux vous annoncer aujourd'hui que, après avis de la CNIL, ce décret sera soumis au Conseil supérieur de l'électricité et du gaz le 22 mars 2005 pour être publié à la fin de ce mois. Sachez que j'en suivrai personnellement la mise en œuvre et en tirerai toutes les conséquences nécessaires. Nous avons dit, nous avons agi et nous avons fait !

Mme Odile Saugues. C'est bien péremptoire !

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Le Gouvernement a également mis en place, par un décret du 8 avril 2004, un tarif social de l'électricité en faveur des foyers les plus modestes. Cette nouvelle mesure sociale est effective depuis le 1er janvier 2005. Elle constitue une aide significative pour tous ceux qui sont en situation difficile. Elle garantit le maintien du droit à l'électricité, en évitant des coupures d'abonnement pour défaut de paiement.

Ce tarif dit de première nécessité, modulable selon la composition de la famille, permet de réduire de 30 à 50 % la facture électrique des ménages à faibles revenus. Le coût de l'abonnement est également réduit en fonction de la composition familiale. Environ 1,6 million de familles au total bénéficieront de cette mesure qui représentera une réduction moyenne de 21 % de la facture annuelle.

Je précise à M. Cousin que, pour ces familles, le décret en préparation assure la gratuité de la mise en service et de l'enregistrement du contrat EDF. Il sera transmis dans les prochains jours au Conseil d'État.

Aussi, ne me paraît-il vraiment pas raisonnable, quelques semaines à peine après sa mise en œuvre, de revenir sur ce dispositif. Une telle mesure en faveur des plus modestes était déjà prévue par la loi sur l'électricité de 2000, mais le gouvernement précédent, hélas ! ne l'a pas mise en œuvre. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

La loi de programmation pour la ville et le renouvellement urbain du 1er août 2003, voulue par Jean-Louis Borloo, offre une véritable deuxième chance aux ménages surendettés. Dans les situations irrémédiablement compromises, qui ne trouvent pas de réponse dans les plans conventionnels, la procédure de rétablissement personnel permet, je tiens une nouvelle fois à le souligner, l'effacement des dettes. Vous auriez pu en avoir l'idée, vous ne l'avez pas fait non plus !

M. Maxime Gremetz. Oh !

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Plus de 20 000 ménages ont déjà pu bénéficier de cette procédure. Pour améliorer les dispositions existantes, la loi de programmation pour la cohésion sociale a intégré les dépenses de logement, de nourriture et de scolarité dans le calcul du reste à vivre. Cette disposition récente doit permettre aux familles de faire face à leurs dépenses courantes.

Pour améliorer l'examen individuel de chaque situation, un conseiller en économie sociale et familiale a intégré les commissions de surendettement. L'avis de ce professionnel permettra donc dorénavant aux commissions de mieux apprécier le reste à vivre. En effet, il ne me paraît pas souhaitable - et il me semble même risqué - de trop encadrer le calcul du reste à vivre. Là encore, une telle rigidification risquerait d'avoir pour les personnes que l'on souhaite protéger des effets inverses .

Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, nous avons tous conscience que le sujet que nous traitons aujourd'hui est grave.

M. Alain Bocquet. Alors, pourquoi ne pas agir ?

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Il nécessite de la détermination, mais également de l'humilité. Les problèmes sont complexes, les réponses ne sont jamais simples et les résultats souvent assez longs à obtenir.

Derrière les mesures, les dispositifs et les procédures, il y a des hommes et des femmes.

M. Maxime Gremetz. Vous les oubliez ! Mais ils se rappellent à vous ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Il y a aussi beaucoup de souffrance humaine. Monsieur Gremetz, de ce point de vue, vous n'avez pas de leçons à me donner !

M. Maxime Gremetz. Je ne vous donne pas de leçons !

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Comme je l'ai rappelé, le Gouvernement vient de prendre, avec la loi de programmation pour la cohésion sociale, de nombreuses dispositions destinées à remédier à ces situations.

Au lieu de polémiquer et de nous opposer, mettons-les donc en œuvre ensemble au plus tôt, avec cœur et intelligence.

