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Cahier annexe : articles, amendements, autres annexes
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Première séance du mardi 14 juin 2005

223e séance de la session ordinaire 2004-2005



PRÉSIDENCE DE M. MAURICE LEROY,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

    1

DROIT DE PRÉEMPTION DES LOCATAIRES
EN CAS DE VENTE D'UN IMMEUBLE

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de Mme Martine Aurillac et plusieurs de ses collègues relative au droit de préemption des locataires en cas de vente d'un immeuble (nos 2063, 2364).

La parole est à M. Christian Decocq, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

M. Christian Decocq, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Monsieur le président, madame la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, monsieur le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, mes chers collègues, depuis 1982, la location à usage d'habitation principale, ou à usage mixte professionnel et d'habitation, est soumise à un régime spécifique qui a été élaboré par essais successifs et qui tente d'établir un équilibre entre les droits du propriétaire bailleur et les droits du locataire - c'est notre ligne directrice.

Cependant, si la relation entre bailleur et locataire est ainsi caractérisée par une protection de la partie faible et une grande prévisibilité de l'occupation du locataire, il n'en demeure pas moins des failles que certaines tensions existant sur le marché de l'immobilier peuvent révéler. C'est le cas depuis quelques années, les prix de l'immobilier en France se caractérisant par une hausse continue : 70,6 % de 1998 à 2004. Et c'est notamment le cas en ce moment, à l'occasion des ventes par lots qui sont une pratique ancienne, mais dont l'usage en période de prix élevés place le plus souvent les locataires devant un douloureux dilemme : exercer leur droit de préemption sur le local loué à un prix souvent trop élevé ou devoir partir à l'échéance du bail.

La proposition de loi présentée par Mme Martine Aurillac et plusieurs de ses collègues a pour objet de répondre à ce problème des ventes par lots.

Les ventes par lots sont l'une des deux modalités de cession d'un immeuble, la seconde étant la vente en bloc.

Je ferai quelques observations sur la vente par lots.

D'abord, cette pratique n'est pas nouvelle. Une étude effectuée par la chambre des notaires de Paris sur les ventes par lots dans Paris de 1992 à 2004 a montré la persistance de ce phénomène qui a connu des oscillations : entre un peu moins de 10 % et un peu plus de 18 % de l'ensemble des ventes d'appartements anciens dans la capitale avec à un pic, à la fin des années quatre-vingt-dix, avec près de 7 000 logements, puis un tassement autour de 4 500 ventes annuelles.

Cette étude a souligné que « si on compare strictement le prix au mètre carré, les appartements vendus à la découpe sont en moyenne moins chers que les autres ». Même si cela mérite d'être affiné, cela démontre néanmoins une tendance à la convergence des prix des appartements vendus par lots et des autres appartements anciens mis sur le marché. Mais ce qui est clair, c'est que les appartements vendus par lots ne pèsent pas spécifiquement sur la hausse des prix de l'immobilier.

Ensuite, le phénomène des ventes par lots a changé de nature depuis trois ans. Les investisseurs institutionnels ont, en effet, effectué un arbitrage sur leur patrimoine immobilier à partir du moment où la Bourse a baissé.

Les obligations de résultats sont annuelles. Le patrimoine est devenu une sorte de variable d'ajustement des comptes : il faut vendre vite, en bloc, à un intermédiaire qui vend ensuite au détail.

Le rôle de ces détaillants est souvent stigmatisé. Ceux-ci sont accusés de faire augmenter les prix. Pourtant, la personne procédant à l'opération de vente par lots apporte un surcroît d'offre sur le marché. Une augmentation de l'offre devrait être un facteur non pas de hausse des prix, mais de baisse de ceux-ci. En revanche, une augmentation de la demande est un facteur de hausse des prix, et c'est bien ce que l'on observe en ce moment.

La seule hypothèse dans laquelle les ventes par lots produisent un effet haussier correspond à des ventes par lots massives dans un quartier et sur un secteur du marché où il n'y a pas ou très peu d'offre. En effet, dans de tels cas, le vendeur par lots crée le prix en même temps qu'il crée l'offre.

D'où vient cette protestation des locataires, qu'il importe de comprendre afin de pouvoir y apporter une réponse adaptée ? Elle s'explique par deux raisons majeures.

La première, qui part de données objectives, est le manque de moyens pour devenir propriétaire à ces prix.

La seconde raison est plus subjective, mais joue un rôle décisif dans l'incompréhension qui se crée entre le bailleur vendeur et le locataire. Les locataires ne comprennent pas qu'une société qui a racheté en bloc l'immeuble à un certain prix au mètre carré revende appartement par appartement à un prix beaucoup plus élevé - le différentiel est en moyenne de 30 % et dépasse quelquefois 50 %. C'est en fait une question économique. L'intermédiaire a payé moins cher parce qu'il a tout payé en une seule fois et rapidement, tandis que, lorsqu'il vend par appartements, la procédure est beaucoup plus lente - deux ans en moyenne - et les biens sont soumis à l'évolution des prix intervenant durant le délai entre la première transaction en bloc et la deuxième transaction par lots. Ainsi, à Paris, les prix de vente des appartements anciens vendus libres ont augmenté de 14,2 % en 2004 et de 11,8 % en 2003.

Il est économiquement impossible d'empêcher un écart de prix entre une vente en bloc d'un immeuble et une vente par lots des appartements de l'immeuble. Toute tentative juridique en ce sens ne pourrait que conduire à administrer les prix du marché ou les prix de l'un des segments du marché.

En revanche, si l'on analyse le problème posé par les ventes par lots, il se résume en fait à celui des locataires qui, dans le cadre de ces ventes, reçoivent un congé pour vente et sont obligés de partir à l'échéance de leur bail sans l'avoir souhaité. Bien sûr, des protections existent : législatives, juridictionnelles et conventionnelles.

La protection conventionnelle est celle qui nous occupera ce matin. Relativement récente, elle a été rendue possible par la loi du 23 décembre 1986 qui a créé une commission nationale de concertation permettant de conclure des accords à l'échelle nationale entre les organisations représentatives des bailleurs et les organisations représentatives des locataires.

Ainsi a été conclu, le 9 juin 1998, un accord collectif relatif aux congés pour vente par lots aux locataires dans les ensembles immobiliers d'habitation. Cet accord a porté sur des points essentiels : l'information, les délais, la transmission des droits de préemption, les obligations de relogement et les obligations de renouvellement du bail.

Pour répondre encore plus efficacement aux craintes des locataires des immeubles concernés par ces ventes par lots, M. Marc-Philippe Daubresse, précédent ministre délégué au logement et à la ville, a conclu un nouvel accord le 16 mars 2005, qui améliore et étend les garanties. Celles-ci sont détaillées dans le rapport.

En outre, le nouvel accord collectif précise que le non-respect du droit à la prorogation du bail ou à la transmission du droit de préemption, de l'obligation de relogement ou de l'obligation de renouvellement du bail entraîne la nullité du congé pour vente.

Il est donc possible d'affirmer que les accords collectifs de location permettent de répondre à l'essentiel des problèmes posés par les congés pour vente par lots.

Cependant, en dépit de ces avancées, trois des cinq associations représentatives des locataires ont signifié au ministre délégué au logement et à la ville leur opposition à une extension par décret de ce nouvel accord à l'ensemble des logements relevant des deuxième et troisième secteurs locatifs.

Dès lors, se pose la question de savoir s'il est pertinent de maintenir un système de majorité d'opposition à l'extension par décret des accords collectifs de location.

Plus généralement, l'actualité de la question des ventes par lots a incité les principaux groupes politiques à témoigner de leur volonté de répondre à ce problème en déposant des propositions de loi après Mme Aurillac : le groupe socialiste le 3 mars, le groupe communiste le 10 mars et, enfin, le 11 mai 2005, notre collègue Patrick Beaudouin.

L'examen de la proposition de loi socialiste par la commission des lois de l'Assemblée nationale a donné lieu à la rédaction d'un rapport par notre collègue Jean-Yves Le Bouillonnec, qui a permis d'éclairer le phénomène des ventes par lots et les mesures que le groupe socialiste proposent. Ces mesures, fort nombreuses et quelque peu hétéroclites, sont pour certaines d'entre elles intéressantes, même si d'autres sont manifestement excessives - nous en reparlerons lors de la discussion des amendements.

En résumé, toutes les auditions, constats et propositions faits vont dans le sens d'une double démarche qui consiste à la fois à aider les locataires qui souhaitent acquérir leur logement et à protéger ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas se porter acquéreurs. C'est le sens de la proposition que nous examinons ce matin.

Votre rapporteur, qui a travaillé en concertation avec Mme Aurillac, vous propose de prévoir que le droit de préemption du locataire puisse s'exercer lors de toute vente en bloc à un acheteur qui ne s'engagerait pas, par une clause expresse figurant dans l'acte de vente, à maintenir la vocation locative de l'immeuble pendant une durée minimale.

Dans la mesure où les acheteurs d'immeubles en bloc sont des personnes morales et où la durée minimale d'un bail conclu par une personne morale est de six ans, il semble cohérent d'exiger de la part de l'acheteur un engagement à maintenir l'immeuble sous statut locatif pendant six ans.

Cette obligation de maintien sous statut locatif sera respectée dès lors qu'elle concernera les logements effectivement occupés au moment de la conclusion de la transaction. À défaut de respect de cette clause mentionnée dans le contrat de vente, ladite vente serait nulle et de nul effet, et la propriété de l'immeuble reviendrait au vendeur. D'autre part, un acheteur ne souhaitant pas souscrire à une telle clause lors de la vente verrait les locataires avoir priorité sur lui dans l'achat des locaux qu'ils occupent.

Ce dispositif vise à aider les locataires qui veulent acheter. Encore faut-il aussi protéger ceux qui ne peuvent pas ou ne veulent pas acheter.

Pour ce faire, nous proposons de permettre l'extension des accords collectifs conclus au niveau national. En effet, l'opposition d'une majorité d'organisations représentatives des locataires porte préjudice à l'ensemble des locataires dont les immeubles sont possédés par des investisseurs des deuxième et troisième secteurs locatifs.

Pour éviter un tel blocage et permettre l'extension des accords conclus, il convient de remplacer la possibilité d'une opposition de la majorité des organisations par une consultation simple des organisations non signataires de l'accord, permettant au ministre d'évaluer précisément les raisons de leur opposition et de décider ainsi en toute connaissance de cause si l'extension de l'accord est souhaitable.

Dans le même temps, nous proposons de renforcer les sanctions en cas de non-respect de cet accord.

Il est possible de combiner l'extension facilitée d'un accord conclu dans le cadre de la commission nationale de concertation avec la possibilité pour le juge compétent de prononcer une amende à l'encontre de tout bailleur qui ne respecterait pas les dispositions obligatoires de l'accord. Le rapport propose de fixer cette amende à un niveau élevé afin qu'elle soit pleinement dissuasive.

Ainsi, le texte est ciblé sur l'intérêt des locataires, qu'ils souhaitent ou non acquérir un logement, et il s'efforce de respecter l'équilibre construit par les législations précédentes. Il répond aussi à la spécificité de la vente par appartements qui nous préoccupe particulièrement en ce moment. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Madame la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, souhaitez-vous vous exprimer dès à présent ?

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Non, monsieur le président, je préférerais intervenir après la discussion générale.

M. le président. Soit, madame la ministre.

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Martine Aurillac.

Mme Martine Aurillac. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, nous sommes tous préoccupés depuis plusieurs mois par les conséquences de la politique de certaines ventes en bloc, appelées par antiphrase « ventes à la découpe », pratiquée par les investisseurs institutionnels, les compagnies d'assurances, les banques - y compris la Banque de France -, et même certaines municipalités, et non des moindres - je n'aurai pas la cruauté de revenir sur l'opération de la ville de Lyon.

Non que cette pratique soit nouvelle, le rapporteur l'a d'ailleurs souligné, ni même qu'elle ait globalement augmenté, mais elle s'est considérablement développée sur certains sites, notamment dans les grandes villes, engendrant des effets très pervers.

Elle consiste à vendre un immeuble en bloc, souvent après appel d'offres, à un intermédiaire qui agit en marchand de biens, le revend à un autre intermédiaire, parfois dans un délai extrêmement court, et ainsi de suite jusqu'à la phase finale, qui est la revente au détail dite « à la découpe ».

En l'état actuel du droit, il arrive souvent que les locataires « vendus » - pour ainsi dire - avec l'immeuble ne soient même pas informés et ne disposent pas du droit de préemption prévu par la loi du 31 décembre 1975 modifiée en 2000, sauf dans la phase ultime et au prix exorbitant qu'atteint alors l'immeuble. Beaucoup, bien sûr, doivent renoncer à acheter. Devant ce fléau qui frappe les familles, les personnes âgées et, de façon générale, les classes moyennes, deux réactions sont possibles.

La première étend l'information et le droit de préemption dès la première vente, en organisant une « copropriété préventive », naturellement au prix de cette vente. Une telle mesure supprime la plus-value purement spéculative, totalement injustifiée car sans aucune valeur ajoutée, que réalisent aujourd'hui les intermédiaires marchands de biens. Elle respecte le droit de propriété. C'est ce que permet la proposition de loi, datée de février 2005, que j'ai déposée dès janvier avec plus de cent cinquante collègues représentant toutes les régions de France.

La deuxième réaction, qui est complémentaire, est une réponse immédiate de protection sociale. Elle comporte des mesures atténuant la rigueur de la vente, sans faire disparaître l'essentiel de la plus-value : maintien dans les lieux d'une personne âgée de plus de soixante-dix ans ou de personnes fragilisées par leur état de santé, protection par des délais supplémentaires d'ancienneté dans la limite de trente mois, prolongation pour une fin d'année scolaire en cours, proposition de relogement des locataires dont les revenus sont inférieurs à 6 300 euros, entre autres. Ces mesures, qui sont loin d'être négligeables, ont fait l'objet d'une convention fort utile, négociée entre les organisations de bailleurs et de locataires avec l'appui du Gouvernement, en la personne de M. Marc-Philippe Daubresse. Malheureusement, comme l'a expliqué M. le rapporteur, cet accord du 16 mars dernier a été dénoncé.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Pas exactement : il y a seulement eu un refus d'extension !

Mme Martine Aurillac. Il faut donc en venir à la loi, en utilisant les deux formules. Tel est l'objet de ma proposition, reprise par le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Ses principes sont clairs : supprimer, autant que faire se peut, les plus-values purement spéculatives, étendre l'accord de protection sociale du 16 mars, renforcer les sanctions, favoriser ainsi l'accession à la propriété, mais aussi protéger ceux qui ne peuvent pas y accéder.

Vous en conviendrez, l'exercice est difficile, d'autant que nous ne pouvons pas nous affranchir des principes constitutionnels que sont le droit de propriété et la non-rétroactivité.

De plus, les mesures doivent être équitables et équilibrées. Elles doivent permettre l'extension du droit de préemption, certes, mais elle ne doivent pas empêcher un institutionnel ou une compagnie d'assurance de réaliser une partie de son patrimoine si nécessaire - ce qu'autorisait la proposition socialiste qui nous a été soumise le 10 mai dernier et qui bloquait totalement le jeu du marché en rigidifiant un système dont la fluidité est absolument nécessaire. Nous devons protéger les locataires, certes, mais nous ne devons pas pour autant défendre des rentes de situation abusives.

Notre commission a donc travaillé beaucoup dans ce sens, avec son rapporteur, en modifiant le texte sans le dénaturer.

Dans sa nouvelle rédaction, l'article 1er autorise une vente en bloc avec engagement exprès de l'acquéreur de maintenir l'immeuble sous statut locatif pendant six ans. En cas de vente par lots, le prix d'achat et les conditions de la vente doivent être notifiées aux locataires, et cette notification vaut offre de vente. Aux fins de l'exercice du droit de préemption, le bailleur établit et transmet à chacun des locataires ou occupants de bonne foi un règlement qui leur permettra de désigner ultérieurement leur syndic lors de la première assemblée générale et qui réglera les rapports entre tous les copropriétaires si l'un au moins des locataires ou occupants de bonne foi réalise un acte de vente.

Ces dispositions ne doivent pas faire obstacle aux opérations d'aménagement urbain ni toucher les toutes petites propriétés ou copropriétés privées qui ne comprennent que très peu de logements.

L'article 2 doit être remplacé par l'ensemble des mesures sociales que nous avons évoquées. Dans tous les cas, nous avons souhaité qu'un amendement permette que soit accordé à tous un minimum de deux ans de maintien dans les lieux.

L'article 3 prévoit des sanctions.

En outre, un avantage fiscal aux personnes qui achètent un logement en s'engageant à prolonger le bail de l'occupant serait une mesure supplémentaire si le Gouvernement voulait bien lever le gage, pour faire droit aux dispositions de l'article 40 de la Constitution.

J'ai pris attentivement connaissance de certaines réactions excessives de locataires qui étaient probablement mal informés.

M. Jean-Louis Dumont. Les choses seraient tellement plus simples sans eux !

Mme Martine Aurillac. Je rappelle à ce sujet qu'aucune personne âgée, aucun malade ni aucun invalide ne pourront être expulsés, contrairement à ce qui a été écrit ici ou là. Des délais supplémentaires et des propositions de relogement sont prévus. Vous le savez, mes chers collègues, si du moins vous avez lu le texte.

M. Jean-Louis Dumont. Les personnes fragiles sont les plus faciles à faire déménager, vous le savez bien !

Mme Martine Aurillac. S'il est adopté, le délai de deux ans supplémentaires pour tous après l'expiration du bail apportera un démenti aux propos alarmistes propagés par des sources qui ne sont pas de bonne foi.

M. Jean-Louis Dumont. Vraiment ?

Mme Martine Aurillac. Ce texte, pour nécessaire qu'il soit, ne saurait bien sûr résoudre la crise du logement. N'oublions pas que la pénurie, outre la flambée des prix, en est une cause principale. Beaucoup de mesures ont d'ailleurs déjà été prises, notamment le prêt à taux zéro, le prêt locatif Robien ou les mesures du plan Borloo, qui prévoit 500 000 logements sur cinq ans, ce que les gouvernements socialistes n'ont jamais fait. Une étude sur le prêt hypothécaire devrait aussi être engagée. Rappelons, une fois encore, que les PLI sont également indispensables, notamment à Paris : c'est le moyen de garder nos jeunes familles qui sont souvent obligées de partir en banlieue. Le projet intitulé « Habitat pour tous », qui devrait, je l'espère, être repris à l'automne, pourrait ouvrir sur tous ces points des pistes très positives.

En attendant, il était urgent d'enrayer un phénomène malsain et pervers,...

M. Claude Goasguen. C'est vrai !

Mme Martine Aurillac. ...et de proposer un texte protégeant les locataires sans figer le marché, tout en favorisant l'accès de chacun à la propriété de son logement, ce que souhaitent tous nos concitoyens. C'est pourquoi nous voterons la proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur le président, monsieur le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, madame la ministre, mes chers collègues, notre assemblée se réunit ce matin pour débattre d'un nouveau texte relatif à la vente à la découpe.

Issue des rangs de la majorité, cette nouvelle proposition est attendue avec impatience et inquiétude par l'ensemble des locataires victimes des ventes à la découpe. Pendant plus de six mois, en effet, la majorité et le Gouvernement ont retardé l'intervention du législateur sous différents prétextes.

Hélas, mes chers collègues, l'examen de ce texte provoque une déception à la hauteur de l'attente que légitiment les conséquences de telles ventes. Non seulement sa portée reste beaucoup trop limitée, mais il comporte par ailleurs des reculs absolument injustifiables.

L'insuffisance du texte se mesure aussi bien aux faibles protections qu'il accorde aux habitants des immeubles découpés qu'à son ignorance totale du rôle de la puissance publique.

