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Deuxième séance du mardi 10 mai 2005

215e séance de la session ordinaire 2004-2005



PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

    1

VœUX DE RÉTABLISSEMENT
À M. LE PREMIER MINISTRE

M. le président. Mes chers collègues, comme vous le savez, le Premier ministre ne peut être parmi nous cet après-midi en raison d'un problème de santé. En votre nom, je lui souhaite un prompt et complet rétablissement. (Applaudissements.)

    2

SOUHAITS DE BIENVENUE
À DES PERSONNALITÉS ÉTRANGÈRES

M. le président. L'Assemblée nationale accueille aujourd'hui les ministres en charge de la parité au sein des Gouvernements des États membres de l'Union européenne, réunis à Paris à l'invitation de Mme Nicole Ameline, à l'occasion (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains)...

M. André Chassaigne. Du référendum !

M. le président. ...de l'examen du projet de loi sur l'égalité salariale entre les hommes et les femmes. Nous nous réjouissons, mesdames et messieurs les ministres, de constater, grâce à votre présence, que la cause de l'égalité entre les femmes et les hommes progresse dans l'Europe tout entière. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

Je suis heureux, au nom de l'Assemblée nationale, de vous souhaiter la bienvenue, mesdames et messieurs les ministres allemand, autrichien, belge, chypriote, espagnol, estonien, finlandais, britannique, grec, hongrois, irlandais, italien, letton, lituanien, luxembourgeois, maltais, hollandais, polonais, portugais, slovaque, slovène, suédois et tchèque. (Les députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire, du groupe socialiste, du groupe Union pour la démocratie française, quelques députés du groupe des député-e-s communistes et républicains, ainsi que les membres du Gouvernement, se lèvent et applaudissent longuement.)

Je le dis du fond du cœur : je suis heureux de vous recevoir aujourd'hui à l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire, du groupe socialiste et du groupe Union pour la démocratie française.)

    3

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe Union pour la démocratie française.

FONDATION FRANÇOIS PINAULT

M. le président. La parole est à M. Pierre-Christophe Baguet.

M. Pierre-Christophe Baguet. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre de la culture et de la communication.

Monsieur le ministre, dans une tribune parue hier dans un quotidien du soir, M. François Pinault a annoncé qu'il renonçait à installer sa fondation d'art contemporain sur les anciens terrains Renault à Boulogne-Billancourt. Ce projet ambitieux, qui réunissait une exceptionnelle collection de peintures et de dessins, était une formidable occasion pour la ville, pour l'Île-de-France et, au-delà, pour la France entière.

M. Maurice Leroy. C'est vrai !

M. Pierre-Christophe Baguet. Cette fondation d'envergure mondiale, dont le financement est totalement privé, n'a jamais eu d'équivalent sur le territoire national. M. François Pinault s'était considérablement investi dans ce dossier. Malheureusement, son enthousiasme n'a, semble-t-il, pas été partagé. Sa déception est à la hauteur de son investissement personnel. Comme lui, je suis triste, pour ma ville de Boulogne-Billancourt bien sûr, mais aussi pour la France, car M. François Pinault a clairement fait part de son intention de chercher des solutions alternatives, y compris à l'étranger.

M. Jean Glavany. Que fait Chirac ? Ne sont-ils pas amis ?

M. Pierre-Christophe Baguet. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous expliquer comment on en est arrivé à ce terrible gâchis et ce que le Gouvernement compte faire pour éviter que la fondation Pinault ne quitte définitivement la France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la culture et de la communication.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Comme vous, monsieur le député, je regrette que ce projet de musée privé, qui avait fait naître beaucoup d'espoirs, ne voie pas le jour, même si je respecte la décision qu'a annoncée hier M. François Pinault et qui s'impose à nous. Avec un magnifique projet architectural, c'est en effet une très belle collection d'art contemporain qui devait être présentée aux Français.

Je fais la proposition suivante à M. François Pinault : s'il le souhaite, un des très hauts lieux de l'art contemporain en France, le Palais de Tokyo, est à sa disposition pour une exposition temporaire de ces œuvres. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Bernard Roman. Ce n'est pas le problème !

M. Manuel Valls. Ridicule !

M. le ministre de la culture et de la communication. Vous m'avez posé la question de la responsabilité de l'État vis-à-vis de l'art contemporain. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Je voudrais rassurer tous les amateurs d'art contemporain : l'État est un acteur important pour le soutien à toutes les formes d'expression artistique contemporaines. D'après les projets de l'État, le Palais de Tokyo, qui, aujourd'hui, est en partie utilisé pour des expositions d'art contemporain, y sera entièrement consacré dès les prochains mois.

De la même manière, par la politique d'acquisition que nous menons, grâce au Fonds national d'art contemporain, grâce au partenariat avec les régions dans les FRAC, l'État assume toutes ses responsabilités vis-à-vis de l'art contemporain. À chacun son rôle : à un projet privé de voir le jour ; à l'État d'assumer ses responsabilités. Nous assumons les nôtres. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. − Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

DIRECTIVE SUR LE TEMPS DE TRAVAIL

M. le président. La parole est à M. Jacques Desallangre, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Jacques Desallangre. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre délégué aux relations du travail.

Dans la plus grande discrétion, le Parlement adoptera demain, sous le regard satisfait du patronat européen, une grande réforme du temps de travail. Le MEDEF jubile, car il va obtenir de l'Europe ce qu'il compte obtenir demain de vous. En effet, les travailleurs européens vont voir leur temps de travail annualisé et porté à 48 heures maximum par semaine.

M. Francis Delattre. Quatre-vingts heures !

M. Jacques Desallangre. Après les 40 heures du Front populaire, les 39 heures puis les 35 heures de la gauche, voici les 48 heures de l'Europe à la sauce libérale. Nous voici revenus en 1919. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean Glavany. En 1848 ! Qui dit mieux ? En 1788 !

M. Jacques Desallangre. Si cela ne suffit pas encore aux employeurs, ils pourront utiliser l'« opt-out », qui permet de passer à 65 heures par semaine. (Exclamations continues sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Enfin, pour toutes les professions qui en assurent, le temps des gardes ne serait plus comptabilisé comme du temps de travail. Demain, un Gouvernement aussi peu scrupuleux que le vôtre sur le sort des salariés pourra exciper de cette directive pour les faire trimer 48 heures, voire 65 heures. Est-ce là l'Europe sociale qu'on nous propose ?

Oui, c'est cela, c'est le dumping social, fiscal, juridique, illustré par la directive Bolkestein, qui, personne n'en doute, s'appliquera demain. Le MEDEF et ses alliés européens applaudissent à tout rompre cette directive, comme la « concurrence libre et non faussée », comme la fin programmée des services publics, comme le travail de nuit des femmes décidé par le Gouvernement sous la pression de la Commission européenne, comme le projet de Constitution européenne. Et ne nous dites pas que cette directive ne changera pas le sort des salariés français aujourd'hui ou demain ! Oui, demain sûrement ! Pourquoi, sinon, le Parlement ne le voterait-il pas demain ? Par ce texte, l'Europe libérale montre la voie, celle de l'injustice sociale et de l'exploitation des plus faibles.

Monsieur le ministre, me répondrez-vous que vous allez mobiliser la minorité de blocage que vous vous vantiez d'avoir obtenue en décembre dernier pour faire rejeter − et non pas simplement modifier à la marge − cette directive ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jean Lassalle. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion.

Mme Nelly Olin, ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, le Parlement européen examine aujourd'hui la proposition de directive sur le temps de travail. On ne peut, sans mentir, établir un lien entre cette proposition de directive qui se fonde sur les traités actuels, et la future Constitution européenne. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

On ne peut laisser entendre non plus, comme le font complaisamment les détracteurs du traité constitutionnel, que cette proposition de directive obligera les Français à travailler plus. Notre législation est déjà plus protectrice que le droit européen et elle le restera, car, en matière de réglementation sociale, l'Union européenne ne prévoit que des prescriptions minimales que les États membres sont libres de renforcer.

M. Daniel Paul. Soixante-cinq heures !

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. La directive de 1993 sur l'aménagement du temps de travail en est la preuve, qui n'a jamais empêché l'instauration des 35 heures.

En ce qui concerne le projet de directive, notre objectif est clair. Nous voulons qu'elle garantisse dans les autres États membres de l'Union européenne une meilleure protection des salariés et évite les risques de dumping social. C'est la position que nous défendons à Bruxelles, et Gérard Larcher l'a réaffirmée à l'occasion de la réunion des ministres de l'emploi et à Strasbourg. Je me félicite que les efforts de la France soient relayés par le Parlement européen au travers de son rapporteur. Le projet de la Commission marque un progrès (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains), car il permet de mieux encadrer les possibilités de dérogation à la durée maximale du temps de travail − 48 heures par semaine − prévues par la directive de 1993. Aujourd'hui, on peut y déroger par simple accord individuel du salarié. C'est, comme vous l'avez dit, la clause de l'« opt-out ». La Commission a proposé de limiter cette possibilité de dérogation individuelle, notamment en plafonnant les heures supplémentaires et en les encadrant dans la mesure du possible par accord collectif.

M. le président. Merci, madame la ministre.

M. Albert Facon. Elle a encore deux pages à lire !

M. le président. Monsieur Facon !

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Nous voulons aller plus loin avec la suppression de cette possibilité de dérogation. Nous avons ainsi déjà réussi à faire échec à un nouveau projet d'assouplissement porté, en décembre dernier, par certains États membres sous le leadership du Royaume-Uni (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains)...

M. le président. Merci, madame la ministre.

Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. ...en réunissant une minorité de blocage. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

ÉGALITÉ SALARIALE
ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES

M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

M. Frédéric Reiss. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à Mme la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Madame la ministre, alors que, le 29 avril dernier, nous célébrions le soixantième anniversaire du droit de vote des femmes en France, nous allons, dans moins d'une heure, débattre au sein de notre assemblée d'un sujet important, celui de l'égalité salariale entre les hommes et les femmes.

En effet, les chiffres sont têtus, et, aujourd'hui encore, on constate en moyenne 27 % d'écart entre les salaires des hommes et ceux des femmes, à qualifications égales, à anciennetés et compétences identiques. Par ailleurs, il n'y a en France que 7 % de femmes cadres supérieurs. De plus, il n'est pas acceptable que la carrière d'une femme soit interrompue, voire brisée, pour cause de maternité.

La lutte contre toutes les formes de discrimination, notamment sexistes, constitue à juste titre une priorité pour le Gouvernement. Ce projet de loi en faveur de l'égalité professionnelle, favorisant l'accession aux mêmes droits et rémunérations pour les hommes et les femmes, y trouve toute sa place.

À la veille du référendum sur le traité constitutionnel européen, et alors que nous accueillons vos vingt-quatre homologues européens, pouvez-vous, madame la ministre, nous exposer la mobilisation des autres membres de l'Union européenne sur cette question de l'égalité salariale ?

Par ailleurs, pouvez-vous nous indiquer comment le traité européen va garantir et renforcer cette nécessaire et juste égalité salariale entre hommes et femmes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle.

Mme Nicole Ameline, ministre de la parité et de l'égalité professionnelle. Monsieur le député, je suis heureuse de saluer avec vous l'Europe unie (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains), l'Europe réunie, ici, autour d'un texte majeur pour la France, relatif à l'égalité salariale, et qui consolide en même temps le modèle social européen. (Mêmes mouvements.)

Faut-il rappeler ici que, du droit communautaire aux directives, des initiatives du Parlement européen à celles du Conseil européen, l'Europe s'est construite autour de la notion d'égalité et a fait progresser la cause des femmes de manière exceptionnelle ?

Et la Constitution, en faisant de l'égalité une valeur et un objectif de l'Union, nous fera encore franchir un cap décisif.

Quant à la France, elle s'engage résolument sur l'égalité salariale, répondant en cela à l'attente de millions de femmes qui veulent simplement être reconnues pour ce qu'elles sont et ce qu'elles font. Elle répond également à l'attente des entreprises, qui attendent du dialogue social les moyens de progresser vers une dynamique de croissance et d'emploi plus performante. Elle répond aux enjeux de l'Europe moderne, qui sont ceux de l'emploi au féminin et de la démographie. Elle répond enfin au modèle que nous voulons pour l'Europe et pour le reste du monde, un modèle qui associe les atouts de la compétitivité aux droits fondamentaux de la démocratie.

Oui, aujourd'hui, l'égalité est un progrès pour l'économie mais, avant tout, pour nos démocraties. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

SUPPRESSION D'UN JOUR FÉRIÉ

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour le groupe socialiste.

M. Bruno Le Roux. Lundi prochain sera, de toute évidence, un lundi de pagaille. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

En effet, vous vous obstinez à faire de ce jour férié une journée de travail forcé, malgré les condamnations unanimes. Tous les syndicats, CFDT, CGT, CFTC, FO, UNSA, vous ont fait connaître leur opposition. Ces oppositions syndicales sont relayées par le désaccord des associations de personnes âgées et des personnes handicapées, qui estiment votre mesure inéquitable et impropre à régler la problématique du financement de la dépendance. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Des entreprises travailleront, d'autres non. Les administrations, les établissements scolaires et les collectivités locales travailleront à des rythmes différents ou fermeront. Seule certitude, cette pagaille prévisible coûtera très cher à nos services publics locaux.

Malgré tous les avertissements, vous foncez tête baissée. Votre position est incomprise et inacceptable pour les Français. Il s'agit en effet d'un nouvel impôt déguisé et surtout inégalitaire puisqu'il pèse essentiellement sur les salariés. Il s'agit surtout de l'instauration d'une journée supplémentaire de travail non rémunérée pour les salariés, contraire aux droits fondamentaux de l'Union européenne et aux fondements du droit du travail. (« C'est faux ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Vous posez votre question, monsieur Le Roux, s'il vous plaît.

M. Bruno Le Roux. J'y arrive, monsieur le président.

À la pagaille, vous ajoutez la provocation. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Le ministère de l'éducation nationale organiserait ce jour-là certains examens. À l'incompréhension, vous ajoutez l'inquiétude et la colère des parents et des étudiants.

M. le Premier ministre, à qui nous souhaitons un prompt rétablissement, a, la semaine dernière, mis en cause, de façon indigne, Jean-Marc Ayrault et des députés de notre groupe, qui demandaient, dans une pétition, que la solidarité soit assurée par l'équivalent d'une journée de travail sous la forme d'un impôt.

M. le président. Monsieur Le Roux, posez votre question, s'il vous plaît.

M. Bruno Le Roux. À une vraie question, la solidarité nécessaire à l'égard des personnes âgées, le Gouvernement répond par la polémique, la culpabilisation des Français et la poursuite du démantèlement du droit du travail. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Quelle est votre question, monsieur Le Roux ?

M. Bruno Le Roux. J'y arrive, mais vous me coupez.

À une vraie question, le Gouvernement répond par l'injustice d'une mesure qui ne repose pas sur la solidarité nationale.

Monsieur le président, nous avons déposé une proposition de loi visant à abroger cette loi. Nous demandons solennellement au Gouvernement, quelques jours avant un lundi de pagaille pour les Français, de revenir sur cette mesure injuste. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des solidarités, de la santé et de la famille. Monsieur le député, l'heure n'est pas la démagogie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Je ferai plusieurs remarques.

D'abord, je voudrais vous demander, puisque vous proposez, vous, de supprimer cette journée de solidarité, où vous trouvez l'argent pour les personnes âgées et les handicapés. (« Dans les impôts ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Vous venez de le dire, l'argent, vous le trouvez dans les impôts, dans les charges et également dans la CSG, qui, pour une personne qui touche le SMIC, représente une diminution scandaleuse du pouvoir d'achat quand ce Gouvernement a créé le treizième mois pour les smicards. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

Ensuite, je voudrais vous rappeler qu'il y a un an et demi, M. Ayrault, M. Fabius et Mme Lebranchu ont proposé, dans une pétition, d'instituer une journée de solidarité en faveur des handicapés. (Très vives protestations sur les bancs du groupe socialiste. - M. Ayrault se lève et invective le ministre.)

M. le président. Monsieur Ayrault, asseyez-vous !

M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille (qui poursuit son propos, couvert par les huées et les claquements de pupitre). Monsieur Ayrault, non seulement vous n'êtes pas cohérent avec vous-même, mais cette proposition est en outre scandaleuse. Pourquoi ? Parce que la protection sociale ne pourra pas être financée, monsieur Ayrault, sans une augmentation des heures de travail. Ce n'est pas possible autrement. La création de 12 000 postes d'infirmières et de 8 500 postes pour les personnes handicapées sera payée par des heures de travail, non par l'impôt. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française. - Huées sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Calmez-vous, mes chers collègues !

BAISSE DE LA TVA DANS LA RESTAURATION

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Descamps, pour le groupe UMP.

M. Jean-Jacques Descamps. Ma question, à laquelle j'associe mon collègue Didier Quentin et beaucoup d'autres sur ces bancs, s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Monsieur le ministre, à l'heure où nos concitoyens participent à un très important débat public sur le projet de constitution européenne et, de façon plus générale, sur les enjeux de la construction européenne, il me paraît souhaitable de leur expliquer les mécanismes de l'harmonisation fiscale au sein de l'Europe d'aujourd'hui.

Un cas d'école : la TVA dans le secteur de la restauration. Alors que les nombreux hôteliers et restaurateurs qui nous regardent sont particulièrement attentifs à la baisse qui leur a été promise depuis plusieurs années, des aides significatives ont été heureusement accordées à cette profession, dans l'attente de la décision européenne autorisant cette baisse. En contrepartie, cette même profession a signé un avenant à sa convention collective revalorisant le SMIC, ainsi qu'un accord sur la prévoyance et un accord sur la formation professionnelle. Ces accords ont été étendus et donc rendus obligatoires pour toutes les entreprises du secteur, bien sûr dans la perspective d'une baisse de la TVA, espérée au 1er janvier 2006.

M. le président. Vous posez votre question, monsieur Descamps ?

M. Jean-Jacques Descamps. Pensez-vous, monsieur le ministre, que cette échéance soit toujours envisageable ? Pouvez-vous nous dire si les obstacles qui empêchent cet accord au sein de l'actuel dispositif européen sont susceptibles d'être levés d'ici à la fin de l'année ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, porte-parole du Gouvernement.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le député, la réduction de la TVA sur la restauration est évidemment une priorité pour le Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Parce que c'est une bonne mesure. Elle est bonne pour l'emploi, elle est bonne sur le plan social pour les dizaines de milliers de salariés de ce secteur qui ont besoin de renforts.

Chacun le sait, la réduction de la TVA dans le domaine de la restauration aura d'heureuses conséquences pour notre économie et pour ce secteur en particulier qui subit actuellement une iniquité dès lors que la TVA à taux réduit est appliquée pour la restauration rapide.

Monsieur le député, le Gouvernement est totalement déterminé à faire aboutir ce projet. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

De ce point de vue, la proposition qui émane de la présidence luxembourgeoise est une excellente chose, elle va exactement dans le sens de ce que nous souhaitons et de notre action.

M. Gilbert Biessy. Il faut faire vite !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Mais, monsieur le député, l'Europe, c'est aussi des discussions, avec l'ensemble de nos partenaires. Nous avons bon espoir de les convaincre tous, car il faut l'unanimité. À ce jour, la décision n'est pas encore prise.

M. Christian Bataille. Plus que quinze jours !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Je puis en tout cas vous assurer que notre détermination en la matière est totale, car c'est bon pour ce secteur de la restauration, pour l'emploi et pour l'économie française. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

LUTTE CONTRE L'OBÉSITÉ

M. le président. La parole est à M. Jacques Kossowski, pour le groupe UMP.

M. Jacques Kossowski. Monsieur le ministre des solidarités, de la santé et de la famille, en quelques années, le phénomène de l'obésité est devenu un enjeu majeur en matière de santé publique. Pour s'en convaincre, il suffit de rappeler que ce fléau est, pour la première fois, à l'origine de la baisse de l'espérance de vie aux États-Unis. Plus grave encore, l'Organisation mondiale de la santé n'hésite pas à parler d'épidémie planétaire tant elle touche un nombre croissant de pays.

La France n'est malheureusement pas épargnée. Ainsi, d'après la dernière étude ObEpi réalisée conjointement par l'INSERM et la SOFRES, 30,3 % de nos compatriotes âgés de plus de quinze ans étaient en surpoids en 2003 et 11,3 % présentaient des signes caractérisés d'obésité.

