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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mercredi 12 octobre 2005

17e séance de la session ordinaire 2005-2006

TRAITEMENT DE LA RECIDIVE DES INFRACTIONS PENALES


PRÉSIDENCE DE M. YVES BUR,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt-deux heures.)

TRAITEMENT DE LA RÉCIDIVE DES INFRACTIONS PÉNALES

Suite de la discussion, en deuxième lecture,
d’une proposition de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales (nos 2093, 2452).

Cet après-midi, l’Assemblée a commencé d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, depuis le début de nos débats, les positions n’ont cessé de se préciser. En juillet dernier déjà, lors l’examen du texte en commission, notre très avisé collègue socialiste, Jacques Floch, rappelait qu’en matière pénale la prudence était de mise. De son côté, Gérard Léonard estime dans son rapport qu’il faut choisir le chemin du pragmatisme. Derrière ces deux formules se cachent sans doute deux tempéraments, mais surtout deux visions de l’avenir.

La prudence, bien sûr. En matière pénale, plus qu’en toute autre matière, il convient de ne pas aller trop vite, de ne pas répondre de manière précipitée aux pulsions de l’histoire et aux demandes très fortes de nos concitoyens. Mais pour autant la prudence ne condamne pas à l’immobilisme et je salue, comme l’ensemble de mes collègues du groupe UMP, j’en suis persuadé, la volonté d’aller de l’avant, le pragmatisme et la détermination dont témoigne ce texte, nourri des réflexions qui se sont développées depuis la première lecture et de l’examen des nombreux amendements que nous avons examinés depuis le début de la semaine.

Cette proposition n’est certes pas un texte mineur, mais elle ne mérite pas non plus cet excès d’indignité dont on voudrait la frapper. Même si l’on a tendance à se focaliser sur une prétendue « mesure phare », – le recours au bracelet électronique – n’oublions pas que nombre de dispositions, notamment celles qui font déjà l’objet d’un accord entre l’Assemblée nationale et le Sénat, proposent des éléments convergents, équilibrés qui permettent à notre législation, et par là même à notre pays, d’avancer de manière mesurée et prudente, mais pragmatique et délibérée vers l’amélioration de la réponse que notre société peut opposer aux délinquants récidivistes et à nos concitoyens qui en sont les victimes.

La première partie de ce texte a d’abord le mérite de préciser et d’élargir utilement la notion de récidive. Elle s’ouvre à toutes les infractions, crimes et délits commis, dans les domaines identiques, au sein de l’Union européenne, ce qui n’est pas négligeable.

La proposition de loi rappelle ensuite, de manière tout à fait appropriée, la nécessité de donner un cadre et une utilité à la notion de réitération, sachant – et c’est un des points sur lesquels nous avons longuement débattu lors de l’examen des diverses lois étudiées depuis le début de la législature en matière de justice – qu’il reste beaucoup à faire pour accélérer l’inscription des condamnations au casier judiciaire. La notion de réitération, qui permet au juge une meilleure connaissance du passé pénal du prévenu, est une notion très utile que nous aurions tort de sous-estimer.

On a dit de cette proposition de loi qu’elle était uniquement centrée sur l’aggravation des peines. C’est en effet une volonté que l’UMP assume, voire revendique. Il est nécessaire de marquer une différence dans la réponse pénale selon que le prévenu est un primo-délinquant ou un récidiviste. C’est un élément peut-être mineur de prévention de la récidive mais qui, ajouté à d’autres, frappe l’esprit du délinquant et répond à l’attente de nos concitoyens qui veulent une législation adaptée aux besoins. Il s’agit donc bien évidemment d’une avancée. Cependant, le suivi socio-éducatif et médico-social n’a pas été négligé. Ce serait une erreur de ne pas en tenir compte.

Enfin, il y a l’affaire du bracelet électronique. Pourquoi « l’affaire » ? Parce que nous voulons donner à cette nouvelle dimension technologique une utilité qui soit de nature à répondre à nos préoccupations. Il nous faut aller dans cette direction en sachant qu’elle n’apportera pas de réponse à tous les cas potentiels de récidive, mais améliorera probablement la réponse pénale, rassérénera l’opinion publique qui a besoin de l’être et donnera à notre corpus juridique une densité et une réactivité bien plus importante.

Nous devons aborder cette discussion avec sérénité, car cette proposition ne dénature en rien les principes de notre droit pénal, au contraire elle les complète de manière fort utile. Elle ne réglera pas tous les problèmes, mais elle permettra très probablement d’améliorer la réponse pénale, d’aller dans une meilleure direction. Si les moyens suivent de manière que ce texte puisse entrer en vigueur le plus rapidement possible, nous aurons vraiment progressé dans la lutte contre la récidive et nous aurons rempli notre devoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Monsieur le garde des sceaux, êtes-vous le bon interlocuteur ? J’en doute, tant il apparaît que cette honteuse et inutile proposition de loi (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) a été inspirée et voulue par votre collègue de l’intérieur, devenu le champion du cynisme au service de la démagogie.

M. Xavier de Roux. Rien que cela ! Voilà qui commence bien !

M. Noël Mamère. En fait, vous n’êtes ici que comme le portefaix de M. Sarkozy, une sorte de petit télégraphiste consentant, prêt à saper les principes de notre droit.

M. Marcel Bonnot. Ce qui est excessif est insignifiant !

M. Guy Geoffroy. Vous faites dans la nuance !

M. Noël Mamère. N’avez-vous pas appelé cette assemblée à défier le Conseil constitutionnel alors même que vous êtes le gardien de nos lois ? Dans la course éperdue à la répression que mène le gouvernement auquel vous appartenez, vous inventez un nouveau bouc émissaire, le récidiviste, jeté en pâture au bon peuple de France.

M. Xavier de Roux. Diable !

M. Noël Mamère. Vous l’utilisez honteusement pour jeter de l’huile sur le feu de la peur qui couve toujours dans une société fragilisée économiquement et socialement.

Au courage politique vous avez préféré la démagogie. Au lieu de rappeler à l’ordre votre collègue de l’intérieur, vous cautionnez ses dérives, vous lui emboîtez le pas et, partant, vous faites courir plus de risques à notre démocratie que les récidivistes à notre société. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Marcel Bonnot. On voit que vous n’en avez pas été la victime !

M. Noël Mamère. Car les chiffres sont là qui prouvent votre mauvaise foi et vos approximations douteuses. Le supposé laxisme de la justice, à la base de ce texte, ne correspond à aucune réalité : la France est le pays européen le plus répressif en matière de délinquance sexuelle au regard du nombre des peines prononcées et de leur quantum – 80 % des cas de récidive sont condamnés à une peine de prison. D’autre part, toutes les études menées depuis plusieurs années montrent que les personnes remises en liberté dans le cadre d’une libération conditionnelle récidivent moins que celles ne bénéficiant d’aucun aménagement : 9 % contre 17 %.

Pourtant, en dépit des recommandations européennes en ce sens, votre texte érige en remède miracle une aggravation de la répression, le placement sous surveillance électronique mobile et les traitements inhibiteurs de la libido. J’attends que vous m’expliquiez quel peut être l’effet préventif du bracelet pour un condamné en l’absence de toute mesure socio-éducative effective – mesures qui ne figurent que très légèrement dans votre texte ?

Pourquoi, monsieur le ministre, ne dites-vous pas à l’opinion que vous prétendez protéger, que chaque conseiller d’insertion et de probation doit assurer le suivi de 110 condamnés ? Pourquoi ne dites-vous pas que l’on compte seulement 250 juges de l’application des peines pour suivre 180 000 condamnés ? Vingt-six services médico-psychologiques régionaux pour 188 établissements pénitentiaires ? Et que dire des 800 psychiatres qui manquent dans le secteur public et de la grande misère des médecins coordonnateurs... Ou faut-il vous rappeler ce rapport accablant de M. Gil-Robles sur l’état de nos prisons ?

Il est donc grand temps de sortir le traitement de la récidive de cette construction médiatico-politique qui n’est rien d’autre que du populisme pénal exaspérant le corps judiciaire tout entier. Il s’est d’ailleurs exprimé récemment, toutes tendances confondues, dans un appel au retrait de ce texte.

M. Georges Fenech. Le Syndicat de la magistrature !

M. Noël Mamère. C’est pourquoi nous demandons avec insistance que, sur le modèle de la commission de suivi de la détention provisoire, soit créé un observatoire de la récidive, réclamé par des professionnels reconnus de la justice.

M. Guy Geoffroy et M. Georges Fenech. C’est fait !

M. Noël Mamère. Non, ce n’est pas fait, messieurs de la majorité. Vous avez proposé une commission qui n’a rien à voir avec les objectifs de l’observatoire de la récidive tel qu’il a été conçu et proposé par les spécialistes qui l’ont élaboré.

M. Georges Fenech. Par les militants !

M. Noël Mamère. Il est donc grand temps de mettre en place cet observatoire de la récidive. Il centraliserait les données existantes sur le sujet, aurait une fonction de veille et mobiliserait toutes les compétences requises pour proposer des solutions face à ce risque permanent.

La contre-réforme – car c’est de cela qu’il s’agit – qui est à l’œuvre dans tous les domaines de la vie sociale, politique et judiciaire de notre pays contribue à démanteler les bases mêmes de notre république, fondée sur la cohésion sociale, l’égalité de tous devant la loi, les libertés individuelles et collectives.

De ce point de vue, votre loi, monsieur le ministre, s’inscrit dans la continuité du travail législatif commencé en juillet 2002 par le ministre de l’intérieur qui veut faire de la justice une auxiliaire de la police.

Quand renoncerez-vous à l’absurdité de ces lois spectacles et circonstancielles, qui ne règlent rien, qui affaiblissent le droit et dont le seul objectif est de préempter les électeurs de Le Pen ?

Voilà pourquoi monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme ils l’ont fait résolument au cours de la première lecture, les députés Verts voteront contre cette proposition de loi.

M. le président. La parole est à M. Alfred Trassy-Paillogues.

,M. Alfred Trassy-Paillogues. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, sans revenir sur ce qui a été exprimé par plusieurs orateurs, notamment sur l’intérêt évident pour la société de surveiller et d’accompagner les criminels dangereux à leur sortie de prison, je voudrais ici faire part d’une expérience personnelle : celle qui m’a conduit à prendre l’initiative, avec 150 collègues environ, d’une proposition de loi visant à permettre l’information des autorités locales de l’installation dans une commune de l’auteur d’infractions sexuelles, au-delà des mesures existantes – le fichier automatisé des auteurs d’infractions sexuelles – ou des mesures proposées – le placement sous surveillance électronique des condamnés après leur libération.

Comment peut-on imaginer en effet qu’un maire, une brigade de gendarmerie, un commissariat de police ne soient pas informés, dans le respect bien entendu de strictes conditions de confidentialité, de l’arrivée d’un multirécidiviste sur le sol d’une commune ? A aucun moment le maire que je suis n’a su, et par conséquent pu empêcher, le fait qu’un délinquant sexuel multirécidiviste était accompagnateur bénévole de sorties scolaires, participait, toujours à titre bénévole, et au milieu des parents, à plusieurs centres de loisirs pour adolescents, avait même tenu le rôle du Père Noël lors de nombreuses fêtes de fin d’année associatives ? J’en passe, pour ne pas entrer plus avant dans les détails.

Toujours est-il que de nombreux enfants de ma commune ont été ses victimes – ce que j’ai appris par la presse – que leur vie est brisée, leur famille décomposée. Il convient, c’est même un devoir impératif, que de telles situations ne puissent pas se reproduire.

Aussi, monsieur le garde des sceaux, j’appelle de mes vœux une circulaire qui prévoie une telle information des autorités locales. Je vous en remercie par avance. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Alain Ferry, dernier orateur inscrit.

M. Alain Ferry. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comment mettre nos enfants, notre société à l'abri de la tentative fatale d'un déséquilibré ? Comment faire en sorte qu'une peine soit utile au délinquant et évite la récidive ?

Au delà des réactions passionnelles des uns, légitimées par une série de faits divers sordides, et de l'angélisme des autres, persuadés que la nature humaine peut être rédimée, les Français attendent de nous que nous nous rassemblions autour d'une approche commune. Ils veulent être rassurés sur le fonctionnement de notre système judiciaire.

Les magistrats reconnaissent bien volontiers que des gens dangereux sont tous les jours remis en liberté, car toute peine a une fin. Un durcissement du droit à rencontre d'individus qui ont pu ou pourraient profiter des failles de notre organisation judiciaire pour commettre des actes effroyables s'imposait donc. C'est le sens de cette proposition de loi, à laquelle je souscris.

Pour autant, les allongements de peine ne font parfois que reculer l'échéance. Les psychiatres soulignent que la perspective de la privation de liberté n’est pas toujours assez forte pour vaincre la pulsion de viol qui assaille certains récidivistes. L'exemplarité de la peine peut ne pas suffire. Que faire alors ?

Il faut dire avant tout qu’améliorer la connaissance scientifique de la dangerosité des délinquants est une obligation morale à l'égard des victimes des crimes et délits et de leurs proches. Donnons-nous, monsieur le ministre, les moyens de décrypter ce qui mène l'homme à commettre des actes aussi monstrueux.

Je souhaiterais que l’on porte une attention toute particulière à la délinquance sexuelle, première cause d'incarcération en France puisqu’elle est la cause de près de 24 % des détentions. La recherche en criminologie souffre actuellement de nombreuses carences, et nous manquons de psychiatres et d'experts. Des magistrats, des médecins, des avocats appellent de leurs vœux la création d'un observatoire de la récidive. Structure légère et peu coûteuse, elle permettrait d'auditionner et de mobiliser les acteurs de terrain et les chercheurs, en France et à l'étranger.

Deuxième impératif, il faut donner les moyens à notre institution judiciaire d'évaluer la dangerosité des condamnés. Les Canadiens ont, à partir de larges études statistiques, mis en place des grilles d'évaluation. Les détenus sont placés dans un programme d'exécution de leur peine en fonction des risques et des besoins ainsi établis.

En France, le suivi sociojudiciaire et l'obligation de soins qui peut l'accompagner butent souvent sur le manque de moyens et la pénurie de médecins psychiatres : il n'existe que vingt-six services médicopsychologiques pour 188 établissements pénitentiaires. Il faut sans aucun doute remédier à cette situation. Il semblerait utile de rétablir parallèlement l'obligation d'activité en prison pour aider les détenus à retrouver leurs repères.

Enfin, il est nécessaire d'évaluer la dangerosité du criminel en prévision de sa sortie de prison. Notre collègue Jean-Paul Garraud propose qu’on donne au juge de l’application des peines, éclairé par l’avis des experts, la faculté d’évaluer sa dangerosité, dans le respect d'un procédure rigoureuse. Je soutiens personnellement une telle proposition : si l'on pense que certains hommes sont irrécupérables, il faut aller au bout de la logique.

Ainsi nous pourrions créer, à l'instar des centres pour mineurs, des centres fermés de protection sociale destinés aux récidivistes particulièrement dangereux, qui sont fort heureusement peu nombreux. Si une personne est dangereuse, nous devons tout mettre en œuvre pour la neutraliser, tout en la respectant en tant que personne humaine. C'est l’obligation de sécurité que nous devons à nos concitoyens.

En revanche, si les perspectives de réinsertion sont bonnes, la liberté conditionnelle et d’autres aménagements de peine peuvent être envisagés, à condition qu'ils soient encadrés d'un maximum de garanties, car nous devons multiplier les filets de sécurité.

S’il faut reconnaître que le risque zéro n'existe pas, certaines mesures peuvent toutefois faire chuter de manière spectaculaire le taux de récidive : c'est le cas notamment du bracelet électronique, qui a un effet dissuasif considérable dans la mesure ou le condamné se sait surveillé et localisé à tout moment.

Fichiers des agressions sexuelles, castration médicamenteuse, suivi sociojudiciare, il faut utiliser toute la panoplie car aucun moyen n'est efficace à 100 %.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme je le disais à l'occasion de la première lecture, cette proposition de loi constitue un progrès indéniable. Néanmoins elle n'est à mes yeux qu'une première étape vers un nécessaire réaménagement en profondeur de notre droit pénal, associant justice, santé et sécurité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Je veux remercier tous les orateurs qui sont intervenus dans la discussion générale. On me permettra d’approuver ici, de répondre là, ou de discuter tel ou tel point.