Malgré le changement de son titre par un amendement du rapporteur, la proposition de loi ne concerne bel et bien que les locataires qui ont les moyens et l'ambition d'acheter leur logement, soit en moyenne moins d'un tiers d'entre eux. Pour ceux-là, et pour ceux-là seuls, le dispositif de l'article 1er pourrait permettre une acquisition dans des conditions financières acceptables.

En revanche, la proposition de loi ne prévoit aucune protection efficace pour la grande majorité des locataires qui n'ont pas les ressources suffisantes pour devenir propriétaires. L'extension par décret de l'accord du 16 mars 2005 n'y suffira pas. Sachant la facilité avec laquelle cet accord peut être contourné, une majorité d'associations de locataires s'est à juste titre opposée à cette extension. Il suffit en effet que le premier acheteur revende le logement occupé pour que le second ne soit plus lié par aucune obligation.

Enfin, en proposant la suppression de l'article 2 de la proposition initiale, le rapporteur et la commission des lois ont privé le texte de toute mesure en faveur des locataires concernés par les opérations en cours, au plus grand profit des spéculateurs et au plus grand détriment de leurs victimes.

Trop peu protectrice des locataires, la proposition de loi ne comporte aucune disposition visant à encadrer l'activité spéculative des marchands de biens. Celle-ci contribue pourtant à alimenter la flambée des prix et à déstabiliser le marché immobilier.

De même, aucune mesure n'est prévue pour permettre aux maires de protéger la mixité sociale de leurs villes. Or on sait que les ventes à la découpe accélèrent fortement l'éviction de populations qui préservent encore la diversité d'habitants des centres-villes. Il est donc indispensable que le maire puisse suspendre la mise en copropriété lorsque les circonstances et les locataires l'exigent.

Non seulement cette proposition de loi a une portée insuffisante, mais elle comporte des reculs inacceptables par rapport aux règles en vigueur, notamment pour ce qui concerne le dispositif protecteur qui résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation.

Ainsi, loin de renforcer la protection des locataires, l'article additionnel relatif à la nullité du congé l'entame considérablement. En effet, cette nullité n'est prévue qu'en cas de non-respect de l'une des dispositions obligatoires énumérées par l'accord du 16 mars, alors que la Cour de cassation estime qu'elle doit sanctionner toute atteinte à une disposition légale ou conventionnelle, telle que l'information des locataires. Avec votre texte, un tel manquement ne serait donc plus une cause de nullité.

Mme Annick Lepetit. Eh oui !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Quel paradoxe de voir le législateur s'ériger en protecteur des « découpeurs », alors même qu'il prétend protéger leurs victimes !

Plus grave encore, votre proposition de loi porte une atteinte scandaleuse aux règles de la concertation sociale.

M. Jean-Louis Dumont. Absolument !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Pendant des mois, la majorité et le Gouvernement ont justifié leur inertie en expliquant qu'il fallait laisser se dérouler cette concertation sociale. Or vous n'avez repris aucune des propositions des associations représentant les locataires.

Mme Annick Lepetit. Eh non !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Curieuse conception de la concertation sociale que celle qui consiste à y rester sourd !

Pire, un article additionnel introduit par le rapporteur et la commission des lois remet en cause le principe même de la concertation sociale. En effet, en rendant purement consultatif l'avis des associations siégeant à la Commission nationale de concertation, vous portez un coup fatal à cette instance. Injustifiable, une telle mesure serait franchement exécrable si elle était inspirée, comme beaucoup le craignent, par la volonté de punir les associations de locataires qui ont refusé de donner leur assentiment à un accord qu'ils jugent inefficace. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Pierre Lellouche. Vous versez dans la caricature la plus nulle !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. La proposition de loi a été réécrite de la première à la dernière ligne par le rapporteur de la commission des lois, mais elle demeure totalement impropre à mettre un terme aux pratiques spéculatives insupportables que nous dénonçons.

M. Pierre Lellouche. Qu'a fait Mitterrand en quatorze ans pour les locataires ? Et que fait Delanoë pour les Parisiens ?

M. Jean-Louis Dumont. Et la loi Quilliot ?

M. le président. Monsieur Lellouche, vous aurez l'occasion de vous exprimer plus tard.

M. Jean-Louis Dumont. M. Le Bouillonnec a fait mouche !

M. Pierre Lellouche. Ça suffit !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je suis un élu de la nation et j'entends dire, ici, ce que je pense, d'autant plus que j'exprime l'avis de la majorité des locataires victimes de ventes à la découpe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Louis Dumont. C'est vrai !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Si elle donne, parcimonieusement et très imparfaitement, quelques gages aux locataires qui peuvent se porter acquéreurs de leur logement, la proposition de loi reste très en deçà des enjeux et des problèmes, lorsqu'elle ne contribue pas à les aggraver.

Pourquoi n'avez-vous pas engagé, comme notre proposition de loi vous en offrait la possibilité, un vrai chantier législatif pour protéger réellement tous les locataires, que ces derniers soient ou non en mesure de se porter acquéreurs, et préserver les équilibres sociaux dans nos quartiers urbains ?

M. Pierre Lellouche. Pourquoi ne l'avez-vous pas fait sous Jospin ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. À ne pas oser prendre en compte l'attente des locataires, vous encourez le risque de favoriser les spéculateurs.

À moins que le texte ne soit considérablement amendé, le groupe socialiste ne lui apportera aucun soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Pierre Lellouche. Vous avez tort, une fois encore !

M. le président. La parole est à M. Bernard Debré.

M. Christophe Caresche. M. Bernard Debré va défendre le droit de propriété !

M. le président. M. Bernard Debré a seul la parole.

M. Pierre Lellouche. M. Debré a raison : le droit de propriété est dans la Constitution !

M. le président. Mon observation vaut aussi pour vous, monsieur Lellouche.

Monsieur Bernard Debré, vous avez la parole.

M. Bernard Debré. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le 10 mai dernier, nous avons rejeté une proposition de loi socialiste qui mettait fortement en cause le droit de propriété...

M. Christophe Caresche. Et voilà !

M. Bernard Debré. ...et qui favorisait l'immobilisme, aussi bien pour les propriétaires que pour les locataires. Quel avantage présentait ce texte ? Je me le demande encore.

Aujourd'hui, nous examinons une proposition de loi déposée par Martine Aurillac, et je voudrais vous dire, mes chers collègues, pourquoi il faut la voter.

Je ne reprendrai pas les données factuelles que vous ont exposées M. le rapporteur et Mme Aurillac : ils ont été suffisamment clairs sur ce sujet et je les remercie pour leur travail. Nous savons tous pourquoi les investisseurs institutionnels ont accéléré la vente de leur patrimoine locatif d'habitation et nous connaissons les raisons pour lesquelles les immeubles sont rachetés par des opérateurs intermédiaires. Nous savons aussi que, outre leur manque de moyens pour accéder à la propriété, les locataires des bailleurs institutionnels se trouvent dans l'impossibilité de se porter acquéreurs de leur logement quand l'immeuble est vendu dans son ensemble. Ce fut le cas de nombreux locataires qui désiraient acheter leur appartement, dans lequel, souvent, ils ont construit leur vie, leur famille. C'est à cette impossibilité que ce texte se propose de remédier.

En effet, grâce à la proposition de loi de Mme Martine Aurillac, un règlement de copropriété sera établi dès la mise en vente en bloc d'un immeuble, de sorte que les locataires pourront se porter acquéreurs de leur logement avant qu'un intermédiaire ne procède à la vente et que les mises en vente successives ne fassent augmenter les prix.

Quant aux locataires qui n'ont pas les moyens financiers de devenir propriétaires, leurs garanties sont renforcées par l'accord collectif relatif aux congés pour vente par lot du 16 mars dernier. La loi de 1986 empêchait sa promulgation par décret si la majorité des organisations représentatives s'y opposaient - ce qui fut le cas - mais cette restriction disparaît dans la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui. Ainsi, les avancées proposées au fur et à mesure des accords collectifs - dont on constate qu'elles sont réelles - pourront être adoptées. En effet, un accord qui peut être jugé insuffisant par certaines organisations mais cohérent par d'autres pourra être appliqué, sans empêcher pour autant la poursuite de la concertation et de la négociation avec les associations représentatives des locataires.

En choisissant de ne pas retenir la transcription législative de cet accord, on laisse suffisamment de souplesse pour qu'il puisse être amélioré ultérieurement par décret. Je vois dans ce choix une volonté d'offrir à tous, notamment à la commission nationale de concertation, la possibilité de continuer à avancer dans le domaine de la protection des locataires dits « découpés ».

Le problème des ventes à la découpe, qui provoque l'inquiétude des locataires, voire leur détresse, est en constante évolution et ne concerne pas seulement Paris, mais aussi Lyon, par exemple. Si cette proposition de loi ne règle pas tout, il nous faut garder la possibilité de continuer à travailler à l'élaboration des solutions.

Enfin, elle renforce les sanctions en cas de non-respect des accords, ce qui me paraît, et vous paraîtra à tous, j'en suis sûr, une évidence. Je défendrai un amendement qui va dans le sens d'une protection efficace contre les mises en ventes à des fins spéculatives, puisqu'il a pour objet d'interdire aux bailleurs institutionnels de procéder au congé pour vente lors de la vente d'un immeuble.

Mes chers collègues, je voterai cette proposition de loi. Le bon sens voudrait qu'elle rencontre un accord général.

M. le président. La parole est à Mme Janine Jambu.

Mme Janine Jambu. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons déjà eu l'occasion, le 10 mai dernier, lors de l'examen d'une proposition de loi, d'initiative parlementaire, relative à la protection des locataires victimes de ventes à la découpe, d'exposer très largement notre point de vue et nos propositions. Ce texte, qui développait une approche globale des différents problèmes provoqués par les ventes à la découpe, rejoignait ainsi l'esprit des amendements défendus par notre groupe et par nos collègues de l'opposition lors du débat sur le projet de loi d'orientation pour la cohésion sociale.

Nous avons soutenu cette proposition de loi notamment parce qu'elle s'intéressait au sort des locataires qui ne sont pas en mesure de racheter leur logement, en favorisant leur maintien dans les lieux et en limitant le droit d'exercice du congé pour vente. Si nous étions plus réservés sur l'impact des mesures d'incitation fiscale, nous étions, et nous le sommes plus que jamais, favorables au renforcement du rôle des collectivités territoriales, qui doivent pouvoir défendre l'intérêt général et exercer leurs responsabilités en s'opposant aux opérations, et singulièrement aux ventes à la découpe, qui portent le plus atteinte à la mixité sociale.

C'est en ce sens que nous proposons l'institution d'un « permis de diviser », comme il existe un permis de construire. L'argument selon lequel une telle mesure porterait atteinte au droit de propriété n'est pas recevable. Je rappelle, en effet, que le droit au logement et à des conditions de vie décente est également un droit de valeur constitutionnelle, reconnu comme tel par le Conseil constitutionnel dans diverses décisions. Or nul ne peut nier que les opérations de vente à la découpe emportent des conséquences disproportionnées pour les locataires incapables d'acheter, qui doivent renoncer à rester dans les lieux, risquant ainsi de mettre en péril leur projet de vie, leur vie familiale et, dans les cas les plus graves, leur emploi.

Nous sommes favorables à la mise en œuvre de politiques volontaristes, soucieuses de solidarité et de justice sociale. En vous retranchant derrière l'argument du droit de propriété, vous n'entendez en fait défendre, chers collègues de la majorité, que le droit à la rapacité, le droit à la prédation, le droit pour quelques-uns de s'enrichir sans frein sur le dos de ceux qui n'ont d'autre ressource que le fruit de leur travail. Cette logique, nous ne l'acceptons pas, car nous estimons que la politique a précisément vocation à rétablir les équilibres là où ils sont rompus et à protéger la liberté des uns contre les appétits des autres.

La proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui apporte certaines améliorations, mais elle ne vise que les locataires qui souhaitent acquérir leur logement.

Mme Martine Aurillac. Pas du tout !

Mme Janine Jambu. C'est donc peu de dire qu'elle se situe très en deçà des enjeux et des questions que soulève le développement du phénomène des ventes à la découpe.

La décote du prix de vente, qui ne constitue qu'un bénéfice assez théorique dans le contexte actuel de pénurie de logements, contribuera peut-être à freiner ce type de transactions, mais tant que les prix resteront aussi élevés qu'ils le sont actuellement, le phénomène risque de perdurer. La logique des institutionnels demeure la même : réaliser leurs actifs. C'est pourquoi nous militons, avec les associations qui ont refusé majoritairement l'accord du 16 mars dernier, notamment la CNL, en faveur de la suppression du congé-vente pour les investisseurs institutionnels qui, grâce à l'action de votre majorité, bénéficient déjà d'avantages fiscaux considérables.

Rappelons, en effet, que, entre autres mesures d'incitation fiscale, nous devons à votre majorité l'adoption, en novembre 2002, d'un amendement de Philippe Marini, qui a permis d'alléger considérablement la fiscalité des sociétés foncières en remplaçant le traditionnel impôt sur les bénéfices par une simple taxe de 16,5 % sur les plus-values latentes. Jusqu'alors, les gains issus des transactions étaient considérés comme un bénéfice imposable à 34 %, ce qui constituait tout de même un frein à la spéculation.

Curieusement, vous ne proposez pas de revenir sur ces dispositions. Vous leur préférez des mesures de replâtrage telles que celles qui sont proposées aujourd'hui, ce qui prouve que, finalement, la philosophie de votre action reste inchangée. Le 10 mai dernier, lors de notre précédent débat sur ces questions, vous nous aviez éclairés, madame Aurillac, sur vos intentions et votre façon d'envisager les choses, en affirmant qu'il était « pervers », de prendre des mesures « de nature à bloquer le marché de l'immobilier et à soumettre les bailleurs à des contraintes générales et permanentes nuisant gravement à leurs missions ». Vous aviez souligné qu'il fallait rechercher la fluidité du marché.

Mme Martine Aurillac. Absolument !

Mme Janine Jambu. Tout est dit dans ces quelques mots. Qu'importe de condamner les locataires à subir les effets de la spéculation immobilière, si les bailleurs y trouvent leur compte. C'est aussi simple que cela, et vous ne pouvez prétendre le contraire. Votre proposition se limite à aménager les choses, à prévoir de petits arrangements entre « honnêtes gens » - entre « honnêtes possédants », pourrais-je dire s'il n'y avait un paradoxe à rapprocher ces deux termes. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Nous ne saurions bien évidemment souscrire à une pareille approche, et restons convaincus de la nécessité de mettre en œuvre des mesures ambitieuses, tant sur le plan fiscal que sur le plan social. Il convient de revenir sur le dispositif de Robien, qui n'a permis que d'assurer la rentabilité de l'investissement locatif privé au détriment des besoins sociaux, mais aussi sur les dispositifs d'exonération des droits de mutation sur les opérations hautement spéculatives, telles que les ventes par lots.

M. Claude Goasguen. Cela ne sert à rien !

Mme Janine Jambu. En effet, non seulement ces mesures accompagnent la flambée des prix de l'immobilier, mais elles contribuent à priver l'État des moyens financiers d'une véritable politique de maîtrise foncière et d'aménagement urbain favorisant la mixité sociale, permettant la construction de logements neufs et la réhabilitation du parc existant, que les marchands de sommeil laissent se dégrader.

Il faudrait aujourd'hui avoir l'ambition de faire du droit au logement un droit enfin effectif et opposable. L'ampleur et la profondeur de la crise actuelle appellent à desserrer l'emprise des seuls critères marchands sur l'activité de logement. C'est seulement à ce prix que nous pourrons surmonter les impasses actuelles.

Constatant l'absence de mesures fortes, de signes tangibles de votre désir d'engager une politique volontariste d'investissement et d'intervention publique, et sachant que vous n'avez nulle intention de revenir sur des choix fort coûteux qui ont par ailleurs fait la preuve de leur nocivité, nous voterons bien évidemment contre la proposition de loi.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Claude Goasguen.

M. Claude Goasguen. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avant que nous ne procédions à l'examen des articles de la proposition de loi déposée par Martine Aurillac, fort bien défendue par M. le rapporteur, je voudrais évoquer les causes du phénomène que constituent les ventes à la découpe. De ce point de vue, il convient de distinguer deux situations bien différentes l'une de l'autre, même si l'on va sans doute leur apporter des réponses voisines, voire similaires.

La vente à la découpe à Paris - et dans les grandes villes, puisque le problème se fait désormais sentir à Lille ou à Lyon avec beaucoup d'acuité - constitue un problème particulier, ne serait-ce qu'en raison de son importance, puisque plus de la moitié des ventes à la découpe s'effectue dans certains arrondissements tels le 19e, le 8e et le 7e, dont la diversité sociologique tend à démontrer qu'il s'agit avant tout d'un problème de centre-ville.

Préalablement à toute initiative législative, il me semble nécessaire de cerner les causes du dérapage du marché immobilier. Celui-ci s'est produit, en particulier à Paris, en raison d'un brusque déséquilibre entre l'offre et la demande. Alors que la demande était soutenue, l'offre a quasiment disparu en quelques années, du fait d'une politique de ralentissement du rythme de la construction de logements destinés aux classes moyennes, les plus touchées par le phénomène des ventes à la découpe et par la flambée des prix. (« Et voilà ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Ce phénomène, déjà constaté à Londres et à New York, se produit aujourd'hui à Paris et sans doute en sera-t-il de même prochainement dans les centres-villes de Lille ou de Lyon.

Et ce n'est pas la peine de vous exclamer : « Et voilà ! », mes chers collègues socialistes, car si, lors des précédentes mandatures parisiennes, la création de zones d'aménagement concerté avait permis de préserver la mixité sociale en maintenant côte à côte des HLM, des ILN, et des appartements privés, il en va tout autrement aujourd'hui. Le ralentissement des programmes de ZAC et la volonté politique de l'actuelle mairie de Paris de ne pas construire - Paris est probablement la ville de France où l'on construit le moins, aussi bien de HLM que de logements destinés à la classe moyenne -...

Mme Annick Lepetit. C'est encore la faute de la gauche !

M. Claude Goasguen. ...bref, la disparition de la concurrence, tout cela a tout naturellement incité les institutionnels à se précipiter pour réaliser des bénéfices sur le marché.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Tout à fait !

M. Claude Goasguen. La deuxième raison tient au fait que nous avons, toutes tendances confondues, très longtemps privilégié la location par rapport à la propriété. Dans les grandes villes comme Paris, le locatif était considéré comme une fin en soi...

M. Pierre Lellouche. C'est vrai !

M. Claude Goasguen. ...et la collectivité n'a jamais eu la volonté de doter les locataires - de HLM, d'ILN ou de logements privés - des moyens juridiques et financiers de nature à leur permettre d'accéder à la propriété. C'est ce qui explique qu'aujourd'hui le phénomène des ventes à la découpe soit subi comme un coup d'assommoir par ces locataires, incapables de faire face à l'augmentation spéculative des prix du marché.

La proposition de loi de Mme Aurillac, que je soutiens, comporte un certain nombre de solutions purement juridiques, dont les effets attendus ne sauraient être que momentanés. Dans les années qui viennent, il y a tout lieu de craindre que la ville de Paris ne soit plus composée que de HLM, d'une part, de bureaux et de logement destinés à des ménages extrêmement aisés, d'autre part, ce qui aura pour conséquence de faire flamber le prix du foncier, repoussant la classe moyenne au-delà de la ceinture périphérique, et dénaturant la mixité sociale parisienne. Les mesures de protection des locataires dans les ventes à la découpe me semblent devoir être accompagnées de mesures économiques et d'assistance exceptionnelles à caractère transitoire si l'on veut éviter cette situation.

L'accession à la propriété - fondamentale pour l'équilibre sociologique de Paris et des grandes villes - passe notamment par un profond remaniement du droit hypothécaire, s'inspirant de ce qui se fait dans d'autres pays. Cette réforme, récemment proposée par Thierry Breton, a malheureusement été renvoyée à la rédaction d'une future ordonnance. D'une manière ou d'une autre, il sera indispensable de la mener à bien pour remédier aux effets pervers de la vente à la découpe.