Nous savons que de nombreuses pathologies graves liées à l'excès de poids se développent et risquent de continuer à se développer : diabète, hypertension, problèmes cardio-vasculaires, douleurs articulaires.

Conscients de l'ampleur grandissante de ce problème sanitaire, les pouvoirs publics français et européens ont décidé de réagir en menant notamment des actions de prévention et d'information. Je tiens ici à saluer l'initiative prise en la matière par Mme Nelly Olin, ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion, qui a présenté il y a quelques semaines un plan « Alimentation insertion », qui crée des partenariats public-privé. Il convient aussi de se féliciter de la mise en place du programme national « Nutrition santé », piloté par votre ministère.

En ce qui concerne les industriels, ils se sont engagés à rendre plus compréhensible l'étiquetage nutritionnel des produits alimentaires.

Cependant, dans un souci de meilleure efficacité, il reste à organiser une synergie de toutes ces excellentes initiatives par le biais d'une structure unique. Que pensez-vous, monsieur le ministre, de l'idée de créer une fondation d'utilité publique consacrée spécifiquement à l'éducation nutritionnelle et à la prévention de l'obésité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des solidarités, de la santé et de la famille. Vous avez raison, monsieur le député, le problème de la surcharge pondérale est un sujet de santé publique. Les dernières études ont montré qu'à l'école primaire, 16 % d'enfants étaient touchés par la surcharge pondérale. Les raisons de ce phénomène sont d'une part, une ingestion trop fréquente à la fois de sucres rapides et ajoutés et de graisses, d'autre part, une diminution de l'exercice physique. Or la surcharge pondérale est un facteur de risque pour l'hypertension artérielle, pour le diabète et donc pour les maladies cardio-vasculaires.

La loi de santé publique, qui a été promulguée le 9 août 2004, est la première à prendre en compte ce sujet. D'abord, en supprimant tous les distributeurs dans l'école primaire, les collèges et les lycées. Ensuite, en obligeant les industriels à mettre en place un étiquetage qui donne exactement la composition nutritionnelle des aliments. Enfin, et surtout, en donnant à l'INPES, l'Institut national de la prévention et de l'éducation pour la santé, les moyens de faire de la publicité, y compris pour lutter contre ces mauvaises habitudes alimentaires.

Une dernière remarque. Si le travail est fait avec les nutritionnistes, en prenant en compte le monde agroalimentaire, c'est l'État et uniquement lui qui doit prendre ses responsabilités sur ce type d'éducation et d'information. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

CHÔMAGE DES JEUNES

M. le président. La parole est à M. Jean Glavany, pour le groupe socialiste.

M. Jean Glavany. L'heure n'est pas à la démagogie, monsieur le président, comme dit M. Douste-Blazy. Parole d'expert (Rires sur les bancs du groupe socialiste) car, franchement, sa réponse relevait de la polémique politicienne, de la caricature, du mensonge et de l'attaque personnelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Je souhaite interroger le Gouvernement sur un des résultats de sa politique économique et sociale, un « indicateur lisible pour tous les Français » comme dirait le ministre de l'économie et des finances, je veux parler du chômage, qui vient de repasser la barre des 10 %, ce qui angoisse beaucoup de Français, et en particulier je veux évoquer le chômage des jeunes qui est reparti, lui aussi, à la hausse et qui est encore plus alarmant. Car le chômage des jeunes est un sujet qui n'angoisse pas seulement ces centaines de milliers de jeunes qui ne trouvent pas de place dans la société, qui ne comprennent pas pourquoi la vie professionnelle leur est interdite.

M. Lucien Degauchy. Vous pouvez parler des 35 heures !

M. Jean Glavany. Il angoisse aussi leurs parents, qui s'inquiètent pour leurs enfants, il angoisse les grands-parents et les arrière-grands-parents, quand ils sont encore là. (« Démagogue ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Cela vous fait rire ? Sans doute ces sujets ne vous préoccupent-ils pas. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Cette augmentation du chômage des jeunes, c'est la conséquence directe de la suppression de tous les outils de la politique de l'emploi à laquelle vous avez procédé. Vous allez encore me dire que tout cela, c'est la faute de Jospin. (« Oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Aussi, pour vous éclairer, j'ai apporté un petit tableau. (M. Glavany montre un document.) En vert, la courbe de la baisse du chômage des jeunes sous le gouvernement Jospin, en rouge sa hausse sous les gouvernements Raffarin. Ce sont les chiffres de l'INSEE et de l'ANPE ; vous ne pouvez pas les contester.

Ma question est simple : quel espoir le Gouvernement peut-il redonner aux jeunes Français qui sont au chômage ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au logement et à la ville.

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué au logement et à la ville. Monsieur Glavany, vous conviendrez avec moi qu'un sujet aussi important que le chômage des jeunes mérite mieux que de la politique politicienne. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Depuis vingt ans, le chômage structurel des jeunes est deux fois supérieur à la moyenne nationale. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Bernard Roman. Ce n'est pas vrai !

M. le ministre délégué au logement et à la ville. S'il est vrai qu'il a augmenté l'an passé de 3,2 % - nous devons tous faire preuve d'humilité -, il avait augmenté de 7% l'année précédente et de 15% la dernière année du gouvernement Jospin. Voilà la vérité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - « C'est faux ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Oui, il faut donner une nouvelle espérance aux jeunes. C'est dans cette perspective, alors que des personnes sont sans emploi tandis que des emplois ne trouvent pas preneur, que Jean-Louis Borloo a élaboré un plan de cohésion sociale qui prévoit 800 000 contrats d'apprentissage et 350 000 CIVIS, dont respectivement 350 000 et 150 000 dès cette année. En ce moment même, Jean-Louis Borloo, Laurent Hénart, le président de l'Association des maires de France, le président de l'Association des départements de France, que vous connaissez bien, le président de l'Association des régions de France, que vous connaissez bien également, signent tous ensemble la charte qui permettra de développer l'apprentissage, les contrats CIVIS et de redonner ainsi espoir à ces jeunes.

Face à cette grande cause nationale qu'est l'emploi des jeunes, monsieur Glavany, il y a ceux qui, comme vous, cherchent des excuses par le discours et ceux qui, comme nous, trouvent des moyens d'action. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

COOPÉRATION JUDICIAIRE EUROPÉENNE

M. le président. La parole est à Mme Martine Aurillac, pour le groupe UMP.

Mme Martine Aurillac. Monsieur le garde des sceaux, l'Europe de la justice ne cesse de progresser. En effet, après la création d'un mandat d'arrêt européen et l'institution d'Eurojust, vous venez de présenter un projet de loi visant à transposer quatre directives communautaires dans le droit français. Celles-ci concernent l'accès à la justice dans les affaires transfrontalières, le repérage des récidivistes, la lutte contre la corruption dans le secteur privé et le gel des biens des délinquants. Comment ces textes permettront-ils de renforcer la coopération entre magistrats européens et d'accélérer le traitement pénal des délits dans l'Union européenne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la députée, je sais votre souci à la fois de voir les directives européennes rapidement transposées et de voir progresser la construction de cet espace judiciaire européen auquel nos concitoyens sont très attachés et qui est indispensable à la mise en place d'un monde plus sûr et plus juste.

Le projet de loi qui a été adopté ici même, hier soir, sous une apparence il est vrai un peu technique - votre question reflétait cette technicité -, concerne directement la vie quotidienne de nos concitoyens. En effet, la première des quatre directives transposées facilitera l'accès à l'aide juridictionnelle, c'est-à-dire à la justice, dans les affaires transfrontalières. Un Belge, par exemple, pourra ainsi accéder à l'aide juridictionnelle française et réciproquement.

La deuxième directive permettra aux magistrats de tenir compte, en matière de faux-monnayage, des condamnations dont a déjà pu faire l'objet un justiciable dans un autre pays d'Europe. C'est un progrès important. C'est d'ailleurs dans ce sens que je travaille, avec plusieurs de mes collègues européens, à l'institution d'un casier judiciaire européen.

La troisième directive doit faciliter la lutte contre la corruption dans le secteur privé.

Quant au quatrième texte, intitulé « Exécution des décisions de gel de biens ou d'éléments de preuve », il permettra l'application des décisions prises par les juridictions des différents pays en matière de gel de biens, c'est-à-dire de saisie des biens, et d'administration des éléments de preuve. Les juridictions auront ainsi des possibilités d'action élargies. Nous assistons à la mise en place d'une Europe de la justice au quotidien, et, n'en doutons pas, le traité constitutionnel permettra d'aller encore plus loin. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

IMPLANTATION D'EDF EN ITALIE

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour le groupe UMP.

M. Jean-Claude Lenoir. Depuis près de dix ans, grâce à l'action résolue et éclairée des différents gouvernements en place, l'Europe de l'énergie se construit et se renforce. Cette volonté a trouvé son expression législative ici puisque nous avons voté plusieurs lois lorsque la gauche était au pouvoir et, depuis 2002, les lois ouvrant le marché de l'électricité. Elle a également trouvé son expression dans la décision prise par EDF, il y a plusieurs années, de s'implanter dans les pays voisins, notamment en Grande-Bretagne, en Allemagne et en Italie.

Pour ce qui est de l'Italie, une grande question se posait depuis déjà deux ans, et plus particulièrement depuis quelques semaines. Il s'agissait de savoir si EDF maintiendrait sa participation dans Edison ou si elle se retirerait compte tenu des conditions un peu spéciales que les Italiens avaient faites à notre opérateur national. Nous avons appris - c'est une bonne nouvelle, monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - qu'un accord a été trouvé vendredi dernier et qu'EDF restera finalement en Italie. Nous ne pouvons que nous en réjouir puisque l'entreprise va ainsi pouvoir renforcer une stratégie mesurée de développement dans ce grand pays où le marché est très prometteur.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous rappeler quel était l'enjeu, quels ont été les tenants et les aboutissants des discussions et quel est enfin le contenu de l'accord intervenu, qui renforcera encore cette Europe de l'énergie à laquelle nous sommes tous attachés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Effectivement, monsieur le député, le conseil d'administration d'EDF s'est réuni vendredi dernier - c'était la deuxième fois dans la semaine - pour prendre une décision sur ce dossier. Les choses avaient mal commencé. En 2001, EDF avait décidé, et c'était sans doute une bonne décision, d'aller tenter sa chance en Italie en prenant une participation importante dans Edison, qui est une belle société, mais ses droits de vote restaient limités par rapport à son poids dans le capital.

Il a fallu d'abord faire en sorte que les nombreux intervenants laissent l'entreprise négocier seule. Cela a été le travail du Gouvernement. J'estime en effet que, dans ce type de situation, c'est à l'entreprise et à elle seule de négocier tout en rendant des comptes à intervalles réguliers, par le biais de son conseil d'administration, à ses actionnaires et, en ce qui concerne EDF, à l'État actionnaire.

Le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, a eu de nombreux contacts avec M. Berlusconi, et j'en ai eu moi-même avec mon homologue italien, M. Siniscalco, pour clarifier la situation d'EDF en Italie. C'est chose faite : EDF y est la bienvenue, je tiens à le dire officiellement devant la représentation nationale.

Cela étant, l'entreprise avait beaucoup de sujets à négocier. C'est en partenariat avec AEM qu'elle lancera une OPA pour prendre le contrôle d'Edison. C'est une bonne nouvelle pour EDF. Cette décision a été approuvée à l'unanimité par son conseil d'administration ; les actionnaires représentant l'État ont donc soutenu cette position. C'est une bonne nouvelle également pour l'énergie en Europe. Il est en effet important qu'une grande entreprise comme EDF, mondialement reconnue, s'agissant notamment du nucléaire, exerce ainsi ses talents hors de nos frontières. De son côté, la France a accepté que les entreprises italiennes, comme ENEL, et celles d'autres pays, puissent travailler chez nous. Nous souhaitons que cela soit le cas. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

FINANCEMENT PAR L'ÉTAT
DU DÉVELOPPEMENT LOCAL

M. le président. La parole est à M. William Dumas, pour le groupe socialiste.

M. William Dumas. Monsieur le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer, l'État a su trouver de l'argent pour financer les baisses d'impôt sur le revenu, d'impôt de solidarité sur la fortune ou d'impôt sur les successions, dont ne profitent que les plus aisés. En revanche, il est parfois moins prompt à respecter ses engagements, qui financeraient pourtant des projets d'investissement indispensables à l'activité économique et à l'emploi.

L'État se désengage des compétences exercées en commun, de l'exécution des contrats de plan. Il ne respecte pas sa signature. De ce fait, des contrats sont remis en cause et des chantiers sont arrêtés. Il n'y a plus de politique territoriale dans notre pays. Par exemple, la Compagnie nationale d'aménagement du Bas-Rhône - Languedoc-Roussillon-Septimanie se trouve actuellement dans une situation financière très difficile, car depuis 2004 l'État ne finance plus les travaux hydrauliques sur lesquels il s'était engagé. Sa dette envers la compagnie s'élève aujourd'hui à plus de 8 millions d'euros et atteindra 12 millions d'euros à la fin de l'année.

Le développement économique des départements de l'Aude, du Gard, de l'Hérault et des Pyrénées-orientales est largement compromis par ce désengagement qui ne laisse d'autre choix aux collectivités que de suppléer aux défaillances de l'État. Monsieur le ministre, l'État se doit d'honorer ses engagements. Or, depuis trois ans, il ne le fait pas. Comment pouvez-vous demander à nos concitoyens qu'ils soient respectueux de la loi alors que l'État au plus haut niveau s'affranchit de ses règles et de ses devoirs ? Quelles mesures entendez-vous prendre pour mener enfin une véritable politique de développement économique local qui ne repose pas sur le seul transfert de charges de l'État sur les collectivités ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, porte-parole du Gouvernement.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le député, comme vous siégez depuis peu l'Assemblée nationale, je tiens à vous mettre au courant : le Gouvernement a toujours tenu ses engagements et il continuera à le faire. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Alain Néri. C'est faux !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Il le fera pour le RMI, une fois que le montant précis des dépenses de 2004 sera connu. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) D'ailleurs, le Premier ministre s'est d'ores et déjà engagé à augmenter les crédits de 430 millions.

Il le fera pour les contrats de plan, avec une enveloppe de 300 millions déjà annoncée, à laquelle s'ajouteront 650 millions du fonds de compensation de la TVA.

Il le fera enfin en augmentant la dotation de fonctionnement des communes, des départements et des régions.

M. Jean-Marc Ayrault. Sûrement pas !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Puisque le Gouvernement tient ainsi ses engagements, pourquoi, dans ses régions, le parti socialiste ne tient-il pas les siennes ni sur la signature des conventions pour les transferts des TOS, ni même - souvenons-nous du charivari que nous venons d'entendre - sur la journée de solidarité ?

M. Michel Vergnier. Parlons-en !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Finalement, mesdames et messieurs les députés socialistes, il est un seul engagement que vous n'ayez pas pris mais que vous teniez scrupuleusement, c'est l'augmentation des impôts, qui s'élève à 53 % en Languedoc-Roussillon. Joli score, dans la perspective de 2007 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

SÉCURITÉ ROUTIÈRE

M. le président. La parole est à M. Alain Cortade, pour le groupe UMP.

M. Alain Cortade. Monsieur le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer, il y a encore trente ans, 16 000 personnes perdaient chaque année la vie sur la route. L'insécurité routière était alors vécue comme une fatalité.

Dès 2002, le Président de la République, jugeant cette situation inadmissible, a fait de la lutte contre la violence routière une des priorités de son quinquennat. Depuis lors, sous l'impulsion du Gouvernement, sous votre autorité et avec tout le soutien de la majorité parlementaire, les pouvoirs publics se sont donné les moyens de lutter efficacement contre l'insécurité routière.

Les médias se sont régulièrement fait l'écho des bons résultats obtenus dans ce domaine. Pour autant, ceux-ci représentent bien plus que des chiffres. Il s'agit concrètement de vies humaines sauvées grâce à la mobilisation de tous les acteurs concernés par ce problème, qu'il s'agisse de la police, de la gendarmerie, des services de secours, de la justice, des services de l'équipement, des associations ou de l'éducation nationale, qui sensibilise aux dangers de la route nos jeunes, maillon faible de la sécurité routière.

Monsieur le ministre, ce matin même, vous avez présenté les chiffres définitifs pour l'année 2004 en matière de sécurité routière. Ils semblent encourageants. Pouvez-vous les communiquer à la représentation nationale et nous dire quels progrès restent à accomplir ?

D'autre part, vous avez souligné le rôle joué par l'Union européenne dans ces progrès et les initiatives prises pour conforter et améliorer ces résultats dans les vingt-cinq pays membres. Pouvez-vous nous éclairer sur la politique européenne en matière de sécurité routière ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Monsieur le député, avec 8,7 % de tués en moins sur les routes, l'année 2004 est venue conforter, voire améliorer les bons résultats de l'année 2003. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Dominique Dord. Très bien !

M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Si l'on prend les chiffres absolus, ce sont, en moins de trois ans, 5 600 vies humaines sauvées grâce à l'effort conjugué des associations, du Parlement et, permettez-moi de le rappeler, du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ce sont 106 000 personnes qui seraient passées par l'hôpital pour en ressortir peut-être handicapées à vie et qui n'y sont pas allées. Pensons aussi à ceux qui ont pu éviter d'être blessés, grâce à cette politique de sécurité routière.

Les résultats du mois d'avril 2005 sont bons, ce qui n'était pas le cas de ceux de mars. En avril 2005, nous avons enregistré 7,8 % de tués en moins. En matière de sécurité routière, nous reprenons donc nos progrès un instant interrompus.

L'Europe a, elle aussi, apporté sa contribution à ce résultat. Je vous en donnerai deux exemples.

Désormais, les véhicules sont homologués dans tous les pays de l'Union européenne, ce qui signifie qu'un véhicule acheté dans un État a les mêmes caractéristiques de sécurité que s'il avait été acheté dans n'importe quel autre État membre.

Par ailleurs, grâce au principe de reconnaissance mutuelle, lorsqu'un conducteur a obtenu son permis de conduire dans un État, il en conserve le bénéfice même s'il change de domicile pour aller résider dans un autre État de l'Union européenne.

Ainsi, mesdames et messieurs les députés, l'Europe, c'est aussi une route et des véhicules plus sûrs, et des conducteurs mieux informés et plus responsables. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

TRAITÉ CONSTITUTIONNEL ET OUTRE-MER

M. le président. La parole est à Mme Gabrielle Louis-Carabin, pour le groupe UMP.

Mme Gabrielle Louis-Carabin. Madame la ministre de l'outre-mer, le 28 mai 2005, les électeurs de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de la Polynésie française et de Saint-Pierre-et-Miquelon seront les premiers citoyens français à se prononcer sur la Constitution européenne.

À cette occasion, je tiens à saluer le Gouvernement qui, en accompagnant la démarche des parlementaires, a permis de limiter les effets pervers du décalage horaire sur les résultats des consultations dans ces régions. Cette action devrait renforcer l'implication des citoyens de l'outre-mer, à laquelle le choix du Président de la République de soumettre au référendum le projet de loi autorisant la ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe donne tout son sens.

En refusant de céder à la facilité d'une réunion du Parlement en Congrès, le Président de la République privilégie la démocratie participative, la démocratie active qui met l'électeur au cœur de la prise de décision. Ce choix décisif est un signe fort qui doit être salué.

Les Guadeloupéens, comme tous les citoyens français, souhaitent mieux appréhender l'Europe. Votre récent passage dans notre archipel vous l'a prouvé.

Mais, si mes compatriotes ont la volonté de mieux connaître l'Union européenne, certains s'appliquent à distiller mensonges, contrevérités et arguments fallacieux qui jettent le trouble dans les esprits. Cette lecture biaisée de la Constitution remet en doute la prise de décision du Conseil à la majorité qualifié ou le maintien d'un fonds structurel pour les régions ultrapériphériques, en raison de l'intégration de nouveaux pays. Les détracteurs du traité vont jusqu'à affirmer que les spécificités des DOM ne seront plus prises en compte dans la future Constitution, qui passerait sous silence l'apport de l'outre-mer à l'Europe.

Face à ce comportement, qui va ostensiblement à contre-courant de toute évolution, nous devons privilégier la vérité et l'objectivité vis-à-vis de l'électeur. Madame la ministre, il est bien temps de tordre le cou à la logique de la désinformation, aux propos fallacieux et aux assertions mensongères.

Dans cet esprit, je vous demande d'indiquer à représentation nationale les enjeux de la Constitution européenne pour la Guadeloupe et pour l'outre-mer, afin de permettre une adhésion vigoureuse et massive des électeurs ultramarins, qui attendent et écoutent votre réponse. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'outre-mer.

Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer. Madame la députée, j'approuve l'exigence dont vous faites preuve. Il faut dire toute la vérité à nos compatriotes d'outre mer sur l'enjeu qu'aura pour eux ce nouveau traité. Nous devons leur apporter une analyse lucide et objective, dans le respect des convictions de chacun.

Cet enjeu, c'est avant tout la préservation d'un acquis obtenu dans une Europe à quinze et qu'il faut conserver dans une Europe à vingt-cinq, où seulement six État membres ont des collectivités d'outre-mer. C'est important notamment pour les DOM, régions ultrapériphériques de l'Europe dont les projets de développement sont financés en moyenne à hauteur de 50 % par les fonds structurels européens.

Ces acquis, ainsi que la règle de la majorité qualifiée, sont préservés dans le nouveau traité. En outre, la France a obtenu trois avancées importantes.

La première est la garantie que nos DOM resteront régions ultrapériphériques de l'Europe, quelle que soit leur éventuelle évolution statutaire, puisque le nom de nos quatre DOM figure désormais dans le nouvel article III-424.

La deuxième est le renforcement juridique de nos possibilités de déroger au traité et à toutes les politiques de l'Union pour tenir compte des caractéristiques et des contraintes spécifiques de l'outre-mer. À cet égard, nous avons obtenu le remplacement de la notion juridiquement très floue de mesures spécifiques par une référence explicite à tous les actes communautaires, qu'il s'agisse des lois, des lois-cadres, des décisions et des règlements.

La troisième avancée que nous avons obtenue de la Commission est un programme de compensation des surcoûts doté de plus d'un milliard d'euros, qui s'ajoutera bien entendu aux fonds structurels, qu'il n'est pas question de supprimer. C'est là une reconnaissance du caractère permanent du handicap structurel de nos départements, qui ne doivent pas seulement faire face à un problème de rattrapage économique du niveau de vie moyen de la Communauté européenne.

J'ajoute que ce traité conforte la reconnaissance de notre diversité culturelle et de nos valeurs républicaines, dont l'importance n'échappera pas à l'outre-mer.

J'envoie donc à l'ensemble de nos compatriotes d'outre-mer un message simple : défendez vos intérêts en allant voter massivement le 29 mai ou, en fonction du fuseau horaire, le 28 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

VIOLENCES EN MARTINIQUE

M. le président. La parole est à M. Alfred Marie-Jeanne.

M. Alfred Marie-Jeanne. Monsieur le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, la Martinique connaît une escalade inquiétante du trafic d'armes à feu et du nombre d'armes trafiquées, alimentant une violence elle aussi exponentielle. Les chiffres officiels de 2004 font état de trente-neuf homicides et coups et blessures mortels, et de 1 452 faits se rapportant à des coups et blessures volontaires, soit quatre par jour, ce qui représente une augmentation de 12,5 % en un an.

L'actualité du mois d'avril 2005 a été émaillée de nombreuses agressions armées touchant même les établissements scolaires. S'il est vrai que, en 2004, les services de police et de gendarmerie ont récupéré 1 500 armes à feu dites de sixième catégorie, le problème de la circulation des armes reste entier.

Monsieur le ministre, puisque la Martinique est devenue une véritable passoire, cette situation n'impose-t-elle pas une enquête approfondie sur l'armement clandestin, ainsi qu'un accroissement des moyens de contrôle, tant à l'intérieur qu'aux frontières ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le député, les faits que vous évoquez sont inacceptables. La priorité de mon action, en Martinique comme sur tout le territoire national, est bien évidemment la lutte contre les violences.

Dans ce contexte, nous avons deux objectifs.

Le premier est d'augmenter les effectifs indispensables dans le domaine de la sécurité publique, de la police judiciaire ou de la police aux frontières pour lutter contre de telles violences. C'est pourquoi nous avons décidé l'affectation, au cours des trois dernières années, de 116 policiers supplémentaires.

La seconde, étant donné l'importance des trafics d'armes, que vous avez soulignée, est de multiplier les contrôles. C'est ce que nous faisons tant sur les routes et dans les quartiers les plus sensibles qu'aux abords des écoles, où nous avons noté une recrudescence des violences.

Les résultats sont là. Nous avons réussi, au cours des deux dernières années, à multiplier par trois le nombre des saisies d'armes, notamment celles, que vous avez évoquées, d'armes vendues légalement mais trafiquées. Nous obtenons ainsi des succès puisque, après une augmentation de 5 % de la délinquance en 2004, ce qui est intolérable, nous avons enregistré une baisse régulière et continue de 3,5 % dans les premiers mois de l'année.

Mais il faut aller plus loin. Pour cela, nous devons nous attaquer à l'ensemble du crime et du trafic organisé, ce que nous avons fait en créant, pour la Martinique et l'ensemble des Caraïbes, une plate-forme de lutte contre la drogue, qui est désormais opérationnelle. Elle réunit des officiers de liaison américains, espagnols et britanniques, ainsi qu'une trentaine de policiers français.

Vous le voyez, monsieur le député, nous sommes totalement mobilisés dans la lutte contre les violences en Martinique et dans les Caraïbes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à dix-sept heures cinq, sous la présidence de M. Jean Le Garrec.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN LE GARREC,

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

    2

ÉGALITÉ SALARIALE
ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES

Discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes (nos 2214, 2282).

La parole est à Mme la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle.

Mme Nicole Ameline, ministre de la parité et de l'égalité professionnelle. Mesdames, messieurs les députés, l'égalité, il faut juste la vouloir. C'est ce à quoi nous a engagés fortement le Président de la République en janvier dernier, en demandant que soit supprimé en cinq ans l'écart de rémunération entre les femmes et les hommes.

L'égalité n'est pas seulement une exigence sociale, économique et démocratique. Elle est aussi une urgence pour des milliers de femmes qui veulent légitimement être reconnues pour ce qu'elles font et pour ce qu'elles sont : les partenaires à part entière d'une société dans laquelle l'uniformité doit être une référence au passé et la diversité une valeur de modernité.

Oui, c'est cette dynamique dont nous avons besoin ; c'est cette diversité créatrice dont ont besoin tant notre économie que notre démocratie.

L'égalité n'est ni un rattrapage social ni un égalitarisme. C'est une force de changement et un choix de société, la traduction d'une valeur de la République et d'un droit proclamé, réaffirmé depuis 1972 et approfondi, notamment avec vous, madame Génisson, mais trop longtemps dépourvu de contenu réel.

Le moment est venu de tenir la promesse de l'égalité, non seulement pour nous-mêmes et pour nos démocraties européennes, mais aussi pour le monde, dans l'esprit de l'humanisme moderne qui fonde l'Europe et doit inspirer le reste du monde.

Oui, le défi des démocraties est bien dans la reconnaissance de chaque individu comme sujet de droit, acteur de sa propre vie, citoyen à part entière.

Ce défi est aussi celui de l'Europe, réunie ici même, et que je suis heureuse de saluer à travers les ministres de nos vingt-quatre pays alliés et amis, si proches dans leur volonté de progresser dans la voie de l'égalité. Je salue tout spécialement Mme Jacobs, ministre luxembourgeoise représentant la présidence européenne.

Faut-il rappeler que l'Europe s'est construite sur l'égalité, notamment grâce aux multiples directives signées depuis 1975, la dernière, en 2004, portant sur l'accès aux services dans des domaines autres que l'emploi. Citons également l'intégration de la question de l'égalité dans les lignes directrices de la politique de l'emploi définie à Lisbonne, qui s'est fixé comme objectif de réduire les écarts de salaires d'un tiers d'ici à 2010, et la construction d'indicateurs sur l'évolution des écarts salariaux entreprise, il y a quelques années, sous la présidence belge.

En n'évoquant pas moins de neuf fois l'égalité entre les femmes et les hommes, la nouvelle Constitution consacre ce principe et renforce considérablement la base juridique des législations nationales.

L'égalité, c'est le défi du monde contemporain, et si l'Europe se renforce en la matière, nul doute que nous pourrons mieux affirmer ensemble, dès septembre prochain, lors du sommet du millénaire, l'égalité entre les hommes et les femmes comme principe actif du développement durable.

La France s'engage en faveur de l'égalité, résolument et de toutes ses forces, en luttant contre toutes les violences, dont les discriminations ne sont pas une forme atténuée. Elle le fait également en valorisant, avec les partenaires sociaux, la place et la reconnaissance des femmes sur le marché de l'emploi et en soutenant la diversité sociale et culturelle qui fait la richesse de la nation - je pense, en particulier, à toutes les femmes issues de l'immigration. Souvenons-nous de Tocqueville : « Chaque génération est un peuple nouveau. » Notre devoir est de mobiliser, en les valorisant, les forces et les talents de notre pays, dans leur diversité et dans l'unité de la République. Le lien social se construit, en effet, sur le respect des différences et leur intégration dans un projet commun.

La France s'engage pour consolider son modèle social, un modèle nouveau, en rupture avec les schémas classiques du siècle précédent. Au XXIe siècle les femmes travaillent, et plus - et mieux - elles travaillent, plus elles ont des enfants. Alors que 80 % des femmes de 25 à 49 ans sont en activité, notre taux de natalité est de 1,9. Notre modèle est donc équilibré, mais il doit être consolidé pour répondre aux deux défis majeurs de l'Europe moderne : l'emploi féminin et la démographie.

L'emploi est une nécessité pour les femmes contemporaines. Il est une exigence personnelle, une source d'autonomie sociale et d'indépendance financière. C'est un élément déterminant et établi de notre système social.

Mme Sylvia Bassot. Tout à fait !

Mme la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle. L'égalité justifie pleinement l'approche globale adoptée par le Gouvernement, qui en fait une dimension ordinaire de la décision et associe les partenaires sociaux à cette nouvelle démarche, dont ils sont les premiers acteurs.

L'égalité exigeait que soit prise en compte la parentalité au sein de l'entreprise. Nous avons ainsi mis en place un accompagnement financier - le crédit impôt famille - destiné à faciliter l'innovation sociale au service de l'emploi, sans rien ôter à l'effort direct consenti en faveur des modes de garde. Je rappelle, à cet égard, le plan « crèches », qui vise à créer 20 000 places supplémentaires, soit une augmentation de près de 10 % d'ici à 2007, près du quart des crédits permettant de financer la création de crèches par des entreprises privées.

L'égalité est affirmée comme une valeur nouvelle de l'entreprise, avec le label égalité, et comme une nouvelle culture axée sur le facteur humain, la compétence et la dynamique hommes-femmes en tant que facteur de compétitivité.

L'égalité salariale n'est pas un rattrapage social. Les femmes n'ont jamais été en retard sur la société : c'est la société qui n'a pas su s'adapter à elles. Le temps est venu de faire progresser massivement les femmes au cœur de la dynamique économique. Faire progresser l'égalité, c'est faire progresser la société.

Ni force d'appoint de l'économie ni variable d'ajustement, les femmes en sont les partenaires à part entière. Mais pour être plus visibles, elles n'en restent pas moins sous-valorisées dans leurs compétences comme dans leurs trajectoires professionnelles. Largement absentes des filières ou des carrières les plus performantes, elles sont par contre omniprésentes dans les emplois les moins gratifiants - notamment les temps partiels - et les moins rémunérés, et elles sont également les plus touchées par le chômage.

En matière d'écart de rémunération, le noyau dur de la discrimination reste de l'ordre de 5 à 10 % selon les secteurs professionnels, le reste de l'écart, en moyenne de 15 points, s'expliquant par des raisons structurelles sur lesquelles il est indispensable d'agir pour parvenir à un résultat. À l'évidence, la suppression de ces écarts ne relève pas de la seule responsabilité des entreprises : l'effort devra porter sur les écarts de rémunération injustifiés. Au demeurant, on voit bien que, au-delà de la stricte question des salaires, c'est la carrière des femmes et la place qu'elles occupent sur le marché du travail qui sont en jeu.

S'agissant des filières professionnelles, les femmes restent majoritairement présentes au sein de six des trente et une filières professionnelles. Cette situation résulte de la persistance de cursus de formation orientés dès l'école vers les secteurs les moins porteurs d'emploi. En outre, même lorsqu'elles réussissent dans des filières scientifiques et techniques, les jeunes filles abandonnent souvent cette orientation au profit d'occupations plus classiques.

Par ailleurs, on constate une distorsion dans la structure hiérarchique : l'accès des femmes aux responsabilités est restreint dans tous les secteurs professionnels.

Enfin, l'effet du travail en intérim, en contrats à durée déterminée et à temps partiel, concentré dans les secteurs professionnels les moins rémunérateurs, s'avère particulièrement désastreux pour l'égalité salariale. Une femme sur trois travaille à temps partiel et la très grande majorité des emplois à temps partiel sont occupés par des femmes. Sans doute la modernisation et la moralisation des conditions du travail à temps partiel doit-elle s'appuyer sur un dialogue social conséquent et durable. Forte de mon investissement, que je crois avoir été efficace, dans le dialogue social depuis plus de deux ans, je me suis engagée à ce que ce thème fasse l'objet d'une négociation avec les partenaires sociaux et d'une mission confiée à un parlementaire, sur les bases de l'excellent rapport de Mme Zimmermann.

À l'heure des choix professionnels, la prise en compte par les jeunes filles des contraintes, virtuelles ou supposées, liées à une vision classique des rôles sociaux et à la manière dont est ressenti l'impact de la maternité sur leur carrière les conduit à adopter une culture du compromis, voire du renoncement. C'est dire toute l'importance qui s'attache à faire de la mixité à l'école une réelle égalité des chances, un apprentissage de la liberté et de la responsabilité et la première traduction du nécessaire décloisonnement intellectuel, social et professionnel dont notre société a besoin. L'objectif d'augmenter de 20 % le nombre des jeunes femmes accueillies dans les filières scientifiques participe de ce volontarisme.

Pourquoi devons-nous réussir ? Pourquoi allons-nous réussir ? L'égalité est une exigence sociale, économique et démocratique. Cette loi n'est pas une loi de plus : elle est le produit du dialogue social. La conclusion à l'unanimité, le 1er mars 2004, de l'accord national interprofessionnel relatif à la mixité et à l'égalité professionnelle a créé la base indispensable pour que soit atteint l'objectif de supprimer les discriminations salariales. Cet accord vient d'être étendu par un arrêté récent.

Pour la première fois, les éléments sociétaux qui contribuent à ces distorsions ont été pris en compte. Pour la première fois, le lien entre l'exercice de la parentalité et les conditions de travail, la nécessité de mieux orienter l'appareil de formation et la lutte contre toute forme de stéréotype ont été affirmés. Nous pouvons nous féliciter de cette prise de conscience très positive, qui ne concerne pas seulement l'entreprise mais la société dans son ensemble.

Cet accord interprofessionnel a également posé le principe de la négociation collective dans les branches professionnelles, afin que celles-ci identifient les causes des écarts salariaux et définissent une stratégie pour les résorber.

Le projet de loi renforce le dialogue social sans en modifier l'équilibre. Il s'inscrit dans une vision radicalement neuve de l'évolution sociale, en limitant ses dispositions à la définition des objectifs et en renvoyant la conduite du changement au contrat et à la négociation. En généralisant par la loi le dialogue social au sein de l'entreprise, nous privilégions une logique de confiance et de responsabilité, dans un esprit de modernité, mais avec le souci du résultat.

La volonté est claire. Le calendrier de cinq ans voulu par le Président de la République, à la fois juste et réaliste, assorti d'une évaluation de moyen terme, est un atout complémentaire qui consolide et objective la démarche.

La loi est dans son rôle lorsqu'elle modernise la société. Elle est emblématique de la confluence des attentes, celles des femmes, encore insuffisamment reconnues dans leurs compétences, et celles des entreprises confrontées à une évolution historique du marché de l'emploi.

Au-delà de la volonté exprimée et de la méthode employée, c'est en effet l'évolution démographique à venir qui va priver la France, comme nombre d'autres sociétés européennes, de milliers de compétences, les départs massifs en retraite créant non seulement l'exigence, mais surtout l'urgence.

Dès la première année, ce sont des dizaines de négociations qui auront lieu dans les branches et des milliers dans les entreprises.

La loi fixe un dispositif à double niveau. Au niveau des branches comme des entreprises, les accords salariaux obligatoires ne seront applicables que dans la mesure où la négociation sur l'égalité salariale aura été engagée. Le non-respect de cette condition impérative sera sanctionné par l'absence d'extension des accords au niveau des branches, et leur non-application au sein des entreprises.

Mieux utiliser les dispositifs existants est indispensable : le rapport sur la situation comparée des femmes et des hommes, qui existe dans de nombreuses entreprises, servira de base à la négociation. Il pourra s'enrichir des nouveaux indicateurs qui seront mis en place avec le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle.

Lors de l'évaluation à mi-parcours, le Gouvernement pourra, en cas d'insuffisance significative de résultats objectifs, mettre en œuvre un dispositif financier contraignant à la charge des entreprises. J'ai demandé à mes services de suivre dès à présent les accords d'égalité salariale et de mesurer la réduction de l'écart, en vue d'une conférence nationale qui tirera le bilan de cette étape dans trois ans. Au vu de ces travaux, le Gouvernement pourra décider d'imposer une contribution sur les salaires aux entreprises qui n'auraient pas engagé de négociation sur les salaires dans les délais.

L'enjeu de l'économie moderne, c'est une nouvelle gestion des ressources humaines, facteur décisif de la réussite économique et nouvelle ingénierie sociale qui doit privilégier l'attractivité, la compétitivité, l'image des entreprises ; c'est une prise de conscience de cette nécessaire diversité au sein des entreprises comme au sein de la société tout entière.

Si les entreprises ne sont pas seules responsables des différentiels de salaires, elles sont au cœur de cette innovation nécessaire qui, au-delà des salaires, doit être à l'origine d'une nouvelle gestion des carrières. C'est évidemment l'égalité professionnelle - et la nouvelle dynamique pour l'emploi qu'elle peut susciter - qui est en jeu, mais le cœur du projet de loi est bien l'égalité salariale. Il se suffit à lui-même, même s'il s'inscrit dans une stratégie globale de changement.

J'ai souhaité y associer l'un des éléments clés, qui, à côté d'autres facteurs structurels, en explique la nécessité, à savoir la maternité : réconcilier la maternité et l'emploi, faire de cet enrichissement personnel et collectif qu'est la maternité, une valeur ajoutée et non un obstacle, réel ou ressenti comme tel, à l'évolution du salaire et de la carrière.

Les entreprises françaises le comprennent. Des pratiques ou accords collectifs ont d'ores et déjà prévu d'accorder à la salariée en congé de maternité, à son retour, le bénéfice de la moyenne des augmentations individuelles. D'autres systèmes de référence sont envisageables. Mon objectif est de ne pas dissocier la progression du salaire de la jeune femme en congé de maternité de l'évolution générale de la masse salariale, c'est-à-dire de l'activité de l'entreprise.

Par ailleurs, je souhaite mieux intégrer la dimension de l'égalité professionnelle dans le dispositif de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, qui permet aux entreprises de moins de 250 salariés de mieux connaître l'évolution de leur pyramide des âges.

Je veux également engager un vaste plan accélérant les formations, le retour à l'emploi des femmes en congé parental, la validation des acquis de l'expérience, la mise en œuvre du droit individuel à la formation, afin que les femmes, surtout celles qui se trouvent en situation de précarité, entrent résolument dans cette culture de la compétence.

Le progrès vers l'égalité se partage. Tel un gène organisateur, il doit irriguer l'ensemble de la société. Accroître la participation des femmes aux instances délibératives et juridictionnelles relève de cette logique. C'est l'esprit de la disposition du projet de loi visant à imposer à l'État le respect d'une logique paritaire dans les nominations du ressort de sa compétence au sein des conseils d'administration des entreprises publiques.

Dans le même temps, parce que l'État se doit d'être exemplaire sur ce plan, Renaud Dutreil conduit avec les partenaires sociaux une concertation sur l'égalité professionnelle au sein de la fonction publique.

Au sein du monde du travail, l'amélioration de la place des femmes dans les conseils de prud'hommes a franchi une étape positive en 2002. Il faut cependant aller plus loin.

La généralisation de l'accès des femmes à l'ensemble des outils de la formation professionnelle et de l'apprentissage est également une exigence prise en compte par le ministère en charge mais dont il faut assurer la traduction, en liaison avec les régions.