Je tiens tout d’abord, monsieur Georges Fenech, à vous rendre une nouvelle fois hommage pour la qualité de votre rapport, qui a largement inspiré certaines modifications apportées par le rapporteur à la proposition de loi. Je pense comme vous que la loi doit être plus dissuasive à l’égard des délinquants, sans toutefois exclure une réinsertion toujours souhaitable.

Je me tourne à ce propos vers la gauche de l’hémicycle, car je crois qu’on ne m’y a pas compris. La société n’a pas pour seul but, quand elle met le délinquant en prison de se protéger, même si c’est son premier objectif. Elle vise aussi sa réinsertion dans la vie sociale. Nous devons veiller à l’équilibre entre ces différents objectifs. J’y reviendrai, et j’essaierai de faire comprendre à ceux qui ne veulent pas comprendre ce que nous souhaitons faire.

Inutile de vous dire, monsieur Fenech, que je partage également votre analyse quant à l’utilité et à l’efficacité du bracelet électronique mobile, notamment dans le cadre des enquêtes judiciaires.

Je crois comme vous, monsieur Tourtelier, qu’il y avait urgence à combattre la récidive, dans le respect de nos principes constitutionnels. Je tiens cependant à vous faire remarquer que nous ne renforçons pas les peines, mais la certitude de la peine, par exemple quand nous proposons que soit limité à deux le nombre de condamnations assorties du sursis avec mise à l’épreuve.

Permettez-moi d’illustrer cet exemple. Imaginons que vous êtes condamné à six mois avec sursis pour vol. Vous êtes à nouveau condamné, pour vol à la roulotte, condamnation assortie d’un sursis avec mise à l’épreuve.

Nous en sommes au deuxième sursis. Vous êtes à nouveau condamné, cette fois pour faits de violence de peu de gravité, avec un sursis assorti de mise à l’épreuve : en effet le texte prévoit que vous pouvez encore bénéficier d’un sursis. C’est seulement à la quatrième condamnation que vous ne pourrez plus bénéficier d’un sursis.

C’est cela que vous trouvez excessif, monsieur Tourtelier ? Ou bien n’aviez-vous pas tout à fait compris notre texte ?

M. Philippe Tourtelier. Ce n’est pas ce que j’ai voulu dire, vous le savez très bien !

M. le garde des sceaux. Alors on ne parle pas de la même chose ! La limite est certes de deux SME. Mais un parcours judiciaire ne commence pas par un SME : le sursis dont bénéficie un primodélinquant est un sursis simple.

Je ne me résous pas, monsieur Tourtelier, à ne rien faire contre les criminels dangereux sous le simple prétexte que les récidives criminelles sont statistiquement peu nombreuses.

M. Philippe Tourtelier. Qui a dit cela ?

M. le garde des sceaux. On ne peut pas opposer des statistiques aux victimes.

M. Philippe Tourtelier. Qui a fait cela ?

M. le garde des sceaux. C’est ce que vous avez dit ! Et c’est inadmissible ! Allez dire aux victimes : vous aviez statistiquement parlant peu de risque d’être violées !

C’est un argument qui ne peut pas être retenu, je vous le dis franchement.

J’ai été un peu surpris du ton des propos de Michel Hunault – mais il n’est plus là. Nous dirons que de l’eau est passé sous les ponts ! Voilà qu’il nous explique qu’on n’a pas fait le bilan du droit existant. C’est faire bien peu de cas du travail de la mission d’information, qu’avec Gérard Léonard et d’autres nous avons animée. Cette mission a pourtant travaillé pendant des mois, elle a beaucoup auditionné. Dire que cette proposition n’a pas été précédé d’un bilan est donc excessif. Ces auditions nous ont permis de mesurer l’insuffisance du dispositif existant et la nécessité d’améliorer la surveillance et le contrôle des détenus dangereux à leur sortie de prison.

Nous donnons cependant raison à M. Hunault sur un point : nous devons améliorer notre connaissance du phénomène de la récidive. J’aurai l’occasion de revenir sur ce point, parce que beaucoup d’entre vous ont souligné cette nécessité, qui a fait l’objet de nombreux amendements. Je me contenterai pour l’instant de rappeler que j’ai chargé il y a quelques jours le professeur Jacques-Henri Robert du soin d’animer une commission d’analyse et de suivi de la récidive, qui comprendra des experts autorisés.

M. Hunault a stigmatisé la surpopulation carcérale. Vous direz à votre collègue, cher Jean-Christophe Lagarde, qu’une telle critique est pour le moins paradoxale venant d’un député qui est un des auteurs de la proposition de loi tendant à instaurer des « peines planchers ». En effet, si ce texte avait été adopté, il y aurait encore plus de monde dans les prisons.

Quant à vous, Michel Vaxès, vous critiquez le manque de moyens des juges d’application et des services pénitentiaires d’insertion et de probation. Je ne vais pas vous répondre que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes : on est évidemment très en deçà de ce qui est souhaitable. Mais aller répétant sans cesse qu’il n’y a aucun résultat est tout aussi excessif !

Permettez-moi donc de vous donner quelques chiffres. Depuis 2002, le nombre des juges de l’application des peines a augmenté de 76 %. C’est encore insuffisant, certes, mais quand même !

Plus de 3 000 emplois ont été créés pour améliorer le fonctionnement des services pénitentiaires, qui commencent à aller mieux. En quatre ans, 700 postes supplémentaires de travailleurs sociaux ont été créés. Là encore c’est encore insuffisant, surtout s’agissant des postes de conseillers d’insertion et de probation.

Quant aux mesures d’aménagement de peine, leur nombre a considérablement augmenté. Certains disent – sans doute pour des raisons politiciennes – que la droite c’est le « tout-répressif ». Or, depuis que nous sommes là, on est passé de 15 000 alternatives à l’incarcération en 2002 à 18 000 en 2004 et 20 000 en 2005. Nous sommes nombreux à être conscients que ce n’est pas la prison qui va régler le problème de la réinsertion. Certes celle-ci est nécessaire dans certains cas, mais il faut aussi faire en sorte qu’on puisse réinsérer le plus vite possible le détenu dans la société, parce qu’on espère qu’il est amendable : c’est l’intérêt de la libération conditionnelle.

Je veux vous dire aussi que le bracelet électronique fixe permet actuellement à 1 000 détenus de ne pas aller en prison, puisque c’est une alternative à l’incarcération.

Nadine Morano a eu raison de rappeler le travail important consacré ces dernières années par les parlementaires de la majorité à la question de la récidive. Je m’engage à ce que les décrets d’application soient pris le plus rapidement possible. il est vrai cependant, comme certains l’ont souligné, que la mise en œuvre du bracelet électronique demande des mises au point techniques et administratives qui ne sont pas de la plus grande simplicité. Je vous promets du moins que nous ferons le maximum.

Je partage le souhait exprimé par Mme Morano d’un suivi pluridisciplinaire, et j’ai saisi de cette question mon collègue en charge de la santé.

Vous avez fort justement fait observer, monsieur Geoffroy, que le bracelet électronique ne sera pas la solution à toutes les récidives, mais permettra d’élargir la palette des solutions offertes au juge.

Je tiens à rappeler à l’Assemblée que si, pour des raisons qu’on peut qualifier de médiatiques, le bracelet électronique mobile est, de toutes les mesures que nous proposons, celle que retient l’opinion, nous ne l’appliquerons que rarement « sec » – selon l’expression usuelle –, répondant ainsi au vœu du Sénat. D’autres mesures entoureront celles-ci, pour permettre un suivi qui ne soit pas seulement négatif : suivi thérapeutique, avec injonction de soins et suivi par un psychiatre ou un psychologue – nous y reviendrons en examinant les amendements. Il sera rarissime – et il n’arrivera probablement jamais – que le bracelet soit utilisé seul.

Mais comme on s’intéresse souvent à l’écume des choses, on finit par nous prêter une vision simpliste et peu nuancée, que je tiens justement à nuancer grâce à l’exposé très clair de Guy Geoffroy, qui rappelle qu’en respectant les principes constitutionnels, nous avons augmenté la palette des solutions offertes au juge.

Quant à vous, monsieur Mamère, qui n’êtes pas sûr d’avoir le bon interlocuteur, je dois vous dire que je n’en suis pas sûr non plus, car nous n’avons pas, dans ce débat, la même perception de la réalité de la délinquance. Je ne suis pas sûr que vous sachiez, par exemple, qu’un tiers des délits sont commis par des récidivistes. S’ils sont aussi nombreux, le rôle du législateur n’est-il pas de s’en préoccuper en priorité ? Notre réponse est : oui ; la vôtre : non. Ça nous distingue sacrément !

Vous êtes opposé aux sorties sèches. Nous aussi. C’est d’ailleurs le sens de l’ensemble du texte – à condition que l’on veuille bien le comprendre et ne pas le critiquer d’une manière si systématique qu’elle en devienne schématique. C’en est dommage pour notre débat, qui est d’excellente qualité, comme on l’a vu avec les interventions de M. Caresche et de M. Vallini. M. Mamère a préféré la politique stérile. C’est dommage pour la démocratie.

Monsieur Trassy-Paillogues, vous souhaitez que les inscriptions au fichier des délinquants sexuels soient communiquées aux élus des communes dans lesquelles résident ces délinquants. Nous avons fait un choix différent, qui vous permet néanmoins d’obtenir les informations que vous souhaitez. Ainsi, les élus pourront demander au préfet les éléments d’information permettant de s’assurer du passé judiciaire des personnes se trouvant notamment au contact des enfants. On ne peut pas, vous l’imaginez bien, écrire systématiquement aux maires pour leur signaler chaque personne bénéficiant d’une libération conditionnelle. Si vous souhaitez, en revanche, obtenir des informations sur une personne qui travaille dans vos colonies, vos patronages ou vos écoles, vous obtiendrez du préfet la réponse qu’il est légitime que vous en receviez.

Monsieur Alain Ferry, qui avez été le dernier, mais non le moindre des intervenants, vous souhaitez améliorer la connaissance de la dangerosité des criminels les plus violents, et vous avez raison. Le texte permet de renforcer le suivi des criminels dangereux après une expertise pluridisciplinaire. Il faut, me semble-t-il, poursuivre la réflexion dans ce domaine en approfondissant les questions des indicateurs de dangerosité et des mesures de protection sociale nécessaires.

La commission présidée par Jacques-Henri Robert sera chargée de nous apporter une connaissance fine de la question – non pas que nous ne sachions rien du problème de la récidive, comme je l’ai entendu dire : le chiffre d’un tiers de délits commis par des récidivistes suffit, je le répète, à justifier les propositions de la commission des lois et les amendements du Gouvernement.

Voilà, mesdames et messieurs les députés, les quelques réponses, observations et commentaires que je souhaitais formuler. Je vous remercie d’avoir participé à ce débat dans ce climat de dialogue, sachant que nous avons tous, en fin de compte, la même motivation : essayer de limiter le plus possible la récidive, sinon de la supprimer. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant, dans le texte du Sénat, les articles de la proposition de loi sur lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pu parvenir à un texte identique.

Avant l’article 1er

M. le président. Avant l’article 1er, je suis saisi de quatre amendements, nos 25, 27, 39 et 40, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Christophe Caresche, pour soutenir l’amendement n° 25.

M. Christophe Caresche. Plusieurs amendements émanant de parlementaires siégeant sur tous les bancs de cette assemblée, dont un élaboré, me semble-t-il, par le groupe d’études sur les prisons, ont pour objet de créer un observatoire de la récidive. Cette initiative serait salutaire : si nous disposons déjà des données exploitées par la mission d’information, ces données restent partielles, car elles portent sur des cohortes assez faibles de détenus. Il serait donc très intéressant de disposer de données plus fiables, plus objectives et, surtout, plus complètes.

Il faut aussi faire échapper ce débat à diverses représentations – pour ne pas dire : fantasmes. La mission d’information avait d’ailleurs apporté, à cet égard, des éléments utiles. Il ne faut, bien entendu, ni sous-estimer ni nier les problèmes de récidive, mais il ne faut pas non plus les exagérer. Vous avez ainsi déclaré, monsieur le garde des sceaux, que 40 % des détenus l’étaient pour cause d’infraction sexuelle. C’est faux : le chiffre est au maximum de l’ordre de 20 % à 25 %.

M. Gérard Léonard, rapporteur pour la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Il s’agit de 40 % des entrants !

M. Christophe Caresche. Je pense que ce chiffre aussi est faux, mais tout cela mériterait d’être discuté plus précisément.

S’attachent à cette discussion diverses représentations qui ne sont pas exactes. Disposer d’une mesure exacte et objective de la récidive permettrait de donner plus de consistance à nos débats et de fournir des informations plus exactes à l’opinion publique. Il ne s’agit pas là, bien évidemment, de nier le problème.

Voilà l’objet de cet amendement. Monsieur le garde des sceaux, vous avez, si j’ai bien compris, anticipé ces amendements en créant une commission qui répond en partie à la question – mais pas totalement. Je connais votre réponse, mais nous maintiendrons, quant à nous, cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l’amendement n° 27.

M. Jean-Christophe Lagarde. On a beaucoup dit, cet après-midi, qu’il n’y avait pas de solution miracle ni de garantie absolue contre la récidive. Mais, surtout, il a été dit que la récidive fait souvent l’objet, et c’est bien légitime, de fantasmes, sur les bancs de cet hémicycle comme dans l’ensemble de la population française.

Il nous a donc paru utile de pouvoir disposer d’un observatoire qui puisse préciser les choses et fonder sereinement les débats sur des données à la fois établies, partagées et discutées, qui permettraient au garde des sceaux actuel et à ses successeurs, de s’attaquer réellement au problème de la récidive, et pas seulement à certains de ses aspects.

Il était frappant de constater cet après-midi – du fait peut-être de la gravité des crimes évoqués, mais aussi de leur caractère très médiatique, qui trouble, outre les victimes, l’ensemble de la population –, la place prise dans les débats par la délinquance sexuelle et les plus grands crimes dans ce domaine. Chers collègues, les Français sont également préoccupés de savoir pourquoi les petits délinquants restent perpétuellement impunis. Pourquoi des mineurs ne sont pas stoppés dans leur évolution avant de devenir de grands délinquants, par des sanctions et par un accompagnement social et éducatif. Pourquoi la petite délinquance qui frappe chaque jour la population française – et qui n’est pas celle qu’on montre le plus souvent à la télévision – rend la vie insupportable, le plus souvent aux personnes qui se trouvent dans la plus grande fragilité sociale.

Un observatoire permettrait, bien sûr, de vérifier si le bracelet électronique est utile et s’il y a ou non un accompagnement à la sortie de la prison, mais il permettrait aussi de constater que ce qu’on a coutume d’appeler la petite délinquance, celle qui mine progressivement des quartiers entiers et y déstructure le lien social, ne fait que croître malgré les politiques mises en œuvre au fil des années, et qu’il n’est pas vrai de dire que, de ce point de vue, la sécurité est revenue.

En tant qu’élu de Seine-Saint-Denis, je veux en témoigner. La sanction pénale ne répond pas aux délits commis et, pour les quelques délinquants qui finissent par être poursuivis après trente, quarante, voire cinquante arrestations, comme c’est le cas pour les mineurs, du moins dans mon département, la sanction n’est pas suivie par un accompagnement social permettant d’éviter la récidive.

L’observatoire dont la création fait l’objet de l’amendement permettrait de poser des questions réelles, liées à ce que vivent les gens tous les jours.

M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès, pour soutenir l’amendement n° 39.

M. Michel Vaxès. Monsieur le garde des sceaux, comme lors de la première lecture, vous aurez constaté que nous n’avons déposé que peu d’amendements. C’est, en effet, la philosophie générale de ce texte que nous contestons et nous considérons qu’elle ne sera pas modifiée par des amendements. Plutôt, donc, que de demander la suppression de la majorité des articles, nous avons fait le choix de voter contre ceux-ci et contre la loi dans sa globalité.

Cependant, comme en première lecture, nous avons souhaité faire valoir la spécificité de la délinquance des mineurs. J’apprécie le ton mesuré et équilibré de votre réponse aux questions que j’ai soulevées dans mon intervention générale et dans les explications de vote sur les motions de procédure. Permettez-moi toutefois de faire remarquer, une fois de plus, que j’attends toujours une réponse sur la question de la délinquance des mineurs : j’espère que cette réponse viendra dans le débat.