À situation exceptionnelle - et celle du marché locatif dans les métropoles l'est assurément -, législation de riposte : certes, les tribunaux de l'ordre judiciaire peuvent être saisis, sur la base de la fraude à la loi ou de l'abus de droit, mais les procédures susceptibles d'appel sont très longues, et les institutionnels forcément mieux armés que les associations de locataires pour y faire face. Dès lors, il ne serait pas logique qu'au nom d'une conception du droit à la propriété à géométrie variable, les maires socialistes de Paris, Lyon ou Lille refusent de prendre leurs responsabilités dans la gestion d'une crise dont ils sont largement responsables, ayant contribué à provoquer la raréfaction du marché. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Annick Lepetit. Vous n'êtes pas au conseil municipal de Paris !

M. Claude Goasguen. Sur ce point, j'avais soumis à la commission des lois une proposition qu'elle n'a pas retenue, consistant à ce qu'il appartienne au préfet d'intervenir sur des actes manifestement pris en dehors de la norme, lorsque l'intérêt général est en cause. Que l'on ne vienne pas me dire, sur les bancs de la gauche, que c'est une atteinte au droit de propriété, alors que l'on doit à l'opposition la loi SRU qui impose aux maires des normes d'urbanisme assorties de sanctions, sans craindre de bafouer le droit de propriété ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Et le décret de 1953 sur les baux commerciaux ?

M. Claude Goasguen. Le phénomène des ventes à la découpe résulte d'une vision de Paris néfaste pour les classes moyennes, qui a pour conséquence d'encourager la spéculation foncière et de rejeter systématiquement et délibérément les classes moyennes en dehors de Paris.

M. Jean-Louis Dumont. C'est la même chose dans toutes les grandes villes !

Mme Martine Billard. Et quelle est la situation à Marseille ?

M. Claude Goasguen. En conclusion, à vous d'endosser la responsabilité de la situation actuelle, à nous de mettre en œuvre les solutions pour y remédier. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme Annick Lepetit.

Mme Annick Lepetit. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui la proposition de loi UMP sur les ventes à la découpe alors que, le 10 mai dernier, une autre proposition de loi, déposée cette fois-ci par nos soins sur le même sujet, était à l'ordre du jour de notre assemblée. Le Gouvernement et la majorité ont refusé de la discuter, argüant qu'ils avaient déposé avant nous une proposition de loi bien meilleure (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) que nous examinerions très prochainement - n'étant sans doute plus à un retard près.

Cela ne nous étonne guère dans la mesure où, depuis plusieurs mois, nous alertons en vain le Gouvernement et la droite sur cette question. L'année dernière déjà, à l'occasion de l'examen de deux projets de loi, les députés socialistes ont proposé plusieurs amendements tendant à freiner la spéculation immobilière. À l'exception d'un seul, ces amendements ont tous été rejetés à la va-vite. Cette année, nous avons interrogé à trois reprises l'ancien ministre du logement Marc-Philippe Daubresse, qui nous a d'abord répondu qu'une concertation menée par ses soins entre les bailleurs et les associations de locataires allait tout régler, puis que, dans le cadre du projet de loi « Habitat pour tous », il proposerait des mesures contre les ventes à la découpe. Aucun de ces engagements n'a été tenu. La loi « Habitat pour tous » annoncée depuis bientôt deux ans n'a jamais vu le jour, et la concertation s'est soldée par un échec, le ministre ignorant les associations qui réclamaient depuis le mois d'octobre une loi sur les ventes à la découpe. Aujourd'hui, nous nous félicitons que les députés de la majorité et le Gouvernement aient enfin compris que le problème des ventes à la découpe ne peut se régler que par la loi.

M. Pierre Lellouche. On ne vous a pas attendus !

Mme Annick Lepetit. Que de temps perdu ! En outre, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui a été profondément modifiée il y a quelques jours seulement.

M. Guy Geoffroy. C'est le travail de la commission des lois !

Mme Annick Lepetit. Son article 1er est totalement réécrit et son article 2 est supprimé. Même son titre a changé !

M. Xavier de Roux. Il est meilleur !

Mme Annick Lepetit. Quant au rapport de Christian Decocq, il n'a été publié qu'hier. Belle leçon de démocratie parlementaire, que vous auriez pu donner aux députés juniors présents ici même samedi dernier !

M. Pierre Lellouche. Vous avez donné l'exemple pendant cinq ans !

Mme Annick Lepetit. Cependant, votre texte, même « relooké », n'aborde encore qu'un seul aspect du problème, ne réglant rien sur le fond, et remet en cause de manière inacceptable la négociation collective.

Votre texte repose sur un unique dispositif qui a été défini la semaine dernière, via un amendement du rapporteur que la commission des lois a adopté. Il propose que le droit de préemption des locataires s'exerce dès la vente en bloc si le nouveau propriétaire ne s'engage pas à maintenir le statut locatif de l'immeuble pendant six ans.

M. Xavier de Roux, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Ce n'est pas si mal, non ?

M. Pierre Lellouche. Ce n'est donc pas cela qu'il fallait faire, madame Lepetit ?

M. le président. Mes chers collègues, seule Mme Lepetit a la parole !

Mme Annick Lepetit. Ce dispositif est à la fois restrictif, insuffisant et inefficace. Restrictif car il ne concerne que les locataires qui peuvent acheter, c'est-à-dire une minorité.

M. Pierre Lellouche. Mais non !

Mme Martine Aurillac. Lisez donc l'article, madame Lepetit !

Mme Annick Lepetit. Insuffisant car il n'apporte pas toutes les garanties que les locataires sont en droit d'avoir. Inefficace car il ne propose aucune solution à ceux qui ne peuvent pas acheter. En outre, il ignore les marchands de biens qui sont pourtant les principaux bénéficiaires de cette spéculation immobilière.

Aussi, nous avons déposé plusieurs amendements tendant à corriger ces insuffisances. Nous proposons, entre autres, des moyens pour prévenir les copropriétés dégradées et pour allonger les délais d'exercice du droit de préemption pour les futurs propriétaires. Nous demandons la suppression du nouvel article 2 car les seules protections proposées aux locataires qui ne peuvent pas acheter leur appartement sont dérisoires et ont un prix bien trop élevé. En effet, vous proposez que les accords collectifs de location puissent être étendus par décret même si la majorité des organisations de bailleurs ou de locataires le désapprouvent. Cela vous permettra de faire passer en force l'accord conclu le 16 mars 2005, lequel a été rejeté par une majorité d'associations de locataires, qui l'a jugé à juste titre insuffisant. De plus, cette disposition met fin à la concertation entre les locataires et les propriétaires. Parce qu'une majorité d'associations de locataires a refusé ce que vous proposiez, vous leur retirez aujourd'hui toute capacité de négociation. Aussi, nous demandons la suppression de cette disposition particulièrement insidieuse.

Nous avons donc déposé des amendements qui reprennent les principales dispositions de notre proposition de loi visant à protéger véritablement les locataires qui ne peuvent pas acheter.

Quant aux marchands de biens, nous proposons de supprimer sous certaines conditions le droit de recourir au congé pour vente. Nous souhaitons aussi accroître le rôle du maire, monsieur Goasguen, car celui-ci est de plus en plus en charge des problèmes de logement et a une vision globale de sa commune.

M. Claude Goasguen. Je ne vous le fais pas dire !

Mme Annick Lepetit. C'est en agissant sur tous les acteurs que nous pourrons juguler le phénomène des ventes à la découpe et non pas, comme vous le faites, en favorisant les uns au détriment des autres.

Je ne voterai donc pas ce texte car il est insuffisant, inefficace et injuste. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Xavier de Roux. C'est bien dommage !

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce texte sur les ventes d'immeubles par lots arrive tard, très tard, et il est très parcellaire, alors pourtant qu'il y a un mois, la majorité a rejeté la proposition de loi beaucoup plus ambitieuse de nos collègues socialistes.

Beaucoup a déjà été dit à cette occasion sur la politique néfaste des investisseurs institutionnels qui sont devenus propriétaires d'immeubles indivis, construits dans le cadre socialisé du 1 % logement, et qui cherchent aujourd'hui à les revendre pour trouver les meilleurs profits. Ainsi, en douze ans, les sociétés d'assurance ont vendu la moitié de leur patrimoine.

Nous avions également souligné l'arrivée massive sur le marché du logement des fonds de pensions parmi les marchands de biens. Le dispositif fiscal voté en leur faveur par la majorité en novembre 2002 a beaucoup accéléré les opérations de spéculation dans les centres de nos villes, notamment à Paris, à Lyon et à Marseille, mais aussi dans la petite couronne parisienne.

Plus fondamentalement, il faut situer notre débat dans le cadre de la politique du logement du Gouvernement dans son ensemble. La crise du logement s'aggrave d'année en année et figure parmi les principales préoccupations concrètes de nos concitoyens. Les loyers des logements du parc privé s'envolent et absorbent une part toujours plus importante des ressources des ménages. Pendant ce temps, les listes d'attente pour les logements sociaux ne cessent de s'allonger, à cause de la pénurie de l'offre provoquée par les coupes budgétaires de ces dernières années.

Mes chers collègues, la question posée est bien celle de la mixité sociale et de la cohésion territoriale de nos quartiers qui sont plus que jamais remises en cause. Vous promettez depuis l'automne dernier l'examen de la loi « Habitat pour tous ».

Mme Annick Lepetit. Eh oui !

Mme Martine Billard. Ce texte viendra-t-il un jour en discussion ? On se le demande alors même qu'il n'y a plus de ministre du logement dans le nouveau gouvernement... Il y a pourtant urgence à réguler le parc privé et pas uniquement les ventes à la découpe. Il ne s'agit pas simplement de proposer l'accession à la propriété.

Veut-on garder un parc locatif dans nos villes ? Là est la question. En effet, toute personne vivant en France ne souhaite pas forcément devenir propriétaire ou n'en a pas forcément les moyens.

M. Claude Goasguen. Il faut agir en ce sens !

Mme Martine Billard. Certains de nos concitoyens n'obtiendront jamais la possibilité de faire des emprunts compte tenu du niveau de leurs ressources ou de la précarité de leur emploi.

En outre, favoriser la vente massive des logements dans le centre de Paris ne garantit pas le maintien dans les lieux des locataires car une partie de ces appartements va être achetée par des personnes qui les utiliseront comme une résidence secondaire. Cela risque de transformer Paris en ville musée. C'est en maintenant un secteur locatif dans les centres-villes - Paris compris - que nous parviendrons à éviter cette dérive vers la ville musée.

M. Claude Goasguen. Ça, c'est la meilleure !

Mme Martine Billard. Ce point est fondamental.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Tout à fait !

Mme Martine Billard. Votre proposition de loi ne s'adresse, finalement, qu'à ceux qui auront les moyens d'acheter.

En 2004, 15,6 % des personnes touchées par ces ventes par lots ont pu acheter. Peut-être ce texte permettra-t-il d'atteindre 20 ou 25 % ? Mais que se passera-t-il pour tous les autres ? Ainsi, ceux n'ayant pas encore atteint les soixante-dix ans mais n'en étant pas loin n'obtiendront jamais d'emprunt de la part des banques. Il en ira de même pour les titulaires d'un CDD ou pour les intermittents du spectacle, par exemple.

M. Pierre Lellouche. Tout le monde ne peut pas être fonctionnaire, madame Billard !

Mme Martine Billard. Or tous ces gens auront beaucoup de mal à se reloger ailleurs car, aujourd'hui, compte tenu des plafonds PLI, il est quasiment impossible de remplir les conditions fixées par les bailleurs, soit percevoir un salaire trois à quatre fois supérieur au montant du loyer demandé.

Il est clair que cette proposition de loi n'apporte aucune réponse aux locataires n'ayant pas les moyens d'acheter, ou de rester dans les centres-villes alors que les loyers atteignent des montants exorbitants. En fait, vous n'avez pas souhaité aller plus loin parce que, contrairement à ce que vous prétendez, ces questions ne vous préoccupent pas.

M. Claude Goasguen et M. Pierre Lellouche. Ben voyons !

Mme Martine Billard. Vous ne répondez pas aux préoccupations des locataires déjà victimes de ces ventes à la découpe, non seulement à Paris mais également à Lyon ou à Marseille, par exemple. Ce n'est pas qu'un problème parisien, inhérent à la politique du maire de Paris.

M. Claude Goasguen. Il faut construire des ZAC !

Mme Martine Billard. Pour cela, il faudrait détruire des quartiers puisqu'il n'y a plus d'espace disponible !

M. Claude Goasguen. Commencez par construire des logements !

Mme Martine Billard. En outre, cette proposition de loi ne réglera que très peu de cas concernés par les ventes à la découpe à venir. Croyez-vous vraiment que vous allez bénéficier du soutien des locataires qui se trouvent confrontés à ces problèmes ?

M. Claude Goasguen. Les locataires pour lesquels le bail aura été renouvelé !

Mme Martine Billard. Vous allez simplement permettre à quelques dizaines d'entre eux d'acheter plus facilement leur logement.

M. Guy Geoffroy. Le texte ne se limite pas à cela !

Mme Martine Billard. Certes, les locataires de plus de soixante-dix ans pourront rester dans les lieux. Mais vous ne garantissez même pas un renouvellement constant du bail en cas de deuxième vente. J'ai d'ailleurs déposé un amendement sur ce point précis. J'espère que vous le voterez, mes chers collègues, puisque vous vous dites très préoccupés par la défense des locataires fragiles.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Très bien !

Mme Martine Billard. En conclusion, compte tenu de l'insuffisance de cette proposition de loi, qui ne règle ni les préoccupations des locataires en place ni le problème du secteur locatif dans les villes, je voterai contre, au nom des députés Verts. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. Je vous salue, madame la ministre, et je remarque que vous n'êtes, quant à vous, engagée par aucune des promesses antérieures. Nouvelle dans vos responsabilités, vous serez très certainement en mesure d'écouter mais aussi d'entendre, sur tous les bancs de cette assemblée, la diversité des propositions qui peuvent, demain, après que nous aurons légiféré, redonner du souffle au logement, social ou non, et , surtout, respecter un certain nombre de règles sociétales.

Militant de l'accession à la propriété, sociale ou très sociale, j'interviens dans ce débat pour dire que, au-delà de la force qui nous anime quand nous parlons de ce sujet, et donc de la constitution d'un patrimoine et de sa traduction en termes de lien social, cet acte doit être sécurisé. À cet égard, certains pourront vous dire, madame la ministre, combien ce combat fut long et difficile. Il a souvent été transversal à toutes les majorités et a permis, compte tenu de l'histoire de l'accession à la propriété, de veiller à ce que les familles puissent, au-delà des aléas de la vie - économiques, sociales ou culturelles -, ne pas se retrouver en difficulté dans ce processus.

Cela étant, devenir propriétaire doit être un acte volontaire et non contraint. C'est précisément ce qui nous occupe ce matin. Il faut commencer par mettre l'accent sur l'acte spéculatif. À cet égard, madame Aurillac, vous avez souligné, dans votre exposé des motifs, que les investisseurs institutionnels procédaient à ce type de vente en cascade, pour faire justement monter les prix. Les vrais professionnels que sont les marchands de biens interviennent ensuite pour contraindre les locataires à quitter les lieux afin de pouvoir vendre encore plus cher dans les conditions d'un marché qui manque effectivement de fluidité et d'offre. Vous parlez même d'« habiles spéculateurs », madame Aurillac, et de système « pervers ». Je ne suis pas sûr que tous nos collègues aient bien lu votre exposé des motifs, qui dénonce les ventes successives, lesquelles font passer le mètre carré du 39 bis rue de Montreuil de quelque 3 000 euros à 4 500 euros. Certains pourraient avoir tendance à considérer cela comme normal.

M. Jean Tiberi. Non !

M. Jean-Louis Dumont. Pour notre part en tout cas, nous dénonçons ce phénomène.

M. Jean Tiberi. Nous aussi !

M. Jean-Louis Dumont. Il faut absolument mettre un terme à cette spéculation. Pour ce faire, il faut soit augmenter l'offre, soit fixer des règles convenables.

À ce titre, le locatif aurait dû être préservé. Dans ces conditions, n'auraient dû figurer sur le marché de l'accession que les logements vides de tout occupant ou dont l'occupant aurait volontairement souhaité en devenir propriétaire. Or les ventes à la découpe ne sont pas réservées à quelques arrondissements parisiens. Elles intéressent non seulement les grandes villes citées par un certain nombre de nos collègues, mais aussi des villes moyennes.

Mme Martine Aurillac. Tout à fait !

M. Jean-Louis Dumont. J'ai eu l'occasion le 10 mai - belle date pour certains d'entre nous ! -, devant un autre ministre, de dénoncer les agissements de la Caisse des dépôts et consignations en m'étonnant d'ailleurs que nos collègues membres du conseil de surveillance ne soient pas intervenus. À chaque fois qu'on interpelle la Caisse - c'était encore le cas voilà quelques jours à l'hôtel de Pommereux - celle-ci ne répond pas. Nous savons bien pourtant que, dans le cadre de l'organisation entre les groupes caisses d'épargne et Caisse des dépôts, de filiales en participation, il est possible d'intervenir. Il apparaît en tout cas que l'acte final est réservé aux marchands de biens. Il faudra donc, mes chers collègues, que nous puissions agir, par la loi, pour réorganiser cette profession afin que le locataire soit respecté.

Comment peut-on prétendre, alors que nous avons bafoué les droits du locataire en ne respectant même pas l'accord collectif signé par un certain nombre, que le locataire est au centre du système ? C'est simplement quelqu'un qui peut être considéré comme gênant.

En matière de vente à la découpe, il faut imposer aux institutionnels le respect des locataires.

Je reviens sur un point que j'avais déjà eu l'occasion d'évoquer le 10 mai : il y a quelques années, un organisme financier a été créé, ayant pour vocation de constituer un patrimoine locatif de qualité et de le valoriser au cours des prochaines décennies - au bénéfice, nous a-t-on dit, des retraites. Cet organisme, la Foncière, a tout son temps pour vendre ou accompagner les accédants à la propriété. Pourquoi ne pas obliger les institutionnels à faire appel à la Foncière ? Je comprends que l'on veuille valoriser un patrimoine, mais il faut respecter les droits du locataire.

Aujourd'hui, dans nos villes, la part du locatif se réduit. C'est pourquoi je souhaiterais que l'on puisse intervenir dans un certain nombre de directions : outre le recours à la Foncière, il conviendrait de fiscaliser les produits exceptionnels de la vente à la découpe, de contrôler les opérations réalisées depuis quelques années - les dégâts, madame Aurillac, risquent d'être importants, car les locataires, ce qui signifie des familles, sont souvent mis en difficulté -, d'accroître les pouvoirs des maires et, enfin, de revoir la réglementation applicable à la profession de marchand de biens. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche. Madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, la proposition de loi qui est soumise ce matin à notre attention, à l'initiative de notre collègue Martine Aurillac, que je salue, répond à une attente particulièrement forte de nos concitoyens qui ne sont pas propriétaires de leur logement et qui observent avec anxiété l'augmentation des prix des loyers et le développement du phénomène des ventes à la découpe.

Cette attente, en tant qu'élu parisien, j'ai pu la mesurer dès l'automne dernier lorsque les habitants de ma circonscription se sont tournés vers moi pour me faire part de leur désarroi à la suite de la réception de leur congé pour vente, leur immeuble ayant fait l'objet de ce type d'opération. Leur désarroi provient de ce que leurs moyens financiers sont insuffisants pour faire jouer leur droit de préemption et acheter le logement qu'ils occupent.

Si d'autres villes, en effet, sont touchées par ce phénomène, Paris est particulièrement concerné, notamment le 8e et le 9e arrondissement, dont je suis l'élu.

M. Patrick Bloche. Non, c'est le 19e arrondissement qui est le plus touché !

M. Jean-Louis Dumont. Vous avez trop tardé à apporter des solutions !

M. Pierre Lellouche. Dans le 8e arrondissement, mes chers collègues, la proportion de transactions liées aux ventes à la découpe par rapport à l'ensemble des ventes d'appartements anciens est la plus importante de la capitale, puisqu'elle représente 30 % du total des ventes.

De plus, la tension que connaît actuellement l'immobilier parisien génère, comme l'a rappelé Claude Goasguen, des prix de vente particulièrement élevés,...

M. Jean-Louis Dumont. Exorbitants !

M. Pierre Lellouche. ...qui ne sont pas sans conséquence sur la possibilité de faire jouer le droit de préemption reconnu par la loi du 31 décembre 1975 dans le cadre d'une vente par lots, le droit de préemption s'exerçant, en l'état actuel du droit, dans la phase ultime.

C'est cette inquiétude que j'ai relayée dès le début de cette année, après de nombreuses réunions de travail réunissant les locataires, les professionnels de l'immobilier et le ministre du logement de l'époque, Marc-Philippe Daubresse, dont j'ai attiré l'attention sur le sort réservé notamment aux personnes âgées et aux personnes handicapées victimes d'un congé consécutif à une opération de vente par lots.

L'accord collectif de location relatif au congé pour vente par lots, signé en commission nationale de concertation le 16 mars dernier, a permis notamment la protection immédiate de ces catégories de personnes en renouvelant leur bail de plein droit, apportant ainsi une réponse immédiate aux conséquences souvent difficiles que génère ce type de vente spéculative.

Notre assemblée ne pouvait faire l'économie d'un examen de cette question ni omettre de tenter de renforcer les garanties apportées aux locataires et leur faciliter l'accès à la propriété. C'est ce que nous faisons ce matin dans le cadre de la proposition de loi de Martine Aurillac, revue par la commission des lois.

C'est une question complexe et sensible que nous abordons avec le droit au logement - j'emploie à dessein l'expression « droit au logement »...

M. Richard Mallié. Qu'est-ce que cela veut dire, le « droit au logement » ?

M. Pierre Lellouche. ...et le droit de chacun de bénéficier des garanties de jouissance suffisantes sans craindre de devoir quitter son logement en raison d'opérations immobilières répondant à des intentions purement spéculatives.

Mais le législateur doit également tenir compte du droit de propriété, qui est reconnu dans la Déclaration des droits de l'homme, à laquelle fait référence le préambule de notre Constitution, ainsi que des réalités du marché de l'immobilier qui, aujourd'hui, s'agissant d'une grande ville comme Paris, est un marché européen, voire mondial.

C'est pourquoi il importe de ne pas stigmatiser les opérations de vente par lots effectuées par des investisseurs institutionnels. Un tel comportement mènerait inévitablement à des tentations idéologiques, que l'on a d'ailleurs pu percevoir en lisant les diverses propositions de lois de nos collègues des groupes socialiste et communiste. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme Annick Lepetit. C'est faux !

M. Pierre Lellouche. Que dire, en effet, de leur proposition de loi visant à instaurer une décote à l'achat pour le locataire du bien vendu...

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C'est une excellente proposition ! La meilleure !

M. le président. Monsieur Le Bouillonnec, vous n'avez pas la parole !

M. Pierre Lellouche. ...si ce n'est qu'elle entraînerait immanquablement une hausse spectaculaire de la spéculation immobilière, sans protéger les locataires ? Et que dire encore de la volonté centralisatrice d'accorder aux maires le pouvoir d'interdire la mise en copropriété d'un bien vendu, si ce n'est que cela aurait pour conséquence directe de tarir une offre de biens déjà insuffisante ?

Au demeurant, le bilan navrant de la municipalité socialiste à Paris en matière de logement (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)...

M. Guy Geoffroy et M. Claude Goasguen. Bilan calamiteux !

M. Richard Mallié. Parlons-en !

Mme Martine Billard. Et celui de Marseille ?

M. le président. Vous n'êtes pas obligés, mes chers collègues, de vous manifester à chaque fois que M. Lellouche parle des socialistes !

Poursuivez, monsieur Lellouche !

M. Pierre Lellouche. Le bilan de la municipalité socialiste à Paris devrait conduire nos collègues de l'opposition à davantage de modestie.

M. Jean Tiberi. Très bien !

M. Pierre Lellouche. Paris devient en effet inabordable. Où sont les logements sociaux destinés aux classes intermédiaires ? On n'a jamais aussi peu construit à Paris : à peine plus d'un millier de logements sont construits chaque année, cofinancés principalement par l'État, la région et les bailleurs. Les familles moyennes, dès le premier enfant, sont obligées de fuir la capitale vers la banlieue.

M. Guy Geoffroy. C'est exact !

M. Pierre Lellouche. Pire encore, la politique de préemption menée notamment par l'OPAC à l'initiative de la mairie, outre qu'elle gonfle artificiellement les statistiques municipales,...

M. Patrick Bloche. Hors sujet ! C'est trop facile !

M. Pierre Lellouche. ...car acheter un logement occupé ne crée par de disponibilités supplémentaires pour les 100 000 demandeurs de logement à Paris,...

Mme Annick Lepetit. Mais si !

M. Jean-Louis Dumont. Cela conserve le locatif !

M. Pierre Lellouche. ...cette politique de préemption, disais-je, introduit des injustices tout aussi graves - cela vous gêne, je le sais - pour les classes moyennes que les ventes à la découpe, contre lesquelles la gauche se plaît à pousser des cris d'orfraie.

Ainsi, dans ma circonscription, la prise de contrôle d'immeubles occupés par l'OPAC...

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C'est légalement impossible !

M. Pierre Lellouche. ...entraîne l'éviction de Parisiens souvent modestes vers la banlieue au profit de foyers assistés, souvent récemment arrivés dans notre pays ! (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Christophe Caresche. On ne peut laisser dire cela !

Mme Annick Lepetit. Ce que vous dites est honteux !

M. Pierre Lellouche. La mixité sociale imposée par le haut s'ajoute ainsi aux effets de la spéculation des fonds de pension étrangers pour conduire à l'éviction des classes moyennes de la capitale. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Je sais que cela vous gêne, mais je poursuis !

Autrement dit, la ville de Paris alimente cette spéculation et en tire les bénéfices : les droits de mutation, qui augmentent depuis 2001, représentent aujourd'hui environ 600 millions d'euros !

M. Christophe Caresche. Provocateur !

M. Pierre Lellouche. Parallèlement, adeptes du double langage, vous continuez à faire porter aux spéculateurs immobiliers la responsabilité de la fuite des classes moyennes de Paris. Ainsi, Paris se rapproche peu à peu des villes américaines : un centre administratif et des affaires, désert la nuit, et un tête-à-tête autiste entre une population très aisée à l'ouest et une autre, de plus en plus assistée, à l'est.

Dans le texte qui nous est proposé aujourd'hui, on a trouvé, à mon sens, le juste équilibre entre ces deux impératifs que sont la nécessaire protection des locataires qui ne peuvent acheter leur logement, et le maintien des règles normales du marché de l'immobilier. De plus, il s'inscrit dans la démarche, initiée depuis 2002, qui vise à encourager l'accès à la propriété, notamment grâce aux avancées de son premier article, en permettant aux Français de réaliser dans de bonnes conditions le premier de leurs souhaits, à savoir devenir propriétaires de leur logement.

M. Claude Goasguen. Il faut construire !

M. Pierre Lellouche. Je dirai pour conclure que j'aurais aimé que la municipalité parisienne montre l'exemple en matière d'accès à la propriété. Or, il n'y a rigoureusement rien ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Claude Goasguen. Zéro !

Mme Annick Lepetit. Et le Gouvernement, que fait-il ?

M. Pierre Lellouche. C'est pour toutes ces raisons, mes chers collègues, que je serai fier de voter le texte de notre collègue Martine Aurillac. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je vous rappelle, mes chers collègues, que nous ne sommes pas au conseil de Paris, mais à l'Assemblée nationale ! (Sourires.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Vive la banlieue !

M. Claude Goasguen. Décidément, les socialistes n'aiment pas la truelle !

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je me garderai bien de suivre l'exemple de notre collègue Pierre Lellouche en tenant des propos hors sujet, les réservant à d'autres enceintes, comme vient de l'indiquer notre président.

M. Pierre Lellouche. Paris est donc hors sujet ici ?

M. Patrick Bloche. Le Conseil de Paris se réunit chaque mois, cher collègue ! Venez plus souvent !

M. Pierre Lellouche. Cessez de nous donner des leçons !

M. le président. Revenons à l'Assemblée nationale !

M. Patrick Bloche. Venez nous faire part, mon cher collègue, dans l'enceinte qui est destinée à cela, c'est-à-dire le Conseil de Paris, de vos critiques à l'égard de la politique municipale, qui sont parfaitement légitimes puisque vous êtes dans l'opposition.

J'en viens, mes chers collègues, au sujet qui nous occupe ce matin. Je commencerai en évoquant, si vous me le permettez, mon agenda de député de Paris.

Vendredi dernier, à dix-sept heures, je me trouvais à l'hôtel de ville, dans le bureau de Jean-Yves Mano, adjoint au logement, avec les locataires du 39 bis, rue de Montreuil, dans le 11e arrondissement, qui symbolise à bien des égards le combat des locataires « découpés ».

Une heure plus tard, je rejoignais ma permanence à la mairie du 11e pour mon premier rendez-vous, avec des locataires des 20 et 24, rue de Charonne, toujours dans le 11e arrondissement, où vingt-trois logements sont touchés par une opération de vente à la découpe.

M. Pierre Lellouche. Vous vous égarez !

M. Patrick Bloche. Le lendemain, c'est-à-dire samedi, je rencontrais les locataires « découpés » des 56, 58 et 70, boulevard de Charonne.

M. Pierre Lellouche. Ce n'est pas à Paris ?

M. Patrick Bloche. Et je n'oublie pas ceux du 259, boulevard Voltaire, ni ceux du 42, rue de Chaligny, à la limite de ma circonscription, ni bien entendu toutes les opérations de vente à la découpe, à Paris et hors de Paris, puisque nous savons toutes et tous que ce phénomène touche un nombre important de villes dans notre pays.

Comment ignorer ici, ce matin, que la situation est aujourd'hui explosive ?

M. Pierre Lellouche. À cause de qui ?

M. Patrick Bloche. Et comme vous, mes chers collègues, quand vous rencontrez des locataires victimes de ces découpages, je lis sur leur visage la même inquiétude, la même angoisse, le même désarroi. Ce sont des femmes, des hommes, des enfants, car beaucoup de familles sont touchées. Quant aux plus anciens, ceux qui sont là depuis vingt ou trente ans et qui sont souvent âgés de plus de soixante ans, ils me disent qu'ils sont trop vieux pour bénéficier d'un prêt bancaire qui leur permettrait d'acheter leur appartement.

M. Claude Goasguen. Ils sont protégés par la loi !

M. Patrick Bloche. Ces locataires « découpés » n'ont même pas, eux, la possibilité d'exercer leur droit de préemption car, lorsque le prix du mètre carré est de 4 500, 5 000 ou 5 500 euros, il est clair pour eux qu'ils ne peuvent pas acheter leur logement.

M. Pierre Lellouche. À qui la faute ?

M. Jean-Louis Dumont. Aux ventes en cascade !

M. Richard Mallié. C'est faux !

M. Patrick Bloche. Ils craignent en outre la hausse du loyer consécutive au congé-vente qui interviendra lors du renouvellement de leur bail, car leur loyer représente déjà, compte tenu de la baisse du pouvoir d'achat, 40, 45, voire 50 % de leur revenu actuel, qui est le plus souvent modeste ou moyen.

Voilà la réalité sociologique des ventes à la découpe ! Dois-je vous rappeler, monsieur Lellouche, ce que nous avons dit le 10 mai, à savoir que l'arrondissement le plus touché de Paris n'est pas le 8e,...

M. Pierre Lellouche. Si !

M. Patrick Bloche. ...mais le 19e ?

M. Claude Goasguen. J'ai eu l'occasion de le dire, comme vous l'auriez entendu si vous aviez été présent !

M. Patrick Bloche. Malgré leur mobilisation dans des collectifs de locataires, soutenus par les grandes fédérations nationales, les locataires se posent tous les mêmes questions : où pourrai-je me loger demain ? Pourquoi dois-je quitter mon quartier, ma ville, où je réside depuis plusieurs décennies, parfois depuis toujours ? Qui assurera la mixité sociale dans mon quartier après mon départ ?

À cette inquiétude s'ajoute depuis une quinzaine de jours une interrogation nouvelle. Et c'est un militant acharné du oui au référendum sur le traité constitutionnel européen qui vous la rapporte ici : le chef de l'État et son nouveau gouvernement tireront-ils aussi les leçons du 29 mai, comme ils l'ont proclamé pour l'emploi, dans le domaine du logement ? Voilà la question qui m'a été posée au cours des quinze derniers jours !

« Monsieur le député, il y a un nouveau débat sur la vente à la découpe le 14 juin à l'Assemblée nationale. Est-ce que le Gouvernement, est-ce que la majorité de l'Assemblée nationale tireront les leçons du 29 mai ? Ils disent vouloir les tirer dans le domaine de l'emploi. Vont-ils les tirer dans le domaine du logement ? Va-t-il y avoir un signe - enfin - pour que la loi change et que les locataires, aujourd'hui touchés, puissent enfin être protégés ? » : voilà ce que l'on me demande.

Chers collègues, en nous retrouvant ce matin, comment ne pas constater - une nouvelle fois - l'immense temps perdu ?

Je me souviens de l'espoir que nous avions fait naître, à l'automne, lors de la discussion budgétaire, en modifiant la fiscalité relative aux marchands de biens, et ce avec l'aide du rapporteur général du budget, M. Carrez, et avec, sinon la bénédiction, du moins la sagesse exprimée par M. Bussereau, alors secrétaire d'État au budget.

Mais, depuis cette modification du code général des impôts au mois de novembre, il ne s'est rien passé,...

M. Claude Goasguen. Si, les prix ont grimpé !

M. Patrick Bloche. ...nous n'avons pas touché la loi ! Or nous savons tous et toutes ici que, si nous ne touchons pas la loi, les locataires aujourd'hui frappés par les opérations de vente à la découpe ne pourront pas être efficacement protégés.

M. Guy Geoffroy. C'est l'objet de la proposition de loi que nous examinons ce matin !

M. Patrick Bloche. Or ce que vous nous proposez ce matin, qui n'est plus la proposition de loi de Mme Aurillac tant elle a été réécrite, ne concerne qu'un tiers des locataires ! Vous oubliez les deux tiers de locataires qui, touchés par des ventes à la découpe, ne peuvent racheter leur logement !

M. Guy Geoffroy. Ils restent locataires !

M. Philippe Pemezec. Ils ont un bail normal !

M. le président. Chers collègues, laissez M. Bloche conclure !

M. Patrick Bloche. De fait, chers collègues, vous nous proposez un dispositif inadapté, très en retrait de ce qu'il faudrait faire et même régressif s'agissant de la négociation des conventions collectives entre bailleurs et locataires.

Une chance s'offrait à vous. Vous ne l'avez pas saisie le 10 mai quand nous avons présenté notre proposition de loi pour laquelle vous avez refusé le passage à la discussion des articles. Ce matin, nous allons passer à la discussion des articles. Le groupe socialiste a déposé de nombreux amendements visant à protéger les locataires victimes de ventes à la découpe et qui ne peuvent racheter leur logement, afin de maintenir leur présence dans les lieux qu'ils occupent, quelquefois depuis longtemps.

Il est donc temps de nous saisir de l'arme de la loi, chers collègues. Il faut légiférer.

M. Guy Geoffroy. C'est ce que nous faisons !

M. Patrick Bloche. Eh bien ! Si c'est ce que nous faisons ce matin, je vous prends au mot, cher collègue : légiférons enfin, mais légiférons grâce aux amendements du groupe socialiste, légiférons vraiment, ici et maintenant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean Tiberi.

M. Jean Tiberi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à l'occasion de notre discussion sur cette proposition de loi - pour laquelle il est plus exact de parler de ventes par lots, plutôt que de « ventes à la découpe » -, nous pourrions examiner, mais je sais que nous n'en aurons pas le temps, l'ensemble de la politique du logement non seulement au plan national, mais aussi dans le cadre des villes.

Avant tout, je tiens à dire que cette proposition, présentée par Mme Aurillac, est un bon texte. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Il a été utilement complété par la commission des lois, et j'en remercie M. Decocq.

Je suis donc surpris de l'agressivité de l'opposition, même si je comprends parfaitement qu'elle ait d'autres propositions à formuler ! J'ai cru comprendre, au travers de certaines de ses interventions, qu'elle en reconnaissait certaines avancées, même si elle les jugeait insuffisantes. Pour ma part, je considère que ce texte, en apportant des protections aux locataires en difficulté et des garanties pour les acquéreurs éventuels, constitue une avancée importante.

Le débat doit s'inscrire, certes, dans le contexte général de la politique gouvernementale, comme l'ont souligné plusieurs orateurs de la majorité, mais aussi de la politique des villes.

Monsieur le président de la commission des lois, j'ai été, avec votre prédécesseur, un acteur actif de la loi présentée, en 1981, par un homme de qualité et pour qui j'avais le plus grand respect : M. Quilliot. D'autres lois ont été votées, la loi Méhaignerie entre autres. Toutes ont essayé de trouver un équilibre entre propriétaires et locataires. Je peux dire, connaissant ce sujet, comme quelques autres, que, pour ce qui est de Paris - mais c'est valable pour toute la France -, l'immense majorité des propriétaires sont des petits et moyens propriétaires, de bonne foi et ne pratiquant pas la spéculation. Il ne faut donc pas les montrer du doigt. En réalité, la spéculation est souvent le fait d'organismes plus grands, de certains - pas tous - institutionnels qui se comportent mal, d'où la nécessité de défendre les locataires victimes de spéculateurs.

C'est donc dans un cadre général qu'il faut analyser le problème.

Les lois diverses qui sont intervenues, notamment celles - et je n'en fais pas le reproche - issues de gouvernements socialistes, n'ont jamais résolu le problème général ! Jamais ! Ce n'est pas un reproche, chers collègues socialistes, mais une constatation : pendant les cinq années où vous étiez au pouvoir, vous n'avez pris aucune mesure contre la spéculation, que vous dénoncez aujourd'hui à juste titre. Vous n'avez pris aucun texte dans ce sens, aucun !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. L'extension des accords collectifs !

M. Claude Goasguen. Ce n'est pas une mesure !

M. Jean Tiberi. Pourquoi n'avez-vous rien fait ? Eh bien ! Parce que c'est difficile ! Si vous allez trop loin dans ce domaine, vous empêchez la construction par le privé et vous aboutissez à une absence de protection des locataires. Il faut donc être extrêmement prudent sur ce sujet.

Je tenais à le dire : vos lois n'ont jamais résolu le problème.

Je partage les analyses de certains orateurs qui m'ont précédé, comme Mme Aurillac, M. Goasguen, entre autres. Je crois que ce qu'il faut, et vous ne m'en voudrez pas de prendre l'exemple de Paris, c'est construire plus de logements. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Patrick Bloche. Pas vous ! Vous en refusiez 1 500 ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Richard Mallié. On n'a pas de leçon à recevoir de vous !

M. Patrick Bloche. Nous en construisons 4 500 !

M. Jean Tiberi. Mon cher collègue, je vais vous répondre !

Vous construisez avec le double de crédits de l'État ! Monsieur Bloche, pour construire des logements sociaux à Paris, le financement principal vient de l'État. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Attendez ! Le financement de l'État pour construire ou acheter a doublé grâce à un gouvernement de droite ! Vous avez le double de crédits...