D'autres textes viendront renforcer cette loi, et notamment la loi relative à l'habitat pour tous. Ces textes et la volonté avec laquelle nous les ferons appliquer sur le terrain nous permettront de faire reculer l'exclusion et de tendre la main à tous ceux de nos concitoyens qui sont en grande détresse. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Sandrier, rapporteur. Ce que j'ai entendu appelle quelques précisions.

D'abord, madame la ministre, et bien que ce ne soit pas l'objet du débat, il faut souligner que le moment est mal choisi pour évoquer le SMIC comme vous l'avez fait à plusieurs reprises. En effet, les chiffres publiés aujourd'hui même révèlent que le pouvoir d'achat des Français a baissé et font apparaître le grand nombre des personnes qui vivent avec un salaire inférieur au SMIC et ne sont donc pas concernées par cette augmentation.

Pour en revenir à la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui, j'invite M. le président de la commission à ne pas semer la confusion dans le débat en affirmant que j'ai rendu hommage à la majorité : en rappelant les efforts réalisés par les législateurs successifs, j'ai, en fait, souligné leur insuffisance et la nécessité d'aller plus loin - ce qui est précisément l'objet de cette proposition de loi. D'ailleurs, les efforts régulièrement déployés sans résultat depuis vingt-cinq ans montrent bien la réalité du problème et la dégradation de la situation d'un grand nombre de nos concitoyens.

M. Jacques Desallangre. Très bien !

M. Jean-Claude Sandrier, rapporteur. Cette proposition de loi était donc nécessaire.

Par ailleurs, le caractère illégal ou anticonstitutionnel de ce texte a été souvent allégué. Or la vraie illégalité, qui domine toutes les autres, c'est la non-assistance à personne en danger et le non-respect de la dignité humaine. Voilà ce qui est anticonstitutionnel et contraire à la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Pour ce qui est du caractère prétendument anticonstitutionnel de cette proposition, je tiens à rappeler que le Conseil constitutionnel a reconnu dans sa décision 94-359 DC du 19 janvier 1995 que le droit de vivre dans la dignité et le droit à un logement décent était un objectif constitutionnel.

M. François Liberti. Exactement !

M. Jean-Claude Sandrier, rapporteur. Cette décision a fait jurisprudence et aucun jugement contraire n'a été rendu jusqu'à présent. En 1995, le tribunal de grande instance de Paris a souligné qu'il s'agit d'un devoir de solidarité nationale, qui mérite protection au même titre que le droit de propriété. (« Eh ! oui ! » sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

La jurisprudence du Conseil constitutionnel tend toujours à concilier les principes à valeur constitutionnelle, et non à faire primer l'un sur l'autre. Vous avez donc tort de vouloir faire primer le droit de propriété sur le droit au logement. Cette position est contraire à l'avis du Conseil constitutionnel.

M. François Liberti. Très bien !

M. Jean-Claude Sandrier, rapporteur. La grande inquiétude que vous avez manifestée pour les propriétaires est, quant à elle, assez extraordinaire ! La proposition de loi leur offre en effet, tout comme aux locataires, de nombreuses garanties.

M. François Liberti. C'est aujourd'hui qu'ils sont en difficulté, avec les impayés !

M. Jean-Claude Sandrier, rapporteur. La proposition de loi conforte le droit de propriété, car elle solvabilise les locataires. Qu'en est-il aujourd'hui du droit de propriété lorsqu'on maintient dans un logement des personnes qui ne peuvent pas payer ?

Pour Mme la ministre déléguée, l'augmentation du reste à vivre serait une mesure rigide.

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Ce n'est pas tout à fait ce que j'ai dit !

M. Jean-Claude Sandrier, rapporteur. Vous avez pourtant déclaré qu'il s'agissait d'une rigidité supplémentaire, et qu'il ne fallait pas en rajouter.

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Pas exactement !

M. Jean-Claude Sandrier, rapporteur. Vous pourrez alors vous en expliquer ultérieurement. On pourrait, d'ailleurs, demander aux familles ce qu'elles pensent d'une une telle « rigidité » !

Augmenter le reste à vivre est une assurance supplémentaire pour les revenus des locataires et donc pour leur capacité à payer leur bailleur. Deux cas de figure sont possibles : si le locataire n'est pas solvable, le texte prévoit une aide, qui est un droit et doit donc tranquilliser le bailleur ; s'il est solvable, la dette est apurée, en recourant éventuellement au juge d'exécution. En quoi, alors, cette proposition de loi ne respecterait-elle pas les droits des propriétaires ?

Enfin, il est étonnant d'entendre M. Folliot affirmer que le remède serait pire que le mal, au prétexte que les propriétaires pourraient ne pas vouloir louer. Comment peut-on faire à la tribune de cette assemblée un parallèle entre la gêne qu'éprouverait un bailleur et la mise en péril de la vie des gens, de l'intégrité et de la dignité des personnes ?

M. François Liberti. De son point de vue, il a été très bon ! Quel cynisme ! (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jean-Claude Sandrier, rapporteur. Un tel parallèle est impossible !

Enfin, on m'objecte qu'il suffirait, pour régler le problème, d'appliquer les lois existantes. Je me contenterai de citer des faits : les lettres d'expulsion - puisque les expulsions peuvent reprendre à partir d'aujourd'hui 15 mars, les lettres sont parties des préfectures voici une semaine à dix jours. Par ailleurs, les préfets et sous-préfets se sont vu rappeler qu'ils devaient exécuter ces expulsions pour éviter que l'État soit rendu responsable de leur non-exécution. Il n'est pas possible, malgré ce que vous affirmez, d'éviter cette situation.

De plus en plus, on fait appel aux associations caritatives pour assurer le droit au logement, faisant ainsi de ce devoir national un acte de charité. Ce n'est pas acceptable.

Mme Catherine Génisson. Absolument !

M. Jean-Claude Sandrier, rapporteur. Quant à la question de la bonne ou de la mauvaise foi des locataires, qui revient sans cesse comme un alibi, c'est un faux problème. Vous refusez de poser la vraie question, qui est de savoir si la famille peut payer ou ne le peut pas.

En conclusion, nous demandons simplement un acte humaniste. Certains le croient inutile, au motif que l'arsenal des lois existantes suffirait. J'aimerais qu'ils aient raison, mais je crains que les prochains jours ne montrent qu'il n'en va pas tout à fait ainsi.

Le vote de cette proposition de loi garantira à coup sûr un toit et l'énergie pour tous. Il suppose toutefois qu'on reconnaisse que, dans notre pays, il y a des personnes et des familles qui n'ont pas les moyens de se loger et de payer l'énergie et l'eau - la bonne ou la mauvaise foi n'ont rien à voir avec cela. Les associations caritatives nous le disent : il faut les écouter, parce que c'est la vérité.

M. François Liberti. Ils sont sourds !

M. Jean-Claude Sandrier. Il faut aussi admettre que la seule façon d'affronter cette réalité est de cesser de biaiser : au lieu de gérer les expulsions ou les coupures de courant, comme on le fait jusqu'à présent, il faut les interdire. C'est à partir de là seulement qu'on pourra trouver une solution humaine qui permette d'assurer à chacun le minimum vital.

Je suis conscient que l'adoption de cette proposition de loi suppose un renversement de mentalité. Il faut passer de la culpabilité a priori du pauvre à la responsabilité de la société. Pour certains, l'exercice n'est pas facile, mais c'est pourtant là que se situe aujourd'hui la vraie responsabilité.

L'écart qui augmente, dans notre pays, entre les plus riches et les plus pauvres nous fait mesurer mieux notre responsabilité face à l'inégalité et à l'injustice de la répartition des richesses. L'expérience nous apprendra que le problème que certains croyaient résolu ne l'est pas. Je sais que certains de nos collègues sont prêts travailler encore plus sur cette idée - et, de fait, nous examinerons prochainement une loi sur l'habitat. Toutefois, avec l'accord et au nom du président de notre groupe, Alain Bocquet, et après en avoir discuté avec le président Ollier, je demande la création d'une mission d'information sur le droit à vivre dans la dignité, qui commence par le droit d'avoir un toit pour s'abriter, de l'énergie pour s'éclairer et se chauffer et de l'eau pour boire et se laver, dans le cas où vous ne souhaiteriez pas - ce qui serait regrettable - examiner les articles de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Notre rapporteur a encore oublié qu'il était rapporteur de la commission. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz. Encore des faux-fuyants !

M. Jean-Claude Sandrier, rapporteur. Pardonnez-moi, mais je ne l'ai jamais été auparavant !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je vais donc indiquer à l'Assemblée quelle est la position de la commission.

D'abord, monsieur Sandrier, je voudrais vous remercier à nouveau d'avoir souligné l'insuffisance des efforts des législateurs, et notamment de ce qui était votre propre majorité.

M. François Liberti. De la vôtre !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je suis heureux que vous reconnaissiez que les choses ne sont pas si faciles.

M. André Gerin. Il y a trente ans que ça dure !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Nous en avons assez de recevoir des leçons de morale. (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. Gilbert Biessy. Un peu de courage !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. S'il était aussi facile de régler le problème, monsieur Biessy, que ne l'avez-vous fait pendant cinq ans, lorsque vous étiez dans la majorité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. François Liberti. Ayez donc du courage !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. S'il fallait du courage, monsieur Liberti, pourquoi ne l'avez-vous pas eu pendant cinq ans ? (Vives exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. François Liberti. Honteux !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Monsieur Liberti, laissez donc les leçons de morale pour les meetings politiques ! Nous sommes ici dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Nous partageons l'objectif que vous vous êtes fixé.

M. André Gerin. Ce n'est pas vrai !

M. François Liberti. C'est faux !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Nous partageons votre volonté d'aider les plus défavorisés et votre souci de défendre ceux qui sont en situation de précarité. (« Ce n'est pas vrai ! » sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. André Gerin. C'est de la démagogie !

M. André Chassaigne. Vous oubliez l'augmentation du nombre des RMIstes depuis un an !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Mais nous ne pouvons pas accepter le dispositif que vous proposez, pour la simple raison qu'il est purement démagogique de prétendre résoudre la crise du logement en interdisant les expulsions. (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Je ne vais pas répéter l'excellente démonstration de Mme Olin, à laquelle je tiens à rendre hommage, ni redire tout ce que le Gouvernement a fait depuis trois ans en la matière. Je veux vous dire simplement, mes chers collègues, que la commission des affaires économiques refuse le passage à la discussion des articles pour deux prétextes essentiels. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. André Chassaigne. Vous reconnaissez vous-même que ce sont des prétextes !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Je veux dire pour deux raisons. La première raison est le caractère inconstitutionnel de l'article 1er, qui porte atteinte au droit de propriété.

M. André Gerin. Dérobade !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Deuxièmement, le dispositif que vous proposez va à l'inverse de l'objectif que vous vous fixez. On peut être certain, en effet, que si d'aventure ce texte est voté, il aggravera encore la situation du logement locatif.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je vous demande de voter contre le passage à la discussion des articles. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Vote sur le passage à la discussion des articles

M. le président. La commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire n'ayant pas présenté de conclusions, l'Assemblée, conformément à l'article 94, alinéa 3, du règlement, est appelée à statuer sur le passage à la discussion des articles du texte initial de la proposition de loi.

Conformément aux dispositions du même article du règlement, si l'Assemblée vote contre le passage à la discussion des articles, la proposition de loi ne sera pas adoptée.

Sur le vote sur le passage à la discussion des articles de la proposition de loi, je suis saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Nous en venons aux explications de vote sur le passage à la discussion des articles.

La parole est à M. Alain Bocquet, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Alain Bocquet. S'il y a dans les tribunes réservées au public des personnes concernées par notre proposition de loi ou des représentants des associations caritatives, ils ne peuvent qu'être indignés du mépris qu'affichent le Gouvernement, mais aussi la majorité UMP, qui brille par son absence : M. Ollier a dû passer sa matinée à refaire ses comptes, afin de s'assurer qu'une majorité repoussera le passage à la discussion des articles. C'est une attitude que je juge assez arrogante : en agissant ainsi le groupe de l'UMP s'affiche comme une majorité qui ne fait aucun cas des personnes qui doivent être aujourd'hui expulsées, de celles qui sont licenciées ou saisies, en un mot des Français qui souffrent. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. André Gerin. C'est antisocial !

M. Alain Bocquet. En effet, contrairement aux « prétextes » qui viennent d'être invoqués, notre proposition de loi vise à résoudre ces problèmes, auxquelles sont confrontées, dans nos circonscriptions, des dizaines de milliers de familles. Voilà pourquoi il faut que nous examinions cette proposition de loi.

Par parenthèse - et nous avons déjà soulevé à plusieurs reprises cette question de fond - il n'est pas normal du point de vue des principes que la discussion des rares textes qui peuvent être soumis à l'examen de l'Assemblée à l'initiative des groupes ne puisse pas être menée jusqu'au bout.

M. François Liberti. Ce n'est pas démocratique !

M. Alain Bocquet. En effet, qu'est-ce qui vous empêche, puisque vous avez la majorité, de repousser tous les articles un à un ?

Mme Muguette Jacquaint. Tout à fait !

M. Gilbert Biessy. Ils n'ont même pas ce courage !

M. Alain Bocquet. En réalité, si vous refusez d'aller au bout du débat, c'est que votre politique est au service des privilégiés, au service des riches. (« Exactement ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Chaque jour en apporte une nouvelle preuve. Ainsi, lorsqu'on vous propose des solutions législatives concrètes, vous les repoussez obstinément. Circulez, il n'y a rien à voir : tel est votre leitmotiv, à propos des expulsions comme du reste. Voilà pourquoi nous continuerons à insister pour que chaque collègue puisse s'exprimer à propos des différents articles de notre proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Cardo, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

M. Pierre Cardo. Je serai rapide, nos raisons ayant déjà été largement expliquées par Mme la ministre et M. le président de la commission.

Il est impressionnant de voir à quel point les majorités de droite sont une chance pour la gauche, à qui elles donnent de l'imagination et de l'audace ! J'ai trouvé certaines interventions extrêmement intéressantes, notamment celles, pondérées, de Mme Mignon et de M. le rapporteur.

M. Gilbert Biessy. Êtes-vous notre instituteur pour nous distribuer des bonnes notes ?

M. Pierre Cardo. Depuis la proclamation de la Déclaration des droits de l'homme, qui a été évoquée, il s'est quand même écoulé pas mal de temps, durant lequel il vous est arrivé d'être au pouvoir, tout comme nous, certes. Mais nous n'avons pas la même appréciation que vous du problème du logement : vous qui croyez pouvoir le régler par la voie législative, vous avez déjà eu maintes occasions de proposer, sous forme d'un projet de loi, le dispositif qui fait l'objet de cette proposition de loi. Alors venir nous accuser aujourd'hui d'être antisociaux...

M. André Gerin. Exactement !

M. Pierre Cardo. ...ou d'être dépourvus de tout humanisme, c'est un peu fort ! Nous refusons simplement une loi qui impose une réponse unique, parce que ce que nous voulons, nous, ce sont des réponses personnalisées. Or ces réponses, elles se trouvent dans la loi de cohésion sociale et dans les différents textes de loi que nous avons votés depuis que cette majorité a été élue,...

M. André Chassaigne. On voit les résultats !

M. Pierre Cardo. ...voire dans les textes par lesquels le Gouvernement a assuré l'application de lois que vous aviez votées sans vous préoccuper de leur mise en œuvre. Vous comprendrez, dans ces conditions, que recevoir de vous des leçons de morale dans ce domaine nous est quelque peu désagréable, d'autant que, depuis la loi Besson, vous n'avez pas fait beaucoup de propositions positives en matière de logement.

Même l'avancée qu'aurait dû permettre la loi Besson n'a pas été sans poser de problèmes, tant il est vrai que l'enfer peut être pavé de bonnes intentions. Cette loi, qui était censée régler la question du logement social, proposait des solutions intéressantes, même si elles étaient sujettes à débat. Mais son plus grand tort était de systématiser des solutions qui étaient, à l'origine, le fruit d'expérimentations locales, et de faire d'un grand nombre de cas particuliers un cas général, privant ainsi le dispositif de toute efficacité. Je peux en témoigner puisque c'est le dispositif que nous avions mis en place dans les Yvelines qui a inspiré la loi Besson. Ce qui était à l'époque une solution locale à taille humaine est devenu aujourd'hui un dispositif législatif national. Le résultat est que la loi déculpabilise et désensibilise les acteurs, et le système est déshumanisé. (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Voilà pourquoi nous ne sommes pas favorables à une loi, qui aurait pour résultat de systématiser les solutions, quand il faut au contraire les humaniser en les rapprochant du terrain. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. André Chassaigne. Laissez faire, laissez passer, c'est ça votre solution ! Le renard libre dans le poulailler libre !

M. le président. La parole est à Mme Odile Saugues, pour le groupe socialiste.

Mme Odile Saugues. Monsieur le président, madame la ministre, le groupe socialiste souhaite fortement que les articles de cette proposition de loi soient examinés.

Nous partageons en effet le constat de M. Jean-Claude Sandrier, qui est celui de tous les élus et de toutes les associations caritatives.

M. Jean-Marie Geveaux. C'est un acte de contrition !

Mme Odile Saugues. Ce constat est partagé aussi par des structures institutionnelles d'origine gouvernementale, et je pense en particulier au Conseil national de l'habitat. Il me paraît donc difficile de contester un tel constat, madame la ministre.

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Je ne le conteste pas !

Mme Odile Saugues. Je trouve en tout cas qu'il y a un très grand décalage entre vos propos et la réalité. Vous ne pouvez pas nier ce qui vient à la fois du terrain et des institutionnels. Je ne reviendrai pas sur les cas dramatiques que certains ont évoqués ici et que nous rencontrons tous sur le terrain.

Le respect de la dignité de chacun passe par la garantie d'un logement décent tout au long de sa vie et des moyens de s'y maintenir, quels que soient les aléas de la vie ; il passe aussi par une couverture énergétique. C'est justement parce que nous savons, nous, socialistes, qu'elle est indispensable que nous avions déposé une proposition de loi à ce sujet. Mais nous sommes tout à fait disposés à rallier la proposition que fait aujourd'hui le parti communiste, qui est cohérente avec nos propres propositions.

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Récupération !

Mme Odile Saugues. Contrairement à vous, messieurs de la majorité, nous ne nous inscrivons pas dans une logique caritative, mais dans une logique de droit. Au contraire de ce que vous avez affirmé, monsieur Cardo, nous avons mené sur ces questions un travail approfondi -je le dis en toute modestie -, dans le cadre de groupes de réflexion où étaient représentées des sensibilités très diverses. Nous avions notamment, dans le cadre du Conseil national de l'habitat, envisagé la possibilité d'une « couverture logement universelle ».

M. Pierre Cardo. Que ne l'avez-vous instituée !

Mme Odile Saugues. Bien entendu nous n'avons pas eu le temps de la mettre en pratique...

M. Jean-Marie Geveaux. C'est trop bête !

Mme Odile Saugues. ...puisque nous avons été battus. Dont acte : c'est vous qui êtes au pouvoir. Mais ce n'est pas une raison pour s'asseoir - pardonnez-moi l'expression - sur des conclusions motivées et des propositions très fortes, qui étaient, les unes et les autres, approuvées par tous.

Arrêtez donc de feindre de ne pas être au courant de ces travaux, et de nous accuser de ne penser que quand nous sommes dans l'opposition : nous pensons aussi quand nous sommes au pouvoir.

M. Pascal Clément. Nous en prenons acte : vous pensez tout le temps !

Mme Odile Saugues. Et si nous n'avons pas eu le temps de mettre en œuvre le fruit de nos réflexions, croyez bien que nous le regrettons.

Cela ne nous empêchera pas de demander que soit examiné le texte qui nous est proposé aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour le groupe UDF.

M. Philippe Folliot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, développant tout à l'heure un certain nombre d'arguments à l'appui de la position du groupe Union pour la démocratie française, j'ai souligné que nous étions tous d'accord, au sein de cette assemblée,...

M. André Gerin. Ce n'est pas vrai !

M. Philippe Folliot. ...en ce qui concerne le constat du moins. Nous partageons tous l'objectif affiché par cette proposition de loi, qui vise à garantir à chacune et à chacun de nos concitoyens le droit de vivre dans la dignité.

Plusieurs députés du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. Votez donc le passage à la discussion des articles !

M. Philippe Folliot. Cependant, j'ai également exposé les conséquences et les effets pervers qu'entraînerait l'application d'un tel texte. Il est hors de doute que le dispositif proposé aurait pour conséquence sur le terrain d'aggraver à certains égards la situation de précarité de celles et ceux qui connaissent des difficultés en matière d'accès au logement. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. André Gerin. On le leur dira, comptez sur nous !

M. François Liberti. Que peut-il arriver de pire que de se retrouver à la rue ?

M. Philippe Folliot. Nous avons également exposé des propositions susceptibles de remédier à la crise du logement : développer l'offre de logement, notamment de logement locatif, dans notre pays est en effet une impérieuse nécessité. Il s'agit de garantir un « parcours résidentiel », qui passe par le logement locatif, mais également par l'accession à la propriété, notamment par l'accession sociale à la propriété.

Plusieurs députés du groupe des député-e-s communistes et républicains. Pour M. Gaymard et M. Copé !

M. François Liberti. 600 mètres carrés pour tous !

M. Philippe Folliot. En ce qui concerne le fond du texte qui nous est proposé, je ne reviendrai pas de manière détaillée sur l'ensemble des éléments que j'ai déjà développés. Je tiens simplement à vous dire, monsieur le président Bocquet, que le groupe UDF partage votre point de vue : il serait légitime que toutes les propositions de loi puissent être discutées entièrement. En tout état de cause, la revalorisation du rôle du Parlement passera par de telles mesures.

Je tiens à souligner cependant que le sujet de notre discussion d'aujourd'hui est suffisamment important pour qu'on en débatte de manière apaisée, en toute sérénité et en s'abstenant de toute démagogie. Or chacun a pu constater que mon intervention a été interrompue au moins une trentaine de fois, alors que je n'ai moi-même interpellé aucun orateur durant toute la discussion.

Les conditions d'un débat serein ne me paraissent donc pas réunies. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mais mon choix est également motivé par un souci de solidarité à votre égard, mes chers collègues du groupe communiste. En effet, le débat que nous avons déjà eu a suffi à démontrer le caractère à certains égards démagogique, voire dangereux, des solutions que vous nous proposez.

Et comme je crois qu'il est important d'abréger vos souffrances, nous n'avons pas besoin d'aller plus loin (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains) car vos propositions pour les personnes fragiles, en difficulté, ne sont pas bonnes.

M. Maxime Gremetz. Quelle cohérence !

M. Philippe Folliot. Dans ce cadre, le groupe UDF s'associe à M. le président de la commission (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) pour refuser le passage à la discussion des articles. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix le passage à la discussion des articles de la proposition de loi.

Je prie chacun de regagner sa place.

Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

                    Nombre de votants 87

                    Nombre de suffrages exprimés 87

                    Majorité absolue 44

        Pour l'adoption 34

        Contre 53

(Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

L'Assemblée ayant décidé de ne pas passer à la discussion des articles, la proposition de loi n'est pas adoptée.

    3

ORDRE DU JOUR DE L'ASSEMBLÉE

M. le président. L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au jeudi 31 mars 2005 inclus a été fixé ce matin en Conférence des présidents.

Ce document sera annexé au compte rendu.

Par ailleurs, la Conférence des présidents a décidé que le vote solennel sur la proposition portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise, en deuxième lecture, aurait lieu le mardi 22 mars, après les questions au Gouvernement.

    4

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :

Questions au Gouvernement ;

Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif aux aéroports ;

Discussion de trois propositions de résolution, nos 2054, 2048 et 2096, sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux services dans le marché intérieur :

Rapport, n° 2111, de M. Robert Lecou au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, n° 2056, portant statut général des militaires :

Rapport, n° 2149, de M. Guy Teissier, au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées ;

Discussion du projet de loi, n° 1549, modifiant la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994 relative aux modalités de l'exercice par l'État de ses pouvoirs de contrôle en mer :

Rapport, n° 1658, de Mme Marguerite Lamour, au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées.

La séance est levée.

(La séance est levée à onze heures quarante-cinq.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot