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Edition J.O. - débats de la séance

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 2 novembre 2005

43e séance de la session ordinaire 2005-2006


PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

questions au gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

violences en seine-saint-denis

M. le président. La parole est à M. Éric Raoult.

M. Éric Raoult. Monsieur le Premier ministre, vous avez rencontré hier soir, avec le ministre de l’intérieur, les parents des jeunes Zyed et Bouna de Clichy-sous-Bois. Avec tact et émotion, vous avez, avec Nicolas Sarkozy, partagé la douleur des familles de ces deux ados « bien », morts accidentellement, morts pour rien.

Le deuil a encore touché ce même département, par une violence aveugle aussi dramatique. À Épinay-sur-Seine, un technicien a été frappé à mort devant sa femme et son enfant. Ces derniers ont également été reçus place Beauvau.

Notre émotion et notre indignation sont les mêmes. Elles ne sont pas à géométrie ou à origine variable.

La Seine-Saint-Denis, ce département populaire, ne veut pas être caricaturée comme une poudrière. Brûler une voiture n’est pas un jeu, c’est un crime. Incendier les voitures des postiers, caillasser les pompiers, ce n’est pas un jeu, c’est un grave danger. Mais lancer une grenade dans un lieu de culte, c’est soit une provocation, soit une stupidité, c’est de toute façon une indignité.

Cette actualité, monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre d’État, ne peut se banaliser. Nos quartiers ne veulent pas être sous la coupe de minorités de hors-la-loi qui ne veulent pas que l’on entre dans leurs zones de non droit. C’est un bras de fer qui y est engagé avec ceux qui veulent garder leurs quartiers de haute dangerosité.

Pour obtenir l’apaisement souhaité par tous et par le chef de l’État, trois priorités doivent orienter l’action : le dialogue retrouvé entre les policiers et les adolescents, car l’ordre républicain protège plus que la peur et le silence des dealers ; le respect réaffirmé à l’égard des autorités, des familles et des cités, qui sont pauvres mais fières ; la responsabilité de toute une société, qui doit assumer ses quartiers, mais aussi de tous ses dirigeants, qui ne peuvent s’en exonérer, des lenteurs de réalisation à leurs propres échecs dans des banlieues souvent issues des années Mitterrand. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Ces violences sont en fait une autodestruction, ce n’est pas une révolution. Ce n’est pas devant une voiture calcinée que l’on fait avancer la citoyenneté. Les gens des cités réclament simplement de la dignité, et d’abord de la sécurité, comme les autres, pas plus, pas moins.

Ce week-end, la France entière a regardé Clichy-sous-Bois s’embraser mais, aujourd’hui, tous les quartiers veulent vous écouter. Monsieur le Premier ministre, comment peuvent-ils garder confiance en la République ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Plusieurs députés du groupe socialiste. Lamentable !

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Monsieur le député, au cours des événements de ces derniers jours, deux enfants sont morts, un père de famille a été lâchement assassiné. Alors permettez-moi tout d’abord d’avoir une pensée pour leurs familles et leurs amis. Je veux qu’ils sachent que le Gouvernement et la représentation nationale rassemblés ici pensent à eux, car il n’y a qu’un territoire national, sur lequel les lois de la République s’appliquent, il n’y a que des Français égaux en droit, qui aspirent tous à la sécurité et à la justice.

Oui, les violences dans les quartiers sont un défi pour nous tous. Cela fait des années que les habitants de certains quartiers urbains sont confrontés aux incivilités, aux dégradations, aux voitures brûlées,…

Mme Jacqueline Fraysse. À la misère ! Au chômage !

M. le Premier ministre. …mais aussi à des actes plus graves : racket sur les mineurs à la sortie des écoles, violences envers les femmes ou les personnes âgées, trafics de drogue.

Je veux conduire notre action avec volonté et humanité, avec détermination et discernement. Évitons de stigmatiser des quartiers auxquels les habitants sont attachés.

M. André Gerin. Absolument !

M. le Premier ministre. Traitons différemment la petite délinquance et la grande criminalité. Luttons avec fermeté contre toutes les discriminations. Prévenons tout amalgame entre une minorité qui sème le désordre et l’immense majorité des jeunes, qui souhaitent s’intégrer dans la société et réussir dans la vie.

Le Gouvernement tout entier est à la tâche…

Un député du groupe socialiste. Sarkozy aussi ?

M. le Premier ministre. …avec une priorité immédiate, rétablir l’ordre public, et le rétablir sans délai.

Les incendies volontaires et les affrontements sont inacceptables et seront sanctionnés par la justice comme il se doit. Le Président de la République l’a rappelé ce matin,…

M. Julien Dray. Il existe encore ?

M. le Premier ministre. …il ne peut pas y avoir, il n’y aura pas de zone de non-droit en France. Nicolas Sarkozy a pris les mesures nécessaires en ce sens, et je sais que je peux compter sur lui. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Par ailleurs, l’ensemble du Gouvernement agit pour faire de l’égalité des chances une réalité dans notre pays.

Cela passe d’abord par la prévention des violences. État, collectivités locales, associations doivent rassembler leurs forces et leurs compétences autour des maires.

M. Julien Dray. Quel discours nouveau !

M. le Premier ministre. Un projet de loi sera élaboré sous ma coordination dans les prochaines semaines.

M. Julien Dray. Cela fait six mois qu’on l’attend !

M. le Premier ministre. Cela passe aussi par des logements plus décents. Le programme de rénovation urbaine de Jean-Louis Borloo va changer durablement les conditions de vie dans les quartiers. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Cela passe surtout par un emploi pour tous. Des jeunes qui n’ont pas de perspective de travail, qui ne savent pas comment obtenir un stage ou une formation, n’ont pas d’espoir et doutent de notre société. C’est à eux que je veux répondre avec le plan d’urgence pour l’emploi. L’accompagnement personnalisé par les services de l’ANPE, le dispositif « défense deuxième chance », les contrats d’accompagnement vers l’emploi leur sont destinés.

Ce matin, avec les ministres concernés, nous avons étudié les mesures d’urgence, en particulier pour l’emploi des jeunes en Seine-Saint-Denis et pour l’éducation. Le Gouvernement adoptera un plan d’action avant la fin du mois de novembre.

M. Bernard Roman. Avec moins de postes !

M. le Premier ministre. De la fermeté, de la justice, c’est la ligne du Gouvernement, c’est notre seule ligne.

M. Patrick Lemasle. C’est du pipeau !

M. le Premier ministre. Le Gouvernement est entièrement mobilisé, et c’est pour cela que j’ai informé le Premier ministre canadien et le Premier ministre du Québec du report de ma visite. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

lutte contre la violence

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour le groupe socialiste.

M. Bruno Le Roux. Monsieur le Premier ministre, l’odieux assassinat d’Épinay-sur-Seine, la tragédie de Clichy-sous-Bois, les violences continues depuis quatre jours témoignent du climat de tension qui règne dans notre pays et du durcissement des violences.

Je souhaite ici rappeler solennellement que les premières victimes des incidents violents qui se développent jour après jour sont les habitants de nos quartiers, jeunes compris. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Nous demandons aujourd’hui le retour au calme. Nous souhaitons aussi la sécurité pour tous par une action résolue, ferme, permettant de prévenir la délinquance, de la punir, mais aussi d’empêcher toute récidive.

Aujourd’hui, les violences aux personnes continuent d’augmenter. C’est le signe que la politique menée depuis plus de trois années par votre ministre de l’intérieur et par vous-même ne marche pas. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste. – Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Reconnaissez-vous aujourd’hui votre responsabilité, vous qui avez démantelé la police de proximité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. – Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Reconnaissez-vous votre responsabilité, vous qui nous annoncez depuis deux ans maintenant un plan national de prévention qui n’arrive jamais ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

Monsieur le Premier ministre, la parole ne peut remplacer l’action. Vous êtes face à une crise grave. Vous ne donnez aucune direction qui permette d’envisager d’en sortir rapidement. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Certes, l’action à mener en la matière n’est pas simple, et il ne faut nullement la traiter de manière simpliste. C’est une politique globale dont ont besoin nos quartiers et pas d’incursions ministérielles sans lendemain. N’oubliez pas que les problèmes de sécurité s’ajoutent à d’autres, en matière d’éducation, d’emploi, de logement, de santé, et que c’est le fondement de l’inégalité républicaine dans nos quartiers. Or, pour chacune de ces réalités quotidiennes, votre gouvernement est défaillant. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Monsieur le Premier ministre, vous êtes détenteur de l’autorité de l’État, vous semblez aujourd’hui plutôt comptable de son impuissance. Face aux risques d’aggravation, qui sont réels, ce soir, demain, dans nos quartiers, que comptez-vous faire ? Avez-vous pris toute la mesure de la crise actuelle ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Sur des sujets aussi difficiles, monsieur le député, il n’y a pas de place pour la polémique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Aussi, je n’y céderai pas. L’histoire des vingt dernières années…

M. André Gerin. Des trente dernières années !

M. le Premier ministre. …doit tous nous inciter à beaucoup de modestie et à beaucoup d’humilité. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Depuis 2002, jamais il n’y a eu une telle mobilisation dans la lutte contre l’insécurité, et les résultats parlent d’eux-mêmes, tous nos compatriotes les connaissent. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

De nombreux députés du groupe socialiste. C’est faux !

M. Jean-Pierre Blazy. Zéro résultat !

M. le Premier ministre. Je le dis pour chacun d’entre nous, je le dis pour la nation tout entière, il n’y a pas de solution miracle face à la situation des quartiers,…

M. Patrick Lemasle. Surtout sans y mettre les moyens !

M. le Premier ministre. …et ce ne sont pas les très nombreux maires et élus locaux présents qui me démentiront. Il n’y a que la ténacité et la constance qui nous permettront d’obtenir des résultats au service de nos concitoyens.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Et des moyens !

M. le Premier ministre. La politique du Gouvernement se résume en un mot : le respect des principes républicains.

La liberté pour tous, c’est la liberté d’aller et de venir, de vivre en paix, de travailler dans les quartiers. La sécurité est la première des libertés, à commencer par celle des plus faibles, qui sont en même temps les premières victimes de la violence et de la délinquance.

L’égalité pour tous, c’est l’égalité des chances, la capacité à prendre son destin en main, à bâtir sa vie, à trouver un emploi et un logement.

M. Bernard Roman. Avec quels moyens ?

M. le Premier ministre. C’est cela que je veux pour tous les jeunes de France, quelle que soit leur origine, quel que soit leur quartier, quelle que soit la couleur de leur peau et quelle que soit leur religion.

La fraternité pour tous, c’est davantage de reconnaissance, davantage de considération, davantage de dialogue sur le terrain entre les jeunes et les représentants de l’État, entre les habitants des quartiers et les associations, entre les différents acteurs de la prévention.

Vous le voyez, monsieur le député, le Gouvernement est uni autour des mêmes principes, dans la même volonté de répondre aux exigences de sécurité et d’égalité des chances pour tous les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

DéclarationS du président iranien sur Israël

M. le président. La parole est à M. Rudy Salles, pour le groupe Union pour la démocratie française.

M. Rudy Salles. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Le président iranien a fait la semaine dernière, devant un parterre d’étudiants islamiques réunis sur le thème évocateur d’un « monde sans sionisme », des déclarations particulièrement choquantes, contraires aux grands principes du droit international, et en particulier à la charte des Nations unies.

En effet, il a repris à son compte, en les qualifiant de paroles très sages, les propos de l’ayatollah Khomeiny appelant à ce qu’Israël soit rayé de la surface de la terre. Pour lui, il existe deux mondes, le monde islamique et le front des infidèles, qui doivent se livrer une guerre totale, et il exhorte à ne pas décourager les musulmans de mener ce combat.

Je n’épiloguerai pas davantage sur cette posture qui en dit long sur le caractère belliqueux du nouveau régime iranien qui s’en prend non seulement à Israël et à l’Occident, mais aussi aux États musulmans modérés. Ce sont là des signes avant-coureurs qui ne trompent personne sur les intentions de ce dirigeant.

C’est pourquoi, monsieur le Premier ministre, les démocrates que nous sommes iront manifester ce soir à dix-neuf heures devant l’ambassade d’Iran à Paris pour marquer leur réprobation et manifester leur refus d’un tel discours, de telles méthodes, d’une telle vision du monde.

Au moment où l’Iran cherche à se procurer l’arme atomique, on mesure aisément la gravité de cette situation. C’est pourquoi l’UDF vous demande, monsieur le Premier ministre, ce que le gouvernement français entend proposer, notamment au sein du Conseil de sécurité des Nations unies, pour que soit sévèrement condamnée l’attitude de l’Iran et soient envisagées des sanctions adaptées. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l’Union pour un mouvement populaire, ainsi que sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères. Monsieur le député, nous avons immédiatement condamné les propos du président Ahmadinejad. Ces déclarations choquantes et inacceptables remettent en cause l’existence même d’un État. Personne n’en a le droit, y compris pour Israël dont l’existence découle d’une décision de l’assemblée générale des Nations unies, donc du droit international. Ces propos prônent également la guerre des religions, des civilisations et des cultures, et vont ainsi à l’encontre de la conception française fondée sur le dialogue.

Le Président de la République a très fermement condamné les propos de M. Ahmadinejad et l’ambassadeur iranien en France a été convoqué au Quai d’Orsay dans les vingt-quatre heures.

Je profite de l’occasion que m’offre votre question pour lancer un double message au peuple et aux dirigeants iraniens. L’Iran, qui est une grande civilisation, un grand peuple, un grand pays, doit jouer tout son rôle dans l’avenir du Moyen-Orient. Il ne le fera que s’il ne se met pas en marge de la communauté internationale. Pour cela, il doit suspendre ses activités nucléaires sensibles. Ce sera l’objet le 24 novembre du conseil des gouverneurs de l’Agence pour l’énergie atomique, qui, le moment venu, remettra le rapport de M. El-Baradei au Conseil de sécurité. L’Iran se doit d’autre part de se garder de propos qui contreviennent au droit international, car celui-ci s’impose à tous les États. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

une politique pour les banlieues

M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

Mme Marie-George Buffet. Monsieur le Premier ministre, nous vivons des événements d’une extrême gravité : deux adolescents sont morts pour rien. À cette tragédie, qui s’est abattue sur une population déjà marquée par la souffrance sociale et par les discriminations, se sont ajoutés, de la part des membres du Gouvernement, des versions mensongères et des propos stigmatisants. L’inacceptable était atteint provoquant l’explosion. Son bilan est déjà lourd.

Les violences existent, insupportables et tragiques, comme celle qui a coûté la vie d’un homme à Épinay. La police et la justice ont besoin de moyens pour les combattre, et non de déclarations guerrières à visée présidentielle.

Un député du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Alors votez le budget !

Mme Marie-George Buffet. La stratégie de la tension, que suit le ministre de l’intérieur, est irresponsable. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Michel Ferrand. Adressez-vous à lui, il est là !

Mme Marie-George Buffet. Il déclare aller chaque semaine en banlieue, mais les hommes et les femmes de ces banlieues, dans toute la France, n’acceptent plus que l’on traite leurs enfants de « racaille » ou de « voyous ». (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Ce qu’ils veulent, c’est que l’on respecte leur droit de vivre dignement et dans la tranquillité, tout ce qui leur est aujourd’hui refusé par votre politique, qui ne fait qu’aggraver la ségrégation sociale, les inégalités territoriales, la précarité. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Il faut que toute la transparence soit faite sur les événements de Clichy. C’est pourquoi François Asensi et tous les membres de notre groupe ont demandé une commission d’enquête.

Mais, dans l’immédiat, des décisions urgentes sont à prendre pour faire droit aux attentes des habitants. Monsieur le Premier ministre, vous venez de parler d’un plan d’urgence. Allez-vous dégager les moyens nécessaires pour redéployer une police de proximité, pour permettre à la justice et aux services de protection des mineurs de remplir pleinement leur rôle, pour assurer à chaque enfant une scolarité de la réussite par la présence d’enseignants et d’adultes qualifiés en nombre suffisant, notamment dans les collèges,…

Mme Nadine Morano. Que font les parents ?

Mme Marie-George Buffet. …pour permettre à chaque jeune d’avoir accès à un emploi stable, pour redonner aux associations les subventions dont elles ont besoin pour agir sur le terrain avec les familles et les jeunes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Madame la députée, revenons aux réalités.

Mme Marie-George Buffet. La réalité, je la vis !

M. le Premier ministre. Deux enfants sont morts, un homme a été lâchement assassiné. Ces drames impliquent que nous nous rassemblions tous autour des valeurs qui fondent notre République.

M. Georges Tron. Très bien !

M. le Premier ministre. Quelle est la réalité quotidienne pour trop de Françaises et de Français de nos quartiers ? Ce sont près de 180 voitures qui ont brûlé au cours des derniers jours, ce sont des commerçants qui ont été agressés, ce sont des enfants qui n’osent plus sortir, ce sont des mères de famille qui n’osent plus retourner au travail. Cela n’est pas tolérable ! Rien ne justifie de telles violences, rien ne justifie de telles dégradations, rien ne justifie de telles atteintes aux biens collectifs et aux biens d’autrui. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Le Gouvernement assurera l’ordre public. Il le fera avec la fermeté nécessaire. C’est la tâche difficile de Nicolas Sarkozy (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), qui est pleinement mobilisé ; c’est la tâche difficile des élus locaux, auxquels je veux rendre solennellement hommage ; c’est la tâche difficile de tous ceux qui servent dans les quartiers et à qui je veux réaffirmer ma confiance – les forces de l’ordre, les agents municipaux, les médecins et les infirmières, les enseignants, les pompiers – et qui doivent être respectés pour ce qu’ils sont comme pour ce qu’ils font au service des autres.

Le Gouvernement agira aussi dans un esprit de justice. Vous pouvez compter sur lui pour lutter contre toutes les formes de discrimination et pour renforcer le service public partout où cela est nécessaire.

M. Bernard Roman. Avec quels moyens ?

M. le Premier ministre. Il y mettra la même ardeur qu’à défendre l’emploi, qui est, vous le savez, notre priorité absolue. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Négociations de l’OMC

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Sermier, pour le groupe UMP.

M. Jean-Marie Sermier. Ma question s’adresse à M. le ministre des affaires étrangères.

Monsieur le ministre, il y a une quinzaine de jours, lors des négociations sur la libéralisation des échanges menées dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce, le commissaire européen Peter Mandelson a semé le trouble en déclarant que l’Union européenne était prête à réduire de 70 % ses aides à l’agriculture. Plus récemment, M. Mandelson s’est targué de bénéficier d’un soutien massif des Européens pour mener les négociations.

Ces déclarations ont été interprétées par le monde agricole français comme une remise en cause de la politique agricole commune, pourtant renégociée en 2003 et pérennisée jusqu’en 2013.

Lors de la récente réunion, à Luxembourg, avec vos homologues des vingt-cinq pays de l’Union, vous avez débattu de la position européenne sur ce dossier. Vous avez notamment réaffirmé la crainte de la France de voir le commissaire européen faire des concessions aux dépens des agriculteurs. Le risque, à Hongkong, en décembre, d’un accord mondial qui ne prendrait en compte que les produits agricoles n’est pourtant pas écarté. Vous savez le désastre qu’il provoquerait dans notre pays.

Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser la position de la France sur le mandat du commissaire européen dans le cadre des négociations de l’OMC et nous dire quelles garanties vous avez obtenues pour la défense de notre agriculture ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères. Monsieur le député, les négociations de l’OMC sont l’occasion pour notre pays de définir la vision qu’il a du commerce international, mais aussi de l’Europe.

M. Bernard Roman. J’espère qu’il l’a fait avant !

M. le ministre des affaires étrangères. Concernant le commerce international, je commencerai par observer que les propositions faites par le commissaire Mandelson – ou la demande des États-Unis d’une diminution des droits de douane – ne sont absolument pas de nature à aider les pays les plus pauvres à se développer. Ce n’est pas ainsi que l’on trouvera des signes concrets et positifs pour les pays les plus pauvres car ces pays n’ont déjà pas de droits de douane. Or nous souhaitons que le cycle de Doha soit le cycle du développement.

M. Jean-Marc Ayrault. Alors, que proposez-vous ?

M. le ministre des affaires étrangères. Nous souhaitons ensuite que les négociations à l’OMC soient équilibrées entre l’agriculture, l’industrie et les services. Pour la première fois, je vois avec plaisir que la Commission a fait, le 28 octobre, une proposition dans cet esprit d’équilibre, comme nous le demandions depuis plusieurs mois.

Enfin, en ce qui concerne l’agriculture, nous défendons une vision qui est celle de la préférence communautaire.

M. Jacques Myard. Enfin !

M. le ministre des affaires étrangères. Lors du sommet informel des chefs d’État et de gouvernement qui s’est réuni voilà quatre jours, à Hampton Court, le Président de la République a défini la ligne rouge à ne pas franchir : la réforme de la politique agricole commune de 2003 telle qu’elle a été adoptée par le Conseil européen.

Au moment où nous parlons, nous n’avons aucune preuve que ce que propose le commissaire s’inscrit bien dans le cadre du mandat du Conseil. Si tel n’était pas le cas, la France n’accepterait pas l’accord de l’OMC. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

côte d’ivoire

M. le président. La parole est à M. Yves Fromion, pour le groupe UMP.

M. Yves Fromion. Nous avons, madame la ministre de la défense, évoqué, ici même, il y a quelques jours, les événements qui ont eu lieu il y a quelques mois en Côte d’Ivoire, et qui ont conduit à la suspension du général qui commandait l’opération Licorne au moment des faits. Les conclusions de l’enquête de commandement que vous nous aviez annoncée vous ont, semble-t-il, été rendues.

Il faut rappeler, madame la ministre, que nos militaires accomplissent en Côte d’Ivoire une mission extrêmement difficile. Ils ont payé le prix du sang : nous ne devons pas l’oublier. Ils ont évité des affrontements meurtriers et, sans doute, une déstabilisation encore plus grande de ce pays. Nous devons leur rendre hommage.

Il est cependant impossible, nous le savons, d’éviter que des comportements individuels condamnables viennent entacher l’action collective. Si tel est le cas, madame la ministre, l’Assemblée nationale vous demande la vérité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. François Loncle. Nous demandons une commission d’enquête !

M. le président. Monsieur Loncle, vous n’avez pas à répondre à la place de Mme la ministre.

La parole est à Mme la ministre de la défense.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Monsieur le député, le rapport d’enquête de commandement qui m’a été transmis par le chef d’état-major des armées confirme la gravité des faits. Il est établi que Firmin Mahé a été tué par étouffement, par des militaires français, dans un véhicule blindé ; que la responsabilité de personnels militaires autres que ceux qui ont déjà été suspendus est engagée ; que le commandement de la force Licorne, bien qu’informé des faits, ne les a pas portés à la connaissance de sa hiérarchie.

Le rapport fait apparaître deux niveaux de responsabilité : la participation, directe ou indirecte, à l’homicide ; la falsification des rapports et la dissimulation de l’ensemble des faits.

En conséquence j’ai décidé de suspendre les deux militaires du rang qui étaient présents, aux côtés de l’adjudant-chef qui a déjà été suspendu, dans le véhicule où a été tué Firmin Mahé, et de traduire, devant un conseil d’enquête, ces trois militaires et leur chef de corps, afin que soient proposées des sanctions adaptées à leur responsabilité ; deuxièmement, d’infliger un blâme au général commandant la force Licorne à l’époque des faits, ainsi qu’au général adjoint.

M. François Loncle. Pourquoi refuser une commission d’enquête ?

Mme la ministre de la défense. Par ailleurs les deux officiers généraux ayant convenu de leur propre aveu et analyse qu’ils ne pouvaient plus exercer leur commandement actuel, ont été mutés.

Bien entendu ces mesures sont prises sans préjudice des suites pénales qui seront décidées par l’autorité judiciaire, à laquelle j’ai transmis le rapport de l’enquête de commandement après en avoir ordonné la déclassification.

Comme vous l’avez dit, monsieur le député, ce n’est pas parce qu’arrive un fait grave que doivent être oubliés, ni minimisés, tout le travail et tous les risques que prennent quotidiennement nos militaires sur les théâtres d’opérations extérieures. Je pense au contraire que c’est une façon de souligner leur comportement exemplaire, reconnu d’ailleurs au plan mondial, sur tous les théâtres d’opérations extérieures. Je ne doute pas que toute la représentation nationale, en ce moment, leur apporte son soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française, ainsi que sur quelques bancs du groupe socialiste.)

violences urbaines

M. le président. La parole est à M. Manuel Valls, pour le groupe socialiste.

M. Manuel Valls. Je veux, monsieur le Premier ministre, reprendre à mon compte les interrogations exprimées par mon collègue Bruno Le Roux.

Nous qui, sur tous ces bancs, sommes des élus de ces communes et de ces quartiers qui concentrent toutes les difficultés de la France moderne, nous savons ce qu’ils vivent. Nous avons, nous aussi, la conviction que la lutte contre la délinquance doit être une priorité.

M. Claude Goasguen. Alors pourquoi n’avez-vous rien fait ?

M. Manuel Valls. C’est pourquoi nous considérons que l’abandon de la police de proximité est une faute. Celle-ci permettait en effet d’établir entre la police et la population les rapports de confiance indispensables pour bâtir une véritable police de sécurité.

C’est à l’État républicain d’assurer l’ordre et la tranquillité – c’est une exigence minimale, monsieur le Premier ministre – au plus près des citoyens, et non aux associations caritatives et religieuses, comme nous le voyons depuis plusieurs jours.

S’il faut faire preuve de fermeté, car nos sociétés ont besoin d’ordre, de repères, d’autorité, il faut aussi redonner espoir. À l’inverse, monsieur le Premier ministre, votre politique renforce le désespoir de ces populations. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Claude Goasguen. C’est votre politique qui nous a valu Le Pen au second tour en 2002 !

M. Manuel Valls. Elle accroît les injustices et les inégalités ; elle approfondit la ségrégation territoriale, sociale et ethnique qui mine depuis des années notre pacte républicain.

Les politiques de sécurité et de rénovation urbaines, auxquelles nous participons évidemment en tant qu’élus locaux, ne sauraient masquer la situation de nos villes, ravagées par le chômage, la précarité, la détresse sociale.

Le Gouvernement et votre majorité, monsieur le Premier ministre, ont coupé les crédits aux associations qui œuvrent sur le terrain (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), abandonné les emplois jeunes, la priorité donnée à l’éducation, mis en cause les services publics indispensables à la solidarité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Richard Cazenave. C’est lamentable !

M. Manuel Valls. Cela fait trois ans que vous nous annoncez une politique de prévention : nous l’attendons toujours.

Comment la situation pourrait-elle s’améliorer, monsieur le Premier ministre ? L’ascenseur social reste désespérément bloqué.

M. Georges Tron. Pourquoi ne l’avez-vous pas débloqué ?

M. Manuel Valls. L’objectif de mixité sociale est bafoué. La loi SRU n’est pas appliquée, car votre majorité n’en veut pas. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Si l’égalité des chances est un débat qui enflamme la majorité, elle ne trouve pas même un début de réalisation concrète. Je le répète, monsieur le Premier ministre : comment la situation pourrait-elle s’améliorer dans de telles conditions ?

Alors que nos concitoyens attendent des avancées en matière d’emploi et de pouvoir d’achat, votre politique fiscale s’adresse d’abord aux beaux quartiers, et non à ceux qui souffrent et qui veulent s’en sortir. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Plusieurs députés du groupe socialiste. Très bien !

M. Richard Cazenave. C’est nul !

M. Manuel Valls. On ne pourra résoudre les problèmes des quartiers qu’en s’attaquant à l’ensemble des difficultés que rencontre notre société. C’est toute votre politique, sociale, fiscale, éducative, qui est aujourd’hui en cause. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Vous qui parlez si souvent de la France, monsieur le Premier ministre, quand allez-vous mesurer l’ampleur de ses difficultés, et la profondeur des angoisses et des aspirations des Français ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Où est Sarkozy ?

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur le député, vous qui êtes le maire d’Évry, vous savez mieux que quiconque dans quelle situation se trouvaient certaines de nos communes, qui concentrent les plus grandes difficultés de notre pays. Vous savez qu’il s’agit de villes extrêmement pauvres, qui ont besoin d’un soutien massif, direct ou par l’entremise des associations.

M. Patrick Lemasle. Pourquoi alors les crédits sont-ils en baisse ?

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. La réforme de la DSU que nous avons mise en place se traduira par une augmentation de 150 % sur cinq ans de la dotation destinée à la ville d’Évry, afin que vous puissiez intervenir directement. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Nous avons mis en place un plan de rénovation urbaine très ambitieux, que d’ailleurs vous soutenez, afin de refonder globalement l’habitat et son environnement. C’est une entreprise complexe et de longue haleine ; du moins est-elle désormais engagée.

M. Christian Bataille. Vous ne répondez pas à la question !

M. Richard Cazenave. Les socialistes n’avaient rien fait !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Nous avons en outre mis en place un programme de réussite éducative, mobilisant tous les acteurs de ce domaine, afin d’accompagner les petits dès la maternelle.

À cela s’ajoutent les contrats d’accompagnement dans l’emploi destinés aux jeunes, qui ont remporté un plein succès, et un nouveau programme que, ce matin, le Premier ministre nous a demandé de présenter avant un mois.

Sincèrement, ce sujet rassemble tous les républicains que nous sommes. Ce pays a entamé sa mutation : je ne parle pas là d’intégration, qui concerne les nouveaux entrants, mais simplement d’égalité des chances.

Sur ce dossier complexe, nous tendons la main tout autant que nous essayons de faire respecter l’ordre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Pierre Brard. Vous parlez de la main qui tient le kärcher ?

déclarations du président iranien

M. le président. La parole est à M. Didier Quentin, pour le groupe UMP.

M. Didier Quentin. Monsieur le ministre des affaires étrangères, je veux reprendre, au nom du groupe de l’Union pour un mouvement populaire, la question que notre collègue Rudy Salles vous a posée au début de la séance.

Je tiens à exprimer l’indignation de tout le groupe de l’Union pour un mouvement populaire devant les propos récemment tenus par le chef de l’État iranien. Dans un discours prononcé le 26 octobre, à l’occasion d’une conférence intitulé « Le monde sans sionisme », celui-ci a en effet déclaré : « Comme l’a dit l’imam… » – il s’agit de Khomeiny – « …Israël doit être rayé de la carte. »

De telles déclarations publiques, qui pourraient être assimilées à un appel au génocide, du président en exercice de l’Iran sont tout simplement inacceptables. Le droit d’Israël à exister ne saurait être contesté à aucun moment et par qui que ce soit. Aucun membre de l’ONU, pas plus l’Iran qu’un autre, ne saurait se soustraire aux valeurs et principes fondamentaux de la charte des Nations unies, qui interdit à ses signataires de recourir aux menaces ou à la force contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’un autre État.

Ces propos scandaleux sont d’autant plus inquiétants et intolérables qu’ils se situent dans le contexte difficile des négociations engagées avec l’Iran sur ses projets nucléaires.

Vous venez, monsieur le ministre, de nous confirmer que la France a vivement condamné ces propos. Pouvez-nous indiquer plus précisément les initiatives que la France compte prendre pour obtenir que l’Iran revienne dans les meilleurs délais au respect élémentaire du droit des gens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères. Je répète, monsieur le député, que les propos de M. Ahmadinejad ne sont pas seulement choquants : ils sont inacceptables.

M. Albert Facon. Il est fatigué le ministre !

M. le ministre des affaires étrangères. Je veux d’abord vous répondre sur le dossier nucléaire iranien. Le 24 novembre, la France exprimera au Conseil des gouverneurs de l’Agence internationale pour l’énergie atomique, son souhait d’une politique de fermeté, qui n’exclue pas la recherche de l’unité de la communauté internationale.

La fermeté, c’est de ne pas transiger sur l’objectif de voir l’Iran suspendre ses activités nucléaires sensibles, en particulier l’enrichissement de l’uranium dans son centre de recherche d’Ispahan. L’UE3, c’est-à-dire l’Allemagne, la Grande-Bretagne et la France, a fait des propositions à l’Iran afin que ce pays ouvre une nouvelle page dans ses relations avec l’Europe. Si l’Iran refuse ces propositions, le Conseil de sécurité des Nations unies sera saisi du rapport de M. El-Baradei.

En ce qui concerne le conflit israélo-palestinien, la position de la France n’a pas varié : la terre pour les Palestiniens et la sécurité pour Israël. Cela impose très clairement que nous exigions de l’Iran qu’il ne remette jamais en cause l’existence même de l’État d’Israël. C’est le droit international, et il s’applique à tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

développement de l’énergie éolienne

M. le président. La parole est à M. Jean Proriol, pour le groupe UMP.

M. Jean Proriol. Madame la ministre de l’écologie et du développement durable, jeudi dernier a été inauguré le plus grand parc éolien de France. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Il est situé à mille mètres d’altitude dans le massif de la Margeride, en Haute-Loire, à cheval sur les communes d’Ally et de Mercœur. Les maires de ces communes n’ont pas seulement accepté ce projet, ils s’y sont impliqués – et je souhaite, messieurs de l’opposition, que vous en fassiez autant dans vos circonscriptions. Ils ont en outre reçu le soutien des propriétaires agricoles, qu’ils soient agriculteurs ou non, celui des riverains et de la population dans son ensemble.

D’autres projets voient le jour dans toute la France. Dans notre seul département, trois autres projets de parc sont d’ores et déjà validés, à Saint-Front, Saint-Jean-Lachalm à Moudeyres et à Freycenet.

M. Albert Facon. Ça fait quatre !

M. Jean Proriol. L’énergie éolienne devrait ainsi permettre à notre département, en 2010, de couvrir 15 % de ses besoins en électricité.

Ma première question est simple.

M. Albert Facon. Ce n’est pas trop tôt !

M. Jean Proriol. J’aimerais connaître l’état d’avancement des dossiers en instance dans notre pays. En effet, malgré des succès reconnus, certains mouvements environnementaux ou associatifs s’y opposent, au nom, prétendent-ils, de la Nature. Je pense qu’en réalité ils ne parlent qu’en leur nom, car il y a beaucoup de demeures au royaume des écologistes.

Le Conseil régional d’Auvergne s’est doté en 2003 d’un schéma régional éolien qui identifie les espaces naturels à préserver et les sites emblématiques à protéger.

La directive européenne du 27 septembre 2001 demande à la France de porter à 21 % d’ici 2010 la part des énergies renouvelables dans sa consommation – part qui est aujourd’hui de 15 %.

Ma deuxième question est brève : le Gouvernement compte-t-il sur l’éolien pour y parvenir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’écologie et du développement durable.

Mme Nelly Olin, ministre de l’écologie et du développement durable. Monsieur le député, je vous remercie pour cette question. L’énergie éolienne fait aujourd’hui l’objet de débats animés et vous me permettrez, au nom du Gouvernement, de remercier et de féliciter tous les acteurs qui se sont impliqués pour faire aboutir les projets d’Ally et de Mercœur.

M. Albert Facon. C’est du vent !

Mme la ministre de l’écologie et du développement durable. La France s’est engagée, sur le plan européen, à porter à 21 % la part de son électricité d’origine renouvelable en 2010. Avec une proportion de 13 % aujourd’hui, la France est le premier pays producteur d’énergie renouvelable en Europe, mais il nous faut encore progresser.

L’éolien est aujourd’hui, avec l’hydraulique, la forme d’électricité renouvelable la moins chère, et donc celle que nous devons privilégier. Je suis donc favorable à un développement volontaire et harmonieux de l’éolien en France – à condition, bien sûr, d’assurer le respect des paysages.

Le problème essentiel sur le plan paysager, qui est celui du mitage du territoire par l’éolien, est résolu par la loi sur l’énergie (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), qui supprime le plafond de 12 mégawatts et stipule que les projets éoliens aidés devront être situés dans des zones de développement éolien concentrées sur certains territoires et, comme vous l’avez rappelé, monsieur Proriol, définies au plan local. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Albert Facon. Il faut enterrer les éoliennes !

Mme la ministre de l’écologie et du développement durable. Grâce à la volonté du Gouvernement, ne vous en déplaise, une dynamique est déjà lancée. Des demandes de permis de construire pour une puissance supérieure à 3 000 mégawatts sont actuellement en cours d’instruction et près de 230 projets de parcs éoliens ont été recensés.

M. Albert Facon. C’est quoi, des mégawatts ?

Mme la ministre de l’écologie et du développement durable. Consultez le dictionnaire !

Une dynamique de développement de l’éolien est en train de se créer et, compte tenu des délais de raccordement, le cap de 2 000 mégawatts installés devrait être franchi dès 2006 et celui de 12 000 mégawatts autorisés vers 2010. Nous sommes donc optimistes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

augmentation des tarifs du gaz

M. le président. La parole est à M. François Brottes, pour le groupe socialiste.

M. François Brottes. Monsieur le premier ministre, chaque fois que l’État abandonne la gestion des entreprises publiques, il n’y a plus aucun contrôle : l’entreprise est guidée par le seul intérêt de ses actionnaires, et ce sont les Français qui trinquent ! (Approbation sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. – Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Votre méthode est maintenant connue : dans un premier temps, vous critiquez la gestion publique et cherchez des poux dans la tête du statut des personnels ; dans un deuxième temps, vous prenez des mesures purement idéologiques et engagez la privatisation, puisqu’à vos yeux seuls le privé et le marché sont performants ; dans un troisième temps, vous subissez et acceptez l’augmentation des tarifs, en expliquant aux Français qu’à chaque fois que les tarifs augmentent, il leur en coûtera moins cher. (Rires sur les bancs du groupe socialiste.) Avouez que ça sent un peu l’arnaque ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Pour la hausse colossale du prix du gaz que vous venez d’autoriser, monsieur le Premier ministre, la ficelle est énorme. D’abord, la nécessité de cette hausse est très contestable, compte tenu des contrats d’approvisionnement sur le long terme en vigueur. Ensuite, les effets sur l’activité industrielle de notre pays vont être considérables car, depuis l’accélération de l’ouverture du marché de l’énergie, les tarifs pratiqués deviennent insupportables et laissent prévoir bon nombre de délocalisations. Enfin, le pseudo-rabais qui sert de rideau de fumée à cette augmentation – 33 % en deux ans ! – est une tromperie pour ses bénéficiaires : ce n’est que reculer pour mieux sauter. Pour tous les autres, l’impact va être lourd et immédiat.

Dans le logement locatif collectif, et donc dans le logement social, dans les maisons de retraite et les hôpitaux, qui ont déjà du mal à boucler leurs fins de mois, et dans les zones rurales, où l’on se chauffe surtout au fuel et au propane, il vous faudra trouver une autre astuce.

Pour couronner le tout, monsieur le Premier ministre, le régulateur, favorable à la hausse des tarifs, dénonce l’illégalité de votre manipulation de marketing politique.

Monsieur le Premier ministre, avec cette mesure qui s’ajoute à toutes les autres augmentations des tarifs – notamment des loyers, de la santé et des déplacements – et démontre l’impact négatif de la privatisation des entreprises publiques, vous vous obstinez dans l’erreur. Ne trouvez-vous pas indécent de ne laisser à nos concitoyens, pour augmenter les dividendes des actionnaires, qu’une alternative à la hausse des tarifs : avoir froid l’hiver ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. – Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Que de démagogie, monsieur Brottes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et sur certains bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. Chers collègues, je vous prie de laisser M. le ministre répondre !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Le prix du gaz augmente : de 7 % en mai, de 13 % en novembre et de 9 % en mai suivant, soit de 30 % en un an – mais en quelle année ? Cela ne vous rappelle rien, monsieur Brottes ? C’était les 1er mai et 1er novembre 2000 et le 1er mai 2001 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Si nous ne vous avons pas critiqués alors, c’est parce que vous appliquiez une formule qui existe depuis douze ans. S’agissait-il de favoriser le grand capital, les actionnaires ? Que nenni ! (Exclamations et huées sur les bancs du groupe socialiste.) L’entreprise, alors, n’en était pas une : il s’agissait du service public.

Un peu de réalisme et de bon sens ! Il faut expliquer aux Français la situation. Évitez l’idéologie, à trois semaines d’un congrès qui s’annonce décidément difficile. Revenons-en à la réalité.

La formule qui existe depuis douze ans imposait, hélas, une augmentation mécanique de 12 %. Le Premier ministre, Dominique de Villepin, m’a demandé de prendre contact avec l’entreprise et de rechercher avec elle quelles mesures commerciales pourraient en limiter l’impact. Nous nous occupons de tous les Français, qui risquent de souffrir cet hiver de l’augmentation du prix du gaz. L’entreprise a proposé des mesures commerciales très fortes, qui permettent de lisser cette hausse durant l’hiver, pour la ramener en moyenne à 3,8 % pour l’ensemble des foyers français, avec deux garanties : pour tous les Français qui habitent dans des logements de moins de 100 mètres carrés, il n’y aura pas d’augmentation et, pour trois millions d’entre eux, il y aura même une baisse. Voilà la réalité. (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Il ne faut certes pas s’en satisfaire. J’ai donc décidé, à la demande du Premier ministre, de convoquer l’ensemble des grands acteurs du secteur gazier, pour trouver enfin avec eux une solution aux problèmes que vous n’aviez pas traités, lisser les hausses erratiques du prix du gaz et mieux préparer l’avenir, au-delà de l’hiver.

Voila la réalité, monsieur le député. De grâce, assez d’idéologie ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

indexation des loyers

M. le président. La parole est à M. Gérard Hamel, pour le groupe UMP.

M. Gérard Hamel. Monsieur le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, une majorité de nos concitoyens sont locataires de leur logement. Chaque année, les bailleurs peuvent réévaluer les loyers des logements dont ils sont propriétaires. Cette révision est subordonnée à des règles strictes : elle ne peut excéder la variation de la moyenne sur quatre trimestres de l’indice de l’INSEE du coût de la construction, l’indice de référence étant celui qui est prévu au bail ou, à défaut, le dernier indice du coût de la construction connu lors de la signature du contrat de location. Or, depuis plusieurs années, cet indice a très fortement augmenté, ce qui s’est traduit par de fortes hausses des loyers, ces derniers augmentant de 10 % en trois ans.

Face à cette situation, vous avez envisagé de mettre en place un nouveau mode de calcul de l’indexation annuelle des loyers.

Pouvez-vous nous préciser quand ce nouveau mode de calcul entrera en vigueur et comment il permettra de protéger les intérêts des locataires sans léser ceux des propriétaires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur le député, vous avez raison : l’indice du coût de la construction – l’ICC –, qui permet de réévaluer les loyers, est fondé pour l’essentiel sur le coût de la construction. Certains événements extérieurs affectant notamment le ciment ou le pétrole, en augmentant le coût de construction, provoquent une inacceptable flambée des loyers.

La loi récemment votée a modifié cet indice pour y intégrer dans une large mesure l’indice des prix à la consommation, hors alcool, tabac et logement. Cet indice, composé pour 60 % de ce nouvel indice des prix, pour 20 % de l’ancien ICC et pour 20 % de l’indice d’entretien des logements, sera applicable à compter du 1er juillet 2006. Il a fait l’objet d’une concertation entre les représentants des locataires et ceux des propriétaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

recul du chômage

M. le président. La parole est à M. Henri Houdouin, pour le groupe UMP.

M. Henri Houdouin. Monsieur le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, selon les derniers chiffres publiés, le chômage a reculé pour le sixième mois consécutif. Le nombre de demandeurs d’emploi a, en effet, diminué de 0,9 % en septembre,…

M. Paul Giacobbi. Toutes les banlieues sont satisfaites !

M. Henri Houdouin. …ramenant le taux de chômage à 9,8 % de la population active, ce qui représente 22 000 chômeurs de moins qu’à la fin du mois d’août. Cette confirmation de la tendance observée depuis six mois est une bonne nouvelle pour le Gouvernement et pour notre majorité, qui ont fait de la lutte contre le chômage leur priorité.

Ces résultats démontrent que la politique active que vous menez en faveur de l’emploi a des effets structurels sur le chômage et que toutes les mesures prises par le Gouvernement dans le cadre de la loi de cohésion sociale et du plan d’urgence pour l’emploi concourent à la décrue du chômage – c’est notamment le cas de la formation professionnelle des jeunes par l’apprentissage, de l’accompagnement personnalisé des demandeurs d’emploi, du contrat « nouvelles embauches » ou du chèque destiné à faciliter l’embauche dans les très petites entreprises.

Malgré ces résultats encourageants, il faut poursuivre sans relâche dans ce sens, notamment en matière de lutte contre les délocalisations, qui pèsent fortement sur nos régions en termes d’emploi – je pense, par exemple, aux 1 000 salariés touchés à Laval, dans la circonscription dont je suis l’élu.

Quelle impulsion entendez-vous donner, monsieur le ministre, sur cette question ? Pouvez-vous nous confirmer cette tendance du chômage et nous faire connaître votre analyse de ces deux questions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur Houdouin, la baisse du nombre de chômeurs, pendant six mois consécutifs, est le résultat de la combinaison d’une politique active de l’emploi et de divers facteurs, comme le fait de recevoir plus fréquemment les demandeurs d’emploi – tous les mois au bout de quatre mois –, les recrutements par simulation et toutes les mesures du plan d’urgence pour l’emploi, les contrats « nouvelles embauches », les dispositions en faveur des très petites entreprises, qui visent à libérer les énergies, les contrats de professionnalisation, les contrats d’apprentissage et les contrats d’initiative emploi.

En outre, cette évolution crée de la confiance. Ainsi, le ministre de l’économie rappelait récemment que la France est en situation de connaître une croissance supérieure à celles de la Grande-Bretagne et de l’Allemagne, ses partenaires européens les plus proches.

La combinaison d’une politique active de l’emploi et du retour de la confiance et de la croissance nous permet de supposer mois après mois – et certes très prudemment – un retournement durable de la situation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

Loi de financement
de la sécurité sociale pour 2006

Explications de vote et vote sur l’ensemble
d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l’ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 (n°2575, 2609).

Avant de passer aux explications de vote, je donne la parole à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, l’Assemblée nationale va procéder au vote solennel du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006. Les discussions ont été riches ; le texte a été modifié par l’adoption de 101 amendements ; le débat a conforté les réformes que nous mettons en œuvre.

En effet, après la réforme des retraites, après la réforme de l’assurance maladie, ce projet de loi de financement témoigne de notre attachement à la sécurité sociale, dont nous célébrons cette année le soixantième anniversaire. C’est bien à partir des principes originels de ce système – la solidarité et la responsabilité – que nous avons conçu ce projet, qui tient aussi compte du nouvel horizon de notre système de santé : l’amélioration de la qualité et la sécurité des patients.

Tout d’abord, s’agissant de la solidarité, nous avons voulu la renforcer au cœur de notre système de santé. Je ne prendrai qu’un exemple : l’aide à la complémentaire santé, singulièrement renforcée avec une aide augmentée de 60 % pour les personnes de plus de soixante ans, sachant que 2 millions de Français peuvent bénéficier du dispositif qui est soumis à votre approbation. Comme le rappelait Philippe Bas lors de la présentation de ce texte, la mise en œuvre prévue par le projet de loi de financement de la sécurité sociale est ambitieuse en ce qui concerne le soutien aux familles, aux personnes handicapées et aux personnes âgées dépendantes. Ainsi, les crédits de l’assurance maladie sont en augmentation de 9 % pour les maisons de retraite et les services médico-sociaux destinés aux personnes âgées dépendantes ; augmentation qui atteint même 14 % en tenant compte de l’apport de la Caisse nationale pour la solidarité et l’autonomie. Pour les personnes handicapées, l’augmentation des moyens est de 5 %, et même de 6,16 % avec l’apport de la CNSA. Les amendements présentés sur les branches vieillesse et famille ont sensiblement contribué à améliorer le texte, tout en confortant nos ambitions.

Il y a aussi les grandes priorités de santé publique, qui se trouvent réaffirmées avec la présentation de ce texte. L’assurance maladie participe de notre effort de santé publique, apportant sa contribution aux grands plans de lutte contre le cancer, contre le SIDA et contre la maladie d’Alzheimer. Je tiens à cet égard à saluer l’effort supplémentaire qui est accompli avec l’adoption de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Ensuite, il y a la responsabilité.

La responsabilité qui est la nôtre, c’est d’atteindre un objectif important, ambitieux : la réduction de 25 % des déficits de la sécurité sociale pour la fin de l’année 2006. Car nous voulons pérenniser notre système pour relever les défis, liés notamment à l’allongement de la durée de vie. Grâce à l’application de l’ensemble des mesures figurant dans ce projet de loi, le déficit du régime général passera de 11,9 milliards d’euros fin 2005 à 8,9 milliards d’euros fin 2006. Nous avons besoin de réaliser ces objectifs parce que nous avons tous envie de conforter l’avenir de la sécurité sociale. Toutes ces mesures, toutes ces dispositions viennent conforter la réforme de l’assurance maladie engagée l’an dernier, avec d’ores et déjà des premiers résultats : un déficit pour la seule branche maladie de 8,3 milliards d’euros, contre 16 milliards d’euros qui étaient prévus si nous n’avions pas réalisé cette réforme. Celle-ci se met en place grâce à l’engagement de tous, des professionnels de santé comme des 32 millions de Français qui ont d’ores et déjà choisi leur médecin traitant.

Mais nous avons aussi fait le choix cette année de demander un effort à l’industrie du médicament et également, dans une moindre mesure, aux organismes complémentaires. Car les efforts engagés par les Français depuis l’an dernier sont au rendez-vous, et nous avons pensé que d’autres acteurs pouvaient eux aussi contribuer à la réussite de cette réforme.

Enfin, il y a l’exigence de qualité et de sécurité.

Le parcours de soins coordonnés est aujourd’hui une réalité qui va nous permettre de montrer que remplir son formulaire de médecin traitant, ce n’est pas une formalité, c’est le choix d’un processus qui allie la coordination et la qualité des soins. L’hôpital a envie et besoin de se moderniser en étant mieux géré, en étant mieux organisé en son sein mais également entre les différents établissements. Grâce à ce PLFSS, nous poursuivons les réformes initiées dans le plan Hôpital 2007 par la réforme de la tarification, la promotion d’une nouvelle gouvernance, des investissements dont l’hôpital a besoin. Je n’ignore ni le défi considérable que représente la mise en œuvre de ces réformes, ni la situation financière de certains établissements de santé, qui demande avant tout de la lisibilité. C’est pourquoi nous accompagnons ces établissements dans leurs efforts, avec des moyens consacrés à l’hospitalisation en progression de plus de 2 milliards d’euros pour cette année 2006.

Démographie médicale et équité territoriale sont aussi au rendez-vous de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale grâce aux marges de manœuvre nouvelles que nous sommes aujourd’hui en mesure de mettre en place.

Les discussions ont témoigné de l’attachement de tous à l’égal accès aux soins sur l’ensemble du territoire, ainsi que de la conscience de la nécessité de promouvoir de nouvelles formes d’exercice de la médecine, notamment en groupe. Vous savez que ces dispositions seront complétées, au début de l’année prochaine, par de nouvelles mesures ambitieuses et pragmatiques concernant la démographie médicale. Vous avez également adopté deux amendements importants qui amplifient notre action. Je salue le fait que l’amendement du Gouvernement ait été adopté à l’unanimité. J’en remercie l’ensemble des parlementaires siégeant sur tous les bancs car ce vote accordant une rémunération forfaitaire à des professionnels de santé qui exercent dans des zones déficitaires va leur permettre de mieux répondre aux besoins de la population.

M. Jean-Marie Le Guen. Très bien !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Il n’y a pas de fatalité à voir des déserts médicaux se constituer. Le dispositif que nous avons mis en place va permettre à l’assurance maladie et aux partenaires conventionnels de trouver les bonnes solutions, sans que l’acte en question coûte plus cher aux assurés sociaux, et en faisant en sorte qu’il soit toujours remboursé de la même façon.

Je voudrais aussi souligner les amendements présentés sur l’adaptation du dispositif du médecin traitant à l’exercice en groupe, notamment en faveur des jeunes médecins.

Par ailleurs, en ce qui concerne la retraite des professions de santé, je vous dis ma satisfaction devant la manière dont l’article sur l’ASV a été amélioré en réaffirmant le principe du double financement par les caisses et par les professionnels.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour les recettes et l’équilibre général. Très bien !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Nous avons choisi, concernant le médicament, de le payer à son plus juste prix, en privilégiant aussi les médicaments innovants, sachant que l’an dernier, comme chaque année, nous avons admis au remboursement pour plus d’un milliard d’euros de nouveaux médicaments innovants.

Vous avez aussi bien voulu adopter l’amendement, déposé par le Gouvernement, instaurant une période transitoire de remboursement à 15 % sur les médicaments dont la Haute Autorité de santé a estimé que le SMR était insuffisant. Je tiens à souligner que vous avez également amélioré les modalités de prescription des médecins en adoptant l’amendement qui améliore la prescription en DCI – dénomination commune internationale – grâce aux nouvelles missions de la Haute Autorité de santé.

La sécurité sociale, mesdames, messieurs les députés, n’est pas encore complètement guérie, mais elle va mieux (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains), et elle va continuer à aller mieux, année après année.

M. Maxime Gremetz. C’est un traitement de choc !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Nos objectifs, c’est avant tout dépenser mieux pour soigner mieux, afin de pouvoir valoriser et surtout pérenniser notre système de santé et notre système de protection sociale. Tel est le sens de notre action. Nous y sommes tout à fait déterminés, et nous sommes en train de réussir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous en venons aux explications de vote.

Explications de vote

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Marie Le Guen. Mes chers collègues, indiscutablement, ce débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale aura marqué un temps important puisque nous avons tous constaté et reconnu l’échec du plan Douste-Blazy.

Échec d’abord parce que les déficits annoncés – je ne parle même pas des déficits réalisés – de l’assurance maladie et de la sécurité sociale sont confirmés, que l’équilibre est reporté, en une année, d’au moins deux ans. Ce qui était le but premier de ce plan, à savoir revenir à l’équilibre en 2007, est d’ores et déjà abandonné.

M. Michel Liebgott. Eh oui !

M. Jean-Marie Le Guen. Mais la dimension financière de l’échec n’est pas la seule à prendre en compte, monsieur le ministre. Vous-même êtes intervenu sur plusieurs sujets, marquant indiscutablement une rupture – appelée de nos vœux – avec la politique de votre prédécesseur. Je veux donc exprimer ici quelques points positifs, avant de souligner quelques motifs d’insatisfaction.

Je suis effectivement plutôt satisfait que vous ayez rompu avec le discours dogmatique sur la médecine libérale en laissant entendre que, dans les zones désertifiées au plan médical, il faudra intervenir à travers le forfait et pas simplement par le paiement à l’acte. Nous vous l’avions demandé dans le débat sur la loi relative à l’assurance maladie. À l’époque, aux côtés de Douste-Blazy, vous le refusiez.

Nous avions appelé votre attention, depuis plusieurs années, sur les difficultés des réformes que vous prétendiez engager à l’hôpital. Par exemple, nous espérions nous aussi faire appliquer à l’hôpital la T2A, mais nous étions très inquiets des conditions de sa mise en application. Vous avez reconnu vous-même que l’année 2005 était tout sauf une année très claire en matière de financement de l’hospitalisation – c’est une litote – et vous vous êtes engagé à mettre un peu d’ordre dans ces problématiques de financement par la tarification à l’activité.

Nous vous avions dit que l’hôpital public ne supporterait la perspective d’une convergence à marche forcée avec le privé (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), avec le risque de graves privatisations. Si je vous ai bien compris, vous nous avez dit que, sur la convergence, il fallait réfléchir à deux fois avant d’avancer.

S’agissant du médicament, au moment de la réforme de l’assurance maladie, nous vous avions interpellé fortement pour dire qu’il fallait que la place de l’industrie du médicament et du médicament lui-même soit profondément revue dans notre système de soins.

Le sens de vos aménagements nous interpelle. Il aurait fallu agir plus tôt, et prendre des mesures plus structurantes : les vôtres sont tardives, brutales, et seulement financières. Quoi qu’il en soit, vous vous avisez enfin que la place du médicament est exagérée dans notre système. Nous en prenons acte.

Voilà pour les points positifs, qui ne suffisent toutefois pas à faire oublier que vous êtes le seul ministre de la santé à avoir signé le décret sur l’aide médicale d’État. Chacun connaît les problèmes de fonctionnement et de santé publique qui en découleront pour nos hôpitaux, sans parler des injustices à prévoir.

Malgré vos déclarations, vous n’avez malheureusement pas su, dans les arbitrages interministériels, faire accepter le transfert de certaines ressources liées à l’alcool et au tabac vers la sécurité sociale. Lorsque c’est le cas, ces ressources sont imputées sur les dettes de l’État : ce n’est pas de l’argent supplémentaire, mais de l’argent qui se substitue aux dettes de l’État envers la sécurité sociale.

Parmi toutes les mesures que nous déplorons, il y a celle du forfait de 18 euros. L’opinion publique, les organisations syndicales, les caisses de l’assurance maladie – qui ont voté contre votre texte –, la Mutualité française, les assureurs, se sont émus de cette mesure. Tout le monde est vent debout contre cette injustice, qui est surtout un premier pas vers la privatisation ! Le risque lourd est en effet désormais assumé à la fois par la sécurité sociale – comme vous l’avez déclaré – et par les assurances complémentaires. Les Français doivent savoir qu’ils ne seront plus remboursés pour les soins les plus graves s’ils ne souscrivent pas une assurance privée.

Vous vous réclamez des mesures financières de la réforme Fillon, mais, faute de l’abonder suffisamment, vous ne pérennisez pas le financement du fonds de réserve des retraites, pourtant essentiel à l’équilibre futur des régimes de retraite.

Quant à la famille, outre que vous reculez sur les prestations que vous leur aviez promises, vous privez de CMU 60 000 familles au RMI, du fait du nouveau mode de calcul du forfait logement, comme s’il ne vous suffisait pas de ne pas avoir honoré votre promesse à l’égard des 300 000 enfants dont les familles vivent au-dessous du seuil de pauvreté, et qui sont encore exclus de la CMU.

Telle est la réalité sociale : nous en mesurerons les effets dévastateurs dans quelques mois ! Vous vous étonnez aujourd’hui que les banlieues se révoltent. Ce sont pourtant les conséquences de votre politique sociale injuste. Malgré vos beaux discours, la vie est en réalité de plus en plus difficile pour les plus défavorisés dans notre pays. ((Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour le groupe UDF.

M. Jean-Luc Préel. Nous allons donc dans quelques instants nous prononcer sur la loi de financement de la sécurité sociale, sur la somme considérable de 373 milliards d’euros, destinée à financer les retraites, les politiques familiales et de santé du pays.

Le contexte, cette année, est bien particulier : cette loi survient après la réforme des retraites de 2003, de l'assurance maladie de 2004 et la nouvelle loi organique votée en juillet dernier.

Où en sommes-nous ? Notre protection sociale est-elle sauvée ? Allons-nous vers l'équilibre financier promis en 2007 ? Hélas, non !

Tout le monde s'était accordé à qualifier le déficit de 2004 d'historique. Or, l'histoire se répète, car le déficit de 2005 est au même niveau : 11,9 milliards. Mais, innovation fâcheuse, cette année, les quatre branches sont déficitaires. De plus, il conviendrait logiquement d'y associer le FSV pour 2 milliards, mais surtout le FFIPSA – le régime agricole – qui a un besoin de financement de 7 milliards et que vous semblez vouloir financer par une ligne de trésorerie de 7 milliards également. Philippe Séguin a donc raison lorsqu'il dit, avec une grande tristesse, que la protection sociale n'est plus financée. Cela aurait dû d'ailleurs être pire, car si l'assurance maladie a réduit son déficit de 3 milliards, elle le doit à 4,6 milliards de recettes nouvelles. Il n'est pas possible de continuer dans cette voie, et de faire peser le financement sur les générations à venir, sur nos enfants et nos petits-enfants.

Cette loi de financement pour 2006 n'est pas sincère.

M. Maxime Gremetz. C’est le mot !

M. Jean-Luc Préel. En effet, les recettes sont surestimées, calculées sur des prévisions de croissance auxquelles personne ne croit. Les dépenses sont quant à elles sous-estimées, en particulier l'agrégat « soins de ville » de l'ONDAM, qui prévoit une croissance globale de 0,9 % et une enveloppe « prescriptions » en diminution de 3,3 %. Est-ce crédible ? Pour espérer l'obtenir, vous rompez avec la politique contractuelle avec l'industrie, mettant en péril la recherche, la production et donc l'emploi.

Chacun est-il pour autant satisfait ? Hélas, non ! Tous les secteurs de la santé restent en effet en crise. Le questionnaire que l'UDF a adressé aux médecins montre bien leur grand scepticisme : seuls 14 % des 14 000 qui ont répondu estiment qu'il s'agit d'une bonne réforme. Le parcours de soins prévu est d'une rare complexité et met en œuvre une réelle médecine à plusieurs vitesses.

M. Maxime Gremetz. Il fallait le faire !

M. Jean-Luc Préel. Après l'euro prélevé à chaque consultation, après l'augmentation du forfait journalier, vous proposez une franchise de 18 euros pour tous les actes dépassant 91 euros. Il s'agit d'une mesure purement comptable et non d'une mesure de santé publique, ce que nous dénonçons.

Alors que notre système de soins est trop orienté vers le curatif, vous avez refusé le vote d'une ligne individualisée pour la prévention et l'éducation à la santé. Mais avec le vote des sous-objectifs, vous accusez la séparation entre ville et hôpital, entre le sanitaire et le médico-social, séparations pourtant tellement décriées. L’UDF souhaite pour sa part des enveloppes régionales fongibles.

Le secteur hospitalier connaît aujourd'hui de graves difficultés et une triple crise : une crise morale concernant ses missions et son besoin de reconnaissance, une crise organisationnelle, que ne règle pas la nouvelle gouvernance, et une crise financière. Les trois quarts des établissements sont en déficit. À cause des multiples forfaits, coefficients, etc., jamais les budgets n'ont été aussi complexes, aussi technocratiques, aussi tardifs qu'en 2005. Au bout du compte, la T2A s'apparente aux lettres clés flottantes : lorsque l'activité augmente, le taux diminue. La belle affaire !

Pour la retraite, maintiendrez-vous le pouvoir d'achat des retraités ?

M. Maxime Gremetz. Bien sûr que non !

M. Jean-Luc Préel. Il ne semble pas. En effet, vous prévoyez une augmentation de 1,8 % alors que l'inflation sur un an est de 2,2 %. Vous poursuivez la politique des soultes pour adosser les régimes spéciaux au régime général. Si ce système permet de diminuer la dette de l'État, il fait payer au contribuable ou au consommateur les avantages de ces régimes, dont l'UDF avait demandé la mise en extinction.

En conclusion, cette loi de financement innove. Pour la première fois, les quatre branches sont déficitaires. Les conseils d'administration des caisses ont tous émis un avis défavorable. Cette loi ne nous paraît pas sincère. Elle prévoit de nouveaux déremboursements et l'instauration d'une franchise de 18 euros qui contrevient gravement au principe de solidarité et conforte l’évolution vers une médecine à plusieurs vitesses que l'UDF ne souhaite pas cautionner. C'est pourquoi les députés UDF ne voteront pas cette loi de financement de la sécurité sociale pour 2006. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française. – Murmures sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Avant de donner la parole aux deux derniers orateurs inscrits dans les explications de vote, je fais annoncer le scrutin dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

Mme Jacqueline Fraysse. Soixante ans après la création de cette formidable innovation qu'est la sécurité sociale…

Plusieurs députés de l’Union pour un mouvement populaire. Créée par de Gaulle !

Mme Jacqueline Fraysse. …jamais ses fondements n'ont été autant mis à mal. Ses principes de solidarité, d'universalité et de démocratie sociale ont été malmenés tout au long de nos débats.

Plusieurs députés de l’Union pour un mouvement populaire. Par la gauche !

Mme Jacqueline Fraysse. Ce premier PLFSS issu de la loi organique traduit également de façon absolue l'échec de vos réformes. Du point de vue du financement tout d'abord, car, pour la première fois – c'est historique, et cela vient d’être rappelé –, toutes les branches sont déficitaires. Du point de vue de la couverture de base ensuite, car « le reste à charge » pour les assurés, qui a déjà progressé de 3,1 % en 2005, augmentera encore de 4,5 % l'année prochaine selon la FNMF.

Ce texte a seulement le mérite de mettre en lumière, pour ceux qui en doutaient encore, vos véritables intentions : réduire toujours et encore la prise en charge obligatoire de base. Ainsi, depuis trois ans, vous avez multiplié les « coups de canif » contre notre système solidaire, faisant supporter l'essentiel des économies par le porte-monnaie des assurés sociaux : pour ces derniers, la hausse de la taxe sur les organismes complémentaires, qui sera payée au final par les adhérents, représente 750 millions ; la nouvelle classe remboursée à 15 % pour les veinotoniques, 150 millions. Le déremboursement de 156 médicaments entraînera un report de 130 millions à la charge des familles, qui paieront de surcroît 100 millions au titre de la hausse du forfait hospitalier. Les actes de prévention qui vont devoir être pris en charge par les mutuelles s'élèvent à 300 millions… Au total, c’est 1,6 milliard de dépenses nouvelles qui sont supportées par les assurés.

À cette charge s'ajoute la franchise de 18 euros !

M. Maxime Gremetz. C’est scandaleux !

Mme Jacqueline Fraysse. Cette franchise est un fait sans précédent qui donne le « coup de grâce » au principe historique de la sécurité sociale selon lequel la prise en charge à 100 % des actes lourds et coûteux est un droit absolu pour tous. De surcroît, vous y mettez fin de la façon la plus scandaleuse, sans aucune concertation ni le moindre scrupule. Tel est le sort réservé aux assurés.

Du côté des entreprises, on compte les 400 millions d’euros de hausse de la cotisation sur les accidents du travail, les 70 millions de la taxe sur la C3S et les 50 millions procurés par la taxe, revue à la baisse, sur les industries pharmaceutiques. Total : 750 millions d’euros ! C’est moins de la moitié de ce que vont supporter les assurés.

Vos comptes, monsieur le ministre, apportent la preuve du caractère inéquitable de votre politique et de vos projets ! Incontestablement, le champ d'intervention des assurances privées s'élargit. Par ailleurs, vous n'avez apporté aucune réponse satisfaisante sur l'hôpital. Alors que plus de 70 % des établissements publics de santé sont endettés, vous n'avez entendu ni les personnels, ni les professionnels de santé, ni les élus locaux qui s'inquiètent du devenir de l'hôpital. Au contraire, vous poursuivez implacablement la mise en oeuvre de la T2A qui provoque sa faillite. Cette situation va inévitablement s'aggraver à cause de la convergence entre public et privé, qui ignore totalement la spécificité de notre service public hospitalier par rapport aux structures commerciales. L'universalité de l'accès aux soins de qualité est profondément remise en cause par cette vision mercantile de l'activité hospitalière.

Enfin, nous sommes indignés du traitement réservé à la branche accidents du travail et maladies professionnelles. Aucun enseignement n'est tiré des différents rapports parus sur cette question et qui pointent tous, sans exception, la nécessité d'améliorer la reconnaissance des maladies professionnelles et l'indemnisation des victimes. Aucune amélioration du fonctionnement du FIVA n'a été engagée ; aucun élargissement du droit à la cessation anticipée d'activité pour les victimes de l'amiante n'a été accepté pour certaines professions, malgré l'évidence de leur exposition à ce terrible « poison ».

Vous vous entêtez à esquiver la question cruciale du financement, indispensable au maintien de notre système solidaire de sécurité sociale. Vous êtes plus prompts à satisfaire les actionnaires des grands groupes et les contribuables assujettis à l'ISF (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) qu'à réformer la cotisation sociale patronale ou à mettre à contribution les revenus financiers spéculatifs, qui échappent à la solidarité nationale. Par ce refus de moderniser le mode de financement, vous entretenez manifestement ce fameux « trou » de la sécurité sociale dont vous vous servez pour mieux la livrer aux lois du marché. (Mêmes mouvements.)

Pour toutes ces raisons, et parce que ses dispositions non seulement ne règlent rien mais avivent notre inquiétude quant à l'avenir de notre protection sociale, nous voterons contre votre texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.– Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel, pour le groupe UMP.

M. Philippe Vitel. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, comme chaque année, la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale a été l’occasion d’un débat riche et vigoureux, mais aussi très constructif.

Bien sûr, selon les bancs où nous siégeons, nous ne partageons ni les mêmes visions, ni les mêmes convictions, ni le même courage à affronter un dossier aussi difficile. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Mais la faiblesse des arguments de l’opposition, son incapacité à nous présenter des solutions alternatives, ses commentaires et ses critiques pleins de contrevérités et d’approximations, et empreints de démagogie (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) nous amènent à penser que nous sommes sur la bonne voie, la voie d’un retour à l’équilibre de notre système, grâce à notre démarche volontariste d’amélioration de la qualité des soins et de responsabilisation des acteurs. C’est la seule méthode qui vaille si nous voulons pérenniser notre système original de protection sociale, que les Français plébiscitent depuis soixante ans et que le monde entier nous envie.

Ainsi, c’est un budget de 373 milliards d’euros que nous allons voter dans quelques minutes. Bien que le redressement des comptes de la branche maladie ne suffise pas à compenser la dégradation du solde des autres branches, c’est un ONDAM rigoureux et réaliste qui est retenu pour 2006. Il est en totale cohérence avec les objectifs que nous nous sommes fixés lorsque nous avons courageusement réformé l’assurance maladie.

Fixer aujourd’hui un ONDAM à 2,7 % à périmètre constant, c’est envisager un objectif de déficit de la branche maladie de 6,1 milliards en 2006, contre 8,3 en 2005 et – rappelons-le – 11,6 en 2004. N’oublions jamais qu’il serait de 16 milliards d’euros si nous n’avions pas fait cette réforme ô combien nécessaire de l’assurance maladie. Ah ! si nos prédécesseurs avaient eu ce courage, nous ne serions pas obligés de demander aujourd’hui tant d’efforts à tous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Mais le courage n’a jamais été leur fort et le sens de la prospective non plus ! (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Le PLFSS 2006 renforce l’effort demandé à ces acteurs de santé majeurs que sont l’industrie du médicament (« Oh ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains) et les organismes complémentaires. Nous en sommes conscients mais ils savent tous que l’investissement qui leur est demandé aujourd’hui sera récompensé, demain, par des résultats positifs.

Le texte initial a été largement amendé par la représentation nationale. Je ne citerai que les principales modifications adoptées : augmentation de la contribution au plan « autistes », application du régime social de l’intéressement à un bonus exceptionnel de 1 000 euros accordé aux salariés, exclusion des médicaments orphelins de la taxe sur le chiffre d’affaires de l’industrie pharmaceutique, amélioration du dispositif de mise en œuvre du nouveau formulaire ALD, modulation des aides aux professionnels libéraux exerçant dans des zones déficitaires, confirmation des objectifs de convergence entre les hospitalisations publique et privée, amélioration des dispositifs de soins palliatifs à domicile, précisions sur le contenu des « contrats responsables », attachement à l’esprit conventionnel dans le cadre de la réforme des régimes d’assurance sociale vieillesse des professionnels de santé, aménagement du complément de libre choix d’activité et réforme de l’allocation de présence parentale.

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, enrichi de notre contribution, permettra demain, nous en sommes certains, que soit pérennisé notre système libre, universel, solidaire et juste – qualités qui lui permettent de s’adapter depuis soixante ans aux évolutions de notre société.

À cet égard, monsieur le ministre, nous avons grandement apprécié que, en réponse à un amendement proposé par le groupe UMP, vous vous engagiez à mettre en place un groupe de réflexion et de travail, destiné à une prospective sur les moyens de financement de l’assurance maladie.

Messieurs les ministres, ce texte répond, je le répète, à notre souci de pérenniser ce système que les Français aiment tant et depuis si longtemps, et qui a offert à plusieurs générations, de façon magistrale, une couverture sociale. C’est donc avec enthousiasme et détermination que le groupe UMP votera ce PLFSS. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Vote sur l'ensemble

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’ensemble du projet de loi.

……………………………………………………………

M. le président. Le scrutin est ouvert.

……………………………………………………….……

M. le président. Le scrutin est clos.

Voici le résultat du scrutin :

L'Assemblée nationale a adopté le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à dix-sept heures dix, sous la présidence de M. Maurice Leroy.)

PRÉSIDENCE DE M. MAURICE LEROY,
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Loi de finances pour 2006

DEUXIÈME PARTIE

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2006 (n°s 2540, 2568).

Sécurité ; sécurité civile

M. le président. Nous abordons l’examen des crédits relatifs à la sécurité et à la sécurité civile.

La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire, madame la ministre de la défense, chers collègues, c’est par la mission sécurité et sécurité civile que nous allons « inaugurer » la nouvelle loi organique. Avant que ne commence cet examen, je souhaite, au nom de la commission des finances et de la mission d’information sur la loi organique, coordonnée par Michel Bouvard, appeler votre attention sur le caractère précisément non conforme à la LOLF de la mission sécurité. Mais il s’agit d’un problème purement technique.

Il me paraît particulièrement difficile d’engager nos premiers débats sur une mission dont la structure n’est pas conforme au texte de la LOLF. En effet, cette mission est incomplète puisqu’une partie significative des moyens de la gendarmerie nationale n’y figure pas. Il s’agit de la totalité des crédits consacrés à l’immobilier – loyers et crédits d’infrastructures – et d’une partie des crédits d’informatique. Ces crédits sont intégrés au programme « soutien des politiques de la défense » de la mission défense. Ils représentent un total de 602 millions d’euros qui, au sein des crédits de soutien, relèvent exclusivement de l’action de la gendarmerie. Selon le chiffrage de notre collègue rapporteur Marc Le Fur, ces crédits correspondent à 42 % des dépenses de la gendarmerie, hors crédits de personnels.

Cette décomposition des crédits de la gendarmerie, répartis en deux programmes, me semble contraire à la LOLF. En effet, son article 7 dispose qu'une mission « comprend un ensemble de programmes concourant à une politique publique définie », et qu'un programme doit regrouper « les crédits destinés à mettre en œuvre une action».

Dès lors, la mission sécurité doit englober l'ensemble des crédits concourant à la politique de sécurité, et le programme « gendarmerie nationale » doit regrouper l'ensemble des crédits destinés à mettre en œuvre les actions de la gendarmerie.

Cette non-conformité à la LOLF a été relevée dans leurs rapports par tous les rapporteurs de la mission sécurité. Pour la commission des finances, notre collègue Marc Le Fur a estimé ce rattachement contraire à la lettre et à l'esprit de la LOLF. Pour la commission des lois, Gérard Léonard a estimé, pour les mêmes raisons, que ce rattachement était regrettable et contestable, et qu'il provoquait une totale incompréhension sur le terrain.

Pour ma part, j’ajoute que le rattachement de l'ensemble des crédits de la gendarmerie au programme « gendarmerie nationale » ne traduirait en rien la perte du statut militaire de la gendarmerie, puisque la mission sécurité est et restera une mission interministérielle et que c’est bien le ministre de la défense qui restera en tout état de cause chargé de ce programme. Ce rattachement est en revanche essentiel pour que la mission sécurité soit complète et pour que la responsabilité du programme soit réelle.

C’est pourquoi je demande solennellement au Gouvernement – que je remercie par avance – de bien vouloir déposer un amendement afin de répondre au souhait de la commission des finances, de la mission d’information sur la loi organique et de mes collègues rapporteurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la défense.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Le problème du rattachement des crédits d’informatique et d’infrastructures de la gendarmerie a été discuté l’an dernier. J’ai rencontré depuis un grand nombre de parlementaires, dont le rapporteur général du budget, qui estiment qu’il nécessite, certes, des discussions de fond, mais n’a aucun caractère d’urgence.

Pourquoi y a-t-il une grande logique à rattacher ces crédits aux crédits similaires des autres armées ? Pas seulement en raison du caractère militaire de la gendarmerie, mais aussi – et je ne doute pas, monsieur le président de la commission des finances, que vous soyez sensible à un tel argument – par un souci d’économie. Un tel rattachement permet en effet la mutualisation des efforts entrepris en ce domaine par la gendarmerie et les trois armées, notamment à travers un service d’infrastructure unique et un service informatique unique.

Ce choix d’économie me paraissait dans la logique de la LOLF. J’ai bien compris, toutefois, qu’il pouvait entraîner certaines incompréhensions et paraître heurter, sinon l’esprit de la loi organique, du moins une certaine conception de l’organisation des crédits. C’est la raison pour laquelle, quitte à privilégier la logique au détriment des économies, le Gouvernement a décidé de présenter un amendement de rattachement de ces crédits à la mission « sécurité ». (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, vice-président de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

M. Michel Bouvard, vice-président de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan. Un tel rattachement, madame la ministre, n’est pas incompatible avec la réalisation d’économies : non seulement le ministère de la défense reste compétent, mais il est toujours possible que le responsable d’un autre programme exerce un mandat de gestion sur ces crédits. De plus, en répondant à la nécessité d’évaluer tous les coûts d’une politique, il est conforme à l’esprit de la LOLF. Dans la mesure où le programme « police » de la mission « sécurité » intègre les crédits consacrés à l’informatique et à l’immobilier, il est logique d’avoir la même structuration au niveau du programme « gendarmerie ». Il s’agissait, en tout état de cause, d’une revendication ancienne de la mission d’information sur la loi organique, faisant l’unanimité des quatre groupes politiques.

C’est pourquoi je salue l’avancée constituée par l’amendement du Gouvernement dont nous venons de prendre connaissance. Les députés, en effet, n’ont pas la possibilité de regrouper des crédits relevant de deux missions différentes. Le Gouvernement répond donc pleinement à leurs attentes.

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan, pour la sécurité.

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan, pour la sécurité. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, madame la ministre, mes chers collègues, nous participons à une première. Pour la première fois, en effet, nous examinons et nous voterons concomitamment deux budgets, celui de la police et celui de la gendarmerie, rassemblés dans une même mission interministérielle.

M. Maxime Gremetz. C’est historique !

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial pour la sécurité. Deux budgets, deux ministres, …

M. Maxime Gremetz. Bientôt un seul, peut-être !

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial pour la sécurité. …mais un même objectif, servi par deux grands corps de l’État, la police et la gendarmerie, ayant chacun son statut, son histoire, son organisation, ses usages. Cet examen commun nous permettra de comparer leur action et de les associer dans la recherche de certains objectifs et la réalisation de certains travaux.

J’examinerai ce budget en tentant de répondre à quatre questions. Sommes-nous au rendez-vous de la LOLF ? Sommes-nous au rendez-vous de la LOPSI, adoptée en 2002 ? Au rendez-vous de l’efficacité et de l’efficience ? Et à celui de la nécessaire réforme de l’État ?

M. Maxime Gremetz. Que de questions !

M. Jean-Pierre Blazy. Mais de bonnes questions !

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial pour la sécurité. Premièrement, nous sommes indiscutablement au rendez-vous de la loi organique relative aux lois de finances. Les propos que vous venez de tenir, madame la ministre, m’ôtent à cet égard tout sujet de critique. Les dispositions de la LOLF permettent plus de transparence, plus de responsabilité, un contrôle parlementaire accru. Elles font bénéficier les députés et l’opinion d’une meilleure information. En effet, au sein de chaque programme sont définies des actions – sécurité routière, police judiciaire, par exemple –, c’est-à-dire des objectifs. L’opinion apprendra ainsi avec intérêt que la sécurité routière ne mobilise que 7,5 % des policiers et 12 % des gendarmes. Pourtant, dans l’imagination d’une partie de la population, l’essentiel des policiers et des gendarmes sont affectés à la répression des infractions routières.

M. Maxime Gremetz. En effet, ils sont nombreux à penser cela !

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial pour la sécurité. Inversement, l’action « police judiciaire » mobilise des effectifs tout à fait conséquents : 27 % des policiers et 23 % des gendarmes se consacrent à l’objectif de confondre les délinquants, ce qui va bien au-delà des services spécialisés.

Vous avez levé, madame la ministre, la seule incertitude qui planait sur ces crédits. L’adoption de deux amendements – le premier, dès ce soir, pour inscrire des crédits dans la mission « sécurité », le second les supprimant dans la mission « défense » – permettra de rassembler dans le programme « gendarmerie » l’ensemble des crédits concernés, sous le contrôle administratif du directeur général de la gendarmerie et sous votre contrôle politique. Cela nous donnera, à nous, parlementaires, une vision complète et donc un pouvoir d’amendement renforcé.

Deuxièmement, sommes-nous au rendez-vous de la loi d’orientation pour la sécurité intérieure ? Pour l’essentiel, oui. Les crédits proposés sont de 15,372 milliards d’euros pour la police et la gendarmerie en autorisations d’engagement – une expression qu’il nous faudra retenir – et de 14,668 milliards d’euros en crédits de paiement. Les autorisations d’engagement augmentent de 8,7 % et les crédits de paiement de 3,25 %. Les crédits de la seule gendarmerie augmentent plus sensiblement : c’était nécessaire, après la pause effectuée dans le budget pour 2005.

Ce respect des engagements de la LOPSI est particulièrement manifeste s’agissant des effectifs. Au terme de l’année 2006, ce sont 2 000 postes supplémentaires de gendarmes qui auront été créés. Pour la police, 1 300 postes seront créés en 2006 : 1 200 de policiers et 100 de personnels administratifs et scientifiques, dont 71 pour les seuls scientifiques, qui viendront appuyer la nécessaire progression de la police scientifique.

Nous progressons en termes quantitatifs, mais également en termes qualitatifs, grâce au respect des engagements pris dans le cadre du protocole « corps et carrières » et dans celui du PAGRE, le plan d’adaptation des grades aux responsabilités exercées, spécifique à la gendarmerie. C’était nécessaire, car les policiers et les gendarmes, qui effectuent un travail extrêmement difficile, doivent se sentir soutenus, et donc valorisés.

Le PAGRE constituera, à terme, une petite révolution dans le monde de la gendarmerie : le nombre d’officiers sera multiplié par deux. Alors que les brigades sont aujourd’hui commandées par des adjudants ou des adjudants-chefs, elles le seront demain par des lieutenants. Une telle évolution de la qualification était souhaitable, et elle a d’ailleurs déjà commencé. On notera avec intérêt que les pyramides de commandement dans la gendarmerie et la police tendent à se rapprocher et gagnent en cohérence. C’est une tendance positive, comme l’est l’augmentation du nombre d’officiers de police judiciaire – 3 000 de plus.

Les orientations de la LOPSI sont également respectées dans d’autres domaines. Le temps m’étant compté, je ne m’étendrai pas sur ACROPOL, dont la progression s’est accélérée à partir de 2003.

De même, le FNAEG, fichier national automatisé des empreintes génétiques, poursuit sa montée en puissance. En rassemblant les informations génétiques sur les délinquants, il permet de confondre des coupables et d’éviter que des innocents ne soient poursuivis. La preuve en a été faite avec l’affaire Dickinson à Pleine-Fougères.

Lorsque nous sommes arrivés aux affaires, le 1er juillet 2002, à peine 1 500 empreintes avaient été enregistrées. Aujourd’hui, le cap des 100 000 est dépassé. À partir de l’année prochaine, nous aurons adopté un rythme de croisière de 200 000 inscriptions par an.

Plus intéressant encore est le nombre de rapprochements effectués entre des empreintes recueillies sur le lieu d’un crime ou d’un délit et les éléments du fichier : il est en augmentation constante. De plus en plus d’affaires sont donc résolues grâce au FNAEG. Nous sommes sortis des débats de principe qui étaient en cours en 2002 : nous avons mis en place ce dispositif, et il marche. Toutefois, nous sommes encore très loin derrière la Grande-Bretagne, où plus de 3 millions de personnes sont enregistrées dans un fichier similaire.

En ce qui concerne l’immobilier, des progrès ont été accomplis, mais les efforts devront être poursuivis si nous voulons réaliser l’ensemble des objectifs de la LOPSI. Une petite déception : l’adoption, en 2002, des PPP, ou partenariats public-privé, devait permettre d’accélérer la construction des immeubles nécessaires. Hélas, nous avons pris du retard, non à cause des administrations, mais parce qu’il a fallu attendre deux ans le décret d’application, et rompre avec le corporatisme et le conservatisme qui ont pu s’exprimer pendant ce délai.

Nous devons rattraper ce retard. Certains signes sont très encourageants. Je pense en particulier à votre projet, monsieur le ministre d’État, de réunir la DST et les RG dans un même local, à Levallois, grâce à un partenariat public-privé. C’est une bonne chose que ces deux grands services de l’État puissent travailler ensemble.

Troisièmement, sommes-nous au rendez-vous de l’efficacité et de l’efficience ? Dans ce domaine, nous disposons d’un instrument de mesure, identique depuis 2002 : le taux de délinquance établi par l’état 4 001. Or le résultat est clair : depuis trois ans, la délinquance est en réduction constante. Notons que des instances indépendantes – en particulier l’Observatoire national de la délinquance – sont désormais associées à ces mesures et permettent d’authentifier les chiffres.

Point tout à fait positif, la baisse de la délinquance concerne la zone police autant que la zone gendarmerie. Bien sûr, un certain nombre de délits ne suivent pas cette pente, mais l’essentiel est cette évolution générale satisfaisante.

L’augmentation de l’efficacité se constate également à travers le taux d’élucidation, critère sur lequel on juge un service. Là aussi, police et gendarmerie sont en progression.

Concernant l’efficience, nous devons nous poser une question : les personnels sont-ils utilisés au mieux de leurs compétences ? Nous avons progressé dans ce domaine du fait de l’appel de plus en plus fréquent à des personnels administratifs pour effectuer des tâches naguère de la responsabilité des policiers, ce qui permet de les libérer, leurs compétences étant effectivement plus utiles en matière de voie publique et de police judiciaire. Nous avons aussi progressé sur la « zonalisation ». Je le dis d’autant plus que je me posais des questions à ce sujet voici deux ans. Désormais, CRS et gendarmes mobiles se voient prioritairement affectés dans leur zone de défense et les déplacements inutiles – j’évoquais, en 2003, dans mon rapport les CRS et les gendarmes se croisant sur les routes, les uns montants, les autres descendants – se trouvent ainsi réduits. Nous sommes, en conséquence, parvenus à stabiliser, voire à réduire quelque peu, les crédits IJAT – indemnité journalière d’absence temporaire, – témoignages des absences répétées de nos forces. Il est toutefois vrai que l’on ne peut pas totalement appliquer la « zonalisation » pour Paris et la Corse, entre autres.

Néanmoins, des progrès restent à faire : je pense à l’externalisation à laquelle le président Méhaignerie est très attaché. D’autres ne pourraient-ils pas faire mieux que nous, concernant particulièrement les tâches d’intendance ? Les exemples que l’on nous donne, en la matière, relèvent encore de l’anecdote. Ainsi, chacun sait que les gardes statiques coûtent cher en hommes et en compétences. Une garde statique équivaut à six ou sept policiers ou gendarmes. C’est trop. Il importe d’utiliser plus efficacement les moyens modernes, dont la télésurveillance, ce que permettra, et je m’en réjouis, votre prochain projet de loi relatif au terrorisme. Les compétences des personnels s’en trouveront optimisées.

Il est également possible de progresser dans le domaine des transfèrements et des extractions. Mon collègue Gérard Léonard, qui connaît mieux que personne ce sujet, le reconnaîtra avec moi. Trop de nos policiers et de nos gendarmes perdent encore énormément de temps lors d’extractions et de transferts. Cela implique aussi un effort de la part de la magistrature. J’avais déjà indiqué dans un rapport précédent un scandale qui, je le regrette, perdure : le superbe tribunal de la zone d’attente de Roissy, prêt à fonctionner, n’est toujours pas utilisé. Or cela nous permettrait d’éviter les constantes norias, en particulier des étrangers, entre Roissy et Bobigny.

Quatrième question : sommes-nous au rendez-vous de la réforme de l’État ? Nous devons nous poser cette question pour chacun de nos budgets. Sont-ils exemplaires à cet égard ? Le projet « cadets » que vous avez souhaité, monsieur le ministre d’État, s’avère important, sans être pour autant gigantesque. Des jeunes, souvent en situation difficile, pourront, s’ils sont formés suffisamment tôt et s’ils en ont les moyens, intégrer les forces de police, voire de gendarmerie. Nous avons également progressé quant à l’utilisation de la réserve. Nous parlons énormément, en termes d’emplois, de l’utilisation des compétences et de la disponibilité des seniors. Nous ne ferions, ici, que suivre l’exemple de la gendarmerie qui sait parfaitement utiliser les réserves dont elle dispose. Cela consiste à faire appel, alors qu’ils viennent de quitter leur corps, aux gendarmes compétents, disponibles et désireux de retrouver, ne serait-ce que quelques heures ou quelques jours, leurs anciens camarades, et ce à des tarifs modiques, donc tout à fait intéressants. Au titre de la réforme de l’État, nos ministères régaliens doivent se montrer, en outre, très offensifs pour la rémunération au mérite. Je me plais à constater que l’effort, décidé les années précédentes, se poursuit, puisque, désormais, elle peut se faire à l’individu ou, très intelligemment afin de renforcer la solidarité, à l’unité, voire à la micro-unité. Ainsi, 15 millions d’euros y seront consacrés pour les policiers et 6 millions d’euros pour les gendarmes, chaque force devant allouer cette rémunération au mérite en fonction des usages. Mais la véritable réforme de l’État, celle dont nous sommes les témoins et qui se passe très concrètement sur le terrain, c’est le travail en commun constant des policiers et des gendarmes, comme en témoignent les groupements d’intervention régionaux – les GIR. Nous avons réussi ce qui apparaissait impossible hier et nous disposons désormais d’une nouvelle carte police-gendarmerie, même si cela occasionne quelques difficultés concernant en particulier l’adaptation de notre immobilier. Nous avons, de plus, progressé en associant les groupements de brigades. J’ai pu le constater dans mon département. Enfin, deux grands offices, en matière de délinquance itinérante et de travail illégal, ont été créés et confiés à la gendarmerie, qui se sentait alors légitimement à bien des égards exclue. Les méthodes concrètes de travail ont également sensiblement évolué, je pense aux transmissions entre les réseaux ACROPOL et RUBIS.

Tels sont les éléments positifs, attendus et souhaités par nos policiers et gendarmes qui, je le rappelle, accomplissent un travail dur, exigeant et compliqué. Ils souhaitent être commandés, ils le sont. Des objectifs clairs leur sont fixés. Ils souhaitent être soutenus, des moyens leur sont alloués. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour la gendarmerie nationale.

M. Philippe Folliot, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour la gendarmerie nationale. Monsieur le président, madame la ministre de la défense, monsieur le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire, mes chers collègues, ce projet de budget pour la gendarmerie s’inscrit dans le cadre d’une double programmation ambitieuse prévue par la loi de programmation militaire – la LPM – et la loi d’orientation pour la sécurité intérieure – la LOPSI. Il devrait constituer l’avant-dernière annuité de cette dernière.

Il était permis de s’interroger sur le rattachement des crédits immobiliers et informatiques au programme « soutien de la politique de la défense » de la mission « défense » au regard de la lisibilité de l’action spécifique de la gendarmerie et de l’exigence d’une nomenclature à coût complet voulue par la LOLF. Parce que tous les pays démocratiques disposent d’une force de police et de maintien de l’ordre duale et que le caractère militaire de la gendarmerie est essentiel en termes d’aménagement du territoire, il me semble nécessaire de disposer d’une force de police à statut militaire capable, en particulier dans le cadre des OPEX, de participer à la fois aux volets militaire et civil des opérations et dont le savoir-faire en la matière est reconnu. Pour votre rapporteur, comme pour la commission de la défense, il est alors logique que le budget de cette force relève durablement du ministère de la défense ! Toutefois, il serait souhaitable de rechercher une plus grande autonomie budgétaire, donnant à la gendarmerie, compte tenu de ses spécificités, les moyens d’atteindre ses objectifs, car nous ne pouvons oublier que si, par ses missions, elle diffère des autres armes, son histoire, sa localisation, ses méthodes et surtout sa disponibilité la distinguent aussi de la police.

Depuis 2003, la gendarmerie s’est engagée dans une dynamique de modernisation majeure qui s’est traduite par une réorganisation territoriale telle que préconisée par votre rapporteur en 2003, et la mise en place, au 1er juillet 2005, d’une nouvelle chaîne de commandement propre à accroître la réactivité opérationnelle de l’arme. Les résultats enregistrés par la gendarmerie dans les domaines de la lutte contre la délinquance et de l’insécurité routière attestent des efforts des personnels. Le nombre de crimes et délits constatés baisse de façon ininterrompue depuis février 2003. En septembre 2005, le nombre de faits constatés par la gendarmerie a reculé de 3,08 %. Sur le réseau routier relevant de la compétence de la gendarmerie, le bilan 2004 de l’accidentologie montre une baisse globale de 10,45 % du nombre d’accidents, de 9,25 % du nombre de tués et de 10,71 % du nombre de blessés par rapport à l’année 2003.

Dans un contexte budgétaire particulièrement difficile, l’effort consenti en faveur de la gendarmerie pour 2006 témoigne de l’importance de son action au service de la sécurité et traduit la volonté de donner à l’arme les moyens d’accomplir ses missions. Les dotations s’élèvent à 6,7 milliards d’euros, soit une progression de 6,41 % par rapport à l’an dernier, auxquels il convient d’ajouter 600 millions d’euros inscrits sur le programme de soutien de la politique de la défense, mais destinés à la gendarmerie. Ces moyens permettent de conserver une perspective crédible d’exécution de la LOPSI en termes d’emplois et de poursuivre le déroulement du plan d’adaptation des grades aux responsabilités, dit PAGRE. Cependant, les crédits d’investissement, malgré la progression remarquable des crédits d’équipement alloués au titre de la LOPSI, ne permettent pas de rattraper les retards enregistrés, surtout en matière d’immobilier domanial.

Le projet de loi de finances pour 2006 prévoit la création de 2 000 emplois supplémentaires au titre de la LOPSI, soit une nette progression par rapport à l’annuité 2005, qui fut en retrait des prévisions. Il conviendra de prolonger cet effort de rattrapage en 2007 afin d’atteindre l’objectif fixé par la loi de 7 000 emplois supplémentaires. La deuxième annuité du PAGRE se traduit par la transformation de 1 656 postes de sous-officiers subalternes en 750 postes d’officiers, accompagnés du repyramidage de 906 postes de sous-officiers supérieurs.

L’équipement bénéficie de 200 millions d’euros de crédits de paiement au titre de la LOPSI, soit une progression de 66 % au regard des montants programmés en 2005. Ce montant ne permet pas de rattraper le retard accumulé après trois années marquées par une insuffisance des crédits. L’effort de rattrapage nécessaire paraît trop important pour que les objectifs puissent être atteints en 2007, mais un lissage sur deux ans serait un objectif louable.

Les moyens initialement prévus pour le programme « investissements » permettront de financer en partie le remplacement d’hélicoptères Alouette III par des appareils du type EC145, et d’hélicoptères de surveillance et d’intervention du type Écureuil. Au titre de la LOPSI, le remplacement des véhicules de la gendarmerie mobile et de l’équipement en nouvelles tenues et en gilets pare-balles ainsi que l’armement en pistolets automatiques nouvelle génération se poursuivront. Le programme de renouvellement des blindés sera également enfin engagé.

Préoccupation constante de votre rapporteur et de bon nombre de membres de la représentation nationale, les besoins immobiliers restent considérables. L’examen de la situation laisse apparaître un effet de ciseau entre le parc domanial et le parc locatif : la dégradation du premier se poursuit tandis que l’état du parc locatif tend à s’améliorer. Le ratio entre les mises en chantier d’unités-logement construites par l’État et celles issues du parc locatif s’est inversé depuis 2005. Il serait particulièrement opportun de s’inspirer des résultats obtenus sur le parc immobilier locatif, grâce à la mise en œuvre de dispositifs attractifs, pour rechercher des solutions de nature à générer une dynamique significative d’amélioration du parc domanial. Il ne faut pas oublier que les gendarmes sont logés par nécessité absolue de service ; l’état de l’hébergement pèse sur les conditions de travail et la qualité de vie des militaires, ce qui n’est pas sans effet sur leur moral et celui de leur famille.

La commission de la défense a donné un avis favorable au programme gendarmerie pour 2006. Je demande à l’Assemblée de se prononcer dans le même sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour la sécurité.

M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour la sécurité. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, madame la ministre, mes chers collègues, la discussion du projet de loi de finances pour 2006 constitue un grand moment pour tous ceux qui croient au concept de sécurité intérieure.

En effet, grâce à la mise en œuvre de la LOLF, il a été possible de regrouper dans une même mission interministérielle les dotations de la police nationale et de la gendarmerie.

Cela fait longtemps que votre rapporteur souhaitait privilégier une approche pragmatique en la matière, plutôt que de participer à un débat stérile sur l’éventuelle fusion des deux forces de sécurité intérieure. L’important était de disposer, sur l’ensemble du territoire, de forces de sécurité adaptées aux réalités de la délinquance, ce qui exigeait d’abord une unicité du commandement, la cohérence de la politique de sécurité intérieure et une gestion plus coordonnée, mieux harmonisée, des moyens des uns et des autres.

Ainsi, la discussion budgétaire commune est une forme de parachèvement de la nouvelle organisation de la sécurité intérieure mise en place en 2002 avec l’adoption de la LOPSI.

Ce rapprochement tant attendu est donc aujourd’hui acquis, parfaitement acquis même, si nous votons l’amendement du Gouvernement qui permettra d’affecter toutes les dépenses de la gendarmerie, immobilier et informatique inclus, dans une même mission.

Les crédits des services de gendarmerie et de police nationale sont en nette progression en 2006 par rapport à une année 2005 déjà très bien dotée. En effet, les autorisations d’engagement connaissent une progression de 8,67 %, tandis que les crédits de paiement augmentent de 3,25 %, ce qui dans un contexte budgétaire contraint est assez remarquable. C’est pourquoi le budget 2006 permet de poursuivre la mise en œuvre de la LOPSI, qu’il s’agisse de son volet « programmation » ou de son volet « orientation ». C’est vrai pour la police nationale, avec une programmation exécutée conformément aux objectifs. Cela l’est un peu moins pour la gendarmerie, même si l’effort de rattrapage en 2006 est incontestable.

S’agissant de la police nationale, rappelons que la LOPSI prévoyait 6 500 emplois nouveaux supplémentaires. En 2006, ce sont 5 200 emplois qui seront créés, soit 80 % des prévisions, au terme des quatre années de mise en œuvre.

L’essentiel des grands programmes du renouvellement d’équipements a été mené à bien ou est en voie de l’être, qu’il s’agisse de l’accélération du renouvellement du parc automobile – et Dieu sait s’il en avait besoin ! – de l’achèvement du programme d’acquisition des gilets pare-balles, du renouvellement de l’arme individuelle, de la montée en puissance du réseau ACROPOL, du nouvel uniforme de la police nationale et de la gendarmerie, dont l’ensemble des personnels devrait être équipé fin 2006. A moins que ne soit adopté, à l’initiative de Marc Le Fur, un curieux amendement de la commission des finances sur lequel je reviendrai dans quelques instants.

S’agissant de l’immobilier, si la cible symbolique des 100 000 mètres carrés semble difficile à atteindre, un effort de construction et de réhabilitation sans précédent aura été accompli au terme de quatre années de LOPSI.

Saluons enfin la poursuite de la réforme des corps et carrières qui se déroule dans de très bonnes conditions.

M. Jean-Pierre Blazy. Elle n’est pas terminée !

M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour la sécurité. En ce qui concerne la gendarmerie, le bilan d’exécution de la LOPSI est plus contrasté.

Dans mon avis sur la loi de finances pour 2005, je m’étais inquiété de l’insuffisance des dotations inscrites pour respecter la programmation, en particulier s’agissant de l’immobilier. C’est pourquoi on ne peut que se féliciter du réel effort de rattrapage pour 2006.

Ce sera le cas dans le domaine du personnel. Ce budget 2006 est particulièrement dynamique, puisque l’ensemble des dépenses du titre II augmentera de 6,56 %. Cette progression permettra une accélération sensible des créations d’emplois dans le cadre de la LOPSI. 2 000 postes de gendarmes seront créés, contre 1 600 prévus pour cette annuité dans la programmation, cela permettant de compenser en partie la faible progression des effectifs observée en 2005.

Cet effort est d’autant plus remarquable qu’il s’accompagne de la poursuite de la mise en œuvre du Plan d’adaptation des grades aux responsabilités exercées, alors que le choix avait été fait en 2005 de privilégier ce dernier par rapport à la stricte application de la LOPSI. Le PAGRE est une excellente réforme, dont il convient de saluer la portée, dans la mesure où elle permet une meilleure harmonisation entre les forces de police et les forces de gendarmerie.

Comme dans la police nationale, les crédits de fonctionnement et d’investissement augmenteront sensiblement en 2006, de 5,33 % en crédits de paiement. Ces crédits permettront d’achever les grands programmes d’équipement des unités, notamment dans le domaine de la sécurité.

Reste le parc immobilier où des retards importants ont été accumulés, rendant impossible un rattrapage dans les deux dernières années de la LOPSI, puisque 75 % de l’enveloppe prévue par cette dernière n’ont pas été engagés.

Cette question est d’autant plus sensible, comme l’a rappelé Philippe Folliot, que, outre son incidence sur la vie privée des gendarmes – qui sont logés avec leurs familles –, elle a des conséquences sur le plan opérationnel, dans le contexte actuel de réorganisation des brigades.

Ces crédits étaient jusqu’à présent inscrits dans le programme « Soutien des forces » de la mission « Défense », mais j’ai cru comprendre qu’ils allaient se retrouver dans la mission « Sécurité intérieure ». D’après les informations données à votre rapporteur, ce sont 396 millions d’euros qui doivent être consacrés aux loyers et 200 millions d’euros affectés aux crédits d’infrastructure, soit une hausse de 74 % par rapport à la dotation de 2005. Chacun reconnaîtra que c’est un effort considérable.

Un effort de la même ampleur devra être poursuivi en 2007 et il convient d’envisager le prolongement d’un an de la LOPSI pour la gendarmerie, afin d’approcher au plus près des résultats projetés.

La nouvelle philosophie budgétaire repose sur la culture de l’évaluation. Au-delà des objectifs quantitatifs, il est donc essentiel de s’interroger sur l’efficacité opérationnelle des services et d’apprécier leur capacité à mettre en œuvre les objectifs qui leur ont été assignés. A cet égard, nul ne peut contester que les orientations de la LOPSI sont fidèlement respectées.

M. Jean-Pierre Blazy. Mais non !

M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour la sécurité. Le renforcement des effectifs déployés sur la voie publique est désormais prioritaire, un rééquilibrage entre police de proximité et action judiciaire a été opéré, les moyens sont mobilisés au service de priorités clairement définies avec des réponses adaptées aux différents types de délinquance.

Appuyée sur des moyens considérablement renforcés, la mise en œuvre des nouveaux principes de sécurité intérieure fixés par la LOPSI a permis un retournement significatif de l’évolution de la délinquance. 2005 constitue en effet la quatrième année consécutive de baisse : c’est donc désormais une donnée structurelle, comme semblait l’être, en sens inverse, la hausse de la délinquance sur la période 1997-2002.

M. Christophe Caresche. Vous vous rassurez !

M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour la sécurité. Le taux d’élucidation s’est considérablement amélioré, passant de 26 % en 2000 à 32 % en 2005, et le nombre des faits révélés par l’action des services est en constante progression.

M. Jean-Pierre Blazy. Pas pour les cambriolages !

M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour la sécurité. Il convient toutefois de souligner que, si ces résultats sont en forte et constante amélioration pour la délinquance de la voie publique, ils restent insatisfaisants en ce qui concerne les violences sur les personnes, même si une tendance à la décélération s’amorce après une véritable explosion sous la précédente législature.

Globalement très satisfaisants, ces résultats sont le fruit de la politique volontariste déployée depuis 2002. Ils sont aussi le produit de l’engagement renouvelé des fonctionnaires de police et des militaires de la gendarmerie, de leur grande capacité d’adaptation et de leur dévouement.

C’est pourquoi – et vous me permettrez de conclure sur ce point – je ne saurais approuver l’amendement adopté par la commission des finances – visant à réduire de 7 millions pour la police nationale et de 5 millions pour la gendarmerie les crédits destinés au renouvellement des tenues. Il est à noter que ces réductions ne concernent les tenues que de façon indicative. En effet, à partir de cette année, les crédits ne sont plus affectés, et le vote de cet amendement ne pourrait imposer au Gouvernement l’arrêt du programme de renouvellement des tenues. Quand bien même on pourrait affecter cette réduction à tel ou tel poste, interrompre en cours de route le programme d’acquisition des nouvelles tenues serait très dommageable, ne serait-ce qu’au regard de la considération que nous devons porter aux policiers et aux gendarmes. S’attaquer, pour réaliser des économies de bout de chandelle, à ce qui fait la visibilité des forces de l’ordre me semble assez inopportun.

Pour ces raisons, et tout en respectant le souci de la commission des finances d’inciter le Gouvernement à des économies budgétaires, il ne me paraît pas possible d’accepter cet amendement en l’état.

Mes chers collègues, la sécurité des personnes et des biens constitue la première des libertés inscrites à l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Elle justifie les efforts demandés par le Gouvernement, qui correspondent à une légitime attente de nos concitoyens.

C’est pourquoi la commission des lois a approuvé ce rapport et vous invite à voter les crédits. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Georges Ginesta, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan, pour la sécurité civile.

M. Jean-Pierre Blazy. Le ministre d’État n’est pas là !

M. le président. Le Gouvernement est représenté au banc, monsieur Blazy.

Monsieur Ginesta, vous avez la parole.

M. Georges Ginesta, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan, pour la sécurité civile. Monsieur le président, madame la ministre, mesdames et messieurs, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2006, le projet de budget de la sécurité civile fait pour la première fois l’objet d’une discussion spécifique avec une mission à part entière.

Le ministère de l’intérieur s’est vu reconnaître le rôle de « chef de file » d’une action qui ressortit également à d’autres missions et programmes, gérés aux ministères de l’écologie, de l’agriculture, de la santé et des transports. L’élaboration d’un « document de politique transversale » sur la sécurité civile renforce la coordination interministérielle, dans une matière qui en a un besoin impérieux, autant pour des raisons de coût que d’efficacité. L’action de l’État pour la sécurité civile n’est que la partie émergée de l’iceberg, puisque les services opérationnels sont décentralisés, avec les services départementaux d’incendie et de secours – les SDIS –, l’État n’exerçant que le rôle de coordination, de solidarité et de mise en commun d’équipements lourds, notamment aériens.

Trois montants éclairent les ordres de grandeur : un peu moins d’un demi-million d’euros de crédits budgétaires pour le ministère de l’intérieur, un peu plus d’un demi-million d’euros de crédits pour les autres ministères et environ 3,7 milliards de dépenses pour les collectivités locales. La seule intervention des collectivités locales représente ainsi un budget supérieur, par exemple, à celui des affaires étrangères – 2,4 milliards – ou de l’agriculture – 3 milliards.

La mission « sécurité civile » comprend deux programmes : « interventions des services opérationnels » et « coordination des moyens de contrôle ». Je me réjouis que plusieurs des préconisations relatives aux objectifs et aux indicateurs du rapport de la mission d’information sur la LOLF aient été retenues.

Au niveau de l’État, la mission « sécurité civile » prévoit pour 2006 des crédits de paiement à hauteur de 463,5 millions d’euros, alors qu’en 2005 ils s’élevaient à 452,6 millions d’euros. Les trois priorités du projet de budget pour 2006 sont de maintenir la capacité et d’améliorer la performance des moyens aériens, de mieux répondre aux risques naturels et technologiques et à la menace NRBC – nucléaire, radioactif, bactériologique et chimique –, et de garantir la cohérence de la sécurité civile au plan national.

La loi de modernisation de la sécurité civile de 2003 est en bonne voie de mise en œuvre, puisque à l’automne 2005 70 % des décrets d’application auront été publiés au journal officiel. Le nombre d’interventions des services d’incendie et de secours a crû de 3,07 millions en 1993 à 3,56 millions en 2004. Les secours à personne, qui représentent 59 % des interventions, ont doublé en dix ans.

Si les services de l’État ont un rôle primordial dans l’organisation, ce sont les collectivités locales qui sont principalement en charge des interventions opérationnelles, avec les communes et leurs regroupements, puis, depuis la loi du 3 mai 1996, les services départementaux d’incendie et de secours. Force est de constater une explosion des coûts des SDIS depuis la décentralisation. Certes, le nombre des interventions a augmenté, mais cette évolution est essentiellement la conséquence de l’augmentation du nombre de sapeurs-pompiers professionnels et de l’amélioration de leur statut. Elle a également pour cause un effort d’équipement important.

La départementalisation a entraîné un éloignement, source d’anonymat de la dépense. Les départements ont alors accepté plus facilement des décisions de personnel ou d’investissement qui génèrent des dépenses lourdes. Paradoxalement, la mutualisation des moyens a engendré, au lieu d’une optimisation, une augmentation des coûts. Ainsi, dans les départements du sud de la France, qui connaissent les feux les plus fréquents, l’augmentation du nombre de sapeurs-pompiers et des équipements en matériel est relativement peu efficace ; on sait que ce sont les vingt premières minutes qui comptent pour les grands feux, donc les moyens aériens.

La Cour des comptes, dans son rapport public de 2004, note que « la réforme de 1996 n’a pas été conduite à coût constant » et que « la rationalisation des moyens à l’échelon départemental ne s’est pas traduite par une réduction de charges ». Elle estime que les SDIS devront maîtriser leurs dépenses et suggère de mettre en œuvre des outils de contrôle de gestion et une plus grande mutualisation des moyens.

Certes, le conseil général vote le budget du SDIS et c’est sur son président que repose la responsabilité de sa gestion. La « conférence nationale des SDIS » créée par la loi institue un pilotage national du système. Les élus y sont majoritaires, mais cette conférence ne peut qu’émettre des avis sur les projets de lois et de décrets ; il n’est pas sûr qu’elle donne aux conseils généraux les moyens de contrôler les mesures nationales ayant des répercussions financières.

Les budgets des SDIS, qui représentaient 3,7 milliards d’euros en 2004, ont triplé depuis 1996. Le transfert des communes explique, certes, l’augmentation jusqu’en 2001 – fin de la départementalisation –, mais les dépenses ont continué de croître d’environ 1 milliard d’euros entre 2001 et 2004. Au vu des budgets primitifs, l’augmentation sera encore de près de 7 % en 2005.

Le mode principal de financement des SDIS est constitué des contributions des départements, des communes et des EPCI. L’État complète avec la DGF et le fonds d’aide à l’investissement des SDIS. Pour l’exercice 2004, les contributions des collectivités locales s’élevaient à 3,07 milliards d’euros – en moyenne 57,85 euros par habitant. Elles ont également triplé depuis 1996.

Les conseils généraux fixent librement le nombre des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires et leur rémunération, sur la base de minima nationaux. La départementalisation a entraîné une augmentation de 4 000 du nombre des sapeurs-pompiers professionnels entre 1996 et 2001. Entre 2001 et 2004, ce nombre a encore augmenté de 5 000, pour s’élever maintenant à 36 461. On peut s’interroger sur l’efficience d’un tel accroissement. Une part importante de cette proportion est due à la réduction du temps de travail, qui produit ses effets entre 2002 et 2005 ; mais les conseils généraux sont sans doute allés au-delà, en cédant parfois face aux pressions des organisations syndicales.

Si l’on regarde les dépenses de personnel des SDIS, on constate entre 2001 et 2004 une augmentation de 42,47 %. Concernant les différents grades, il y a, en 2004, 6 646 officiers, 14 436 sous-officiers, pour un total de 36 461 sapeurs-pompiers professionnels, soit un taux d’encadrement de 57,8 %. La départementalisation s’est accompagnée d’un fort mouvement d’intégration dans les corps, avec des mesures de promotion internes importantes.

Cette augmentation des effectifs des sapeurs-pompiers professionnels doit maintenant cesser, pour des raisons de coût évidentes. L’évolution ultérieure devra vraisemblablement se faire avec une grande proportion de sapeurs-pompiers volontaires, payés au nombre d’interventions effectuées.

Avant la départementalisation, on constatait des régimes entre 80 et 160 jours de garde de 24 heures par an. Les rapports Inizan et Gosselin de 1995 et 1998 avaient conclu que les sapeurs-pompiers professionnels devaient 120 jours de garde de 24 heures pour une durée hebdomadaire de 39 heures, et 113 jours de garde de 24 heures pour une durée de 35 heures. Malheureusement, le décret du 31 décembre 2001, relatif au temps de travail des sapeurs-pompiers professionnels, pris au cours des derniers mois actifs de la précédente législature, dispose qu’à compter du 1er  janvier 2005 la durée du temps de travail annuel, après équivalence, « ne peut être inférieure à 2 280 heures ni excéder 2 400 heures ». Sur la base de gardes de 24 heures, cela signifie entre 90 et 100 jours de garde par an. Les sapeurs-pompiers professionnels ont donc maintenant 270 jours de liberté par an ! Les organisations syndicales de sapeurs-pompiers professionnels marquent un fort attachement au système des gardes de 24 heures, qui entraîne malheureusement la nécessité d’un fort recrutement et l’inflation des coûts.

Le décret du 31 décembre 2001 permet cependant aux SDIS de combiner différents cycles – par exemple en alternant des gardes de 8, 12 et 24 heures – selon les besoins du service. Il faut donc aller vers une modulation des systèmes de garde pour les adapter aux besoins. La période de garde la plus active court de huit heures du matin à vingt et une heures. L’activité est très faible entre vingt-trois heures et six heures du matin. On peut noter que, sur la base des 1 607 heures travaillées par an, en application de la législation nationale sur la réduction du temps de travail, et avec des gardes de huit heures comptabilisées à 100 % en temps de travail, les sapeurs-pompiers professionnels pourraient effectuer jusqu’à 200 jours de travail par an.

Dès lors, on ne peut que s’inquiéter de tentations de négocier avec les sapeurs-pompiers professionnels une augmentation du nombre de jours de gardes annuels contre un abaissement de l’âge de la retraite, en deçà de cinquante-cinq ans. Il y va de l’équité de notre système national de retraite, en comparaison, par exemple, avec les ouvriers du bâtiment.

Il faut donc que les conseils généraux prennent conscience de l’ampleur de cette augmentation des budgets des SDIS et qu’une pause soit observée dans la course aux recrutements et aux investissements. Le niveau des coûts est maintenant aux limites de ce qui est supportable pour les contribuables. L’optimisation des moyens et leur mutualisation effective doivent maintenant être privilégiées.

En conclusion, mes chers collègues, je vous demande d’adopter, à la suite de la commission des finances, les crédits de la sécurité civile. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour la sécurité civile.

M. Thierry Mariani, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour la sécurité civile. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, madame la ministre, mes chers collègues, du tsunami en Asie du Sud-Est aux attentats de Londres, sans oublier les dramatiques incendies en France et au Portugal, l’actualité en 2005 a été riche en événements douloureux, venus rappeler les enjeux de la sécurité civile aujourd’hui.

Chaque année, je vous ai présenté mon rapport en espérant une loi qui refonderait rapidement notre sécurité civile. L’année dernière, nous avons pu enfin nous féliciter de son adoption. Aujourd’hui, je salue ses premiers résultats, avant d’en dresser un véritable bilan en début d’année prochaine.

Je souhaite d’abord noter le rythme satisfaisant de parution des décrets d’application de cette loi. Sur les vingt-trois décrets expressément prévus par la loi, treize ont été publiés, de nombreux autres étant à un stade de préparation avancé.

Je veux également souligner le climat apaisé qui caractérise désormais les relations entre les partenaires de la sécurité civile.

Avec la nouvelle architecture budgétaire, la sécurité civile se voit consacrée comme une mission ministérielle à part entière. Son rapporteur ne peut que s’en féliciter, même si je regrette l’absence du volet prévention qui relève encore d’autres missions. Je crois cependant savoir que le ministre de l’intérieur a confié une réflexion sur ce point au directeur de la défense et de la sécurité civile.

La mission Sécurité civile se décline en deux programmes, « Intervention des services opérationnels » et « Coordination des moyens de secours », qui correspondent aux deux vecteurs d’intervention de l’État en matière de sécurité civile.

Ce projet de budget pour 2006 témoigne du respect des engagements pris par le ministère de l’intérieur en matière de financement de la sécurité civile.

Mon intervention s’articulera autour de trois points : l’application de la loi de modernisation de la sécurité civile, les moyens attribués en 2006 et, enfin, les sujets de réflexion pour l’année à venir.

S’agissant de l’application de la loi de modernisation de la sécurité civile du 13 août 2004, les décrets d’application publiés à ce jour ont trait à la conférence nationale des SDIS, au Conseil national de la sécurité civile, au plan de sauvegarde, au plan ORSEC, aux plans particuliers d’intervention, au code d’alerte national, au fonds d’aide à l’investissement, au projet de fin de carrière et à la retraite des sapeurs-pompiers professionnels, à l’allocation de fidélité et à la prestation de fidélisation et de reconnaissance des sapeurs-pompiers volontaires, aux pensions des sapeurs-pompiers militaires et au comité d’hygiène et de sécurité.

La conférence nationale des SDIS réunit tous les acteurs de la sécurité civile en France, à savoir l’État, les élus et les sapeurs-pompiers professionnels et volontaires, pour débattre de tous les sujets qui intéressent les SDIS et donner un avis sur tous les projets de lois et d’actes réglementaires qui s’y rapportent. Elle est tout à la fois la caisse de résonance des revendications, l’instrument d’un dialogue auparavant difficile avec l’État et l’assurance que les solutions apportées répondent effectivement aux problèmes posés. En tant que membre de la conférence nationale – j’y représente notre assemblée –, je peux témoigner des débuts réussis de cette instance de concertation.

L’autre instance créée par la loi, le Conseil national de la sécurité civile, qui se veut un lieu d’analyse des risques et de réflexion sur les orientations de la sécurité civile en France, sera installée prochainement, sa composition étant déjà fixée.

Selon les nouvelles modalités de répartition des dépenses de secours, l’État prend à sa charge la mobilisation des moyens extérieurs au département. Son application a représenté pour l’État, en 2005, une dépense de 3,1 millions d’euros.

La procédure d’alerte, dotée d’un code d’alerte national modernisé, doit également bénéficier d’outils rénovés. Je pense, par exemple, aux téléphones portables qui offrent, outre une large couverture du territoire, une appréhension immédiate des risques par la population alors que les signaux d’alerte sont aujourd’hui totalement méconnus de celle-ci. Qui se souvient de ce que signifient les sirènes que l’on entend de temps en temps dans nos villes et nos campagnes ? Trois expérimentations sur la rénovation du réseau national d’alerte sont en cours dans le Vaucluse, le Haut-Rhin et la petite couronne.

La reconnaissance, tant attendue, de la dangerosité du métier et des missions exercés par les sapeurs-pompiers s’est traduite notamment par deux dispositifs novateurs.

Le premier, en faveur des sapeurs-pompiers professionnels, offre un projet de fin de carrière à ceux d’entre eux qui ne peuvent plus assumer leurs fonctions opérationnelles. Après avis d’une commission médicale, le sapeur-pompier concerné se verra proposer une affectation non opérationnelle au sein du SDIS, un reclassement pour raison opérationnelle par la voie du détachement dans un emploi public ou un congé pour raison opérationnelle, qui se décline en congé avec faculté d’exercer une activité privée ou congé avec constitution de droits à pension. Cet éventail de solutions devrait permettre de surmonter les difficultés vécues par les sapeurs-pompiers en fin de carrière et de rajeunir les effectifs.

Le second dispositif est la prestation de fidélisation et de reconnaissance attribuée aux sapeurs-pompiers volontaires à partir de cinquante-cinq ans à condition de justifier d’au moins vingt années de service. Elle constitue un complément de retraite pour les volontaires. Si cette prestation répond à l’objectif de reconnaissance, la fidélisation reste préoccupante. Le volontariat demeure un sujet majeur pour l’avenir de la sécurité civile puisque les volontaires représentent actuellement plus des trois quarts des effectifs des sapeurs-pompiers. D’ores et déjà, le ministère de l’intérieur a annoncé que les entreprises mettant à disposition des sapeurs-pompiers pendant leurs heures de travail bénéficieront des dispositions de la loi relative au mécénat permettant à ces entreprises de bénéficier d’une réduction d’impôt. Je salue cette initiative qui en appelle d’autres, en conservant à l’esprit la réalité très disparate du volontariat en France.