La discussion parlementaire remarquablement préparée par la commission des affaires sociales, dont je salue et remercie le président et le rapporteur, nous permettra de revenir sur ces points.

Je ne doute pas, s'agissant d'une démarche ouverte, concertée, partagée, que nous aurons à cœur de faire avancer, à travers l'égalité, notre société et notre démocratie, et que la France contribuera avec ses partenaires européens à donner au monde l'exemple de sociétés réussissant à conjuguer la compétitivité économique et le respect des valeurs et des droits fondamentaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Édouard Courtial, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Édouard Courtial, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Madame la ministre, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, permettez-moi, d'emblée, d'exprimer mon soutien aux objectifs et à la philosophie générale de ce texte.

« À travail égal et performance égale, salaire égal », tel devrait être le principe intangible, et toute mesure visant à satisfaire cet objectif répond à une exigence de justice sociale.

Une autre dimension, tout aussi importante à mes yeux, de ce projet de loi est sa dimension économique. Dans les prochaines années, notre pays sera confronté à des départs massifs en retraite. Pour satisfaire l'offre de travail qui en découlera, il faudra probablement attirer sur le marché du travail de nombreuses femmes, qui constituent un gisement insuffisamment exploité de main-d'œuvre qualifiée et compétente. Encore faut-il que les femmes se sentent accueillies dans de bonnes conditions, tant sur le plan salarial que pratique.

La philosophie générale de ce texte est celle de l'équilibre : entre la responsabilisation des partenaires sociaux et l'intervention de l'État, entre la reprise d'éléments instaurés par des lois précédentes et l'introduction de nouvelles dispositions visant à en renforcer l'efficacité, entre la vie professionnelle et la vie familiale.

Pourquoi une nouvelle loi est-elle nécessaire ? L'égalité professionnelle constituant un sujet de société, d'aucuns affirment que, pour la promouvoir, il conviendrait de faire évoluer les mentalités plutôt que la loi. C'est oublier que la loi peut accélérer les évolutions en véhiculant des messages forts qui favorisent une prise de conscience collective.

Plusieurs événements ont contribué depuis 2002 à la naissance du texte que nous examinons aujourd'hui : tables rondes régulièrement organisées avec les partenaires sociaux ; signature à l'unanimité des partenaires sociaux, le 1er mars 2004, de l'accord national interprofessionnel relatif à la mixité et à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes ; lancement du « label égalité », officialisé le 28 juin 2004 ; enfin, consécration par la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005 de deux dispositions figurant dans l'accord national interprofessionnel, destinées à favoriser la reprise de l'activité professionnelle à l'issue d'un congé de maternité ou d'un congé parental d'éducation.

Le premier volet du projet de loi, qui fait l'objet du titre Ier, vise la suppression des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes. Je ne retracerai pas l'intégralité de l'évolution législative qui, de la loi du 22 décembre 1972 à la loi du 9 mai 2001, en passant par la loi du 13 juillet 1983, a ouvert la voie. Mais les progrès accomplis en la matière depuis cinquante ans apparaissent aujourd'hui encore insuffisants. Les écarts de rémunération ont en effet tendance à stagner depuis le milieu des années quatre-vingt-dix. Il ne s'agit donc pas de remettre à plat l'ensemble de la législation en la matière, mais de redynamiser les outils existants et d'en concevoir de nouveaux.

La première mesure concerne les augmentations des salariées en congé de maternité ou d'adoption. Souvent, celles-ci n'obtiennent pas d'augmentations individuelles l'année de leur congé de maternité. Le projet remédie à cette lacune : en l'absence d'accord collectif de travail déterminant des garanties d'évolution pour ces salariées, leur rémunération sera majorée, à l'issue de leur congé, des augmentations générales ainsi que de la moyenne des augmentations individuelles perçues par les salariés relevant de la même catégorie professionnelle - ou, à défaut, de la moyenne des augmentations individuelles dans l'entreprise. À cet égard, je souhaite me faire l'écho d'une question régulièrement soulevée lors des auditions : la rédaction retenue par le présent texte permet-elle dans tous les cas de prendre en compte le moment précis, en général unique et annuel, auquel sont versées les augmentations dans l'entreprise ?

La deuxième mesure concerne l'ensemble des salariés : elle vise à inclure dans la liste des discriminations figurant à l'article L. 122-45 du code du travail l'intéressement et la distribution d'actions. Trop souvent, ces accessoires du salaire sont source de discriminations salariales indirectes - par exemple, parce que leur bénéfice est lié à la présence du salarié dans l'entreprise.

La troisième mesure constitue le cœur du présent projet. Elle reflète un équilibre entre le respect de la négociation collective et l'intervention de l'État. Son point de départ est constitué du dispositif général de négociation déjà existant, tant au niveau de la branche qu'au niveau de l'entreprise. L'objectif est d'utiliser ces négociations pour programmer les mesures permettant de supprimer les écarts de rémunération injustifiés entre les femmes et les hommes avant le 31 décembre 2010. Cette négociation est soumise à l'établissement d'un diagnostic préalable des écarts existants, fondé sur le rapport de situation comparée qui serait ainsi redynamisé.

L'originalité de ce dispositif tient à son caractère incitatif. Ainsi, le déclenchement automatique des négociations peut avoir lieu à la demande d'une organisation représentative, à défaut d'initiative patronale dans l'année suivant la promulgation de la loi.

Par ailleurs, en l'absence de négociations de branche, le ministre chargé du travail peut convoquer une commission mixte. Les conventions collectives conclues qui ne comprendraient pas de clause relative à la suppression des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes ne pourront être étendues.

En ce qui concerne les négociations d'entreprise, d'une part, leur existence conditionne la validité des accords plus généraux sur les salaires, d'autre part, à mi-parcours, le Gouvernement pourra présenter un projet instituant une contribution assise sur les salaires, à la charge des entreprises qui ne satisferaient pas aux obligations d'ouverture des négociations.

La commission a, pour l'essentiel, approuvé l'esprit et la lettre de ces dispositions. Elle souhaiterait néanmoins en renforcer l'effectivité sur certains points.

Tout d'abord, la commission est attachée à la loyauté et au sérieux de l'engagement de ces négociations : les branches ou les entreprises ne doivent pas pouvoir s'acquitter « fictivement » de leurs obligations. C'est la raison pour laquelle la commission a adopté deux amendements qui détaillent les procédures garantissant le caractère loyal et sérieux des négociations.

Il lui est par ailleurs paru important de prévoir d'ores et déjà les modalités pratiques d'établissement du rapport du Conseil supérieur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes sur la mise en œuvre des mesures destinées à supprimer les écarts de rémunération. Aussi, la commission a adopté un amendement précisant que le Conseil procède à l'élaboration d'outils méthodologiques permettant de mesurer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes et de les recenser. Un décret fixera la liste de ces outils au plus tard six mois après la promulgation de la loi.

Le deuxième volet du présent projet concerne l'exercice par les femmes de leur activité professionnelle. Plus précisément, il tend à favoriser l'exercice par les femmes d'une activité professionnelle de trois manières.

D'abord, le projet cherche à favoriser la conciliation entre l'activité professionnelle et l'exercice de la responsabilité familiale.

Les mesures proposées dans le titre II du présent projet se caractérisent par leur diversité. Certaines ont une vocation très précise d'aide pratique pour le salarié : majoration de l'allocation de formation pour aider le salarié à faire face aux coûts de garde hors temps de travail, établissement d'un crédit d'impôt relatif aux dépenses de formation engagées pour un salarié ayant démissionné de son entreprise d'origine pendant un congé parental d'éducation, garantie de l'effectivité des droits aux congés payés - sous forme d'indemnités - indépendamment de la prise du congé de maternité. Concernant cette dernière question, la commission a prévu une rédaction allant au-delà du texte en proposant que les salariés de retour d'un congé de maternité ou d'adoption aient le droit de prendre leur congé annuel, quelle que soit la période retenue pour les congés du personnel de l'entreprise.

D'autres mesures incitent les entreprises à prendre en considération les impératifs de la maternité. Mentionnons la plus importante : l'aide forfaitaire destinée à soutenir les entreprises les plus exposées aux lourdeurs administratives, soit celles de moins de cinquante salariés, pour remplacer des salariées parties en congés de maternité ou d'adoption. Afin d'éviter tout effet d'aubaine, la commission a prévu que l'aide ne serait versée qu'à la condition que la personne recrutée ait une durée de travail au moins équivalente à celle du salarié remplacé.

Enfin, la vocation de certaines de ces mesures est prioritairement juridique. À titre d'exemple, la salariée en état de grossesse pourra bénéficier d'un régime de la charge de la preuve plus favorable, qui prévalait déjà de façon générale en matière de discrimination professionnelle. Dans le même ordre d'idées, la commission a adopté un amendement précisant que la discrimination en raison de l'état de grossesse est passible de sanctions pénales.

Citons également l'article 11 du projet qui semble prévoir l'extension du droit à des dommages et intérêts évoqué à l'article L. 122-30 du code du travail pour le salarié privé de certains congés : congé pour enfant malade, congé de présence parentale et congé d'adoption internationale. Toutefois, on peut se demander si la formulation choisie ne restreint pas la portée de la disposition aux cas de licenciement.

Deux amendements ont en outre été adoptés par la commission. Ils visent à prévoir l'ouverture d'une possibilité de prolongation du congé parental d'éducation au-delà des trois ans de l'enfant et précisent que, pour le calcul des droits ouverts au titre du droit individuel à la formation, la période d'absence du salarié pour un congé de maternité ou d'adoption est prise en compte. À propos du premier d'entre eux, il serait peut-être pertinent d'attendre les conclusions du groupe de travail institué par la prochaine conférence de la famille sur la refonte du congé parental d'éducation.

Ensuite, ce deuxième volet, dans le titre III, tend à favoriser l'accès des femmes à l'exercice de fonctions délibératives et juridictionnelles.

Le constat n'est pas nouveau : l'accès des femmes aux instances délibératives et juridictionnelles est particulièrement restreint. Ce même constat avait déjà présidé aux travaux de la loi du 9 mai 2001. Mais une fois encore, l'ouvrage est à remettre sur le métier. C'est la raison d'être des deux mesures que le projet de loi avait choisi de privilégier : la première dispose que les personnalités qualifiées au sein des conseils d'administration ou de surveillance des entreprises publiques seront désignées de telle sorte que, d'ici à cinq ans, l'écart de représentation entre les femmes et les hommes soit supprimé.

Par ailleurs, dans la droite ligne de la loi du 9 mai 2001, un nouvel effort est demandé pour rééquilibrer la représentation des hommes et des femmes aux conseils des prud'hommes. À ce sujet, un amendement adopté par la commission précise que la réduction de l'écart doit être d'un tiers.

Il est à noter que la commission, au cours de ses travaux, a adopté des amendements concernant l'accès à différentes fonctions institutionnelles. Ils tendent à renforcer la parité dans les élections pour les délégués du personnel et les comités d'entreprise, ainsi que, de façon générale, pour l'ensemble des membres composant les conseils d'administration ou de surveillance des entreprises publiques. Il convient cependant de se poser des questions sur la faisabilité de telles mesures.

Enfin, ce deuxième volet sur l'activité professionnelle des femmes introduit des mesures pour renforcer la recherche de la parité dans notre système de formation professionnelle initiale et continue, notamment dans les filières de l'apprentissage. C'est dans cet esprit que la commission a adopté un amendement incluant dans les objectifs de formation des « formateurs » tout au long de la vie l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Voilà donc, en quelques mots, l'essentiel des dispositions qui sont soumises aujourd'hui à notre examen. Elles constituent, faut-il le rappeler, un élément important de l'équilibre recherché - et auquel le présent texte apporte, me semble-t-il, une réponse satisfaisante - entre la place de l'État et celle des partenaires sociaux.

Avant de conclure, je souhaiterais évoquer la question du temps partiel imposé dont sont victimes de très nombreuses femmes. Ce sujet a été mentionné à de multiples reprises lors des auditions et de l'examen du texte par la commission. Les arguments exposés m'ont paru pertinents. Cela étant, je pense que ce sujet nécessite une analyse dans un cadre bien plus large que l'actuel projet de loi. Madame la ministre, pourrez-vous nous confirmer une fois encore, au nom du Gouvernement, que ce grand thème social sera très rapidement abordé avec les partenaires sociaux ?

Pour finir, je voudrais vous redire la fierté du jeune élu que je suis d'assumer la charge de rapporteur sur un texte si porteur d'avenir. Je souhaite que le débat qui s'ouvre aujourd'hui puisse contribuer à enrichir encore le texte proposé. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chères collègues, s'il est vrai que le travail féminin a acquis une légitimité sociale irréversible, il est également vrai que son statut n'est toujours pas le même que celui des hommes. Derrière l'apparente substituabilité des rôles, persistent des inégalités. Ce sont elles qu'entend combattre ce projet de loi relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes.

L'idée essentielle pendant des millénaires n'a pas été l'égalité des sexes. Sexe fort et sexe faible... la famille et partant, la société ne cautionnaient pas des êtres qui fussent égaux l'un par rapport à l'autre. De ce point de vue, le xixe siècle a marqué un recul supplémentaire, en ruinant les prétentions féminines nées des « Lumières ». La Révolution n'a pas entendu les requêtes des femmes, nous dit la philosophe France Quéré. Le code napoléonien a renforcé leur minorité historique. L'instruction leur a été refusée. Les filles sont restées dans l'ignorance. Rien n'a été fait pour qu'elles acquièrent un esprit autonome. De leur mariage, et donc de leur docilité, dépendaient trop de mouvements de capitaux.

Une autre idée retenait leur émancipation. Michelet est allé jusqu'à dire, en effet : « Toute femme est malade. » Pire encore, il a même déclaré : « Cet être frêle ne résisterait pas à des efforts cérébraux qu'implique la science (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) ; elle a l'esprit fragile comme son corps, elle est incapable de performances intellectuelles ; il faut donc la laisser au repos ou l'occuper à des travaux tranquilles. » (Mêmes mouvements.) J'ai tenu à reprendre ici ce propos proprement effarant.

Paradoxalement, cette régression dans la condition féminine au xixe a précipité les événements : multiplication d'abord des congrégations féminines, obligation de l'enseignement primaire, suivie de la création de lycées féminins, généralisation de l'entrée à l'université...

Dans un premier temps, les femmes se sont engouffrées dans des emplois qui ne faisaient que reproduire en plus large leur rôle domestique, nous dit encore la philosophe. Métiers maternels entre tous que sont les professions de santé. Métiers maternels entre tous que sont les métiers de l'enseignement. Métier « nuptial » entre tous qu'est le secrétariat. Infirmière, institutrice ou secrétaire, à chaque fois au-dessus d'elles, on retrouvait l'autorité masculine !

Dans un deuxième temps, l'histoire a continué. Les ambitions se sont élancées à l'horizontale et à la verticale. (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) A l'horizontale, car, au lieu de se confiner dans ces métiers dits féminins, les femmes ont développé des prétentions plus techniques - magistrat, ingénieur, etc. À la verticale, car les femmes ont commencé à monter des échelons, l'institutrice devient professeur, l'infirmière médecin, etc. Volonté d'ouverture sur la vie sociale, revendication d'autonomie vis-à-vis du conjoint, assurance pour le futur, libre gouvernement de soi-même, dans nos sociétés, le travail féminin s'est largement autonomisé par rapport à la vie familiale.

Pour autant, la salarisation massive des femmes, l'ouverture des carrières aux deux sexes, l'effondrement de l'idéal de la femme au foyer n'ont nullement empêché que soit reconduite une différence structurelle dans l'articulation vie professionnelle/vie familiale des hommes et des femmes. Ajoutons que les structures d'emploi, les qualifications professionnelles, les métiers et les salaires se distribuent toujours inégalement selon les sexes.

Les optimistes ont longtemps avancé l'idée qu'on se trouvait là en présence de simples reliquats de l'histoire, que le temps se chargerait peu à peu d'éliminer. Les chiffres prouvent que ce n'est pas le cas. L'INSEE a relevé, par exemple, en novembre 2004, que les écarts de rémunérations entre hommes et femmes sont globalement évalués à 22 % - 6 % à fonction égale.

Plus parlant, depuis une dizaine d'années, les écarts salariaux se stabilisent. Or, comme vous l'avez dit, madame la ministre, « l'égalité salariale est la première condition de l'égalité ».

Mme Muguette Jacquaint et Mme Catherine Génisson. Non, c'est la résultante !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. 1972, 1983, 2001, tous les textes législatifs successifs n'ont pas permis de remédier efficacement à cet état de fait. Dernier exemple en date : la loi de mai 2001, qui rend obligatoire la négociation sur ce thème dans les branches professionnelles et les entreprises. Selon une étude IFOP, réalisée en octobre dernier, 72 % des entreprises de plus de cinquante salariés n'ont jamais organisé de négociation spécifique sur l'égalité.

Il faut beaucoup d'énergie et de conviction pour faire évoluer les choses. Or, de l'énergie et de la conviction, madame la ministre, vous en avez !

Depuis la présentation, lors du conseil des ministres du 24 juillet 2002, de vos vingt-cinq propositions en faveur de l'égalité professionnelle, il y a eu la table ronde du 19 décembre 2002, celle du 15 juillet 2003, sans compter les innombrables réunions avec les partenaires sociaux ; c'est un réel travail de dialogue social qui a été mené. Fruit de ce travail, l'accord national interprofessionnel du 1er mars 2004 relatif à la mixité et à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes a été signé par l'ensemble des partenaires sociaux, ce dont nous nous félicitons tous, sur tous ces bancs, j'en suis persuadé.

Certaines des mesures qu'il contient ont déjà été reprises dans la loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005 ; d'autres inspirent le présent projet. Il faut enfin mentionner le label égalité, lancé le 28 juin 2004, qui vise à valoriser tout organisme qui met en œuvre des actions exemplaires en matière d'égalité professionnelle. Une dizaine d'entreprises ont ainsi été récompensées fin mars.

Aujourd'hui, pour passer de droits « formels » à des droits « réels », pour, comme vous le dites, « donner du contenu à l'égalité », vous avez inscrit ce projet de loi dans une logique de résultats. Le but est que l'égalité salariale devienne effective « dans un délai maximum de cinq ans ».

La loi fixera les objectifs, mais confiera aux partenaires sociaux la mise en oeuvre de cette obligation. L'application des accords salariaux obligatoires sera subordonnée à l'ouverture effective de négociations sur cette question. Les accords de branche ne pourront être étendus que dans les mêmes conditions.

M. Alain Vidalies. Vous les avez vidés de toute substance !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Cette loi table sur le fait que, sous votre impulsion, madame la ministre, les partenaires sociaux se sont engagés sur ce sujet, avec une détermination sans précédent dans le dialogue social. La loi responsabilise les acteurs sans user d'emblée de la pénalité financière, ce qui aurait pu être perçu comme une marque de prévention à l'égard des entreprises.

Des indicateurs d'évaluation sont prévus, ainsi qu'un bilan à l'occasion d'une conférence annuelle entre partenaires sociaux et Gouvernement. En fonction des résultats, si le besoin s'en fait sentir, une taxe pourra être assise sur la masse salariale pour contraindre les entreprises qui n'auront pas voulu jouer le jeu.

Outre le volet égalité salariale, le projet de loi vise notamment à faire en sorte que la maternité soit moins pénalisante, en matière de salaires comme d'évolution de carrière. En effet, si certaines études, notamment québécoises, ont montré que les femmes occupant des postes d'encadrement avaient un indice de nuptialité et de fécondité supérieur à la moyenne de la population, il n'en demeure pas moins un handicap féminin lié aux maternités.En effet, les salaires et les carrières stagnent au retour du congé de maternité. Il importe de réparer cette injustice et de faire en sorte que le fait d'avoir un enfant cesse d'avoir un coût professionnel. C'est l'intérêt des entreprises. Les stéréotypes sexués doivent désormais apparaître comme des défis managériaux, des coûts cachés, des rigidités qui font obstacle aux impératifs d'adaptation et d'anticipation des entreprises.

À l'heure du « papy boom », comme l'a fort bien dit Édouard Courtial, les entreprises ne peuvent plus se priver de réserves de talents. Au contraire, elles doivent recruter et retenir les meilleurs éléments ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Exception d'irrecevabilité

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à Mme Catherine Génisson.

Mme Catherine Génisson. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, d'ici à cinq ans, les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes doivent avoir disparu : dès ses premières lignes, l'exposé des motifs du projet de loi évoque ce qui est une importante question de société. Comment ne pas partager cette ambition ?