M. Patrick Bloche. Vous n'avez pas utilisé vos crédits pendant six ans !

M. Jean Tiberi. Monsieur Bloche, laissez-moi terminer !

Lorsque j'étais maire de Paris, j'avais passé une convention avec M. Besson, ministre socialiste,...

M. Christophe Caresche. C'est ce qu'on a fait avec M. Daubresse !

M. Jean Tiberi. ...qui nous avait imposé 2 200 logements à Paris ! Un ministre socialiste avait refusé d'accorder plus de logements ! Cette décision est passée devant le Conseil de Paris : vous avez voté, vous, les socialistes, au Conseil de Paris, ces 2 200 logements ! Le gouvernement socialiste donnait moins de crédits pour le logement social à Paris ! Aujourd'hui, vous avez le double de crédits pour construire ! Vous avez parlé de 4 500 logements. Mais ce ne sont pas 4 500 logements que vous construisez, c'est la moitié seulement ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Vous construisez actuellement moins de logements, M. Goasguen a eu raison de le souligner, qu'il n'en était construit à l'époque ! C'est cela qui est extrêmement grave !

Première observation : il faut construire plus de logements sociaux, et vous ne le faites pas malgré les crédits octroyés par un gouvernement de droite.

M. Richard Mallié. C'est pour cela qu'ils ne veulent pas construire !

Mme Janine Jambu. Les crédits sont insuffisants !

M. Jean Tiberi. Deuxième observation : vous ne construisez pas de logements permettant l'accession à la propriété. Dans la convention signée à l'époque, l'accession à la propriété était prévue.

Troisième observation : ainsi que mes collègues l'ont indiqué tout à l'heure, il n'y a pas de constructions pour les classes moyennes, au sens large, à Paris. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Or les classes moyennes, notamment à Paris, mais aussi dans les grandes villes, sont des cas sociaux comme les autres ! Elles ne peuvent pas s'orienter vers le parc privé, les logements y étant trop chers, et elles n'ont pas accès au logement social ! Vous excluez donc de votre politique les classes moyennes ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Annick Lepetit. C'est incroyable ! Les ventes à la découpe concernent des gens en place depuis trente ans !

M. Jean Tiberi. Voilà pourquoi il faut plus de constructions : plus de constructions sociales, plus de constructions en accession à la propriété et plus de constructions pour les classes moyennes !

C'est la raison pour laquelle le texte que nous examinons ce matin constitue une avancée.

Mme Annick Lepetit. Pourquoi ne pas avoir voté notre proposition le 10 mai ?

M. Jean Tiberi. Je comprends parfaitement que vous ayez des critiques à formuler, mais de grâce, ne nous donnez pas de leçons ! Vous ne construisez pas assez.

Mes chers collègues, madame la ministre, monsieur le président, nous voterons ce texte car il représente une avancée importante en matière de protection. Nous souhaitons que le Gouvernement, mais également les collectivités, notamment la mairie de Paris, aillent dans le sens que je viens d'indiquer. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Michel Charzat, dernier orateur inscrit.

M. Michel Charzat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en 2004, à Paris, plus de 6 300 logements, soit 15 % du marché des ventes d'appartements anciens, ont été vendus « à la découpe ». Flambée du montant de loyers déjà élevés, aggravation de la pénurie de logements locatifs, remise en cause de la mixité sociale, ...

M. Philippe Pemezec. Non, c'est le contraire !

M. Michel Charzat. ...les populations des grandes agglomérations françaises subissent de plein fouet ce phénomène aux effets inacceptables et dont le récent essor est notamment la conséquence d'un amendement fiscal « suggéré » au sénateur Philippe Marini par la Fédération des sociétés immobilières. Cet amendement a donné un coup de fouet à la spéculation en remplaçant l'impôt sur les bénéfices imposables, de 34 %, par une simple taxe de 16,5 % sur les plus-values latentes.

Le groupe socialiste de l'Assemblée nationale avait déposé une proposition de loi apportant une réponse complète et globale au problème posé. Je déplore le rejet de cette initiative du fait de l'opposition irrationnelle des députés de la majorité lors de sa présentation en séance publique, le 10 mai dernier.

Ces mêmes députés nous soumettent aujourd'hui un texte, soulignant ainsi qu'il était illusoire, comme le prétendait le précédent ministre du logement, de s'en tenir à des mesures réglementaires et à des accords collectifs.

M. Claude Goasguen. Vous les avez bloqués !

M. Michel Charzat. Si cette nouvelle proposition de loi comportait des avancées limitées, force est de constater son caractère minimaliste puisqu'elle est exclusivement consacrée à l'accès à la propriété et qu'elle a été réécrite, de façon régressive, sans aucune concertation avec les associations de locataires.

Les familles victimes de la vente à la découpe ne disposent pas nécessairement des moyens financiers requis pour l'acquisition de leur appartement par l'exercice d'un droit de préemption, même au stade de la vente en bloc. Certaines ne sont pas en mesure de présenter les garanties qui leur permettraient de recourir au prêt bancaire. J'ajoute que la commission des lois a procédé à une relecture du texte et a supprimé son article 2, instituant ainsi une scandaleuse amnistie des opérations en cours.

Parmi d'autres, la mobilisation des locataires de trois immeubles situés aux 58, 60 et 70, boulevard de Charonne, dans le 20e arrondissement, montre la détermination grandissante des locataires concernés et l'urgence de réponses efficaces.

Car, contrairement à ce qu'il a parfois été dit, la spéculation immobilière n'est pas l'apanage des quartiers les plus favorisés.

M. Claude Goasguen. Ce n'est pas ce qu'on a dit !

M. Michel Charzat. Les plus pauvres, les plus modestes et les classes moyennes au sens large sont également touchés, particulièrement les familles. Un quart des logements « découpés » dans la capitale se situent dans les trois arrondissements les moins favorisés : le 18e, le 19e et le 20e.

Pourtant, la protection des plus démunis est absente du texte en discussion. Déjà, 20 % des locataires partent sans attendre le congé de vente. Il manque par ailleurs, dans cette proposition de loi, l'interdiction du recours au « congé pour vente » par les opérateurs de la spéculation immobilière. Ce texte ne garantit pas que toute violation des procédures d'information et de concertation instituées par les accords collectifs de 1998 et de 2005 pourrait entraîner la nullité du congé.

A contrario, la proposition du groupe socialiste contenait des dispositions particulières concernant les familles aux ressources insuffisantes, les plus de soixante-cinq ans ainsi que les personnes malades ou handicapées, afin que les congés pour vente ne puissent plus leur être adressés.

Elle présentait l'avantage de protéger les occupants des immeubles « découpés » n'étant pas en mesure d'accéder à la propriété et désireux de rester locataires de leur logement racheté par une personne physique.

Elle comportait des éléments en faveur de la régulation de l'activité de marchand de biens, qu'il convient de distinguer dans la législation de celle des véritables bailleurs de logements.

Enfin, l'intervention des maires était envisagée, en donnant à ces derniers la possibilité de suspendre la procédure de mise en copropriété après l'organisation d'enquêtes publiques.

Ces mesures sont absentes du texte qu'il nous est donné d'examiner aujourd'hui. C'est pourquoi nous proposerons de l'amender afin de pallier ses carences et de remédier aux régressions qu'il induit, notamment en matière de concertation. En effet, le ministre pourrait désormais passer outre à l'opposition de la majorité des organisations représentatives des locataires, pour étendre, par décret, un accord collectif minoritaire.

L'enjeu est de donner à l'ensemble des locataires, et pas seulement aux candidats à la propriété, la possibilité de se maintenir dans leur logement face aux manœuvres financières abusives de certaines professions à la recherche de profits d'aubaine. Il faut rendre effectif le principe du « droit au logement ». Vous vous y refusez avec ce texte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Excellent !

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, les différentes interventions que nous venons d'entendre le démontrent : si, sur tous les bancs de cette assemblée, on fait la même analyse des difficultés liées aux ventes à la découpe, les solutions proposées pour y remédier sont très divergentes. Tous les commentaires exigent en tout cas que nous avancions, et c'est d'ailleurs tout le sens de la proposition qu'a faite Mme Aurillac et que le rapporteur a bien voulu accompagner de très nombreux amendements, afin de nous permettre d'avoir aujourd'hui une discussion globale sur le sujet.

Il convient sans doute de commencer par étudier les chiffres. Certes, le nombre des ventes par lots a augmenté depuis trois ans, mais, à Paris, ce phénomène était encore plus important en 1997 et 1998. Les orateurs socialistes nous reprochent d'agir tardivement, mais la majorité socialiste d'alors...

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il y a eu l'accord collectif, madame !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. ...s'était satisfaite de la réponse apportée par l'accord collectif de location et n'avait pas envisagé de prendre la moindre mesure. Les chiffres avaient d'ailleurs ensuite sensiblement baissé, ce qui tend à prouver que l'accord collectif peut avoir un effet.

Tous, nous nous accordons à reconnaître que les ventes par lots réduisent le parc locatif et peuvent compromettre la présence, en ville, de nombreux ménages. Personne, dans cet hémicycle, ne peut souhaiter que les enfants disparaissent de certains quartiers ou de certains arrondissements, qui seraient en même temps privés d'écoles et de crèches.

M. Claude Goasguen. C'est vrai !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Tous, nous savons que l'hétérogénéité est nécessaire à un quartier. De ce point de vue, les procès d'intention ne sont pas de mise. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ce qui a guidé les rédacteurs de ce texte, c'est bien la volonté d'obtenir un subtil équilibre entre le respect du droit de propriété, inscrit dans la Constitution, la nécessité de permettre à des institutionnels d'investir dans ces secteurs et l'obligation de faire le plus grand cas des locataires, qu'ils soient potentiellement acquéreurs de leur logement ou contraints de déménager. Tous doivent en effet être protégés dans leurs droits, accompagnés dans leur démarche, qui doit s'effectuer dans les conditions les plus acceptables possibles.

On voit bien que cette proposition est équilibrée, qui suscite des commentaires sur tous les bancs. Peut-être ne sommes-nous pas si loin du but : l'examen des amendements nous permettra de progresser encore.

Le texte comporte déjà des avancées considérables et je voudrais, monsieur le rapporteur, vous remercier de votre travail. La base en était l'accord collectif du 16 mars, dont on n'a pas assez parlé : je me dois d'ailleurs de rendre hommage à mon prédécesseur, Marc-Philippe Daubresse, qui s'est engagé avec détermination dans cet accord, comme il l'a fait pour le logement social. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

M. Guy Geoffroy. Il fallait le dire !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Il est facile de critiquer ou de faire des effets de manche, mais les chiffres parlent : de 38 000 logements en 2000, on est passé, aujourd'hui, à 70 000.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Dont 40 % qui ne sont pas du logement social !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Nous voyons bien la progression. Les caricatures n'honorent pas ceux qui les font ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Cet accord collectif du 16 mars est également marqué par des avancées réelles, avec l'amélioration de l'information des locataires, avec la prise en compte de ceux dont les ressources sont inférieures au PLI − soit 6 300 euros, ce qui n'est pas insignifiant −, avec l'obligation de relogement. Il est donc extrêmement complet, beaucoup plus, en tout cas, que celui de 1998, qui semblait pourtant déjà convenir à ceux qui l'avaient négocié. Enfin, le plus grand cas est fait des personnes âgées et des personnes handicapées.

En souhaitant la signature d'un nouvel accord, le Gouvernement n'a donc jamais renvoyé aux bailleurs ou aux locataires la responsabilité de trouver une solution. L'action de Marc-Philippe Daubresse se justifiait par la nécessité d'aller vite. Cet accord, qui n'a pas pu être rendu opposable, a été négocié le 16 mars ; nous sommes aujourd'hui le 14 juin et nous voyons bien qu'il faut sortir de cette situation de blocage. C'est pourquoi le Gouvernement auquel j'ai l'honneur d'appartenir a pris ses responsabilités : après la concertation, les décisions se feront par décret. Il est un temps pour la discussion et la négociation, et il est un temps pour la décision.

M. Claude Goasguen. Oui, il faut agir !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. C'est cela, aussi, que nos concitoyens nous ont expliqué : il est nécessaire de remédier aux situations de blocage. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Comme Mme Aurillac le disait fort bien tout à l'heure, l'enjeu du texte dont nous discutons est de protéger ceux qui peuvent accéder à la propriété, de préserver le droit de propriété, mais aussi de protéger les locataires.

Monsieur Le Bouillonnec, l'accord du 16 mars proposant des solutions et étant plus complet que celui de 1998, on ne peut pas prétendre qu'il porte un « coup fatal à la négociation ». Au contraire, on peut parler de volonté d'aboutir. C'est pourquoi le recours au décret nous permettra d'avancer plus rapidement.

À Bernard Debré, je voudrais dire que les chiffres révèlent un net recul des ventes par lots après l'accord de 1998. Les dispositions de la proposition de loi, que vous avez vous-même qualifiée de « bonne », permettront une nouvelle baisse. Dès lors que les règles sont mieux fixées, il n'est pas indispensable d'interdire les congés pour vente pour les institutionnels.

Madame Lepetit, j'entends bien vos leçons de démocratie, voire de démagogie, mais il faudrait aussi, de temps en temps, que vous adoptiez une approche logique. Vous ne pouvez pas, dans le même temps, nous appeler à la concertation et nous inviter à revoir le statut des marchands de biens sans avoir organisé aucune concertation. Revoir ce statut ? Pourquoi pas ? Mais, par respect pour tous ces professionnels, il me semble nécessaire d'organiser une consultation. Aussi, madame, puisque, comme moi, vous aimez les challenges, je vous donne rendez-vous au moment de la discussion du projet de loi « Habitat pour tous »... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Patrick Bloche. Nous voilà rassurés !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Mais, bien sûr, vous serez rassurés...

Mme Janine Jambu. Quand ?

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. ...par les thèmes sur lesquels le Gouvernement s'engagera résolument, et qui touchent aussi bien au droit au logement qu'au renforcement des pouvoirs de la commission de médiation. En matière de foncier et d'urbanisme, nous entendons favoriser la libération de terrains utilisables, car c'est bien là le cœur de notre débat : il s'agit de savoir comment construire du logement, social ou intermédiaire. Nous voulons aussi faciliter l'acquisition de logements sociaux par les locataires, car je ne suis pas certaine que la vente à la découpe soit le plus grand problème social auquel ait à faire face notre pays.

M. Claude Goasguen. Très bien !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Comment pouvons-nous aider ceux de nos concitoyens qui habitent dans des logements sociaux à les acquérir ? Cela fait aussi partie de leurs attentes. Enfin, nous voulons encourager la production de logements intermédiaires, qui est le souci de toutes les villes de France.

Ce texte doit passer très bientôt en Conseil d'État et je ne doute pas que nous pourrons l'inscrire à l'ordre du jour dès la rentrée parlementaire. Nous nous retrouverons ainsi, aux côtés de Jean-Louis Borloo, pour en discuter.

Madame Jambu, vous faisiez allusion à la proposition de loi discutée le 10 mai : elle était déséquilibrée, en cela qu'elle rompait l'équilibre entre le droit de propriété et l'accompagnement des locataires. Elle aurait dissuadé l'investissement locatif. En raison des problèmes de logement que connaît notre pays, c'est un risque que nous ne pouvons pas prendre.

Claude Goasguen a raison. Il est incontestable que la baisse des COS, à Paris notamment, va freiner la construction de logements. C'est l'un des sujets sur lesquels il faudra que nous puissions nous retrouver pour apporter les réponses que nos concitoyens attendent.

M. Claude Goasguen. Très bien !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Madame Billard, la désinformation a ses limites. En rendant opposable l'accord collectif, la proposition de loi apporte de vraies réponses, car elle renforce la protection des locataires par rapport à l'accord de 1998.

Mme Martine Billard. Ces garanties ne sont pas suffisantes !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Monsieur Dumont, vous suggérez de recourir davantage à la Foncière, qui, dites-vous, intervient efficacement dans le domaine locatif. Il y a là une idée à creuser. Il faut que nous puissions discuter avec les partenaires sociaux du 1 %.

Je partage l'analyse de Pierre Lellouche sur le logement intermédiaire. C'est la vraie réponse aux problèmes de logement dans nos villes.

Monsieur Bloche, comme je l'ai déjà dit aux orateurs qui vous ont précédé, la proposition de loi concerne aussi les locataires qui ne peuvent pas acheter leur logement.

Enfin, le bon sens qui, dans un souci de rechercher un consensus, a caractérisé l'analyse de M. Tiberi, est le reflet d'une connaissance approfondie du dossier, acquise sur le terrain. Il faut, à Paris, davantage de logements sociaux et intermédiaires. En travaillant sur cette proposition, nous parviendrons à un accord équilibré qui permettra de répondre à l'angoisse des locataires qui ne peuvent pas toujours acquérir, et qui autorisera les investisseurs à continuer d'investir, notamment dans le logement locatif.

Le Gouvernement de Dominique de Villepin, relayant celui de Jean-Pierre Raffarin, a des objectifs extrêmement ambitieux. Les chiffres sont là, aussi bien en matière de logements sociaux qu'en matière de locatif privé. Pour le locatif privé, notre objectif était de 25 000 nouveaux logements à loyers maîtrisés en 2004 et il sera de 40 000 par an pour toute la durée du plan de cohésion sociale. Le nouveau prêt à taux zéro est un succès : 20 000 par mois. L'objectif de 240 000 sera atteint dès 2005. La construction totale de logements dans notre pays se monte à 375 000 sur les douze derniers mois. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Avec 57 % de logements individuels !

M. Claude Goasguen. Et alors ?

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Un tel objectif n'avait jamais été atteint depuis vingt-cinq ans. Je sais que cela gêne l'opposition, car cela a le mérite d'être concret. C'est le sens de l'action de notre gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Discussion des articles

M. le président. J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte de la commission.

Avant l'article 1er

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 30, tendant à insérer un article additionnel avant l'article 1er.

La parole est à Mme Martine Billard, pour le soutenir.

Mme Martine Billard. Cet amendement vise à instituer un « permis de diviser ». En période de crise, il faut des outils de crise. En 1948, face à la crise qui avait suivi la guerre, nos prédécesseurs avaient su mettre en place des outils qui dérogeaient momentanément au droit de la propriété et protégeaient les locataires. C'était la seule façon de ne pas aggraver la situation.

Aujourd'hui, pour des raisons différentes, nous connaissons une crise du logement majeure. Des centaines de milliers de Français, de plus en plus nombreux, ne trouvent pas à se loger, et pas seulement dans les grandes villes, mais partout dans le pays.

Les secteurs où il n'y a pas de bulle immobilière, où il n'y a pas de montée des prix, aussi bien à l'achat que dans la location, se rétrécissent de plus en plus.

Il faut, face à la crise, adopter une politique momentanée. Si, dans quelques années, la situation dans le secteur de l'immobilier se détend, il sera temps de revenir sur des outils qui auront été mis en place aujourd'hui. Mais on ne peut pas traiter une crise immobilière comme celle que nous vivons depuis quelques années, et qui ne fait que s'amplifier d'année en année, avec des outils conçus pour une situation normale.

Il est écrit dans le rapport que les sociétés d'assurance, qui possédaient 100 000 logements en 1992, n'en possèdent plus que 52 000 aujourd'hui. Et il est à craindre qu'elles ne persistent dans leur démarche de vente massive de ces logements parce que, quand elles font leurs comptes, elles s'aperçoivent qu'il vaut mieux qu'elles investissent par exemple dans l'immobilier de bureaux - cela leur rapporte plus. Il est donc légitime de penser que le mouvement que nous connaissons actuellement va se poursuivre durablement.

Certes, la proposition de loi permettra de régler quelques cas, pour les personnes qui ont les moyens d'acheter, et de protéger certaines catégories de locataires, mais son champ sera quand même limité, et, surtout, elle ne donne pas aux politiques publiques les outils qui leur permettraient d'essayer de contrôler le secteur immobilier.

En novembre 2002, vous avez adopté un amendement qui introduisait des dispositions fiscales qui ont fait exploser la situation de la concurrence et favorisé la vente par lots. Aujourd'hui, il est temps de se doter d'un outil qui permette de limiter - il ne s'agit pas d'interdire bien évidemment ni de s'en prendre aux petits propriétaires -, de contrôler les ventes d'immeubles de plus de dix logements.

Je relève d'ailleurs une ambiguïté s'agissant de l'articulation de cette proposition de loi avec les accords collectifs. En effet, les accords collectifs ne portent pas sur le quatrième secteur, c'est-à-dire le secteur totalement privé, et la proposition de loi telle qu'elle est rédigée exclut, pour l'instant, ce secteur, à l'inverse de mon amendement n° 30, qui, lui, porte sur l'ensemble des immeubles de plus de dix logements, hors secteur HLM bien évidemment, y compris donc le secteur privé.

Le contrôle introduit par le permis de diviser que je propose permettrait le maintien d'un secteur locatif, auquel les Verts sont très attachés.

Cet outil doit-il être confié au maire ou au préfet ? La question fait débat, je le sais. Je pense pour ma part qu'à l'heure de la décentralisation, on ne peut pas continuer à renforcer constamment les pouvoirs des préfets. Les maires sont élus par leurs concitoyens. Ils doivent prendre leurs responsabilités. Et les électeurs peuvent utiliser les échéances électorales pour sanctionner les élus qui mèneraient, selon eux, une mauvaise politique. Il me semble donc plus juste, au regard de la démocratie, que ce soit le maire qui dispose de cet outil plutôt que le préfet.

Je ne l'ai pas précisé dans l'amendement, puisque j'indique simplement qu'un décret en conseil d'État définirait les modalités d'application du présent article, mais je pense que c'est au maire de prendre ses responsabilités.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Decocq, rapporteur. L'amendement n° 30 n'a pas été examiné par la commission. Je voudrais cependant faire deux ou trois remarques à Mme Billard, même si j'aurai l'occasion de répondre plus longuement sur le fond lorsque nous examinerons l'amendement n° 20 de M. Le Bouillonnec, qui part du même principe.

Au-delà du point de vue politique que vous exposez, permettez au rapporteur de la commission des lois d'appeler votre attention, madame, sur un aspect juridique.

Manifestement, cet amendement n° 30 porte gravement atteinte au droit de propriété, en mettant en cause la division, la mise en copropriété, qui est un attribut essentiel du droit de propriété, appelé abusus par les juristes. Il y a l'abusus, le fructus et l'usus. Celui-là, c'est l'abusus.

En outre, cet amendement est imprécis. Vous avez d'ailleurs vous-même plaidé coupable s'agissant du choix du responsable, le maire ou le préfet, mais je relève une autre imprécision : quelle est la définition objective d'une « zone à marché tendu » ?

Mme Martine Billard. C'est le décret en Conseil d'État qui les définirait.

M. Christian Decocq, rapporteur. Pour toutes ces raisons, je suis personnellement défavorable cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Pour les raisons exprimées par le rapporteur, auxquelles s'ajouterait une complexité administrative, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 30.

M. le président. La parole est à Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je ferai deux observations sur la pertinence de l'amendement déposé par Mme Billard.

D'abord, il nous paraît impossible, nous l'avons souvent dit et nous ferons une proposition un peu différente, d'accepter que des processus de division par lots des immeubles se fassent sans que la collectivité locale soit informée. Alors que les dispositifs de renouvellement urbain, de cohésion sociale, et peut-être, demain, d'habitat pour tous placent les maires au cœur des stratégies sur la diversité et la mixité dans les quartiers, y compris dans le contenu du PLH, qui serait, d'après ce que l'on en sait, amélioré, on priverait dans le même temps les maires d'une possibilité d'intervenir sur ces dispositifs.

M. Philippe Houillon, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Mais non !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Les conséquences seraient une rupture de la mixité et de l'équilibre social, en tout cas leur non prise en compte par les collectivités locales.

Ensuite, il faut, à mon avis, tordre le cou à l'argument sur le droit de propriété. Cela fait quand même 200 ans que le dispositif législatif a petit à petit porté atteinte à ce droit de propriété. Il est inacceptable de mettre en contradiction deux principes de notre droit, celui de loger dans la permanence et la pérennité et celui d'être propriétaire. Tous les textes sur la propriété commerciale, la faculté d'expropriation pour une collectivité, la fixation du prix des domaines, la réglementation sur la possibilité de construire, le droit d'expropriation, sont des dispositifs législatifs qui ont été construits bien évidemment sur l'intérêt général ou pour tenir compte de l'évolution de la société, mais qui, bien entendu, sont des atteintes évidentes au droit de propriété. On ne peut pas se contenter de nous opposer cet argument-là, car, je le dis parce que sinon on va nous en faire la remarque tout le temps, tout le dispositif qui a cherché à établir des rapports entre les locataires et les propriétaires, de la loi de 1975 à celle de 1989, s'est faufilé au milieu de cette contradiction d'intérêts, et la loi a suffisamment harmonisé. Donc je ne crois pas qu'on puisse s'appuyer sur cet argument.

L'amendement est intéressant parce qu'il place la collectivité au cœur des stratégies de découpes des immeubles.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 30.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article 1er

M. le président. Sur l'article 1er, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Philippe Pemezec.

M. Philippe Pemezec. Malgré toute l'affection et le respect que je porte à mes collègues, je suis contre ce texte, mais pour des raisons différentes de celles de l'opposition.

J'ai en effet l'impression qu'on est en train de céder à l'hystérie médiatique. La France semble découvrir le phénomène des ventes d'immeubles par lots. Pourtant, ce phénomène n'est pas nouveau. Cela fait près de quarante ans que l'on pratique ce type de vente. Je voudrais même relativiser ce phénomène. Une étude récente des notaires de Paris a démontré qu'entre 1992 et 2004, les ventes à la découpe ne représentaient que 12 % des ventes globales au niveau parisien et 5 % des 600 000 transactions enregistrées sur une année normale au niveau national. C'est dire combien ce phénomène est marginal.

D'où vient cette soudaine actualité ? Un grand investisseur anglo-saxon, la société Westbrook, a acquis il y a deux ans des immeubles propriétés d'investisseurs français, occupés par des locataires, et a procédé à leurs ventes au détail. Mais Westbrook a sans doute minimisé l'impact d'une telle opération. En effet, les immeubles en question étaient occupés par des personnalités prestigieuses et puissantes.

M. Jean-Louis Dumont. Mais désargentées.

M. Philippe Pemezec. Il a été proposé à ces personnes de se porter acquéreurs.

Il faut savoir que la plupart de ces locataires avaient intégré leur logement plusieurs années auparavant. Or l'évolution des loyers étant bloquée à Paris depuis la loi du 6 juillet 1989, ces personnes se trouvaient bénéficiaires de véritables rentes de situation, payant en 2005 des loyers fixés, cinq, dix, ou vingt ans auparavant et n'ayant pour ainsi dire jamais été augmentés. Ainsi, la plupart des protestataires occupant des appartements situés dans les plus beaux quartiers parisiens payaient des loyers de l'ordre de 6 euros le mètre carré alors que la moyenne est de 23 euros.

Ces locataires médiatiques, puissamment relayés par la presse et soutenus par quelques élus parisiens - mais je leur pardonne, car ils devaient méconnaître les avantages dont jouissaient ceux-ci -, ont crié au scandale. Le phénomène a pris une telle ampleur que le ministre délégué au logement de l'époque, Marc-Philippe Daubresse, a dû saisir la commission nationale de concertation. Des personnalités importantes s'en sont mêlées, notamment une grande actrice, un homme politique de premier plan qui a participé à la course aux présidentielles et un administrateur du Sénat. Ce haut fonctionnaire du Sénat occupe un logement de 200 mètres carrés square Saint Philippe du Roule. Il s'est vu proposer l'acquisition de ce logement, d'une valeur probable de 1,5 million d'euros, pour un prix de 1,2 million d'euros. Il a fait savoir qu'il ne désarmerait pas s'il ne lui était pas fait une proposition à 1 million d'euros. On mesurera si ces personnalités sont représentatives des classes intermédiaires parisiennes que l'on prétend défendre !

Les protections existent. La loi de 1989, l'accord de 1998 protègent les personnes âgées à qui il n'était pas possible de donner congé ainsi que les personnes à faibles revenus. L'accord du 16 mars 2005 a renforcé ces protections en rendant impossible le congé pour les personnes de plus de soixante-dix ans ou encore à la santé précaire ou encore ayant des revenus intérieurs au plafond PLI, c'est-à-dire des revenus de l'ordre de 5 500 euros par mois.

On nous dit que la vente à la découpe pervertirait le marché parisien et celui des grandes villes. C'est faux. L'étude des notaires que je citais tout à l'heure a démontré que le prix des transactions des logements vendus était inférieur de 10 % aux prix traditionnels. En effet, quand un particulier vend, il vend au prix maximum. Lorsqu'un institutionnel vend 300 logements sur le marché, il les vend avec une décote pour les vendre plus vite.

Les ventes lot par lot constituent des opportunités extraordinaires d'accession à la propriété, qui était, je crois, un de nos combats : un tiers environ des locataires occupants ont donné une suite favorable à la proposition qui leur a été faite.

Alors, fallait-il légiférer ce matin ? Je ne le crois pas. La seule mesure à prendre par le Parlement consiste à permettre que l'accord du 16 mars 2005 prenne force réglementaire et s'impose à tous les institutionnels. Toute autre mesure n'aura pour effet que de dissuader les investisseurs de rester dans le domaine de l'habitation ou d'y investir à nouveau et le message politique risque d'être mal perçu par les particuliers comme par les institutionnels, ce qui va provoquer - ce qui n'était pas le but recherché - une restriction du marché locatif privé. Nous n'avons pas besoin de cela.

Les conséquences, c'est que les institutionnels vont se détourner du logement et se tourner vers le secteur du bureau. On assiste aujourd'hui à un écœurement des grands investisseurs nationaux ou étrangers du fait du trop faible rendement de l'investissement locatif et de l'excessif encadrement réglementaire et de la relation locative qui est aujourd'hui complètement faussée.

Il conviendrait plutôt d'imaginer un dispositif fiscal attrayant pour que ces grandes signatures restent dans le domaine de l'habitation.

Pour moi, ce texte est tout simplement inutile. Le Parlement réglemente trop et à tout va. Mesurez-vous que vous êtes en train de vous attaquer à un des rares secteurs qui dans ce pays marchent encore à peu près bien, l'immobilier ? Vous vouliez permettre au plus grand nombre d'accéder à la propriété. Vous êtes - mais vous en rendez-vous compte ? - en train de faire exactement le contraire.

Vous allez de plus distribuer des avantages à des gens déjà particulièrement privilégiés. Je trouve ça particulièrement choquant.

Ce qu'il faut, à mon avis, pour protéger les 4 % de personnes dont tout le monde ici se préoccupe, c'est tout simplement introduire des dispositions dans la loi Habitat pour tous, que nous attendons avec impatience.

M. le président. La parole est à Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Le commentaire préalable à l'examen de l'article 1er n'incite pas bien entendu à répondre aux collègues, mais j'avoue que je suis consterné par les propos de M. Pemezec. Et je ferai part à des locataires de banlieue qui doivent libérer leur appartement de la conception que vous avez de leurs problèmes.

M. Philippe Pemezec. Moi, j'ai 50 % de logements sociaux dans ma commune !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. L'article 1er est intéressant parce qu'il propose une solution au dispositif concernant la vente à la découpe en contraignant le vendeur à ouvrir la préemption lorsque n'est pas garanti par l'acquéreur le maintien dans le locatif pendant une durée de six ans.

Ce n'est pas la solution que nous souhaitions, mais, si elle aboutit à faire en sorte qu'il n'y ait de vente à la découpe en lots sans concerner chaque locataire, c'est une bonne chose.

Cet article est donc intéressant, je l'ai déjà dit et nous ne l'avons d'ailleurs pas contesté. Malheureusement, c'est bien le seul.

En outre, cet article risque d'entraîner, du fait de sa rédaction, des conséquences catastrophiques.

Le vendeur va offrir la préemption au locataire, sauf si son acquéreur s'engage, pendant six ans, à maintenir le rapport locatif. Mais que se passera-t-il au terme de ces six années ? Le dispositif - et c'est le problème de fond - va permettre aux locataires qui le peuvent d'acheter, mais que deviennent les deux tiers des occupants qui ne le peuvent pas ? Ils seront menacés d'éviction s'ils ne satisfont pas aux critères de l'accord collectif et s'il y a une autre revente. C'est un problème que nous soulevons depuis le début.

C'est pourquoi nous avons déposé des amendements tendant à consolider le dispositif en allongeant le délai pour l'exercice du droit de préemption des locataires. Il leur faut plus de temps pour répondre à l'offre, examiner leur situation, rechercher les prêts. Dans cette situation, la démarche d'acquisition ne suit pas le processus habituel de préparation dans le temps, avec des plans d'épargne logement. Là, les locataires doivent improviser. Il faut donc leur laisser plus de temps pour faire leur choix.

Nous pensons que le lien locatif qui permet éventuellement la vente à la découpe sans droit de préemption ne doit pas être réduit à six ans. Certains baux vont expirer, d'autres viennent de commencer pour une durée inférieure à six ans. S'agissant de location par une personne morale, il nous paraît impératif de maintenir pour l'acquéreur le rapport locatif pendant une période que nous proposons de fixer à douze ans.

Nous demandons également que la loi prévoie d'assortir l'offre de vente d'un audit contradictoire, pas seulement d'un diagnostic. Cet audit contradictoire porterait notamment sur les travaux à effectuer pour respecter les obligations de sécurité et de mise aux normes, de manière que la copropriété improvisée à l'occasion de la vente à la découpe soit établie en pleine connaissance de cause. Nous demandons en outre que le bailleur vendeur assume la charge des travaux de mise en conformité, qui sont extrêmement importants, s'agissant notamment des ascenseurs.

M. le président. Votre temps de parole est écoulé.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je termine, monsieur le président.

Nous demandons que la sanction de nullité du congé soit insérée dès l'article 1er, et non pas dans le rappel à l'accord collectif, car la sanction doit figurer dans le dispositif législatif.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Les ventes par lot ne datent pas d'aujourd'hui. En 1996, 6 045 logements ont été vendus de cette manière, chiffre à peu près équivalent à celui de l'année dernière. À l'époque, la tension sur le marché immobilier, que ce soit en accession ou en locatif, était beaucoup moins importante. La situation actuelle, à moins d'une crise que personne ne souhaite, n'est pas près de changer et on ne voit pas comment elle pourrait s'inverser brutalement. C'est pourquoi il faut absolument agir.

Il faudrait que le Gouvernement nous éclaire sur l'articulation de l'article 1er avec l'accord collectif, lequel prévoit des obligations vis-à-vis des associations reconnues, cependant que le projet de loi prévoit d'informer chaque locataire. Cela est très positif, mais nécessite tout de même des éclaircissements.

M. Christian Decocq, rapporteur. C'est dans l'article 3 !

Mme Martine Billard. L'accord collectif ne prenant pas en compte le quatrième secteur, je souhaiterais qu'il le soit clairement par le texte de loi. Il ne faut laisser place à aucune ambiguïté qui puisse donner lieu à une interprétation problématique. Le texte doit être clair pour ne pas pouvoir être contourné.

J'ai entendu citer différents plafonds de PLI : 2 548 euros de revenu par mois pour une personne, 3 808 pour deux personnes. On pourrait penser que c'est élevé. Malheureusement, dans certaines villes, il ne permet pas toujours d'obtenir un logement. Quant aux 4 578 euros cités par certains collègues, c'est le plafond PLI pour trois personnes au foyer. Attention donc à bien préciser le nombre de personnes concernées par les plafonds PLI.

M. Le Bouillonnec vient de souligner certaines limites de l'article 1er. Les travaux constituent en effet un vrai problème. L'acquéreur potentiel doit savoir s'il faut effectuer le ravalement, par exemple, et disposer des diagnostics plomb, amiante et autres, car il doit pouvoir calculer sa capacité non seulement à acheter, mais aussi à faire face aux charges. Je n'ai malheureusement pas déposé d'amendement à cet effet, mais je souhaiterais tout de même que des précisions soient apportées sur cette question pour éviter aux locataires ayant acheté de justesse de se retrouver en difficulté face à des charges qu'ils ignoraient au moment de l'achat.

M. Christian Decocq, rapporteur. Je l'ai dit !

Mme Martine Billard. J'insiste enfin sur la nécessité de ne pas ouvrir la possibilité de contourner l'obligation de maintenir sous statut locatif l'ensemble de l'immeuble, par le biais d'une vente en deux morceaux, par exemple.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. Madame la ministre, dans votre réponse à la fin de la discussion générale, vous nous avez annoncé que la loi Habitat pour tous existait toujours et viendrait en discussion.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Absolument !

M. Jean-Louis Dumont. Cette loi est très attendue, car, chaque fois que nous posions au Gouvernement une question touchant au logement, on nous répondait : « La loi va arriver. » Le retard qu'elle a pris sera peut-être compensé par la qualité puisque chacun a eu le temps de faire ses propositions pour ce projet, encore en cours d'étude.

Mais il est des sujets que l'on ne peut sans cesse repousser. Aujourd'hui, notre préoccupation est de dire non à la vente forcée, non au déménagement forcé. M. Pemezec assume totalement les règles du marché, y compris dans ce qu'elles ont de plus brutal à des fins de spéculation. Mais si l'on refuse cette dernière, madame la ministre, il faut intervenir. À cet égard, le groupe socialiste a proposé que, au moment de la vente d'un immeuble collectif, soit déterminée une durée de douze ans, pendant laquelle le locataire sera assuré de conserver son statut. Cela n'empêchera pas ce locataire de quitter son logement, permettant au propriétaire de le mettre sur le marché.

La contrainte brutale, qui a de tout temps été utilisée, est devenue aujourd'hui un élément clé dans la dynamique économique de certains institutionnels. Je remarque d'ailleurs, monsieur le rapporteur, que vous avez été très sélectif quant à vos auditions. Vous auriez pu prendre attache avec certains opérateurs qui ont à intervenir après les ventes à la découpe, lorsque l'immeuble passe d'un propriétaire unique à une copropriété, qui devient plus tard une copropriété dégradée. Même à Paris, même dans nos villes moyennes, les dégâts sont importants. C'est pourquoi ces ventes à la découpe doivent être stoppées et le parcours résidentiel, accession à la propriété comprise, organisé de façon volontaire. Mais il faut aussi accompagner tout cela, parce que les nouvelles copropriétés créées nécessiteront de faire évoluer le statut de la copropriété, du syndic de copropriété. Ce changement de statut doit être organisé dans le temps.

Je souhaite, madame la ministre, que vous puissiez prendre en compte nos amendements pour que ce texte n'apparaisse pas incomplet et garantisse que le propriétaire puisse s'y retrouver s'il souhaite vendre son immeuble et que la spéculation soit freinée.

Je rappelle que le logement social, conventionné ou intermédiaire ne peut être construit et mis sur le marché locatif que si les autorisations sont données par l'État. Il faut donc des crédits budgétaires, des autorisations de programme et des autorisations de votre administration, madame la ministre, pour que les opérateurs sociaux sur le terrain puissent construire. Il s'agit bien d'une responsabilité collective.

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que la Conférence des présidents a inscrit la suite éventuelle de l'examen de ce texte lors de la séance de jeudi matin. En nous montrant raisonnables, et en ne continuant pas sur le mode que nous avons adopté pour l'article 1er, nous pourrons peut-être l'éviter.

Rappel au règlement

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je tiens à rappeler que nous avions déposé une proposition de loi ayant un objet comparable dont nous n'avons pas pu examiner les articles. Nous entendons donc examiner ceux du texte qui nous est proposé aujourd'hui en ouvrant la discussion et en défendant les solutions que nous avions proposées et qui n'ont pas pu être examinées dans cet hémicycle.

M. le président. Vous aviez déjà précisé ce point lors de votre intervention dans la discussion générale.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C'est une précision !

M. Jean-Louis Dumont. La pédagogie est l'art de la répétition !

M. le président. Vous pouvez vous répéter à loisir, monsieur Dumont. Vous pourrez même le faire jeudi !

Reprise de la discussion

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 22.

La parole est à M. le rapporteur, pour le défendre.

M. Christian Decocq, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision rédactionnelle qui permet de définir la vente dite en bloc, afin d'éviter la confusion avec la vente en bloc évoquée aux articles 1585 et 1586 du code civil, et de préciser que l'obligation de maintenir l'immeuble sous statut locatif porte sur les logements de l'immeuble qui sont sous ce statut lors de la délivrance du bien par le vendeur à l'acquéreur.

Cet amendement a été adopté par la commission ce matin.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Comme tous les amendements rédactionnels, celui que nous examinons ne l'est pas uniquement.

Je ne mets pas en cause la volonté du rapporteur d'éviter toute confusion, mais, en substituant à la notion de « vente en bloc » celle de « vente, dans sa totalité et en une seule fois », il ouvre un champ de difficultés pour l'application de la loi. L'un des problèmes rencontrés pour l'application de l'accord de 1998, je le rappelle, était justement de savoir si l'on pouvait sanctionner le non-respect de celui-ci, quand un propriétaire vendait une série de logements et pas les autres ou quand il les vendait en plusieurs fois. Avec la nouvelle rédaction que vous proposez, une vente à la découpe pourra se faire en deux fois et selon trois séquences de division. Donc, non seulement l'amendement n'est pas rédactionnel, mais il me paraît représenter un réel recul par rapport à votre propre intention.

Dans notre proposition de loi, nous avions proposé une autre formule qui permettait d'éviter toute équivoque. Il y était question de « toute vente par lots de plus de dix logements dans le même immeuble ». Cette rédaction avait le mérite de rendre impossible tout contournement de la loi par le bailleur qui vend, tel que l'étalement de la vente dans le temps ou la division éventuelle des lots jusques et y compris le fait de garder sous le coude un appartement pour le vendre ensuite à la copropriété afin d'accueillir, par exemple, un gardien. C'est un bon tuyau que je vous livre là !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 22.

(L'amendement est adopté.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je n'ai eu droit à aucune réponse de la part de la commission ou du Gouvernement !

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 23.

M. Guy Geoffroy. Qui règle le problème soulevé par M. Le Bouillonnec !

M. le président. La parole est à Mme Martine Aurillac, pour le soutenir.

Mme Martine Aurillac. Cet amendement concerne le problème des seuils que M. Le Bouillonnec vient d'aborder avec un peu d'avance. Il nous est apparu utile d'exclure du dispositif les toutes petites copropriétés. Le cas d'une vieille dame qui a, en plus de son appartement, deux petits studios au dernier étage de son immeuble est, en effet, tout à fait différent de celui d'une compagnie d'assurance ou d'un institutionnel qui veut réaliser une partie de son patrimoine.

Dans l'amendement, il est proposé de retenir un seuil de dix logements. Personnellement, j'aurais préféré cinq logements, mais, pour des raisons de parallélisme des formes, je me suis ralliée à celui retenu dans la convention avalisée par l'article 2 de la présente proposition de loi, à savoir dix logements.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Decocq, rapporteur. Étant, moi aussi, plus favorable à un seuil de cinq logements, je propose très amicalement à Mme Aurillac de rectifier son amendement en conséquence.

M. le président. La parole est à Mme Martine Aurillac.

Mme Martine Aurillac. Je me rallie volontiers à la proposition de M. le rapporteur et propose donc de rectifier l'amendement n° 23 en remplaçant le chiffre : « dix » par le chiffre : « cinq ».

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 23 ainsi rectifié ?

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. L'objet du texte est clairement de protéger les propriétaires « personnes physiques » qui ne sont pas ceux qui se livrent à des opérations de spéculation. La cible, ce sont les grosses opérations sur quarante, voire cinquante appartements. Cela étant précisé, je m'en remets, selon la formule consacrée, à la sagesse de l'Assemblée.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 23 tel qu'il a été rectifié.

(L'amendement, ainsi rectifié, est adopté.)

M. le président. Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.

Je suis saisi d'un amendement n° 18.

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le soutenir.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous souhaitons assurer dès l'article 1er la protection des locataires qui ne peuvent pas acheter leur logement. Selon le processus proposé, l'acquéreur qui s'engage à maintenir l'immeuble sous statut locatif pendant six ans peut acheter celui-ci et il n'y a pas exercice du droit de préemption par les locataires. Nous proposons d'allonger cette durée à douze ans.

M. Philippe Houillon, président de la commission. Pourquoi pas vingt-quatre ans ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Louis Dumont. C'est de la provocation, monsieur le président de la commission !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cela permettra d'englober toutes les situations locatives.

Lorsque le propriétaire est une personne morale, les baux sont de six ans. Cela signifie que, six mois avant leur terme, ils sont renouvelés pour une nouvelle durée de six ans. Il nous paraît donc nécessaire de cadrer la durée de telle manière qu'il n'y ait pas de problèmes pour le renouvellement de ceux-ci.

Par ailleurs, il faut garantir la situation du locataire qui ne peut pas acheter son logement et on ne peut le faire qu'en prorogeant son statut de locataire.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous proposons de porter à douze ans le délai prévu dans le dispositif de l'article 1er.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Decocq, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Nous nous trouvons là au cœur du problème évoqué par M. Le Bouillonnec. Depuis une vingtaine d'années, nous a-t-il dit, les différentes législations sur le sujet ont finalement cherché à maintenir une forme d'équilibre. Je fais remarquer que la proposition qui vous est faite aujourd'hui est très forte par rapport aux pratiques en vigueur jusqu'à présent, à savoir les ventes en bloc successives,...

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Tout à fait !

M. Christian Decocq, rapporteur. ...et c'est à Mme Aurillac et à notre majorité que revient d'honneur d'être à l'origine de la réforme profonde qui est proposée.

Dans ce souci d'équilibre, le maintien du statut locatif pendant six ans assurera aux locataires la poursuite des baux en cours, compte tenu de leur durée. Cela signifie que les locataires pourront rester dans leur logement pendant six ans et le nombre d'années restant jusqu'au terme du bail.

Il a paru excessif à la commission d'allonger cette durée à douze ans.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Dans le prolongement de ce que vient de dire M. le rapporteur, on voit bien que six ans représentent la durée minimale de maintien du statut locatif. Par ailleurs, les parlementaires ont montré leur volonté de trouver une approche équilibrée entre le droit de propriété, d'un côté, et l'accompagnement du locataire, de l'autre. Aller plus loin semble déraisonnable au Gouvernement parce que cela conduirait à tuer l'investissement locatif, ce qui aggraverait encore le problème du logement dans notre pays.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. La difficulté, c'est que nous ne sommes plus en présence d'investissements locatifs, mais d'investissements ayant pour seul objectif la spéculation.

Il y a vingt ou vingt-cinq ans, investir dans l'immobilier signifiait investir dans la durée et ce qui importait au propriétaire était d'avoir un bon locataire payant régulièrement ses loyers. Il y avait corrélation d'intérêts entre le propriétaire qui recherchait la durée et le locataire qui souhaitait voir son bail renouvelé.

Puis sont apparues les opérations de vente par division des institutionnels, que le dispositif de la loi de 1975 et le premier accord collectif ont essayé de réglementer.

L'arrivée des spéculateurs dans le marché de l'immobilier - et je n'exprime aucune critique à leur égard : c'est leur métier de gagner le plus vite possible le plus d'argent ! - a changé à la fois les procédures - acheter le plus bas possible un immeuble occupé et le revendre le plus vite possible, après l'avoir libéré, revient à réaliser la grosse affaire - et les rapports locatifs : il ne s'agit plus des relations bailleurs-locataires telles que nous les connaissions, mais d'une confrontation d'intérêts extrêmement forte entre un investisseur, qui doit impérativement vendre libre et plus cher le plus vite possible, et le locataire, qui souhaite rester dans les lieux. Cela crée une situation tout à fait nouvelle et l'on a tort de comparer avec ce qui se faisait avant.

Les statistiques de la chambre interdépartementale des notaires sont très récentes et n'ont pas encore enregistré totalement les ventes de ces deux dernières années puisqu'elles reposent sur les actes achevés, c'est-à-dire les ventes définitivement réalisées. Nous constaterons dans les statistiques des prochaines années une forte progression due à l'entrée dans le marché immobilier de ventes à la découpe des spéculateurs.

Il est impératif de protéger les locataires qui ne pourront pas acheter parce que c'est le seul moyen de les préserver de ces actes de spéculation.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 18.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 17.

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le soutenir.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cet amendement vise à intégrer dans le dispositif de l'article 1er, qui permet au locataire d'exercer son droit de préemption et d'acquérir le bien, l'obligation, à la charge du bailleur, de faire établir un audit contradictoire.

À la différence du diagnostic prévu dans l'accord collectif, qui est un acte unilatéral réalisé par le bailleur et dont la fiabilité est totalement incontrôlable, l'audit contradictoire est un constat entre le bailleur, les locataires occupants qui peuvent acheter ou leurs associations de représentants sur l'état de l'immeuble dont la vente est projetée. C'est le seul moyen de disposer d'un instrument avant l'achat qui pérennise la situation de la copropriété. Nous connaissons tous les difficultés des copropriétés dégradées.

Ce qu'il faut, c'est éviter que, exsangues du fait de l'improvisation de l'achat, les copropriétaires ne se retrouvent ensuite dans l'impossibilité d'assumer leurs obligations légales : mise en conformité de l'ascenseur, mise aux normes de sécurité des installations, ravalement, application de la modification de la réglementation concernant la protection incendie.

Par ailleurs, le présent amendement vise à imposer aux bailleurs vendeurs la prise en charge dans les trois ans de la mise en copropriété de l'ensemble des travaux identifiés par l'audit qui découlent d'obligations légales. La copropriété pourra ainsi décider la réalisation de ces travaux en bénéficiant de la participation financière du bailleur.

Le dispositif proposé est simple et pérennise des copropriétés qui, autrement, viendraient allonger la liste des copropriétés en voie de dégradation.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Decocq, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement ce matin.

Les obligations de diagnostic et de bilan technique figurent déjà dans l'accord collectif.

Quant au financement des travaux, s'il est normal que le propriétaire paye les travaux nécessaires jusqu'au moment de la vente, il paraît excessif de l'obliger à payer des travaux lorsqu'il n'est plus propriétaire et n'a donc plus aucun lien juridique avec le bien considéré. Il est d'ailleurs bien précisé dans l'accord collectif que les diagnostics portent sur des éléments susceptibles d'entraîner des dépenses pour les futurs copropriétaires.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Cet amendement contient une idée intéressante, celle de mesurer les travaux à réaliser et leur coût afin que l'acquéreur potentiel soit pleinement informé.

Je propose de mettre à profit le temps de la navette pour travailler sur cette question et réécrire l'amendement.

M. le président. Monsieur Le Bouillonnec, retirez-vous votre amendement ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Permettez-moi de le maintenir, ne serait-ce que pour rappeler à Mme la ministre qu'elle s'est engagée à retravailler le dispositif proposé durant la navette. (Sourires.) Monsieur le rapporteur, le diagnostic pouvant être réalisé par un technicien subordonné au bailleur n'est pas un audit contradictoire, qui ne peut être dressé que par un expert sur des bases purement techniques.

Il s'agit pour le locataire d'une opération d'achat improvisée. Ce problème fera reconnaître les courageux qui oseront s'engager et les autres qui ne le feront pas, compte tenu des difficultés rencontrées.

L'accession à la propriété dans ce cadre-là est souvent positive pour le futur acquéreur. Il nous faut essayer de la faciliter. Il convient de pérenniser le processus dans lequel la copropriété va s'installer. Le règlement de copropriété sera rédigé par le notaire du vendeur, le syndic sera désigné par le vendeur-bailleur. Vous pouvez donc mesurer dans quelle situation se trouveront les acquéreurs. Il est souhaitable qu'ils soient pleinement informés des travaux indispensables à réaliser. Nous devrons réfléchir, un jour, sur le statut des syndics.

Il est donc nécessaire de protéger le locataire qui devient propriétaire, afin qu'il puisse assumer ses obligations et payer les charges de copropriété. Le locataire découvre quand il devient copropriétaire ce que représentaient les charges acquittées auparavant par le propriétaire.

Nous estimons qu'il est juste de faire supporter par le bailleur les travaux de mise aux normes et de sécurité, qui auraient dû être réalisés. Si le bailleur a été un bon bailleur, les travaux ont été faits et il tirera donc profit, lors de la transaction, de l'excellent état de l'immeuble. Si rien n'a été entrepris, alors que le locataire a déjà payé « plein pot », le bailleur lui fera alors supporter une deuxième fois le prix des travaux. En termes de justice, nous savons tous faire beaucoup mieux ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Il faut tenir compte de la situation particulière de la cession. Sinon, nous ne parviendrons pas à faciliter l'accès à la propriété, intérêt que nous partageons tous.

M. François Brottes. Remarquable !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 17.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 24 rectifié.

La parole est à M. Christian Decoq, pour le soutenir.

M. Christian Decocq, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 24 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 32 et 19.

L'amendement n° 32 de Mme Martine Billard est défendu.

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour défendre l'amendement n° 19.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cet amendement traite un aspect très important de ce texte. Nous pensons qu'il faut intégrer dans l'article 1er la nullité de la notification d'offre de vente, à la demande du locataire, si les accords collectifs étendus ne sont pas respectés, afin de limiter les possibilités de contentieux ultérieurs. Les rédactions ne sont jamais parfaites et les avocats trouvent la possibilité de contourner la loi. C'est le jeu naturel de l'œuvre de justice.

Il nous semble préférable d'indiquer dans le texte : « En outre, le non-respect de l'une des dispositions d'un accord conclu en application de l'article 41 ter de la loi du 23 décembre 1986 tendant à favoriser l'investissement locatif, accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l'offre foncière, relatif au congé pour vente et rendu obligatoire par décret, pourra entraîner, à la demande du locataire, la nullité de la notification d'offre de vente. »

Le premier accord collectif de 1998 ne comprenait aucune sanction du non-respect des obligations négociées entre les parties. La jurisprudence de la Cour de cassation, sur le fondement du décret, de l'accord collectif et de la loi, a entaché de nullité le congé en cas de non-respect des obligations.

L'accord collectif qui sera sans nul doute rendu obligatoire par décret contient une mention précisant les termes de l'accord qui entraîneront la nullité du congé.

Cela exclut sans doute, à l'inverse de l'effet recherché, de la nullité tous les autres points de l'accord, notamment ceux concernant les modalités d'information, alors que les intentions des participants à cet accord étaient pourtant évidentes. Si un bailleur, dans le cadre du dispositif proposé et de l'accord collectif, ne respecte pas les modalités d'information du locataire, cela ne sera pas sanctionné par la nullité du congé. C'est l'effet, certes involontaire, des rédactions cumulées de l'accord et des articles 2 et 3 de la proposition de loi.

Nous proposons que l'accord, une fois étendu, s'applique, son non-respect étant sanctionné par la nullité du congé. Tout le monde sera protégé et il n'y aura plus de difficultés. Cela doit figurer dans l'article 1er, afin que ces dispositions soient intégrées dans les obligations pesant sur le bailleur qui vend.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Decocq, rapporteur. La commission est défavorable à ces amendements.

Je souhaite appeler l'attention de M. Le Bouillonnec et de Mme Billard sur le fait que leurs deux amendements identiques portent sur des points différents.

Avec l'amendement n° 32 de Mme Billard - c'est le point de conclusion de M. Le Bouillonnec -, nous nous situons sur le plan de la sanction pour non-respect des termes de l'accord collectif par la nullité de la notification d'offre de vente. L'article 3 prévoit déjà : « En outre, le non-respect de l'une des dispositions obligatoires... » Cela signifie que nous allons au-delà des dispositions de l'accord collectif qui réduisait la sanction, si je me souviens bien, aux points 3-2, 3-3, 4-1 et 4-2.

Il ne me semble pas nécessaire de prévoir à l'article 1er l'engagement du maintien du bien dans le secteur locatif pendant une durée de six ans et sa sanction, car cet engagement est intrinsèque, consubstantiel à l'acte de vente. C'est une clause résolutoire.

Avis défavorable de la commission.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Les excellentes explications du rapporteur permettent au Gouvernement de s'y associer.

Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement no 32.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 19.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 21.

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le soutenir.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je souhaite revenir sur l'explication fournie au début de l'article 1er.

La situation très particulière du locataire qui va acheter doit être retenue dans le dispositif qui va être mis en place. La loi de 1975 a prévu le droit de préemption, celle de 1986, reprise en 1989 sur l'exercice du droit de préemption dans le cas d'une vente individuelle, prévoit que le locataire bénéficie pour ce faire d'un délai de deux mois.

L'amendement n° 21 prévoit de porter de deux à quatre mois les délais prévus pour l'exercice du droit de préemption dont bénéficie le locataire. Ce délai fixe de deux mois peut générer des rejets du fait d'une acceptation tardive de l'offre de vente, qui peut occasionner des contentieux.

Lors de ce délai de deux mois prévu actuellement, le locataire doit examiner le principe de l'acquisition, en débattre. Ce projet n'est pas construit dans le temps, aucune préparation financière n'est prévue en termes de maintien d'emploi, etc. De plus, un recours au prêt est nécessaire. La personne n'avait pas projeté d'acquérir un appartement, construit une démarche familiale.

Cet amendement répond au souci de faciliter l'accession à la propriété, mais aussi de sécuriser le locataire accédant, en accordant un délai plus important. Un délai plus long permettra d'attirer un plus grand nombre de locataires désireux d'acheter, mais effrayés par la brièveté du délai de réflexion.

Le processus du rejet de l'acquisition s'inscrit souvent dans la crainte immédiate. La protection de l'acquéreur permet de maintenir les personnes là où elles ont parfois vécu des dizaines d'années.

La prorogation des délais pérennisera la situation de l'occupant et permettra sans nul doute de faciliter le passage à l'acte d'acquisition.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Decocq, rapporteur. Le temps de la réflexion est utile, il permet de consulter sa famille. Le temps de la réalisation viendra ensuite.

Vous évoquiez, monsieur Le Bouillonnec, tout à l'heure la brièveté de l'article 1er. Certes, mais c'est parce que l'article 2 existe. (Sourires.) Ce dernier étend à l'ensemble des locataires l'accord collectif, lequel prévoit dans son paragraphe 1-2, dans le cas d'une vente par appartements, un délai de trois mois entre l'information par écrit aux locataires de l'intention de vendre et l'envoi de l'offre de vente. Nous sommes donc à trois mois, plus deux, plus quatre, soit neuf mois.

Les partenaires de l'accord collectif ont déjà répondu à votre souci légitime du temps de la réflexion.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Le prix est essentiellement le frein à la décision. Ce texte vise surtout à éviter la spéculation.

M. Pierre Lellouche. Très bien !

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Si, chaque fois que nous parlons du cadre législatif, vous nous renvoyez à l'accord collectif, nous ne sommes pas prêts d'avancer ! La loi doit être au cœur du processus de vente à la découpe.

Je voudrais par ailleurs attirer votre attention sur le fait que l'accord collectif peut être défait. Les conditions qui prévoient l'extension des accords laissent planer un doute sur la possibilité qu'il puisse y en avoir d'autres. Expliquez donc aux organismes de locataires que l'on ne les réunit que pour leur demander leur avis. Tout cela est réducteur et je ne suis pas certain qu'avec votre dispositif, l'on n'ait pas tué le processus de concertation.

Cela étant, je rappelle qu'il y a deux étapes : la première, où le bailleur informe qu'il va vendre. La seconde, légale, qui existait dans le dispositif de 1975, est la notification officielle de la vente, dans laquelle sont précisées les conditions de la vente, et notamment, détail non négligeable, le prix du logement !

À partir du moment où il y a notification du prix, les processus d'acquisition se mettent en œuvre. C'est alors que le délai doit courir, et il doit figurer dans la loi. Nous voulons donc modifier la loi de 1975 et nous proposons un délai de quatre mois pour permettre au locataire de se déterminer dès lors qu'il a reçu notification du congé pour vente par rapport à l'offre qui lui est faite d'acheter. S'il ne peut pas, il est placé dans un processus de libération des lieux à plus ou moins long terme.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 21.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 7.

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le soutenir.

M. Jean-Yves Le ²Bouillonnec. En cas de vente d'un logement occupé dont le contrat de location est conclu pour une durée au moins égale à six ans, la durée du contrat renouvelé est au moins égale à six ans, par dérogation aux premier et quatrième alinéas du présent article.

Nous poursuivons, vous l'avez bien compris, notre stratégie d'« insistance ». Notre but est de protéger le locataire : il s'agit de prévoir que le locataire qui avait conclu un bail de six ans avec une personne morale et dont le logement est vendu à une personne physique continue à bénéficier d'un renouvellement de six ans.

Ce dispositif est protecteur sans être attentatoire aux droits du propriétaire.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Decocq, rapporteur. Cet amendement crée une forme de servitude au profit du locataire et au détriment du nouveau propriétaire.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Tout à fait !

M. Christian Decocq, rapporteur. Mais surtout, même si je conçois que telle est votre volonté, cet amendement vient plus que troubler la répartition juridique des durées minimales du bail fixées par l'article 10 de la loi de 1989 : trois ans pour un bailleur personne physique, et six ans pour un bailleur personne morale.

Avis défavorable de la commission.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Ce qui vient d'être dit par le rapporteur est parfaitement clair. Cet amendement aurait en effet pour conséquence de créer des inégalités entre propriétaires, ce qui serait attaquable devant la Cour de justice des communautés européennes.

Avis défavorable du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Notre amendement a surtout pour effet d'éviter à un locataire d'une personne morale de se retrouver, par le seul effet de la vente, avec un bail réduit à trois ans, durée du bail d'une personne physique.

Je rappelle que le propriétaire personne physique peut donner congé non seulement pour revendre - et dans ces conditions, il est tenu à la préemption - mais aussi pour reprise personnelle, ce qui du reste est légitime. Je ne critique donc en aucune façon la faculté de reprise personnelle. Mais le locataire qui bénéficiait d'un bail de six ans, qui n'a pas pu acheter le logement, se trouve en présence d'un propriétaire personne physique, et du même coup le bail passera à trois ans. Le propriétaire personne morale ne peut donner congé que pour vendre, mais le propriétaire personne physique peut, lui, donner congé pour son usage personnel ou pour ses ascendants ou descendants, ce qui accroît les possibilités de départ des locataires.

C'est la raison pour laquelle nous suggérons que, dans cette situation exceptionnelle, il ne soit pas porté atteinte au locataire.

Nous proposons donc un seul renouvellement de six ans afin de pérenniser la situation du locataire et d'empêcher un contournement de la loi. Dans le cas où le locataire ne peut pas acheter, la personne morale est obligée pendant six ans. Si le logement est vendu à une personne physique, celle-ci peut signifier son congé au locataire.

Or, avec votre dispositif, vous allez à l'encontre du but que vous poursuivez, et que par ailleurs nous reconnaissons être pertinent et que nous essayons d'accompagner.

À situation particulière, solution particulière !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié par les amendements adoptés.

(L'article 1er,ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. Nous passons aux amendements portant articles additionnels après l'article 1er.

Après l'article 1er

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 4.

La parole est à M. Patrick Bloche, pour le soutenir.

M. Patrick Bloche. Notre démarche, vous l'aurez compris, est guidée par le souci de protéger tous les locataires.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Tout comme nous !

M. Patrick Bloche. Tous les locataires, c'est-à-dire, ceux qui sont en capacité d'acquérir leur logement, mais également tous les autres, ceux qui ne sont pas en mesure de racheter leur logement, surtout eu égard au contexte spéculatif actuel.

Nous récusons les propos de M. Pemezec, propos qui s'apparentent à une véritable provocation. En effet, ne soutenait-il pas qu'une opération de vente à la découpe était une chance pour les locataires des immeubles concernés ? Comment peut-on affirmer une telle chose au regard de la bulle spéculative ! Je vous rappelle les chiffres : des immeubles rachetés à 3 500 euros le mètre carré par des marchands de biens sont revendus, appartement par appartement, à 4500, 5000, voire 5 500 euros le mètre carré ! Telle est la réalité des prix, et cela dans l'Est parisien !

Notre souci - que vous ne partagez peut-être pas et certains d'entre vous rêvent sans doute d'une France de petits propriétaires - est de protéger les locataires. Mais la réalité sociologique et sociale de notre pays doit nous amener à faire en sorte que le plus grand nombre de nos concitoyens, qu'ils aient des revenus modestes ou qu'ils appartiennent à ce que l'on appelle classiquement les classes moyennes, puissent continuer à demeurer dans leur logement avec le statut de locataire.

De ce fait, notre amendement n° 4 vise à prendre en compte la situation d'un locataire qui occupe un logement racheté par une personne physique, suite à une revente par un marchand de biens. Nous essayons de maintenir à Paris et en dehors de Paris un parc locatif pour les classes moyennes afin de garantir dans nombre de quartiers la mixité sociale.

À cet effet, nous proposons de modifier le code général des impôts en y incluant une incitation fiscale pour encourager le propriétaire qui vient de racheter un logement mis en vente dans le cadre d'une opération de vente à la découpe à ne pas récupérer ce logement pour lui-même, et à ne pas mettre fin au bail tel qu'il existe, afin de faire perdurer le caractère locatif du logement visé.

Il s'agit de renforcer les protections du locataire qui occupe un logement racheté par une personne physique.

Après l'article 1594 A du code général des impôts, nous proposons d'insérer un article 1594 AA, afin de réduire les droits de mutation. En cas de vente d'un logement occupé et lorsque l'acquéreur personne physique s'engage à ne pas donner congé pour reprendre ou vendre le logement pendant une période de six ans après la vente, les droits de mutation sont réduits à 1 % de l'assiette imposable. En cas de départ du locataire pendant une période de six ans après la vente, la réduction est diminuée d'un sixième par année de bail non accomplie par le locataire.

Voilà donc une incitation forte en faveur du maintien d'un parc locatif et de la protection d'une catégorie particulière de locataires, ceux qui se trouvent dans des logements rachetés par une personne physique.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Decocq, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable. À titre personnel, je suis intéressé par votre proposition, qui vise à conforter le développement du secteur locatif, l'un des fondements de la loi de 1989. Chaque Français doit avoir le droit de se loger comme il le souhaite, dans le secteur locatif ou en accession à la propriété.

Cela dit, si votre proposition est intéressante sur le fond, elle l'est moins au regard de la situation budgétaire. Je laisse donc le soin au Gouvernement de s'exprimer à ce sujet et d'apprécier l'opportunité de votre proposition.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Dans l'état actuel du dossier, j'émets un avis défavorable. Il y a une vie entre l'Assemblée et le Sénat : mettons ce délai à profit pour réfléchir et examiner les incidences financières de cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.

M. Patrick Bloche. J'ai l'impression de revivre la discussion budgétaire de l'automne dernier. J'avais, au mois d'octobre, proposé au rapporteur général du budget, M. Carrez, et à la majorité de cette assemblée, un amendement qui visait à toucher aux avantages fiscaux des marchands de biens pour moraliser, à travers le code général des impôts, les opérations de vente à la découpe.

Le rapporteur comme le Gouvernement m'avaient réservé le même accueil qu'aujourd'hui ! Nous étions revenus à la charge, avec mes collègues du groupe socialiste, Jean-Yves Le Bouillonnec, Jean-Louis Dumont et Annick Lepetit, au mois de novembre. Nous avions alors obtenu l'accord du rapporteur et le Gouvernement s'en était remis à la sagesse de l'Assemblée, ce qui a permis l'adoption de l'amendement. Entre-temps, cet amendement a été malmené par le Sénat, et, en commission mixte paritaire, il a perdu beaucoup de son efficacité. Mais il n'en demeure pas moins qu'un signe fort avait été donné.

Ce matin, parce qu'il y a urgence sociale car des opérations de vente à la découpe sont en cours, et compte tenu que les dispositions contenues dans notre amendement pourraient s'appliquer immédiatement, je regrette ce temps de réflexion. Je prends néanmoins acte de la proposition du Gouvernement, et j'espère que nous discuterons à nouveau de cette question.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 35.

La parole est à M. Patrick Bloche, pour le soutenir.

M. Patrick Bloche. Je regrette l'absence de Mme de Panafieu, car elle aurait pu, dans un échange fructueux, rappeler la genèse de cet amendement : elle-même avait porté un amendement identique en tant que rapporteur de volet logement du projet de loi de cohésion sociale.

M. Jean-Louis Dumont. Eh oui !

M. Patrick Bloche. Certes, le groupe socialiste était à l'initiative de l'amendement visant à instaurer une décote proposée à l'occupant d'un logement vendu à la découpe, en prenant en compte l'ancienneté dans les lieux. Nous sommes là au cœur de la logique de votre proposition de loi, car la décote, plafonnée à 30 % du prix du bien vendu à un autre acheteur, se fait au bénéfice du locataire qui peut racheter le logement qu'il occupe.

Mme de Panafieu, avec la fougue que l'on lui connaît, s'était donc enthousiasmée pour cet amendement, jusqu'à déposer le même. Ces deux amendements identiques avaient été adoptés par la commission des affaires sociales. Innocemment, nous étions persuadés que Mme de Panafieu avait emporté la conviction de la majorité de cette assemblée et du Gouvernement.

Las ! dans l'hémicycle, elle fit volte-face, retirant son amendement et appelant à voter contre le nôtre. Mais nous sommes entêtés : compte tenu de l'esprit même de la proposition de loi de Mme Aurillac, nous estimons que cet amendement s'impose plus que jamais.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Decocq, rapporteur. Monsieur Bloche, Mme de Panafieu n'a pas fait volte-face, elle a simplement pris conscience des terribles effets pervers de votre proposition ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Excellente remarque !

M. Christian Decocq, rapporteur. C'était son chemin de Damas !

Et permettez-moi de vous dire en toute amitié qu'il s'agit là du maillon le plus faible de votre raisonnement dans son ensemble. Autant sur certains articles, il y a matière à discussion - je viens d'ailleurs d'approuver à titre personnel l'un de vos amendements -, autant, cet amendement appelle des objections dirimantes.

M. Monéger, professeur d'économie, rappelle ainsi dans un article que la valeur d'un bien varie selon son état et selon l'offre et la demande, et non pas selon la qualité de l'acquéreur, comme vous voulez le faire.

Rien ne peut justifier une telle décote car le locataire qui rachète son logement ne subit pas de préjudice, à la différence du locataire qui fait l'objet d'un congé pour vente. Il tente simplement de se saisir d'une aubaine, nous en avons suffisamment d'exemples.

Par ailleurs, quel sera le prix de référence à partir duquel la décote sera appliquée ? Le prix moyen du mètre carré dans le quartier ? Alors, il sera très aléatoire, favorable dans certains cas, défavorable dans d'autres.

Mais ce qui me surprend le plus, c'est qu'un tel dispositif conduit mécaniquement chaque locataire à devenir un spéculateur en puissance. La tentation sera forte en effet d'acquérir un logement au prix décoté pour le revendre quelque temps après et empocher la différence avec le prix du marché.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Absolument !

M. Christian Decocq, rapporteur. Nous faisons de la politique et pas de la morale, mais je ne peux m'empêcher de me demander comment vous, socialistes, pouvez soutenir une telle pratique.

M. Pierre Lellouche. « Enrichissez-vous ! », disait Guizot !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Je partage cette analyse et émets un avis défavorable.

Premièrement, ce dispositif est susceptible de figer le marché, car le propriétaire saura qu'il y un risque important.

Deuxièmement, il comporte un risque potentiel de spéculation.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Si j'ai bien compris, vous préférez la spéculation des grands investisseurs à celle des locataires qui, après avoir, pendant des années, payé leur loyer se trouvent dans la situation de partir ou d'acheter. Voilà qui me paraît bien singulier.

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Mais non, nous ne voulons pas de spéculation du tout !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Mais le fond du débat n'est pas là. La décote est un dispositif qui existe depuis des décennies dans notre législation, y compris pour la fiscalité des successions et des régimes matrimoniaux. On envisage alors les biens en dehors de la seule opportunité de l'acquéreur ou du vendeur.

Par ailleurs, je rappelle que ce ne sont pas seulement Mme de Panafieu et les élus socialistes, mais aussi la commission des affaires sociales qui avaient approuvé cet amendement.

Madame la ministre, j'espère que vous aurez la gentillesse de soumettre d'abord à notre assemblée le projet de loi « Habitat pour tous ».

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Je m'y suis engagée !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cela nous permettra de défendre quelques bonnes idées. Nous avons repris cet amendement devant la commission mixte paritaire et nous avons constaté que des sénateurs de tous bords ont trouvé cette technique de réduction du prix par la décote excellente et ont regretté de lui voir opposer l'irrecevabilité.

Nous sommes ici en présence de locataires et l'effet de décote est d'autant plus accentué que ceux-ci occupent les lieux depuis longtemps. Ce n'est pas sanctionner le propriétaire que de vouloir valoriser ainsi la situation du locataire. Personne ne peut imaginer que le prix de vente établi par le bailleur vendeur soit inférieur au prix du marché. Cette situation, le locataire ne fait que la subir. Aussi la technique de la décote est-elle la seule solution pour tenir compte de l'ancienneté de ce dernier.

Enfin, en termes de spéculation, plus vous portez atteinte à la possibilité de spéculer de celui qui vend, plus vous contribuez à un aplanissement des prix lors des ventes à la découpe.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 35.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 20.

La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le soutenir.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cet amendement, issu d'une disposition de notre proposition de loi, permet au maire et à la collectivité locale d'intervenir dans le processus de vente à la découpe. Il prévoit que si un tiers des locataires refuse le passage à la mise en copropriété, cette dernière doit être précédée d'une enquête publique, au cours de laquelle le maire peut examiner les effets qu'elle induit et éventuellement la suspendre pour assurer le maintien de locataires dans le cadre du statut locatif.

Rappelons que, actuellement, le maire n'a pas d'autre possibilité d'intervenir dans le processus de la vente à la découpe que l'exercice de la préemption dans le cadre de la déclaration d'intention d'aliéner, ce qui est bien entendu impossible à la totalité des communes.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Decocq, rapporteur. Hommage du vice à la vertu, après le maillon faible, voici le maillon dur de votre raisonnement.

D'abord, j'insisterai sur la question du droit de propriété, ce qui ne vous étonnera pas puisque vous avez déjà anticipé nos réactions en déclarant que nous l'invoquerions tout le temps. Mais justement, l'exercice auquel nous nous livrons consiste à préserver un délicat équilibre, un véritable écosystème, dirai-je, féru d'écologie que je suis : si l'on touche à l'une de ses parties, il s'effondre dans son ensemble. Or la décision du maire revient à bloquer le choix par le propriétaire de mettre son bien en copropriété : c'est une atteinte au droit de propriété.

Ensuite, pourquoi ce taux de 30 % de locataires ? Un tel dispositif existerait à New-York, paraît-il. Mais le seuil y est de 51 % des locataires. De toute façon, nous ne pouvons accepter qu'une minorité décide.

Enfin, la maire pourrait suspendre la mise en copropriété « en cas de situation de pénurie de logements locatifs dûment justifiée ». Mais aucune définition juridique objective de la situation de pénurie n'existe. Autant dire que cette formulation extraordinairement vague laissera libre cours à l'arbitraire du maire.

Pour toutes ces raisons, nous sommes très défavorables à cet amendement.

M. Gérard Léonard. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Le Gouvernement est, lui aussi, très défavorable à cet amendement.

Vous invoquez l'exemple des Etats-Unis, mais en omettant de préciser que les rapports locatifs sont radicalement différents de ceux de notre pays puisque les baux locatifs y sont d'un an. Ne comparons donc ce qu'on ne peut pas comparer et ne tirons pas de conclusions alors que les références ne sont pas les mêmes.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Si nous reconnaissons que, dans une zone donnée du territoire - une commune, un quartier -, l'équilibre social est assuré par la diversité locative au travers d'une certaine répartition entre logements sociaux, logements locatifs privés et logements en propriété, nous devons aussi reconnaître qu'il y un intérêt à préserver cet équilibre. Or si l'on ne permet pas à la collectivité d'intervenir dans le processus de vente à la découpe, cette dernière est limitée dans sa capacité à préserver cet équilibre de l'habitat.

C'est si vrai que, dans le prolongement des propositions de Jean-Louis Borloo, vous allez accentuer le contenu du PLH et même faire en sorte que les PLU fassent référence à la structure de l'habitat à l'échelon des communes, de manière que la diversité et la mixité sociales soient assurées.

Permettez-moi de citer le cas de ma commune, en banlieue parisienne. Lors d'une première rénovation du centre-ville, il avait été prévu un tiers de logements sociaux, un tiers de logements en accession à la propriété, un tiers de logements locatifs libres. Dix ans après, il n'existe plus de secteur locatif libre : désormais, il y a un tiers de logements sociaux et deux tiers de logements en accession à la propriété. Or, lorsque le processus a été organisé, une telle évolution n'était pas dans l'intention de ses initiateurs.

Le parc locatif privé a fait l'objet récemment d'une ordonnance qui met en œuvre son conventionnement. Il constitue, c'est vrai, une réponse au problème du logement. Dès lors, il faut faciliter la construction dans ce secteur, mais à condition qu'elle permette de maintenir des capacités d'accès. Avec le dispositif que nous proposons, les maires ou les présidents d'EPCI, lorsque les compétences leur seront transférées, qui ont la charge de mettre en œuvre la politique de mixité sociale, trouveront un moyen d'empêcher que des mutations se fassent au détriment du secteur locatif privé.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 20.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.

    2

DÉCLARATION DE L'URGENCE
D'UN PROJET DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m'informant que le Gouvernement déclare l'urgence du projet de loi relatif au développement des services à la personne et à diverses mesures en faveur de la cohésion sociale.

    3

SAISINE POUR AVIS D'UNE COMMISSION

M. le président. J'informe l'Assemblée que la commission des affaires étrangères a décidé de se saisir pour avis de la proposition de résolution sur les perspectives financières 2007-2013 présentée par la délégation pour l'Union européenne.

    4

ORDRE DU JOUR DE L'ASSEMBLÉE

Mme la présidente. L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au jeudi 30 juin inclus a été fixé ce matin en Conférence des présidents.

Ce document sera annexé au compte rendu.

Par ailleurs, la Conférence des présidents a décidé que le vote solennel sur le projet pour la confiance et la modernisation de l'économie aurait lieu le mardi 28 juin, après les questions au Gouvernement.

    5

ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES

M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :

Questions au Gouvernement.

Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi organique, adopté par le Sénat, relatif aux lois de financement de la sécurité sociale.

Discussion du projet de loi, n° 2348, relatif au développement des services à la personne et à diverses mesures en faveur de la cohésion sociale :

Rapport, n° 2357, de M. Maurice Giro, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures.)

        Le Directeur du service du compte rendu intégral
        de l'Assemblée nationale,

        jean pinchot