J’en viens aux moyens attribués en 2006.

Comme l’a rappelé Georges Ginesta, rapporteur spécial, les dépenses des SDIS continuent à progresser de manière significative. Le fonds d’aide à l’investissement des SDIS, créé en 2003, est doté dans ce projet de loi de finances de 64,85 millions d’euros en crédits de paiement. Je me permets ici de relayer les interrogations répétées sur la pertinence de ce fonds, qui tiennent d’abord à sa nature même : il encourage les investissements des SDIS alors qu’une part en est réservée par l’État au principal investissement à réaliser dans les prochaines années, à savoir le déploiement du réseau ANTARES – 4,6 millions en 2006.

Les réserves concernent ensuite ses modalités de mise en œuvre : ce fonds est réparti entre les zones de défense, à charge pour le préfet de l’attribuer aux différents SDIS selon les priorités zonales. Ce mécanisme a pour conséquence une faible lisibilité du montant et de l’affectation des crédits alloués. En outre, il peut contrarier les priorités départementales. Je souhaite donc encourager la réflexion menée par le ministère de l’intérieur sur l’évolution du fonds d’aide à l’investissement.

La suppression de la première part de la dotation globale d’équipement, prévue par la première partie de la loi de finances, est compensée par une majoration de la dotation globale de fonctionnement des départements. Cependant, alors que la DGE constituait une ressource propre pour les SDIS, la DGF sera évidemment versée aux départements. Afin de s’assurer que le nouvel abondement bénéficiera effectivement aux SDIS, j’ai proposé, dans la première partie de la loi de finances, un amendement, qui a été adopté, précisant que la majoration de la DGF devra effectivement contribuer au financement des SDIS.

Il faut également mentionner les 30 millions d’euros de la DGF pour financer la prestation de fidélisation et de reconnaissance et les 920 millions d’euros au titre de la taxe sur les conventions d’assurance automobile, pour financer les SDIS.

Plusieurs enseignements ont été tirés de la saison des feux, marquée cette année par de dramatiques accidents qui ont coûté la vie à quatre pilotes, auxquels je tiens à rendre hommage. Si les incendies de l’été ont démontré la pertinence de la doctrine du guet aérien armé et de l’attaque des feux naissants, ils ont aussi permis de confirmer les choix en matière de structure de la flotte aérienne.

La location d’un bombardier d’eau et la première utilisation de l’avion gros porteur bombardier d’eau Dash 8 semblent donner satisfaction à tous, en raison notamment de leur complémentarité.

Le remplacement des avions perdus, un Canadair et deux Tracker, est acquis et provisionné dans le projet de loi de finances pour 2006.

Les accidents de cet été ont en outre conduit à une réflexion, au sein de la base aérienne de sécurité civile de Marignane, sur la sécurité des pilotes. Cette réflexion a porté ses fruits puisque, pour la prochaine saison, différents appareils seront équipés d’enregistreurs de voix. D’autre part, un groupe de travail a été mis en place sur la doctrine d’engagement des moyens aériens, qui seront privilégiés quand le facteur humain est concerné.

Les drames estivaux rappellent que la sécurité des sapeurs-pompiers doit constituer une priorité. La création, au sein de la direction de la défense et de la sécurité civile, d’un bureau prévention accidents enquêtes répond à cette préoccupation, de même que l’installation, au sein de chaque SDIS, d’un comité d’hygiène et de sécurité.

Les récents incidents de Clichy-sous-bois ont également mis en lumière un aspect jadis totalement inconnu, mais essentiel aujourd’hui, de la sécurité des sapeurs-pompiers, sur lequel il convient de se pencher.

Pour finir, il me semble que trois sujets doivent nous occuper pour l’année 2006.

Tout d’abord, la loi de modernisation prescrit l’interopérabilité des réseaux de transmission radioélectriques pour la sécurité civile. La migration du réseau de la sécurité civile ANTARES vers l’INPT, l’infrastructure nationale partageable des transmissions, qui sert déjà de support au réseau ACROPOL de la police nationale, nécessite un complément d’infrastructures, ainsi qu’un ensemble d’équipements à la charge des SDIS.

Dans l’attente de la parution du décret d’application, une première expérimentation de raccordement au réseau ACROPOL a été initiée dans l’Ain. L’Eure-et-Loir commencera à exploiter le réseau partagé au début de 2006, puis la Seine-et-Marne et les Vosges suivront.

La DDSC, la direction de la défense et de la sécurité civile, a par ailleurs mis en place une procédure d’étude technique permettant à certains départements – quinze à ce jour – d’acquérir de la visibilité sur la migration de leurs réseaux.

Je me félicite du rattrapage opéré dans l’extension du réseau ACROPOL, mais j’insiste sur la nécessité d’un déploiement rapide d’ANTARES au moyen d’infrastructures sécurisées, afin de minimiser les risques de dysfonctionnements.

Deuxièmement, malgré la circulaire de 2004 sur l’aide médicale urgente, le secours à victimes, qui représente presque les deux tiers des interventions des SDIS, fait encore – hélas – l’objet de dysfonctionnements regrettables en raison de la coexistence de plusieurs acteurs. Ainsi, dans l’attente du bilan des conventions tripartites entre les SDIS, le SAMU et les ambulanciers privés, les SDIS ne parviennent pas à obtenir un remboursement satisfaisant des interventions qu’ils effectuent à la suite d’une carence des ambulanciers privés.

Enfin, alors que les incendies du Portugal ont démontré la nécessité d’une solidarité européenne, on ne peut que déplorer l’état embryonnaire d’une force européenne de protection civile. Le mécanisme européen de protection civile communautaire est un outil de coordination utile, mais encore insuffisant. J’apporte donc mon soutien au ministre qui s’est prononcé en faveur d’une force européenne de protection civile dotée de moyens propres.

Enfin, je salue les progrès accomplis pour adapter notre sécurité civile aux enjeux actuels et je me félicite à nouveau de la place que lui accorde ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Nous avons terminé d’entendre les rapporteurs.

La parole est à M. Christian Decocq, premier orateur inscrit.

M. Christian Decocq. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, comme vous, j’ai écouté avec beaucoup d’attention les intelligents exposés des rapporteurs. J’espère que je ne les trahirai pas en rappelant certains de leurs propos.

Ce budget se caractérise par la responsabilité, l’efficacité et la modernité. Je vais m’attacher à le souligner en mettant quelques décisions en perspective. Mais, auparavant, je n’omettrai pas de rappeler inlassablement, comme l’ont fait l’ensemble de la majorité, les rapporteurs et, ce matin encore, M. le ministre d’État lui-même, que, entre 1997 et 2002, la délinquance a inexorablement augmenté de 17 %, alors que, depuis 2002, elle a baissé systématiquement, jusqu’à environ 8 %.

Le budget que nous discutons est un budget de responsabilité. Les nombreuses réformes qu’il opère n’oublient aucune des difficultés de notre pays, dont l’émigration clandestine, les violences urbaines, la sécurité routière ou la lutte contre le terrorisme. Mais, pour ne pas disperser vos efforts, monsieur le ministre d’État, vous avez établi une hiérarchie. À vos yeux, trois chantiers opérationnels sont prioritaires : la lutte contre l’émigration clandestine, la lutte contre le terrorisme et la poursuite de la baisse de la délinquance.

La responsabilité, c’est d’abord la décision de consacrer entièrement l’augmentation de 3,4 % au chantier de la lutte contre l’immigration clandestine. C’est là une décision juste. La panne de notre ascenseur social pour les émigrés et leurs enfants, la montée de la xénophobie et les ratés de notre pacte républicain trouvent leur origine dans l’abandon par les pouvoirs publics, au cours des décennies précédentes, de la maîtrise des flux migratoires.

Une première série de mesures a déjà été votée avec la loi du 29 novembre 2003, qui prévoit le contrôle des attestations d’accueil, la lutte contre les mariages blancs et l’augmentation des délais de rétention. Les 38 millions d’euros d’augmentation du budget de 2006 seront consacrés à poursuivre la maîtrise de l’émigration au moyen de l’augmentation du nombre de places en centre de rétention administrative, de l’accroissement du nombre de reconduites à la frontière et de la mise en place du visa biométrique. Mais ces mesures ne suffiront pas. Un second volet de la loi de lutte contre l’immigration clandestine et pour la maîtrise du séjour des étrangers sur notre territoire est aujourd’hui nécessaire.

La responsabilité, c’est aussi de ne pas se contenter des résultats déjà obtenus. D’ailleurs, vous définissez vous-mêmes de nouveaux objectifs, en particulier en ce qui concerne les violences urbaines, ces fameuses incivilités qui aujourd’hui tournent à l’émeute.

M. Jean-Pierre Blazy. On ne peut pas réduire ainsi les émeutes à des « incivilités » !

M. Christian Decocq. En ce moment, les violences urbaines font l’actualité et, pour un peu, certains prétendraient même que le ministre de l’intérieur en serait responsable !

Mme Nadine Morano. C’est scandaleux !

M. Christian Decocq. Pourtant, ce phénomène n’est pas nouveau. Au début des années quatre-vingt, les violences des Minguettes, qu’analysait le rapport Bonnemaison, ont donné naissance à la politique de la ville. Travail au noir, économie souterraine, trafics en tous genres et phénomènes de bandes, voilà ce que cachent ces manifestations violentes qui pourrissent la vie de la majorité des habitants de ce quartier.

M. Jean-Pierre Blazy. Que font les GIR ?

M. Christian Decocq. Les crédits incessants, constants et abondants de la politique de la ville n’ont pas enrayé ce phénomène. Pourquoi ? Parce que la politique de la ville est une politique d’action sociale qui ne doit pas être confondue avec une politique de prévention spécialisée. Pourquoi en est-on arrivé à assimiler ou à confondre action sociale et prévention de la délinquance ? Parce que la culture de la gauche consiste à attribuer la responsabilité des dérives délinquantes aux pressions que la société ferait peser sur chacun de nous.

M. Jean-Pierre Blazy. Caricature !

M. Christian Decocq. Il faudrait donc mettre en place des réponses sociales aux dérives dont la société serait la cause. L’échec de cette analyse est flagrant. Je connais de nombreux quartiers où les moyens accordés par la politique de la ville sont plus importants qu’ailleurs et où, pourtant, les statistiques de la délinquance continuent d’augmenter.

Quelle est donc la réponse à apporter ? C’est la vôtre, monsieur le ministre : la nouvelle dynamique de répression et de prévention de la délinquance. Il faut, d’un côté, mettre fin aux zones de non-droit avec l’intervention d’une police d’action, d’intervention et d’investigation et, de l’autre, mettre en place une prévention de la délinquance qui consiste, non en une action sociale, mais en un ensemble d’actions éducatives visant à réinstaurer du lien social et de la citoyenneté.

Dans ce domaine, nous ne pouvons plus nous contenter d’actions fondées sur une démarche socialisante et compréhensive à l’égard des actes de délinquance. Trop d’actions sont reconduites automatiquement, sans être évaluées, par crainte de mettre en péril trop d’associations. Pour la collectivité, ce coût n’est plus acceptable.

Que l’on mette en place des boîtes à outils, un répertoire des savoir-faire, des grilles d’analyse pour évaluer les politiques mises en œuvre, et que travailleurs sociaux, élus locaux, justice, éducateurs spécialisés et forces de l’ordre travaillent en concertation, voilà ce que les députés de la majorité attendent.

Cet esprit de responsabilité doit être partagé avec les élus locaux dans les contrats locaux de sécurité. Cependant, comment établir un tel partenariat quand certains élus locaux font de l’anti-sarkozysme primaire ?

M. Jean-Pierre Blazy. Vraiment ?

M. Thierry Mariani, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour la sécurité civile. Citez-nous des noms ! (Sourires.)

M. Christian Decocq. J’y songerai ! (Nouveaux sourires.)

Ce budget est aussi un budget d’efficacité. Vous êtes, monsieur le ministre, le ministre du volontarisme politique, mais ce n’est pas une fin en soi, vous le savez. Il ne faut pas qu’une méthode d’action remplace une idéologie.

C’est pourquoi vous organisez vous-même l’évaluation de votre politique. L’efficacité de la politique de lutte contre la délinquance ne se ressent pas : elle se mesure, ont fait excellemment remarquer les rapporteurs. Le résultat, c’est le fruit d’un travail d’équipe et d’un engagement individuel dans lequel le mérite doit être reconnu. Celui-ci est aujourd’hui une valeur admise par tous. À ce sujet, je me félicite de l’augmentation de la dotation pour la « prime de résultats exceptionnels », qui passera de 10 à 15 millions d’euros. Mais, vous le savez, les conditions de son attribution font parfois naître des tensions. Peut-être faudrait-il envisager une méthode moins centralisée et laisser plus de latitude au commandement. Mais, surtout, il faut plus de modulation dans l’attribution des primes individuelles.

S’agissant de la reconnaissance, je m’associe à l’analyse de M. Gérard Léonard au sujet de l’amendement de la commission des finances visant à réduire le crédit destiné au renouvellement des tenues des policiers et des gendarmes. Si l’homme est composé d’un corps, d’une âme et d’un vêtement, qu’en est-il quand celui-ci est un uniforme ? Certes, je comprends la logique qui pousse la commission des finances à vouloir réaliser une économie de 12 millions, mais je m’en remets à l’opinion de M. Léonard.

L’efficacité s’impose encore dans la gestion des effectifs. En 2006, nous a-t-on dit, 1 300 recrutements supplémentaires seront effectués. Ainsi, 80 % des effectifs prévus par la LOPSI dans la police nationale seront réalisés. M. Thierry Marini a également insisté sur l’augmentation du financement du dispositif ANTARES dans le budget de la sécurité civile.

Ce budget est enfin un budget de modernité. Vous faites entrer notre police dans le XXIe siècle. Vous l’avez dit à la commission des lois : vous impulsez le saut technologique indispensable pour mener les combats sécuritaires de demain.

La quatrième année d’application de la LOPSI verra l’installation de 500 caméras embarquées, outils indispensables à la constitution de preuves judiciaires irréfutables. On ne peut pas caillasser, brûler, agresser ou dégrader simplement par désir de détruire ou de marquer son territoire sans en subir les conséquences ni répondre de ses actes devant la justice.

L’utilisation plus large de la vidéosurveillance est une autre forme de modernisation, notamment dans la lutte antiterroriste. On nous objectera l’atteinte à la vie privée. Mais que signifie un tel concept dans un lieu public ? Ce qui fait débat, c’est essentiellement la conservation et l’exploitation des enregistrements. Or la République a suffisamment de verrous, comme la CNIL, pour contrôler de manière démocratique les avancées technologiques et protéger les libertés publiques. Par contre, il se posera encore un problème de partenariat : que peut-on faire en cas de refus idéologique de certaines collectivités locales, alors même que l’efficacité de la vidéosurveillance a encore été prouvée à Épinay-sur-Seine ?

Notre police scientifique apporte un autre exemple de modernisation avec le fichier des empreintes génétiques, qui dépasse le cap des 100 000 enregistrements, en attendant d’atteindre le chiffre de 200 000.

Mes chers collègues, permettez-moi de conclure sur une note d’indignation. Avez-vous remarqué comme moi en quoi consiste la dernière mode ? Désormais, il est de bon ton de lutter, non plus contre la délinquance, mais contre le sarkozysme. (Sourires.) Je ne sais pas si le sarkozysme existe, mais des sarkozystes, j’en connais : ce sont des Français, des élus, des parlementaires qui se sentent enfin compris par un ministre qui combat l’impuissance publique.

Des sarkozystes, il y en a et il y en aura de plus en plus, car les Français, au fond d’eux-mêmes, adhèrent à la nouvelle dynamique politique qui leur est proposée : fermeté et justice, rigueur et ouverture. Ils y adhèrent parce que, au fond d’eux-mêmes, ils veulent à la fois la sécurité et la liberté. Bref, ils veulent tout simplement la République.

C’est pourquoi il y a non seulement du culot, mais de l’impudeur à proclamer comme l’a fait un dirigeant socialiste que « ce que Nicolas Sarkozy est en train de faire, c’est d’aller braconner sur les terres dangereuses de l’extrême droite ». Oui, de l’impudeur, car personne dans cet hémicycle n’a oublié que l’instrumentalisation du Front national par la gauche a contribué à des triangulaires qui ont vu l’alliance objective du Front national et du parti socialiste pour battre la droite républicaine. Je l’ai observé à Lille, et j’en sais quelque chose !

M. Jean-Pierre Blazy. Et en 2002 ?

M. Christian Decocq. Si les socialistes avaient mis autant de vigueur à combattre la délinquance qu’ils en mettent aujourd’hui à attaquer le ministre de l’intérieur, peut-être auraient-ils eu des résultats. Mais laissons-les à leur congrès et concentrons-nous sur ce budget que nous allons soutenir car, nous, c’est la République qui nous importe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Je ne suis ni sarkozyste…

Mme Nadine Morano. Ça viendra !

M. Jean-Pierre Blazy. …ni anti-sarkozyste primaire.

Monsieur le ministre d’État, je voudrais commencer par une pensée pour les deux adolescents morts tragiquement, la semaine dernière, à Clichy-sous-Bois et pour leurs familles. Oui, il nous faut agir contre les violences urbaines, qui ne peuvent être excusées, mais ni la fermeté ni les sanctions nécessaires ne peuvent justifier la mort de jeunes. C'est dans ce contexte dramatique que vous présentez le budget de la mission « sécurité ». Celui-ci se caractérise d'abord par son opacité, alors que la LOLF devait apporter plus de transparence et de lisibilité. Christophe Caresche reviendra plus longuement sur ce point. Pour ma part, j’interviendrai essentiellement sur le programme « police nationale ».

Chaque année, votre budget compte une ou deux priorités de plus : tout est prioritaire, si bien que plus rien ne l’est. Cette année, vous mettez l’accent sur la lutte contre l'immigration – vous annoncez 25 000 reconduites à la frontière – et, désormais, sur l'action contre les violences urbaines, pour lesquelles vous promettez à nouveau – vous le faites depuis trois ans – la tolérance zéro.

Vous présentez un budget en hausse, mais celui-ci n'est pas tout à fait sincère. La hausse déjà annoncée l'an dernier par votre prédécesseur n'avait pas empêché des gels qui ont conduit à des annulations de crédits et une mise en réserve de 5 % est d'ores et déjà prévue pour le budget « sécurité » comme pour toutes les missions. Qu'en sera-t-il en fin d'exercice ?

Ce budget doit couvrir l'exécution de la quatrième tranche de la LOPSI. Les engagements ne sont pourtant pas respectés, contrairement à ce que le rapporteur a voulu nous faire croire.

M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour la sécurité. Si, ils le sont très largement !

M. Jean-Pierre Blazy. De graves interrogations persistent quant à l'exécution de la troisième tranche.

S'agissant des programmes immobiliers, notamment ceux des commissariats, nous sommes perplexes. Nous observons que la totalité des crédits immobiliers chutent de près de 26 millions par rapport à l'an dernier. Tous les chantiers de 2005 n'ont pas débuté – c'est notamment le cas du commissariat de Villiers-le-Bel, dans le Val-d'Oise. Il semblerait que tous ces crédits ne soient pas affectés à la création de commissariats, 49 millions d’euros étant réservés à la construction de centres de rétention administrative.

M. Jean-Christophe Lagarde. C’est nécessaire !

M. Jean-Pierre Blazy. Je vous demande de vous expliquer sur ce point, monsieur le ministre : est-ce vrai ou faux ?

S'agissant des effectifs, vous avez ironisé, devant la commission des lois, sur les critiques de la gauche concernant l'exécution de la LOPSI. Cependant, le syndicat des commissaires et des hauts fonctionnaires de la police nationale révèle que, pour la période 2002-2006, 3 861 emplois hors adjoints de sécurité auront été créés, soit une moyenne annuelle d'à peine 1 000 créations d'emploi au lieu des 1 300 prévus par la LOPSI. Là encore, est-ce vrai ou faux ? Je vous pose la question, monsieur le ministre. En tout cas, les professionnels eux-mêmes sont très critiques sur les moyens réels que vous leur attribuez. Vous supprimez par ailleurs 320 postes d'adjoints de sécurité au profit des cadets, qui ne peuvent en aucun cas se substituer à ces derniers.

Par ailleurs, il y avait plus urgent, dans l'exécution de la LOPSI, que de prévoir des crédits pour ces nouvelles armes que sont les Tazers. Ces « bâtons à foudre » peuvent être mortels : des maladresses ont déjà coûté des vies en Amérique et en Angleterre. Certes, il faut donner les équipements adéquats aux policiers, mais il est inquiétant de constater qu’aucun crédit particulier n’est consacré à la formation à la manipulation de ces armes.

Vous préférez doubler les crédits de la réserve civile, qui correspond à l'emploi de retraités. Elle devait être réservée à des situations exceptionnelles, mais l'exception est devenue la règle. Un seul exemple de cette dérive : les deux tiers des personnels en charge de la formation de la police haïtienne et de la garde de l'ambassade de France en Haïti sont des réservistes. Ce n'est pas normal. En effet, la coopération avec les pays qui nous font confiance n'est pas une situation que l'on peut qualifier d'exceptionnelle. Les réservistes ne sont donc pas à leur place.

Vous préférez également, au nom de la culture du résultat, élever la prime de résultats exceptionnels de 10 à 15 millions d'euros. Incitation à faire du chiffre, elle nuit à l'esprit d'équipe lorsqu'elle est individuelle. En outre, son attribution n'est pas entourée de la transparence indispensable et plusieurs organisations syndicales critiquent cette mesure.

Comparés à ces augmentations, les crédits consacrés à l'action sociale sont bien décevants. Malgré l'ampleur du problème de la fidélisation, cinq cents prêts à taux zéro et quatre-vingts places de crèche seulement sont prévus pour les policiers d'Île-de-France. C'est bien peu au regard des besoins énormes qui existent en la matière.

La LOPSI était destinée à vous donner des moyens, mais pour quelle politique de sécurité pour les Français ? Les résultats sont, là aussi, bien décevants : le niveau général de la délinquance reste très haut, si l’on sort des faux-semblants statistiques dont vous nous abreuvez. Au mois d'août dernier, on a même constaté une délinquance en hausse de 3,15 %, selon l'état 4001, par rapport à août 2004. Au-delà des chiffres, des déclarations et des effets de manche, certains indicateurs ne trompent pas. L'Observatoire national de la délinquance a ainsi rendu publique en octobre dernier son enquête de victimation intitulée Cadre de vie et sécurité et effectuée en janvier et février 2005. Selon cette enquête, 57 % des vols subis par les ménages ne font pas l'objet d'une plainte et ne sont donc pas comptabilisés dans les statistiques. Pour l'année 2004, ce sont presque six millions d'actes de vandalisme et trois millions de vols dans des résidences qu'il faut prendre en compte.

Vous aimez à vous réjouir de la hausse du taux d'élucidation. Or il convient de la relativiser, car les moyennes que vous affichez ne rendent pas compte de toutes les réalités. En matière de cambriolage, par exemple, le taux d’élucidation est d’à peine 8 % et moins d’un vol d'automobile sur dix est élucidé. Ce sont pourtant ces délits qui empoisonnent la vie quotidienne des Français.

La situation de la délinquance reste donc préoccupante, surtout dans les territoires les plus défavorisés. Une enquête de victimation menée en janvier 2005 par l'Institut d'aménagement et d'urbanisme de la région Île-de-France révèle qu’elle progresse dans les quartiers les plus déshérités. Vous avez d’ailleurs pu mesurer, monsieur le ministre, lors de votre visite nocturne à Argenteuil, la nécessité de renforcer durablement les effectifs de sécurité dans la grande couronne parisienne.

Vous-même n'êtes pas satisfait. Vous vous heurtez aux limites de votre propre politique. Vous avez ainsi réprimandé les préfets, le 9 septembre dernier, leur disant : « En matière de lutte contre la criminalité, j'attends de vous un nouveau sursaut. » Vous avez reconnu, dans ce même discours, un « tassement des résultats » et vous avez déclaré aux préfets : « Je vous ai donné des moyens, utilisez-les ! » Admonester les préfets et faire des coups de communication n'est pas en soi un remède ni une politique.

En fait, vous vous êtes montré plutôt incapable de faire face à certaines réalités de la délinquance. La situation est notamment extrêmement préoccupante en matière de violences aux personnes et de violences urbaines. Lors de la réunion des groupements d'intervention régionaux, le 19 octobre 2005, vous avez déclaré vouloir mener « une guerre sans merci » aux violences urbaines et indiqué aux chefs des GIR : « J'ai besoin que vous ayez faim. Si vous n'avez pas bon appétit, faites autre chose. » Les GIR devaient s'attaquer au noyau dur de la délinquance, à l'économie souterraine. Force est de constater que votre bilan est plutôt médiocre et que beaucoup reste à faire. Enfin, vous avez récemment annoncé sur TF1 vous attaquer « maintenant » aux violences urbaines, mais voilà trois ans que vous êtes arrivé pour la première fois place Beauvau !

Les événements dramatiques de Clichy traduisent l'échec de votre politique de sécurité et l'échec du Gouvernement dans le traitement de fond du phénomène de la délinquance depuis trois ans. Vous annoncez désormais dix-sept compagnies de CRS et sept escadrons de gendarmerie mobile en plus dans les quartiers sensibles pour maintenir l'ordre public, reprenant ainsi le concept de fidélisation que nous avions développé entre 1997 et 2002. Mais nous avions dans le même temps créé la police de proximité,…

M. Thierry Mariani, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour la sécurité civile. On a vu les résultats !

M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour la sécurité. Un peu de modestie !

M. Jean-Pierre Blazy. …encouragé la prévention et développé la justice de proximité.

Mme Nadine Morano. Vous avez déjà oublié la « naïveté » de Lionel Jospin !

M. Jean-Pierre Blazy. Ce n'est pas non plus la vidéosurveillance qui réglera tous les problèmes. Si elle a permis l’arrestation de l’assassin d’Épinay-sur-Seine – ce dont on peut se féliciter –, elle ne l'a malheureusement pas dissuadé de passer à l’acte, car il ne pouvait ignorer la présence de caméras. Je vous demande d’y réfléchir.

La répression de la délinquance doit être ferme, mais elle est inefficace si elle n'est pas accompagnée d'une politique de prévention. Depuis 2002, vous nous promettez un projet de loi sur la prévention de la délinquance. Le Premier ministre l’a une nouvelle fois confirmé lors de la séance des questions au Gouvernement, ajoutant cette fois-ci qu’il serait élaboré sous sa coordination.

Au total, monsieur le ministre, vous vous êtes récemment comparé au cycliste qui a parcouru avec succès une partie de l'étape, mais qui n'a pas encore franchi la ligne d'arrivée.

Mme Nadine Morano. Vous, vous avez toujours été en panne !

M. Jean-Pierre Blazy. En 2002, vous avez stigmatisé la politique de sécurité de la gauche : trop de proximité, de prévention, d’où l'échec. Christian Estrosi, rapporteur de la LOPSI, déclarait que la police de proximité avait considérablement amoindri l'efficacité de l'action policière.

M. Thierry Mariani, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour la sécurité civile. C’est exact !

M. Jean-Pierre Blazy. Pour vous, la droite c’étaient des résultats, la répression, l’arrestation des délinquants, donc le succès. Aujourd'hui, alors que le niveau de délinquance reste, malgré quelques petits mouvements à la baisse, au sommet de la vague (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), à son niveau le plus élevé depuis les années cinquante, ainsi que le disent les chercheurs, comme Sébastien Roché,…

M. Nicolas Perruchot. Écoutez la population plutôt que les chercheurs !

M. Jean-Pierre Blazy. …alors que les violences urbaines se développent à nouveau, que les violences aux personnes, et pas uniquement intrafamiliales, s'aggravent, que les enquêtes de victimation confirment la persistance du sentiment d'insécurité, en particulier dans les quartiers de nos villes de banlieue, je crains que les résultats de votre politique n'aient atteint leurs limites, et ce pour une raison majeure. Vous avez en effet oublié que, dans un État de droit, dans une République, dans une démocratie, il faut impérativement favoriser le lien entre le policier et le citoyen. Le policier doit avoir les moyens de son action, il doit être respecté, certes,…

M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour la sécurité. Tout de même !

M. Jean-Pierre Blazy. …mais il doit en être de même pour le citoyen. Les voyous doivent être sanctionnés, mais il y a des jeunes qui sont parfois en souffrance, car ils sont souvent les victimes et pas toujours les auteurs d’actes de délinquance.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Parce que nous doutons de la sincérité et de l’efficacité de votre budget, mais aussi parce que nous ne doutons plus de l'échec de votre politique de sécurité, le groupe socialiste ne votera pas les crédits de la mission « sécurité » pour 2006. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Rudy Salles.

M. Rudy Salles. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, une ère nouvelle en matière de gestion publique s'est ouverte avec le dépôt du projet de loi de finances pour 2006. Performances et résultats doivent être désormais les maîtres mots de toute action publique. La présentation des crédits affectés à la mission interministérielle « sécurité » a retenu toute mon attention. Restaurer l'autorité de l'État, c'est garantir à chacun l'exercice de ses libertés et de ses droits fondamentaux. Cette exigence nécessite un engagement financier sur le long terme.

Vous avez souhaité que les programmes « police nationale » et « gendarmerie nationale » s'inscrivent dans la continuité. Malgré un contexte budgétaire restreint, la quatrième tranche de la LOPSI sera engagée. Ces efforts permettront de moderniser les institutions et le travail des policiers. Des progrès étaient à faire en matière d'information et de communication. J'approuve l'affectation de 65,7 milliards d'euros au déploiement du réseau ACROPOL dans 31 départements supplémentaires, ainsi que le lancement d'un projet de fichier criminel commun à la gendarmerie et à la police.

Le recrutement de 1 190 gardiens de la paix m'apparaît indispensable. La présence de policiers sur le terrain est un gage de réussite, réussite qui, suite aux politiques initiées en 2002, s'est fait sentir au niveau national. En 2004, la criminalité en zone de police a diminué de 2,71 %. La délinquance sur voie publique a, quant à elle, baissé de 8,45 %. Aujourd'hui, sur l'ensemble du territoire, plus d'un fait sur quatre est élucidé. Ces améliorations se retrouvent dans beaucoup de régions. En Provence-Alpes-Côte d'Azur, les infractions constatées ont connu une baisse de 1,3 %, chiffre toutefois nettement inférieur à la moyenne nationale.

Le nouveau cadre budgétaire nous donne des instruments pour améliorer ces résultats. Deux indicateurs me semblent particulièrement bien appropriés aux difficultés rencontrées sur le terrain. Il est effectivement nécessaire d'adapter la présence policière sur la voie publique au type de délinquance rencontré. De plus, il m'apparaît déterminant de pouvoir mesurer le niveau de sécurité dans tous les espaces. Je regrette cependant que des prévisions et des données fiables n'aient pas été élaborées pour l'année 2006. Ces instruments auraient permis au Parlement de répondre davantage au besoin de nos concitoyens.

Malgré l'augmentation des autorisations d'engagement demandées pour 2006, je m'interroge sur l'affectation précise de tous ces crédits. La diminution générale de la délinquance masque difficilement la persistance d'une criminalité endémique qui perdure dans certains de nos départements. Les moyens que nous vous accordons seront-ils affectés prioritairement à ces zones d'insécurité ?

Deux points devraient être détaillés par le projet annuel de performance de la police nationale. D’abord, plusieurs départements ne voient pas leur taux de criminalité diminuer suffisamment. En 2004, les Alpes-Maritimes ont connu une augmentation des infractions de 0,48 %. Ce chiffre cache une situation très inquiétante.

M. Jean-Pierre Blazy. C’est bien de le reconnaître !

M. Rudy Salles. En effet, les infractions économiques et financières ont augmenté de 7,74 %, les infractions aux stupéfiants de 6,54 % et les crimes et délits contre les personnes de 3,37 %.

Les grandes villes ne sont pas épargnées. Je m’interroge plus particulièrement sur le sort de l’agglomération niçoise, où la délinquance générale a augmenté de 1,8 % par rapport à 2003, et celle de voie publique de 0,7 %.

M. Bernard Derosier. Que fait la police ?

M. Rudy Salles. Le taux de criminalité de l’agglomération niçoise est le plus important de toutes les villes de plus de 250 000 habitants. Toutefois, les procédures d’affectation de policiers ne semblent pas prendre en compte ces mauvais résultats.

M. Bernard Derosier. Attention, Sarkozy va débarquer !

M. Rudy Salles. Certes, d’après les chiffres de votre ministère, nous disposons d’un fonctionnaire de police pour 358 habitants, ce qui est légèrement supérieur à la moyenne nationale ainsi qu’à celle des circonscriptions de même taille. Soixante-dix-sept policiers ont intégré les services niçois depuis janvier 2002. Les effectifs demeurent néanmoins insuffisants au regard des contraintes s’exerçant sur une cité qui attire de plus en plus de Français et de touristes.

En 1950, Nice comptait 1 100 agents pour 240 000 habitants ; aujourd’hui elle bénéficie de 983 policiers pour 400 000 habitants, ce qui ne lui permet pas de lutter efficacement contre une délinquance qui s’est installée durablement. Nous savons pourtant, grâce à des expériences menées sur de courtes durées, que la présence des forces de l’ordre sur le terrain est efficace. Cet été, des actions coordonnées entre la police nationale et la police municipale ont été réalisées. Du fait d’une présence policière optimale sur les principaux lieux touristiques, les vols avec violence ont sensiblement diminué.

C’est pourquoi j’ai proposé la création de « zones d’affectation prioritaire ». S’inscrivant directement dans la logique de l’objectif n° 5, cette idée mériterait d’être étudiée par vos services, monsieur le ministre. Des mesures incitatives devraient être mises en place pour les fonctionnaires acceptant de travailler dans des zones difficiles. Augmenter les logements réservés et le nombre de prêts à taux zéro est une bonne idée. J’espère que l’agglomération niçoise pourra bénéficier des 20 % de crédits supplémentaires alloués en 2006. Les prix élevés des loyers et le classement de la ville en zone 1 ne favorisent pas, actuellement, la mobilité des fonctionnaires.

Par ailleurs, j’ignore les moyens et les objectifs qui seront déployés en faveur de la lutte contre les crimes et les délits contre les personnes. Selon les statistiques de l’année 2004, ces infractions sont en augmentation de 4,36 % au niveau national, avec une hausse de 6,97 % des atteintes volontaires contre les personnes, et de 8,03 % des atteintes aux mœurs. Je pense qu’une véritable réflexion devrait s’engager sur les points de la LOPSI sur lesquels nous n’avons pas obtenu les résultats escomptés. Ainsi, les réseaux de proxénétisme sont encore très présents sur notre territoire, nombre d’entre eux s’étant d’ailleurs adaptés à notre législation. Les moyens matériels et humains déployés ne semblent pas encore adaptés. L’Office central pour la répression de la traite des êtres humains comptait en 2003 une trentaine de fonctionnaires. Alors que le nombre de personnes prostituées a sensiblement diminué à Paris, il ne cesse d’augmenter dans d’autres agglomérations.

M. Jean-Pierre Blazy. Et en banlieue parisienne !

M. Rudy Salles. À Nice notamment, une soixantaine de personnes viennent chaque année rejoindre ces réseaux. Quelques actions spectaculaires menées par l’OCRTH ont certes permis de faire tomber une quarantaine de structures en 2003, mais quelques poches de résistance subsistent. Évaluer les besoins, créer un indicateur pertinent et adapté, affecter les moyens financiers nécessaires, constituent des pistes de réflexion qu’il conviendrait d’explorer.

La volonté de restaurer un climat de sécurité a fait renaître beaucoup d’espoir chez nos concitoyens. S’ils entendent la détermination du Gouvernement, ils n’en mesurent pas toujours les effets au quotidien. Je vous demande, madame la ministre, monsieur le ministre, de nous donner des garanties sur l’application de vos grandes orientations budgétaires sur le plan local. Je me réjouis que la délinquance nationale diminue chaque année. Cependant, certains territoires ne profitent pas toujours des effets attendus.

M. Jean-Pierre Blazy. C’est le moins que l’on puisse dire !

M. Rudy Salles. Monsieur Blazy, j’interviens sur le budget de l’intérieur depuis dix-sept ans, et j’ai pu constater ceci : à chaque fois que vous êtes au pouvoir, la délinquance augmente, et à chaque fois que vous êtes dans l’opposition, elle diminue ! Je vous renvoie aux statistiques publiées par le ministère de l’intérieur, qui devraient vous inciter à la modestie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Blazy. C’est un peu facile !

M. le président. Monsieur Blazy, si vous interpellez l’orateur qui s’exprime à la tribune, il ne faut pas vous plaindre qu’il vous donne la réplique !

M. Jean-Pierre Blazy. Mais il se contredit, monsieur le président !

M. le président. Vous avez la parole, monsieur Salles.

M. Rudy Salles. La République est une et indivisible, et nous devons nous doter des moyens budgétaires propres à assurer à chaque citoyen la jouissance d’un droit naturel et imprescriptible, celui de la sûreté. J’estime que les efforts faits vont dans le bon sens – même si l’on peut toujours faire mieux.

En tant que député UDF, je voterai ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Merci !

M. le président. La parole est à M. André Gerin.

M. André Gerin. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, l’actualité brûlante de Clichy et de la région parisienne met en évidence les menaces qui existent contre la République.

La politique gouvernementale a atteint ses limites. L’usage qui est fait de la police dans le cadre d’une politique ultrasécuritaire est dangereux, en particulier au cœur d’une France populaire qui cumule les discriminations négatives et exprime les flammes de l’exclusion. C’est une France qui se sent abandonnée, une France en défiance à l’égard des gouvernements successifs et de l’État, comme le confirme le référendum du 29 mai. La méfiance entre les habitants et les autorités de la République n’a jamais atteint un tel paroxysme. Organiser, concentrer les efforts, est certes utile mais limité. Aujourd’hui, nous sommes dans une logique d’affrontement. Les policiers sont envoyés au casse-pipe sur fond de harangue quasi militaire : une guerre contre les jeunes.

La France, la République est en danger. Cette France qui souffre, frappée par une misère endémique, par une paupérisation économique, sociale, morale et culturelle, est méprisée et humiliée. Des millions de gens, en particulier de jeunes, sont mis au pilori. À la misère et l’injustice s’oppose l’opulence des quartiers riches, de la jeunesse cachée, dorée, dorlotée, choyée. Il y a une France pauvre, de plus en plus pauvre, et une France riche, de plus en plus riche, une France de l’insolence.

L’exclusion de l’ordre républicain constitue le terreau de la haine, de la barbarie, de la sauvagerie. Quand vous parlez de « voyous », le terme ne me choque pas, puisque je l’emploie moi-même. Ce qui me choque, c’est que vous l’appliquiez de manière exclusive aux cités populaires. Oui, il faut nettoyer au Kärcher, mais pour nous débarrasser des mafieux, de tous ceux qui pourrissent la vie de nos quartiers et de nos gamins.

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Merci, André !

M. André Gerin. Que fait-on des têtes de réseaux qui s’enrichissent en dormant, les délinquants en col blanc ?

Oui, il existe des voyous. Mais encore faut-il définir une échelle de Richter : il y a des voyous de première catégorie, de deuxième catégorie, et on ne doit pas oublier de parler des voyous de la France d’en haut, de la géopolitique, de la drogue ou encore de l’intégrisme, ce nouveau fléau qui pourrit la vie.

M. Jean-Christophe Lagarde. L’un n’excuse pas l’autre !

M. André Gerin. Je n’ai pas l’intention de vous désigner comme bouc émissaire, monsieur le ministre, car je sais qu’au-delà des mots le parler vrai n’est pas dans le « politiquement correct ». Au-delà de votre méthode, qui peut être discutable, voire détestable, c’est toute la politique de la droite qui est mise en accusation. On cogne fort, très fort, les petites gens dans un climat de guerre civile et, dans le même temps, on ménage, on soigne, on protège discrètement, voire on cache la richesse insolente de la société d’en haut.

Au-delà des mots, il y a la réalité. Les problèmes, dont l’apparition remonte à une trentaine d’années, avaient été bien appréhendés par la commission Bonnemaison en 1982. Malheureusement, 80 % des recommandations formulées par cette commission n’ont toujours pas été mises en œuvre. Aujourd’hui, ce sont de 20 à 40 voitures qui brûlent chaque nuit, et des atteintes incessantes à toutes les représentations de la République : policiers et pompiers caillassés, bâtiments publics vandalisés.

Ce pourrissement social se produit sur un trop-plein de discriminations, un trop-plein qui pétera à la gueule de la société tout entière. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Nous allons tout droit vers une société du type de celle décrite dans le film Orange mécanique.

Pendant trente ans, on a donné des réponses souvent symboliques et dérisoires, dans le cadre de politiques tantôt laxistes, tantôt sécuritaires. On a abusé des effets d’annonce, et oublié leur effet boomerang. Je pense notamment au droit de vote des immigrés, promis en 1981 et que vous avez à nouveau évoqué dernièrement, ou à la discrimination positive,…

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Écoutez-le, voilà un homme qui connaît le terrain !

M. André Gerin. …autant d’idées qui mériteraient d’être exploitées plus concrètement. Ce qu’il faut dans nos quartiers, au-delà de nos différences et de nos sensibilités politiques, ce sont des « casques bleus » de la République, à l’image des hussards de la République que sont nos instituteurs, pour travailler à renforcer les missions de l’État dans le domaine de l’école, du logement, de la santé, de l’emploi et des valeurs et de l’ordre républicain.

M. Jean-Pierre Blazy. C’est un vrai sarkozyste !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Un homme sincère et honnête, tout simplement !

M. André Gerin. L’heure est venue d’ouvrir un grand débat national, républicain, afin d’établir, gauche et droite confondues, un diagnostic de la situation critique de la France et de ses banlieues, sans esprit polémique, politicien ou partisan.

M. Jean-Christophe Lagarde. C’est vrai !

M. André Gerin. Il est indispensable de remettre à plat les questions de l’ordre et de l’autorité, de la sécurité du citoyen, de redéfinir les missions de la République, le lien entre l’État, la République et la responsabilité individuelle de chaque citoyen…

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Ça, c’est du communisme !

M. André Gerin. …d’actualiser le triptyque prévention, dissuasion, répression, qui ne fonctionnera qu’à la condition d’être cohérent et équilibré.

Inventons des réponses politiques nouvelles et donnons à notre jeunesse l’apprentissage de la citoyenneté, de la coresponsabilité. Rendons-lui également le droit au bonheur car, aujourd’hui, les jeunes ont le sentiment d’être de trop, de vivre dans le no future. Une nouvelle politique économique est indispensable pour changer tout cela.

La dérive sécuritaire et l’emprise de plus en plus importante de la notion d’ordre public sur la notion de sécurité publique trouvent leur traduction dans les orientations budgétaires du ministère de l’intérieur pour 2006. La mission interministérielle « sécurité » regroupant la police et la gendarmerie voit ainsi ses crédits augmenter.

Madame la ministre, monsieur le ministre d’État, les objectifs annoncés sont intrinsèquement liés à la fonction même du ministère de l’intérieur, mais les méthodes et les orientations choisies pour atteindre ces objectifs renforcent les effets sécuritaires. Le document présentant les actions à mener juxtapose deux notions, celle du maintien de l’ordre et celle du renseignement. Ces deux notions sont utiles, mais pour quelle efficacité ?

Depuis que la droite est au pouvoir, plusieurs lois, notamment celles sur la sécurité de 2002 et 2003, ont stigmatisé la pauvreté et l’activité syndicale dans ce pays.

M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour la sécurité. Dites plutôt « notre pays », cela sonne mieux !

M. André Gerin. Notre pays, notre nation, la France… N’espérez pas me prendre en défaut sur le chapitre du patriotisme, mon cher collègue ! Je suis fidèle depuis toujours au drapeau bleu-blanc-rouge et ce n’est pas aujourd’hui que je vais changer d’avis.

M. Christophe Caresche. Entre ex-gaullistes et ex-communistes, ils finissent par s’entendre !

M. le président. Laissez M. Gerin s’exprimer, mes chers collègues !

M. André Gerin. Être attaché à la nation, aux valeurs républicaines, à la philosophie de la révolution de 1789, est plus que jamais d’actualité, me semble-t-il.

Monsieur le ministre, lors de votre audition, le mardi 18 octobre, par la commission des lois, vous avez exposé votre conception de la sécurité et précisé que la lutte contre l’immigration irrégulière bénéficierait de la totalité des moyens nouveaux, lesquels contribueront notamment à financer l’augmentation du nombre de places en centres de rétention administrative.

M. Christophe Caresche. Ah !

M. André Gerin. Mitterrand s’était engagé avant 1981 à fermer ces centres…

M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour la sécurité. Et il n’a jamais honoré sa promesse !

M. André Gerin. Par conséquent, que chacun balaie devant sa porte !

Les nouveaux moyens contribueront également à financer l’accroissement du nombre de reconduites à la frontière ainsi que d’autres dépenses concourant à la maîtrise de l’immigration, en particulier les visas biométriques. Mais que fait-on des filières constituées pour fournir une main-d’œuvre bon marché à certaines entreprises qui ne respectent pas le droit du travail, monsieur le ministre ?

La République a besoin de policiers sur le terrain. Or, selon les syndicats, l’objectif de 8 000 gardiens de la paix supplémentaires d’ici à 2012 tend à s’éloigner. Pour le ministère de l’intérieur, le fonctionnaire est aussi une variable d’ajustement.

De surcroît, le mercredi 26 octobre, au conseil des ministres, vous avez présenté votre projet de loi de lutte contre le terrorisme. Ce projet intègre des dispositions aussi variées que la vidéosurveillance ou la déchéance de la nationalité française.

Dans l’approche judiciaire, le terrorisme est considéré comme un phénomène d’exception mettant en place un droit exceptionnel. Avec l’approche d’ordre public, ne doit-on pas craindre une banalisation de la menace terroriste ?

Je terminerai mon propos par quatre questions.

Quand allez-vous organiser un débat sur la police de proximité ?

M. Jean-Pierre Blazy. Jamais !

M. André Gerin. Le projet de loi de lutte contre le terrorisme remplace-t-il celui sur la prévention de la violence ?

Ce dernier est-il toujours d’actualité ?

Quand allez-vous rendre public le rapport sur le bilan et l’évaluation des contrats locaux de sécurité et des conseils locaux que vous possédez depuis fin août ?

Monsieur le ministre, j’ai tenu à vous faire part des sentiments que m’inspire l’actualité, eu égard à mon expérience personnelle et politique. Mais les députés communistes et républicains censureront, aujourd’hui, les orientations sécuritaires du Président Chirac et du gouvernement de Villepin. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Pour ces raisons, nous voterons contre ce budget.

M. Bernard Derosier. Très bien !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Nous sommes déçus !

M. le président. La parole est à M. Dominique Caillaud.

M. Dominique Caillaud. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, je serai beaucoup plus modeste que M. Gerin, ayant la chance de ne pas être dans un département aussi compliqué. Je constate néanmoins une grande convergence sur l’analyse des problèmes et de la souffrance sur le terrain.

Les rapporteurs ont mis en évidence les aspects positifs de la présentation des missions de sécurité et de sécurité civile dans le cadre de la LOLF. Je me félicite avec eux de ces propositions de crédits qui permettent de mieux assurer les deux missions grâce à une modernisation technologique des moyens matériels, à des recrutements importants tant dans la police que dans la gendarmerie, et à une coordination accrue qui nous a engagés durablement dans la voie des bons résultats, régulièrement évalués.

Pour ma part, je m’attacherai plus spécialement à des aspects territoriaux sensibles sur chacune de ces deux missions. J’évoquerai plus précisément la politique immobilière dans la gendarmerie nationale et la mise en œuvre de la loi de modernisation de la sécurité civile.

Lors de mon intervention dans le cadre du débat portant sur cette loi, j’avais fondé beaucoup d’espoirs, comme certains de mes collègues, dans la conférence nationale des SDIS. J’avais souhaité qu’elle soit le remède aux maux financiers engendrés par l’exercice conjoint des responsabilités de l’État et du département.

Malheureusement, les différents rapports financiers sur les SDIS montrent que la mise en œuvre a été très onéreuse pour le renouvellement des matériels mais surtout en termes de financement des sapeurs-pompiers professionnels. Je regrette que, dans le difficile dossier du temps de travail, le rapport Nizan n’ait pas été suivi davantage, ce qui a entraîné de nombreux recrutements départementaux et laissé place à une trop grande disparité de situations.

Les crédits de la mission « Sécurité civile », même s’ils sont très inférieurs au coût global des SDIS, évoluent d’une manière très positive pour l’amélioration des missions principales de la sécurité civile. Je note en particulier l’effort poursuivi pour l’acquisition et la maintenance des moyens aériens nécessaires à la protection incendie et aux secours à la personne.

Pour évoluer vers une sécurité civile citoyenne, la loi de modernisation prévoyait une sensibilisation à la prévention des risques et une formation minimum aux premiers secours, en particulier dans les établissements scolaires. Notre situation nationale accuse, en la matière, un large retard sur les pays de l’Europe du Nord.

Dans le domaine de la formation scolaire, monsieur le ministre, un projet de décret, en cours d’élaboration, doit intégrer aux programmes scolaires cette sensibilisation. Peut-on espérer une mise en œuvre rapide de ces mesures et avec quels moyens ?

La loi prévoyait aussi, très judicieusement, la mise en œuvre, dans les communes, de réserves de sécurité civile aux côtés des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires, qui sont autant d’exemples pour notre jeunesse en laquelle nous avons toute confiance.

Peut-on aujourd’hui, monsieur le ministre, évaluer les premiers résultats et les difficultés de mise en œuvre de ce dispositif qui ne semble pas trouver un écho rapide et positif chez nos collègues maires ?

Responsable d’une association départementale de protection civile, je crois pour ma part qu’on pourrait également explorer plus complètement la possibilité d’une coopération plus étroite en termes de moyens matériels et humains avec les associations locales de secouristes.

La loi prévoyait précisément des dispositions pour prendre en compte et valoriser le travail et le rôle de ces associations. Peut-on envisager des moyens nouveaux pour moderniser, et redynamiser si besoin, ces associations départementales ou nationales, afin d’aller vers une couverture nationale cohérente et homogène du territoire ? La situation actuelle présente en effet de grandes disparités.

S’agissant des programmes immobiliers de la gendarmerie, je tiens, après mon collègue Philippe Folliot, à vous exprimer ma satisfaction, madame la ministre, quant à l’évolution des crédits, y compris ceux liés à l’immobilier, même si cet effort très significatif mérite d’être soutenu pour assurer un rattrapage.

Le bon état des casernements et des logements doit accompagner les efforts de services et de mutations qui sont demandés aux gendarmes, sans compter les besoins relatifs au recrutement supplémentaires engagés.

M. Philippe Folliot, rapporteur pour avis de la commission de la défense, pour la gendarmerie nationale. C’est vrai !

M. Dominique Caillaud. Qui construit et qui aménage, aujourd’hui ? Il a été mis en évidence que le parc domanial était à la fois le plus vétuste – 41 % de logements vétustes ou en mauvais état – et celui qui avait le moins de mises en chantier.

À ce sujet, madame la ministre, la caserne de La Roche-sur-Yon est un bon exemple de cette problématique. En décembre 1994, après plusieurs années de négociations, l’État a fait l’acquisition d’un terrain à la Roche-sur-Yon destiné à la construction « urgente » d’une nouvelle caserne de gendarmerie compte tenu du mauvais état des locaux. Mais ce n’est qu’en 2004 et grâce à votre action que ce projet a été effectivement programmé. Toutefois, 1es modifications du programme sur un terrain devenu exigu ont considérablement réévalué le projet et l’ont donc décalé dans le temps.

Par conséquent, il me semble inutile de procéder à des achats de terrains ou d’envisager des projets techniques très élaborés tant que la programmation financière n’est pas déterminée avec précision.

En effet, les projets élaborés il y a dix ans doivent être modifiés, car souvent dépassés notamment en termes de locaux opérationnels et de qualité de vie pour les personnels de gendarmerie.

Là aussi, une plus grande souplesse dans l’étude et la réalisation doit être possible.

Alors, faut-il externaliser ou pas ? Le rapporteur reste réservé sur l’externalisation et je ne me prononcerai pas sur le choix technique. Je suis cependant persuadé que nous devons évoluer pour professionnaliser et décentraliser la gestion et la construction du parc immobilier au niveau départemental ou, au plus, régional même si le cahier des charges techniques concernant les locaux doit rester national et au sein du ministère.

Nous devons donc utiliser toutes les possibilités juridiques pour assumer cette gestion en partenariat avec les collectivités locales, qui se sont souvent montrées réactives s’agissant de la qualité de logement de leurs gendarmes, et qui sont indispensables pour réserver les emprises foncières nécessaires.

Merci encore, madame la ministre, d’avoir pris en compte dans les crédits ce souci d’améliorer la condition militaire au travers de la qualité de la vie familiale.

Madame, monsieur les ministres, parce que ces crédits vous permettent de financer les objectifs ambitieux du Gouvernement en matière de sécurité, qui répond en cela aux attentes de nos concitoyens, parce que je vous fais confiance pour garder ce cap, je voterai avec le groupe UMP ce projet de budget et je vous remercie de persévérer ensemble dans cette voie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Merci, Dominique.

M. le président. La parole est à M. Bernard Derosier.

M. Bernard Derosier. Monsieur le président, madame, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’année 2005 aura été, incontestablement, une année noire pour la sécurité civile. Trop nombreuses, en effet, auront été les pertes en vie humaine chez les sapeurs-pompiers. En outre, l’insécurité qui s’installe de plus en plus dans certains quartiers de nos villes a pour conséquence de placer les sapeurs-pompiers en situation difficile lorsqu’ils sont accueillis par exemple à coups de pierre.

Je tiens donc à exprimer, au nom des députés socialistes, toute ma solidarité avec ces femmes et ces hommes, sapeurs-pompiers professionnels ou volontaires, pilotes, qui consacrent leur vie à protéger et à sauver celle des autres. Je rends hommage aux victimes et j’exprime ma sympathie à leurs familles.

La sécurité civile est un domaine partagé entre l’État et les collectivités territoriales, entre le Gouvernement et les élus locaux.

C’est pourquoi les responsables des services départementaux d’incendie et de secours restent aujourd’hui très vigilants quant à l’amélioration de ce service public qui doit, plus que jamais, être à la hauteur des défis et des attentes de sa mission.

La sécurité civile est, par nature, une dépense utile. Mais elle n’est pas assumée seule par l’État. De ce fait, la mission « Sécurité civile » n’est pas du tout représentative des moyens consacrés à la sécurité civile en France. Les missions assumées par les collectivités territoriales dans le cadre de ce service public n’apparaissent pas, en effet.

Bien que l’État demeure l’autorité de coordination des interventions opérationnelles de la sécurité civile, les moyens mis en œuvre pour l’organisation des secours sont essentiellement à la charge des collectivités territoriales, qui assurent le financement des services départementaux d’incendie et de secours.

C’est dire que la présentation des moyens alloués à cette politique est tout à fait incomplète.

En effet, la prise en charge de la sécurité civile par les collectivités locales représente 3,7 milliards d’euros, celle de l’État 463 millions d’euros. Or, il n’est nulle part fait mention de cet engagement financier considérable des collectivités locales dans la mission « Sécurité civile » !

Il est regrettable qu’aucune mise en perspective du poids financier réel de la sécurité civile ne nous soit présentée. Le rapporteur spécial de la commission des finances l’a d’ailleurs souligné.

Il est certes prévu dans l’action « Coordination des acteurs de la sécurité civile », qui dépend du programme « Coordination des moyens de secours », une « harmonisation nationale de l’organisation et du fonctionnement des SDIS ». Il est pourtant à craindre que l’impact de cette action ne puisse être correctement apprécié tant elle coûtera assurément plus aux SDIS qu’à l’État.

Au-delà de la loi de modernisation de la sécurité civile, il nous faut aller plus loin dans la définition des relations entre l’État et les collectivités territoriales, dans ce domaine. Je ne vais pas énumérer ici les exemples qui illustreraient mon propos. Je me tiens, monsieur le ministre, à votre disposition pour en parler, comme je vous l’ai récemment proposé par écrit.

La concertation avec les principaux financeurs doit être renforcée afin d’éviter une débudgétisation progressive de cette politique vers les services départementaux d’incendie et de secours.

La conférence nationale des services départementaux d’incendie et de secours devrait être en mesure d’assurer une réelle harmonisation nationale des politiques locales et nationales relatives à la sécurité civile. Encore faut-il en avoir la volonté politique partagée.

Pour l’heure, cette conférence ne peut émettre que des avis sur les projets de loi et de décret. Comment les conseils généraux auront-ils dès lors les moyens de contrôler les mesures nationales qui s’imposeront à eux pour des raisons de qualité ou d’interopérabilité du service, ou en raison du statut des sapeurs-pompiers professionnels ?

Lors du 112e congrès national des sapeurs-pompiers de France, vous avez déclaré, monsieur le ministre, que l’attribution d’une fraction de la taxe spéciale sur les conventions d’assurances et l’abondement de la dotation générale de fonctionnement pour financer la prestation de fidélisation et de reconnaissance des sapeurs-pompiers volontaires, la PFR, constituaient « la base du pacte politique et financier passé entre l’État et les représentants des élus locaux ». Or, pour qu’il y ait pacte, il doit y avoir dialogue, concertation. Ce dialogue, cette concertation n’ont pas eu lieu. Comme pour les transferts de compétences, nous pouvons constater une nouvelle fois que ce n’est pas de pacte entre État et collectivités locales qu’il s’agit, mais de décharge financière de l’État vers les collectivités locales. C’est encore l’État qui décide et qui fait payer les autres.

Cela se traduit également dans le manque d’ambition de la participation de l’État aux efforts de modernisation des services départementaux d’incendie et de secours.

L’explosion des budgets des SDIS depuis la départementalisation est indéniable – un orateur du groupe UMP l’a d’ailleurs souligné il y a un instant. Elle découle notamment de l’augmentation du nombre de sapeurs-pompiers professionnels, de l’amélioration de leur statut et de l’effort d’équipement conséquent entrepris depuis 2001, en partie pour rattraper le retard pris par les communes ou les groupements de communes et en partie pour améliorer la couverture du territoire et l’état du matériel.

D'une part, la loi de modernisation de la sécurité civile du 13 août 2004 a créé de nouvelles charges pour lesquelles il n'existe pas de compensation financière. Il en est ainsi pour la réserve de sécurité civile, l'établissement interdépartemental ou encore du contrat à durée déterminée des sapeurs pompiers volontaires soumis aux charges sociales.

D'autre part, l'État ne contribue plus de la même manière au budget des SDIS : depuis 2003, il a substitué au versement de la dotation globale de fonctionnement un fonds d'aide à l'investissement. Cette modification a entraîné une certaine lourdeur administrative : dossier à constituer, rubriques d'investissement ne correspondant pas aux réalités du terrain et financées de manière déséquilibrée par rapport aux besoins, dotation initiale non redistribuée dans sa totalité.

Pour 2006, la dotation du fonds d'aide à l'investissement s'élèvera à 65 millions d'euros, soit le même montant que celui prévu dans le projet de loi de finances pour 2005. Dans la mesure où elle se rapporte à l’ensemble des services départementaux de France, cette prévision montre bien que l’on veut mettre en difficulté les collectivités locales. Permettez-moi, monsieur le ministre, de faire une comparaison : dans mon département, le SDIS a prévu de dépenser 132 millions d’euros pour reconstruire et réhabiliter des centres de secours. Si l’on rapproche ce chiffre des 65 millions pour la France entière, on voit la différence !

Monsieur le ministre, vous avez rappelé le 17 septembre dernier au congrès national des sapeurs pompiers de France que l'État soutiendrait les départements dans le financement des SDIS. Pour faire face à l'explosion du coût de ces derniers, vous proposez, comme en 2005, d'attribuer à chaque département une fraction du produit de la taxe spéciale sur les conventions d'assurance automobile. Celle-ci devra couvrir une partie du financement des SDIS, mais également les compétences transférées aux départements par la loi relative aux libertés et responsabilités locales – routes nationales, RMI, TOS, aides aux personnes handicapées, FSL.

Il était initialement prévu que les conseils généraux pourraient moduler les taux de cette taxe par délibération. Or, le Gouvernement a décidé de ne pas autoriser les départements à le faire, ce qui constitue une remise en cause implicite de l'autonomie de gestion des collectivités locales, principe pourtant inscrit dans notre Constitution.

Vous me répondrez sans doute qu'en substituant cette part de taxe à la DGF, les collectivités locales bénéficieront d'une ressource dynamique. Peut-être le même effet était-il attendu de la part de la TIPP consacrée au RMI : or, 415 millions d'euros n’ont pas été versés en 2004, 1 milliard à ce jour. Qu'il me soit permis de douter du dynamisme escompté !

Les services départementaux d'incendie et de secours rencontreront un problème similaire avec la prestation de fidélisation et de reconnaissance des sapeurs-pompiers volontaires créée par la loi du 13 août 2004. Il était important de valoriser le travail effectué par les sapeurs-pompiers, et a fortiori par les volontaires, qui représentent 80 % des effectifs opérationnels. Le décret du 13 septembre 2005 prévoit que le financement de cette prestation est assuré par une cotisation personnelle et une contribution publique à la charge du SDIS. Vous vous êtes engagé, monsieur le ministre, à ce que l'État participe à hauteur de la moitié du coût pour les départements de cette prestation, évaluée à 60 millions d'euros. Pour 2006, vous avez indiqué que l’abondement de la DGF pour les départements serait porté de 20 à 30 millions d'euros. Engagement tenu, direz-vous, mais nous savons qu'au cours des prochaines années, compte tenu de la pyramide des âges, des recrutements et de l'effet de fidélisation, ce chiffre évoluera pour atteindre vraisemblablement 100 millions d'euros par an, ce qui veut dire, monsieur le ministre, que les départements n’ont aucune assurance que l’État maintiendra l’engagement que vous avez pris. Le Gouvernement laisse les collectivités locales dans l’incertitude.

Parce que le principe constitutionnel d'autonomie financière des collectivités locales n'est pas assuré, parce que n'est pas prise réellement en compte l'action des SDIS et de leurs premiers financeurs, parce que les crédits alloués à cette mission ne correspondent pas aux enjeux et aux attentes des acteurs de terrain, le groupe socialiste ne votera pas les crédits de la mission « Sécurité civile ». (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, dès le début de la législature, notre assemblée a souhaité que soit prise en compte l’aspiration très forte de nos concitoyens à ce que leur sécurité soit mieux assurée et la délinquance combattue avec plus d’efficacité.

Prenant la mesure de cette aspiration, monsieur le ministre, vous avez proposé au Parlement un projet de loi d’orientation et de programme sur la sécurité intérieure, qui a été approuvé par une écrasante majorité de parlementaires dans nos deux assemblées. Non seulement vous avez obtenu des arbitrages budgétaires prévisionnels très conséquents, à la hauteur des enjeux auxquels nous devons faire face, mais vous avez également œuvré pour que cette loi soit bien appliquée, ce qui n’est pas le moindre de vos mérites en ces temps de disette budgétaire.

Le seul engagement qui n’ait pas été tenu, monsieur le ministre, et c’est regrettable, concerne le projet de loi sur la prévention de la délinquance dont la discussion, à dix-huit mois de la fin de notre législature, n’est toujours pas inscrite à l’ordre du jour de notre assemblée. Sans doute vos quelques mois d’absence involontaire au banc du Gouvernement n’y sont-ils pas étrangers…

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. C’est vrai !

M. Jean-Christophe Lagarde. Les budgets que vous nous proposez sont régulièrement en hausse depuis 2003, et le projet de loi de finances pour 2006 ne déroge pas à la règle. Avec plus de 3 % d'augmentation, la mission « Sécurité » sera dotée l'année prochaine d'une enveloppe plus conséquente lui permettant de poursuivre les réformes voulues par le Parlement.

Sur les cinq ans de programmation, il était prévu d'attribuer 5,6 milliards d'euros, dont 2,75 milliards pour la police nationale, et de créer 13 500 emplois, dont 6 500 dans la police. Qu'en est-il pour la quatrième année d'application, à mi-chemin de la programmation pluriannuelle ? Mon constat se limitera au programme « Police nationale », et je vous prie de bien vouloir m’en excuser, madame la ministre de la défense. Ce n’est pas par manque de courtoisie, mais parce que mon collègue Philippe Folliot, rapporteur pour avis du budget de la gendarmerie, s’est exprimé sur ce sujet. Le temps de parole accordé au groupe UDF étant relativement réduit, je souscris à ses propos.

M. Christophe Caresche. Ne le dilapidez pas !

M. Jean-Christophe Lagarde. Vous avez raison, monsieur Caresche ! Dans la police, 3 900 emplois ont été créés, auxquels s'ajouteront 1 300 recrutements supplémentaires cette année. Les engagements en matière de recrutement sont donc globalement respectés, puisqu'il ne restera en 2007 que 1 300 emplois à créer.

Nous observons également une évolution des recrutements dans un sens beaucoup plus satisfaisant que l'an dernier puisque, sur ces 1 300 postes, 1 140 seront consacrés aux gradés et gardiens de la paix, c’est-à-dire à celles et à ceux qui travaillent sur le terrain, contre à peine 490 l'an dernier. À l’époque, le groupe UDF avait trouvé cela insuffisant sachant que, dans le même temps, 400 postes d’adjoints de sécurité avaient été supprimés. Sur le terrain, seuls 90 policiers supplémentaires ont été intégrés par la loi de finances de l’an dernier.

Ce retour à une réalité de terrain nous semble salutaire et nous espérons, monsieur le ministre, que vous la poursuivrez en 2007, la LOPSI n'ayant pas été adoptée par le Parlement pour remplir le ministère d’employés de bureau. À ce sujet, vous me permettrez de vous rappeler, comme chaque année depuis trois ans, la nécessité de réformer la préfecture de police où de très nombreux gradés, compétents et expérimentés, employés à des taches administratives, seraient mieux utilisés pour encadrer de jeunes recrues qui apprennent leur métier.

M. Jean-Pierre Blazy. Absolument !

M. Jean-Christophe Lagarde. Cette réforme reste entièrement à conduire.

En ce qui concerne le recrutement, monsieur le ministre, je souhaite que vous répondiez à deux questions.

Tout d'abord, si 1 325 adjoints de sécurité ont été incorporés en qualité d'élèves gardiens de la paix entre le début de l'année et le mois de septembre, nous savons que 2 900 contrats conclus en 2001, sous la mandature précédente, arrivent à échéance cette année. À quelle hauteur et sous quel corps comptez-vous combler la différence ?

M. Jean-Pierre Blazy. Bonne question !

M. Jean-Christophe Lagarde. La question ne se pose pas pour le corps des gradés et gardiens de la paix, puisqu'on prévoit 3 800 départs pour 5 300 recrutements, conformément aux objectifs de la LOPSI.

Ensuite, je souhaite savoir comment la répartition des effectifs a évolué par département depuis 2002. Je suppose que vous ne pourrez pas me répondre au cours de la séance, mais ces chiffres nous seraient très utiles, en particulier pour les rapporteurs. Car si nous votons de nombreux recrutements chaque année, force est de constater que les effectifs n'augmentent pas autant, loin s'en faut, dans les commissariats de la première couronne parisienne.

M. Jean-Pierre Blazy. Ni dans ceux de la deuxième couronne !

M. Jean-Christophe Lagarde. De nombreux maires s'en plaignent à juste titre, certains ayant même connu une baisse des effectifs. Certes, cette baisse des effectifs s’explique par les mutations et les départs en retraite, nombreux en province. Mais ce problème est en partie responsable du climat d'insécurité qui perdure et parfois s'accroît dans nos villes. Les délinquants s'approprient ainsi des territoires et créent une situation propice au drame d’Épinay-sur-Seine ou aux violences urbaines, qui ne font que croître.

Je n’avais pas prévu, monsieur le ministre, de m’attarder sur la question des violences urbaines, mais permettez-moi de vous dire deux ou trois choses.

Si certains propos imprudents qui ont été tenus ont pu susciter le trouble car ils traduisaient un manque de différenciation entre les voyous et les jeunes, j’ai été encore plus choqué par la double absence de cohésion dont a fait preuve ces derniers jours le Gouvernement. J’en veux pour preuve les prises de position dangereuses et déplacées de certains ministres contre leur collègue de l’intérieur et l’absence du Premier ministre. Subitement, Nicolas Sarkozy est devenu le ministre des banlieues, alors qu’à ma connaissance il appartient à l’ensemble du Gouvernement de traiter le problème des banlieues et non à un seul ministre, qui serait tenu pour responsable de ce qui s’y passe !

M. Nicolas Perruchot. Très bien !

M. Dominique Caillaud. Bravo !

M. Jean-Christophe Lagarde. Sans fausse naïveté, monsieur le ministre, je comprends tous les enjeux d’une élection présidentielle, à dix-huit mois de l’échéance, mais rien n’excuse cet affaiblissement de l’État en période de crise. Et ce n’est pas le député UDF qui vous le dit, mais le maire de Drancy, qui n’aime pas que son téléphone sonne à minuit pour s’entendre annoncer que les émeutes dont on parle à la télévision, faisant tache d’huile, se répandent dans sa propre ville. Une parole à la fois prudente et cohérente de l’État aurait sans doute facilité les choses dans une période difficile pour tous les maires concernés par ces quartiers en difficulté.

Avant d'avoir recours aux escadrons de maintien de l'ordre, monsieur le ministre, nous aurions besoin tous les jours d'effectifs suffisants dans la première couronne parisienne, particulièrement en Seine-Saint-Denis, pour que les jeunes et les citoyens respectueux de nos lois qui, il faut le rappeler, représentent l’écrasante majorité des habitants de nos quartiers difficiles – vous en avez reçu quelques-uns hier encore – puissent y vivre autrement que sous la coupe de malfrats. Ces effectifs, nous ne les avons pas toujours en proche banlieue, singulièrement en Seine-Saint-Denis.

La LOPSI prévoyait 1,7 milliard de moyens de fonctionnement. Les trois précédentes lois de finances ayant connu une augmentation cumulée d’environ 1 milliard, il reste du chemin à parcourir, mais nous sommes en droit d'espérer pour l’année prochaine le respect des dispositions adoptées en 2002.

En commission des lois, monsieur le ministre, vous nous avez expliqué votre choix de consacrer la totalité de l'augmentation de votre budget, soit 38 millions d'euros, à la lutte contre l'immigration clandestine. Nous vous en félicitons et souscrivons pleinement à cet objectif. Cette enveloppe servira à financer l'augmentation du nombre de places en centres de rétention administrative – et Dieu sait qu’elles sont nécessaires, ne serait-ce que pour des raisons humanitaires –, à accroître le nombre des reconduites à la frontière et à faire face à certaines dépenses, concernant notamment le développement des visas biométriques, qui permettront d’accroître significativement l’efficacité de la lutte contre l’immigration clandestine, tant il est vrai que l’immense majorité des étrangers en situation irrégulière dans notre pays sont entrés légalement et, lorsqu’ils sont pris, jouent de nos difficultés à les identifier.

Cependant, ces crédits s’inscriront dans une organisation trop peu modifiée. Le Premier ministre a en effet annoncé, il y a quelques mois à peine, la mise en place d’un service public de contrôle de l’immigration chargé de coordonner les activités de toutes les administrations concernées par ce problème. Pour mettre en œuvre son dispositif, avec la coopération de la police de l’air et des frontières, ce service public disposera en 2006 de huit brigades mobiles de recherche en province et de quatre autres en région parisienne.

La traduction budgétaire de cet engagement sera donc effective dès l’année prochaine. C’est un pas en avant, mais qui demeure à nos yeux insuffisant. En 2003, lors du débat du projet de loi relatif à la maîtrise de l’immigration, nous avions demandé la création d'une police autonome qui regrouperait à la fois des services de police existants et des services de gendarmerie, sous l'égide de la police de l'air et des frontières. À nos yeux, la lutte contre l'immigration clandestine passe par le développement d'une politique spécifique qui, faute d'un organe ayant une existence propre, des méthodes et des capacités de recoupement des informations, obtiendra des résultats encore trop limités. Les mesures annoncées par le Gouvernement permettront sans doute de mieux découvrir un certain nombre de responsables de réseaux et de filières, ce qui est évidemment une bonne chose, mais nous ne pensons pas qu'elles amélioreront nos capacités de reconduite à la frontière de chaque clandestin. Si celles-ci ont fortement progressé ces dernières années, c'est sous votre impulsion et grâce à votre détermination, monsieur le ministre, et également grâce aux modifications législatives que nous avons adoptées, et non du fait de cette coopération nouvelle, qui restera encore trop limitée.

Un véritable service spécialisé de police de l'immigration, comme il en existe dans d’autres pays, permettrait d'assurer un meilleur contrôle de nos frontières et le suivi effectif des clandestins à travers tout le territoire. Vous le savez bien, monsieur le ministre, nos commissariats ont bien mieux à faire que de courir après des clandestins, et ils perdent beaucoup de temps à assurer le suivi de ceux qu'ils interpellent.

De même vaudrait-il mieux créer des centres de regroupement spécialisés pour les étrangers qui refusent l’expulsion plutôt que de les voir encombrer nos prisons, comme à Villepinte, près de Roissy, ce qui empêche les juges de sanctionner les délinquants qui le méritent.

M. Nicolas Perruchot. C’est vrai !

M. Jean-Christophe Lagarde. Concernant les programmes d'équipement de la police nationale, nous notons également une continuité des engagements de la LOPSI et nous vous soutenons en ce qui concerne l’équipement en gilets pare-balles, le renouvellement de l’armement, mais aussi dans votre volonté d’équiper de caméras – il y en aura 500 cette année – tous les véhicules de police qui interviennent la nuit. Vous aurez notre entier soutien sur ce dernier point et, si nous comprenons que vous devez fixer des priorités budgétaires, nous souhaitons qu’à terme le Gouvernement s’engage à installer ces caméras sur tous les véhicules de la police nationale, car elles seront également bien utiles de jour.

Vous aurez également notre total soutien dans votre volonté, clairement affirmée et traduite en actes, d'équiper nos services de police d'armes non mortelles, afin qu'ils puissent mieux faire face aux situations de violences auxquelles ils sont si souvent confrontés. Cette adaptation est nécessaire, tant pour la sécurité des personnels de police et de gendarmerie que pour l'efficacité de leurs interventions.

Mais je crois, monsieur le ministre, qu'il faut également prendre rapidement toutes les dispositions permettant d'interdire la vente libre d’un certain nombre de ces armes, telles que les Taser dont vous avez parlé en commission des lois, car leur efficacité réelle ne tardera pas à être utilisée par les délinquants eux-mêmes pour commettre des agressions ou s'en prendre aux forces de l'ordre. De même, au regard de coups de feu réguliers échangés dans certains de nos quartiers, il nous semble qu'il faut se pencher rapidement sur la question de la vente libre d'armes de poing, telles que les pistolets à grenaille ou les pistolets d'alarme dont l'utilisation est d'ores et déjà détournée.

En quelques mots, je souhaitais vous redire cette année encore qu'il nous faut progresser dans la nécessaire fidélisation territoriale des nouveaux policiers. Le nombre trop élevé de mouvements annuels désorganise nos commissariats de police. L'UDF considère qu'il serait souhaitable que les policiers sortant de l’école de police occupent leur premier poste pendant cinq ans au moins. Bien entendu, pour ceux affectés dans des zones sensibles, il convient de trouver des systèmes de bonification ou de compensation.

Par ailleurs, monsieur le ministre, nous nous interrogeons sur l'augmentation de 3,3 % des violences contre les personnes. Vous nous précisez que celles qui évoluent le plus sont les violences intrafamiliales. C’est peut-être la fin d'un tabou dans ce domaine, ce dont nous nous réjouissons, et nous vous soutenons lorsque vous souhaitez dédier des équipes spécialisées pour ces problèmes humainement très délicats. Nous vous suggérons néanmoins de modifier pour l'avenir l'indicateur de cette délinquance que sont les violences contre les personnes afin de pouvoir désormais parfaitement distinguer les violences intrafamiliales et les violences extrafamiliales.

Quant aux violences urbaines, qui sont en réalité bien plus courantes que celles qui font l'actualité, nous vous soutenons dans l'affectation de 17 compagnies républicaines de sécurité et de 7 escadrons de gendarmerie mobile dans les quartiers les plus difficiles, dès lors qu'on leur aura appris de nouveaux modes d'intervention et de surveillance mieux adaptés. À ce propos, je réitère là encore ma demande, monsieur le ministre – pardon de la répétition d’année en année –, d'affecter également des compagnies républicaines de sécurité ou des escadrons de gendarmes mobile dans certains palais de justice, notamment à Bobigny ou à Nanterre. En effet, les effectifs de police chargés de maintenir l'ordre dans les tribunaux – souvent débordés par des jeunes qui ne les craignent pas – font cruellement défaut dans leurs commissariats.

Monsieur le ministre, vous respectez globalement la LOPSI que nous avions approuvée en 2002. Le groupe UDF votera donc votre budget, même si nous savons hélas ! que la chaîne pénale demeure dramatiquement défaillante, surtout en ce qui concerne la justice des mineurs – n’est-ce pas, monsieur le président – et que cela nuit beaucoup à l'efficacité du travail de la police.

Je conclurai sur un point bien particulier : l'application de la loi pour la sécurité intérieure de 2003 et son évaluation, méthode dont vous êtes à juste titre un chaud partisan pour nos administrations et que nous ne pouvons que partager.

Dans le cadre de cette loi, nous avons voté la création d'un délit d'entrave à l'accès et à la libre circulation dans les halls d'immeuble puni de deux ans d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende. Quel bilan pouvons-nous tirer aujourd’hui de cette disposition deux ans plus tard ?

M. Jean-Pierre Blazy. Bien maigre !

M. Jean-Christophe Lagarde. Seulement 21 procédures ont pu être engagées et 11 peines de prison prononcées.

M. Jean-Pierre Blazy. C’est un échec !

M. Jean-Christophe Lagarde. C’est peut-être un échec, mais cela peut se corriger dès lors qu’on ne s’aveugle pas, monsieur Blazy !

M. le président. Ne vous laissez pas perturber, monsieur Lagarde ! Concluez !

Monsieur Blazy, vous avez déjà eu la parole !

M. Jean-Pierre Blazy. C’est vrai !

M. Jean-Christophe Lagarde. Cela est à l'évidence sans commune mesure avec les nuisances et les délits que subissent chaque jour des centaines de milliers de nos concitoyens. On peut donc parler d'échec de la loi en la matière. Cela est dû au fait que nous avons créé un délit dont la preuve est presque impossible à établir,…

M. Jean-Pierre Blazy. Absolument ! Nous l’avions dit !

M. Jean-Christophe Lagarde. …et dont les auteurs encourent des sanctions lourdes que les juges refusent d’appliquer. D'une part, bien souvent, l'entrave n'est pas démontrable dans la mesure où il s'agit plus fréquemment du stationnement dans les halls d'immeuble et non d'une entrave délibérée. D'autre part, la gravité de la sanction encourue fait que les juges ne vont pas jusqu’au bout.

Il est donc absolument indispensable, monsieur le ministre, que nous appliquions à nous-mêmes le principe d'évaluation et que nous corrigions le tir pour que nombre de nos concitoyens retrouvent la sérénité sur le lieu même où ils vivent et tentent de dormir. Il est nécessaire que l'entrave ne soit plus la seule à être réprimée, mais que la présence en groupe dans des parties communes d'un immeuble privatif devienne passible d'une contravention de quatrième ou de cinquième classe. Cela rendrait toute son efficacité à la police face à ces problèmes et la confiance à ceux de nos concitoyens qui n’ont pas encore vu de changement en bas de chez eux. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Descamps.

M. Jean-Jacques Descamps. Madame la ministre, monsieur le ministre, je voudrais limiter mon intervention au problème toujours difficile des gens du voyage. Cela vous concerne tous les deux puisque nous avons, hélas ! souvent besoin et de la gendarmerie et de la police municipale, ou de la police nationale, pour régler ce type de problème. Vous le savez, c’est une population de plus en plus difficile à gérer, en particulier avec les jeunes générations, et qui s’accroît pour des raisons que chacun connaît.

Le schéma départemental d’accueil des gens du voyage a été élaboré dans mon département depuis déjà plusieurs années. En ce qui concerne ma commune et ma communauté de communes, nous avons respecté strictement les engagements que nous devions prendre : l’installation d’une aire principale et de cinq aires secondaires. Je vous passe les détails des problèmes administratifs et des problèmes financiers auxquels nous avons été confrontés pour mettre en place ces aires d’accueil. Nous avons, en plus, mis en place les moyens nécessaires en matière scolaire avec l’aide de l’éducation nationale : un éducateur spécialisé et l’ouverture des écoles de ma commune aux enfants des gens du voyage. Enfin, certaines initiatives ont été prises pour favoriser, autant que faire se peut, la sédentarisation d’un certain nombre d’entre eux.

Tout cela a coûté très cher. Nous en sommes à notre deuxième génération d’aires principales et les aires secondaires, qui ont été construites un peu plus tard, vont bientôt connaître, elles aussi, leur deuxième génération. Pour autant, le problème n’est pas réglé.

Si certains habitués, les traditionnelles familles qui viennent chez nous, se sont installés normalement et s’installent toujours normalement dans ces aires d’accueil, les familles de passage, moins connues, continuent de dégrader les locaux régulièrement. Les occupations illégales ont, c’est vrai, régressé, peut-être pas toujours en nombre, mais en tout cas en durée moyenne de séjour. Et ce grâce à vous, monsieur le ministre de l’intérieur, car vous nous avez proposé en leur temps des mesures ayant montré leur efficacité. La peur du gendarme, ou du policier, est souvent très efficace, mais sous réserve que les terrains occupés ne soient pas privés. En effet, en cas de terrains communaux, les maires peuvent agir, mais si les terrains sont privés, le temps de trouver le propriétaire, lequel n’habite souvent pas sur les lieux, laisse largement la possibilité aux gens du voyage de s’installer puis de repartir. D’ailleurs, comment faire pour qu’un propriétaire privé, une fois trouvé, porte plainte ? Il a en général plutôt peur de le faire.

Le problème se pose surtout à l’intérieur des aires où la cohabitation entre les familles devient de plus en plus difficile. Les gestionnaires de ces aires ont beaucoup de mal à y faire régner l’ordre. Ils n’ont aucun moyen juridique de faire expulser ceux qui ne jouent pas le jeu.

Nous avons, pour ce qui nous concerne, fait appel à une société spécialisée. Après avoir fait appel à des associations, nous avons choisi une société professionnelle qui se fait payer très cher pour gérer ces aires. À vrai dire, elle hésite elle-même à faire reconduire son contrat. Quant aux aires secondaires non contrôlées, elles ont, je l’ai dit, une durée de vie limitée.

Je ne parlerai évidemment pas du chapardage, ni du non-respect des règles de vie en société dans les centres-villes.

Les élus que nous sommes savent bien qu’il faut s’accommoder de quelques désagréments, car où accueillir ces gens du voyage, sinon dans le cadre des formules qui ont été proposées ? Mais ce qu’ils ne comprennent pas, c’est qu’il n’y a pas plus de contrôles et de sanctions financières possibles contre ceux qui bravent la loi républicaine.

Mon intervention, monsieur le ministre, madame la ministre, est très courte et traduit simplement l’expression d’un découragement de plus en plus évident des élus qui ont respecté les lois que nous avons votées, y compris la loi Besson, adoptée avant notre arrivée.

De plus, je souhaite exprimer l’exaspération d’un grand nombre de nos concitoyens et formuler une demande, celle d’arriver enfin à un contrôle plus strict de cette population, aussi bien sur son identité – on se demande quelquefois si elle est bien connue des services de police ou de gendarmerie – que sur ses ressources – on se demande comment ces gens arrivent à mener un tel train de vie sans exercer les emplois le leur permettant.

Je vous remercie donc simplement, monsieur le ministre, madame la ministre, de l’attention que le Gouvernement portera à ces questions pour répondre aux élus et à la population qui comprennent qu’il y a un problème, mais qui ne comprennent pas qu’on n’ait pas encore vraiment réussi à le résoudre. Cela faciliterait d’ailleurs le travail de la gendarmerie et de la police nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, je voudrais commencer par dire quelques mots sur la situation que nous vivons aujourd’hui depuis quelques jours, à savoir une situation quasi insurrectionnelle dans certains territoires de la région parisienne.

D’abord, personne ne peut se réjouir de cette situation et il faut que l’État essaye au plus vite d’y remédier. Car ce qui se joue, ce qui est en cause, c’est précisément l’autorité de l’État et sa capacité à pouvoir, demain, intervenir et agir dans ces quartiers.

C’est l’État qui, aujourd’hui, est défié et qui doit répondre. Si l’État recule – j’ai le sentiment que, lors de la nuit d’hier, il a reculé, car certains événements, notamment des incendies de véhicules, se sont déroulés sans qu’il y ait eu véritablement d’intervention –, ce sera une défaite pour lui. Ce sera donc une défaite pour les instituteurs, les postiers, pour tous les agents des services publics qui travaillent dans ces quartiers.

Je tiens à le dire ici avec beaucoup de gravité : je crois que la situation est extrêmement préoccupante et qu’il faut y remédier. Je sais que c’est difficile, délicat. Il faut appeler au calme, mais il faut aussi être capable de rétablir l’ordre, et cela est de la responsabilité de ce Gouvernement, en particulier du ministre de l’intérieur.

Je crois aussi que ce qui se passe pose une question que nous devons peut-être traiter avec plus de recul, celle des modes d’intervention des forces de sécurité dans ces quartiers. Je ne suis pas de ceux qui pensent que la police de proximité était une réponse parfaite, idéale. Manifestement, il faut bien le constater aujourd’hui, elle a été mise en œuvre avec un certain nombre de carences, de défauts. Mais elle avait le mérite de poser précisément la question du rapport entre la police et la population, notamment entre la police et les jeunes. Cette question, aucun gouvernement, aucun ministre de l’intérieur ne peut l’éluder. Et si j’avais personnellement des réserves, des critiques à formuler par rapport à l’action menée depuis quatre ans, ce serait précisément sur ce point-là qu’elles porteraient. Car il ne suffit pas de redonner à la police la confiance en lui assignant des missions de sécurité, en réaffirmant les missions de répression et de sécurité, il faut aussi être capable de répondre à la question de la proximité, du rapport à la population, de l’insertion de la police dans certains quartiers et, sur ce plan, la question est à mon avis largement devant nous.

Une fois ces deux remarques préalables formulées, je voudrais aborder le budget sous l’angle proprement budgétaire, c’est-à-dire sous celui de la LOLF. Pour la première année d’application de cette réforme importante, intéressante et peut-être prometteuse, nous nous devons de faire le point sur la façon dont elle est mise en œuvre. C’est pourquoi, à la suite des rapporteurs, je voudrais examiner la question des indicateurs qui ont été retenus dans le document budgétaire : en effet, de leur pertinence dépendront à la fois un meilleur pilotage des politiques publiques et des politiques de sécurité, et, pour le Parlement, une capacité renforcée d’exercer sa mission d’évaluation de l’activité des forces de sécurité. De ce point de vue, le dispositif proposé est assez décevant et pourrait être sensiblement amélioré : je tâcherai de formuler quelques propositions.

En ce qui concerne la mesure de la délinquance, deux indicateurs sont issus de l’état 4001 : le chiffre global des faits de délinquance constatés et le chiffre de la délinquance dite de voie publique. Certaines des critiques que peut inspirer l’état 4001 ont été formulées par le rapporteur : elles concernent notamment la nécessité de compléter et d’enrichir cet état par des enquêtes de victimation. Le choix de ces deux indicateurs n’est pas le plus pertinent. Nous savons que le chiffre global de la délinquance n’a pas une grande signification, car il mélange des réalités extrêmement différentes, atteintes aux biens et atteintes aux personnes, mesurant tantôt la réalité de phénomènes de délinquance, tantôt l’activité des services. Il faudra tôt ou tard faire le deuil de cet indicateur, qui n’est pas bon. C’est d’ailleurs ce que préconise l’Observatoire national de la délinquance, qui propose de l’abandonner au profit de plusieurs indicateurs permettant de mieux mesurer la réalité de la délinquance. De même que l’on ne mesure pas la performance de l’économie à l’aide d’un seul indicateur, mais de plusieurs − la croissance, l’inflation, le chômage −, il est illusoire de mesurer la délinquance par un seul chiffre.

Le second indicateur retenu est tout aussi contestable, qui mesure la délinquance de voie publique. Il s’agit d’une construction policière très imparfaite, car, contrairement à ce que laisse penser son appellation, il rassemble des faits qui n’ont pas tous lieu sur la voie publique − par exemple les cambriolages − et en ignore d’autres qui s’y déroulent pourtant et qui ne sont pas des moindres, comme certains vols ou agressions. En outre, il réunit des faits sur lesquels la police a peu de prise, le taux d’élucidation n’étant que de 10 % environ. Dès lors, peut-on considérer qu’il s’agit d’une bonne mesure de l’activité policière ? Il est vrai que cet indicateur a un mérite, reconnu par ceux qui s’intéressent à la question : il baisse de manière constante depuis plusieurs années et tout indique qu’il continuera de le faire. En effet, il regroupe les vols de voitures, les vols à la roulotte et les vols et cambriolages dans les habitations, contentieux dont le nombre ne cesse de baisser, non pas − j’ai le regret de le dire − en raison de l’action de la police, la faiblesse du taux d’élucidation le prouve, mais tout simplement grâce à une meilleure sécurisation de ces biens.

Au-delà de la critique intrinsèque de ces indicateurs, leur choix est contestable, car il en écarte d’autres. Il est surprenant de constater que la problématique des violences aux personnes ne figure pas dans la sélection des indicateurs retenus. Or il s’agit sans doute du phénomène le plus spectaculaire et le plus inquiétant constaté ces dernières années. Cette dimension est pratiquement absente des objectifs assignés à la police et à la gendarmerie. Aucun indicateur n’est proposé pour rendre compte de cette réalité et de l’activité des services de sécurité dans ce domaine.

De même, les indicateurs choisis ne rendent pas compte des violences urbaines, et c’est d’autant plus surprenant que vous en avez longuement parlé en commission des lois, monsieur le ministre. Certes, dans ce domaine, la construction d’indicateurs véritablement pertinents reste à réaliser, mais, à votre demande, l’Observatoire national de la délinquance y travaille et l’on était en droit de souhaiter que cette problématique figure dans la présentation du budget. Le plus surprenant, c’est que le travail de l’Observatoire n’ait pas été pris en compte, car il aurait pu étayer des indicateurs de mesure de la délinquance beaucoup plus pertinents. On aurait ainsi pu recourir aux trois agrégats que l’Observatoire a délimités − les atteintes aux biens, les atteintes volontaires à l’intégrité physique, la délinquance astucieuse, économique et financière − et au quatrième qu’il s’apprête à définir et qui concerne les violences urbaines.

Je souhaiterais également dire quelques mots sur les indicateurs de mesure de l’activité des services, notamment des forces mobiles. On note, en ce domaine, des efforts louables, car, quoique complexes, ces indicateurs sont intéressants. Mais seront-ils véritablement opératoires ? On peut en douter quand on lit la page 69 de l’annexe, où, à propos du nombre moyen annuel de jours de déplacement par escadron, il est précisé que « les prévisions relatives à cet indicateur sont délicates en raison du caractère généralement imprévisible de l’activité de la gendarmerie mobile ».

M. Gérard Léonard, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour la sécurité. Par définition ! Mais ces indicateurs sont déjà en place et donnent de bons résultats !

M. Christophe Caresche. À quoi bon faire référence à un indicateur dont on nous explique qu’il n’est pas prévisible alors que divers paramètres pourraient permettre de lisser les résultats dans la durée ? La question de l’adaptation des forces mobiles − que chacun a posée − est centrale, mais je crains que les indicateurs ne permettent pas d’y répondre de façon toujours très claire.

En matière de sécurité publique, on confond deux questions : on se demande, d’une part, s’il faut mesurer l’activité des services de police et de gendarmerie, et, d’autre part, s’il ne vaut pas mieux concentrer les effectifs de police et de gendarmerie là où la délinquance se manifeste. J’aurais préféré une clarification plus nette de ces objectifs.

Enfin, il me semble que l’indicateur retenu pour l’activité de la police judiciaire est très insuffisant, puisqu’il s’agit du taux d’élucidation. Là aussi, on attend de nouveaux efforts pour affiner les indicateurs.

Je reviendrai sur cet aspect des choses, ayant déposé deux amendements sur la question des programmes, qui a été évoquée en début de séance. Mais, pour l’heure, je voudrais dire que nous nous contentons de peu. On peut comprendre que les administrations soient tentées de se protéger et de ne pas s’exposer au jugement des parlementaires, mais si nous voulons que la LOLF produise tous ses effets et soit, tant pour le Gouvernement que pour les parlementaires, un véritable outil permettant de suivre le travail des administrations, il faut parfaire les indicateurs, les rendre plus précis. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Si les orateurs restant inscrits respectent leur temps de parole, nous pourrons tous les entendre avant le dîner.

La parole est à M. Nicolas Perruchot.

M. Nicolas Perruchot. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre d’État, plutôt que de revenir sur les chiffres qu’ont commentés les orateurs précédents, je voudrais apporter un simple éclairage sur ce qu’un élu de terrain attend en matière de sécurité.

Je dois d’abord vous rappeler un principe important. Nous parlons aujourd’hui du budget de la sécurité civile, mais il ne faut pas oublier le rôle décisif des collectivités locales en la matière. Jean-Jacques Descamps rappelait tout à l’heure qu’elles sont au premier plan dans la gestion du problème des gens du voyage. Il y a quelques jours, avec le président du conseil général du Loir-et-Cher, Maurice Leroy, nous avons inauguré la nouvelle brigade de gendarmerie à Onzain.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est le même ? (Sourires.)

M. Jean-Christophe Lagarde. C’est le même et, dans les deux cas, c’est un excellent président !

M. Nicolas Perruchot. Cette inauguration était très attendue, tant par les gendarmes que par les élus. Je remercie le président du conseil général d’engager des investissements aussi essentiels. Je rappelle en outre que Blois, ville dont je suis le maire, a récemment embauché cinquante-sept policiers municipaux : ces hommes et ces femmes apportent un complément à l’action de la police nationale. On ne peut donc nier le rôle des collectivités locales et de leurs élus dans la lutte contre l’insécurité.

Vous le savez, monsieur le ministre, nous attendons beaucoup de la loi sur la prévention dont on parle depuis des années. Vous êtes d’ailleurs venu à Blois, en novembre 2003, pour rencontrer des élus locaux, des responsables associatifs, des acteurs de terrain qui vous ont fait part de leurs réflexions et ont exprimé le souhait d’une loi nouvelle sur la prévention de la délinquance. Au-delà du diagnostic, sur lequel nous nous accorderons sans doute, elle devra d’abord préciser les rôles respectifs de l’État, des collectivités et des associations. Les collectivités ne seront-elles, comme c’est trop souvent le cas, que des banquiers distribuant des subventions ou seront-elles actives au cœur des dispositifs de prévention de la délinquance, comme nous sommes nombreux à le réclamer ? Quant aux associations, qui sont très nombreuses − trop nombreuses, disent certains − dans les quartiers, elles prolongent l’action publique quand il s’agit d’appliquer ou de mettre en place des politiques publiques nouvelles. Si la responsabilité de chaque acteur est en jeu, il convient bien sûr de savoir quels moyens seront mis à disposition par l’État ou par d’autres acteurs, telles les collectivités, car qui dit loi sur la prévention, dit moyens nouveaux.

Il faut avoir un débat serein avec les acteurs de terrain. On doute parfois du rôle des éducateurs de rue : ils sont, dit-on, derrière leur bureau ou ne sont jamais présents le soir ou le week-end, lorsque nous sommes appelés dans les cités. Ce sont pourtant des moments privilégiés pour rencontrer les bandes de jeunes ou de délinquants. La mission des éducateurs est appelée à évoluer dans le dispositif de prévention de demain. En revanche, il faut souligner le rôle positif joué par les correspondants de nuit, comme j’ai pu le constater dans ma commune.

Enfin, j’espère que nous pourrons mener une réflexion sur la cohérence de l’action de l’État dans les quartiers dits sensibles : les ZUP, qui sont parfois aussi des ZEP ou des ZUS, le méritent. Quand on met en place d’importants projets de rénovation urbaine, en se dotant, à travers l’ANRU, des moyens d’agir, quand des efforts considérables sont consentis pour assurer la sécurité, on est en droit de s’interroger − et certains mènent ce débat d’une manière qui n’est pas toujours très sereine − sur le bien-fondé du rôle éducatif joué par l’État dans des ZEP où, par exemple, trop de professeurs manquent à l’appel.

J’aimerais enfin dire un mot, monsieur le ministre, même si cette question a déjà été évoquée, sur la lutte contre l’immigration irrégulière. Cette action constitue, je le sais, une de vos priorités, mais elle doit devenir, dans les faits, une priorité plus importante encore.

L’État en effet répond lentement et mal à l’immigration clandestine, j’en fais le constat depuis plus de trois ans maintenant, avec l’arrivée massive, dans ma ville, de gens issus du Caucase. Certes, des efforts ont été faits – je pense notamment au décret qui demande à l’OFPRA de répondre dans les deux mois –, mais le délai qui est raccourci sur une partie de la procédure est évidemment allongé en commission de recours. Il est inadmissible que nous mettions parfois deux ans pour donner une réponse à des personnes qui n’ont malheureusement rien à faire sur notre territoire. J’ai ainsi été très choqué de voir qu’un hôtel de ma ville qui avait accueilli des réfugiés pendant près de deux ans avait été complètement ravagé. Cet hôtel va sans doute devoir être rasé dans les semaines ou les mois qui viennent et la gérante n’a plus de travail car il lui est impossible d’accueillir quelque touriste que ce soit.

Nous devons avoir une réponse beaucoup plus ferme en la matière, qui prenne en compte la demande d’asile mais qui confère également à l’État un rôle de fermeté et aux préfets des moyens accrus en matière de lutte contre l’immigration irrégulière et clandestine.

Je suis par ailleurs très attentif à l’évolution sur le trafic de stupéfiants dans les quartiers et les banlieues, en région parisienne mais également en province. Nous faisons face, tous les jours, à des trafics répétés de la part de voyous qui considèrent, à juste titre, qu’il s’agit d’une économie juteuse et parallèle.

Au printemps 2003, vous aviez, monsieur le ministre, mis en place dans ma ville une brigade de stupéfiants. En 2004, cette brigade a traité 117 affaires, à Blois, dans une ville de province moyenne. Je n’ai pas encore les statistiques pour 2005. Mais ce chiffre vous montre l’ampleur du phénomène qui frappera les générations à venir : nos jeunes, dans les lycées et maintenant dans les collèges, sont confrontés à des trafics de stupéfiants de plus en plus importants.

Je voudrais, pour terminer, rappeler que nous soutenons la politique de sécurité que vous menez et que les fonctions régaliennes de l’État sont le socle de notre pacte républicain. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. Je vous remercie, monsieur Perruchot, d’avoir respecté votre temps de parole.

La parole est à M. Christian Kert.

M. Christian Kert. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, je consacrerai mon intervention à trois aspects des missions de la sécurité civile, puis je terminerai par quelques interrogations.

Premier aspect : l’organisation des secours, le commandement et le lien avec les populations concernées en cas d’incendie de forêt.

La circonscription que je représente ici, à l’Assemblée, a été fortement touchée cet été par les drames des incendies : plusieurs départs de feux, certains prenant de grandes proportions, et le décès de deux de ses habitants, les deux pilotes de Canadair tués en service commandé en Corse.

Deux des nombreux incendies qui ont ravagé des centaines d’hectares de forêts provençales à Lançon-Coudoux et à Gardanne-Meyreuil ont marqué les esprits car ils ont fait débat, les populations riveraines contestant certains actes du commandement et du déploiement des personnels sapeurs-pompiers. Ce n’est pas la première fois que cela arrive, mais c’est la première fois que cette contestation s’organise en associations et cette innovation nous fait prendre conscience de l’absence de cellule institutionnelle de débat, de rencontre, de concertation. De fait, les sapeurs-pompiers se sentent injustement agressés et les riverains incompris.

Peut-être faudrait-il imaginer, monsieur le ministre, que, sous l’autorité d’un représentant de l’État, en préfecture, existe un lieu de débat qui permettrait de se rencontrer, peut-être de mieux se comprendre, et de corriger, ce qui serait souhaitable, certains dysfonctionnements qui peuvent apparaître, au lieu de laisser aller, comme ce sera probablement le cas, des habitants en appeler aux tribunaux administratifs et des sapeurs-pompiers répondre par des lettres tracts !

Deuxième aspect : la prévention.

La sécurité civile, c’est bien sûr l’organisation des secours par excellence, mais ce doit également être la prise en compte de la notion de prévention.

Dans le cas des incendies de forêts, la prévention passe notamment par le débroussaillement des propriétés, publiques ou privées. On le sait, le droit existe en la matière et nous en avons souvent délibéré ici même. Mais quantité de maires attirent notre attention sur le fait que la législation est difficile à appliquer et surtout que les acteurs de la surveillance, du contrôle de cette prévention sont rares. Peut-être pourrions-nous envisager de mieux impliquer les sapeurs-pompiers dans les actions de prévention, faire en sorte qu’ils deviennent, pour cette mission précisément, des assesseurs du maire. Je crois savoir que les hommes de l’Office national des forêts, qui ne peuvent pas répondre à toutes les missions, n’y seraient pas hostiles.

Troisième aspect, essentiel : la lutte aérienne contre les incendies. J’associe à mon propos mon collègue Éric Diard, sur le territoire électif duquel se situe la base aéronavale de Marignane.

Première interrogation : pourra-t-on, monsieur le ministre, financer le remplacement des avions bombardiers d’eau perdus accidentellement en 2004, comme l’a demandé le rapporteur, Thierry Mariani, ainsi que des avions perdus en 2005 ? Les pilotes ont besoin, vous le savez, d’une flotte au complet pour assurer la sécurité en période estivale. J’ajoute que, compte tenu des drames des deux dernières années, il serait bon que nous révisions notre conception de l’appel fait aux moyens aériens. Notre doctrine en la matière doit évoluer.

Seconde interrogation, liée à la première : ne serait-il pas nécessaire de créer une flotte européenne de bombardiers d’eau susceptible d’intervenir sur le territoire des pays partenaires dont certains – nous l’avons vu cet été – sont en déficit total de matériel ? La preuve de cette nécessité nous est fournie par le fait que différentes missions aériennes ont été effectuées au cours de ces dernières années par des équipages de bombardiers d’eau français dans les pays méditerranéens voisins, et ce dans le but d’échanger et d’harmoniser les procédures de travail. Un exercice européen s’est même déroulé sur notre territoire en avril 2004.

Cette création pose, nous en sommes conscients, un certain nombre de problèmes : d’abord, bien évidemment, quant au type de matériel à adopter ; ensuite, quant à la formation des personnels. Une autre question de diplomatie stratégique resterait à résoudre, celle du positionnement spatial en période estivale de cette flotte. La logique voudrait que l’on garde son efficacité à cette flotte sans la morceler pour qu’elle puisse intervenir « en bloc » sur un seul pays à la fois. Elle pourrait être pré-positionnée dans un pays de l’Union européenne si un seul est à risque, ou être activée par un pays qui fait face à des feux catastrophiques. Enfin, si cette flotte entrait dans vos projets, il vous faudrait réfléchir, monsieur le ministre, à son commandement. À l’évidence, celui-ci devrait revenir à un pilote bombardier d’eau expérimenté – beaucoup le sont – sous l’égide de Bruxelles.

Ces problèmes peuvent se résoudre. Reste le financement du dispositif. L’achat de nouveaux appareils représente une somme importante, nous en sommes conscients, mais leur efficacité n’est plus à démontrer et le nombre d’hectares de forêt épargnés grâce à l’intervention des avions bombardiers est sans commune mesure avec leur prix d’achat.

Voilà ce que je souhaitais vous dire, en vous remerciant, madame la ministre, monsieur le ministre d’État, de l’attention que vous portez aux souhaits exprimés par les parlementaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Nicolas Perruchot. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Christian Vanneste.

M. Christian Vanneste. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre d’État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, « les médias se préoccupent bien plus des agresseurs que des agressés » écrivait Christian Jelen dans l’ouvrage qui fut publié en 1999 et dont le titre est malheureusement, une fois encore, d’actualité : La guerre des rues. Voici plusieurs jours que ce phénomène occupe le devant de la scène, voici plusieurs jours qu’après deux événements également douloureux, l’un a pris une importance considérable tandis que l’autre était à peine relaté. Il y avait pourtant bien, dans ce dernier cas, agresseurs et victime tandis que, dans l’autre, il n’y avait, semble-t-il, qu’un tragique concours de circonstances.

Cette différence de traitement n’est pas due aux faiblesses et aux travers des médias : elle est révélatrice d’un problème qui n’est pas résolu depuis la sortie du livre de Christian Jelen et qui a même tendance à s’aggraver.

Ce problème, c’est celui de la violence urbaine et de cette guerre qui est présente, au moins dans les esprits, comme chez ce jeune qui résumait la situation en disant : « C’est la guerre ! » devant des millions de téléspectateurs.

À un degré heureusement moindre, le quartier de la Bourgogne à Tourcoing avait connu un scénario similaire en janvier 2004. Vous aviez alors classé ce quartier dans les vingt-cinq quartiers qui devaient faire l’objet d’une politique spécifique. Cette décision n’avait pas suscité l’unanimité. Pour certains, vous alliez stigmatiser ce quartier et ses habitants.

Une telle attitude est malheureusement l’expression de notre principale faiblesse devant le problème de la violence urbaine. Tout le monde est d’accord sur le constat : par exemple, les violences contre les personnes ont augmenté de 8,15 % dans le département du Nord de septembre 2004 à septembre 2005.

M. Jean-Pierre Blazy. C’est accablant !

M. Christian Vanneste. Mais plus personne n’est d’accord sur le diagnostic et sur les remèdes. Une fois encore, notre pays s’adonne à son travers favori des oppositions idéologiques et stériles entre la prévention et la répression,…

M. Jean-Pierre Blazy. Mais non !

M. Christian Vanneste. …l’assimilation républicaine et le communautarisme, l’action sociale et l’action policière, la vidéosurveillance et la liberté individuelle. Comme si, devant un tel problème, il ne s’agissait pas avant tout de trouver des solutions concrètes et efficaces.

Celles-ci passent par une exigence : la tolérance zéro…

M. Jean-Pierre Blazy. Ah ! Nous y voilà !

M. Christian Vanneste. …ne doit pas être un slogan discuté, mais un objectif unanime.

M. Marc Le Fur, rapporteur spécial pour la sécurité. Très bien !

M. Christian Vanneste. Comme l’écrit Sébastien Rocher, que vous avez lu, j’espère, monsieur Blazy…

M. Jean-Pierre Blazy. Oui, je l’ai même cité tout à l’heure.

M. Christian Vanneste. …« une politique de tolérance zéro consiste en une forme active de stratégie policière conçue pour réagir sévèrement à n’importe quelle infraction qui serait susceptible d’engendrer un enchaînement de violence incontrôlable ». Autrement dit, il s’agit avant tout de rétablir l’ordre dans les esprits en soulignant que tout manquement est déjà répréhensible.

M. Jean-Pierre Blazy. Vous l’avez mal lu !

M. Christian Vanneste. C’est la fameuse politique du « carreau cassé ». On en connaît les résultats : à New York la criminalité a chuté de 62 % de 1993 à fin 200l et de 6 % encore en 2002, et je sais qu’après Rudolph Giuliani, la baisse a continué.

Cette politique exige un état d’esprit et des moyens. Je ne suis pas sûr que nous ayons ni l’un ni les autres.

M. Jean-Pierre Blazy. Ah !

M. Christian Vanneste. L’état d’esprit, c’est celui qui consiste à penser que la République est une, que les citoyens qui la composent n’ont pas vocation à former des communautés, même si la religion peut être pour beaucoup le meilleur moyen d’accès aux valeurs qui président à une vie sociale altruiste et ordonnée. Cet état d’esprit doit être présent au premier chef chez tous ceux qui concourent à l’action publique, fonctionnaires et militants associatifs, de l’assistante sociale au policier, de l’enseignant au magistrat. Tous ont pour mission d’assurer la paix sociale et d’éduquer au respect de la loi.

Quant aux moyens, il faut en souligner la nécessaire cohérence : la prévention et la répression sont une seule et même politique. La politique de la ville depuis vingt-cinq ans a multiplié les actions sur les personnes et sur les pierres. Je ne suis pas sûr que ses résultats soient probants. Quels ont été les moyens mis en œuvre dans les vingt-cinq quartiers sélectionnés en 2004 ? Quels en sont les résultats concrets ?

Mais, au-delà de cette première forme de prévention, il y a la prévention-dissuasion. Le retard de notre pays dans le domaine de la vidéosurveillance est effarant : plusieurs millions de caméras en Grande-Bretagne contre quelques dizaines de milliers en France. La lutte contre le terrorisme nous invite à rattraper notre retard.

Encore faut-il se demander si la vidéosurveillance n’est pas plus utile pour repérer les dealers ou les meneurs que pour identifier les kamikazes après leurs suicides. Encore faut-il remarquer qu’un foulard qui cache le visage d’un voyou est plus dangereux que le turban d’un sikh qui va à l’école, ou plutôt qui n’y va plus.

Le développement de la vidéosurveillance doit à mon sens passer par une synergie entre l’État et les collectivités territoriales, M. Perruchot le disait tout à l’heure. La vidéosurveillance mobilise parfois bien des policiers nationaux qui pourraient être présents sur le terrain si elle était confiée à des policiers municipaux. Le développement de polices municipales intercommunales, que j’appelle de mes vœux depuis longtemps, y contribuerait, y compris dans les zones de gendarmerie.

Enfin, l’exemple donné par le Var pourrait être imité. Ce département intervient à 50 % dans les équipements des communes en vidéosurveillance. Un tel modèle pourrait être systématisé dans la mesure où l’État interviendrait à travers une dotation d’équipement en faveur des départements qui y auraient recours.

Ces nouveaux équipements permettraient de lutter avec plus d’efficacité contre le cœur du problème, c’est-à-dire l’économie souterraine. Christian Jelen indiquait que 116 quartiers étaient devenus des lieux d’approvisionnement pour héroïnomanes et que 72 présentaient les indices d’une économie parallèle avec l’apparition de caïds affichant des signes ostentatoires de richesse. On voit tout l’intérêt qu’il y a, pour ces réseaux, de couper les liens entre la police et la population, de rendre plus difficile la présence d’agents de sécurité, de faire régner l’omertà sous la menace de l’incendie, de bannir les résidents indiscrets. On voit leur intérêt à développer une sorte d’« esprit de cité » comme il y avait un « esprit de clocher ».

On voit plus mal les effets de la lutte contre ce processus. Quels sont les résultats des GIR dans ce domaine ?

M. Jean-Pierre Blazy. Très mauvais !

M. Christian Vanneste. Dans son excellent petit ouvrage consacré aux violences et à l’insécurité urbaines, Alain Bauer coupait les ailes à un certain nombre de canards : les grandes explications économiques et sociologiques qui tendent toujours à montrer que de toute manière on ne pourra rien y changer.

Il montrait notamment, à partir des résultats new-yorkais, que la délinquance n’avait une origine ni économique, ni démographique, ni culturelle. L’origine la plus certaine du crime, c’est le criminel lui-même, concluait-il.

C’est donc lui qu’il faut combattre. Vous en avez la volonté. À cette volonté, il faut les moyens nécessaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Michel Voisin, dernier orateur inscrit.

M. Michel Voisin. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, en tant que membre de la commission de la défense, je tiens à exprimer au nom du groupe UMP toute la satisfaction que nous donne le budget de la gendarmerie pour 2006.

L’exercice de notre prérogative annuelle revêt, pour les ressources financières de 2006, une profonde transformation dans sa forme, avec la perspective de changer le fond.

La LOLF, nous y voici enfin ! Elle a été votée en 2001, et nous en avons eu un avant-goût par la transposition de la loi de finances initiale pour 2005. Cette année, finies les expérimentations et les transpositions : nous y sommes totalement immergés, comme l’a montré l’intervention du président de la commission des finances au début de la discussion.

Dans cette nouveauté, les crédits de la gendarmerie présentent en outre l’originalité d’être examinés avec ceux de la police nationale, au sein de la même mission interministérielle « Sécurité », au sein d’un programme « Gendarmerie » spécifique, le 152. Cela illustre bien le fait que la nouvelle présentation budgétaire veut donner la priorité aux objectifs à atteindre plutôt qu’au volume des crédits.

De nombreux indicateurs de performance, comme le taux d’élucidation des affaires criminelles, permettent de retracer l’efficacité de la police aussi bien que celle de la gendarmerie. Il ne peut s’agir d’une compétition, mais d’une saine émulation entre les deux grandes entités qui ont en charge la sécurité de notre pays.

Les comparaisons nécessaires entre police et gendarmerie ne doivent pas conduire à la confusion et encore moins à la fusion. Les actions identiques ne se réalisent pas dans les mêmes conditions. La gendarmerie assure en effet la sécurité de 46 % de la population française, mais, surtout, de 95 % de notre territoire,…

M. Philippe Folliot, rapporteur pour avis de la commission de la défense, pour la gendarmerie nationale. Tout à fait !

M. Michel Voisin. …ce qui explique son organisation en petites structures, les brigades, avec ses caractéristiques propres.

L’originalité la plus fondamentale de la gendarmerie réside pourtant, pour moi comme pour un grand nombre d’entre nous, dans le statut militaire de ses personnels. En votant récemment un nouveau statut général pour les militaires, nous en avons réaffirmé les caractéristiques principales. Je n’en relèverai que deux, qui sont ici d’une particulière importance pour l’exécution des missions : la disponibilité et l’interdiction d’organisation professionnelle. La première introduit un élément déterminant dans la mesure de toute performance, alors que la seconde nous fait obligation de veiller à procurer à nos gendarmes les moyens les plus adaptés à l’exécution de leur fonction.

Le statut militaire de l’une de nos forces de sécurité est fortement ancré dans les institutions de notre République. Il est essentiel qu’il soit conservé pour que les pouvoirs publics disposent en permanence des moyens nécessaires au respect de l’ordre public et de l’État de droit. Il prouve aussi tout son intérêt hors de nos frontières lorsqu’il s’agit de disposer des moyens nécessaires pour les sorties de crise, lorsque la sécurité et l’ordre public succèdent au maintien ou à la restauration de la paix assuré par les armées.

M. Philippe Folliot, rapporteur pour avis de la commission de la défense, pour la gendarmerie nationale. C’est très juste !

M. Michel Voisin. Le choix de préserver les ressources budgétaires de la gendarmerie dans le budget global de la défense constitue une garantie essentielle à ce sujet.

À propos de l’amendement qui nous a été proposé, on m’a dit tout à l’heure qu’il n’y aurait pas de diminution des crédits, au contraire. L’expert-comptable et l’expert judiciaire que je fus pendant trente-cinq ans sait que, lorsque l’on se comporte en commissaire aux comptes, on joue avec les virgules et avec l’affichage de chiffres, mais que, lorsque l’on veut conseiller au mieux, on analyse l’exécution d’un budget en écarts, avec trois éléments : écart sur budget, quantité et écart sur activité. Je pense que la commission des finances, l’année prochaine, aura à cœur de nous présenter l’analyse de ces écarts.

Cet impératif de préservation des ressources me fait d’autant plus regretter la diminution des crédits pour l’action « Exercice des missions militaires » de 125 à 121 millions d’euros, mais je pense qu’on va m’en donner l’explication tout à l’heure. Cela ne va pas contribuer à l’amélioration des jours d’instruction pour la gendarmerie mobile, qui n’étaient que de seize jours au 30 juin cette année, pour trente-cinq prévus sur toute l’année. Les prévisions pour la fin de l’année ne font état que d’une réalisation à moins de 75 % de ce total. On m’a déjà dit que c’était faux, mais j’analyse les chiffres tels qu’ils sont présentés.

Toutefois, le budget de la gendarmerie pour 2006 verra la réalisation de nombreux objectifs prévus dans la programmation pour la gendarmerie, bien que la LOPSI ne prévoie pas une répartition des crédits pour chaque année de 2003 à 2007.

Je soulignerai seulement deux catégories de ressources qui concourent directement à l’amélioration des conditions de travail et de vie de nos gendarmes : les crédits d’équipement et ceux destinés à l’immobilier.

Les crédits de paiement destinés à l’achat d’équipements neufs vont connaître une forte croissance, de 32 %, entre 2005 et 2006, passant de 205 à 271 millions d’euros. Ainsi pourra se poursuivre l’amélioration indispensable des moyens nécessaires à l’exercice quotidien du travail des gendarmes : plus de 2 800 véhicules, 10 600 ordinateurs commandés et livrés, 17 000 gilets pare-balles supplémentaires et le lancement du programme de véhicules blindés à roues.

M. le président. Monsieur Voisin…

M. Michel Voisin. Trente secondes, monsieur le président. Je pense que les 120 000 gendarmes demandent tout de même plus de cinq minutes !

M. Philippe Folliot, rapporteur pour avis de la commission de la défense, pour la gendarmerie nationale. Tout à fait !

M. Michel Voisin. Ce sont là des éléments essentiels de la satisfaction professionnelle des gendarmes. Ils avaient largement été à l’origine de leur mécontentement à la fin de l’année 2001. Il est donc primordial que cette amélioration des conditions de travail se poursuive, comme c’est le cas depuis 2002, afin qu’elle se traduise concrètement dans chacune des unités de la gendarmerie.

Nous savons tous ici, pour en avoir la preuve dans chacune de nos circonscriptions, qu’un soin particulier doit être apporté à un autre élément d’originalité de la gendarmerie : le logement des familles.

Nous avons tous ici des exemples concrets de casernes de gendarmerie qui sont loin de répondre aux normes courantes de confort et d’entretien. Un tiers des 10,7 millions de mètres carrés de locaux de la gendarmerie seraient ainsi à réhabiliter pour satisfaire l’attente légitime des familles de gendarmes.

On mesure ainsi l’ampleur de la tâche à accomplir et du retard accumulé il y a quelques années à rattraper. Vous avez donc prévu 200 millions d’euros en crédits de paiement pour 2006 et 260 millions en autorisations d’engagement pour continuer l’effort dans les années à venir. Dans le même temps, vous augmentez de façon significative les crédits destinés au paiement des loyers, eux aussi trop longtemps sous-estimés, pour les porter à plus de 355 millions d’euros.

Cet effort est d’autant plus nécessaire que, conformément à la LOPSI, les effectifs de gendarmes seront encore augmentés de 2 000 en 2006, portant ainsi l’accroissement depuis 2003 à 5 100, pour un total de 7 000 prévus dans la loi de programmation.

Ce budget traduit donc la volonté de poursuivre la modernisation de l’une des plus anciennes et des plus prestigieuses institutions de la République. C’est le devoir de tous les responsables politiques en exercice.

C’est ce que vous faites, madame, monsieur les ministres, en prévoyant, pour 2006, les moyens financiers, humains et matériels nécessaires au bon exercice par la gendarmerie de ses missions, indispensables à la sécurité et à la tranquillité de nos concitoyens.

C’est ce que nous ferons en votant et votre amendement et ce bon budget pour la gendarmerie nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures quarante-cinq, deuxième séance publique :

Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2006, n° 2540 :

Rapport, n° 2568, de Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

Sécurité ; sécurité civile (suite).

Sécurité :

Rapport spécial, n° 2568, annexe 30, de M. Marc Le Fur, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan ;

Avis, n° 2572, tome X, de M. Philippe Folliot, au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées ;

Avis, n° 2573, tome VII, de M. Gérard Léonard, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République ;

Sécurité civile :

Rapport spécial, n° 2568, annexe 31, de M. Georges Ginesta, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan ;

Avis, n° 2573, tome VIII, de M. Thierry Mariani, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures vingt-cinq.)