L’amendement que je défends ici vise un tout autre objet. Tout comme moi, vous avez dû recevoir, mes chers collègues, une proposition d’amendement émanant d’un chercheur en criminologie et auteur d’une étude sur la récidive – certains d’entre vous en sont d’ailleurs signataires.

Nous avons fait le choix de soumettre à votre discussion cette proposition de création d’un observatoire de la récidive pour des raisons évidentes. D’abord, parce que le constat s’impose que l’outil de connaissance sur l’application des peines et la récidive des infractions pénales est insuffisant. Vous proposez aujourd’hui des dispositions dont les effets n’ont pas été mesurés. Nous considérons, avec les auteurs de cette proposition, que la création d’un tel observatoire permettrait de disposer de données fiables, lisibles et objectives, qui seraient mises à disposition de tous afin d’être étudiées et évaluées pour servir de point d’appui à des propositions, législatives ou non, susceptibles de s’attaquer réellement à la récidive.

Cet observatoire de la récidive établirait chaque année un rapport d’activité et des propositions, loin de toute préoccupation polémique, démagogique, voire politicienne.

Voilà les raisons pour lesquelles nous proposons cet amendement. Notre réflexion collective gagnerait énormément à son adoption.


M. le président.
La parole est à M. Georges Fenech, pour soutenir l’amendement n° 40.

M. Georges Fenech. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Philippe Houillon, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Je voudrais faire une remarque d’ordre général qui s’applique : nous sommes à une époque où sur tous les bancs, dans tous les milieux – professionnels, socio-économiques –, tout le monde dit qu’il faut arrêter l’inflation législative, qu’il faut arrêter de compliquer les textes et d’y inclure des dispositions d’ordre réglementaire. Tout le monde dit ça, et à juste titre. Or la disposition proposée par cet amendement est typiquement d’ordre réglementaire. Elle n’a pas sa place dans la loi. Je vous demande par conséquent de la rejeter, ne serait-ce que pour cette raison.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission sur les amendements en discussion.

M. Gérard Léonard, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Ce rappel du président de la commission est utile. Certes, cette série d’amendements répond à un souci louable : celui d’avoir une meilleure connaissance du phénomène de la récidive. Sur ce point, il faut dire tout de même qu’en ce qui concerne l’état des connaissances en la matière, ce n’est pas le désert. Je me permets, chers collègues, de vous renvoyer au rapport que nous avons commis avec Pascal Clément. Nous avons nourri notre réflexion d’un ensemble d’études et d’analyses qui permet d’avoir une connaissance relativement précise du phénomène : il y a Infostat Justice, qui est très bien faite et qui émane de la chancellerie ; il y a les études du CNRS, dont je crois savoir qu’un des auteurs a été le plus ardent défenseur de la création de cet observatoire – pour autant, je ne pense pas qu’il considère que ses études sont insuffisantes dans ce domaine – ; il y a également le Conseil de l’Europe, qui nous a apporté des réflexions très intéressantes.

Cela étant, surtout après l’adoption de la loi, il est évident qu’il faudra assurer un suivi plus fin, plus complet du phénomène. Je souhaite également que nous enrichissions ce suivi des réflexions étrangères car on s’est fixé sur des statistiques à partir de quelques études nationales, et on s’aperçoit qu’elles sont fort différentes des conclusions d’études étrangères, en particulièrement nord-américaines, s’agissant de la récidive en matière sexuelle. Il faudra faire le point en ce domaine. L’objectif parfaitement louable des auteurs des amendements est pris en compte par le Gouvernement puisque la commission de suivi, qui est présidée par une personne connaissant très bien ces questions parce qu’elle les a beaucoup étudiées, et qui saura s’entourer des personnes compétentes, répondra parfaitement à nos préoccupations. Malgré leur intérêt, la commission a par conséquent rejeté ces amendements car le Gouvernement les satisfait par la voie règlementaire.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Tant le président de la commission que le rapporteur ont déjà expliqué la position du Gouvernement. Je rappelle que ce type de commission est créé par arrêté ou décret : cela relève du pouvoir réglementaire. Et si certains veulent que cela soit de la compétence du pouvoir législatif, c’est pour contraindre le Gouvernement à faire quelque chose…, précisément ce que le Gouvernement a déjà fait !

Nous avons donc mis en place une commission d’analyse et de suivi de la récidive, présidée par le directeur de l’institut de criminologie de l’université de Paris II, et qui comprendra un juge d’application des peines, un médecin psychiatre, un sociologue, un directeur d’établissement pénitentiaire, un commissaire de la police nationale, un officier de gendarmerie, qui seront désignés prochainement. Quel est le but de cette commission ? C’est de s’attacher à déterminer les outils fiables pour mesurer la récidive, à analyser son évolution et à formuler des préconisations pour la combattre. J’ai la conviction que les auteurs des amendements qui réclament un observatoire de la récidive ont satisfaction.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Je relève une double contradiction dans les explications du Gouvernement et du rapporteur. D’une part, on nous convoque en deuxième lecture pour une loi sur la récidive, comme si celle-ci était devenue le principal mal français, alors que nous avons déjà un appareil juridique et législatif qui est au point pour lutter contre cette récidive : nous sommes donc dans le cadre de l’inflation des lois qui a été dénoncée par le président de la commission des lois. D’autre part, puisque vous voulez donner une certaine solennité à cette loi sur la récidive, je ne comprends pas que vous classiez simplement dans l’ordre réglementaire la création de la commission de suivi. Si vous voulez tant d’importance à cette loi, montrez donc votre bonne foi…

M. Philippe Houillon, président de la commission. C’est déjà fait.

M. Noël Mamère. …en introduisant dans le texte de loi la création de cet observatoire de la récidive, qui est réclamé sur tous les bancs de cette assemblée, et pas seulement sur ceux de l’opposition.

M. le président. Monsieur Caresche, maintenez-vous votre amendement n° 25 ?

M. Christophe Caresche. Je le maintiens, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n°25.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Monsieur Lagarde, maintenez-vous votre amendement n° 27 ?

M. Jean-Christophe Lagarde. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 27.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Monsieur Vaxès, maintenez-vous le vôtre ?

M. Michel Vaxès. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 39.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Monsieur Fenech, retirez-vous votre amendement ?

M. Georges Fenech. Je considère que la réponse du ministre satisfait l’amendement que j’avais déposé au nom du groupe d’études sur les prisons. Je le retire donc.

M. le président. L’amendement n° 40 est retiré.

Je suis saisi d’un amendement n° 67.

M. Christophe Caresche. Défendu !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Léonard. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 67.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 26.

La parole est à M. Christophe Caresche, pour le soutenir.

M. Christophe Caresche. Cet amendement a pour objectif de réaffirmer un principe dont nous savons qu’il serait difficile à mettre en œuvre à court terme : celui de l’encellulement individuel. Monsieur le garde des sceaux, vous savez que la situation des prisons françaises n’est pas bonne. Un des responsables du Conseil de l’Europe, M. Gil-Robles, a récemment montré combien la situation française s’était dégradée. Et c’est vrai que les dispositions que vous faites adopter au fil des lois qui nous sont proposées accroissent de façon extrêmement préoccupante la surpopulation pénale, au point que dans de nombreuses prisons quatre à six personnes sont enfermées dans dix mètres carrés. On peut comprendre que ces conditions provoquent des troubles psychologiques et ne soient pas propices à la bonne réinsertion des condamnés. Au travers de cet amendement, notre volonté est de vous rappeler la grande difficulté dans laquelle se trouvent les prisons françaises. Nous ne sommes d’ailleurs pas les seuls à le faire. Je sais que le groupe d’études sur les prisons, et notamment Mme Boutin, a pris un certain nombre d’initiatives et que nous sommes nombreux sur les bancs de cette assemblée à partager l’idée qu’il est difficile de continuer dans ces conditions. C’est véritablement un cri d’alarme que nous lançons pour que la situation des prisons françaises s’améliore.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Léonard, rapporteur. Comme vient de le dire M. Caresche, cet amendement rappelle un principe, un souhait, un objectif auquel on ne peut que souscrire mais dont on ne saisit pas réellement la portée pratique. La situation de nos prisons ne date pas de quelques années seulement ; elle est ancienne.

M. Christophe Caresche. Il y avait moins de personnes emprisonnées auparavant !

M. Gérard Léonard, rapporteur. Si cet amendement était adopté, il faudrait libérer massivement les prisonniers, et chacun imagine les conséquences qui en découleraient. Je rappelle que depuis la LOPJ – la loi d’orientation et de programmation relative à la justice –, un effort sans précédent est mené pour la construction de prisons. Cette loi a prévu la création de 13 000 places. C’est en poursuivant cet effort que nous satisferons à cet objectif auquel, je l’espère, tout le monde adhère. La commission a donc rejeté cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Je comprends l’émotion des parlementaires suscitée par la surpopulation des prisons, mais dois-je rappeler, notamment à M. Caresche, que le premier rapport qui nous a tous alerté, c’est celui du Sénat, en 2000. Le rapport de l’Assemblée a été publié un peu plus tard. Autrement dit, le problème ne date pas du constat de Gil-Robles, mais de bien avant. La lecture du rapport du Sénat m’avait bouleversé. Mais je ne me souviens pas qu’à la suite de ces rapports un programme massif de construction de places de prison ait été décidé par le gouvernement de la majorité précédente.

M. Xavier de Roux. Le dernier qui en a construit beaucoup, c’est Chalandon !

M. le garde des sceaux. C’est clair : quand la droite est au pouvoir, elle construit des places ; et quand la gauche est au pouvoir, elle explique qu’il faut faire de la prévention. Avec un tel système, nous avons toujours cinq ans et une dizaine de milliers de places de retard. La surpopulation est insupportable. J’ai reçu M. Gil-Robles, qui m’a décrit des prisons que j’avais, pour certaines, visitées, et il était bouleversé. Il m’a parlé du rapport du Sénat, qui a d’ailleurs constitué son fil rouge. Quant à vous, monsieur Caresche, vous n’avez tiré aucune conclusion de ces rapports.

M. Christophe Caresche. Vous faites le procès du gouvernement précédent !

M. le garde des sceaux. Vous faites celui du Gouvernement actuel ! Je vous fais simplement observer que c’est sous le gouvernement que vous souteniez que s’est posé le problème et qu’il n’a rien fait. Alors les leçons, c’est bien, mais de temps en temps, un petit rappel historique, c’est mieux. Imaginez que demain vous ayez le pouvoir (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire)

M. Guy Geoffroy. Oh non, quel cauchemar !

M. le garde des sceaux. Si cela arrivait, je souhaiterais que cette fois vous construisiez des places et que vous continuiez notre programme. Vous n’avez jamais proposé l’encellulement individuel. Nous sommes en train de construire un programme de 13 200 places. Les inaugurations auront lieu essentiellement en 2007 et en 2008.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ce sera comme pour M. Perben !

M. le garde des sceaux. M. Perben a-t-il inauguré 13 000 places ? En 2007 – 2008, ce ne sera pas 200 places comme sous M. Perben, ce sera 13 000 ! Ce n’est pas tout à fait pareil. Dix-huit centres pénitentiaires sont prévus, et pour l’essentiel ce sera de l’encellulement individuel, mais pas complètement. Mes visites, certes récentes, dans des maisons d’arrêt ou des centres de détention me poussent à penser que l’encellulement individuel n’est pas la solution la plus adaptée aux jeunes et à certains publics fragiles. Ils souhaitent être deux, quelquefois plus, dans leur cellule.


En effet, la solitude de la cellule individuelle est extrêmement pesante. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Xavier de Roux. À réserver aux intellos !

M. le garde des sceaux. Par conséquent, les psychologues doivent être vigilants au moment de la construction pour que certaines proportions soient respectées. Nous prévoyons vingt-huit cellules simples et huit cellules doubles.

En tout cas, prenons garde d’aller trop vite dans cette affaire : le mieux est souvent l’ennemi du bien !

M. Georges Fenech. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Les bras m’en tombent !

Vos gouvernements pratiquent une politique répressive, une politique du tout-carcéral,…

M. Xavier de Roux. Vous voulez des prisons, oui ou non ?

M. Noël Mamère. …qui vise à envoyer le plus de gens possible en prison, sans prévoir ni réinsertion, ni solutions alternatives.

M. Guy Geoffroy. Caricature !

M. Noël Mamère. Et aujourd’hui vous venez pleurer sur les chaussettes des députés parce qu’il n’y a pas assez de places dans les prisons !

Et vous découvrez, parce que vous êtes devenu garde des sceaux, et après ceux d’entre nous qui ont visité ces maisons d’arrêt – car c’est surtout là que l’on voit la misère des détenus, plus que dans les centres de détention –, qu’il est difficile de vivre seul dans une cellule, ce qui n’est d’ailleurs pas l’exacte vérité. Mais vous ne nous dites pas que l’on peut rester trois ou quatre ans en détention provisoire dans ces maisons d’arrêt avant d’être jugé et condamné !

Vous ne nous dites pas non plus – mais nous, nous l’avons vu à plusieurs reprises, et bien après la commission d’enquête sur les prisons à laquelle nous avons participé – que rien n’est fait dans ces maisons d’arrêt pour occuper, pour éduquer, pour lutter contre l’illettrisme. Cela n’a pas l’air de vous préoccuper ! Vous ne parlez même pas de la misère sociale de ceux qui sont dans ces établissements !

Quant à M. Gil-Robles, il est espagnol. Son pays a connu quarante ans de dictature et nous donne, aujourd’hui, des leçons de démocratie, et pas simplement par la composition de son gouvernement qui compte huit femmes et huit hommes, outre le Premier ministre, mais parce qu’il pratique, en matière de détention, le numerus clausus et une politique pénale de substitution à la prison et de réinsertion – ce que vous ne faites pas, et que n’ont pas fait comme il l’aurait dû vos prédécesseurs que je soutenais.

Je suis allé visiter récemment deux maisons d’arrêt, à Villepinte et à Toulouse. Dans cette dernière, qui est supposée être neuve, savez-vous que onze tonnes de déchets sont jetées chaque mois dans la cour ? Savez-vous que, dans une maison d’arrêt comme celle d’Agen où la température peut monter jusqu’à quarante degrés, dans le « bunker » – c’est ainsi qu’ils l’appellent – où s’entassent huit détenus, on ne change les draps qu’une fois tous les quinze jours ? Et qu’on n’a droit à une douche – collective – qu’une fois tous les trois jours !

Ces conditions de détention sont inacceptables, elles ne sont pas dignes de ce siècle, pas dignes de la France !

Encore une chose que vous n’avez pas dite mais que vous savez aussi bien que nous, aussi bien que ceux qui ne se satisfont pas de la seule compassion et qui veulent des politiques publiques : il n’y a pas de citoyenneté dans les prisons ! Aussi nous ne pouvons accepter que votre gouvernement menace la CNDS, la commission nationale de déontologie et de sécurité, qui est chargée précisément de surveiller le comportement tant des surveillants des prisons que des policiers, et que nous sommes un certain nombre de parlementaires à continuer de saisir, de réduire sa subvention de 150 000 euros. Vous voulez l’empêcher d’effectuer un travail indépendant.

Là est la véritable politique que vous menez aujourd’hui et qu’il faut dénoncer.

M. Jean-Paul Garraud. Vous dénoncez mais que proposez-vous ?

M. Noël Mamère. Nous ne saurions soutenir une politique de compassion. Nous voulons faire en sorte que notre démocratie respecte les détenus, qui sont des citoyens à part entière.

M. Marcel Bonnot. Les victimes aussi !

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Ce point est directement lié au problème que nous examinons aujourd’hui, à savoir la récidive. Il est clair, surtout s’agissant de petite délinquance, que les conditions d’incarcération pèsent lourdement sur le taux de récidive car elle la favorise, je crois que nous pouvons tous en convenir.

J’avais cru comprendre, monsieur le ministre, que vous vous étiez inquiété des conditions dans lesquelles se déroulaient les détentions provisoires. C’est un problème sérieux.

En trois ans, la population carcérale a beaucoup augmenté : elle est passée de près de 50 000 à plus de 65 000 détenus. Il est évident que c’est la conséquence des dispositions législatives votées ici, même si, je le concède, nous étions, à l’époque, dans une situation qui n’était pas satisfaisante. Mais ce que vous avez fait, loin de l’améliorer, l’a considérablement aggravée.

Cependant, à la suite des travaux de diverses commissions, une démarche avait été entreprise qui, hélas, a été interrompue par ce gouvernement. Un projet de loi pénitentiaire, élaboré par Marylise Lebranchu, était prêt. Y figurait notamment la création d’une autorité indépendante destinée à suivre ces questions, ce qui aurait été de nature à améliorer la situation. Mais le gouvernement actuel n’a pas repris ce projet ! Votre responsabilité est donc largement engagée. Ne venez donc pas pleurer sur le lait versé. Il est certain que, un jour ou l’autre, les prisons françaises vont poser d’énormes problèmes.

M. le président. La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin. Selon son intitulé, la proposition de loi est relative au traitement de la récidive des infractions pénales. Elle traite, en fait, de cas particuliers de récidive, celle qui est la plus douloureuse, certes, parce que touchant les crimes les plus odieux. Mais la récidive la plus lourde en France, c’est celle qui concerne les atteintes aux biens et le trafic de stupéfiants. Elle atteint des taux de 50 à 60 % dans ces domaines.

En effet, nos maisons d’arrêt sont extrêmement criminogènes. Leur population est en état de déshérence sociale totale. Le taux d’illettrisme atteint 25 à 30 %. Le niveau de formation, pour 50 à 60 % de cette population, n’est pas supérieur au BEPC. Tant qu’on ne changera pas cela, on pourra mettre des képis en plus, on ne réglera pas le problème de la lutte contre la délinquance et contre l’insécurité !

Il conviendrait donc de changer le titre de la proposition qui ne fera qu’améliorer un certain nombre de dispositifs – et encore ! – concernant la récidive la plus douloureuse, mais qui ne traite pas du fond de la question, à savoir de la récidive lourde, qui est liée aux conditions de détention dans les maisons d’arrêt, où se déroule majoritairement la détention.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 26.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Après l’article 1er

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 1 rectifié, tendant à introduire un article additionnel après l’article 1er.

La parole est à M. le garde des sceaux, pour le défendre.

M. le garde des sceaux. Cet amendement prévoit que seront prises en compte pour la récidive les condamnations prononcées par les juridictions pénales d’un État membre de l’Union européenne.

M. Guy Geoffroy. C’est très bien !

M. le garde des sceaux. Aujourd’hui, quelqu’un qui commet un viol ou un meurtre en Belgique, n’est pas considéré comme récidiviste s’il en commet un autre en France ! Pourtant, c’est indispensable.

La mise en œuvre de cette disposition sera évidemment grandement facilitée par l’interconnexion du casier judiciaire national de Nantes avec plusieurs casiers européens. Elle est en cours avec l’Allemagne, l’Espagne et la Belgique.

Il n’est pas pour autant juridiquement indispensable que les condamnations qui constitueront le premier terme d’une récidive figurent au casier pour que la nouvelle disposition soit applicable. En cas de poursuites criminelles, le passé judiciaire de la personne, notamment s’il s’agit d’un étranger, pourra être connu par la consultation des autorités judiciaires étrangères dans le cadre des investigations sur le curriculum vitae de l’accusé.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Léonard, rapporteur. La commission a adopté l’amendement n° 1 rectifié.

M. le président. La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin. M. le ministre a quasiment répondu à la question que je voulais lui poser. L’idée est excellente sauf qu’elle est totalement inapplicable puisque les magistrats n’ont aucunement accès aux casiers judiciaires européens ! Vous pouvez raconter ce que vous voulez, on ne fait cette loi que pour se faire plaisir !

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Voilà un amendement proprement surréaliste !

Monsieur le garde des sceaux, en France, bien souvent, les juges n’ont pas connaissance du fait que la personne qu’ils ont en face d’eux a récidivé, tout simplement parce qu’ils n’ont pas accès au casier judiciaire en temps voulu.

Vous demandez donc l’application au niveau européen d’une disposition…

M. Hervé Morin. Qui ne s’applique pas en France !

M. Christophe Caresche. …qu’en effet, pour le moment, nous ne sommes pas en mesure de faire appliquer en France ! La disposition part d’un bon sentiment, mais elle n’est pas applicable.

M. Hervé Morin. Je le répète : elle n’est prise que pour se faire plaisir !

M. Gérard Léonard, rapporteur. C’est ridicule de dire cela !

M. le garde des sceaux. Arrêtez, monsieur Morin ! Tout à l’heure, je vous ai déjà pris en flagrant délit de contrevérité, et vous continuez !

M. Hervé Morin. J’ai parlé à M. Mercier !

M. le garde des sceaux. L’un de vous deux ment !

M. Hervé Morin. Non, c’est Mercier ou vous !

M. le garde des sceaux. Ce n’est certainement pas moi !

Et ne dites pas que nous faisons des lois pour nous faire plaisir : je vous annonce officiellement que l’interconnexion sera possible en fin d’année.

M. Hervé Morin. On verra !

M. le garde des sceaux. Et je vous serais reconnaissant d’éviter de passer votre vie à dire du mal de la majorité !

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Monsieur le garde des sceaux, on peut faire à votre disposition une autre critique. Il faudrait qu’au niveau européen, les chefs de qualification et les infractions soient parfaitement symétriques. Or le droit diffère d’un pays européen à l’autre, vous le savez. Tant que cela durera, il sera impossible d’appliquer la mesure que vous nous soumettez. Voilà une deuxième raison de la repousser.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. L’intérêt d’un dispositif législatif tient d’abord à son efficacité, donc à la possibilité de l’appliquer. Or même dans les juridictions d’assises, il arrive qu’on ne dispose pas de l’intégralité des éléments du casier judiciaire. Les praticiens – il y en a un certain nombre dans cet hémicycle – le savent. Pour la correctionnelle, c’est une réalité quotidienne, avec la comparution immédiate, par exemple.

La disposition proposée présente trois aspects qui me paraissent inouïs. D’abord, vous avez cité certains États européens mais tous ne sont pas concernés. Ensuite, que se passe-t-il sur le plan pratique lorsque la juridiction ne dispose pas des éléments nécessaires alors qu’elle a eu connaissance d’une condamnation ? Elle risque de reporter le procès !

Enfin, selon le principe de la réciprocité, si un tel dispositif devait être appliqué, il présuppose la connaissance exacte des dispositifs législatifs des autres pays qui ont prononcé une condamnation et le respect par eux des règles de droit qui y ont conduit. Ces principes sont utilisés actuellement dans les procédures d’exequatur.

Sur aucun de ces trois points, nous n’avons obtenu de réponse précise. En outre, ce texte me semble prématuré au regard des instruments dont pourront disposer les juridictions susceptibles de l’appliquer.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Gérard Léonard, rapporteur. Certains propos, que je qualifierais d’indécents, détournent notre débat de son objet.

M. Hervé Morin. Quels sont donc ces propos indécents ?

M. Christophe Caresche. C’est pour l’UDF !

M. Gérard Léonard, rapporteur. On profite de la nécessité de traduire sur le plan législatif les fruits d’une réflexion approfondie pour lancer des querelles politiciennes.

M. Philippe Houillon, président de la commission. Très bien !

M. Gérard Léonard, rapporteur. Je rappelle par ailleurs que l’article 88, alinéa 6, de notre règlement prévoit un droit de suite : à l’issue d’un délai de six mois suivant l’entrée en vigueur de la loi, le député qui en a été le rapporteur présente à la commission compétente un rapport sur la mise en application de cette loi.

M. Noël Mamère. Nous attendons toujours le rapport de la loi sur le voile !

M. Gérard Léonard, rapporteur. Dans six mois, nous disposerons de tous les éléments nécessaires, ce qui nous évitera ces faux débats qui ralentissent inutilement l’examen du texte.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Article 2

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère, inscrit sur l’article 2.

M. Noël Mamère. Je ne peux, sans réagir, me laisser accuser par notre collègue Léonard de faire de la politique politicienne ! Nous sommes ici dans une enceinte démocratique, dans laquelle vous avez ouvert ce débat, et l’indécence n’est pas du côté des parlementaires qui critiquent cette loi, mais plutôt du vôtre… Comme j’ai eu l’occcasion de le dire dans la discussion générale, à la responsabilité politique et au courage, vous préférez le populisme et les lois de circonstance. Ceux qui attisent les peurs de nos concitoyens ne sont pas en droit de taxer nos propos d’indécence.

Quant à ce rapport, prouvez-nous d’abord que, si vous l’inscrivez dans la loi, vous le présenterez. Car nous attendons toujours le rapport d’évaluation de la loi sur les signes religieux.

M. Gérard Léonard, rapporteur. Il ne s’agit pas de cela ! Nous parlons du règlement de l’Assemblée !

M. Noël Mamère. L’évaluation ayant été menée par l’un des membres de la commission Stasi, peut-on vraiment parler d’indépendance ?

M. Jean-Paul Garraud. Arrêtez de faire de la morale !

M. Philippe Houillon, président de la commission. Vous n’avez rien compris !

M. Noël Mamère. J’ai fort bien compris votre démarche depuis deux ans.

L’article 2 est très dangereux, car il introduit dans notre droit la notion de réitération d’infraction. Il nous conduit soit à légiférer pour ne rien dire, soit, ce qui est plus grave, à violer la présomption d’innocence. Il interdit en effet la confusion de peines dans des conditions inacceptables. Et surtout, il cherche à contourner le système mis en place par le législateur en matière de récidive. Il s'agit d'un régime complexe, mais qui ménage une progression dans la sévérité en fonction de la gravité des infractions en cause. L'article 2 de la proposition de loi fait litière de tout cela. D'une certaine façon, il met à bas tout l'édifice législatif et le remplace par une notion purement policière, relevant de la criminologie et non du pénal : celle de réitération. Il suffit d'avoir été déjà condamné, même si cette condamnation n'est pas définitive ! Cet article vise à créer une sous-section du code pénal qui serait consacrée aux « peines applicables en cas de réitération d'infractions ».

Le texte de l'Assemblée nationale en deuxième lecture que vous avez réintroduit après que le Sénat l’a amendé, prévoit que la juridiction saisie « prenne en considération les antécédents du prévenu pour prononcer la peine et en déterminer le régime ». Et surtout, il prévoit une interdiction de confusion des peines en cas de réitération.

Je rappellerai deux observations qui ont été formulées par le rapporteur du Sénat.

Première observation, qu’il est utile d’entendre en deuxième lecture : « La référence aux « antécédents » est, il est vrai, empruntée au langage policier davantage qu'au vocabulaire judiciaire. Pour autant, faut-il supprimer toute disposition prévoyant que le juge doit tenir compte du passé pénal du prévenu pour déterminer la peine ? Tel n'est pas l'avis de votre rapporteur qui, dans un souci de clarification – et de compromis –, propose de réintroduire une disposition se référant à l'existence d'une « première condamnation» qui, par définition, ne relève pas du champ d'application de la récidive légale ni du concours d'infraction ; ».

Deuxième observation : « Bien évidemment, les auteurs de la proposition de loi n'avaient nullement l'intention d'entraîner le système pénal français en direction de celui applicable outre-atlantique. Toutefois, la rédaction de l'Assemblée nationale comportait, il est vrai, une ambiguïté dans la seule hypothèse d'une pluralité d'infractions nouvelles commises après une première condamnation définitive. C'est pourquoi votre rapporteur propose qu'il soit précisé que la possibilité de cumul des peines et l'interdiction subséquente de la confusion concernent « la précédente condamnation ».

Votre amendement n° 8 prévoit que « les peines prononcées lors de la précédente condamnation se cumulent sans limitation de quantum » – nous reviendrons sur la question du quantum qui est le retour par la fenêtre des peines plancher si chères à M. Estrosi et à M. Sarkozy – « et sans qu'il soit possible d'ordonner leur confusion avec les peines prononcées pour l'infraction commise en réitération ». Cette disposition viole la présomption d’innocence et détourne le sens pénal de la loi.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Houillon, président de la commission. Je veux simplement éviter à M. Mamère de faire une confusion de plus. Nous ne souhaitons pas que la loi prévoie le dépôt d’un rapport sur son application. Nous nous référons simplement à l’article 86, alinéa 8, de notre règlement, lequel dispose que le rapporteur d’une loi peut, dans un délai de six mois après sa promulgation, demander à vérifier si tous les décrets d’application ont été pris. C’est ce que l’on appelle communément le droit de suite et il n’est pas question d’inscrire cette notion dans le texte de loi, alors qu’elle figure déjà dans le règlement de notre assemblée.

Sur la question, soulevée tout à l’heure, de savoir si la juridiction saisie en France aurait connaissance des infractions éventuellement commises à l’étranger, le garde des sceaux nous a répondu que l’interconnexion des casiers judiciaires serait possible d’ici à la fin de l’année. Ne préjugez donc pas, monsieur Mamère, que les choses ne se feront pas. Notre droit de suite nous donne toute garantie de pouvoir vérifier qu’il en est bien ainsi.

M. Noël Mamère. Vous ne m’avez pas répondu sur la symétrie nécessaire dans les qualifications pénales.

M. le président. Sur l’article 2, je suis saisi d’un amendement n° 8.

Cet amendement fait l’objet d’un sous-amendement, n° 38 rectifié.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 8.

M. Gérard Léonard, rapporteur. Cet amendement est la traduction législative directe de l’une des conclusions du rapport de la mission d’information qui, je le rappelle, a été adoptée à la quasi-unanimité. Il est le fruit d’une réflexion collective.

Notre amendement n° 8 a pour objet de rétablir le texte adopté par l’Assemblée nationale en première lecture définissant, à droit constant, la réitération. Il ne modifie donc pas l’ordre des choses. En effet, et nous le regrettons, le droit actuel ne définit pas cette notion dont le régime juridique se déduit donc a contrario de ceux de la récidive légale et du concours d’infraction, ce qui n’est pas satisfaisant. C’est le souci d’avoir une approche claire de cette notion qui nous a conduits à l’introduire dans la loi.

Toutefois, compte tenu des observations formulées par le Sénat, deux modifications au texte initialement adopté par l’Assemblée nationale ont été proposées, ce qui devrait vous rassurer, monsieur Mamère. Ainsi n’est-il plus fait référence aux « antécédents » de la personne, mais seulement à l’existence d’une « précédente condamnation » qui, par définition, ne relève pas du champ d’application de la récidive légale ni du concours d’infraction. Il est indiqué par ailleurs que la possibilité de cumul des peines et l’interdiction de leur confusion concernent « la précédente condamnation » afin de signifier clairement que l’intention du législateur n’est pas d’entraîner le système pénal français « vers un système à l’américaine », comme on l’a dit au Sénat. Ces clarifications devraient rassurer ceux qui se sont, à tort, inquiétés.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir le sous-amendement n° 38 rectifié.

Mme Jacqueline Fraysse. L’article 2 introduit dans le code pénal la notion de réitération. Ce nouvel article permet de sanctionner plus lourdement les auteurs de nouvelles infractions n’entrant pas dans le cadre nouvellement défini de la récidive.

Les sénateurs ont modifié cet article. Ils l’ont jugé mal rédigé et ont considéré qu’il risquait de nous entraîner vers un système à l’américaine où peuvent être prononcées des peines d’emprisonnement de plus d’une centaine d’années.

Tenant compte en partie des observations du Sénat, la commission a accepté d’en modifier la rédaction. Elle a toutefois réintroduit l’alinéa précisant que les peines se cumulent sans limitation de quantum et sans confusion possible, alors qu’aujourd’hui, le cumul est limité à la peine maximale encourue. Cet article permet donc de prononcer des peines plus lourdes et, comme la plupart des articles qui s’inscrivent dans cette logique sécuritaire, il a pour principal inconvénient de ne protéger en rien les victimes potentielles.

En effet, chacun sait que l’alourdissement des peines n’est pas une garantie contre la récidive. Au contraire, les détenus sont abandonnés plus longtemps à un milieu carcéral désocialisant et criminogène sans que rien ne soit réellement prévu pour leur réinsertion. Je rappelle que 82 % des détenus bénéficient d’une sortie sèche. Autrement dit, ils sont lâchés dans la nature sans projet ni suivi, ce qui est extrêmement préoccupant.

Ce faisant, vous aggravez les risques de récidive à la sortie de prison, et donc, le nombre potentiel de victimes. Ces dispositions sont contre-productives. Il serait préférable de donner des moyens supplémentaires à la justice. Pour prendre un exemple que je connais bien, dans la maison d’arrêt de Nanterre, on ne peut prendre une douche que deux fois par semaine quelle que soit la température ambiante. Quant au quartier des mineurs, il n’y a pas d’éducateur sportif. Il conviendrait avant tout de se pencher sur ces questions.

Nous voterons contre l’article 2, mais, s’il devait malgré tout être adopté, nous pensons qu’il ne faudrait surtout pas qu’il s’applique aux mineurs délinquants. Ce sous-amendement, comme la plupart de nos autres amendements dans ce débat, est en effet motivé par le souci essentiel de tenir compte de la spécificité de la délinquance des mineurs. Les majeurs et les mineurs ne peuvent pas être traités de manière identique.

En disant cela, j’ai le sentiment d’enfoncer une porte ouverte ou, du moins, qui devrait l’être. La spécialisation de la justice des mineurs n’est pas une exigence posée par notre seul droit interne, en particulier l’ordonnance du 2 février 1945. Elle l’est aussi par la convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant. Ce sous-amendement suggère donc de privilégier en toutes circonstances la voie éducative.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Léonard, rapporteur. Je ne peux que répéter mon précédent propos : la réitération est définie par la commission des lois à droit constant. Cela signifie donc qu’il n’y a pas aggravation des peines.

M. Christophe Caresche. Dans ce cas, pourquoi est-il écrit le contraire ? C’est ce que je ne comprends pas.

M. Gérard Léonard, rapporteur. Il n’est pas écrit que les peines sont aggravées. Vous me décevez, monsieur Caresche, …

M. Christophe Caresche. Je ne comprends pas, je le regrette.

M. Gérard Léonard, rapporteur… car vous avez adopté notre rapport, où cela figure en toutes lettres : c’est une définition à droit constant. Non seulement il n’y a pas d’aggravation des peines, mais leur atténuation pour les mineurs n’est pas remise en cause.

Entre la récidive pénale et le concours d’infractions, il existe un phénomène, la réitération, qu’il convenait de définir légalement afin de le distinguer du reste, mais les peines ne sont pas modifiées.

Mme Jacqueline Fraysse. Le champ est tout de même élargi !

M. Gérard Léonard, rapporteur. Le seul changement, c’est que le juge pourra être informé de la réitération. Néanmoins cela ne compromet pas sa capacité d’apprécier la situation ; cela n’affecte donc en rien le principe d’individualisation des peines. En tout état de cause, nous n’amorçons en aucun cas une dérive vers un système à l’américaine.

M. Christophe Caresche. Il y a néanmoins dérive !

M. Gérard Léonard, rapporteur. Je vous renvoie à la lecture du rapport de la mission d’information, qui consacre un long développement à ce texte, ainsi qu’à celle du rapport que nous avons commis en première lecture. Il est très clair sur ce point : nous sommes à droit constant. Que dire de plus ?

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 8 et le sous-amendement n° 38 rectifié ?

M. le garde des sceaux. Je reconnais qu’il s’agit de notions difficiles, inhabituelles et donc peu compréhensibles, sauf pour ceux qui sont confrontés quotidiennement au droit pénal.

La volonté du rapporteur n’a qu’un but : …

M. Christophe Caresche. Je ne mettais pas son intention en cause !

M. le garde des sceaux. …faire connaître au juge la personnalité du délinquant déféré devant lui, qu’il soit majeur ou mineur. Certes, comme Mme Fraysse l’observe à juste titre, si le juge découvre que ce délinquant est récidiviste, il le sanctionnera peut-être plus lourdement. Simplement, il ne le fera pas parce que ce texte aggrave la peine, mais parce que sa connaissance aura été améliorée.

M. Christophe Caresche. Sur ce point, nous sommes d’accord.

M. le garde des sceaux. Vous savez que l’un des drames dont la mission d’information a permis la mise au jour est que, en raison du fonctionnement défaillant du système de casier judiciaire, de très nombreux récidivistes ne sont pas connus comme tels lorsqu’ils se présentent devant le juge.

M. Hervé Morin. Exact !

M. le garde des sceaux. C’est pour cette raison que nous précisons la notion de réitération, qui fait l’objet de l’amendement n° 8.

Cela étant je veux, à mon tour, vous rassurer, madame Fraysse : il n’y a pas aggravation, seulement une meilleure information de la justice.

Le Gouvernement est donc favorable à l’amendement du rapporteur et défavorable au sous-amendement.

M. le président. La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin. Je vous ai bien écouté, monsieur le rapporteur, mais je crains de mal comprendre le contenu de l’amendement n° 8.

J’ai bien noté que nous ne parlions plus des « antécédents », mais des peines prononcées. Cela signifie naturellement que sont exclues toutes les peines ayant fait l’objet d’amnistie ou d’effacement du casier judiciaire et tous les cas dans lesquels la personne a fait l’objet d’une réhabilitation.

M. Philippe Houillon, président de la commission. Bien entendu ! C’est dans la loi !

M. Hervé Morin. Bien.

Par ailleurs, si j’ai bien compris, vous ne visez ni le concours d’infraction ni la récidive, mais la réitération pure et simple. Dans le cas d’un concours d’infractions, c’est-à-dire par exemple si, dans un certain laps de temps, un jeune délinquant va voler une mobylette à Bobigny, puis une autre à Nanterre et une troisième à Paris, il y aura toujours la possibilité de prononcer la confusion des peines, c'est-à-dire de ne pas les cumuler et de ne retenir que la plus grave.

M. Gérard Léonard, rapporteur. Oui.

M. Hervé Morin. En l’occurrence, si j’ai bien compris, le texte celui qui aura fait l’objet d’une condamnation, laquelle sera portée à la connaissance du juge lors d’une nouvelle affaire. Toutefois, je n’arrive pas à comprendre pourquoi vous refusez la possibilité d’une requête en confusion de peine.

M. Jean-Paul Garraud. Il y a déjà eu condamnation !

M. Hervé Morin. Je lis en effet les derniers mots de l’amendement : « … et sans qu’il soit possible d’ordonner leur confusion avec les peines prononcées pour l’infraction commise en réitération. » La possibilité d’une requête en confusion de peines, qui correspond à un principe du droit pénal, est-elle définitivement exclue ?

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Soyons clairs : je ne mets absolument pas en cause l’intention du rapporteur. Mais nous souhaitons comprendre.

M. Hervé Morin. Tout à fait !

M. Christophe Caresche. Je rappelle que l’Assemblée nationale a adopté, il y a quelques semaines, une disposition relative aux réductions de peine qui comportait une erreur…

M. Hervé Morin. Les fameux « sept jours » !

M. Christophe Caresche. …- absolument ! – ce qui a entraîné de graves conséquences. Je crois d’ailleurs que nous devons examiner un amendement consacré à ce problème. Il arrive donc à l’Assemblée nationale d’adopter certaines dispositions sans bien les maîtriser.

M. Hervé Morin. Cela arrive également à la Haute assemblée !

M. Christophe Caresche. En effet !

Quoi qu’il en soit, je voudrais comprendre pourquoi le Sénat a accepté ce qui constitue la première partie de l’amendement, mais a supprimé la disposition contenue dans le dernier alinéa.

Que le juge tienne compte de la réitération ne me choque absolument pas. J’ai d’ailleurs cru comprendre que cela se pratiquait déjà. Tel est l’objet du deuxième alinéa du texte proposé pour l’article 132-16-7 du code pénal : « La juridiction saisie prend en considération l’existence de la précédente condamnation du prévenu pour prononcer la peine et en déterminer le régime. »

En revanche se compliquent quand le troisième alinéa, supprimé par le Sénat, dispose : « Les peines prononcées lors de la précédente condamnation se cumulent sans limitation de quantum et sans qu’il soit possible d’ordonner leur confusion avec les peines prononcées pour l’infraction commise en réitération. » En effet, cela ne revient-il pas à mettre en place un mécanisme infernal obligeant le juge à cumuler les peines ?

M. Hervé Morin. Trois mois, plus trois mois, plus trois mois…

M. Christophe Caresche. Nous savons bien qu’il s’agit de petite délinquance. Dès lors ne risquons-nous pas d’aboutir à ce que des peines disproportionnées soient prononcées pour punir ce qui restera de petits délits ? Telle est la question que je me pose.

Le dernier alinéa ne me paraît pas sans ambiguïté et, si j’étais un juge, je ne suis pas sûr que je le lirais comme vous suggérez de le faire.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. le garde des sceaux. Je reconnais que le texte proposé pour cet article est difficile à comprendre. La raison d’être de ce troisième alinéa, supprimé par le Sénat, est que nous réécrivons totalement le droit.

La règle est la suivante : il y a confusion des peines en cas de concours d’infractions, c’est-à-dire de jugements distincts ; il n’y a pas confusion en cas de réitération. Par ce troisième alinéa, on reprend le droit et on le retranscrit sans le modifier. C’est ce que n’ont pas vu les sénateurs.

Je reconnais que le sujet est un peu ardu, mais il faut surtout retenir qu’il n’y a pas confusion lorsqu’un jugement est intervenu entre deux infractions, mais que la confusion est de règle dans le cas contraire. Je suis navré que nous ne puissions faire plus simple, mais la réalité est compliquée.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Je suis sans doute un très mauvais juriste…

M. Hervé Morin. C’est probable ! (Sourires.)

M. Noël Mamère. …parce que je ne saisis pas très bien vos explications. À moins, monsieur le ministre, que vous ne tentiez de nous « balader », si vous me permettez l’expression, en restant délibérément dans le flou et en affirmant que vous réécrivez le droit, ce qui, au passage, me paraît bien prétentieux.

Si je comprends bien, la différence entre la récidive et la réitération tient au fait que, au contraire de la première, cette dernière ne s’apprécie pas en fonction d’un délai. Cependant, comme mes collègues Christophe Caresche et Hervé Morin, je suis surtout préoccupé par l’expression « sans limitation de quantum ». En effet, cela revient à dire au juge qu’il ne doit pas prononcer des peines inférieures à un certain seuil.

M. Christophe Caresche. Des peines cumulées !

M. Noël Mamère. Autrement dit, comme j’ai essayé de l’expliquer tout à l’heure, vous faites revenir par la fenêtre ce qui était réclamé à corps et à cri par M. Estrosi et M. Sarkozy, à savoir l’établissement de peines plancher pour les récidivistes.

Vous tentez de vous immiscer dans le rôle du juge, de contrevenir au principe de l’individualisation des peines. Vous demandez au juge de ne surtout pas prononcer de peine inférieure à un seuil. Vous ne parviendrez pas à nous convaincre avec cet argument d’une prétendue réécriture du droit. Nos collègues du Sénat ont eu bien raison de supprimer le troisième alinéa. Vous faites de la police et non du droit pénal. La réitération est une notion criminologique, pas une notion pénale.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Il me semble que plus ce débat avance et plus il devient embrouillé.(Sourires.)

M. Philippe Houillon, président de la commission. C’est le moins qu’on puisse dire !

M. Noël Mamère. Pas du tout !

M. Jean-Christophe Lagarde. Je le crois, pourtant. Ainsi M. Mamère a affirmé que l’on allait porter atteinte à la présomption d’innocence. Je ne vois pas en quoi…

M. le garde des sceaux. Personne ne le voit, sauf M. Mamère !

M. Jean-Christophe Lagarde. …dès lors que nous parlons de condamnations définitives. Dans un tel cas, par définition, il n’y a pas lieu d’évoquer la présomption d’innocence, sauf à considérer qu’une condamnation n’implique pas la certitude de la culpabilité.

On nous dit par ailleurs que la suppression de la limitation du quantum équivaudrait à créer une peine plancher, mais ce n’est pas ainsi que je le comprends. Il me semble plutôt que le quantum d’une peine serait, pour le juge, le maximum qu’il pourrait donner pour un même délit ou, notion nouvelle, pour un délit assimilé.

Prenons ainsi le cas dans lequel le juge ne peut condamner qu’à trois mois quelqu’un qui est déjà condamné à deux mois. Si vous maintenez le quantum, il ne pourra que s’en tenir au quantum précédent, c’est-à-dire trois mois. Avec la nouvelle disposition, il ne s’agira nullement d’une peine plancher, mais le juge retrouvera sa liberté de juger. Voilà comment j’interprète l’amendement.

S’agissant du sous-amendement, je partage les inquiétudes de M. Mamère et de Mme Fraysse sur les conditions de détention et l’incapacité actuelle de notre système judiciaire en matière d’accompagnement socio-éducatif.

Le manque de places dans les prisons a déjà été souligné, mais monsieur le garde des sceaux, même 13 000 places ne seront pas suffisantes car le nombre de condamnées va continuer d’augmenter à cause des lacunes du système d’accompagnement actuel.

Pour autant, chers collègues, est-ce une raison pour admettre ce qui se passe aujourd’hui ? Actuellement, personne n’est condamné, très peu de gens sont accompagnés et, s’agissant des mineurs, madame Fraysse, aucun n’est condamné dans de nombreux départements, dont le mien, avant trente, quarante, cinquante infractions et passages devant le juge des mineurs !

Mme Jacqueline Fraysse. Ce n’est pas ce que j’ai dit ! Vous mettez en cause les juges, cher collègue !

M. Jean-Christophe Lagarde. Madame Fraysse et monsieur Vaxès, puisque vous ne me croyez pas, demandez à Jean-Pierre Brard, député communiste de Seine-Saint-Denis, avec qui je me suis rendu il y a peu au palais de justice pour rencontrer le procureur de la République. Il vous expliquera que, dans sa propre ville – je pourrais citer des exemples dans la mienne –, un jeune mineur a pu être interpellé, mis en cause et envoyé vers le juge des enfants soixante-sept fois, sans qu’il n’y ait jamais eu la moindre trace !

Vous éprouvez des craintes …

Mme Jacqueline Fraysse. Il n’y a pas d’action éducative, surtout !

M. Jean-Christophe Lagarde. …mais pourquoi puisque rien n’est inscrit nulle part ? Vous pouvez toujours défendre l’idée qu’il faut systématiquement privilégier l’éducation lorsqu’il s’agit d’un mineur, car tel est, en fait, le sens de votre sous-amendement, mais l’avantage de viser également les mineurs est que si, par extraordinaire, après je ne sais combien de méfaits et d’interpellations, une mesure de travaux d’intérêt général était prononcée, il en serait tenu compte dans le jugement suivant.

On ne peut en effet pas considérer que jusqu’à dix-sept ans et 364 jours on n’est pas condamnable et pas responsable et que, le lendemain, on deviendrait condamnable et blanc comme neige sous prétexte qu’on n’a jamais été suivi par la justice des mineur.

Sanctionner et suivre l’éducation des primo délinquants permettra, au contraire, d’éviter une grosse part de la récidive. Ce n’est pas en attendant qu’ils passent de la dégradation au vol, puis du vol au vol avec violence, et enfin aux violences volontaires qu’on réglera le problème !

Mme Jacqueline Fraysse. Je n’ai pas dit cela !

M. Michel Vaxès. Personne n’a dit cela !

M. Hervé Morin. Il y a un vrai problème de droit !

M. le président. La parole est à M. Georges Fenech.

M. Georges Fenech. Les deux premiers alinéas de l’amendement font naître beaucoup d’inquiétude.

Pourtant le premier alinéa inscrit dans la loi la définition de la réitération. Il donne une définition légale de la réitération, définition déjà connue des juridictions : ce n’est ni la récidive ni le concours réel d’infractions. Il n’y a vraiment pas de quoi s’émouvoir !

Quant au deuxième alinéa il dispose : « La juridiction saisie prend en considération l’existence de la précédente condamnation du prévenu pour prononcer la peine et en déterminer le régime. » Or tous les praticiens savent que le tribunal, avant de condamner, regarde le casier judiciaire,…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. On est d’accord !

M. Georges Fenech. … que la notion d’antécédent judiciaire figure même dans les jugements et, qui plus est, que les antécédents de la police figurent dans une notice individuelle incluse dans la fiche de renseignement du dossier soumis au tribunal. Il n’y a donc rien de nouveau ; il s’agit simplement de la légalisation d’une pratique.

Par contre, monsieur le garde des sceaux, j’ai une interrogation sur le troisième alinéa. Ne risque-t-on pas un effet paradoxal dans la mesure où l’on se montrerait plus sévère pour la réitération, puisqu’il n’y a plus de peine confusionnable, que pour la récidive pour laquelle on pourrait encore confondre les peines ?

M. Christophe Caresche. Exactement !

M. Georges Fenech. C’est la question que je pose au Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Houillon, président de la commission. Je vais essayer d’apporter mon modeste concours au débat dans une affaire qui est, certes, un peu technique.

Quel est le droit positif actuel ?

Il existe d’abord la possibilité prononcer la confusion des peines en cas de concours d’infractions, et ce dans l’hypothèse où il n’y a pas encore eu de condamnation pour l’une quelconque des infractions. C’est le premier point, et cet amendement ne change rien à cette situation.

M. Hervé Morin. D’accord.

M. Philippe Houillon, président de la commission. Ensuite, nous trouvons la notion de récidive. Comme l’a souligné M. Mamère, la récidive est encadrée par des dispositions légales qui supposent qu’une infraction soit commise dans un même délai et qu’il s’agisse de la même infraction ou de ce que l’on appelle les délits assimilés.

M. Hervé Morin. Voilà !

M. Philippe Houillon, président de la commission. Il existe donc deux situations.

Entre les deux, il n’y a rien, si ce n’est cette notion – qui relève quasiment de la criminologie, mais que les praticiens emploient –, celle de réitération. Par exemple, quelqu’un commet un vol pour lequel il est condamné. Nous ne sommes donc pas dans la situation du concours d’infractions. L’intéressé commet ensuite une autre infraction qui n’est pas éligible à la confusion de peine, mais qui n’est pas non plus éligible à la récidive parce qu’elle constitue une infraction de nature différente. Voilà ce qu’est la réitération.

Elle existe déjà et, comme le rappelait notre collègue Fenech à l’instant, les juridictions prennent déjà en compte cette notion.

Or aujourd’hui, dans le droit positif, il n’y a pas, pour cette catégorie-là non plus, de confusion possible !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Le juge peut l’ordonner !

M. Philippe Houillon, président de la commission. Non !

Finalement, le troisième alinéa – qui nous fait discuter à juste titre car le sujet est important et techniquement un peu compliqué – ne vient pas modifier les choses puisque, actuellement, la confusion n’est pas possible. C’est bien pourquoi le rapporteur a souligné que nous travaillons à droit constant.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Si, la réitération est possible !

M. le président. La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin. Monsieur le président de la commission des lois, vos explications sont très claires : la réitération est possible après une condamnation définitive, suivie d’autres délits, et quand la confusion des peines n’est pas possible. La jurisprudence l’a d’ailleurs toujours admis. Nous sommes d’accord.

Cela étant, il faut préciser, à propos de l’amendement n° 8 qui dispose que « les peines prononcées lors de la précédente condamnation se cumulent sans limitation de quantum et sans qu’il soit possible d’ordonner leur confusion », qu’il doit s’agir d’une condamnation définitive. Sinon nous nous retrouverions dans le cadre du concours réel d’infractions…

M. Noël Mamère. Exact !

M. Hervé Morin. …et le cumul des peines serait possible.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je formule la même observation à propos du troisième alinéa du texte proposé par l’amendement.

M. le garde des sceaux. La réponse est dans le premier alinéa qui précise : « une personne déjà condamnée définitivement pour un crime ou un délit » !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous sommes au cœur d’un problème très complexe. Notre collègue Hervé Morin a raison de souligner que le troisième alinéa tel qu’il est rédigé – « les peines se cumulent sans limitation de quantum » – permettra au juge de sanctionner dans la plénitude de la deuxième sanction et sans limite. Le problème, c’est la confusion des peines.

Contrairement à ce qu’a indiqué M. le président de la commission, je pense en effet qu’elle peut être prononcée dans l’exemple qu’il a donné. De ce fait, vous ajoutez en fait l’impossibilité de prononcer la confusion. Mais pourquoi ne laissez-vous pas au juge la faculté, dans le processus de réitération, de prononcer la confusion ?

M. le garde des sceaux. On vient de vous l’expliquer !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Qu’est-ce qui rend nécessaire d’empêcher l’usage de la confusion par le juge, si ce n’est la volonté d’entrer dans un processus, que nous dénonçons, de cumul quasiment contraint pour le juge des différents paquets de peines prévus pour la première sanction et pour la réitération. C’est le problème de la confusion des peines qui bloque dans l’amendement.

Ce dernier introduira dans votre dispositif les mêmes effets que ceux observés aux États-Unis, c’est-à-dire trois mois de sanction s’ajouteront à trois mois puis encore à trois mois, ce qui aboutira à des sanctions sans commune mesure avec la nature globale des faits. Voilà ce qui pose problème.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Houillon, président de la commission. D’abord, je remercie M. Morin qui a bien voulu souligner que mes explications, elles, n’étaient pas confuses.

M. Hervé Morin. Je sais dire quand c’est bien !

M. Philippe Houillon, président de la commission. Je suis d’accord avec son analyse lorsqu’il souhaite ajouter la notion de condamnation définitive.

M. le garde des sceaux. C’est dans le premier alinéa.

M. Philippe Houillon, président de la commission. En effet la réponse figure déjà dans le premier paragraphe de l’amendement.

Au terme de ces explications, nous pouvons être tous d’accord sur le dispositif actuel, même si, c’est vrai, cela nécessitait quelques explications.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 38 rectifié.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L’article 2 est ainsi rédigé et, en conséquence, les amendements nos 58, 59 et 57 tombent.

Après l’article 2

M. le président. Nous en venons aux articles additionnels après l’article 2.

La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l’amendement n° 9.

M. Gérard Léonard, rapporteur. Cet amendement ayant été présenté à la commission par M. Houillon, je pense qu’il pourrait le défendre, d’autant plus que ses propos sont très clairs ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Houillon, président de la commission. Cet amendement exprime finalement un objectif assez voisin de celui présenté par M. Lagarde, dans un de ses amendements qui viennent de tomber à la suite de l’adoption de l’amendement n° 8. Il réaffirme en effet le principe de la personnalisation des peines, mais tend à orienter la réflexion et à demander une motivation pour appliquer la peine, sur des points précis, notamment sur l’existence de plusieurs infractions.

Nous venons quasiment d’avoir ce débat puisque, comme l’a souligné Georges Fenech à l’instant, les professionnels le font déjà. Néanmoins en l’écrivant dans la loi, nous demandons que les décisions soient motivées par ces critères particuliers qui, de notre point de vue, sont des éléments d’appréciation pour prononcer des peines personnalisées.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Il est identique à celui de la commission.

Toutefois, je veux ajouter que cet intéressant amendement définit pour la première fois dans le code pénal les finalités de la peine : protection de la société, sanction du condamné, protection des intérêts de la victime, amendement du condamné et prévention de la récidive. Voilà l’ensemble des finalités de la peine, et non pas, comme certains voudraient nous le faire dire, uniquement la sanction sèche.

Il était utile de préciser que c’est cet ensemble de finalités qui forme la peine.

M. Michel Vaxès. Cela pose la question des moyens.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Je ne comprends pas très bien pourquoi le législateur éprouve le besoin de formuler cet amendement. Le principe de l’individualisation des peines est un principe dans le droit français. Il induit le respect de la personnalisation des peines de la part du juge. Alors pourquoi venir s’immiscer, encore une fois, dans le travail du juge ?

Je vous rappelle que des lois, qui fixaient des peines automatiques, ont été votées. Certains de nos collègues qui siégeaient encore récemment sur les bancs de cette assemblée en ont été les victimes lorsque les juges ont appliqué ces sanctions automatiques.

Il n’est donc pas utile de préciser dans un nouveau texte de loi, comme l’a fait le président de la commission, que l’on respecte le principe de l’individualisation des peines. Ce principe n’est pas remis en cause. L’inscrire dans ce texte laisse entendre que vous avez des arrière-pensées : l’on ne peut qu’imaginer un peu plus, dans ces conditions, que vous voulez vous immiscer dans le travail du juge.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 9.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission, pour présenter l’amendement n° 10.

M. Philippe Houillon, président de la commission. Cet amendement vise à étendre le champ d’application du sursis avec mise à l’épreuve, qui est un instrument très efficace de réinsertion des personnes ayant subi une condamnation. Dans son dispositif actuel, il présente cependant une double insuffisance : d’une part, il n’est applicable que pour des peines d’emprisonnement inférieures ou égales à cinq ans ; d’autre part, la durée de l’épreuve est limitée à trois ans. En d’autres termes, on ne peut pas y recourir si la peine prononcée est supérieure à cinq ans, ce qui est pourtant fréquent, notamment lorsque le condamné est un récidiviste.

Cet amendement permet ainsi d’étendre le champ d’application du sursis avec mise à l’épreuve aux peines de dix ans d’emprisonnement et d’augmenter le délai d’épreuve maximal pour les récidivistes en le portant à cinq ans, voire à sept ans pour les personnes se trouvant pour la seconde fois en état de récidive légale. Il s’agit donc d’un moyen d’ajouter aux efforts de réinsertion et de suivi en étendant le champ d’application du SME.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Cet amendement extrêmement intéressant répond à toutes les critiques que j’ai entendues formuler à gauche de l’hémicycle, sur le thème : cette proposition de loi sur la récidive n’a d’autre finalité que d’augmenter les peines et d’être plus sévère. Cet amendement est la preuve du contraire.

Le président de la commission vient ainsi d’expliquer qu’il s’agit d’accorder des sursis avec mise à l’épreuve pour des peines supérieures à cinq ans. Un exemple vaut mieux qu’un long discours : il sera possible, demain, de donner huit ans de prison dont deux ou trois de sursis avec mise à l’épreuve, alors que, aujourd’hui, on ne peut pas donner de SME au-delà de cinq ans. Cela signifie concrètement que, durant les trois ans de SME, l’ancien détenu sera complètement entouré, devra remplir certaines conditions − injonction de soins, de suivi thérapeutique, d’obligation ou de défense, suivi des conseillers d’insertion et d’approbation − pour éviter une sortie sèche.

Cet amendement apporte donc un démenti à ceux qui n’ont pas compris nos intentions et nous reprochent de faire du sécuritaire, de jeter de la poudre aux yeux : il prouve que nous avons bel et bien le souci de faciliter la réinsertion.

M. le président. La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin. Monsieur le garde des sceaux, nous n’avons pas forcément une vision idyllique de ce texte, mais, pour vous montrer à quel point le groupe UDF est objectif, je tiens à préciser que nous approuvons totalement cette excellente disposition. («Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Quand c’est mal, c’est mal, mais quand c’est bien, c’est bien et nous le disons !

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. M. le garde des sceaux vient d’insister lourdement sur cette disposition qui élargit le dispositif du sursis avec mise à l’épreuve, ce qui est une bonne chose. Cependant, n’oublions pas que d’autres amendements augmentent la durée de la liberté conditionnelle.

M. Hervé Morin. Ne jouez pas les rabat-joie !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 10.

(L’amendement est adopté.)

Après l’article 3

M. le président. Nous en venons à plusieurs amendements portant articles additionnels après l’article 3.

La parole est à M. Michel Vaxès, pour présenter l’amendement n° 37.

M. Michel Vaxès. L’article 3 ayant été adopté conforme par les deux chambres, nous ne pouvons en rediscuter. Comme son contenu prolongeait le débat que nous venons d’avoir à propos de l’article 2, nous n’avions pas d’autre choix que de préciser, dans un article additionnel, que nous contestons les dispositions de cet article, et plus encore s’il doit s’appliquer aux mineurs.

L’article 3 limite à deux le nombre de condamnations assorties du sursis avec mise à l’épreuve pouvant être prononcées à l’encontre d’un prévenu en situation de récidive. J’ai quelques difficultés à comprendre que cette argumentation, qui vaut pour l’article 2, ne soit plus de mise pour l’article 3. En limitant à deux les condamnations assorties du sursis avec mise à l’épreuve, celui-ci accorde la priorité à l’emprisonnement au détriment des mesures alternatives à la détention, sans se soucier de la surpopulation carcérale et de ses effets criminogènes.

Le sursis avec mise à l’épreuve est une mesure intelligente, pour reprendre les propos de notre collègue Jean-Luc Warsmann, car elle permet de lutter efficacement contre la récidive. Nous regrettons donc que cet article limite pour les juges la possibilité d’y recourir.

Par ailleurs, nous ne pouvons pas nous résoudre à ce que cet article soit applicable aux mineurs. Nous avons la conviction que l’alternative à l’incarcération, chaque fois qu’elle est possible, sera toujours préférable à la détention. En toutes circonstances, les magistrats doivent être en mesure de privilégier les mesures alternatives, à plus forte raison lorsqu’il s’agit de mineurs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Léonard, rapporteur. Je partage le sentiment de M. Vaxès sur l’intérêt du sursis avec mise à l’épreuve. Encore faut-il qu’il y ait vraiment mise à l’épreuve et que les SME ne se multiplient pas au point de perdre leur crédibilité et leur portée. Trop de SME tue le SME ; nous l’avons montré dans notre rapport. Au-delà d’un certain seuil, c’est le crédit même de la justice qui est compromis : le sentiment d’impunité se développe, ce qui est un facteur de récidive. Nous sommes favorables au SME s’il est limité en nombre car sa multiplication produit l’effet inverse de celui qu’on souhaite obtenir. C’est pourquoi la commission n’a pas adopté l’amendement de M. Vaxès.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Je crois que M. Vaxès s’est trompé en rédigeant son amendement, qui entend interdire de prononcer le sursis pour les mineurs et imposer des peines de prison ferme.

M. Michel Vaxès. Mais non, c’est le contraire !

M. le garde des sceaux. C’est pourtant ce que dit votre amendement. L’amendement n° 10 prévoit que, au-delà de cinq ans, une partie de la peine de détention peut être effectuée sous forme de sursis avec mise à l’épreuve. Pour un mineur, cela peut représenter un temps de formation professionnelle. Or vous dites que vous ne voulez pas de ce sursis avec mise à l’épreuve pour les mineurs. Je comprends bien que ce n’est pas votre intention, mais je vous assure que c’est ce que demande votre amendement. Vous avez écrit le contraire de ce que vous pensiez. Je vous recommande de retirer votre amendement.

M. le président. Monsieur Vaxès, retirez-vous votre amendement ?

M. Michel Vaxès. M. le garde des sceaux ne m’a pas tout à fait convaincu. Sans doute faudra-t-il que j’examine plus avant son argumentation. Pour l’instant, je maintiens mon amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 37.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 11, qui vise également à insérer un article additionnel après l’article 2 fait l’objet du sous-amendement, n° 36 rectifié.

La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l’amendement n° 11.

M. Gérard Léonard, rapporteur. Afin que les récidivistes ne bénéficient pas du même traitement que les primo-délinquants, cet amendement prévoit que le procureur de la République saisi de faits commis par un prévenu en état de récidive légale recourt par priorité au déferrement de la personne devant le tribunal correctionnel, soit par voie de citation à comparaître, soit dans le cadre de la comparution immédiate, soit, le cas échéant, dans le cadre de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

M. Christophe Caresche. Quel intérêt ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. À quoi ça sert ?

M. Gérard Léonard, rapporteur. Toutefois, afin de garantir la prise en considération de la situation du prévenu, le procureur peut décider de ne pas recourir à ces procédures si des circonstances particulières le justifient.

Je tiens à préciser qu’il est apparu que cet amendement relevait de la politique pénale du Gouvernement et devait faire l’objet d’une circulaire. Si le garde des sceaux s’engage dans cette voie, cet amendement sera retiré.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Je vois bien le désir extrêmement puissant qu’a M. le rapporteur de devenir garde des sceaux, puisque c’est tout simplement ma place qu’il prend là. (Sourires.) Je le rassure : cette circulaire sortira très prochainement et son contenu correspond à ce que vous attendez.

M. le président. Monsieur le rapporteur, retirez-vous votre amendement ?

M. Gérard Léonard, rapporteur. Oui, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 11 est retiré. En conséquence, le sous-amendement n° 36 rectifié n’a plus d’objet.

Article 4

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère, inscrit sur l’article.

M. Noël Mamère. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voici l’un des nombreux articles dangereux de cette loi démagogique. Qui plus est, l’amendement n° 12 à l’article 4 inverse la pyramide pénale, dans la mesure où il remet en cause le principe selon lequel la liberté n’a pas à être motivée. Chacun sait que la liberté doit rester la règle et l’emprisonnement l’exception. Une fois de plus, vous vous immiscez dans le travail du juge en lui demandant de motiver la liberté et en considérant que la détention est automatique, comme si les juges n’étaient pas assez soucieux de la sécurité de la population et laissaient courir les délinquants les plus dangereux.

Nous savons également que le tribunal peut décerner un mandat de dépôt ou un mandat d’arrêt lorsqu’il prononce une peine égale ou supérieure à un an ou lorsqu’il statue en comparution immédiate. Notre rapporteur, M. Léonard, veut contraindre les juges dans certains cas. C’est d’ailleurs l’objet de cet article. Selon l’article 465-1 proposé, en cas de prononcé d’une peine d’emprisonnement, le mandat de dépôt serait obligatoire à l’encontre des récidivistes condamnés pour des délits d’agression ou d’atteintes sexuelles, pour les délits de violences volontaires ou les délits commis avec la circonstance aggravante de violence.

Il subsiste donc toujours la même idée : derrière le rapporteur, certains de nos collègues continuent de se méfier des juges, qui, selon eux, risquent de n’être pas assez sévères. Vous voulez donc les obliger à prononcer des peines d’incarcération, comme s’il n’y avait pas assez de prisonniers. M. le garde des sceaux ne parlait-il pas, tout à l’heure, de la surpopulation carcérale ?

Les tribunaux n’auraient-ils pas conscience de leur devoir et de la nécessaire protection des citoyens face à des délinquants jugés dangereux ? L’article 4 n’ajoute rien à la loi ni à la pratique : vous savez mieux que moi, monsieur le garde des sceaux, que les juges ont déjà la possibilité de placer immédiatement quelqu’un en détention à partir du moment où il a été condamné à une peine d’au moins un an de prison. En fait vous allez leur demander de porter atteinte à un principe du droit pénal. Vous vous immiscer dans le travail du juge, qui devra faire de la détention la règle et de la liberté l’exception. Nous ne pouvons pas l’accepter.

M. le président. Sur l’article 4, je suis saisi de l’amendement n° 12, qui fait l’objet du sous-amendement n° 35 rectifié.

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 12.

M. Gérard Léonard, rapporteur. Cet amendement ne concerne pas les personnes qui seraient condamnées à un an de prison, sauf cas très rares.

M. Noël Mamère. Vous réécrivez le droit et vous renversez la pyramide !

M. Gérard Léonard, rapporteur. Il vise celles qui sont en état de récidive en matière de délinquance sexuelle ou violente.

M. Noël Mamère. Vous créez un statut d’exception, un statut dérogatoire du droit commun.

M. Gérard Léonard, rapporteur. Actuellement, le juge peut parfaitement prononcer un mandat de dépôt. Nous proposons que, lorsque la personne est en état de récidive légale en matière sexuelle ou pour des faits de violence, le tribunal délivre un mandat de dépôt à l’audience, quel que soit le quantum de la peine encourue, sauf s’il en décide autrement par une décision spécialement motivée. Il ne s’agit pas d’une peine automatique, Le magistrat peut parfaitement ne pas prononcer ce mandat de dépôt. Simplement, il doit motiver sa décision.

M. Noël Mamère. Vous obligez le juge à priver la personne de liberté.

M. Gérard Léonard, rapporteur. Nous sommes dans le cas non pas d’un premier délit mais d’une récidive en matière sexuelle ou pour des faits de violence sur les personnes.

Mme Jacqueline Fraysse. Et alors ?

M. Gérard Léonard, rapporteur. Il ne s’agit pas de cas anodins et il ne me paraît pas du tout choquant que le principe du mandat de dépôt soit retenu.

M. Noël Mamère. Vous vous immiscez dans le travail du juge !

M. Gérard Léonard, rapporteur. Laissez-moi terminer !

Nous n’affectons pas la liberté du juge, celui-ci peut…

M. Noël Mamère. Vous vous immiscez dans le travail du juge et vous créez un statut dérogatoire !

M. Gérard Léonard, rapporteur. Cela suffit ! Je vais laisser parler M. Mamère à ma place, monsieur le président.

Mme Jacqueline Fraysse. Vous renversez tout de même la situation !

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir le sous-amendement n° 35 rectifié.

Mme Jacqueline Fraysse. N’étant pas juriste, je reste prudente et j’écoute avec attention ce que disent les uns et les autres. Toutefois votre proposition m’interpelle, monsieur le rapporteur. En effet, vous voulez instaurer une règle particulière pour certains délits que vous qualifiez de graves, mais il n’y a pas que les crimes sexuels qui sont graves.

M. Gérard Léonard, rapporteur. Nous traitons là des cas de récidive !

Mme Jacqueline Fraysse. Certes, le juge peut ne pas appliquer la peine automatique, mais s’il décide de remettre la personne en liberté, il doit justifier sa décision. Avouez qu’il s’agit d’un renversement des notions de fond du droit de notre pays.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Bien sûr !

Mme Jacqueline Fraysse. Cette proposition est, à mes yeux, tout à fait inacceptable.

La version initiale de l’article 4 prévoyait que le tribunal correctionnel devait délivrer « un mandat de dépôt à l’audience, quel que soit le quantum de peine prononcée, » dès lors qu’il condamnait à une peine d’emprisonnement ferme une personne en état de récidive légale pour délit d’agression ou d’atteinte sexuelle, ou délit de violence volontaire.

Cette rédaction a été jugée irrecevable par les sénateurs qui ont considéré qu’elle portait atteinte au respect de la liberté individuelle et à la présomption d’innocence. Ils l’ont donc modifiée, mais, une fois de plus, notre commission n’a pas tenu compte des observations du Sénat et elle propose de rétablir la rédaction initiale, en y ajoutant la possibilité pour le juge de délivrer un mandat de dépôt à l’encontre de tous les récidivistes.

Nous voterons bien évidemment contre cet article 4, mais, si l’amendement de la commission devait être adopté, ce qui serait grave, nous tenons une nouvelle fois - tel est l’objet du sous-amendement n° 35 rectifié - à sortir de ce dispositif les mineurs qui, en tout état de cause, doivent faire l’objet de mesures autres que l’emprisonnement perpétuel parce que cela ne nous paraît pas le moyen d’aider ces jeunes à se réinsérer.

En tenant ces propos, je ne cautionne bien évidemment pas l’idée que les mineurs qui commettent des petits délits à répétition ne doivent pas être sanctionnés. Il faut qu’ils soient mis hors d’état de nuire, mais il est également indispensable de les aider à se réinsérer.

M. le garde des sceaux. Comment ?

Mme Jacqueline Fraysse. Or je ne crois que l’emprisonnement permette de règler le problème. Je fais confiance aux juges et aux juristes qui les encadrent et aux services sociaux pour trouver, pour chacun d’entre eux, les meilleurs voies et moyens pour les aider à se réinsérer.

M. le garde des sceaux. Lesquels ?

Mme Jacqueline Fraysse. Je répète que la misère dans ce domaine est effrayante, pour les adultes et encore plus pour les jeunes. Réglons déjà les problèmes posés par ce manque de moyens avant de décider éventuellement autre chose.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable à l’amendement et défavorable au sous-amendement.

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Je vois deux explications possibles à la position du rapporteur : soit, c’est un homme têtu, ce que je n’ose imaginer, soit il souhaite préparer dans les meilleures conditions possibles la discussion avec le Sénat. En effet, à l’évidence, la rédaction du Sénat est beaucoup plus satisfaisante que celle qu’il nous propose.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Bien sûr ! Tout le monde le pense.

M. Christophe Caresche. Elle laisse en effet la faculté aux juges de décider s’il incarcère ou pas immédiatement. Or je pense que le rapporteur est aussi attaché que nous à cette responsabilité du juge. J’imagine donc que c’est la seconde explication qui est la bonne.

M. le garde des sceaux. Ce serait du grain à moudre ? (Sourires.)

M. Philippe Houillon, président de la commission. C’est un commentaire plus qu’une explication !

M. le président. La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin. Nous étions assez partagés sur ce dispositif. Dans le cas d’actes et d’infractions aussi graves, on pourrait comprendre que le mandat de dépôt soit la règle et la remise en liberté l’exception. Néanmoins pourquoi réserver ce traitement à ces seuls délits ou crimes ? Pourquoi ne pas l’étendre à d’autres actes aussi graves ?

Par ailleurs, je ne suis pas certain que cette disposition soit constitutionnelle au regard des principes de la liberté individuelle et, surtout, de la présomption d’innocence. Je suis certain, en revanche, qu’elle est contraire à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.

M. Noël Mamère. Tout à fait !

M. Hervé Morin. Elle sera donc forcément censurée un jour ou l’autre.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 35 rectifié.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 12.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 4, modifié par l'amendement n° 12.

(L'article 4, ainsi modifié, est adopté.)

Après l’article 4

M. le président. Nous en venons à une série d’amendements portant articles additionnels après l’article 4.

Je donne d’abord la parole à M. Hervé Morin pour défendre l’amendement n° 30.

M. Hervé Morin. Nous voulons éviter au maximum les libérations sèches et faire en sorte que les libérations soient organisées de telle façon que les risques de récidive soient les plus limités possibles. Dans cet esprit, nous proposons que la libération conditionnelle soit posée comme principe dans le code de procédure pénale, sauf circonstances motivées.

Je sais que la mise en œuvre d’une telle disposition est difficile, notamment pour les courtes peines, mais je voudrais que la France s’engage, comme la plupart des grandes démocraties européennes, dans cette voie car l’accompagnement du détenu est le meilleur moyen de limiter la récidive, comme la mise à l’épreuve pour le sursis. Le but est d’éviter ces drames que nous connaissons ensuite.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Léonard, rapporteur. Cet amendement rend l’aménagement de la peine obligatoire mais vous avez bien montré, monsieur Morin, quelles étaient les limites du réalisme. On peut émettre ce vœu, dans la perspective d’une société idéale, mais avons-nous aujourd’hui les moyens de mettre en œuvre cette disposition ? Malheureusement, non.

Je partage donc votre éthique de conviction, mais, au nom d’une éthique de la responsabilité, je suis obligé de dire que cet amendement ne peut être voté en ces termes. La commission l’a repoussé.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Cet amendement est plein de bonnes intentions mais ce n’est pas fatalement la bonne idée. Obliger à un aménagement de la peine, en exigeant, dans le cas contraire, une motivation, contredit l’individualisation de la peine : il y a des cas dans lesquels l’aménagement n’est pas possible, monsieur Morin. Le terme « doivent » ne convient pas. Vous vous mettez dans la même situation que le rapporteur avec l’amendement précédent, qui n’a sans doute pas beaucoup de chance de survivre à la CMP. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 30.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 41 rectifié et 63, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Georges Fenech, pour soutenir l’amendement n° 41 rectifié.

M. Georges Fenech. Cet amendement répond, à mon avis, aux critiques un peu caricaturales qui ont été formulées sur la volonté présumée des auteurs de ce texte de répondre à la récidive par des gadgets ou du tout carcéral. En effet, cet amendement tend à favoriser, pendant la durée de leur détention, le traitement médical, notamment psychothérapeutique, des personnes condamnées pour des crimes ou des délits de nature sexuelle ou assimilée, même lorsque le suivi sociojudiciaire, bien qu'encouru, n'a pas été prononcé.

Pour cela, il modifie sur deux points l'article 717-1 du code de procédure pénale qui prévoit que les personnes condamnées pour le meurtre ou l'assassinat d'un mineur de quinze ans précédé ou accompagné d'un viol, de tortures ou d'actes de barbarie, ou pour toute infraction visée aux articles 222-23 à 222-32 et 227-25 à 227-27 du code pénal, exécutent leur peine dans des établissements pénitentiaires permettant d'assurer un suivi médical et psychologique adapté.

Il est tout d'abord prévu que cette règle s'appliquera à toutes les personnes condamnées pour un délit ou un crime pour lequel le suivi sociojudiciaire est encouru, ce qui tire les conséquences de l'extension du domaine d'application de cette mesure, notamment à tous les actes de torture et de barbarie, même commis sur des majeurs.

Il est ensuite prévu que le juge de l'application des peines pourra, avec l'accord du médecin intervenant dans l'établissement pénitentiaire, proposer au condamné de suivre un traitement auprès de ce médecin, les relations entre le médecin traitant et le juge pouvant alors intervenir par l'intermédiaire du médecin coordonnateur, comme en cas d'injonction de soins dans le cadre d'un suivi sociojudiciaire, et des attestations de suivi étant remises au condamné pour lui permettre de bénéficier des réductions de peine.

Par voie de coordination, l'article 721-1 sur les réductions de peine supplémentaires pour efforts sérieux de réadaptation sociale est également modifié.

Il est en premier lieu expressément prévu que le suivi d'une thérapie pourra justifier l'octroi d'une telle réduction de peine, ce qui est parfois le cas en pratique mais n'était pas explicité dans la loi.

Sont en second lieu améliorées les dispositions issues de la loi du 17 juin 1998 ayant créé le suivi sociojudiciaire indiquant que les personnes condamnées à un tel suivi qui refusent un traitement ne sont pas considérées, sauf décision spéciale du juge de l'application des peines, comme manifestant des efforts sérieux de réadaptation sociale, ce qui leur interdit en principe de bénéficier de ces réductions de peines. Ces dispositions sont logiquement étendues à toutes les personnes condamnées pour des faits pour lesquels le suivi sociojudiciaire est encouru, même si cette mesure n'a pas été prononcée, dès lors que des soins leur sont proposés en détention.

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche, pour soutenir l’amendement n° 63.

M. Christophe Caresche. Cet amendement vise à affirmer la nécessité pour tout détenu condamné à une peine d’au moins sept ans d’emprisonnement pour un délit sexuel – ce qui est aujourd’hui le quantum de peine appliqué par les juridictions, notamment pour les viols aggravés – de bénéficier obligatoirement d’un suivi psychologique en prison. De récentes affaires prouvent qu’il n’est plus possible de laisser sortir des condamnés, notamment pour faits de délinquance sexuelle graves, sans les avoir fait bénéficier d’un suivi au cours de leur détention.

Cet amendement vise donc à mettre en place ce suivi médical et psychologique. Cela suppose non seulement des moyens, mais aussi un changement d’attitude du corps médical face à ce type de délinquance. La psychologie comportementale, par exemple, utilisée dans plusieurs programmes au Canada et dans certains pays du nord de l’Europe, donne des résultats. C’est une voie qui doit être ouverte en France.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Léonard, rapporteur. La commission a adopté l’amendement n° 41 rectifié.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. L’amendement n° 41 rectifié, que le Gouvernement soutient, répond à la demande des praticiens en prévoyant clairement l’octroi d’une réduction de peine aux condamnés qui acceptent ces soins et le refus d’une réduction à ceux qui ne les acceptent pas, tout en permettant au médecin coordonnateur du suivi socio-judiciaire de servir d’interface entre le médecin traitant la personne en détention et le juge de l’application des peines.

L’amendement n° 63, quant à lui, oblige aux soins, monsieur Caresche, ce qui est contraire à la philosophie que vous soutenez généralement. Le Gouvernement y est défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. L’amendement n° 41 rectifié de M. Fenech satisfait pleinement le souhait de l’UDF. Nous le soutiendrons donc. On ne peut pas relâcher des personnes dans la nature sans avoir tenté de les aider, pendant ou après leur détention, à se réinsérer dans la société. Cet amendement est d’autant plus utile qu’il ne vise que certains délits. C’est un principe à appliquer à la politique de réduction des peines, monsieur le garde des sceaux. Actuellement, beaucoup de détenus sont illettrés. Quelqu’un qui obtient des résultats en la matière devrait automatiquement bénéficier d’une réduction de peine. La règle devrait être mieux connue et moins aléatoire. C’est une philosophie qui ferait avancer de façon significative la politique de traitement des détenus et leur capacité de réinsertion.

Aujourd’hui, si l’on accepte de rendre certains services en prison, on est considéré comme éligible à une réduction de peine. Il devrait être possible d’obtenir des réductions de peine supplémentaires, voire plus importantes, pour celles et ceux qui non seulement se soignent, mais s’engagent à un effort constant.

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Nous retirons l’amendement n° 63 et voterons l’amendement n° 41 rectifié de M. Fenech. Je veux néanmoins appeler l’attention du Gouvernement sur ses conséquences.

Actuellement, de nombreuses juridictions sont hors d’état d’assurer un suivi socio-judiciaire à cause d’un manque de moyens. Si cet amendement est adopté, il sera donc nécessaire de prévoir des moyens qui n’existent pas aujourd’hui.

M. Gérard Léonard, rapporteur. C’est un amendement volontariste !

M. Christophe Caresche. En effet, et nous allons le voter, mais il faudra que les moyens suivent !

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. le garde des sceaux. M. Caresche a raison. Le dispositif actuel prévoit un médecin coordonnateur et un médecin traitant psychiatre. La proposition de loi vise à permettre au médecin coordonnateur de recourir soit à un psychiatre, soit à un psychologue, que l’on trouvera beaucoup plus facilement. J’ai suggéré par ailleurs à Xavier Bertrand d’augmenter le prix des vacations afin de garantir un nombre suffisant de médecins coordonnateurs, lesquels garderont naturellement leur rôle d’interface avec le juge. C’est la chancellerie qui animera ainsi le suivi socio-judiciaire, qui fonctionne peu depuis sa création en 1998 par Mme Guigou.

Il y a donc une vraie volonté d’animer ce suivi socio-judiciaire, qu’il ait été prévu par la juridiction de jugement ou qu’il constitue une mesure de sûreté, auquel cas ce n’est plus une peine et cela peut être rétroactif ; il s’ait d’une mesure d’application immédiate. Il y aura donc de moins en moins de sorties sèches.

M. le président. L’amendement n° 63 a été retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 41 rectifié.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je constate que le vote est acquis à l’unanimité.

La parole est à M. Hervé Morin, pour soutenir l’amendement n° 28.

M. Hervé Morin. Je crains que M. le garde des sceaux ne me réponde que le principe est bon, mais que nous n’avons pas les moyens de l’appliquer. Néanmoins, l’on ne peut pas supporter l’idée que les prisons soient un lieu où l’on reste enfermé dans sa cellule, devant la télévision jusqu’à trois ou quatre heures du matin. Tous ceux qui ont été membres des commissions d’enquête sur les prisons ont pu constater dans quelles conditions s’effectuait l’incarcération des détenus et dans quelle incapacité nous étions de préparer convenablement leur sortie.

Cet amendement tend à rétablir une disposition simple, supprimée en 1987 : l’obligation d’activité dans les prisons, déjà rétablie en Allemagne et à laquelle l’administration pénitentiaire est très favorable ; je l’ai constaté la semaine dernière encore en visitant deux prisons. Obliger les détenus à se lever le matin et à avoir une activité – travail, formation, apprentissage de la lecture… – améliorera les conditions de leur réinsertion et diminuera leurs risques de récidive. Derrière tout cela, c’est bien de la protection des victimes qu’il s’agit !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Léonard, rapporteur. Cet amendement est intéressant, mais il faut bien distinguer les deux alinéas qui le composent. Le premier est très satisfaisant, car il associe formation professionnelle et formation générale.

Le second, en revanche, pose question. D’abord, il prévoit que toutes dispositions seront prises pour assurer une activité professionnelle. L’intention est certes bonne, mais il ne faut pas nier les difficultés d’application auxquelles elle se heurtera. Cela dit, admettons, il s’agit de faire le maximum !

Ce qui est plus difficilement acceptable, c’est que l’alinéa prévoit que cette mesure sera applicable « aux personnes incarcérées », alors que l’on ne peut instituer un service de travail obligatoire ; c’est contraire à notre droit. La commission aurait donc sans doute rejeté l’amendement, si elle l’avait examiné. Cela dit, s’il mentionnait la notion de liberté de choix du condamné, j’y serais favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Avis favorable, si l’on ajoute, à la fin du deuxième alinéa, les mots « qui en font la demande ».

M. le président. Monsieur Morin, acceptez-vous cette rectification ?

M. Hervé Morin. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 28, tel qu’il vient d’être rectifié.

(L’amendement, ainsi rectifié, est adopté.)

M. le président. Je constate que le vote est acquis à l’unanimité.

La parole est à M. Gérard Léonard, pour présenter l’amendement n° 74.

M. Gérard Léonard, rapporteur. La commission a accepté cet amendement qui concerne la suspension de peine d’un condamné atteint d’une pathologie engageant un pronostic vital. Je souhaite que soit précisé à l’article 720-1-1 du code de procédure pénale que cette suspension de peine pourra être refusée si elle est susceptible de provoquer un trouble exceptionnel à l’ordre public…

M. Christophe Caresche. Cela ne veut rien dire !

M. Gérard Léonard, rapporteur.… ou s’il existe un risque particulièrement élevé de récidive du condamné. Chacun a en tête le cas de M. Maurice Papon. On pourrait aussi évoquer celui d’un pédophile ou d’un terroriste qui, à leur sortie de prison, feraient l’apologie de leur vice. Sans violer les principes posés par le texte, cet amendement lui apporte une modification justifiée par une exigence morale.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée.

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Question de morale…

M. Gérard Léonard, rapporteur. Oui, la morale existe !

M. Christophe Caresche. … mais cet amendement n’apporte rien. Ce n’est plus le ministre qui est chargé de cette mission, mais le juge. Et cela constitue un grand progrès.

sQue fait le juge sinon mettre en balance un problème de santé, qui met en cause la vie de la personne et un trouble éventuel à l’ordre public ? Par cet amendement, vous ne faites donc que répéter ce qui relève déjà des missions et des fonctions du juge.

Au reste, j’ai observé que le Gouvernement n’y est pas favorable, puisqu’il s’en est remis à la sagesse de l’Assemblée, ce qui se comprend fort bien. Quoi qu’il en soit, nous ne le voterons pas.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Je rejoins les observations de M. Caresche. Une nouvelle fois, nous constatons que le législateur s’immisce dans le rôle du juge. Je ne comprends pas que l’on ajoute ces exceptions à l’article 720-1-1 du code de procédure pénale.

Par ailleurs, j’aimerais que M. le garde des sceaux indique à la représentation nationale combien de détenus très âgés et malades se trouvent toujours en prison. Nous savons en effet que, depuis la suppression de la peine de mort, avancée majeure contre la barbarie qui régnait dans notre société, les juges prononcent de longues peines, de sorte que nos prisons contiennent aujourd’hui des hommes et des femmes malades et très âgés qui n’ont rien à y faire.

Loin de moi l’idée de soutenir les terroristes mais, puisque l’on a cité le cas M. Papon, je rappelle celui d’une femme qui a commis des actes horribles mais qui est aujourd’hui très malade et ne menace par conséquent plus l’ordre public. Il s’agit de Mme Ménigon, à laquelle on interdit de sortir de prison. Je ne vois pourtant pas en quoi le fait qu’elle soit libérée, alors qu’elle est extrêmement malade, troublerait l’ordre public.

M. Guy Geoffroy. Je ne suis pas choqué qu’elle reste en prison !

M. Noël Mamère. On pourrait multiplier les exemples.

Nous avons vu, au cours des travaux de la commission d’enquête parlementaire sur les prisons, le cas de personnes d’un grand âge, très malades, qui n’avaient plus rien à faire en prison et dont la famille réclamait la sortie. Or elles sont toujours incarcérées, en train de mourir dans l’indignité et l’oubli.

Ajouter dans un article additionnel les précisions contenues dans cet amendement aurait, pour reprendre une expression que le rapporteur nous a opposée tout à l’heure, quelque chose d’indécent.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Je veux formuler deux observations.

Je tiens d’abord, à aux propos réitérés de M. Mamère, qui craint de voir les législateurs que nous sommes s’immiscer dans le rôle du juge.

M. Christophe Caresche. Autant laisser la décision au ministre !

M. Jean-Christophe Lagarde. Quand nous fixons dans la loi une peine, sa modalité d’application et la possibilité d’un sursis ou d’une libération, nous nous immisçons chaque fois dans le rôle du juge…

M. Christophe Caresche. Mais non !

M. Jean-Christophe Lagarde. …ou, plutôt, nous fixons le cadre dans lequel il peut agir.

Ensuite, monsieur le rapporteur, j’aurais accepté ce que vous avez dit au sujet de M. Papon, mais je rappelle que l’Assemblée a refusé, en présence de nombreux députés qui assistent ce soir à notre débat, une modification de la loi, que j’avais proposée, tant comme parlementaire que comme maire de Drancy, pour exclure de cette disposition les criminels contre l’humanité. Or, dans tous les cas, je la trouve très discutable, sauf dans celui de M. Papon. Quoi qu’il en soit, ce n’est pas par la voie législative que l’on doit régler ce problème.

M. Christophe Caresche. Je remarque d’ailleurs qu’il n’a rien à voir avec celui de la récidive !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Gérard Léonard, rapporteur. Je veux brièvement préciser ma position.

Selon vous, monsieur Caresche, le juge sera obligé de mettre en balance la santé du détenu et le souci de l’ordre public.

M. Christophe Caresche. C’est déjà le cas ! Le juge ne libère pas en cas de risque pour l’ordre public !

M. Gérard Léonard, rapporteur. Actuellement, quand un pronostic vital est engagé, le juge prononce la libération de manière quasi automatique. Avec la précision proposée par l’amendement, il disposera d’une liberté d’appréciation plus grande. Notons du reste qu’on peut très bien être atteint d’un cancer dont l’issue est proche et appartenir au grand banditisme.

M. Noël Mamère. L’explication ne tient pas !

M. Gérard Léonard, rapporteur. Vous avez parlé de personnes âgées grabataires, monsieur Mamère, mais le pronostic vital peut être engagé pour des personnes jeunes, qui ont encore la capacité de nuire et même de récidiver dans des domaines graves : agressions sexuelles, grand banditisme, trafic de stupéfiants ou forfaits en bande organisée.

M. Noël Mamère. Certainement ! En phase terminale !

M. Gérard Léonard, rapporteur. Ce sont des choses possibles, qu’il faut comprendre.

M. Noël Mamère. Laissez le juge apprécier la décision à prendre !

M. Gérard Léonard, rapporteur. J’avais à l’instant en tête l’exemple d’une personne qui a été libérée, alors qu’elle était en phase terminale, et que l’on a réincarcérée…

M. le garde des sceaux. À ma demande !

M. Gérard Léonard, rapporteur. …à la demande du garde des sceaux, parce qu’on s’est aperçue qu’il y avait un risque de récidive.

M. Christophe Caresche. Très bien ! Cela prouve que tout le monde a fait son travail !

M. Gérard Léonard, rapporteur. Cela signifie surtout que cette personne pouvait encore, même une fois le pronostic vital engagé, commettre des forfaits.

M. Christophe Caresche. Cet amendement ne changera rien !

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. le garde des sceaux. Pour répondre à la question qui m’a été posée, je vous indique que 461 condamnés ont demandé à bénéficier d’une suspension de peine pour raison médicale et que 191 suspensions ont été ordonnées.

Je vous proposerai, dans le prochain amendement du Gouvernement, de prévoir un examen médical tous les six mois permettant au juge de s’assurer que le pronostic vital n’évolue pas favorablement.

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Je ne trouve pas les explications du rapporteur très convaincantes. Je répète que le juge ne libère pas automatiquement le détenu parce que le pronostic vital est engagé. Quand il prend sa décision, il tient compte des conséquences qu’aurait une libération, notamment d’un trouble éventuel à l’ordre public.

M. Gérard Léonard, rapporteur. Autant le dire, à ce moment-là !

M. Christophe Caresche. Mais c’est évident !

C’est d’ailleurs pourquoi on lui a confié cette mission qui était précédemment dévolue au ministre. Si cette compétence lui a été transférée, c’est précisément pour qu’une autorité indépendante, qui ne soit soupçonnable d’aucune pression, puisse faire ce travail délicat qui consiste à décider s’il faut libérer une personne quand le pronostic vital est engagé, en tenant compte des conséquences d’une éventuelle libération. C’est dans cet esprit que le juge est appelé à se prononcer.

Si le garde de sceaux a pu revenir, par le biais du parquet, sur une libération de ce type, c’est que le système fonctionne bien. D’ailleurs, que je sache, Mme Ménigon n’a pas été libérée.

M. le président. La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin. Je comprends mal le sens des dispositions prévues par l’amendement n° 74, et pas davantage celles de l’amendement n° 2, qui va venir en discussion.

M. Christophe Caresche. Moi aussi !

M. Hervé Morin. L’article 720-1-1 du code de procédure pénale précise clairement que « la suspension peut également être ordonnée, quelle que soit la nature de la peine […], pour les condamnés dont il est établi qu’ils sont atteints d’une pathologie engageant le pronostic vital ». Il ajoute que « la juridiction qui accorde une suspension de la peine en application des dispositions du présent article peut décider de soumettre le condamné à une ou plusieurs des obligations ou interdictions prévues par les articles 132-44 et 132-45 du code pénal. »

L’article 132-44 du code pénal contient, lui, un certain nombre de mesures de contrôle et l’article 132-45 indique que « la juridiction de condamnation ou le juge de l’application des peines peut imposer spécialement au condamné l’observation de l’une ou de plusieurs des obligations suivantes : […] exercer une activité professionnelle […], établir sa résidence en un lieu déterminé […], se soumettre à des mesures d’examen médical, de traitement ou de soins, même sous le régime de l’hospitalisation ». En clair, le juge de l’application des peines a déjà la possibilité de vérifier en permanence l’état de la pathologie du détenu dont il a décidé de suspendre la peine. Qu’apporte donc l’amendement du Gouvernement, sinon l’obligation d’une expertise tous les six mois ?

M. Christophe Caresche. Rien, en effet !

M. Hervé Morin. Sachant que le juge peut ordonner une expertise à tout moment, à quoi bon rendre obligatoire une mesure qui coûtera très cher ? A-t-on l’argent nécessaire pour payer tous les six mois une expertise médicale qui s’élèvera à des centaines, voire à des milliers d’euros ? Le code de procédure pénale et le code pénal ont déjà encadré les choses. À quoi bon leur ajouter une disposition qui ne changera rien et qui provoquera des dépenses supplémentaires ?

M. Christophe Caresche. Excellente analyse !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 74.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, pour présenter l’amendement n° 2.

M. le garde des sceaux. Cet amendement traite précisément de la suspension de peine en cas d’expertise médicale établissant que le pronostic vital a été engagé. Il est apparu, au vu de plusieurs expériences récentes, que certains malades vont franchement mieux six mois après leur libération. Quand des victimes aperçoivent, en faisant leurs courses sur le marché local, une personne dont elles ont particulièrement souffert, leur indignation arrive jusqu’à mes oreilles. Dans un cas récent, j’ai ainsi demandé une expertise nouvelle qui s’est avérée favorable à un renvoi du détenu en prison.

D’où cet amendement qui propose que, tous les six mois, un détenu ayant bénéficié des dispositions de la loi Kouchner, fasse l’objet d’une expertise médicale permettant de vérifier si les conditions de la suspension sont toujours remplies. Cette mesure ne coûtera pas particulièrement cher.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Léonard, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Je vais ajouter deux critiques à celles de M. Morin sur cet amendement n° 2.

D’abord les explications de M. le garde des sceaux ne m’ont absolument pas convaincu. Il jette, une fois encore, un soupçon sur le juge, puisqu’il propose de passer d’une possibilité d’expertise, en cas de demande du juge d’application des peines, à une expertise systématique. Pourquoi une telle suspicion sur le travail des juges ou des médecins ?

Ensuite il est une seconde critique, d’ordre juridique, qui me paraît assez grave. En effet les dispositions proposées dans l’amendement seront « applicables aux suspensions en cours à la date d’entrée en vigueur de la présente loi, quelle que soit la date de commission des faits ayant donné lieu à la condamnation ». Cette précision ne me semble pas correspondre aux règles du droit pénal.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.

Ordre du jour
des prochaines séances

M. le président. Aujourd’hui, à neuf heures trente, première séance publique :

Discussion de la proposition de loi, n° 2535, de MM. Pierre Morange et Damien Meslot visant à rendre obligatoire l’installation de détecteurs de fumée dans tous les lieux d’habitation :

Rapport, n° 2554, de M. Damien Meslot, au nom de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

À quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi, n° 2093, relative au traitement de la récidive des infractions pénales :

Rapport, n° 2452, de M. Gérard Léonard, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le jeudi 13 octobre 2005, à une heure.)