Pourtant, cette question fondamentale doit être replacée dans son contexte sociétal et politique. En quelques décennies, les modalités du travail des femmes se sont transformées et d'indéniables progrès ont été réalisés. Toutefois, de redoutables régressions s'installent.

Sur l'aspect mitigé du bilan, l'accord est facile, mais l'interrogation centrale demeure : comment expliquer la persistance de telles résistances à l'égalité ?

À l'heure où de nombreuses femmes sont salariées, où les femmes sont plus diplômées, plus actives, plus libres dans leur maternité et leurs familles, comment comprendre la persistance de tant d'injustices professionnelles ? Je reviendrai très largement sur cette problématique au cours de mon propos, mais j'évoquerai dès à présent le contexte politique, social et économique dans lequel le projet de loi nous est proposé. Ce débat était nécessaire, il est au cœur de notre politique intérieure.

Depuis trois ans, nous entendons le même leitmotiv au fil des textes législatifs. Nous subissons un déséquilibre dû à la façon dont est rédigé le code du travail, au détriment des droits des salariés, de l'organisation collective de l'entreprise, alors même que salariés et employeurs, souvent, se retrouvent pour la défendre. Nous subissons la libéralisation du code du travail, qui participe d'une politique délétère contre l'emploi quand y est associé le démantèlement des dispositifs d'insertion, considérés comme d'onéreuses mesures d'assistanat alors même qu'ils étaient des dispositifs de réinsertion par l'économique.

Les dégâts sociaux et économiques de votre politique vous ont conduite à changer de cap avec la loi de cohésion sociale, dont nous attendons avec impatience l'application concrète, en espérant que les moyens budgétaires existent et qu'ils existeront demain.

Malheureusement, cette politique a des conséquences. C'est dans ce contexte que nous est proposé ce projet de loi sur l'égalité salariale. Notre taux de chômage est de 10,2 % et le nombre de chômeurs en catégorie 1 frôle désormais le seuil fatidique des 2,5 millions. Toutes les catégories sont touchées, mais les plus fragiles paient encore plus chère l'addition : les chômeurs de longue durée, les jeunes de moins de vingt-cinq ans. Quant aux femmes, leur nombre est en augmentation dans toutes ces catégories.

C'est dans ce contexte qu'il nous est proposé de travailler sur l'égalité salariale, sujet sur lequel nous reconnaissons votre engagement, madame la ministre. Et ce sujet ô combien complexe, comme je l'indiquais au début de mon propos, ne saurait être analysé sans en rappeler la problématique globale.

De 1982 à 2002, la part des femmes dans l'emploi est passée de 40,3 % à 43,3 %. L'emploi féminin s'est montré nettement plus dynamique que l'emploi masculin : en 2002, 10,8 millions d'emplois étaient occupés par des femmes, soit une augmentation de plus de 24 % depuis 1982, alors que dans le même temps l'emploi masculin n'augmentait que de 1 %.

Ce sont les métiers les plus qualifiés ou qualifiés qui ont le plus progressé, et les femmes sont partie prenante de cette évolution. Les cadres, enseignants et professions libérales ont à eux seuls contribué aux deux tiers de l'augmentation de l'emploi féminin. La part des femmes est passée de 30 à 40 % chez les cadres et de 36 à 45 % dans les professions intermédiaires.

Alors que les employés sont désormais plus nombreux que les ouvriers, le développement de l'emploi peu qualifié dans le tertiaire n'a pas contribué à améliorer la qualité des emplois occupés par les femmes.

Permettez-moi de m'attarder - c'est tout à fait intentionnel - sur les conditions d'organisation du temps partiel.

Aujourd'hui, 16,6 % des emplois sont des emplois à temps partiel, contre 9 % en 1982. En 2003, selon l'INSEE, ils représentaient 30 % de l'emploi féminin, contre 5,5 % de l'emploi masculin. Près de 90 % des travailleurs à temps partiel sont des femmes, soit environ 3,3 millions.

Les salariés qui travaillent à temps partiel ne constituent pas une catégorie homogène. Sur le marché du travail, le temps partiel est massivement peu qualifié, concentré sur un nombre restreint de professions : 79 % des emplois de services aux particuliers, des employés de maison, 58 % des assistantes maternelles, 57 % des caissières. Le temps partiel est souvent associé à des conditions de travail et d'emploi précaires - horaires atypiques, décalés, morcelés, faibles rémunérations - au point de constituer 80 % des bas et très bas salaires. C'est parmi les salariés qui travaillent douze, quinze ou vingt-cinq heures par semaine que se trouvent les personnes en situation de sous-emploi.

Contrairement aux idées reçues, le temps partiel ne concerne pas prioritairement les femmes en âge d'avoir des enfants et de les élever : 37,2 % des femmes ayant entre cinquante et soixante-quatre ans exercent un emploi à temps partiel, contre 32 % de celles âgées de vingt-cinq à quarante-neuf ans et 31 % des moins de vingt-quatre ans.

Enfin, le temps partiel ne représente un véritable aménagement du temps de travail que pour trois sur dix d'entre elles. Pour les 70 % qui restent, il s'agit de temps partiel imposé.

Quand on étudie la nature des métiers, on se rend compte que l'emploi des femmes se concentre sur un nombre restreint de métiers : 60 % des femmes occupent 30 % des métiers. En 2002, les femmes représentaient encore 76 % des employés non qualifiés. Ces chiffres, il faut le savoir, ont très peu évolué depuis vingt ans.

Quand on regarde les écarts de salaire, sujet qui nous intéresse particulièrement aujourd'hui, on constate que les écarts salariaux entre les hommes et les femmes sont, selon l'INSEE, de 25 à 27 %, les 6 % restants ne s'expliquant pas.

Les femmes sont sous-représentées dans le haut de l'échelle des salaires : elles ne sont que 35 %, en 2002, parmi les 20 % des salariés les mieux payés. Elles sont par contre surreprésentées dans le bas de l'échelle, puisqu'elles représentent 70 % des 20 % des emplois les moins rémunérés.

De même, une fois engagées dans la vie professionnelle, les femmes accèdent moins facilement que les hommes à la formation continue.

Mais l'inégalité ne saurait s'analyser uniquement par rapport à la situation des hommes et des femmes sur leur lieu de travail. Nous connaissons l'importance de la formation initiale, de l'orientation des filles et des garçons, de la mobilisation des enseignants en matière de formation, qu'elle soit initiale ou continue.

En 2004, les filles et les garçons n'ont pas le même parcours scolaire. En général, les filles réussissent mieux scolairement que les garçons. Au baccalauréat, en 2003, la réussite féminine atteignait 82 %, avec souvent des mentions, contre 78 % pour les garçons. La moitié des filles obtiennent un DEUG en deux ans, contre seulement un tiers des garçons. Mais leurs parcours sont très différents : les filles sont surreprésentées dans les filières littéraires du secondaire et du supérieur, dans les filières débouchant sur des professions de services, dans les IUFM et dans les écoles paramédicales et sociales, tandis que les garçons le sont dans les filières scientifiques et industrielles, notamment les IUT et les écoles d'ingénieurs.

On ne saurait traiter du sujet de l'égalité professionnelle de façon exhaustive sans évoquer le délicat problème de l'articulation des temps de vie. Je ne m'attarderai pas sur ce point, sauf pour dire que les schémas changent peu : les femmes consacrent toujours deux fois plus de temps que les hommes aux tâches domestiques, et les hommes consacrent trois fois moins de temps que les femmes aux enfants.

Après ce nécessaire tour d'horizon, je voudrais souligner l'importance de la législation communautaire et de notre droit interne. Pour ce qui est du niveau communautaire, je ne rappellerai que l'article 119 du traité de Rome, qui traite du principe d'égalité des rémunérations. Il faut d'ailleurs souligner que cet article a servi beaucoup plus la lutte contre la discrimination syndicale que l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. Je rappellerai également l'importance de la directive du 23 septembre 2002 qui concerne l'accès à l'emploi, la formation, la promotion professionnelle, les conditions de travail, et qui met en évidence l'intensification de la production normative pour assurer l'égalité de traitement et agir contre les discriminations. Cette directive s'avère, sur de nombreux sujets, plus performante que notre droit interne !

Concernant notre législation nationale, je ne parlerai pas des lois antérieures mais m'attarderai sur l'accord national interprofessionnel relatif à la mixité et à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes du 1er mars 2004. Signé par l'ensemble des partenaires sociaux, cet accord traite des écarts salariaux : les entreprises s'engagent, quelle que soit leur taille et selon leurs moyens, à favoriser la mixité dans tous les métiers. L'objectif est de permettre à la fois une avancée sociale et un projet économique.

Si longue qu'ait été cette présentation, elle était obligatoire pour prouver combien la réalité de l'emploi sur le lieu du travail est interdépendante des conditions d'embauche, de formation et de promotion, mais également de la formation initiale et de ce sujet complexe qu'est l'articulation des temps de vie, le premier d'entre eux étant le temps familial et personnel. D'ailleurs, le problème se décline dans les deux sens : si le temps familial a une influence sur l'organisation de l'emploi, on peut inverser la proposition car les conditions de travail ont un impact important sur la sphère familiale et privée. Nous devrions y réfléchir plus sérieusement.

C'est dans ce contexte que nous est proposé l'examen de ce projet de loi relatif à l'égalité salariale. Bien que l'application de la loi du 9 mai 2001 soit incomplète, comme en atteste l'étude effectuée par la délégation aux droits des femmes du Sénat, une dynamique existe grâce à l'existence de l'accord interprofessionnel, soutenu par la mise en place du « label égalité ». Aussi, la commande présidentielle d'un nouveau texte a-t-elle décontenancé l'ensemble des acteurs concernés, et une partie d'entre eux l'ont comprise comme un désaveu de l'action entreprise.

L'examen de ce projet de loi à un moment où s'accumulent les textes législatifs va stopper la dynamique de la négociation, en attendant la promulgation de la loi et des décrets. Il démontre l'importance de la volonté politique de faire appliquer les lois. Il pose enfin cette question fondamentale : comment passer des droits formels aux droits réels ?

Où est le bien-fondé d'une nouvelle loi, alors qu'il serait nécessaire de prendre des mesures concernant l'abondement de votre maigre budget, madame la ministre, et la nécessaire affectation de moyens supplémentaires pour les services de l'État concernés, au premier chef desquels se trouvent les inspections du travail ?

Où est la nécessaire exigence de disposer d'outils performants permettant de connaître la teneur et la valeur des accords signés, quand on sait que la plupart d'entre eux s'arrêtent au niveau des directions départementales du travail et que la DARES attend des critères d'évaluation ?

Mais un texte nous est proposé. Dès lors, nous devons en apprécier le bien-fondé et la valeur. Nous pouvons d'ailleurs enrichir notre réflexion des recommandations de la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale, qui a beaucoup travaillé à l'élaboration de ce texte ainsi qu'à l'évaluation de l'application de la loi du 9 mai 2001 et aux conditions de recours au temps partiel et à son organisation.

Le premier constat qui s'impose, étonnamment, est que le projet de loi s'exonère en partie d'un raisonnement communautaire. La transcription de la directive du 22 septembre 2002 est partielle : en particulier, elle n'évoque pas le sujet du harcèlement sexiste. Par ailleurs, il semble que certains articles de ce texte, notamment ceux portant sur la protection de la grossesse, soient en deçà de la directive.

Si je m'interroge très sincèrement sur l'opportunité de ce texte, je considère qu'il traite de façon partielle et partiale de l'égalité professionnelle - de façon partielle parce qu'il est très incomplet et très insuffisant.

Quand la sociologue Margaret Maruani dénonce aujourd'hui dans un grand quotidien « les trois boulets de l'emploi féminin » que sont le chômage en augmentation, des contrats à temps partiel, des emplois mal payés, il n'est pas acceptable qu'un meilleur encadrement des conditions de recours et d'organisation du temps partiel soit absent de ce texte. Ce n'est pas acceptable quand on connaît les conséquences des dégâts sociaux et économiques du temps partiel imposé, aggravés par les dispositions de la loi Fillon du 4 mai 2004.

Au nom de la justice sociale que vous évoquez, madame la ministre, les inégalités doivent être traitées entre les hommes et les femmes, mais aussi entre les femmes entre elles. Ne pas traiter du temps partiel imposé n'est acceptable ni sur le fond ni sur la forme. Le temps partiel imposé est l'une des causes majeures de la précarisation de la situation des femmes. Il faut tout de même savoir qu'aujourd'hui plus de 20 000 femmes qui travaillent sont sans domicile fixe et sont, pour la plupart d'entre elles, à temps partiel.

Sur la forme, notre rapporteur et vous-même, madame la ministre, avez argüé que le sujet n'était pas compatible avec l'esprit de la loi. L'argument n'est pas recevable quand le texte propose par ailleurs de traiter du sujet de la représentativité des femmes dans différentes instances et de l'accès des femmes et des hommes à la formation professionnelle et à l'apprentissage.

Le sujet du temps partiel a toute sa place. On ne peut se contenter de promesses à venir. Votre engagement doit être immédiat, madame la ministre.

D'autre part, la qualité de l'engagement de la négociation est insuffisamment précisée : comme le proposent la délégation aux droits des femmes, mais aussi notre rapporteur, la négociation doit être engagée de façon loyale et sincère. Et s'il est prévu que la négociation repose sur un diagnostic partagé, les moyens de sa réalisation ne sont pas précis : le recours à l'expertise contradictoire est hautement nécessaire. Par ailleurs, si le texte ne peut décliner qualitativement des objectifs chiffrés pour la validation des accords, il doit néanmoins en énoncer le principe dans la loi afin de permettre une écriture des accords qualitativement et quantitativement précise.

Le texte ne propose pas non plus de mesures spécifiques pour les petites et moyennes entreprises, alors qu'elles sont un vivier d'emplois et que les femmes y sont majoritairement présentes. Le sujet n'est certes pas nouveau. L'ingénierie, les directions des ressources humaines, les organisations syndicales sont peu représentées dans les petites entreprises. Défendre l'accord de branche semble une piste de travail intéressante.

Si l'entreprise est le lieu d'inégalité hommes-femmes, la fonction publique n'échappe pas à un constat similaire. Si l'égalité de salaire existe, l'inégalité de revenus existe aussi, de par l'octroi de primes. C'est une réalité, de même que l'existence du plafond de verre, même si, comme le président de la commission des affaires culturelles nous le disait tout à l'heure, l'infirmière devient médecin, l'institutrice devient professeur et le ministre devient peut-être Président de la République. (Sourires.)

Qu'en est-il, madame la ministre, des rapports que le Gouvernement doit fournir au Parlement sur l'évolution de la carrière des hommes et des femmes dans les fonctions publiques, aux termes de la loi du 9 mai 2001 ? Quelles mesures le Gouvernement propose-t-il pour résorber ces inégalités ?

Enfin, nous savons que les femmes sont influentes quand elles sont présentes dans les lieux de décision, non seulement pour ce qui les concerne, mais également pour l'intérêt général. Et nous devrions travailler davantage sur le sujet de la représentativité et de la place de la femme dans les différents lieux de décision, en particulier dans les organisations syndicales, qui sont prêtes, aujourd'hui, à faire des propositions.

Mais l'écriture du texte qui nous est proposé est aussi partiale, parce qu'il traite du sujet de l'égalité professionnelle de façon réductrice, simplificatrice.

Partiale, quand, dans l'exposé des motifs, l'argument économique de la chute de la démographie professionnelle est le premier argument évoqué. C'est une réalité, mais est-ce pour autant une opportunité ? Dans un contexte de libéralisation du code du travail, on peut légitimement s'interroger.

Partiale aussi, quand le texte ne traite du sujet de l'égalité professionnelle que par le biais de l'égalité salariale et de l'amélioration de la prise en compte des conséquences du congé de maternité. Certes, ces deux sujets sont obligatoirement à traiter. Mais les écarts salariaux sont la résultante de plusieurs facteurs : difficultés d'embauche, d'accès à la formation, à la promotion, problèmes de conditions d'organisation du travail. L'approche doit être beaucoup plus intégratrice de ces différents facteurs.

Si le congé de maternité influe sur le déroulement de carrière, c'est beaucoup plus le problème des responsabilités familiales, du travail domestique non partagé tout au long de la carrière professionnelle, qui doit être traité, plutôt que le congé de maternité seul, car le congé de maternité est toujours lié, je pense, à un événement heureux. Par ailleurs, comme je l'ai déjà souligné, ne nous exonérons pas de travailler sur les conséquences des conditions d'organisation du travail sur la vie familiale et personnelle.

Enfin, certaines dispositions du texte soulèvent beaucoup d'interrogations quant à leur application. Il en est ainsi de l'intégration de la moyenne des augmentations individuelles perçues pendant la durée des congés de maternité par les salariées de la même catégorie professionnelle. Cette disposition intègre la déviation de la négociation collective vers le contrat individuel qui, s'il reconnaît les réelles performances de la personne, peut entraîner une diminution de la dynamique collective de la vie de l'entreprise. Par ailleurs, les conditions d'application de cette mesure laissent pour le moins perplexe. Quand on connaît les difficultés d'information sur le sujet, la confidentialité étant de mise, on peut vraiment s'interroger.

Enfin, s'agissant de l'article 1er, il est nécessaire de rendre plus efficaces les dispositions relatives à l'évolution de la rémunération durant le congé de maternité. Il faut affirmer une règle de droit minimale qui doit s'appliquer en matière d'évolution de la rémunération durant ce congé, qu'il y ait ou pas accord collectif dans l'entreprise ou dans la branche professionnelle. Les dispositions d'un accord ne pourront donc pas être en deçà de la règle minimale proposée.

De plus, les conditions de mise en œuvre des garanties plus larges d'évolution de la rémunération et d'évolution professionnelle des salariées ayant bénéficié d'un congé de maternité ou d'adoption doivent être fixées par un accord collectif de branche ou d'entreprise, afin de compenser les effets de la maternité ou de l'adoption sur la rémunération et les trajectoires professionnelles des salariées concernées.

D'autre part, l'inégalité salariale entre hommes et femmes travaillant sur un poste de travail identique s'explique en partie par la différence pratiquée sur la part variable du salaire. La proposition de majoration du salaire au retour du congé doit donc prendre en compte l'ensemble des éléments que constitue la rémunération et pas uniquement le salaire de base.

Plus encore, je voudrais m'étonner de la deuxième partie du II de l'article 4 de votre projet de loi, madame la ministre.

Il y est d'ailleurs écrit, avec une précaution extrême,qu' à la suite d'un bilan à mi-parcours de l'application de la présente loi « le Gouvernement pourra présenter au Parlement, si nécessaire, un projet de loi instituant une contribution assise sur les salaires ». Cette proposition signe l'échec de l'application de la loi. Le fait qu'à l'article 3, l'accord de branche ne puisse être étendu qu'à la condition d'intégrer le sujet sur l'égalité salariale est insuffisamment incitatif, et ce depuis l'application de la loi Fillon,...

M. Alain Vidalies. Exactement !

Mme Catherine Génisson. ...qui a déshabillé les accords de branche.

M. Alain Vidalies. Évidemment !

Mme Catherine Génisson. Cette disposition est un boulet législatif, madame la ministre. D'ailleurs, si nous voulions l'appliquer à la lettre, il faudrait dès aujourd'hui examiner ce texte instituant une contribution assise sur les salaires.

La loi du 9 mai 2001 oblige à la négociation spécifique sur l'égalité professionnelle, mais aussi à l'intégration de l'égalité professionnelle dans toutes les négociations, dont bien évidemment la négociation salariale. Aujourd'hui, nous en sommes à plus de deux ans et demi d'application de la loi, et elle est insuffisamment appliquée ; nous devrions donc déjà, aujourd'hui, examiner ce texte, madame la ministre. Alors, remerciez-nous de présenter cette exception d'irrecevabilité.

Une autre mesure ne manque pas de surprendre quand, à l'article 7, vous prévoyez de soutenir les entreprises de moins de cinquante salariés par l'octroi d'une prime permettant de diminuer l'effet congé de maternité. Voilà qui suscite une grande perplexité : nous connaissons le mécanisme de substitution du versement du salaire par l'employeur par le versement d'indemnités journalières par la sécurité sociale ! Reconnaissons d'ailleurs que l'employeur peut avoir la charge de verser le salaire complémentaire s'il existe une clause le précisant dans une convention collective. Au-delà du possible effet d'aubaine de cette mesure, admettons pour le moins qu'il ne s'agit ni plus ni moins que d'une prime à la femme accouchante. C'est tout de même très irrespectueux pour les femmes.

Ce dispositif d'aide serait beaucoup plus à sa place à l'article 8, qui institue une majoration, à hauteur d'au moins 10 %, de l'allocation de formation versée au salarié lorsque celui-ci engage des frais supplémentaires de garde d'enfant pour suivre une action de formation hors de son temps de travail. Pour intéressante qu'elle soit, malgré un seuil insuffisant de 10 %, cette mesure peut être contre-productive dans la mesure où elle peut laisser planer un sentiment de pénalisation pour les autres salariés. S'il est positif de prévoir un dispositif de prise en charge des frais de garde - d'enfant ou d'ascendant, d'ailleurs -, il est important de le dissocier du budget formation de l'entreprise, à l'instar de ce que le gouvernement de Lionel Jospin avait mis en place pour l'accompagnement de la formation dans les contrats aidés.

Enfin, madame la ministre, cette exception d'irrecevabilité trouve toute sa justification au regard de l'article 13.

En effet, le Conseil Constitutionnel, dans sa décision n° 2001-445 DC du 19 juin 2001, a censuré les dispositions de l'article 33 de la loi organique relative au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature. Cet article soumettait à des règles de parité entre les candidats de l'un et l'autre sexe la composition des listes de candidats se présentant à l'élection des magistrats membres du Conseil supérieur de la magistrature.

Le Conseil Constitutionnel a alors rappelé que de telles restrictions méconnaissent l'article VI de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, aux termes duquel il est précisé que tous les citoyens « sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents ». La révision constitutionnelle du 8 juillet 1999 favorisant « l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives », étant limitée aux mandats électoraux et fonctions électives de caractère politique, est sans application en l'espèce.

Reprenant ces éléments et un considérant de principe du Conseil Constitutionnel issu de la même décision, on peut donc conclure : « Considérant que les règles édictées pour l'établissement des listes de candidats à l'élection à des dignités, places et emplois publics autres que ceux ayant un caractère politique ne peuvent, au regard du principe d'égalité d'accès énoncé par l'article VI de la Déclaration de 1789, comporter une distinction entre candidats en raison de leur sexe ». Dès lors, les dispositions de l'article 13 du projet de loi relatives à la représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les conseils d'administration des entreprises publiques et les dispositions de l'article 14 qui introduisent une distinction selon le sexe dans la composition des listes de candidats aux élections prud'homales sont contraires à la Constitution.

En conclusion, madame la ministre, au-delà des motifs de censure constitutionnelle que je viens d'énoncer pour atteinte à l'article VI de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, je rappellerai le caractère inapproprié et insatisfaisant de votre texte.

En dépit de tous les outils législatifs et réglementaires utilisés depuis que l'on cherche à réduire les inégalités entre hommes et femmes, ces dernières persistent. Il est temps de trouver de nouvelles solutions afin de passer des droits formels aux droits réels. Une nouvelle loi, si elle permet de revendiquer une action politique sur l'égalité professionnelle, ne saurait tenir lieu d'une réelle politique en la matière.

Vous voulez convaincre plutôt que contraindre, madame la ministre. Vous êtes dans ce registre quand vous êtes attentive à la conclusion de l'accord interprofessionnel sur le sujet de l'égalité professionnelle, quand vous soutenez le « label égalité ». Mais aujourd'hui, vous n'avez ni convaincu ni contraint. Et comme le Gouvernement lui-même semble malheureusement convaincu de l'échec de l'application de ce texte, par sagesse, mes chers collègues, je vous invite à voter l'exception d'irrecevabilité que j'ai eu l'honneur de défendre au nom du groupe socialiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Dans les explications de vote sur l'exception d'irrecevabilité, la parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

Mme Muguette Jacquaint. Madame la ministre, il ne s'agit pas du premier texte que nous examinons concernant l'égalité professionnelle.

Force est de constater que les choses avancent très lentement dans ce domaine. Cependant, les femmes sont - cela a été rappelé - de plus en plus nombreuses dans la vie active, et ce phénomène se poursuivra. Mais les inégalités professionnelles persistent. Celles-ci sont à l'origine des inégalités salariales.

Mme Catherine Génisson. Absolument !

Mme Muguette Jacquaint. Nous devrons nous y attaquer, car, s'il faut convaincre, il faut aussi contraindre à un moment donné. C'est pourquoi, madame la ministre, la question de la mixité dans tous les emplois est fondamentale. Un gros effort doit être entrepris en matière d'orientation. D'où l'importance de la formation initiale et continue.

Mais comment parler d'égalité professionnelle quand, dans ce texte, la question de la précarité, du travail des femmes à temps partiel n'est pas abordée, que rien de contraignant en ce qui concerne cette forme de travail n'est prévu ? Le travail précaire, le temps partiel sont la cause des emplois sous-payés et de l'image - comme cela a été rappelé par M. le rapporteur - de la femme docile.

Il faut s'attaquer aux racines du mal. Elles tiennent aux mentalités rétrogrades. Dans le cadre de la Délégation aux droits des femmes, les organisations syndicales que nous avons reçues l'ont d'ailleurs souligné. On ne pourra s'attaquer aux inégalités salariales tant que les formes de travail précaire - CDD, temps partiel - ne seront pas taries.

Il est bon de mentionner dans la loi, comme vous l'avez indiqué en commission, que nous aurons - dans le futur - une discussion sur le temps partiel. Mais il aurait été préférable que nous abordions ce point dans le présent projet de loi.

Il importe également d'obtenir des moyens supplémentaires pour contrôler l'application des négociations sur l'égalité salariale et professionnelle. La situation dans certaines entreprises, et pas des moindres, n'est pas triste - je pourrais vous citer quelques exemples.

On sait qu'il est difficile de contrôler et de faire appliquer la loi. Nous dénonçons, depuis des années, le manque d'inspecteurs du travail. Ce texte ne va pas assez loin en matière de contrôle. Il aurait été bon de le rendre plus contraignant. À défaut, nous risquons de faire dans cinq ans le même constat d'inégalité professionnelle et salariale.

Pour les raisons que je viens d'évoquer, nous voterons l'exception d'irrecevabilité présentée par Mme Génisson au nom du groupe socialiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. le président. Sur le vote de l'exception d'irrecevabilité, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Bernard Perrut, pour le groupe UMP.

M. Bernard Perrut. Nous avons écouté avec beaucoup d'attention Mme Génisson, dont nous connaissons tous l'engagement en faveur de l'égalité entre les hommes et les femmes. Ses propos nous ont cependant peu convaincus lorsqu'elle a jugé le texte « inapproprié » et « insatisfaisant ». Les mots utilisés sont bien légers pour une exception d'irrecevabilité.

Nous considérons, madame la ministre, que le projet de loi que vous proposez est l'expression d'une volonté forte, que nous reconnaissons à travers votre action. Certes, il s'agit d'un souhait exprimé par le Président de la République, comme vous l'avez rappelé tout à l'heure. Mais plus qu'un vœu, il s'agit aujourd'hui d'une urgence. C'est un choix de société.

Cette valeur de la République qu'est l'égalité doit, en effet, être appliquée, respectée et mise en œuvre. C'est ce que vous nous proposez aujourd'hui avec beaucoup de force et d'ardeur.

Ce texte prend toute sa valeur à quelques semaines du référendum sur le traité constitutionnel européen. L'article 2 de la première partie du texte rappelle que l'égalité des hommes et des femmes est une valeur de l'Union, tout comme la charte des droits fondamentaux pose le principe de ce droit fondamental de l'égalité entre hommes et femmes.

Ce texte se situe au cœur de la vie quotidienne. La France, en matière professionnelle, constitue un modèle unique en Europe. Les femmes conjuguent un fort taux d'activité et l'un des meilleurs taux de fécondité européens. Chacun reconnaît combien les femmes, par leur qualification, leur compétence, leur place, quel que soit l'emploi exercé au bureau, à l'usine et quel que soit le lieu, sont indispensables à notre économie. L'augmentation de l'emploi féminin a été dix fois supérieure à celle de l'emploi masculin lors de la dernière décennie, entraînant dans notre société des mutations que nous devons prendre en compte.

On peut aujourd'hui s'interroger sur la nécessité d'une nouvelle loi. Le principe de l'égalité salariale existe depuis 1972 dans le code du travail. Il a été réaffirmé à plusieurs reprises. La loi de 2001, dite « loi Génisson », a notamment constitué un premier pas significatif. Cependant, on sait que 72 % des entreprises n'ont jamais mis en œuvre les procédures de négociation et il faut partir de cette évidence pour prendre des mesures.

Madame la ministre, vous indiquiez que votre texte n'était pas pour vous une obligation de moyens, mais une obligation de résultats dans les cinq ans à venir.

Les parlementaires et les membres du Gouvernement ont cinq ans pour que les femmes soient reconnues à leur juste valeur et trouvent leur juste place dans notre économie. Notre excellent rapporteur l'a souligné : les femmes sont non seulement une force d'appui, mais un véritable moteur pour l'économie française.

Nous avons cinq ans pour que les négociations dans les branches et les entreprises puissent avoir lieu. Vous avez justement souhaité, madame la ministre, que la négociation collective soit la voie suivie pour parvenir à l'égalité des hommes et des femmes. Cette négociation collective a été retenue, depuis trois ans, par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin pour toutes les réformes menées dans le domaine social. En 2004, les partenaires sociaux ont d'ailleurs été à l'origine d'un accord interprofessionnel qui pose d'importants jalons dans ce domaine.

Aujourd'hui, le caractère incitatif est inscrit dans le projet de loi. Vous voulez convaincre plutôt que contraindre, et je crois que vous avez raison. Grâce à votre force de conviction, nous pourrons évoluer. Vous avez prévu un service « après-vote » et une conférence nationale permettant de dresser le bilan de l'application de la future loi.

Plusieurs volets de ce texte nous paraissent significatifs.

D'abord, la conciliation entre l'égalité salariale et l'égalité professionnelle.

Le texte reconnaît la maternité comme une « valeur ajoutée » - c'est l'expression que vous avez employée, madame la ministre. Cet aspect fort de la femme qui a la chance de pouvoir enfanter doit être pris en compte, afin qu'elle se soit pas pénalisée lorsqu'elle veut retravailler.

Ce texte permet aussi de mieux concilier la vie professionnelle et la vie familiale - 40 % des femmes actives estiment que c'est difficile. Nous devons prendre des mesures dans ce sens.

Le projet de loi évoque en outre l'accès des femmes à des postes de décision, le besoin d'une offre de formation professionnelle plus diversifiée, afin de favoriser un meilleur équilibre pour l'accès à l'emploi des femmes comme des hommes.

Au-delà, nous pourrions évoquer tout ce qui doit permettre aux femmes d'accéder plus facilement à un emploi - je pense aux femmes seules, à celles qui vivent au-dessous du seuil de pauvreté, aux jeunes filles.

Le texte qui nous est proposé est moderne. Il mise sur la conviction, la confiance. Il n'est pas limité, il ne manque pas de souffle, contrairement à ce que voudraient faire croire certains de nos collègues. Au contraire, il crée une nouvelle dynamique en faveur de l'égalité salariale.

Si nous conjuguons tous les moyens pour y parvenir, je suis sûr que, dans quelques années, chacun pourra constater que ce projet de loi était non seulement utile, mais nécessaire pour les femmes et l'ensemble de la société. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Danielle Bousquet, pour le groupe socialiste.

Mme Danielle Bousquet. L'exception d'irrecevabilité nous paraît justifiée pour au moins cinq raisons.

Premièrement, le texte n'est pas opportun. Il arrive en pleines négociations interprofessionnelles. Les partenaires sont décontenancés et ne comprennent pas pourquoi ce projet de loi vient interférer avec les négociations en cours. Cela paraît comme un encouragement à cesser celles-ci jusqu'au vote de la loi.

Deuxièmement, ce texte aborde la question de l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes - en réalité, l'égalité salariale n'en est qu'une infime partie - à travers les besoins économiques des entreprises et la pénurie de main-d'œuvre. Loin de nous l'idée de tirer un trait sur cette réalité. Mais lorsque l'on aborde le principe de l'égalité, parler le langage économique et évoquer les besoins des entreprises ne nous semble pas la manière la plus adaptée.

Troisièmement, un certain nombre de choses que nous aimerions trouver dans ce texte n'y figurent pas.

D'abord, il y manque la volonté politique de faire appliquer les décisions prises. On ne peut, à cet égard, que regretter l'absence flagrante de toutes contraintes. Vous pariez sur la bonne volonté. Mais si, depuis trente ans, celle-ci avait existé, l'inégalité professionnelle aurait reculé. Or nous sommes loin du compte. Rien, pratiquement, n'a bougé depuis que les femmes ont largement investi la sphère du travail salarié.

Il manque aussi des outils adaptés pour faire évoluer la situation. Font en effet défaut des dispositifs de diagnostic, de suivi et d'évaluation. En outre, aucune méthode n'est évoquée dans ce texte. Plus grave, aucun objectif n'y figure. Nous ne savons pas où nous allons ni comment.

Par ailleurs, plus de 55 % des femmes travaillent dans les PME. Or les petites entreprises - de moins de cinquante salariés - ne sont pas soumises aux mêmes obligations que les grandes en ce qui concerne la publication du rapport de situation comparée. Comment agiront-elles ? Nul ne sait ce qu'elles feront en la matière. Ce qui est certain, c'est qu'elles bénéficieront d'une somme de 400 euros lorsqu'une employée partira en congé de maternité. Je ne suis pas sûre que c'est ainsi que l'on répond à l'exigence d'égalité professionnelle.

L'exigence d'égalité professionnelle est une exigence forte, mais nous sommes loin du compte. Vous parlez d'égalité salariale, mais celle-ci n'est qu'une petite partie de l'égalité professionnelle.

Notons aussi que ce texte ne traite absolument pas du temps partiel, imposé pourtant à une écrasante majorité de femmes. Ce temps partiel, en effet, elles ne l'ont pas choisi. Et lorsque l'on perçoit un demi-SMIC qui n'est rien d'autre qu'un petit RMI, on est un travailleur pauvre ! Rappelons à cet égard que 80 % des très bas salaires sont constitués par des bataillons de femmes qui travaillent à temps partiel non choisi.

Enfin, une autre raison pour laquelle nous voterons cette exception d'irrecevabilité, c'est que vous intégrez vous-même la possibilité de l'échec de votre texte en annonçant l'éventualité d'une autre loi. Quel constat cruel avant même le vote de celui-ci ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe UDF.

M. Francis Vercamer. Nous avons écouté avec attention Mme Génisson et nous ne pouvons, au groupe UDF, qu'adhérer au constat qu'elle a dressé sur l'inégalité professionnelle entre les hommes et les femmes dans notre société, inégalité consternante, mais reflétant, malheureusement, la réalité. Nous ne pouvons que déplorer le travail à temps partiel contraint, l'inégalité des rémunérations ou devant la formation. C'est, hélas, un fait de société, une question qui concerne largement les mentalités. M. le président de la commission a évoqué tout à l'heure les propos qui avaient cours au siècle dernier. L'important est donc de faire évoluer les mentalités, mais je ne suis pas sûr que la loi soit à même de le faire : trois lois ont été promulguées depuis 1973 et, malheureusement, les inégalités demeurent.

Nous ne sommes donc pas certains qu'un quatrième texte change profondément les choses. Néanmoins, ce projet de loi concerne essentiellement l'inégalité salariale, qui représente un aspect important de l'inégalité professionnelle. Cette inégalité est très souvent dénoncée. Aussi, je ne comprends pas ce qui peut justifier une exception d'irrecevabilité. Si nous l'adoptions, cela aurait pour conséquence de laisser entendre aux Français que l'inégalité salariale devrait perdurer et qu'elle serait constitutionnelle. Ce serait contre-productif !

Le groupe UDF ne votera évidemment pas cette motion de procédure. Et puisque Mme Génisson a fait valoir à Mme la ministre qu'il fallait remercier le groupe socialiste de l'avoir présentée, je voudrais qu'à son tour elle remercie le groupe UDF de ne pas la voter, car ainsi nous pourrons discuter les amendements qu'elle et ses amis ont déposés afin de corriger le texte et que le groupe UDF pourra peut-être voter ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix l'exception d'irrecevabilité.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

                    Nombre de votants 102

                    Nombre de suffrages exprimés 102

                    Majorité absolue 52

        Pour l'adoption 28

        Contre 74

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Avant d'en venir à la question préalable, je vais suspendre la séance pour quelques minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures trente-cinq, est reprise à dix-huit heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Question préalable

M. le président. J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains une question préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.

La parole est à Jacques Desallangre.

M. Jacques Desallangre. Madame la ministre, nous voici réunis pour débattre d'un quatrième texte sur l'égalité entre les hommes et les femmes dans le domaine de l'emploi. Après la loi de 1975 sur les salaires, la loi sur l'égalité professionnelle de 1983, dite « loi Roudy » et la loi du 9 mai 2001, dite « loi Génisson », votre gouvernement semble tenir à apporter sa pierre à l'édifice législatif en la matière. J'ai malheureusement de bonnes raisons de craindre que cet ajout ne soit simplement décoratif.

En effet, et c'est un premier constat qui jette le doute sur votre texte, des inégalités en tous genres perdurent en dépit de cet arsenal législatif qui aurait pourtant eu le temps de faire ses preuves. Plafond de verre dans l'entreprise et dans la fonction publique, multiplication des bas salaires et des temps partiels en sont les manifestations les plus criantes.

De plus, le rapport d'information du Sénat de Gisèle Gautier, publié fin 2004, a mis en évidence l'impact trop maigre de la loi Génisson. En effet, malgré les dispositions de l'article 4 de la loi du 9 mai 2001 relatif aux négociations sur l'égalité professionnelle, seules 20 % des entreprises ouvrent des négociations salariales spécifiques à l'égalité entre les sexes. De même, le rapport comparé sur les situations des hommes et des femmes dans l'entreprise n'a pas été produit dans 60 % d'entre elles depuis 2002.

Plus tôt, déjà, la sociologue Jacqueline Laufer avait mis en avant les limites de l'approche non contraignante proposée par la loi Roudy. Plusieurs années après la publication de la loi, seules une vingtaine d'entreprises s'étaient lancées dans la négociation de plans d'égalité.

Comment, dès lors, penser que votre texte viendra changer quelque chose aux écarts de rémunération entre les sexes s'il ne prévoit pas un dispositif plus contraignant et si le nombre d'inspecteurs et d'inspectrices du travail n'est pas considérablement augmenté ? Comment, en effet, imaginer que, dans les PME, où la présence syndicale est particulièrement faible, les négociations salariales seront entreprises ? Votre « encouragement » à négocier, prévu par l'article 6 de votre texte, apportera-t-il une solution que deux lois successives n'ont pas réussi à trouver ?

Rappelons également que votre texte renvoie à plus tard d'éventuelles sanctions financières à l'encontre des employeurs qui n'auraient toujours pas ouvert de négociations.

Dans ces conditions, quel effet autre que l'affichage politique escomptez-vous donc pour ce quatrième texte législatif ?

De toute évidence, le laisser-faire en matière d'égalité au travail ne s'est pas révélé fructueux. Pourtant, le rapport du Sénat conclut aux limites de la « contrainte législative », conclusion que je juge doublement malhonnête, puisque les lois Roudy et Génisson n'avaient justement aucune dimension contraignante : la première incitait les entreprises à engager des plans d'égalité, la seconde imposait des négociations salariales sans pour autant augmenter le nombre d'inspecteurs du travail pour veiller à la bonne application de la loi.

Votre projet manque d'envergure : à quand une lutte contre les inégalités qui ne se limite pas à la proclamation d'une égalité formelle, certes nécessaire, mais nullement suffisante pour enrayer les écarts de salaire entre les femmes et les hommes ? Quand s'attaquera-t-on, par exemple, à la prolifération des emplois à temps partiel, dont 80 % sont occupés par des femmes ?

Contrairement à une idée trop répandue, 50 % des temps partiels féminins correspondent à des temps partiels d'embauche imposés par l'employeur, comme le souligne une enquête de la DARES. Ces formes de travail atypique, donnant lieu à des salaires et à des retraites au rabais, ne correspondent souvent nullement à des choix personnels de conciliation entre vie privée et vie professionnelle, contrairement à ce qu'on entend souvent sur ces bancs. Le temps partiel, c'est avant tout un alibi, reposant sur des représentations sociales sexistes, utilisées par les employeurs pour flexibiliser les conditions de travail.

Dernier exemple en date, la RATP, qui s'est distinguée en affirmant dans la revue Rail & Transports, qu'une « meilleure féminisation » implique de répondre à « une volonté du personnel féminin de travailler à temps partiel, ne serait-ce que pour être libre le mercredi ». Le même argument est employé dans la grande distribution où les femmes subissent les pires horaires, dont la fragmentation n'est en aucun cas adaptée à leur vie privée et familiale. Et comment ne pas douter des bonnes intentions affichées par les ressources humaines de l'entreprise quand on sait que la RATP refuse quasi systématiquement d'accorder leur mercredi aux hommes qui le réclament ? Détail qui mérite votre attention, ces femmes seraient bien sûr embauchées en contrat de droit privé et donc plus facilement licenciables, contrairement à nombre de leurs homologues masculins.

Les mesures d'allégement de charges patronales pour les embauches à temps partiel prises par les gouvernements successifs ont ainsi entraîné une précarisation de toute une partie du salariat féminin, alors que les Françaises, depuis l'accélération de leur entrée massive sur le marché du travail à partir des années soixante, avaient opté pour le temps plein.

Preuve supplémentaire s'il en faut du caractère subi de nombre de ces emplois à temps partiel, la plupart d'entre eux sont occupés par des femmes qui n'ont pas encore d'enfants ou qui sont âgées de plus de cinquante ans.

Il serait donc grand temps, si vous souhaitez vous attaquer à l'une des principales causes de l'inégalité entre les sexes dans l'emploi, de mener une politique de l'emploi qui aille au-delà des objectifs de Lisbonne, objectifs simplement quantitatifs, qui ne font pas cas de la qualité des emplois créés.

Votre projet de loi offre une vision très restrictive de la question de l'égalité professionnelle, puisqu'il évacue pour ainsi dire la question des modes de garde, renforçant ainsi les modes de garde privés aux dépens des structures collectives et publiques et qu'il ne prévoit toujours pas de sensibilisation et de formation à l'égalité dans l'enseignement.

Mais revenons à la question des salaires, puisque c'est ce qui nous préoccupe aujourd'hui. En moyenne, dans le secteur privé, les hommes gagnent 40 % de plus que les femmes. Mais ce chiffre n'a été publié nulle part, si l'on excepte le mensuel Alternatives économiques et l'Observatoire des inégalités. Pourtant cet écart de salaires mensuels, tous temps de travail confondus, temps partiel inclus, l'INSEE a la possibilité technique de le calculer, mais il ne le fait pas.

Ce qui devrait nous préoccuper aujourd'hui, c'est ce qui reste aux femmes qui, après un divorce, demeurent employées à temps partiel. Qu'allez-vous faire pour elles ? Rien. L'annonce d'une égalité des salaires d'ici à cinq ans apparaît donc comme un leurre.

Pire encore, les inégalités entre hommes et femmes sur le marché du travail s'accentuent après l'âge de cinquante ans. En effet, les femmes acceptent, pour retrouver un emploi, des salaires moindres que les hommes du même âge et même que les plus jeunes : près d'un quart d'entre elles gagnent moins de 762 euros par mois à temps plein, contre 7 % des hommes du même âge et 15 % des femmes de trente à quarante-neuf ans !

Poursuivons notre analyse : parmi les 750 000 emplois classés comme non qualifiés par l'INSEE créés dans notre pays entre 1994 et 2002, près des deux tiers sont occupés par des femmes. Plus précisément, la plus forte création a concerné des emplois de services : plus de 500 000 postes d'employés non qualifiés ont été créés pendant cette dernière décennie. Or ces emplois cumulent précarité, intensification du travail, faiblesse des rémunérations et possibilités de promotion quasi nulles et sont occupés à près de 80 % par des femmes.

Le projet de loi va-t-il permettre de résorber cette féminisation du sous-emploi ? En aucun cas. Le plan de cohésion sociale proposé par Jean-Louis Borloo permet-il d'envisager une réduction de ces discriminations ? Non plus, car il préconise la multiplication d'emplois non qualifiés à temps partiel.

Le chômage des femmes est plus massif, plus profond et plus structurel que celui des hommes. De ce point de vue, on a clairement vu apparaître au cours de ces vingt dernières années un « sur-chômage » féminin. Le taux de chômage atteint 8,8 % chez les hommes et 11,2 % chez les femmes, beaucoup plus touchées. Les inégalités des parcours scolaires mais aussi les discriminations dans l'emploi sont les deux grandes explications de ces écarts.

De plus, les chômeuses de plus de cinquante ans trouvent plus souvent que les autres des emplois précaires : seulement 36 % d'entre elles sont embauchées en CDI, contre 45 % des hommes. Vingt pour cent des chômeuses de plus de cinquante ans retrouvent un travail dans le cadre d'un contrat aidé. Enfin, 54 % d'entre elles acceptent un temps partiel alors que 85 % des hommes chômeurs du même âge sont embauchés à temps complet.

Les chômeuses âgées acceptent ces conditions d'emploi car elles n'ont pas le choix : elles doivent se maintenir en activité à tout prix, et plus longtemps que les hommes, afin de compenser une carrière souvent plus courte ou à temps partiel, et surtout moins bien rémunérée. Cette génération de femmes a été peu scolarisée et elle est donc moins qualifiée que les suivantes. À terme, ces femmes devront se contenter d'une très maigre retraite et d'une fin de vie entre 500 et 600 euros par mois. Allez-vous combattre cette tolérance sociale du chômage des femmes et son invisibilité dans les statistiques ? Là encore, non !

L'activité des femmes est inégalement répartie selon les catégories socioprofessionnelles. Elles sont surreprésentées dans les professions incarnant les prétendues « vertus féminines » - communication et don aux autres - et de niveau hiérarchique limité : services aux particuliers, employées, professions intermédiaires de la santé et du travail social. Mais elles sont toujours peu nombreuses dans les professions incarnant les « vertus viriles » - force et technicité : ouvriers qualifiés, chauffeurs, policiers, militaires ; ou hiérarchiquement élevées : chefs d'entreprise, ingénieurs et cadres techniques d'entreprise.

De même, la présence de femmes varie selon les secteurs d'activité. Largement majoritaires, à 71,8 %, dans le secteur de l'éducation-santé-action sociale, et dans une moindre mesure dans les activités financières, immobilières, les services ou l'administration, elles se raréfient dans les industries, l'énergie ou les transports et ne représentent plus que 9,7 % dans la construction.

La formation continue permet-elle de résorber cette ségrégation ? Malheureusement non. Globalement, les femmes salariées accèdent autant que les hommes à la formation continue. Mais derrière cette moyenne, les inégalités sont nombreuses. Les taux d'accès à la formation des femmes cadres ou exerçant des professions intermédiaires sont proches de ceux des hommes de mêmes catégories, voire supérieurs car elles travaillent plus souvent dans le public. En revanche, les employées et les ouvrières, nombreuses à exercer des emplois à temps partiel dans le privé, accèdent moins que leurs homologues masculins à la formation. Les contraintes familiales creusent les écarts entre les hommes et les femmes mais aussi entre les femmes : toutes ne trouvent pas les moyens de réorganiser leur vie personnelle pour suivre des formations.

Telles sont, madame la ministre, les caractéristiques les plus saillantes du sujet qui nous préoccupe aujourd'hui. Voici autant d'injustices qui auraient mérité d'être combattues dans le projet de loi. Au terme de cette réflexion, il faut se remettre à l'ouvrage et voter en ces lieux une loi relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes digne de ce nom.

L'égalité entre les sexes, il faut la vouloir mais il faut que tout le monde la veuille sincèrement. Ceux et celles qui détiennent les leviers de l'appareil de production doivent les premiers mettre leurs convictions au service de leurs responsabilités et de leur pouvoir. Pour cela, il faut qu'une loi exigeante les y engage et ce n'est pas le cas, hélas ! avec le texte que vous nous présentez.

L'incantation élégante, ornée de formules généreuses, est une chose, et le volontarisme politique en est une autre. J'en appelle donc à la sagesse de notre assemblée pour adopter cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. le président. Dans les explications de vote sur la question préalable, la parole est à M. Patrick Delnatte, pour le groupe UMP.

M. Patrick Delnatte. Monsieur le président, madame la ministre, notre collègue Jacques Desallangre justifie sa question préalable par un constat sur lequel nous nous accordons tous : les difficultés rencontrées par les femmes sont indéniables. Il en tire la conclusion qu'il n'y aurait pas lieu de délibérer, parce qu'il est sceptique ou parce qu'il considère qu'il faudrait agir autrement.

Pour sa part, l'UMP estime qu'une nouvelle loi est nécessaire car les lois précédentes n'ont pas donné satisfaction - la dernière en date, la « loi Génisson », n'a pas trouvé d'application. L'explication en est simple : les partenaires sociaux ne se sont pas approprié ces textes. Il faut dire qu'ils devaient faire face à d'autres priorités, je pense en particulier aux 35 heures.

De plus, cette loi arrive au bon moment. Le Gouvernement a mené plusieurs actions en ce domaine, dont certaines ont eu pour cadre la loi de cohésion sociale et le « label égalité ». Les partenaires sociaux ont travaillé sur le sujet et sont parvenus à un accord, qui nécessite des dispositions d'ordre législatif, qui figurent dans le projet de loi. Leur position a en quelque sorte mûri. Dès lors, il est indispensable qu'une loi vienne conforter le dialogue social pour permettre des avancées significatives.

Par ailleurs, d'autres éléments créent un contexte favorable, en particulier la démographie.

Dans ces conditions, le groupe UMP, dans une attitude volontariste, souhaite débattre du projet de loi et rejettera donc la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Sur le vote de la question préalable, je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à Martine David, pour le groupe socialiste.

Mme Martine David. Le groupe socialiste votera la question préalable. Les différents constats dressés par M. Desallangre et qui ont d'ailleurs été précédés par l'analyse très complète de Mme Génisson prouvent malheureusement qu'il y a lieu de prendre des mesures volontaristes pour combattre les fortes inégalités qui perdurent entre les femmes et les hommes.

Deux questions se posent : est-ce le bon moment pour légiférer et, surtout, est-ce le bon texte ?

Est-ce le bon moment ? Si je m'en tiens aux indications qui ont déjà été fournies tout à l'heure par Mme Bousquet, sans doute aurait-il mieux valu laisser aller à leur terme les discussions engagées à la suite de l'accord national interprofessionnel du 1er mars 2004. Madame la ministre, puisque vous dites faire confiance aux chefs d'entreprise pour obtenir des résultats probants, pourquoi prenez-vous le risque d'interférer dans ce dialogue entre les partenaires sociaux ?

Est-ce le bon texte ? À l'évidence non, et cela a été rappelé par plusieurs intervenants. Il aborde la question sous le seul angle de l'égalité salariale et ne peut donc répondre aux préoccupations qui sont les nôtres aujourd'hui en matière d'inégalité entre les femmes et les hommes. Par ailleurs, le texte ne traite absolument pas de cet élément déterminant que constitue le temps partiel subi par de très nombreuses femmes. C'est une grave erreur politique. Les femmes attendaient bien plus d'un texte qui avait pourtant annoncé des mesures volontaristes et énergiques qui leur permettraient enfin de sortir de situations sociales et professionnelles inacceptables.

Certes, le taux d'emploi ne fera qu'augmenter en raison du départ à la retraite des générations du baby-boom évoqué dans l'exposé des motifs, mais on ne peut pas s'en tenir à cela. Plus l'insertion des femmes sera encouragée dans tous les secteurs professionnels, plus on tendra vers la parité de rémunération entre les femmes et les hommes. Voilà comment on éradiquera les inégalités que nous constatons tous, mais contre lesquelles, madame la ministre, votre texte n'appelle pas à lutter suffisamment.

Pour toutes ces raisons, et bien d'autres qui pourraient être évoquées, le groupe socialiste votera la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe UDF.

M. Francis Vercamer. Monsieur Desallangre, si nous vous rejoignons sur certaines de vos analyses, nous ne sommes pas d'accord quant aux moyens. Il est important que le Parlement puisse débattre des inégalités qui existent entre femmes et hommes, qu'il essaie de trouver des solutions en amendant le texte, de façon à l'enrichir. Mais repousser l'examen de ce texte aux calendes grecques ne me paraît pas être une bonne idée. Voilà pourquoi le groupe UDF ne votera pas la question préalable. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

Mme Muguette Jacquaint. Monsieur Vercamer, il ne s'agit pas de renvoyer ce sujet aux calendes grecques, puisqu'au dire de Mme la ministre les inégalités salariales qui existent entre les femmes et les hommes devraient avoir disparu d'ici à cinq ans. Qui pourrait d'ailleurs être contre cet objectif ? On peut peut-être aller plus vite. En tout cas, c'est ce que je souhaite, de même que les femmes, car ce sont elles les premières victimes.

Comme je l'ai déjà dit tout à l'heure, le texte de loi qui nous est soumis aujourd'hui prend-il toutes les questions relatives aux inégalités professionnelles à bras-le-corps ? Vous évoquez le texte de M. Borloo sur la cohésion sociale. Relisez donc ce qui est prévu en matière d'emplois : des emplois encore un peu plus précaires et des emplois à temps partiel qui ne feront malheureusement qu'aggraver les inégalités que nous constatons aujourd'hui.

Madame la ministre, vous nous dites qu'en matière d'égalité « quand on veut, on peut ». Mais bien des femmes aujourd'hui veulent l'égalité et elles ne l'ont pas. Il ne faudrait pas culpabiliser les victimes parce qu'elles n'ont pas réussi à obtenir l'égalité professionnelle et salariale. Il faut être très prudent dans la façon dont on dit les choses.

Nous voterons donc la question préalable.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle. Monsieur le président, je souhaite répondre aux orateurs qui sont intervenus à la faveur des deux motions.

D'abord, je leur poserai une question : l'histoire ne leur a-t-elle rien appris ? Les textes successifs qui n'ont jamais soulevé d'opposition conflictuelle dans notre assemblée mais qui ont été totalement dépourvus d'effets ne devraient-ils pas nous inciter à faire preuve d'humilité ? Avançons intelligemment, de façon pragmatique, et profitons du fait que, grâce au travail engagé, les partenaires sociaux sont aujourd'hui déterminés à agir.

M. Richard Cazenave. Très bien !

Mme la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle. Qu'allez-vous dire aux femmes, à celles qui considèrent que le progrès sur l'égalité salariale est fondamental ? Que vous l'avez refusé parce que vous avez préféré vous prononcer sur ce que le texte ne contient pas plutôt que sur ce qu'il contient ?

Mme Martine David. Il y a beaucoup de choses qu'il ne contient pas !

Mme la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle. Seriez-vous par hasard toujours autant attachés au virtuel plutôt qu'au réel ? (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Seriez-vous plus que jamais contre l'idée du dialogue social ?

Mme Martine David. Madame la ministre, ne dites pas n'importe quoi !

Mme la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle. Madame la députée, lorsque je suis arrivée à la tête de mon ministère, j'ai pu observer qu'il n'y avait pas de dialogue social, et vous ne pouvez pas le nier. Je l'ai construit, organisé, accompagné...

Mme Martine David. En somme, vous avez tout fait !

Mme la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle. L'accord interprofessionnel adopté à l'unanimité est un remarquable résultat pour les partenaires sociaux.

Mme Catherine Génisson. En application de quelles lois ?

Mme la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle. Ce résultat nous permet d'espérer aujourd'hui consolider ce dialogue social sans en compromettre l'équilibre.

Vous ne pouvez pas mettre en cause la volonté du Gouvernement. Jamais aucun pays européen n'a fixé un tel délai de cinq ans. C'est un formidable challenge pour les entreprises et la société tout entière. Cinq ans, c'est peut-être long, madame Jacquaint, mais c'est aussi relativement court pour mettre en place ce qui n'a pu être fait en plusieurs décennies.

Je crains que vous n'ayez un peu oublié le passé et que vous n'ayez pas vraiment le sens de l'avenir. La modernité, aujourd'hui, ce n'est pas que la loi prévoie tout et contraigne systématiquement sur tous ses aspects : c'est un partage intelligent entre la responsabilité des acteurs économiques et sociaux et les objectifs de résultat.

M. Daniel Paul. Qu'en termes choisis ces choses-là sont dites !

Mme la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle. Contrairement à ce que vous dites, cette loi comporte des contraintes administratives et financières. Je ne fais pas le pari de l'échec, mais celui de la confiance, et c'est aussi ce qui nous sépare. Je le regrette parce que je crois qu'il y a beaucoup de modernité dans l'idée que la loi est là pour moderniser la société, mais en responsabilisant les acteurs.

Un mot sur le temps partiel. Bien évidemment, c'est un facteur structurant...

Mme Catherine Génisson. Un facteur déstructurant !

Mme la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle. ...au même titre que les cursus scolaires et professionnels, les modes de garde ou l'insuffisant partage des responsabilités familiales. Pensez-vous qu'au détour d'une loi de cette nature qui se suffit à elle-même parce que l'égalité salariale est une exigence portée par des milliers de femmes, on peut réorganiser un mode de travail qui fera l'objet, et je m'y suis engagée, ainsi que Jean-Louis Borloo, d'une négociation avec les partenaires sociaux ? C'est aussi l'esprit de la loi de modernisation du dialogue social qui prévoit que toute réforme de l'organisation du travail doit faire l'objet d'une négociation.

Nous sommes donc bien dans cet esprit de modernité qui vise à construire des démarches partagées, modernes, intelligentes et, surtout, qui répondent aux vraies questions.

Cette loi sur l'égalité salariale se suffit à elle-même et je vous pose à nouveau la question : qu'allez-vous dire aux femmes qui l'attendent ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Mme Martine David. Quelle autosatisfaction !

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin qui a été annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Je vais donc mettre aux voix la question préalable.

Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est ouvert.

..................................................................

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

                    Nombre de votants 76

                    Nombre de suffrages exprimés 76

                    Majorité absolue 39

        Pour l'adoption 27

        Contre 49

L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

Discussion générale

M. le président. Nous allons commencer d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

Je vais d'abord inviter à s'exprimer les deux premiers porte-parole des groupes.

La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

Mme Muguette Jacquaint. Madame la ministre, le sort de nos amendements est-il déjà scellé ? Pourtant, il est important que la discussion ait lieu. Nous n'avons pas encore indiqué notre position quant à votre projet de loi.

Examiner aujourd'hui ce projet de loi pourrait relever d'un paradoxe. En effet, les filles réussissent globalement mieux leur scolarité et effectuent de plus longues études que les garçons. Pourtant, elles n'ont ni les mêmes salaires, ni les mêmes carrières. Qu'il s'agisse des écarts de rémunération, de la position occupée dans l'entreprise ou bien encore des conditions de travail, les disparités de situation entre femmes et hommes demeurent considérables.

C'est pourquoi, madame la ministre, j'ai insisté sur le fait qu'en la matière l'adage « quand on veut, on peut » était dangereux. Qui dans cet hémicycle ne veut pas de l'égalité ? Tout le monde la réclame, mais il faut ensuite une volonté politique pour obtenir des résultats à la hauteur d'un enjeu aussi important pour les femmes et la société dans son ensemble.

Aujourd'hui encore, les garçons sont plus nombreux à se diriger vers des filières d'excellence et les filles ont davantage de difficultés à trouver un emploi à la fin de leurs études : à vingt-cinq ans, le chômage touche 20 % des hommes contre 25 % des femmes. Et elles restent davantage touchées par ce fléau : plus de 10 % des femmes actives sont au chômage. En fin de carrière, elles sont souvent sans emploi, au RMI, parfois même en invalidité. Pour un poste équivalent à temps plein, les femmes gagnent en moyenne 20 % de moins que les hommes dans le privé et 11 % de moins dans le public. Cet écart de salaire s'accroît avec le temps. En début de carrière, garçons et filles sont la plupart du temps au même niveau. Cinq ans plus tard, ce n'est déjà plus le cas : l'écart de salaire est de 25 % et de 40 % si l'on se réfère au salaire réellement perçu, et non plus aux chiffres de l'INSEE qui ne compare que des emplois à temps plein.

Et pour cause : les femmes sont quatre fois plus nombreuses que les hommes à se trouver en situation de sous-emploi, notamment avec l'essor du temps partiel imposé. Le temps partiel concerne 30 % de la population active féminine et seulement 5,5 % de la population masculine. Les études montrent que la progression des bas salaires depuis une vingtaine d'années est intimement liée au développement des emplois à temps partiel. Se développe ainsi une frange de salariés pauvres, qui ne sont ni chômeurs, ni exclus, ni bénéficiaires de minima sociaux, mais qui ne parviennent pas à gagner leur vie en travaillant.

Caissières, vendeuses ou femmes de ménage perçoivent trop souvent un salaire de misère tout en effectuant des horaires éclatés ou décalés. L'exemple des salariées de Carrefour - dont l'ex-PDG, Daniel Bernard, est parti à la retraite avec une indemnité de 38,5 millions d'euros - est à cet égard scandaleux : une caissière à temps partiel gagne à peine 700 euros par mois. Globalement, tous temps de travail confondus, le salaire médian d'un ouvrier est de 789 euros mensuels pour les hommes et de 744 euros pour les femmes. Un écart vertigineux se creuse chez les employés avec 744 euros pour les hommes et 603 euros pour les femmes. Comment vivre avec de tels salaires ? Le temps partiel est bel et bien devenu le moteur du sous-emploi et de la pauvreté dans notre pays. En France, ce sont 3,4 millions de personnes, dont 80 % de femmes, qui touchent un salaire inférieur au SMIC. Rien d'étonnant alors si les retraites féminines sont plus faibles et perçues à un âge plus tardif.

En 2002, sur les trente et une catégories socioprofessionnelles que distingue l'INSEE, les six catégories les plus féminisées regroupaient 60 % de l'emploi féminin. Dans les années quatre-vingt, ce taux était seulement de 52 %. Il s'agit des employés, dans la fonction publique ou dans les entreprises, des métiers du commerce, du personnel de services aux particuliers, des instituteurs et des professions intermédiaires de la santé. Pour expliquer cette féminisation récurrente, il faut faire appel à une vision sexiste du travail, qui prête aux femmes des caractéristiques spécifiques - la docilité, la finesse, la capacité d'effectuer de petits travaux -, propre à la culture archaïque de certains patrons, français ou autres.

Ces inégalités ne diminuent pas quand on monte dans la hiérarchie : une dirigeante de société gagne en France un tiers de moins que son homologue masculin. Les plus lésées sont les femmes cadres. Plus on s'élève dans la hiérarchie, plus la différence de salaire est importante : de 9 % au niveau des employés, elle atteint 24 % chez les cadres. Dans ces cas précis, il convient de considérer les avantages périphériques à la rémunération, c'est-à-dire les bonus, les primes, petits à-côtés ou gros avantages en nature, dont les hommes bénéficient en plus grand nombre, à moins qu'ils ne les négocient. De même, faute de mesure fiable et objective de la productivité, l'évaluation de la performance de chacun repose sur la notion floue et subjective d'engagement ou de motivation. Du coup, les critères d'appréciation font la part belle au nombre d'heures passées au bureau, qualité évidemment masculine !

Devant une telle situation, depuis plus de vingt ans, nombreuses sont les dispositions législatives qui ont eu la prétention de supprimer les inégalités professionnelles entre femmes et hommes, de la loi du 13 juillet 1983 à la loi du 9 avril 2001, dite loi Génisson. Cette apparente volonté de résoudre le problème des discriminations à l'encontre des femmes au travail correspond à un mouvement législatif qui dépasse le simple cadre national. En effet, les différents textes se sont appuyés sur des traités internationaux, notamment européens, tels que l'article 119 du traité de Rome, la directive européenne CEE/75/117 du 10 janvier 1975 sur l'égalité de rémunération pour un travail de valeur égale, ou encore l'article 2.2 du traité d'Amsterdam par lequel l'Union européenne a prétendu œuvrer contre les discriminations professionnelles entre les sexes. Les dispositifs se sont pourtant révélés largement insuffisants, tout comme la mise en application des mesures les plus positives, surtout, je le répète, par manque de volonté politique. À une exception près, qui a d'ailleurs fait l'objet d'une longue discussion : l'autorisation du travail des femmes dans l'industrie, disposition qui a été transposée en droit français. Mais, pour tout ce qui va dans le sens de l'amélioration, c'est tout de même plus compliqué.

En ce qui concerne les mesures de progrès, leur mise en œuvre souvent hypothétique tient à leur caractère peu ou pas contraignant. L'adoption en mars 2004 d'un accord interprofessionnel pour lutter contre les inégalités entre les hommes et les femmes, et à présent ce projet de loi nous permettent de relancer le débat.

Dans quel contexte s'inscrit ce texte ? Avec le départ à la retraite des générations du baby-boom - environ 150 000 personnes par an à partir de 2006 - l'économie a besoin de main-d'œuvre renouvelée. Il est tout de même décevant qu'il faille attendre de se rendre compte que l'économie a besoin des femmes pour se préoccuper des injustices qu'elles subissent. Le taux d'activité des femmes est en augmentation constante. Entre 1975 et 2003, il est passé de 51,5 % à 63,4 %, tandis que celui des hommes diminuait de 82,5 % à 75,1 %. C'est donc chez les femmes qu'il faut rechercher des ressources de main-d'œuvre disponible, mais pas seulement. Il faut reconnaître enfin leur rôle social, économique et politique.

Lisbonne s'est fixé comme objectif de faire croître le taux d'emploi de 61 % à 70 % à l'horizon 2010 ; pour les femmes, ce taux devrait passer de 51 % à plus de 60 %. Le traité constitutionnel, reprenant les mêmes ambitions, parle de « niveau d'emploi élevé » sans jamais évoquer le chômage, qui touche majoritairement les femmes, ni les autres formes d'inégalités professionnelles.

Afin de satisfaire ces ambitions, vous poursuivez quatre objectifs : premièrement, supprimer les écarts de rémunération dans un délai de cinq ans en recourant à la négociation dans les branches professionnelles et dans les entreprises à partir d'un diagnostic établi sur la base d'indicateurs précis ; deuxièmement, réconcilier vie professionnelle et vie familiale en renforçant les droits des femmes en congé de maternité, notamment en matière de salaire, de congés et de protection contre les discriminations ; troisièmement, promouvoir l'accès des femmes aux instances délibératives et juridictionnelles en assurant une représentation plus équilibrée des femmes et des hommes dans les conseils d'administration des entreprises publiques - mais, une fois encore, pour cette loi comme pour les autres, qui va en contrôler l'application ? - ; quatrièmement, améliorer l'accès des jeunes filles et des femmes à l'apprentissage et à l'offre de formation professionnelle initiale et continue en incitant les partenaires de la formation professionnelle à mieux prendre en compte l'exigence de mixité.

Ce projet de loi prétend donc concilier l'objectif de croissance et d'emploi avec l'impératif affiché de justice et de cohésion sociale. Il devrait permettre de consolider au sein de l'Union européenne un modèle social qui allie emploi des femmes et taux de natalité élevé. Or un taux d'emploi élevé ne signifie pas forcément des emplois stables, bien rémunérés, avec des évolutions de carrière intéressantes. Tant que le travail occupé par un grand nombre de femmes sera précaire, on pourra sans doute augmenter le nombre d'emplois offerts, mais pour quel salaire ? Ce n'est pas en proposant une rémunération de 500 ou 600 euros que l'on mettra un terme aux inégalités sociales auxquelles les femmes sont aujourd'hui confrontées.

Il n'y a là rien d'étonnant à ce paradoxe : vos mesures ne font que traduire un affichage social d'un libéralisme, jamais contesté sur le fond, qui génère chômage, précarité, exploitation croissante des salariés. Il ne faut pas perdre de vue que, si les inégalités professionnelles entre hommes et femmes sont le résultat d'une conception machiste de l'ordre social, ils sont aussi le fruit de la politique libérale qui charrie tous les jours davantage de précarité dans l'emploi, qui frappe prioritairement les femmes. Ce sont toujours elles les premières touchées par la régression sociale.

M. Jacques Desallangre. Très juste !

Mme Muguette Jacquaint. Ainsi, la réforme de la retraite, avec le passage des dix meilleures années aux vingt-cinq meilleures années, a induit une véritable catastrophe sociale parmi les retraités pauvres, c'est-à-dire ceux qui perçoivent moins que le minimum vieillesse.

M. Jacques Desallangre. Hélas !

Mme Muguette Jacquaint. Or huit sur dix sont des femmes. En toute logique, lutter contre ces inégalités professionnelles aurait nécessité avant tout de s'attaquer à la précarisation de l'emploi qui touche les femmes.

Mais votre texte ne va pas si loin. Il manque d'ambition et prévoit d'emblée son échec. Il renvoie en effet à plus tard d'éventuelles sanctions financières à l'encontre des employeurs qui n'auraient toujours pas ouvert de négociations et les délais qu'il prescrit pour sa réalisation sont peu ambitieux, puisqu'il fixe l'échéance à 2010 : nous constaterons sans doute alors la mise en œuvre insuffisante, voire l'échec, des mesures adoptées.

Madame la ministre, vous avez dit convaincre, plutôt que contraindre. Mais on va quand même donner aux entreprises 400 euros par personne en vue de favoriser l'égalité professionnelle !

M. Jacques Desallangre. Cette mesure mérite un retour !

Mme Muguette Jacquaint. Ça doit être donnant donnant ! En l'absence de toute contrainte, autant donner directement cette somme aux salariées qui réclament une plus grande égalité salariale !

Je souhaiterai, pour terminer, illustrer mon propos par deux exemples qui prouvent que, quand on veut, on peut !

M. le président. Il est temps de conclure, madame Jacquaint !

Mme Muguette Jacquaint. J'en ai presque terminé, monsieur le président.

Le premier concerne Mme Djennet Harba, analyste financière à la Fédération nationale de la mutualité française, qui a été congédiée après avoir attaqué son employeur devant les prud'hommes pour discrimination salariale. Le 28 novembre 2000, la Cour de cassation a annulé son licenciement. Le 30 mai 2002, la cour d'appel de Versailles a condamné la FNMF à lui verser une indemnité.

Le second exemple concerne Mme Florence Buscail : le 30 mai 2003, la cour d'appel de Montpellier a donné gain de cause à cette agent de fabrication entrée dix-sept ans plus tôt chez IBM France - entreprise qui fait actuellement beaucoup parler d'elle. La cour a jugé anormal qu'elle n'ait pas été promue cadre, contrairement aux seize hommes qui avaient été embauchés en même temps qu'elle et à compétences égales. Oui, IBM était reconnue coupable de discrimination sociale ! Mais IBM n'est pas à cela près !

M. Jacques Desallangre. Malheureusement !

Mme Muguette Jacquaint. Le 8 mars dernier, pour la Journée internationale des femmes, cette firme a annoncé la suppression de 1 075 emplois, dont plus de 50 % sont occupés par des femmes !

M. Jacques Desallangre. Bonne fête !

Mme Muguette Jacquaint. Telle est la raison pour laquelle nous souhaitons que le projet de loi s'attaque réellement aux inégalités professionnelles et salariales. Nous avons déposé à cette fin des amendements, dont un grand nombre fait suite aux recommandations de la délégation aux droits des femmes ou des organisations syndicales. Nous déterminerons notre vote en fonction du sort qui sera fait à nos amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise de Panafieu, pour le groupe UMP.

Mme Françoise de Panafieu. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avec le projet de loi relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, c'est une nouvelle étape vers l'égalité professionnelle qui nous est proposée de franchir aujourd'hui.

Reconnaissons, madame la ministre, que, depuis votre prise de fonctions en 2002, vous vous êtes fortement engagée pour que la politique menée par le Gouvernement vise le bien des femmes et de la société dans son ensemble.

Nul n'ignore ce que nous devons aux féministes des trois derniers siècles : sans elles, les droits des femmes, qui sont encore loin d'être parfaits - chacun le sait -, ne seraient pas devenus ce qu'ils sont aujourd'hui. Il a fallu changer les lois, et c'est ce que faisons de nouveau en légiférant sur l'égalité salariale.

On ne saurait ignorer les aspects positifs de la situation française : nous sommes l'un des pays européens où les femmes travaillent le plus - 80 % des femmes entre dix-neuf et quarante-neuf ans - et où le taux de natalité est le plus élevé après l'Irlande. Mais le revers de la médaille, c'est qu'en dépit de l'inscription du principe de l'égalité de rémunération dans notre code du travail et dans les traités communautaires, l'écart de salaire entre les femmes et les hommes est de 26 % en moyenne !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. C'est un chiffre global !

Mme Françoise de Panafieu. Il convient de souligner également que 80 % des salaires mensuels inférieurs au SMIC sont perçus par les femmes et que plus on s'élève dans la hiérarchie, plus les femmes se font rares : seulement 6 % de femmes dans les équipes dirigeantes des 5 000 plus grandes entreprises françaises et 13 % dans les emplois supérieurs de la fonction publique ! Le traitement réservé aux femmes, madame la ministre, ne dépend donc pas seulement des mesures prises par les pouvoirs publics, mais également des mentalités. Or, il semble bien que, pour les faire évoluer en la matière, il faille passer par la loi.

Dès votre prise de fonctions, vous avez tracé les grandes lignes de votre action, que vous avez traduites en vingt-cinq propositions.

En 2004, vous avez créé le « label égalité », qui récompense l'exemplarité des pratiques d'égalité professionnelle. Le groupe PSA Peugeot-Citroën a été la première entreprise labellisée en raison des avancées opérées et des engagements pris.

Certes, il est sans doute plus facile aux grandes entreprises qu'aux PME de prendre des initiatives en ce domaine. C'est pourquoi il faut aider les petites et moyennes entreprises à aller dans la même direction : elles pourront ainsi recruter, elles aussi, des femmes de qualité.

Dans la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005, que j'ai eu l'honneur de rapporter, nous avons adopté des mesures facilitant le retour des femmes dans l'entreprise après leur congé de maternité. Avoir un enfant ne doit plus être considéré comme une prise de risque professionnel insupportable dans une carrière. L'Allemagne, qui aujourd'hui regarde notre modèle de près, l'Espagne et l'Italie, qui ne l'ont pas encore compris, subissent de plein fouet une crise démographique qui hypothèque gravement leur avenir. Certes, nous faisons mieux en la matière, mais nous ne remplaçons pas non plus les générations : nous avons donc une obligation de résultat.

Ce projet de loi a une originalité : pour la première fois, les partenaires sociaux se sont prononcés en faveur de mesures ponctuelles visant à favoriser le rattrapage des salaires. Le texte permet ainsi la traduction législative de certaines des recommandations figurant dans l'accord, en leur donnant une force juridique supérieure. La signature de cet accord prouve que les choses évoluent dans le monde de l'entreprise de façon positive, mais une démarche volontariste demeure nécessaire.

Ce projet de loi, loin d'être en rupture avec les textes précédents, est dans la continuité de la loi Roudy de 1983, de la loi Génisson de 2001 - je salue la présence de Catherine Génisson dans l'hémicycle -, de la directive européenne de 1976 modifiée par celle de septembre 2002 et du traité d'Amsterdam de 1997, qui apporte un fondement juridique à l'interdiction des discriminations salariales à travail égal entre les femmes et les hommes. Il entend insuffler une nouvelle dynamique de dialogue social en faveur de l'égalité salariale en mettant en place, par rapport aux lois précédentes, de nouveaux instruments visant à encourager plus fortement la négociation.

Quels sont-ils ?

Au niveau des branches, il n'y aura pas d'extension des accords si l'égalité salariale n'est pas prise en compte dans les négociations sur les salaires. Au niveau des entreprises, les accords salariaux ne seront pas enregistrés si aucun engagement n'est pris pour réduire les écarts salariaux. Cet outil est dissuasif puisqu'un chef d'entreprise ne prendra pas le risque de voir remis en cause un accord obtenu au terme d'une négociation difficile faute d'avoir abordé la question du rattrapage salarial.

Dans les deux cas, la négociation doit s'appuyer sur un diagnostic précis et détaillé de la situation qui sera établi dans le cadre du rapport sur la situation comparée dans les entreprises prévu par la loi Génisson. Mais le texte propose d'enrichir celui-ci par la prise en compte des actions engagées par 1'entreprise en faveur d'une meilleure conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle.

Par ailleurs, il élargit le champ de l'analyse du salaire aux éléments périphériques que sont l'intéressement, la participation et les avantages en nature - disposition qui se révèle particulièrement nécessaire pour comparer entre eux les salaires des cadres.

Mais le projet de loi ne se limite pas au seul aspect salarial : il met en œuvre des mesures très positives en vue de favoriser une meilleure conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle.

Ainsi, en direction des salariées, il prévoit de majorer l'allocation de formation quand cette formation est suivie hors du temps de travail et qu'elle génère des frais de garde d'enfant. Il neutralise également les effets du congé de maternité en termes de progression des salaires.

En direction des entreprises, il crée une aide financière de 400 euros en vue d'aider au remplacement d'une salariée partie en congé de maternité. Pour les petites entreprises, l'absence d'un salarié est une contrainte lourde à gérer : c'est pourquoi le projet de loi crée un crédit d'impôt pour les entreprises qui mettent en place une action de formation pour les salariés revenant d'un congé parental.

Mais, madame la ministre, l'égalité professionnelle passe aussi, et peut-être surtout, par l'exemple : d'où la nécessité d'une présence plus importante des femmes aux plus hauts postes dans l'administration et les syndicats.

Mme Catherine Génisson. C'est vrai !

Mme Françoise de Panafieu. Nous sommes souvent nos meilleures avocates.

L'État doit donner le bon exemple en termes de mixité. Le projet de loi fixe à cinq ans la réalisation d'un objectif concernant le taux de féminisation à atteindre dans les conseils d'administration des entreprises publiques, s'agissant des personnes nommées par les ministres. Nous avons également adopté en commission un amendement prévoyant que le nombre des représentants du même sexe dans un conseil d'administration ou de surveillance d'une entreprise publique ne peut être supérieur à 80 % - ce qui nous paraît un minimum minimorum. Par ailleurs, et si l'on veut que les choses avancent, il convient de pouvoir s'appuyer sur des femmes qui sont à des postes clefs. C'est ainsi que notre commission a voté un premier amendement sur la composition des listes des délégués du personnel et des comités d'entreprise, visant à ce que, dans chaque collège électoral, la proportion de femmes et d'hommes soit respectée, et un second sur le renouvellement des conseils de prud'hommes : la loi Génisson avait exigé la réduction de l'écart entre hommes et femmes d'un tiers ; cet amendement prévoit un tiers supplémentaire.

Le travail à temps partiel, trop subi, que nous avons été nombreux à évoquer, pénalise également un grand nombre de femmes. La délégation aux droits des femmes, dont je salue la remarquable présidente, Marie-Jo Zimmermann (Mme Chantal Brunel applaudit), a particulièrement analysé ce sujet dans son dernier rapport. Je me contenterai de relever deux chiffres : 80 % des travailleurs à temps partiel sont des femmes et deux tiers des travailleurs à temps partiel souhaiteraient travailler davantage.

Le travail à temps partiel cantonne les femmes dans des métiers peu rémunérés, qui leur imposent une organisation compliquée lorsqu'elles ont des enfants, des rythmes irréguliers, de fortes amplitudes horaires - c'est notamment le cas dans la grande distribution -, ou encore une protection sociale insuffisante. II faut savoir qu'une durée d'activité inférieure à 800 heures par an - soit un mi-temps - ne permet pas de valider quatre trimestres pour la retraite. Un grand nombre de ces femmes percevront donc le moment venu le minimum vieillesse.

Madame la ministre, vous avez annoncé que ce sujet ferait l'objet de concertation entre les partenaires sociaux dans les prochaines semaines : il convient de trouver un juste équilibre, car beaucoup de secteurs fonctionnent de façon structurelle avec des salariés à temps partiel.

On le voit, la route vers l'égalité professionnelle est encore longue. Ce projet de loi va dans le bon sens et complète les mesures qui ont été adoptées et les dispositifs qui ont été mis en place depuis plusieurs années.

Mais défendre l'égalité professionnelle, ce n'est pas nier la spécificité des identités féminine et masculine, qui doivent être respectées, appréciées et promues sur un pied d'égalité.

Nous comptons sur vous, madame la ministre, et vous savez que vous pouvez compter sur l'appui du groupe UMP pour continuer de promouvoir inlassablement les femmes et leur assurer une juste place - juste une juste place, oserai-je dire - dans notre société qui doit faire encore bien des progrès. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La suite de la discussion du projet de loi est renvoyée à la prochaine séance.

    5

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de la discussion du projet de loi, n° 2214, relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes :

Rapport, n° 2282, de M. Édouard Courtial, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales ;

Rapport d'information, n° 2243, de Mme Marie-Jo Zimmermann, au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quarante-cinq.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot