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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Première séance du vendredi 24 novembre 2006

65e séance de la session ordinaire 2006-2007


PRÉSIDENCE DE M. YVES BUR,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

prévention de la délinquance

Suite de la discussion d’un projet de loi
adopté par le Sénat

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la prévention de la délinquance (nos 3338, 3436).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Hier soir, l’Assemblée a commencé l’examen des articles, s’arrêtant à l’article 1er, précédemment réservé.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue, est reprise à neuf heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

M. Jean-Pierre Blazy. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Blazy. Monsieur le président, hier soir, le ministre délégué à l’aménagement du territoire a bien voulu nous donner des informations concernant les syndicats de police. Je voudrais qu’il nous dise ce matin s’il a pris connaissance d’un article du Figaro, intitulé « La gauche revient en tête dans la police », qui évoque les résultats des élections professionnelles dans la police nationale.

Ce que le ministre nous a transmis hier, ce sont des évolutions en pourcentages mais, sur les résultats des différents syndicats de police, je n’ai pas reçu de réponse.

Monsieur le ministre délégué à l’aménagement du territoire, il eût mieux valu de rien dire car, s’il est vrai qu’Alliance progresse depuis 2003,…

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire. Merci de le rappeler !

M. Jean-Pierre Blazy. …il est également vrai que l’UNSA-Police redevient le premier syndicat chez les gradés et les gardiens de la police nationale.

Bien évidemment, ce n’est pas dans l’hémicycle que ces résultats doivent être commentés, mais puisque c’est le Gouvernement qui a pris une initiative en la matière, je voudrais faire connaître à la représentation nationale les résultats du Syndicat indépendant des commissaires de police.

D’après Le Figaro, « le Syndicat indépendant des commissaires de police (SICP), […] nouveau venu dans le paysage, a obtenu près de 40 % des suffrages. Il fait ainsi vaciller sur ses fondations le Syndicat des commissaires et des hauts fonctionnaires de la police nationale » – syndicat important que nous respectons tous et avec lequel nous discutons les uns et les autres. Le même article précise que : « le syndicat historique des commissaires voit ainsi sa politique de soutien actif aux réformes de Nicolas Sarkozy fortement contestée ».

Monsieur le ministre, ces résultats révèlent une chose : le malaise qui existe aujourd’hui chez les commissaires et que même le Syndicat des commissaires et des hauts fonctionnaires avait noté chez les commissaires de sécurité publique. Cette question de la sécurité publique est au centre de nos débats, de même que le rôle du maire, dont nous allons reparler dans quelques instants.

Le malaise des commissaires de sécurité publique est dû à une charge de travail accrue, à la réforme des corps et carrières qui leur est largement défavorable et qui accroît encore leur charge, et à l’augmentation des violences dans les quartiers de nos villes, à laquelle ils sont confrontés. C’est ce malaise qui s’est traduit très fortement dans le résultat des élections professionnelles qui viennent de se dérouler.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère, pour un rappel au règlement.

M. Noël Mamère. Mon rappel au règlement ira dans le même sens que celui de M. Blazy.

Les déclarations formulées hier soir par M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire avec un certain mépris pour l’opposition révèlent l’état d’esprit de ce gouvernement et de ceux qui portent le projet de loi.

Hier, en effet, le ministre a tout simplement manipulé les résultats en cours. Il nous a fait croire que l’un des grands syndicats de police n’était pas celui qui avait remporté les élections professionnelles. S’il est prêt à manipuler les résultats et à nous désinformer, on peut penser qu’il y a aussi manipulation sur le texte que nous examinons. Cette manipulation consiste à nous faire croire que ce projet de loi a pour objectif d’améliorer la prévention de la délinquance. En fait, ce texte est inspiré par le double souci de surveiller et de punir, puisqu’il ne porte pas sur la prévention, mais sur les sanctions,

Il ne faut pas prendre les gens pour des imbéciles ni les représentants que nous sommes pour des naïfs. Hier soir, M. le ministre des transports est venu nous expliquer qu’il fallait étudier toutes affaires cessantes – au prétexte d’un sommet franco-italien – l’article additionnel après l’article 12, dont le principal objectif est de réduire les sanctions pour ceux qui commettent des infractions au code de la route. Or, d’après les radios et la presse ce matin, il est venu à l’Assemblée nationale pour annoncer la bonne nouvelle à son électorat, donc pour faire de l’électoralisme ! Ce projet de loi est un texte fourre-tout, électoraliste, de circonstance, de complaisance. M. Perben est venu faire un tour très rapide à l’Assemblée, il n’a même pas dénié nous répondre sur l’article 12 et est reparti après avoir fait son cadeau préélectoral ! Franchement, la représentation nationale et surtout le pays méritent mieux sur un sujet aussi important que la prévention de la délinquance.

M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour un rappel au règlement.

Mme Muguette Jacquaint. Le résultat des élections professionnelles au sein de la police inflige – et je le dis au ministre qui a commenté les résultats hier – un véritable démenti.

Il existe vraiment un malaise dans la police. On lui demande aujourd’hui d’être de plus en plus répressive, alors qu’elle veut jouer son rôle de police républicaine avec des moyens lui permettant de faire, aussi, de la prévention. Or ce n’est pas du tout ce que souhaite M. le ministre de l’intérieur, comme le démontre son projet de loi.

Il est évident que les résultats qui viennent de tomber n’arrangent pas le Gouvernement.

M. Jean-Pierre Blazy. C’est le moins qu’on puisse dire !

M. Pierre-Louis Fagniez. C’est une revue de presse ?

Mme Muguette Jacquaint. J’espère que M. le ministre de l’intérieur prendra acte de ces résultats lourds de signification quant au rôle de la police. Je voulais le souligner ce matin.

M. le président. La parole est à M. Serge Grouard, pour un rappel au règlement.

M. Serge Grouard. Monsieur le président, depuis deux jours, j’écoute très sagement les différents orateurs non sans une certaine constance, voire avec une certaine abnégation.

Ce matin, je pensais avec naïveté que nous allions en venir à l’article 1er.

M. Pierre-Louis Fagniez. Eh oui !

M. Serge Grouard. Or nous n’avons toujours pas entamé la discussion de cet article car, une fois de plus, nous partons sur des sujets qui n’ont rien à voir avec le projet ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme Patricia Adam. Ce n’est pas nous qui avons parlé des résultats !

M. Noël Mamère. C’est le ministre qui a lancé le débat !

M. le président. Monsieur Mamère, laissez parler M. Grouard !

M. Serge Grouard. Monsieur Mamère, je ne me suis jamais permis la moindre intervention sur qui que ce soit et je dois dire que, parfois, en vous écoutant, j’éprouve un certain agacement.

M. Noël Mamère. J’espère que nous continuerons !

M. Lilian Zanchi. La vérité dérange !

M. Serge Grouard. Je suis bien élevé et je me suis fait fort de me taire et de vous écouter jusqu’au bout ! Si vous aviez l’obligeance de faire la même chose quand je parle, je vous en serais reconnaissant !

M. Noël Mamère. Mais vous dites des contrevérités !

M. Serge Grouard. Je suis assez consterné, monsieur le président, qu’au bout de deux jours nous n’ayons toujours pas pu franchir le cap de l’article 1er.

En tant que maire, je viens ici pour débattre de choses sérieuses qui intéressent directement nos concitoyens. (« Nous aussi ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Christophe Caresche. Voilà une intervention qui fait progresser la discussion !

M. Serge Grouard. Mes chers collègues, indépendamment de toute considération politique, je pense que, si nos concitoyens écoutaient nos débats depuis deux jours, ils seraient, comme moi, profondément choqués !

M. Pierre-Louis Fagniez. Tout à fait !

M. le président. La parole est à M. Jacques-Alain Bénisti, pour un rappel au règlement.

M. Jacques-Alain Bénisti. Mon rappel au règlement a le même objet. Nous sommes là depuis des heures à parler de tout, sauf du projet de loi,…

M. Jean-Pierre Blazy. Oh ! Ce n’est pas vrai !

M. Jacques-Alain Bénisti. …qui intéresse nos concitoyens. Nos concitoyens ne s’intéressent pas à la question de savoir si tel ou tel syndicat proche de tel ou tel est important ! (« C’est le ministre délégué qui en a parlé ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Ils attendent d’abord de leur police qu’elle assume ses fonctions régaliennes, la sécurité,…

M. Jean-Pierre Blazy. Oui !

M. Jacques-Alain Bénisti. …et qu’elle écoute leur patron, le ministre de l’intérieur. Un point c’est tout !

Je suis d’accord avec le maire d’Orléans, M. Grouard : essayons, enfin, de consacrer le temps qui nous est alloué pour parler du projet de loi.

Je vous demande donc, monsieur le président, d’user de votre autorité vis-à-vis de nos collègues pour nous permettre d’entamer le vrai débat pour lequel nous sommes ici et pour lequel nos concitoyens nous regardent !

M. le président. Nous regardent-ils seulement ?

M. Noël Mamère. Ils ne font que cela depuis deux jours !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire. Le Gouvernement n’aurait jamais ouvert ce débat si M. Julien Dray n’en avait pris l’initiative.

M. Jean-Pierre Blazy. M. Dray ne l’a pas fait ici !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Si, ici !

Mme Patricia Adam et M. Jean-Pierre Blazy. Il n’était pas là hier !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Avant-hier, M. Julien Dray est intervenu et a évoqué par anticipation les résultats d’une élection qui n’appartenait qu’aux policiers et qui ne concernait pas l’Assemblée nationale.

M. Noël Mamère. Pourquoi avez-vous pris parti ? Vous êtes le Gouvernement !

M. le président. Monsieur Mamère, laissez le ministre s’exprimer !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Je n’ai pris aucun parti. M. Dray a pris parti, alors que notre devoir est de laisser les policiers se prononcer en toute indépendance.

M. Dray ayant anticipé des résultats, anticipation qui ne correspondait pas à la réalité, il m’appartenait, au nom du Gouvernement, d’apporter quelques précisions. Et, sur ces précisions, qui sont désormais inscrites au compte rendu de la séance d’hier soir en réponse à l’intervention de M. Dray d’avant-hier, je n’ai rien à retirer. Les éléments que j’ai indiqués sont irréfutables.

M. Jean-Pierre Blazy. Quid du syndicat des commissaires ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Pour le reste, madame Jacquaint, je regrette votre intervention de ce matin parce qu’elle est en totale contradiction avec celle de M. Vaxès hier, lequel, avec une grande sagesse…

M. Jacques-Alain Bénisti. Exactement !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. …avait indiqué que le groupe communiste ne souhaitait surtout pas se mêler du débat ouvert par le groupe socialiste sur ces résultats, considérant que la police nationale pouvait elle-même décider de son propre destin.

Mme Patricia Adam. C’est ce qu’elle fait !

Mme Muguette Jacquaint. Je ne contredis pas M. Vaxès ! J’ai dit qu’il y a un malaise dans la police !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Enfin, monsieur Mamère, vous avez évoqué, je vous cite, le « mépris » du ministre des transports à l’égard du Parlement,…

M. Noël Mamère. Tout à fait !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. …qui aurait pris le « prétexte d’un sommet franco-italien ». Vous qui prétendez être un écologiste devriez savoir que ce sommet franco-italien a pour objectif de régler de lourds problèmes d’émission de gaz à effet de serre dans la traversée des Alpes. Je vais finir par penser que vous n’êtes qu’un écologiste d’opérette ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère, pour un nouveau rappel au règlement.

M. Noël Mamère. L’ « écologiste d’opérette » est obligé de répondre : monsieur le ministre, ce n’est pas nous qui faisons dériver le débat.

Vous auriez pu prévenir M. le ministre des transports, hier soir, jeudi, que nous n’en étions qu’aux amendements portant articles additionnels avant l’article 1er alors que l’article qu’il voulait nous présenter venait après l’article 12, dont nous étions assez loin. M. Grouard vient d’ailleurs de se plaindre que notre débat n’avance pas assez vite.

M. Pierre-Louis Fagniez. Il a raison !

M. Noël Mamère. M. le ministre des transports pouvait donc attendre la semaine prochaine et donc le déroulement normal de l’examen des articles pour nous faire examiner l’article 12. Article 12 que, d’ailleurs, nous n’avons pas débattu parce qu’il a éprouvé le besoin – pour des raisons de circonstance, politiciennes et électoralistes, je le répète, – de venir à l’Assemblée nationale, toutes affaires cessantes, pour nous présenter un article additionnel après l’article 12 portant sur la réduction des sanctions punissant les infractions au code de la route !

Monsieur Estrosi, sur la question du franchissement des Alpes, vous semblez ignorer – vous êtes pourtant un élu de cette région – qu’une forte mobilisation a eu lieu après la catastrophe du tunnel du Mont-Blanc : le maire de Chamonix et les grandes associations de la vallée se sont mobilisés pour empêcher le retour des camions dans le tunnel.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. C’est bien pour cela que la présence de M. Perben était essentielle au sommet franco-italien !

M. Noël Mamère. Or c’est votre gouvernement qui a décidé du retour des camions dans le tunnel, et c’est votre gouvernement qui ne fait pas les efforts nécessaires pour améliorer les voies pour le transport des camions par les trains.

Nous parlons des Alpes : la Suisse est une voisine. Or, depuis longtemps, elle a institué la taxe RPLP sur le transport de marchandises par des poids lourds, si bien que ceux-ci ne traversent plus ce pays autrement que sur des trains. Ne venez donc pas nous donner des leçons d’écologie, alors que votre gouvernement et votre Premier ministre ont porté, il y a quelques semaines, un nouveau coup à l’application par la France du protocole de Kyoto en autorisant les industriels à émettre des quantités supérieures de gaz à effet de serre.

M. le président. Monsieur Mamère, revenons-en à notre sujet qui, aujourd’hui, n’est pas l’environnement.

M. Noël Mamère. Vous avez beau avoir commandé un rapport au groupe de travail « Facteur 4 », sur la division par quatre des gaz à effet de serre, nous sommes très loin de sa mise en œuvre dans notre pays.

Au lieu de nous donner des leçons, commencez par balayer devant votre porte !

M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour un court rappel au règlement.

Mme Muguette Jacquaint. Monsieur le ministre, mon intervention n’avait pas pour objet de mettre en cause ce qu’a déclaré M. Vaxès. Je suis trop respectueuse de l’indépendance des syndicats.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Merci de le préciser !

Mme Muguette Jacquaint. Je rappelais simplement que le Gouvernement interprète parfois de façon tendancieuse les résultats de certaines élections professionnelles. Tout ce qu’on peut dire, c’est que, au moment où nous discutons de ce texte, il y a un véritable malaise dans la police. Policiers et commissaires veulent avoir des moyens pour remplir les missions du service public de sécurité et de prévention, mais on ne les leur donne pas.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour un dernier rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Blazy. Monsieur le ministre, vous affirmez n’avoir rien à retrancher à ce que vous avez dit hier soir à propos des élections professionnelles dans la police nationale. Le compte rendu analytique rapporte vos paroles : « Vous-même, monsieur Blazy, ainsi que M. Dray, avez voulu engager une polémique, en promettant l’échec à certains syndicats et le succès aux autres. » Vous me mettez en cause, mais je n’ai, pour ma part, fait aucune déclaration, ni ici ni au-dehors. J’ai voulu vous répondre ce matin à la lumière des résultats. Quant à M. Dray, s’il a pu faire sur cette question des déclarations à l’extérieur de l’hémicycle…

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Non, c’était ici !

M. Jean-Pierre Blazy. …il n’était pas là hier soir et il n’y avait pas lieu de commenter de façon partiale des résultats encore partiels.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous voulez que nous abordions enfin l’article 1er,…

M. Serge Grouard. Ce serait une bonne idée !

M. Jean-Pierre Blazy. …mais je rappelle que nous avons dû d’abord examiner un amendement portant article additionnel après l’article 12, et que ce n’est pas de notre fait. Nous avons déjà parlé du fond du sujet, du rôle du maire, en présentant nos propositions, mais, pour aborder l’article 1er, il faudrait que chacun ait retrouvé sa sérénité. Or j’ai été choqué que l’un de nos collègues ait été traité d’« écologiste d’opérette », c’est-à-dire de député d’opérette. Nous sommes tous, les uns autant que les autres, des députés à part entière : il n’y a, dans cet hémicycle, aucun député d’opérette, il n’y a que des députés de la République.

M. Noël Mamère. Merci !

M. le président. Je vais maintenant appeler l’article 1er du projet de loi, précédemment réservé.

Article 1er (précédemment réservé)

M. le président. Sur l’article 1er, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Philippe Edmond-Mariette.

M. Philippe Edmond-Mariette. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je dois avouer que, après avoir quitté l’hémicycle hier soir, j’ai eu le plus grand mal à trouver le sommeil. Le confort des lits de la résidence de la rue Saint-Dominique n’est cependant pas en cause.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. C’est le décalage horaire ! (Sourires.)

M. Philippe Edmond-Mariette. Non, ce n’est pas seulement le décalage horaire ! Souffrez que je poursuive, monsieur le ministre.

Vous avez dit tout le bien que vous pensiez de la déclaration de notre collègue Alfred Marie-Jeanne, président de la région Martinique, mais vous n’avez pas compris qu’il n’avait pas eu le temps, dans les cinq minutes dont il disposait, d’ajouter ceci, qui est essentiel : où sont les moyens ? Nous faisons tous le même constat sur la violence et sur la montée de la délinquance, singulièrement chez les jeunes, chez nos enfants. Mais quand, à la Martinique, seuls 3 000 procès-verbaux sur 11 000 sont traités, quand le délai de convocation devant le tribunal correctionnel de Fort-de-France est de un an, quand dix agents, greffiers ou secrétaires, manquent aux services du tribunal de grande instance et que le greffe et le registre du commerce sont tenus dans un grand désordre, quand il n’y a ni centre éducatif fermé ni ITEP, quand le centre de placement immédiat ne compte que cinq places, quand l’hôpital psychiatrique est à l’abandon, en jachère, et que sa reconstruction devrait offrir trente places de moins, on est en droit de se demander où sont les moyens.

Comme je n’ai pu être inscrit dans la discussion générale, monsieur le président…

M. Philippe Houillon, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Ça ne change rien : la preuve !

M. Philippe Edmond-Mariette. …je voudrais dire quelques mots rapides et saluer d’abord le courage de tous ceux − policiers, gendarmes, magistrats − qui concourent au maintien de l’ordre, à la tranquillité, et sanctionnent les dérives. Je veux aussi exprimer ma sympathie aux éducateurs et aux formateurs : ayant présidé pendant quinze ans l’association d’action éducative près le tribunal pour enfants de la Martinique, je sais combien ils souffrent du manque de moyens. Je veux de même témoigner toute ma compassion, et celle de notre assemblée, aux victimes, non seulement à celles que l’on a pu citer ici ou là, mais à toutes celles qui ont subi, dans leur chair, des actes de violence grave : en disant cela, je ne pense pas aux faits qui se sont déroulés hier soir à la sortie du parc des Princes − ils sont trop récents pour que chacun y aille de son commentaire et il vaut mieux attendre de connaître l’évolution de l’enquête −, mais les victimes du transformateur de Clichy-sous-Bois ou la jeune Mamma Galledou. Monsieur le ministre, je vous en prie, n’ajoutons pas à la souffrance de cette jeune femme, ne lui faisons pas porter ce texte, qui serait un trop lourd fardeau pour elle, car non seulement il ne changera rien au jugement et à la sanction qui doit attendre ceux qui ont commis cet acte, mais un texte plus répressif n’aurait pas évité la lâche agression dont elle a été victime. Aucun texte pénal, quel qu’il soit, n’a jamais empêché les crimes d’hier ou d’aujourd’hui.

Si l’on jette un regard apolitique sur le texte qui nous est proposé, on constate que la CNIL a dévoilé le fond de sa pensée sur les difficultés que soulève le secret partagé, que la Commission nationale consultative des droits de l’homme, qui a dû s’autosaisir au mois de septembre, a rappelé des vérités essentielles sur la justice des mineurs, sur l’impact que ce texte risquait d’avoir sur d’autres lois de la République. Quant aux magistrats et aux avocats, ils n’ont pas manqué de souligner les graves lacunes concernant des infractions pénales qui ne sont pas concernées par le champ d’application du texte dont nous débattons : absence de dispositions sur la corruption, absence de renforcement de la lutte contre la fraude fiscale ou de la loi sur les infractions relatives au droit du travail, absence de dispositions nouvelles sur le non-respect des directives écologiques et sur les pollutions environnementales. Autant d’éléments qui s’ajoutent aux précisions données par le Conseil constitutionnel en 2002, qui rappelait que, pour les mineurs, trois piliers sont intangibles : la primauté de l’éducatif, l’excuse de minorité et une justice particulière, qui ne soit pas celle rendue pour les adultes.

Monsieur le ministre, j’attends de nos débats qu’ils soient constructifs et que vous acceptiez les amendements qui veulent éliminer les scories et corriger les dérives de ce texte. Dans nos régions, beaucoup plus qu’ailleurs, nous avons le souci de respecter des échelles de valeur. Nous mesurons l’intensité des cyclones sur l’échelle de Beaufort et celle de l’activité sismique sur l’échelle de Richter. J’ai compris aujourd’hui que nous allions disposer d’une nouvelle échelle…

M. Alain Marsaud. L’échelle des pompiers ! (Sourires.)

M. Philippe Edmond-Mariette. …construite dans notre hémicycle et qui permettrait désormais d’évaluer la sécurité et la prévention : l’échelle de Sarkozy. (Murmures sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) J’invite le ministre à emprunter plutôt une autre échelle : celle qui permet la véritable ascension vers le sommet, l’échelle de Jacob. Elle repose sur trois valeurs : la force, qui n’est pas seulement verbale, la richesse intérieure et, surtout, la sagesse.

M. Pierre-Louis Fagniez. Descendez un peu de l’échelle !

M. Philippe Edmond-Mariette. Pour celui qui possède cette dernière vertu, tous les chemins sont possibles. Quand on atteint le sommet, l’eau du ruisseau est claire, elle n’est pas trouble, elle n’est pas « Clearstream », et il n’est besoin d’aucun Kärcher. Si nous voulons améliorer le « vivre ensemble » dans notre République, nous ne devons jamais oublier que les délinquants dont nous parlons sont nos enfants, sont vos enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais revenir sur l’esprit de la loi.

L’article 1er jette les bases d’un nouveau concept : la gouvernance locale pénale. C’est pourquoi, dans le temps qui m’est imparti, je m’adresserai à tous mes collègues maires des 36 000 communes de France que l’on veut aujourd’hui transformer en bras séculiers de l’État. Le rôle que l’on veut leur faire jouer se situe en effet aux antipodes du mandat qu’ils exercent au service des citoyens, souvent avec abnégation et générosité sociale, et sans moyens suffisants.

Le maire, monsieur le ministre, n’est ni un juge, ni un travailleur social, ni un policier, ni un psychiatre, ni un éducateur. Ce n’est pas lui qui rend la justice, qui soigne, qui éduque. Vouloir faire du maire le réceptacle de toutes les crises sociales, culturelles, économiques, identitaires qui assaillent notre société, c’est coiffer d’un chapeau trop large les élus qui connaissent mieux que personne la difficulté et les souffrances de la population. Si les Français ne considèrent pas le maire comme un professionnel de la politique, c’est parce que sa fonction n’est pas de dresser une partie de la population contre l’autre, comme vous le faites, mais de retisser du lien social, de panser les plaies de la société, d’écouter, de prévenir, de dialoguer.

M. Jacques-Alain Bénisti. D’être spectateur !

M. Noël Mamère. Pour masquer votre incompétence, vous qui, en cinq ans, avez fait sauter les digues qui permettaient d’enrayer la montée des incivilités et de la délinquance, vous voulez transformer ce juge de paix en shérif, quitte à dévaloriser la fonction.

Vous avez successivement pris les décisions de supprimer les emplois-jeunes, de couper les subventions aux associations et d’en finir avec la police de proximité.

M. Jacques-Alain Bénisti. C’est faux !

M. Noël Mamère. Ce faisant, vous avez rompu tous les liens de médiation qui existaient localement, laissant le maire en première ligne, seul face aux gigantesques problèmes que posent la précarité, le chômage, la décomposition familiale, et vous voulez maintenant qu’il les résolve tous à la place de l’État, qui a démissionné. Nous accusons ce gouvernement et le ministre de l’intérieur d’irresponsabilité politique et sociale.

D’après ce projet de loi, le maire deviendrait le supérieur hiérarchique des travailleurs sociaux, un destinataire de toutes les informations sociales, judiciaires et médicales des citoyens de son ressort.

M. Jacques-Alain Bénisti. Vous n’avez pas lu le texte !

M. Noël Mamère. Vous faites de lui le délateur en chef de la commune, celui qui recevra des éducateurs, des assistantes sociales, de l’institution scolaire, les fiches personnalisées sur ceux dont ils ont la responsabilité. La commune deviendra l’instrument du contrôle social, chargée de la tutelle des populations pauvres.

Doté de pouvoir de justice, de sanctions civiles et financières, le maire sera le nouveau délégataire de la puissance publique, sans contre-pouvoirs. Cela entraînera des affrontements autour de sa personne et le fera apparaître comme partisan, car il devra nécessairement répondre à l’attente de ses électeurs, du moins de ceux qui ont le droit de voter, ou qui le souhaitent. La démagogie risque de prendre la place de la pédagogie ; le chantage à la tutelle des prestations sociales tiendra lieu d’action sociale. Chaque municipalité définira, en fonction de sa couleur politique, son propre traitement de la question sociale et contribuera ainsi à la fragmentation de la société.

Je vous en conjure, mes chers collègues : réfléchissez avant de prendre une décision qui va à l’encontre de tous les canons de notre Constitution, qui octroiera à l’élu le droit de s’immiscer dans la vie privée de chaque famille, qui créera la confusion en empiétant sur le rôle de la justice et de la police, qui confortera les jeunes, prêts à faire l’amalgame entre tous les pouvoirs, dans leur haine de l’institution, et qui fera perdre au maire sa fonction centrale de médiateur !

Avec ce projet, non seulement vous discréditez la fonction de maire, mais vous délégitimez le rôle clé des personnels qui détiennent des informations confidentielles leur permettant d’instaurer des relations de confiance. Si de telles informations sont largement partagées, les personnels de l’action judiciaire et sociale locale seront considérés avec méfiance, car assimilés à ceux qui, d’en haut, substituent à l’aide le contrôle social et la répression. Imaginez, par exemple, que l’assistante sociale présente au maire un couple fréquentant une unité de toxicodépendance. Lorsque des logements seront attribués, croyez-vous que ce couple, estampillé « toxicomane », sera prioritaire ?

M. Jacques-Alain Bénisti. Vous mélangez tout !

M. Noël Mamère. Le président de l’Association des maires de France, tout comme mon collègue Pierre Cardo, tous deux membres de l’UMP, ont fort justement caractérisé votre projet comme faisant du maire un père Fouettard. Comme un grand nombre d’entre nous, ils refusent de devenir un auxiliaire de la répression.

Les maires que nous sommes ne veulent pas perdre le respect qu’ils ont gagné en tissant, jour après jour, des liens de solidarité sociale avec nos concitoyens les plus fragiles.

M. Jacques-Alain Bénisti. Cela n’a rien à voir avec le texte !

M. Noël Mamère. Votre projet risque de réduire à néant de longues années de labeur quotidien qui ont fait du maire le dernier rempart du service public dans des zones que votre politique a délaissées, abandonnées, où règne la confrontation entre des forces d’occupation des quartiers (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) – les BAC, les CRS – et les jeunes que vous voulez « kärcheriser », puisque ce n’est que de la « racaille » !

M. Serge Grouard. Des forces d’« occupation » ?

Mme Martine Aurillac. Ce n’est pas possible !

M. Serge Grouard. C’est un scandale !

M. Noël Mamère. Monsieur le ministre, vous n’avez rien compris aux événements d’octobre et de novembre 2005 dans le pays : vous continuez à jouer sur la peur et sur la division de nos concitoyens. Vous continuez même de faire la guerre aux pauvres. En son temps, dès juin 2002,...

M. le président. Il faudrait conclure, mon cher collègue.

M. Noël Mamère. Je termine, monsieur le président.

...j’avais ici même dénoncé votre texte sur la sécurité intérieure en montrant qu’il allait aggraver l’insécurité et précariser un peu plus des populations. Depuis, l’insécurité a augmenté.

Vous voulez maintenant entraîner dans votre aventure l’ensemble des maires. J’appelle donc mes collègues non seulement à empêcher ce mauvais coup, à refuser cette loi d’opportunité électorale, mais aussi à se donner les moyens de refuser de l’appliquer et donc à désobéir au nom de l’intérêt général. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Nous ne deviendrons pas les nouveaux shérifs de la République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jacques-Alain Bénisti. Monsieur le président, je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jacques-Alain Bénisti, pour un rappel au règlement.

M. Jacques-Alain Bénisti. Monsieur le président, mon rappel au règlement, qui a trait aux propos qui viennent d’être tenus, sera très court.

M. Mamère nous propose un maire spectateur,...

M. Christophe Caresche. Ce n’est pas un rappel au règlement, monsieur le président !

M. Jacques-Alain Bénisti. ...alors que nous voulons en faire un acteur. C’est une différence notable, monsieur Mamère. Nous, nous préférons vraiment un maire acteur.

Mme Muguette Jacquaint. Les maires ne sont pas des acteurs !

M. le président. Monsieur Bénisti, votre intervention n’était en rien un rappel au règlement. Si l’on continue de s’invectiver à coups de rappels au règlement, on n’avancera guère !

M. Alain Marsaud. Je demande également la parole pour un rappel au règlement, monsieur le président.

M. le président. Si vous le voulez bien, monsieur Marsaud, je vous inscris plutôt sur l’article.

Je sens bien que vous êtes également impatient de répondre à M. Mamère : vous disposerez ainsi de cinq minutes pour lui répondre.

Reprise de la discussion

M. le président. Nous allons continuer d’entendre les orateurs inscrits sur l’article 1er.

La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Je tiens d’abord à rassurer M. Bénisti : nous voulons tous que le maire soit un acteur de la prévention de la délinquance.

M. Jacques-Alain Bénisti. Merci !

M. Jean-Pierre Blazy. Tout le problème est de définir précisément son rôle.

J’en reviens à cet égard à l’article 1er – que nous examinons enfin, diront certains –...

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Oui !

M. Jean-Pierre Blazy. ...et, plus particulièrement, aux articles additionnels que nous avons déposés avant cet article, car tel était justement leur objet. Ils n’étaient pas en effet pas si éloignés que cela du sujet, comme certains l’ont prétendu. Ils ont même fait plus que l’introduire : ils l’ont précisé. Pour que le maire soit un acteur, encore faut-il en effet définir très précisément l’architecture institutionnelle de la prévention de la délinquance et, finalement, de la sécurité, puisque les deux problématiques sont étroitement liées.

Voilà dix ans que le maire est au centre de la « coproduction » de sécurité. C’est une compétence que lui confère le code général des collectivités territoriales, que lui reconnaissent les citoyens, et que lui attribue également la loi puisque celle de 2001 relative à la sécurité quotidienne a donné une base juridique aux expérimentations menées depuis 1997. Le rapporteur lui-même nous l’a rappelé en justifiant son opposition à nos articles additionnels. N’a-t-il pas indiqué en effet que ces articles étaient inutiles puisque la Constitution et la loi prévoyaient déjà ce que nous proposions ?

On pourrait d’ailleurs dire la même chose du texte que vous nous proposez, monsieur le ministre. Aujourd’hui, en effet, nous avons moins besoin d’une loi, puisque les fondements juridiques en la matière sont déjà posés par la législation, que d’un plan de prévention définissant clairement les objectifs et articulant les moyens autour du pivot local qu’est le maire.

M. Jacques-Alain Bénisti. C’est exactement l’objectif du texte !

M. Jean-Pierre Blazy. La sécurité est, comme la prévention de la délinquance, une mission régalienne de l’État. À ce titre, elle relève de politiques interministérielles, puisque pas moins d’une dizaine, voire d’une douzaine de ministères, au vu des lignes budgétaires mobilisées, intervient dans ce domaine. C’est pourquoi nous souhaitons qu’elle soit pilotée par le Premier ministre et non par le ministre de l’intérieur, aussi compétent soit-il. (Sourires.)

Il en va de même au niveau départemental, où c’est le préfet qui intervient. Nous y reviendrons à propos du plan départemental, qui traduit localement les objectifs de l’État, pour demander, en particulier, que ce plan soit élaboré en concertation avec les maires.

Au niveau local, les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance remplacent ce que l’on appelait avant 2002 les conseils communaux de prévention de la délinquance. On est donc, avec ces CLSPD, dans la continuité – là au moins, il n’y a pas rupture, et c’est très bien ainsi !

La loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure de 2002 prévoyait déjà la possibilité de créer ces conseils. Aujourd’hui, on nous propose de les rendre obligatoires dans les villes de plus de 10 000 habitants – et non plus de 5 000 habitants, comme le prévoyait, de façon moins raisonnable, la première ébauche du texte.

Je ferai, à cet égard, une nouvelle fois référence à l’excellent rapport de l’inspection générale de la police nationale qui a été remis au ministre durant l’été 2005 et qui a inspiré, mais en partie seulement, une récente circulaire que ce dernier aurait, selon vous, monsieur Estrosi, signée et qui serait maintenant soumise à la signature des autres ministres concernés. J’aimerais d’ailleurs que vous puissiez nous en transmettre le contenu, car elle est au centre de nos discussions.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Vous l’aurez aujourd’hui.

M. Jean-Pierre Blazy. Je vous remercie.

Ce rapport, qui inspire donc en partie la circulaire, précise que, si certains CLSPD sont très actifs, d’autres sont « dormants ».

M. le président. Je vous prie de bien vouloir conclure, mon cher collègue.

M. Jean-Pierre Blazy. J’arrive à ma conclusion, monsieur le président.

L’inspection générale ne proposait pas de rendre obligatoire ces CLSPD dans les villes de plus de 10 000 habitants. Plutôt que d’instaurer un seuil, elle proposait simplement que les objectifs – nous parlerions également des moyens pour notre part – soient définis en concertation avec le préfet et le maire, qui détermineraient ainsi un nombre, évidemment limité, d’actions qui seraient ensuite évaluées. C’est pourquoi, d’ailleurs, elle proposait que les CLSPD – que l’on pourrait qualifier, mais tel sera peut-être l’objet de la circulaire, de contrats locaux de sécurité rénovés, auxquels ils se substituent également – soient limités à trois ans, pour être alors évalués. Tous ces éléments, nous ne les retrouvons pas dans le texte – mais peut-être les retrouverons-nous également dans la circulaire ! (Sourires.) Nous reviendrons en tout cas aussi sur ce point dans la suite de nos débats.

M. le président. La parole est à Mme Patricia Adam.

Mme Patricia Adam. Plus nous avançons dans nos débats, plus ce texte me donne l’impression d’être non pas opportun, mais opportuniste. Avec le calendrier retenu, son inscription à l’ordre du jour ne coïncide-t-elle pas, comme par hasard – par nécessité devrait-on plutôt dire ! -, avec la tenue du congrès des maires, qui se termine aujourd’hui ?

Il est, de plus, de pur affichage : l’article 1er tend à instaurer, dans toutes les villes de plus de 10 000 habitants, un conseil, ou CLSPD, sous la présidence du maire, afin de traiter des problématiques liées à la prévention de la délinquance. Or, s’agissant des CLSPD, les textes en vigueur prévoient exactement la même chose : le conseil est présidé par le maire, il comprend de droit le préfet et le procureur de la République, il constitue l’instance de concertation sur les priorités de la lutte contre l’insécurité, il favorise l’échange d’informations sur les besoins de la population, et, enfin, il définit des actions et des objectifs coordonnés dont il suit l’exécution. À quoi cela sert-il d’inscrire à nouveau tous ces éléments dans le projet de loi ?

La seule innovation que ce dernier propose est que le conseil général participerait également à la prévention de la délinquance en entrant dans ce conseil local. Monsieur le ministre, croyez-vous un seul instant que, dans nos départements et dans nos villes, les présidents de conseils généraux et les maires ne se parlent pas ? La plupart des conseillers généraux sont souvent des maires et ils connaissent très bien toutes ces problématiques ! Il s’agit donc bien d’un pur texte d’affichage.

Comme quelques-uns ici, j’ai travaillé plus d’un an en commission sur le projet de loi relatif à l’accueil et à la protection de l’enfance, lequel a fait l’objet de propositions très concrètes et très pragmatiques répondant au bon sens commun.

Mme Muguette Jacquaint. Tout à fait !

Mme Patricia Adam. Je m’étonne donc que nous examinions aujourd’hui un texte sur la prévention de la délinquance plutôt que ce projet de loi sur la protection de l’enfance, dont le Sénat s’est déjà saisi en première lecture. C’est celui-ci que nous devrions examiner en ce moment, et non pas celui-là !

M. Jacques-Alain Bénisti. Nous y viendrons !

Mme Patricia Adam. Comment pourrions-nous préciser la coordination par les maires – car nous sommes bien entendu d’accord sur ce point – des différentes instances, qu’il s’agisse des services placés sous la responsabilité de l’État ou des départements, sans avoir au préalable défini la prévention primaire, exercée notamment dans le cadre de la protection de l’enfance ? Alors que bien des associations et des départements – de droite comme de gauche – ont activement participé, à la demande d’ailleurs du ministre, M. Bas, à la préparation du projet de loi sur l’enfance, en faisant des propositions très concrètes, dont certaines ont été retenues, sa discussion n’est toujours pas inscrite à notre ordre du jour,...

M. Jacques-Alain Bénisti. Si !

Mme Patricia Adam. ...ce qui nous inquiète.

L’article 1er du projet de loi qui nous est soumis ne définit rien de plus que ce qui existe déjà, très concrètement, dans nos communes. 

Il rend obligatoire la création d’une instance pour les communes de plus de 10 000 habitants. S’il est vrai que cela peut être nécessaire dans certaines grandes banlieues, c’est méconnaître le fonctionnement de la France. Dans mon département, le Finistère…

M. Jacques-Alain Bénisti. Ah !

Mme Patricia Adam. …et dans beaucoup d’autres départements de France – la France ne se résume pas à la banlieue –, un grand nombre de communes de plus de 10 000 habitants n’ont pas besoin d’une telle structure. Ce n’est pas utile. Le travail actuellement réalisé en concertation et en coordination avec l’ensemble des acteurs se suffit à lui-même.

M. le président. La parole est à M. Lilian Zanchi.

M. Lilian Zanchi. L’article 1er du projet de loi propose que « le maire anime, sur le territoire de la commune, la politique de prévention de la délinquance et en coordonne la mise en œuvre ».

Cette proposition tombe d’elle-même puisque, ainsi que le rapporteur l’a rappelé hier, le maire a déjà un pouvoir de police, aux termes de l’article L. 2211-1 du code général des collectivités territoriales.

L’article 1er propose ensuite l’automaticité de la mise en place dans les communes de plus de 10 000 habitants d’un CLSPD, un conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance. Je voudrais interroger le Gouvernement et le rapporteur sur l’automaticité d’une telle disposition.

Vous avez indiqué hier, monsieur le rapporteur, que vous aviez voulu introduire ces contrats dans la loi pour les rendre obligatoires. En réalité, cela revient à mettre les maires sous tutelle. C’est faire peu de cas de la décentralisation qui existe dans notre pays depuis quelques années.

Je poursuis la lecture de l’article 1er : « le représentant de l’État dans le département associe le maire à la définition des actions de lutte contre l’insécurité et l’informe régulièrement des résultats obtenus ». C’est déjà le cas. Donc, cette proposition tombe.

« Les actions de prévention conduites par les collectivités […] ne doivent pas être incompatibles avec le plan de prévention ». Une fois de plus, c’est une mise sous tutelle pure et simple des maires sur les orientations politiques de l’État puisque vous enlevez aux maires toute possibilité d’être eux-mêmes inventeurs et créateurs de politiques de prévention.

Le « préfet de police associe le maire à la définition des actions de lutte contre l’insécurité ». C’est déjà le cas. Donc, cette proposition tombe elle aussi.

Et je pourrais continuer à égrener comme cela toute une série de dispositions de l’article 1er.

Toutes ces mesures sont contenues dans la LOPSI, qui a prévu la création des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance. Le décret 2002-999 du 17 juillet 2002 signé par le ministre de l’intérieur institue ces conseils et l’article 3 de ce même décret prévoit qu’ils sont présidés par le maire.

Aujourd’hui, l’article 1er dont nous discutons prévoit de mettre en place ces conseils par la loi. Sans doute convient-il de supprimer cette disposition si je reprends les propos du rapporteur hier, qui me répondait, à propos d’un de mes amendements, ne pas voir ce qu’il apportait par rapport à l’existant, puisque que les contrats locaux de sécurité rénovés signés par le maire, le préfet, le procureur de la République, existent déjà. Le ministre délégué, lui aussi, soulignait hier qu’on n’allait pas inscrire dans la loi une disposition qui venait d’être décidée par une circulaire. Dans ces conditions, je ne comprends pas pourquoi cet article 1er serait maintenu.

Nous assistons depuis le début de nos débats à une véritable cacophonie. Ainsi, hier, alors que nous n’avions pas commencé la discussion des articles, le Gouvernement nous proposait, par voie d’amendement au texte relatif aux professions de santé, de légiférer par ordonnance sur le volet « santé mentale », retirant du même coup les articles 18 à 24 du projet de loi sur la prévention de la délinquance. Or légiférer par ordonnance sur ce sujet, c’est bâillonner les députés.

Hier également, lors de l’examen des amendements déposés par le groupe socialiste, le Gouvernement demandait la réserve des premiers articles pour passer en urgence après l’article 12, parce que le ministre des transports partait au sommet franco-italien. Je ne vois pas bien où était l’urgence en la matière puisque nous n’avions pas encore commencé à discuter de l’article 1er.

Ce 23 novembre toujours, et là nous avons atteint le comble du mépris du travail parlementaire, vous nous avez annoncé, monsieur Estrosi – vous n’y êtes pour rien, mais vous représentez le Gouvernement et le ministre de l’intérieur –, qu’une circulaire d’application du projet de loi actuellement en discussion faisait tomber de facto une série d’articles, ce qui met sous tutelle, une fois de plus, les quatre ministres coresponsables de ce projet.

Face à cette cacophonie et à ce manque de cohérence qui existe entre les différents ministres sur ce projet de loi, face au mépris exprimé par le Gouvernement pour le travail des députés, je voudrais ce matin lancer un appel solennel au Premier ministre, dont vous êtes ici, monsieur le ministre, le porte-parole.

Parce que le Premier ministre, vous nous l’avez dit hier, dirige l’action du Gouvernement, parce qu’il est responsable de cette action devant le Parlement, alors il est doublement responsable de ses actes et des annonces que vous nous avez faites hier. Parce que le Premier ministre a transmis à l’Assemblée nationale ce projet de loi relatif à la prévention de la délinquance élaboré selon les missions et les instructions qu’il a données au comité interministériel de la prévention de la délinquance qu’il préside, comme cela a été rappelé hier, nous attendons de lui des explications sur le contenu de l’ordonnance « santé mentale ». Nous attendons qu’il fasse stopper cette circulaire d’application sur le CLSPD rénové tant que le Parlement n’aura pas terminé son travail législatif. Nous lui demandons s’il souhaite continuer avec ses ministres à bafouer et mépriser le travail des députés, car, en ne respectant pas le député, c’est le peuple de France que nous représentons que le Gouvernement bâillonne. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. J’ai l’impression que ce projet de loi a été conçu un peu comme un super-collector de tout ce qui avait défrayé la chronique dans l’opinion publique ces dernières semaines et qu’il avait vocation à mettre en scène l’action et, surtout, le verbe du ministre d’État, ministre de l’intérieur.

Indiscutablement, compte tenu de la volonté farouche de M. Sarkozy d’imposer ce texte, de l’imposer dans le calendrier parlementaire, de l’imposer dans toutes ses composantes, y compris dans celles qui étaient rejetées par la société – je pense notamment au volet « santé mentale » –, ce projet de loi avait pour but de donner l’image d’un ministre omniprésent, omniscient, « omnirépondant » aux causes d’insécurité de notre société. Le terrain était préparé pour assurer le lancement de la candidature du ministre de l’intérieur à la Présidence de la République.

Le calendrier est toujours là, et ce ne sont pas les informations que nous a données le ministre de l’intérieur hier à travers d’« étranges lucarnes », comme dit un hebdomadaire satirique, puisque celui-ci n’est pas malheureusement là pour en témoigner directement, qui y changeront quelque chose.

M. Jean-Pierre Blazy. Il n’est pas au sommet franco-italien pourtant !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Je peux vous informer.

M. Jean-Marie Le Guen. Mais j’imagine qu’il sera bientôt là car il serait inconcevable que le ministre de l’intérieur ne soit pas présent pour discuter des articles d’un projet de loi qui lui tient tant à cœur.

Cette mise en scène connaît malgré tout quelques ratés.

En effet, hasard du calendrier, les élections professionnelles dans la police ont montré, c’est le moins que l’on puisse dire, qu’après quelques mois, voire quelques années, de charme opéré par l’activisme du ministre de l’intérieur, nous sommes revenus à plus de réalité. Et ceux qui ont en charge de mener l’action sur le terrain, la véritable action, ceux qui sont souvent honorés par le ministre de l’intérieur, ont envoyé ces derniers jours un signal très clair de leur mécontentement et des difficultés réelles de leur profession, laquelle, malgré les déclarations, n’a pas profité, c’est le moins que l’on puisse dire, de moyens aussi importants que ceux qu’ils auraient souhaités.

Le congrès des maires, lui aussi, a fait bouger un petit peu les lignes car de nombreuses insatisfactions se sont exprimées plus ou moins clairement. Nous connaissons le caractère particulièrement consensuel, et c’est une bonne chose d’ailleurs, de ce congrès qui a vocation surtout à rassembler tous ceux qui ont une responsabilité éminente dans le fonctionnement de notre République, mais nous avons bien vu qu’il y avait, dans la manière dont le ministre de l’intérieur tendait à les mettre en première ligne, à tout bout de champ, sur tous les sujets, et parfois de façon imprudente, dans la résolution des problèmes de notre société, en l’occurrence des problèmes de sécurité et de prévention, un véritable malaise. D’ailleurs, ce malaise a abouti à ce que la volonté que vous aviez de les habiller avec une panoplie complète de shérif soit légèrement amoindrie dans le projet de loi tel qu’il nous est présenté aujourd’hui. Mais il reste quand même, nous le sentons, un certain nombre de motifs de préoccupation et de mécontentement.

Nous sommes par ailleurs particulièrement étonnés de voir que cet article 1er fait désormais obligation d’une disposition qui, en soi, était plutôt bonne – nous la défendons d’autant plus que, fondamentalement, nous en étions les initiateurs, dans l’esprit et dans la réalité. Cet article 1er consiste en effet à reprendre des propositions qui ont toujours été dans le cœur de la doctrine de la gauche. C’est un hommage que nous acceptons.

M. Jacques-Alain Bénisti. Dont acte !

M. Jean-Marie Le Guen. C’est un hommage, en effet.

M. Jean-Pierre Blazy. Un hommage de la droite à la gauche !

M. Jean-Marie Le Guen. Mais, et c’est là où nous voyons une contradiction dans vos propos, alors que vous qui êtes des apôtres du libéralisme, de la nécessité pour chacun de prendre ses responsabilités, bref, que vous voulez donner plus de liberté aux différents acteurs, vous décidez d’imposer aux maires, que vous considérez théoriquement avec beaucoup de respect, un mode de fonctionnement. Pourtant, les problèmes se posent différemment suivant les lieux et il n’est nul besoin d’institutionnaliser des liens qui se font dans la réalité quotidienne. Mais non, vous avez décidé, vous, d’imposer à la plupart des communes de ce pays un type de fonctionnement.

Nous essaierons évidemment, par des amendements, de corriger, en commençant par une demande de suppression de l’article, les dispositions que vous nous proposez et qui nous semblent abusives. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. Monsieur le ministre, je voudrais à mon tour dire combien je suis étonnée que nous discutions aujourd’hui d’un texte relatif à la prévention de la délinquance sans avoir pu examiner, comme cela a été dit par Mme Adam, le texte qui a déjà été débattu au Sénat sur la protection de l’enfance.

Voici un peu plus d’une semaine, j’ai rappelé dans cette assemblée la situation des enfants et des jeunes dans notre pays aujourd’hui : un million d’entre eux vivent les conséquences de la pauvreté de leurs parents, plusieurs centaines de milliers sont SDF.

M. Jacques-Alain Bénisti. Cela n’a rien à voir avec la délinquance !

Mme Muguette Jacquaint. Si, cela a à voir, et je vais vous dire pourquoi.

M. Jacques-Alain Bénisti. C’est un problème, mais qui n’a rien à voir avec la délinquance.

Mme Muguette Jacquaint. Ce n’est pas un problème bénin car tout le monde reconnaîtra qu’on ne naît pas délinquant : on le devient.

M. Jacques-Alain Bénisti. En effet !

Mme Muguette Jacquaint. Il faut donc s’attaquer aux racines du mal.

M. Jacques-Alain Bénisti. Nous sommes d’accord.

Mme Muguette Jacquaint. Et les racines du mal, monsieur le député, je viens de les rappeler.

M. Jacques-Alain Bénisti. Vous avez lu mon rapport !

Mme Muguette Jacquaint. Tous les professionnels, les acteurs sociaux et les parlementaires – je pense en particulier à Mme Pécresse – qui ont travaillé sur le problème de l’enfance en danger auraient pu proposer des solutions pour mettre un terme à la misère, à la pauvreté, à l’errance que connaissent beaucoup de ces jeunes. Mais, si nous n’avons pas discuté de l’enfance en danger avant d’examiner ce projet de loi, sans doute est-ce parce que vous ne vouliez pas y consacrer les moyens nécessaires, comme, d’ailleurs, le budget en témoigne !

À l’instar de Mme Adam, j’ai reçu beaucoup de courriers des services départementaux, des associations et des élus, qui m’ont fait part de leur étonnement, dont vous devriez vous faire l’écho, mes chers collègues, de constater que nous n’avions pas encore examiné cet important texte à l’Assemblée nationale.

L’article 1er du projet de loi que nous examinons place le maire au premier rang des acteurs de la prévention de la délinquance. Il préfigure les articles suivants du projet de loi, et notamment les articles 5 à 9, qui précisent ce rôle de coordonnateur et d’animateur. Il crée un conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance dans toutes les villes de plus de 10 000 habitants et prévoit que les actions de prévention conduites par les collectivités territoriales et leurs établissements publics devront être compatibles avec le plan de prévention de la délinquance arrêté par le représentant de l’État dans le département. Une première question se pose donc : est-ce le maire ou l’État qui décidera du plan de prévention ?

Il ne s’agit bien évidemment pas, pour nous, de contester le rôle que doit jouer le maire dans une politique efficace de prévention de la délinquance. Tous les maires, d’ailleurs, sont déjà investis dans le champ de la prévention. Mais, dans ce texte, il ne s’agit pas de prévention de la délinquance, pas plus qu’il ne s’agit de donner au maire les moyens d’impulser et d’animer une véritable politique de prévention. Ce texte ne confie, en fait, au maire qu’un pouvoir de contrôle social ciblant les catégories les plus fragiles de sa population sans lui donner les moyens d’une véritable politique de prévention.

Si le projet de loi poursuivait l’objectif de prévenir la délinquance et de confier, dans ce cadre, un rôle déterminant au maire, vous vous y seriez sans doute pris autrement, monsieur le ministre.

M. le président. Veuillez conclure, madame Jacquaint !

Mme Muguette Jacquaint. Je défends en même temps notre amendement de suppression, monsieur le président.

M. le président. Dans ce cas…

Mme Muguette Jacquaint. Si votre ambition, monsieur le ministre, était de « prévenir les risques de passage à l’acte », alors vous auriez donné au maire les moyens de contribuer à atteindre cet objectif. Vous lui auriez donné les moyens de mettre en place des dispositifs sociaux, éducatifs, économiques, de rénovation et de requalification urbaine,…

M. Serge Grouard. Mais cela existe déjà !

Mme Muguette Jacquaint. …de développement des services publics de proximité, qui visent à l’égalité de tous les hommes sur l’ensemble du territoire. Y a-t-il dans ce texte une seule disposition en ce sens ?

Pas un seul article du projet de loi ne donne aux maires les moyens de conduire une véritable politique de prévention !

Pas un seul article ne donne aux maires, aux collectivités locales, les moyens de mener une politique de prévention de la délinquance ! Bien au contraire, comme cela a été dit au congrès des maires, vous ne cessez d’amputer, années après années, leurs moyens. Vous leur donnez, certes, plus de pouvoirs, mais sans les moyens de les exercer.

La vérité, c’est que le Gouvernement poursuit le désengagement de l’État dans l’élaboration d’une véritable politique de solidarité nationale d’accompagnement et d’aide susceptible de prévenir les comportements déviants. J’en veux pour preuve le projet de loi de finances pour 2007, qui vient d’être adopté par la majorité. Les grands sacrifiés sont le travail et l’emploi, la ville et le logement, et l’éducation nationale. Autant de missions qui sont pourtant parties prenantes d’une véritable politique de prévention.

M. le président. Il faudrait maintenant conclure, madame Jacquaint ! Vous en êtes à huit minutes !

Mme Muguette Jacquaint. Le Sénat a décidé de modifier l’article L. 2211-3 du code général des collectivités territoriales pour que les maires soient désormais informés sans délai par les responsables locaux de la police ou de la gendarmerie de toutes les infractions causant un trouble à l’ordre public commises sur le territoire de leurs communes – auparavant, ils ne devaient être informés que des troubles graves. Notons que, le plus souvent, ce sont les maires et leurs services qui informent le parquet et la police des actes de délinquance commis sur le territoire de la commune.

M. le président. La parole est à M. Alain Marsaud, qui s’impatientait…

M. Alain Marsaud. Je serai plus bref que Mme Jacquaint, car je m’en tiendrai au cœur du sujet.

Je respecte le métier de maire, et je l’admire.

Mme Muguette Jacquaint. Ce n’est pas un métier !

M. Alain Marsaud. Mais je n’ai vraiment pas envie d’être maire, car c’est trop compliqué, et je ne sais pas comment l’on peut être à la fois maire et député.

M. Serge Grouard. Ce n’est pas facile !

M. Alain Marsaud. Je suis partisan du mandat unique – en cela, je suis très minoritaire dans mon parti –, et cela va me permettre d’entrer dans le vif du sujet. En effet, quel rôle entendons-nous véritablement donner au maire ?

M. Christophe Caresche. Le projet est très frileux !

M. Alain Marsaud. Justement, j’estime qu’il ne va pas assez loin ! Comme je l’ai dit devant la commission des lois, c’est une occasion manquée de faire une véritable révolution au niveau municipal, et surtout d’atteindre l’objectif que nous poursuivons depuis trente ans, à savoir mettre un terme à l’accroissement continu des actes de délinquance de toute nature, commis en milieu urbain, notamment par des populations de plus en plus jeunes. Il faut bien reconnaître en effet que, quelles que soient les méthodes employées – les vôtres étaient plutôt préventives ; les nôtres un peu plus répressives bien qu’elles aient tenu compte des éléments nécessaires à la prévention –, nous avons tous échoué !

Plusieurs députés du groupe socialiste. Vous parlez du bilan du Gouvernement !

M. Alain Marsaud. Que l’on ne vienne pas me dire ici que la gauche, ou la droite, a mieux réussi en la matière ! Nous n’allons pas nous battre sur les chiffres ! En quatre ans, la délinquance générale a enregistré une baisse de 9 à 10 %,…

M. Jean-Pierre Blazy. La « délinquance générale », cela ne veut rien dire !

M. Alain Marsaud. …mais avec d’importantes nuances. Personne ici ne peut jouer les glorieux !

Je vais donc vous faire une proposition à laquelle je réfléchis depuis mon premier mandat et que j’ai essayé d’inclure dans le programme de mon parti, mais je n’ai pas été suffisamment écouté.

Je crois, pour ma part, qu’il faut prendre le problème à l’envers. Le maire doit être non pas un shérif, un procureur ou un juge, mais le chef de la police, à l’image de ce qui se passe dans certains comtés des États-Unis. (M. Noël Mamère proteste.) Monsieur Mamère, il faut s’inspirer des expériences qui marchent car, jusqu’à présent, les nôtres ont toutes échoué !

Je souhaite que le maire, qui est le mieux à même de savoir ce qui se passe dans sa commune, soit celui qui prenne les décisions au profit de celle-ci. Qui est mieux informé que lui si l’on vend de la drogue quelque part ou si l’on tabasse les plus jeunes à l’école ?

M. Jacques-Alain Bénisti. Personne !

M. Alain Marsaud. Aujourd’hui, face à de telles situations, le maire est obligé de téléphoner au commissaire de police, dont cela n’est souvent pas la priorité, ou au préfet, qui ne réagit pas ! C’est la raison pour laquelle je souhaite que le maire soit le chef de la police au niveau de la commune et qu’il puisse la commander. Mais quelle police, allez-vous me dire ? Il faut en effet se méfier. Je tiens, bien sûr, à ce que la police régalienne – renseignement, maintien de l’ordre, police judiciaire – reste de la compétence de l’État. Mais je souhaite que le maire, délivré de toutes les autres charges – il ne faut pas qu’il soit aussi député, sénateur, président de conseil général ou régional ! –, soit le chef de la police « municipalisée » – c’est le terme exact : je ne dis pas « municipale ». Si nous ne faisons pas cette révolution, nous passerons à côté des objectifs que nous poursuivons. Je répète que je ne souhaite pas que le maire soit un shérif. Il sera même un anti-shérif. Le shérif, ce sera éventuellement le directeur de sa police municipalisée.

Aujourd’hui, à qui demandons-nous des comptes face à l’insécurité ? Certainement pas au commissaire de police – il ne nous prend pas au téléphone ! –, ni au préfet – c’est un fonctionnaire qui passe ! –, ni au ministre de l’intérieur – on en change tous les cinq ans ! Qui reste-t-il ? Imaginez que vous ayez un abcès de fixation de l’insécurité devant un lycée ou un collège de votre commune, que faites-vous ? Rien, parce que vous n’avez pas de moyens ! Mais, si le maire est le chef de la police…

M. le président. Il faut conclure, monsieur Marsaud !

M. Alain Marsaud. …et qu’il reçoit quinze mails lui signalant quelque chose de très grave, il réagira ! Telles sont les raisons pour lesquelles je souhaite que l’on donne ce pouvoir aux maires et que l’on crée une véritable police municipalisée dans notre pays !

M. le président. La parole est à M. Jacques-Alain Bénisti.

M. Jacques-Alain Bénisti. En 2003, le ministre de l’intérieur a pris la décision de créer un groupe d’études sur le délicat problème de la prévention de la délinquance. Ce groupe réunissait tous les parlementaires s’intéressant au sujet, et heureusement qu’il y avait des maires parmi eux – c’est là que je ne suis pas d’accord avec ce qu’a dit M. Marsaud ! Il a travaillé pendant trois ans pour établir le constat de ce qui ne fonctionne pas dans la politique de prévention de la délinquance et faire des propositions pour mettre un terme aux dysfonctionnements. Quels sont-ils ? Dans certaines villes importantes, par exemple, le maire n’est qu’un spectateur face aux décisions prises par le CLSPD. Il n’a aucun pouvoir…

Mme Patricia Adam, Mme Muguette Jacquaint et M. Christophe Caresche. Le projet de loi n’y change rien !

M. Jacques-Alain Bénisti. …vis-à-vis du procureur de la République, des représentants des différents établissements scolaires, des travailleurs sociaux, des institutions sociales.

Face à ces dysfonctionnements, les élus ont constaté, au fil des mois, qu’il fallait donner des pouvoirs au maire, pour en faire non un procureur de la République, un commissaire de police, un travailleur social ou un chef d’établissement scolaire, mais l’animateur de toutes les politiques menées dans sa commune et le coordinateur de l’ensemble des actions. Par ailleurs, il doit disposer d’un pouvoir de décision, avec le préfet, pour faire appliquer réellement sa politique sur sa commune.

Telle est la finalité du projet de loi. Relisez l’article 1er : il ne dit pas autre chose ! Certains prétendent qu’il fait du maire un juge ou un shérif ; c’est une invention. Essayons donc de discuter sur les dispositions que contient le texte, et non sur les interprétations des uns et des autres.

Enfin, le rapport de la commission « prévention » du groupe d’étude parlementaire sur la sécurité a très justement souligné l’importance d’une politique de prévention précoce. Sur ce point, je partage l’avis de Mme Jacquaint. Mais je crois que le ministre a entendu notre point de vue, comme celui des travailleurs sociaux et des enseignants. L’ensemble des mesures de prévention précoce citées dans le rapport doit être inclus dans un texte sur la protection de l’enfance.

Mme Muguette Jacquaint. En effet !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Je ne répondrai pas à tous les orateurs. D’ailleurs, il n’est pas de tradition que le ministre intervienne sur chaque article après la discussion générale. J’aurai l’occasion de répondre au fur et à mesure de l’examen des amendements et je m’engage à ce que chaque député dispose alors de toute l’information qu’il souhaite.

Je ne reviendrai donc que sur l’intervention de M. Philippe Edmond-Mariette, appelé à une importante réunion sur l’outre-mer, concernant particulièrement la Martinique.

Je vous remercie tout d’abord, monsieur le député, d’avoir inscrit votre discours dans une réflexion générale. Vous êtes allé au-delà du projet de loi pour rappeler les difficultés structurelles que connaît la Martinique en termes d’égalité des services assurés sur le territoire national.

Nous connaissons le taux d’insécurité élevé dans ce département, et malheureusement dans un certain nombre d’autres départements d’outre-mer. Je me suis d’ailleurs entretenu à de nombreuses reprises de ce problème avec Mme Gabrielle Louis-Carabin. Le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire, a souhaité que nous consentions des efforts particulièrement importants dans les départements d’outre-mer les plus exposés.

Lors de son passage à la Martinique, il y a quelques mois, il avait d’ailleurs rappelé les efforts qui avaient déjà été consentis, et qui ont été accentués depuis. Ainsi, 711 militaires de la gendarmerie nationale, dont un escadron de 85 gendarmes mobiles, se trouvent en permanence sur le territoire de la Martinique, ce qui représente une augmentation d’effectif de 11 gendarmes entre 2002 et 2005, auxquels il faut ajouter 61 gendarmes redéployés, ce qui fait 72 gendarmes de plus depuis 2002.

Les fonctionnaires de la police nationale sont actuellement 891, ce qui représente 222 fonctionnaires de plus depuis 2002, soit 149 personnes de plus pour la sécurité publique. Il s’agit d’un effort sans précédent. Si certains estiment qu’il n’est pas suffisant, je les invite à le comparer aux mesures en vigueur sur l’ensemble du territoire national.

Quant aux résultats en matière de sécurité publique, je les ai indiqués en répondant à M. Marie-Jeanne, dont la prestation, de la même qualité que la vôtre, monsieur Edmond-Mariette, mérite également d’être saluée. Toutes deux étaient particulièrement intéressantes.

Certains députés ont déposé des amendements tendant à définir le périmètre d’une politique de prévention de la délinquance. Sur bien des points, le Gouvernement ne peut que partager leur point de vue. Le ministre d’État, quand il s’est exprimé dans cet hémicycle avant-hier, s’est lui-même interrogé sur la possibilité de définir réellement le périmètre d’une telle politique, en rappelant à quel point la question est difficile à trancher.

Hier, mesdames et messieurs les députés, vous avez proposé des pistes par voie d’amendement. Certaines mesures ne me semblaient pas entrer exclusivement dans le cadre d’une politique de prévention ; d’autres y avaient pleinement leur place. D’autres, enfin, qui en paraissent éloignées, pouvaient cependant y être intégrées.

Monsieur Edmond-Mariette, vous avez évoqué les difficultés que rencontre la Martinique, comme bien d’autres territoires de France, en matière de services publics. Pour m’y être rendu moi-même, dans le prolongement de la visite du ministre de l’intérieur, au mois de septembre dernier, j’ai pu mesurer les difficultés que connaît ce département, comme celui de la Guadeloupe ou de la Guyane. Je m’en suis entretenu avec le président du conseil régional, celui du conseil général et le maire de Fort-de-France, M. Serge Letchimy.

Le haut débit, par exemple, soulève la question de l’égalité et de l’équité entre l’ensemble des territoires de France. Face aux nouvelles technologies de l’information et de la communication, tous les citoyens, notamment ceux des zones rurales de la métropole ou des départements d’outre-mer, ne disposent pas du même droit à l’information. C’est le cas de ceux de la Martinique, je le reconnais en toute sincérité.

Je me suis rendu en Guadeloupe, où nous avons inauguré, quasiment ensemble, madame Louis-Carabin, la liaison du câble sous-marin depuis la Dominique. Grâce à lui, les Guadeloupéens bénéficieront d’une qualité du service de haut débit et d’une tarification identiques à celles de la métropole. À mon arrivée à la Martinique, vingt-quatre ou quarante-huit heures plus tard, j’ai mesuré le retard de ce département par rapport à la Guadeloupe et je me suis informé des possibilités qu’il soit lui aussi relié par le câble. Je considère qu’il s’agit d’une nécessité. Le Gouvernement, et plus particulièrement le ministère de l’aménagement du territoire, s’engage à effectuer cette liaison, car la prévention de la délinquance passe aussi par l’accès de tous, surtout des plus jeunes, à l’information. Dans ce domaine, chaque foyer doit pouvoir bénéficier des mêmes services et de la même tarification qu’en métropole.

De même, la plupart des régions de métropole ayant bénéficié de deux licences WiMax au mois de juillet dernier, le maire de Fort-de-France m’a demandé que la Martinique ait aussi la sienne. J’ai vérifié que c’était possible auprès de l’ARCEP. Très rapidement, la Martinique disposera donc d’une licence.

On connaît également les efforts à faire en matière d’urbanisme pour prévenir la délinquance. Certaines cités sont difficiles. Cinq quartiers de Fort-de-France sont classés en ZUS. Je me suis moi-même rendu dans celui de Godissart avec M. Letchimy. Fort-de-France est par ailleurs la seule commune du territoire à bénéficier d’une dérogation aux critères d’application des politiques de l’ANRU. Le Gouvernement estime que le souci de l’équité et de la justice imposait qu’on la lui accorde.

Je pourrais aborder bien d’autres sujets. En matière d’urbanisme, d’aménagement du territoire et de prévention de la délinquance, le maire est toujours un pivot : il est au cœur des politiques.

Les autres députés ne m’en voudront pas de ne pas leur répondre personnellement. Je le ferai au fur et à mesure de la discussion des amendements. Mais je tenais à m’appuyer sur votre témoignage, monsieur Edmond-Mariette, et sur votre appel, au nom de la Martinique, à la justice et à l’équité des politiques conduites au plan national. Vous l’avez formulé sur un plan général, mais il me semble que tous les sujets que vous avez abordés de manière transversale peuvent être intégrés à une politique de prévention de la délinquance. Au-delà du pouvoir de police, qui est réel et qui est inscrit dans l’article 1er du projet de loi, le maire doit jouer un rôle de pivot et coordonner toutes les politiques de prévention.

Monsieur le député de la Martinique, je vous devais cette réponse. J’ajoute à l’intention de tous les députés que, si M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur, n’est pas dans l’hémicycle, c’est qu’il signe aujourd’hui un contrat local de sécurité, à Mulhouse, avec M. le sénateur-maire Jean-Marie Bockel. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Jean-Pierre Blazy. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Blazy. Nous avons beaucoup de respect pour le ministre délégué à l’aménagement du territoire, dont les compétences en matière de sécurité et de prévention de la délinquance sont indéniables. Quand il était notre collègue, nous l’avons souvent entendu intervenir sur ces sujets. Il vient cependant de me donner l’occasion de faire un rappel au règlement.

M. Pierre Cardo. Cela recommence comme hier !

M. Jean-Pierre Blazy. La situation n’est-elle pas étrange ? Hier soir, bien tard, nous avons vu arriver dans l’hémicycle le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer qui devait impérativement nous rejoindre alors, parce qu’il participe aujourd’hui au sommet franco-italien.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Arrêtez de polémiquer !

M. Jean-Pierre Blazy. À présent, M. Estrosi tente de justifier l’absence du ministre d’État, pourtant directement chargé des questions dont nous débattons. Dois-je rappeler qu’il concentre les compétences sur le plan interministériel ? Il a d’ailleurs élaboré le projet de loi, bien plus que le Premier ministre, dont nous pensons pour notre part que c’est à son niveau que devrait se définir une politique interministérielle de prévention de la délinquance. En l’occurrence, l’absence du ministre d’État serait due, nous dit-on, à un déplacement en province.

Le Sénat a eu l’honneur de recevoir la visite d’autres ministres en fonction de la discussion des articles…

M. le président. Monsieur Blazy, vous n’allez pas commenter toute la journée l’agenda des ministres !

M. Pierre Cardo. D’autant plus que vous l’avez déjà fait hier !

M. Jean-Pierre Blazy. C’est M. le ministre qui vient de le faire !

M. le président. Le Gouvernement est représenté par un ministre important. Entrons donc dans le vif du sujet !

M. Jean-Pierre Blazy. Soit ! Mais nous aimerions que le ministre d’État soit présent, ce qui n’enlèverait rien aux compétences de M. Estrosi. Je tenais à en formuler la demande. C’est chose faite.

M. Claude Goasguen. Rappelez-vous Mme Guigou qui lisait en séance un roman policier ! Vous avez la mémoire courte !

Mme Nadine Morano. Quel temps perdu !

M. le président. J’espère que le sujet est clos, au moins pour aujourd’hui.

M. Pierre-Louis Fagniez. Disons pour ce matin !

M. le président. Vous savez bien, monsieur Blazy, que l’agenda des ministres est déjà arrêté.

M. Lilian Zanchi. Certes, mais c’est le Gouvernement qui fixe le calendrier de travail de l’Assemblée nationale.

Reprise de la discussion

M. le président. Nous en venons aux amendements.

Je suis saisi de deux amendements, nos 26 et 300, tendant à supprimer l’article 1er.

L’amendement n° 300 a été défendu par Mme Muguette Jacquaint.

La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l’amendement n° 26.

M. Noël Mamère. Certes, monsieur le président, le Gouvernement est représenté, et nous remercions M. le ministre de l’aménagement du territoire d’être présent parmi nous. Mais, puisque c’est le Gouvernement qui fixe l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, le ministre de l’intérieur devrait s’organiser de manière à pouvoir assister aux débats dont il a fixé le calendrier. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) J’ajoute que M. Sarkozy a tellement tenu à être identifié à ce projet que la moindre des choses serait qu’il soit présent pour débattre avec nous, plutôt que d’aller plastronner à la télévision ou devant les maires de France.

Nous demandons la suppression de l’article 1er – qui concerne d’ailleurs directement les maires – car, contrairement à ce qui est affiché dans l’exposé des motifs du projet de loi, le maire n’est plus le coordinateur et le médiateur qu’il a toujours été, conformément à l’esprit de nos institutions. Sa fonction est aujourd’hui complètement dévoyée et pervertie, puisqu’on en fait une sorte d’éducateur, de médecin, de psychiatre, de shérif, de procureur de substitution.

Contrairement à ce qu’indiquait M. Marsaud, être maire ou député n’est pas un métier, mais une fonction à la merci des sanctions électorales. J’ajoute que je ne suis pas non plus d’accord avec lui quand, s’inspirant du système décentralisé américain, il souhaite municipaliser la police : nous ne sommes pas aux États-Unis. Dans notre tradition républicaine, la police remplit une fonction régalienne d’ordre public, qui consiste en une mission de prévention et de répression, même si le Gouvernement privilégie, hélas ! la seconde.

Le maire n’a pas à être juge et partie. Il ne peut pas s’immiscer dans la vie personnelle des gens, ni se substituer aux travailleurs sociaux ou aux procureurs.

Mme Nadine Morano. Il ne s’agit pas de se substituer à eux : vous n’avez pas lu le texte !

M. Noël Mamère. La fonction de maire est tout le contraire de celle d’un chef d’orchestre ou de grand coordonnateur. En le plaçant dans cette situation, vous fragilisez une des fonctions les plus importantes dans notre tissu démocratique.

M. le président. La parole est à M. le président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission sur les amendements nos 26 et 300.

M. Philippe Houillon, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. La commission a rejeté ces amendements. Il n’est pas nécessaire que je m’en explique plus avant, puisque nous débattons de cette question depuis le début de la séance. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces amendements ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 26 et 300.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 160 rectifié.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Philippe Houillon, rapporteur. La loi Perben II prévoyait que les maires doivent être informés des troubles graves à l’ordre public qui surviennent dans leur commune. Le Sénat a souhaité supprimer, dans le présent projet de loi, la notion de gravité. L’amendement n° 160 rectifié tend à permettre aux maires d’interroger le procureur de la République afin de connaître les suites judiciaires données à ces infractions. Tous les procureurs, en effet, ne communiquent pas ces informations. Or, dès lors que le maire se voit confier un rôle pivot dans la prévention de la délinquance, il est bien normal que son information soit améliorée. J’ajoute que celle-ci doit évidemment se faire dans le respect du secret de l’instruction et de l’enquête.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. L’avis du Gouvernement est très favorable. Le Sénat a en effet déjà adopté un amendement en ce sens. Les maires ne peuvent plus admettre de ne pas être informés par le procureur des suites judiciaires données aux actes de délinquance qui ont été commis sur le territoire de leur commune. Je remercie donc la commission des lois et son rapporteur d’avoir proposé cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Il est normal que les maires soient informés des actes de délinquance commis sur le territoire de leur commune. Nous sommes d’accord sur ce point, y compris sur l’élargissement du champ des infractions concernées. En revanche, la possibilité offerte au maire de demander au procureur de la République quelles suites judiciaires ont été données à une infraction me paraît plus problématique.

Tout d’abord, le parallélisme devrait nous conduire à permettre au maire de s’informer auprès des services de police et de gendarmerie de l’état des enquêtes menées sur ces infractions, dont nous savons que nombre d’entre elles ne sont pas élucidées.

M. Claude Goasguen. C’est le procureur qui conduit l’enquête !

M. Christophe Caresche. Je parle de l’étape qui précède la phase judiciaire.

M. Philippe Houillon, rapporteur. L’amendement concerne les suites judiciaires !

M. Christophe Caresche. Vous demandez à la justice des choses que vous ne demandez ni à la police ni à la gendarmerie. De nombreux faits n’étant pas élucidés dans ce pays,…

Mme Nadine Morano. On a progressé dans ce domaine !

M. Christophe Caresche. …il est tout aussi intéressant pour les maires de savoir si les auteurs présumés d’une infraction ont été interpellés que d’être informés des suites judiciaires données à cette infraction.

Par ailleurs, vous nous dites, monsieur le rapporteur, que cette information doit respecter le secret de l’instruction. C’est précisément le problème : comment concilier ces deux éléments ? Qu’est-ce qu’obliger un procureur à informer un maire des suites judiciaires données à une infraction, sinon violer le secret de l’instruction ?

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Je souhaite exprimer la même inquiétude que M. Caresche. L’amendement n° 160 rectifié dispose que le procureur de la République informe les maires à leur demande, mais, dans l’exposé sommaire, vous allez beaucoup plus loin, puisque vous écrivez : « Il faut compléter ce dispositif en obligeant le procureur à informer le maire des suites judiciaires données à ces infractions. »

Cela pose un problème de droit, car une telle obligation remet en cause la séparation des pouvoirs, comme bien d’autres lois votées par cette majorité d’ailleurs, qu’il s’agisse des lois Perben I et II, qui ont porté un coup terrible au code de procédure pénale et au code pénal, ou des lois Sarkozy sur l’immigration et la sécurité. Après avoir soumis la justice à la police, vous voudriez la soumettre à un maire devenu shérif, puisqu’il serait chef de la police, des médecins, des psychiatres, des travailleurs sociaux.

Sous couvert de la clarté, du bon sens et de la simplification, cet amendement est extrêmement dangereux, car il menace le secret de l’instruction.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cardo.

M. Pierre Cardo. Depuis hier, c’est la même antienne. Nous discutons enfin d’un texte relatif à la prévention de la délinquance, qui tente de définir les contours du rôle du maire dans ce domaine et qui lui donne les moyens de mettre en cohérence le travail des acteurs de terrain en réalisant un travail en réseau, notamment avec les équipes de réussite éducative, et on cherche à en transformer l’esprit !

En tant que maire, j’aime bien savoir ce qui se passe dans ma commune,…

M. Jean-Marie Le Guen. Mais il y a des limites à tout !

M. Pierre Cardo. …pour la simple raison que, au-delà de l’action de la police, c’est à moi de répondre aux familles qui m’interrogent. Il est tout de même gênant d’être, la plupart du temps, informé par la presse.

Mme Nadine Morano. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Si, comme je l’ai lu dans la presse, monsieur Caresche, vous convoitez la présidence de la commission des lois, vous ne pouvez pas ignorer le déroulement de la procédure judiciaire. Les services de police ou de gendarmerie constatent l’infraction, puis transmettent immédiatement la procédure au parquet, lequel décide seul soit de classer l’affaire sans suite – en vertu du principe de l’opportunité des poursuites –, soit d’ordonner un complément d’enquête, soit de renvoyer devant la juridiction correctionnelle ou de police, soit de demander l’ouverture d’une instruction s’il s’agit d’une affaire complexe ou criminelle. Par conséquent, les services de police peuvent informer le maire des faits lorsqu’ils se produisent, mais pas des suites judiciaires qui leur sont données. Or ce sont ces dernières qui sont visées par l’amendement.

Par ailleurs, il est évident que cette mesure est de bon sens, monsieur Mamère, et qu’elle est compatible avec le secret de l’instruction. Je suis moi-même maire et mes concitoyens m’interpellent régulièrement pour savoir ce qui se passe. Or, généralement, je l’ignore parce que le parquet ne répond pas à nos questions. Il s’agit donc de faire en sorte que celui-ci informe le maire, qui va devenir le pivot de la prévention, de sa décision d’ordonner un complément d’enquête ou de la date à laquelle les délinquants qui ont été appréhendés sont renvoyés devant le tribunal. Les décisions de celui-ci étant publiques, la communication du résultat des procédures ne pose pas de problème particulier.

Cette information est parfaitement compatible avec le secret de l’instruction, qui ne concerne que les crimes et les cas les plus graves, c’est-à-dire 5 % des affaires. Quand une instruction est en cours – et pour autant que le contenu des PV ne se retrouve pas dans la presse le lendemain, ce qui est tout de même souvent le cas –, elle est couverte par le secret. Dans ce cas, le parquet informera simplement le maire que l’affaire est instruite dans l’attente d’une ordonnance de renvoi devant la juridiction compétente ou d’une ordonnance de non-lieu. Cette mesure simple et utile permettra au moins au maire d’être renseigné et d’exercer une meilleure surveillance.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 160 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 641 rectifié.

La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour le soutenir.

M. Jean-Pierre Blazy. Je souhaite revenir un instant sur la question dont nous venons de débattre. L’amendement n° 160 rectifié aurait pu faire l’objet d’un sous-amendement afin d’apporter quelques précisions. M. le rapporteur vient de nous dire que 5 % seulement des affaires seraient concernées ; c’est très peu, mais nous sommes tous d’accord pour considérer que le maire doit être mieux informé, et saluer les progrès déjà accomplis en ce sens. Cependant, le maire ne peut être informé immédiatement, en cours de procédure. Quand une infraction a été commise sur le territoire de ma commune, j’entre en contact avec le procureur et celui-ci m’informe dans la limite du secret de l’instruction. Vouloir aller au-delà me paraît présenter des risques importants.

M. Philippe Houillon, rapporteur. L’amendement a été voté, il est inutile de rouvrir le débat !

M. Jean-Pierre Blazy. L’amendement n° 641 rectifié précise également que l’ordre public et la sécurité publique relèvent des missions régaliennes de l’État – ce que nous rappellerons à chaque fois que ce sera nécessaire. C’est dans ce cadre que la contractualisation peut et doit se faire, mais sur des territoires prioritaires, avec des objectifs et des moyens bien définis et dans le respect absolu des compétences de chacun. Pour ce qui est des moyens mis en œuvre, nous considérons que la mission de sécurité publique de l’État doit être assurée sur les territoires prioritaires avec des effectifs d’un niveau suffisant, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui.

M. Jacques-Alain Bénisti. C’est la vocation du CLSPD !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. La commission n’a pas examiné cet amendement. À titre personnel, j’y suis défavorable, pour les mêmes raisons que celles exprimées hier au sujet d’amendements quasi identiques, avant l’article 1er.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Défavorable, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 641 rectifié.

(L’épreuve a lieu.)

M. le président. Je constate qu’il y a égalité de suffrages. L’amendement n’est donc pas adopté. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Jean-Marie Le Guen. Il y avait une voix de plus en sa faveur !

M. le président. Le président disposant du droit de vote, l’égalité de voix est acquise et l’amendement n’est donc pas adopté.

M. Jean-Pierre Blazy. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Blazy. Je ne doute pas que vous connaissiez parfaitement le règlement de notre assemblée, monsieur le président, mais je demande toutefois une suspension de séance afin de vérifier ce qui est prévu dans la situation que nous venons de rencontrer.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures trente-cinq, est reprise à onze heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Blazy. Je reconnais votre droit légitime à voter, monsieur le président. Cependant, chacun a pu constater que la majorité était précaire. Dans ces conditions, vous auriez pu procéder, comme il est d’usage, à un vote « assis et levé » qui aurait permis de vérifier rapidement que l’égalité était acquise. Il n’y a pas que les ministres qui sont en déplacement ! (Sourires.) Il semble que de nombreux députés soient restés dans leur circonscription – ce qui n’est pas illégitime en soi et ne constitue donc pas une critique de ma part. Toutefois, si ce texte est aussi important pour la nation que le prétend le Gouvernement et s’il doit donner lieu à un engagement national, comme l’affirme M. Bénisti – ce que l’on peut concevoir, s’agissant de la prévention de la délinquance –, alors les députés de la majorité devraient manifester, notamment par leur présence, une volonté un peu plus marquée de voir ce texte adopté. À défaut, ils risquent de connaître certaines déconvenues au cours de la journée.

Reprise de la discussion

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 642.

La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour le soutenir.

M. Jean-Pierre Blazy. Cet amendement de précision consiste à remplacer le mot « publiques » par le mot « territoriales » à l’alinéa 5 de l’article 1er. En effet, les collectivités visées par l’article 1er ne peuvent qu’être des communes, des départements ou des régions et, lorsque la loi le prévoit, des intercommunalités, mais en aucun cas des établissements publics. C’est pourquoi nous estimons que le mot « territoriales » serait plus approprié.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. Cet amendement n’a pas été examiné par la commission mais j’y suis défavorable à titre personnel, car il exclurait du champ d’application de la loi les EPCI, qui ne sont pas des collectivités territoriales, mais des établissements publics – comme leur nom l’indique. Il me semble donc préférable de retirer cet amendement.

M. Jean-Christophe Lagarde. Absolument !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Le rapporteur de la commission des lois a parfaitement raison : la notion de collectivité publique évoquée dans le projet de loi est beaucoup plus large que celle de collectivité territoriale et s’étend donc à l’ensemble des établissements publics.

M. Claude Goasguen. Cela va de soi !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Retenir votre amendement nous ferait prendre un risque important, monsieur Blazy.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. Il faut cependant noter une certaine fragilité pour le président d’un EPCI au regard de la compétence en matière de sécurité et de prévention de la délinquance. À la différence du maire, en effet, le président d’un EPCI n’est pas élu au suffrage universel.

M. Claude Goasguen. Direct.

M. Jean-Pierre Blazy. Ainsi, s’agissant de la création des polices municipales intercommunales, si l’on a pu progresser au niveau des EPCI en termes de gestion financière, il était impossible, en revanche, de remettre en cause le pouvoir de police du maire, le président de l’intercommunalité ne disposant, de par la loi, d’aucun pouvoir en la matière.

Mais, compte tenu des observations du rapporteur, peut-être pourrait-on sous-amender mon amendement ? Il me semble important de garder le mot « territoriales » dans un texte où l’on affirme que le maire est le pivot des politiques publiques locales. La solution pourrait consister à ajouter après « territoriales » les termes « et publiques ». Il s’agirait de « collectivités territoriales et publiques ». Cela permettrait de prendre en compte la fragilité que j’ai soulignée pour les EPCI.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Je ne partage pas l’analyse de M. Blazy. Au-delà de la raison invoquée par le rapporteur, je rappelle que, dans la suite du texte, il est écrit par exemple que des établissements publics, qui ne sont ni des collectivités territoriales ni des EPCI, peuvent participer, notamment dans le domaine du transport, à la sécurité de leur propre organisation. Ainsi, la RATP et la SNCF sont incluses dans le contrat local de sécurité de la ville de banlieue dont je suis le maire. J’ai besoin de leur participation. Or en introduisant le terme « territoriales », monsieur Blazy, vous allez exclure certains organismes et fragiliser ainsi la situation.

Voilà pourquoi je voterai contre l’amendement.

M. Jean-Pierre Blazy. On peut écrire « publiques et territoriales ».

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 642.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 27.

La parole est à M. Noël Mamère, pour le défendre.

M. Noël Mamère. Il s’agit d’un amendement de repli. Je considère qu’il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 27.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 643.

La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour le soutenir.

M. Jean-Pierre Blazy. Faut-il rendre obligatoire le contrat local de sécurité dans les communes de plus de 10 000 habitants ? L’instauration de ce seuil est-elle pertinente ? Comme l’a souligné Patricia Adam, le CLSPD ne s’impose pas forcément dans toutes les communes de plus de 10 000 habitants. Il faut donc laisser au maire ou au triangle, décisionnel et non pas magique, constitué par le maire, le préfet et le procureur de prendre l’initiative, ou non, de créer le conseil. La LOPSI leur laissait cette liberté. C’était également le cas dans la loi relative à la sécurité quotidienne voulue par la gauche, en 2001.

Avec cet amendement, nous contestons la pertinence du seuil de 10 000 habitants. De fait, il peut s’avérer utile de créer un tel conseil dans des villes comptant moins de 10 000 habitants. Certes, ce sera possible. Mais laissons l’initiative aux maires. Une fois encore, on ne peut pas faire du maire le pivot du dispositif avec des compétences et des pouvoirs très importants, et, en même temps, lui retirer l’initiative en fixant un seuil dans la loi.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. La commission n’a pas examiné cet amendement. À titre personnel, j’y suis défavorable, car cela va à l’encontre de l’objectif du projet de loi, qui veut consacrer le CLSPD comme l’outil principal de mise en œuvre concrète de la politique de prévention de la délinquance. Le texte vise donc, précisément, à généraliser les CLSPD. Sur 850 communes de plus de 10 000 habitants, 350 n’en ont pas encore créé. Il s’agit de les amener le faire.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Comment faire du maire le coordonnateur de toutes les actions tendant à la prévention de la délinquance sans rendre obligatoire la création d’un conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance ? Je rappelle qu’il s’agit ici de rendre obligatoire non pas la signature d’un contrat, mais la création du conseil. À l’heure actuelle, 867 conseils ont été créés, des communes de moins de 10 000 habitants ayant décidé de constituer un CLSPD.

M. le président. La parole est à Mme Patricia Adam.

Mme Patricia Adam. Je constate que les amendements suivants de M. Cardo et de M. Grouard vont dans le même sens que le nôtre. Dans l’exposé sommaire, il est précisé, en effet, qu’il faut laisser le maire et son conseil municipal délibérer de l’opportunité de créer ou non un conseil.

M. Serge Grouard. Peut-être pouvons-nous présenter nous-mêmes nos amendements ?

M. le président. N’anticipez pas le débat, madame Adam !

Mme Patricia Adam. Il faut être cohérent. Il semble que nous soyons tous d’accord. Je ne comprends donc pas la position du Gouvernement et de la commission.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Ce n’est pas la même chose !

M. le président. La parole est à M. Lilian Zanchi.

M. Lilian Zanchi. C’est l’automaticité et la volonté du Gouvernement d’imposer la création d’un CLSPD à toutes les communes de plus de 10 000 habitants qui posent un problème. Certes, j’ai bien entendu, monsieur le ministre, que la signature du contrat n’était pas obligatoire. Mais vous nous avez expliqué hier que le Gouvernement souhaitait sortir d’une simple logique territoriale pour entrer dans une logique d’action et que c’était tout le sens de la circulaire que vous alliez nous remettre. Vous avez même précisé – cela figure dans le compte rendu de nos débats – que le dispositif serait revu tous les trois ans et que l’objectif était d’être beaucoup plus efficace grâce à la logique d’action. Dans ces conditions, pourquoi en revenir à la logique territoriale en rendant obligatoire le CLSPD dans les communes de plus de 10 000 habitants ?

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 643.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 89.

La parole est à M. Pierre Cardo, pour le soutenir.

M. Pierre Cardo. On a commencé à parler de mon amendement avant que je ne le présente. Je voudrais cependant préciser qu’il y a une petite nuance. Je considère en effet qu’il est normal de demander aux maires de créer ces conseils. Certes, il y a beaucoup de maires qui s’impliquent dans la police municipale et qui pensent que le face-à-face entre la police et les jeunes réglera les problèmes de la violence, ce qui est faux. Mais il y a aussi beaucoup de maires qui considèrent que les problèmes de sécurité et d’ordre public ne les concernent pas et que le travail de prévention relève du conseil général, des clubs de prévention, de l’action sociale, de l’aide sociale à l’enfance… Dès lors, comment mieux impliquer ces maires qu’en leur demandant de créer un CLSPD ?

Mme Patricia Adam. Vous remettez en cause la décentralisation !

M. Pierre Cardo. À mon sens, c’est le seuil de 10 000 habitants qui pose un problème, notamment pour les villes comptant moins de 10 000 habitants et des ZUS, où précisément des dispositions particulières doivent être prises. Cela nécessite, entre autres, une implication des élus. Il importe donc qu’un CLSPD puisse y être créé.

Mme Patricia Adam et M. Lilian Zanchi. Cela relève de la circulaire et non pas de la loi !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. Madame Adam, les amendements auxquels vous avez fait allusion, et notamment celui de M. Cardo, n’ont pas le même objet puisqu’ils visaient à étendre le dispositif alors que votre amendement tendait à le supprimer.

Mme Patricia Adam. L’amendement de M. Cardo apporte une précision, il n’étend pas le dispositif !

M. Philippe Houillon, rapporteur. La commission des lois a considéré que l’idée de M. Cardo était intéressante. Elle a donc adopté son amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. M. Zanchi n’a cessé de parler de tutelle sur les maires. Je veux rappeler une fois pour toutes que, dès lors que nous proposons que les CLSPD soient placés sous la présidence des maires, la seule tutelle exercée sur ces conseils ne l’est que par leur président.

Mme Patricia Adam. Mais on leur ordonne de créer le conseil !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Par ailleurs, Pierre Cardo est, de très loin, l’un des maires les plus expérimentés, qui a su mettre en œuvre des politiques dont on a pu constater le succès dans les quartiers difficiles et qui a contribué à l’élaboration de ce texte grâce à sa très grande connaissance du terrain et des politiques de proximité.

M. Christophe Caresche. Quelque chose me dit que le Gouvernement ne va pas accepter l’amendement de M. Cardo…

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Je veux cependant faire observer que le taux d’insécurité de certaines communes de moins de 10 000 habitants classées en ZUS peut être inférieur à celui de communes de même catégorie mais non classées en ZUS.

Mme Patricia Adam. Tout à fait !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. C’est pour cela que le Gouvernement n’avait pas souhaité cibler particulièrement les ZUS, considérant que cela revenait, d’une certaine façon, à montrer du doigt des quartiers qui ne méritent pas toujours de l’être. Nous avions donc fait le choix de laisser leur libre arbitre aux maires pour les communes de moins de 10 000 habitants.

Cela étant, après avoir entendu vos arguments, le Gouvernement appellera l’Assemblée à une sagesse bienveillante.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Je soutiens l’amendement de Pierre Cardo pour deux raisons. D’abord parce que, contrairement à ce que j’ai entendu, ce n’est pas une remise en cause de la décentralisation. On ne peut pas parler de remise en cause de la décentralisation chaque fois que le maire est obligé de faire quelque chose de par la loi.

M. Lilian Zanchi. En l’occurrence, il s’agit de pouvoir de police !

M. Jean-Christophe Lagarde. Par exemple, je suis obligé de traiter les problèmes d’hygiène de l’habitat dans les parties privées. À un moment donné, on m’a contraint à le faire.

M. Lilian Zanchi. Il y a cent vingt-deux ans de cela !

M. Jean-Christophe Lagarde. Du reste, plus on décentralise et plus on oblige le maire, le président du conseil général ou le président du conseil régional à prendre en charge de nouveaux domaines.

Par ailleurs, vous avez raison, monsieur le ministre, la carte des ZUS n’est pas forcément pertinente. Elle a été figée, en effet, et chacun se garde de la réviser pour ne pas ouvrir la boîte de Pandore. Cela étant, lorsqu’une ZUS est créée, des moyens particuliers sont affectés, des conventions sont passées. Il me semble donc normal qu’en contrepartie, l’État demande aux maires de ces zones de prendre davantage en compte, par exemple, la prévention de la délinquance. On pourrait imaginer, en effet, qu’un maire se contente d’accepter l’argent que procure le classement en ZUS – autant de moyens auxquels, moi, je n’ai pas droit – et refuse de mener les actions de politique générale de prévention que cela implique. Voilà pourquoi il me semble important de pousser les maires des ZUS à créer des CLSPD.

M. Jacques-Alain Bénisti. Absolument !

M. le président. La parole est à M. Lilian Zanchi.

M. Lilian Zanchi. Je m’étonne de la logique de M. le ministre. S’il ne doit pas y avoir d’obligation pour les ZUS afin de ne pas stigmatiser certaines villes et certains quartiers, cela doit valoir pour les villes de moins de 10 000 habitants, auxquelles on veut pourtant imposer la création de CLSPD. Certaines de ces villes, notamment dans des départements ruraux, ne connaissent pas de difficulté particulière en matière de délinquance parce qu’il existe déjà, à la fois dans le cadre des lois de décentralisation et dans l’application des pouvoirs de police, un travail commun entre les collectivités locales. Que vont se dire, autour de la table, le préfet, le procureur, le président du conseil général et l’inspecteur d’académie une fois qu’ils auront constaté que rien ne se passe ?

Mme Patricia Adam. C’est absurde !

M. Lilian Zanchi. Cette logique que vous appliquez aux ZUS, il faut également l’appliquer aux villes de moins de 10 000 habitants.

M. le président. La parole est à M. Pierre Cardo.

M. Pierre Cardo. Si l’on est en ZUS, la stigmatisation existe déjà.

Ce que j’entends aujourd’hui me rappelle ce qu’on me disait il y a vingt-quatre ans, lorsque j’ai commencé à exercer mes fonctions de maire. Quand je me suis impliqué dans les problèmes d’emploi, de chômage et d’insertion en créant une mission locale intercommunale, puis une agence intercommunale pour le développement de l’emploi et les chômeurs de longue durée, puis encore les plans locaux pour l’insertion et l’emploi, mes collègues – souvent de droite, d’ailleurs – me disaient : « De quoi te mêles-tu ? Ce n’est pas une compétence obligatoire du maire ! »

Si l’on veut que les maires cessent de s’abriter derrière l’État quand cela va mal dans leur commune, il faut bien les impliquer,…

M. Jacques-Alain Bénisti. Très bien !

Mme Patricia Adam. Cela relève de leur sens des responsabilités !

M. Pierre Cardo. …ne serait-ce qu’en les plaçant à la présidence de ce comité. Cela n’en fera pas les supérieurs hiérarchiques des psychiatres, des médecins et des assistantes sociales, mais ils seront obligés de s’impliquer dans des problématiques locales et d’insuffler une dynamique. Le drame aujourd’hui, c’est que, dans les zones difficiles, la plupart des acteurs sociaux gèrent des dispositifs, non plus des familles. (Approbation sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Or qui fait le lien avec ces familles ? Qui doit être incité à utiliser les réseaux associatifs ? Le maire ! Ce qui est intéressant ici, c’est que les maires qui ont des problèmes chez eux et qui ne veulent pas s’impliquer seront obligés de le faire.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 89.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 162.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Amendement de précision.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 162.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 481.

La parole est à M. Serge Grouard, pour le soutenir.

M. Serge Grouard. Si vous le permettez, monsieur le président, je présenterai en même temps l’amendement n° 480, qui se rapporte à l’alinéa 20 de l’article 1er, lui-même lié à l’alinéa 6 sur lequel porte l’amendement n° 481. Si je comprends que, pour des villes moyennes ou petites, la création d’un conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance puisse obéir à un souci de rationalisation afin d’éviter la multiplication de CLSPD, ces deux alinéas posent néanmoins un problème de droit. Les pouvoirs de police de l’EPCI sont en effet limités, voire inexistants. Comme l’ont rappelé le rapporteur et le ministre, pour faire du maire le pivot de cette politique, il est souhaitable qu’il s’implique dans le conseil local. Or l’alinéa 6 crée un risque d’interférence non négligeable entre le conseil local et le conseil intercommunal en laissant la possibilité de créer l’un et l’autre. Cette juxtaposition pourrait aboutir à des situations ubuesques.

Je me permets d’indiquer que ces deux amendements ont fait l’objet d’un large consensus au sein de l’Association des maires des grandes villes de France, qui les soutient. Imaginez des agglomérations où plusieurs communes de 10 000 habitants d’une même intercommunalité créeraient leur conseil local en même temps que serait créé un conseil intercommunal ! Nous connaissons suffisamment de situations complexes, n’en rajoutons pas !

Je suis d’accord avec Pierre Cardo sur la nécessité d’obliger les maires à s’impliquer. Mais, de grâce, laissons-leur la liberté de choisir entre le conseil intercommunal et le conseil local. C’est pourquoi les deux amendements que je propose inversent la logique du projet de loi en rendant obligatoire la création du conseil local et facultative celle du conseil intercommunal. Cela permettra de renforcer également la cohérence entre les compétences qui peuvent être déléguées à l’intercommunalité et celles qui doivent être conservées au maire. En d’autres termes, c’est à ce dernier qu’il reviendra de décider le transfert de ces compétences au niveau de l’intercommunalité ou leur maintien au niveau communal.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. La commission n’a pas examiné l’amendement n° 481. À titre personnel, même si je comprends l’idée de M. Grouard, je ne peux qu’y être défavorable et je lui demande même de le retirer, car il est contraire au droit positif. La prévention de la délinquance fait en effet partie des compétences obligatoires des communautés urbaines et des communautés d’agglomération. Si nous adoptions cet amendement, qui n’est que la conséquence du n° 480, il y aurait un risque de heurt entre deux dispositions.

M. Laurent Cathala et Mme Muguette Jacquaint. Ce n’est pas vrai !

M. Philippe Houillon, rapporteur. J’ajoute que la création d’un conseil intercommunal n’est pas exclusive de celle d’un conseil local. En outre, nous examinerons plus tard un amendement permettant à un vice-président d’une communauté urbaine ou d’agglomération de présider le conseil intercommunal, précisément pour impliquer les maires, notamment ceux des villes-centre, qui ne seraient pas présidents de communauté. Avis défavorable donc.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Sur l’amendement n° 480…

M. le président. La discussion ne porte que sur l’amendement n° 481, le n° 480 sera appelé beaucoup plus tard.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Il nous semblait pourtant qu’entre les amendements nos 481 et 480 existaient à la fois un lien et une dissociation. Mais, monsieur le président, c’est vous qui dirigez les débats.

Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 481, qui apporte une précision à l’article L. 2211-4 du code des collectivités territoriales, en indiquant que la création par un EPCI d’un conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance ne retire pas aux maires des communes membres de cet établissement leur obligation de constituer un conseil local.

En revanche, si vous m’autorisez cette remarque par anticipation, monsieur le président, nous souhaitons le retrait du n° 480, qui, ainsi que l’a expliqué le rapporteur, est contraire à la législation actuelle en écartant des dispositions les compétences obligatoires des intercommunalités en matière de prévention de la délinquance.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. J’aimerais que le rapporteur développe davantage son argumentation. Il a indiqué que les communautés urbaines et les communautés d’agglomération avaient une compétence obligatoire en matière de prévention de la délinquance. Non ! Cette compétence n’est obligatoire que dans le cadre de la politique de la ville. La prévention de la délinquance n’est, au mieux, qu’un sous-ensemble de la politique de la ville.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Pas du tout !

M. Jean-Pierre Blazy. L’argument du rapporteur me semble donc erroné.

Il y avait un moyen très simple de régler le problème, monsieur Grouard : il suffisait de voter notre amendement rendant facultative la création d’un CLSPD par un maire ou un président d’intercommunalité. M. le ministre nous donnera sans doute le nombre exact de CLSPD aujourd’hui, mais on peut l’estimer d’après celui des contrats locaux de sécurité, sensiblement équivalent. Or, d’après le rapport des inspections générales, un tiers des CLS est dormant. Cela n’a rien d’étonnant pour ceux qui ont été mis en place dans des secteurs plutôt ruraux. Il en est très certainement de même des CLSPD.

C’est donc en fonction des réalités locales de la délinquance et de la criminalité qu’il faut s’engager dans une politique très forte de contractualisation avec l’État. Celui-ci a les missions régaliennes et doit mettre davantage qu’il ne le fait les moyens de police et de justice au service des territoires prioritaires – prioritaires par les chiffres, non parce qu’ils sont classés ZUS. Mais il doit le faire conformément au principe constitutionnel de la libre administration des collectivités publiques, sur la base de la libre adhésion.

M. Lilian Zanchi. C’est l’esprit de la décentralisation !

M. Jean-Pierre Blazy. Rien ne sert d’obliger si les moyens ne sont pas mis. Mieux vaut signer des conventions.

M. le président. La parole est à M. Serge Grouard.

M. Serge Grouard. Dans CLSPD, il y a « S » comme sécurité. Or, à ma connaissance, l’intercommunalité n’a pas compétence en la matière. D’où le risque que j’entrevois d’une grande ambiguïté selon les situations locales. Quant à la définition de la prévention, je vous renvoie à nos débats d’hier et avant-hier.

Le ministre a donné un avis favorable sur mon amendement n° 481, et je l’en remercie.

Je pense néanmoins que les deux amendements restent liés. Si nous voulons poursuivre la logique jusqu’au bout et donner au maire le rôle pivot, il faut qu’il puisse décider de transférer ou non, en fonction des réalités locales, cette compétence au niveau de l’intercommunalité (« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.

Mme Muguette Jacquaint. L’amendement n° 481 – cela vient d’être rappelé – laisse au maire le rôle pivot pour la création d’un conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance.

La ville d’Aubervilliers est incluse dans une communauté d’agglomération. Il est donc bien évident que les maires ont un rôle pivot et discutent souvent des questions de sécurité, de prévention et d’aménagement au sein de la communauté d’agglomération. Comment pourrait-il d’ailleurs en être autrement lorsque le trottoir d’une rue est sur une commune et le trottoir d’en face sur une autre ? De quels moyens disposeront les communautés d’agglomération pour répondre aux exigences fixées par le texte ?

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Monsieur Blazy, vous avez suivi de manière particulièrement attentive les travaux préparatoires de ce projet de loi. Je me permets donc de vous renvoyer, d’une part, à la page 109 de mon rapport, qui traite de la question, et, d’autre part au code général des collectivités territoriales.

L’article L.5215-20 prévoit : « La communauté urbaine exerce de plein droit, au lieu et place des communes membres, les compétences suivantes : …4° b) Dispositifs locaux de prévention de la délinquance… »

Enfin, l’article L. 5216-5 prévoit les mêmes dispositions pour la communauté d’agglomération.

Mme Muguette Jacquaint. Ce n’est pas comme ça que ça se passe !

M. Philippe Houillon, rapporteur. Je me permets d’appeler votre attention, monsieur le ministre, …

Mme Patricia Adam. En tout cas, ce n’est pas appliqué !

M. Noël Mamère. Ce n’est pas ainsi que les choses se passent !

M. Philippe Houillon, rapporteur. Relisez le code !

M. Laurent Cathala. On a trente ans de métier !

M. Philippe Houillon, rapporteur. …sur le fait que l’amendement n° 481 de M. Grouard est placé à cet endroit-là pour des raisons que j’ignore.

Il s’agit d’un amendement de conséquence de l’amendement n° 480, que nous examinerons, comme M. le président l’a fait remarquer, plus tard.

M. Serge Grouard. Tout à fait !

M. Philippe Houillon, rapporteur. Or, l’amendement n° 480 institue le principe du caractère facultatif des conseils intercommunaux.

L’amendement n° 481 est perçu comme un amendement de conséquence. J’en veux pour preuve le deuxième paragraphe de l’exposé des motifs : « C’est pourquoi il apparaît nécessaire de supprimer l’obligation de création d’un conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance… »

Si nous votons l’amendement de conséquence n° 481, cela signifie que nous sommes d’accord pour reconnaître dorénavant le caractère facultatif des conseils intercommunaux. Si nous ne le votons pas, nous considérons l’obligation fixée par la loi et ne reconnaissons pas son caractère facultatif. Je suis évidemment pour la deuxième option, puisque la loi prévoit le caractère obligatoire de ses compétences.

Mme Muguette Jacquaint. On espère que la loi donnera aussi des moyens. Les villes n’en ont déjà pas assez !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée, pour trancher ce débat. (« Ça flotte ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

Quel que soit le choix de l’Assemblée nationale, il est clair que cet amendement ne dénature en aucun cas l’esprit de l’article 1er...

M. Serge Grouard. Tout à fait !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. …et la volonté du Gouvernement de donner au maire le rôle pivot en matière de politique de prévention de la délinquance.

N’en faisons pas donc pas une affaire qui risquerait de bouleverser complètement l’équilibre du texte, dès lors que ce n’est pas le cas. L’avis du Gouvernement n’est pas très éloigné de celui du rapporteur.

J’en appelle donc à la sagesse de l’Assemblée nationale.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 481.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 161 et 469.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Houillon, rapporteur. L’amendement n° 161 est défendu.

M. Jean-Christophe Lagarde. L’amendement n° 469 également !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 161 et 469.

(Ces amendements sont adoptés.)

Mme Patricia Adam. Cela ne sert à rien !

M. Jean-Pierre Blazy. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Blazy. Je vous prie de bien vouloir excuser, monsieur le président, l’artifice utilisé du rappel au règlement.

Je voudrais que l’on nous explique le caractère normatif de cet amendement.

M. Christophe Caresche. Cela n’a rien à faire dans la loi !

M. Jean-Pierre Blazy. Prévoir qu’un conseil local de prévention de la délinquance peut créer en son sein un ou plusieurs groupes de travail et d’échange d’information est inutile. Cela se fait déjà. Il n’y a pas besoin d’une loi pour le faire.

Mme Muguette Jacquaint. Évidemment !

M. Jean-Pierre Blazy. C’est au maire, qui est donc toujours dans son fameux rôle pivot, de prendre l’initiative.

Il nous a été souvent reproché le caractère non normatif de nos amendements, mais je pense que nous avons là un bel exemple de littérature !

M. Philippe Houillon, rapporteur. C’est voté, il fallait le dire avant !

M. le président. L’amendement a été adopté. Ne revenons plus sur cette discussion. Si nous recommençons à discuter sur des amendements passés, adoptés ou rejetés, nous ferons longtemps du sur-place.

Reprise de la discussion

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements, nos 570, 571 et 572 et 573, qui peuvent faire l'objet d'une présentation commune.

La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour les soutenir.

M. Jean-Christophe Lagarde. Ces amendements ont le même objet. On peut les qualifier d’amendements de repli, ou d’amendements de précision.

Le maire dispose aujourd’hui d’un certain nombre de pouvoirs de police. Cette notion est assez floue dans l’esprit de nos concitoyens. Ils pensent que les maires font la police, alors que nous ne faisons qu’édicter des règles spécifiques à la commune, à un quartier, par le biais d’arrêtés.

Il n’en reste pas moins que lorsque ces règles sont enfreintes, nous n’avons pas la possibilité de hiérarchiser les amendes en fonction de l’étendue de la faute ? Je vais citer quelques exemples.

Si un centre commercial ne respecte pas l’arrêté de fermeture que le maire est conduit à prendre, conformément à l’avis défavorable de la commission de sécurité, il encourt une amende journalière de 38 euros. Vous comprenez parfaitement qu’un centre commercial puisse « trembler » devant le versement d’une telle amende ! (Sourires.) Cela conduit grosso modo à ridiculiser le maire qui a pris des arrêtés qui n’ont pas réellement de conséquences.

Le maire peut avoir besoin de fermer tel ou tel type de commerce générateur de nuisances et portant atteinte à l’ordre public et ne faisant pas partie des licences IV, suite à des pétitions – dans le respect de la loi – pour un temps limité ou de restreindre ses heures d’ouverture, prévoyant la fermeture à minuit au lieu de trois ou quatre heures du matin. Si vous verbalisez une épicerie qui délivre de l’alcool par exemple, elle rembourse l’amende de 38 euros avec la vente de deux bouteilles.

Les arrêtés des maires ne sont pas efficaces compte tenu du montant des amendes. Je conçois parfaitement la difficulté juridique que présentent ces amendements. J’ai vu que mon avis était partagé sur tous les bancs de cet hémicycle. Il est nécessaire de hiérarchiser la gravité des infractions et de ne pas fixer l’amende de toutes les infractions à 38 euros.

Je ne sais d’ailleurs même pas si le fait de pénétrer dans un parc, lorsque c’est interdit, vaut 38 euros. Le fait de ne pas fermer un centre commercial ou d’avoir un commerce générant des nuisances la nuit ou la gestion spécifique de tout autre problème est au cœur du projet de loi. Il serait bon que l’on permette aux maires de choisir la gradation des sanctions aux infractions des arrêtés municipaux, en fonction de leur hiérarchisation.

J’ai proposé dans l’amendement n° 573 que le trouble à l’ordre public relève d’une contravention de troisième classe. J’ai tenté de me raccrocher à ce que je pouvais – je sais parfaitement que c’est compliqué juridiquement. Si un décret prévoyait quelque chose, cela permettrait au maire de se raccrocher pour telle infraction à tel ou tel niveau d’amende.

Il ne faut pas que les arrêtés municipaux soient considérés comme lettre morte sous prétexte que la sanction de leur non-respect est purement symbolique au regard de l’infraction commise

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. La commission n’a pas examiné ces amendements. Je me contenterai donc de donner un avis personnel. Ces propositions sont intelligentes. Nous devrons ouvrir ce débat.

Actuellement, le pouvoir réglementaire fixe la classe des contraventions. En l’occurrence, les contraventions aux arrêtés de police du maire sont passibles d’une amende de première classe, d’un montant de 38 euros. C’est peu dissuasif.

À partir du moment où le maire est désigné comme tenant le rôle pivot dans la prévention de la délinquance et où il dispose de pouvoirs de police, qu’il convient de faire respecter par des contraventions, il ne serait pas totalement farfelu que le maire puisse fixer lui-même la nature des contraventions – de première, deuxième ou, pourquoi pas, de troisième classe. Mais nous nous situons dans un débat sur la décentralisation du pouvoir réglementaire en matière de fixation de contraventions.

Même si je suis, intellectuellement, très ouvert à cette idée, je pense que ce n’est pas forcément à la faveur d’un amendement que l’on peut modifier le système. Pour autant, il est nécessaire de travailler et d’ouvrir un vrai débat.

M. le ministre peut – je le souhaiterais du moins – dire qu’il est d’accord pour qu’on travaille sur la question.

En tout cas, monsieur Lagarde, vous avez reconnu très franchement et avec une grande honnêteté intellectuelle que légiférer sur ce point, à la faveur d’un amendement, paraissait un peu rapide.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l’amendement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Il s’agit en effet d’un vrai débat, monsieur Lagarde, et je vous remercie de l’avoir ouvert.

D’un point de vue juridique, les choses sont très compliquées : un simple arrêté ne peut fixer une classe de contravention, laquelle relève d’un décret en Conseil d’État.

Autre difficulté : un maire pourrait fixer, pour un délit donné – un comportement violent par exemple –, une amende de troisième catégorie, alors que, dans la commune voisine, le même délit ne serait sanctionné que par une amende de première catégorie. Cela poserait un problème constitutionnel, car cela violerait le principe d’égalité.

Je reconnais cependant qu’une contravention de première classe constitue dans certains cas une répression insuffisante. Il existe des domaines où la répression est plus sévère, notamment en cas de violation des arrêtés en matière de circulation routière, de salubrité publique, de fermeture de commerces le dimanche, par exemple.

Je vous demande donc, monsieur Lagarde, de bien vouloir retirer votre amendement, car un décret relatif aux incivilités est en cours d’élaboration.

M. Jean-Pierre Blazy. Ah !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Il fait suite à la loi du 31 mars 2006 relative à l’égalité des chances. Ce projet de décret prévoit d’instituer d’autres contraventions spécifiques de la troisième classe,...

M. Jacques-Alain Bénisti. Très bien !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. …notamment en cas de violation des arrêtés des maires en matière de réglementation sur le ramassage des ordures ménagères, de non-respect des jours et des horaires de sortie des poubelles ou du tri sélectif entre autres.

M. Laurent Cathala. Les SDF, par exemple ?

M. Christophe Caresche. Le stationnement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Nous organiserons des consultations et réunirons celles et ceux qui auront des propositions à faire dans ce domaine afin d’étendre le champ de ce décret.

Je vous rassure donc, monsieur Lagarde : le Gouvernement tiendra le plus grand compte de vos observations.

M. le président. Retirez-vous vos amendements, monsieur Lagarde ?

M. Jean-Christophe Lagarde. Le sujet est récurrent : nous avons eu ce débat au moment de l’examen du projet de loi sur la sécurité intérieure et j’avais été invité, à cette occasion, à retirer un amendement de même nature, en contrepartie d’un engagement du Gouvernement. Comme le rapporteur du texte de l’époque qui semblait très intéressé par ma proposition est aujourd’hui le ministre, je ne suis pas surpris que ce décret soit en cours d’élaboration ! (Sourires.)

Je souhaite vivement qu’il aboutisse avant les prochaines élections afin que ma proposition puisse entrer en vigueur et que le débat n’ait pas été vain. Je savais bien en présentant ces amendements qu’ils n’étaient pas recevables, mais il était important d’en débattre au moins une fois. Je ne dis pas que le maire doit pouvoir choisir entre telle infraction ou telle autre, mais que, en fonction de la nature des délits, il puisse disposer de différentes classes de contravention. Il est en effet paradoxal que la contravention infligée à un automobiliste soit nettement supérieure à celle concernant des troubles à l’ordre public.

Je retire donc mes quatre amendements en souhaitant que le décret puisse faire l’objet d’une consultation formelle ou informelle d’un certain nombre de nos collègues de la commission des lois, et qu’il sorte dans les meilleurs délais.

M. le président. Les amendements n°s 570, 571, 572 et 573 sont retirés.

La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Je remercie M. le député Lagarde et je veux indiquer aux parlementaires qui siègent à la commission des lois que le projet de décret leur sera adressé via son président afin qu’ils puissent en débattre et faire, le cas échéant, des propositions.

M. Jean-Christophe Lagarde. Très bien !

M. Jean-Pierre Blazy. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Blazy. Mon collègue Lilian Zanchi souhaitait intervenir sur ces amendements.

M. le président. Ils ont été retirés. Le règlement est ainsi fait !

M. Jean-Pierre Blazy. M. Lagarde les ayant retirés, il n’y a évidemment plus de discussion, même si nous aurions pu les reprendre à notre compte. Nous souhaitions seulement dire que pour nous le sujet est d’importance.

M. Jacques-Alain Bénisti. Nous sommes d’accord !

M. Jean-Pierre Blazy. Après avoir parlé hier d’un projet de circulaire, voilà que le ministre annonce un projet de décret qu’il communiquera au président de la commission des lois. J’aimerais plutôt qu’il le communique aux députés présents dans l’hémicycle, puisque nous débattons ici du rôle du maire. Il faudra quinze autres décrets d’ailleurs pour la mise en œuvre de la loi ! Sont-ils déjà prêts ?

Cela pose une question de méthode et de rigueur. Je souhaite donc que le projet de décret auquel vient de faire allusion le ministre, lequel intéresse tous les maires, soit présenté dans l’hémicycle, et non pas uniquement à la commission des lois.

M. le président. Il y a un large consensus sur ces bancs pour reconnaître qu’il est important que les arrêtés municipaux soient respectés.

La parole est à M. Noël Mamère, pour un rappel au règlement.

M. Bernard Accoyer. Sur quel alinéa se fonde-t-il ?

M. Noël Mamère. Je sais bien que les amendements de M. Lagarde ont été retirés.

Néanmoins, il y a lieu de s’interroger : hier soir, l’on nous a sorti une circulaire ; aujourd’hui, un décret. Nous sommes en pleine discussion virtuelle, comme si tout était déjà réglé et que le Gouvernement avait décidé avant même le débat parlementaire.

La question posée par notre collègue Lagarde est très intéressante, à savoir la sous-pénalisation de certaines infractions ou formes de délinquance. Quant aux arrêtés municipaux, nous savons que certains maires ont pris des arrêtés plus ou moins farfelus ou contribuant à discriminer une partie de la population – je pense aux arrêtés anti-SDF ou aux arrêtés contre les gens du voyage. Il faut donc se méfier des pouvoirs exorbitants que l’on veut accorder aux maires dans certaines circonstances, et auxquels ce projet de loi ajoute encore un peu plus !

Reprise de la discussion

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 638.

La parole est à M. Christophe Caresche, pour le soutenir.

M. Christophe Caresche. Cet amendement concerne Paris, grande ville de France s’il en est, dont il est parfois difficile de parler dans cette enceinte.

M. Jean-Pierre Blazy. Oh !

M. Christophe Caresche. Le taux de criminalité y est l’un des plus élevé de France et cette ville connaît des problèmes importants en matière d’insécurité.

Cet amendement vise à faire en sorte que la responsabilité en matière de prévention de la délinquance incombe, comme dans les autres communes de France, au seul maire de Paris, au lieu qu’il ne la partage avec le préfet de police.

D’abord, Paris est aussi un département et la mairie de Paris est également un conseil général. De ce fait, Paris dispose de compétences en matière de prévention, notamment pour tout ce qui concerne la prévention spécialisée, ce qui lui confère une légitimité évidente et qu’il est normal qu’elle soit le pilote de la politique de la prévention de la délinquance.

Pour l’essentiel, c’est la ville qui est présente dans ce domaine et qui agit parce que le préfet de police a d’autres priorités : l’ordre public, la lutte contre l’insécurité, le renseignement. Les missions de prévention de la délinquance ne sont pas sa priorité absolue. Il est donc tout à fait légitime que le maire de Paris, comme dans les autres communes, ait un rôle d’impulsion dans ce domaine.

Ensuite, le conseil local de prévention de la délinquance n’a jamais été réuni, alors que Paris compte plus de deux millions d’habitants. Paradoxalement, on a longuement discuté sur la question de savoir s’il fallait des conseils de prévention de la délinquance dans les villes de moins de 10 000 habitants ! Cela tient peut-être à une grande difficulté à s’accorder avec le préfet de police, même si ce n’est pas sa première priorité, et je ne fais le procès de personne.

Nous avons néanmoins réussi à mettre les conseils en place dans les arrondissements, et ils marchent plutôt bien, mais, sur le plan parisien, les choses n’avancent pas.

M. Pierre Cardo. Où voulez-vous en venir ?

M. Christophe Caresche. Si vous ne donnez pas ce pouvoir d’impulsion au maire de Paris, il n’y aura pas de politique coordonnée en matière de prévention de la délinquance, ce qui est regrettable, car ce territoire particulièrement soumis à la délinquance mérite une politique ambitieuse.

Je vous fais observer que mon amendement est très mesuré puisqu’il n’écarte pas le préfet de police, qui doit être associé à la politique de prévention de la délinquance. Il ne remet pas en cause le fait qu’il copréside le conseil de prévention de la délinquance, comme le texte le prévoit. Nous sommes bien dans le cadre d’un partenariat mais dans lequel le maire de Paris est le pilote.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. La commission n’a pas examiné cet amendement. À titre personnel – mais je ne suis pas comme vous, monsieur Caresche, un spécialiste des questions parisiennes –, je vous ferai observer qu’il n’était pas question de modifier le statut particulier de la ville de Paris à l’occasion de ce projet de loi, ni l’équilibre qui existe en matière de sécurité et de prévention de la délinquance entre l’État, représenté par le préfet de police, et le maire de Paris. Indépendamment du fond, adopter un tel amendement aboutirait à l’inverse du but recherché par le projet en ouvrant une brèche dans le statut particulier de Paris. Peut-être faudra-t-il le faire un jour, mais, en tout état de cause, ce n’est pas à la faveur de ce texte que cela doit être envisagé.

C’est la raison pour laquelle je suis défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Il y a, à Paris, un équilibre spécifique des compétences entre le préfet de police et le maire. Je vous rappelle, monsieur Caresche, que tous les conseils d’arrondissement ont été créés, et que tous les contrats locaux de sécurité ont été signés. Le préfet de Paris vient de créer un conseil local de sécurité pour l’ensemble de la ville et il le réunira très prochainement. Il n’y a donc pas lieu de retenir cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jacques-Alain Bénisti.

M. Jacques-Alain Bénisti. Tout le monde connaît le désengagement du maire de Paris en matière de politique de prévention de la délinquance dans les banlieues (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), alors que la majeure partie de son patrimoine immobilier se situe en zones sensibles. Mais nous découvrons, avec M. Caresche, que, au sein même de Paris, il n’y a pas non plus de politique de prévention, puisqu’il n’y a pas eu constitution de CLSPD.

Selon M. Mamère, le maire ne devrait rien faire, rien dire, n’être au courant de rien et surtout ne pas agir en collaboration avec ses différents partenaires en matière de prévention. Mais je ne savais pas qu’après Bègles, c’était aussi le cas à Paris.

Le maire est celui qui doit prendre la décision, avec le préfet et le procureur, de créer un CLSPD.

M. Christophe Caresche. Mais c’est exactement ce que je propose !

M. Jacques-Alain Bénisti. Il est dommage que le maire de Paris ne le fasse pas. Toutefois, il serait étonnant qu’il change de politique puisque, pour l’ensemble du patrimoine dirigé par l’OPAC de Paris, il n’a jamais donné le début du commencement d’un euro pour la politique de prévention. Je l’ai constaté à Champigny-sur-Marne, à Chennevières, ou dans ma commune de Villiers-sur-Marne. Dès lors, je ne vois pas comment il en serait autrement dans sa ville.

M. Noël Mamère. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère, pour un rappel au règlement.

M. Noël Mamère. M. Bénisti a cité la ville de Bègles, dont j’ai l’honneur d’être le maire, et j’aimerais lui répondre.

D’abord, je ne me permets pas de critiquer sa politique municipale.

M. Jacques-Alain Bénisti. C’est normal, elle n’est pas critiquable !

M. Noël Mamère. Ensuite, je ne peux le laisser affirmer que je serais un maire qui souhaiterait ne s’occuper de rien. Je considère que le maire a aujourd’hui un rôle de médiateur et de coordinateur de la politique de prévention de la délinquance.

M. Jacques-Alain Bénisti. Vous évoluez, là !

M. Noël Mamère. Non, monsieur Bénisti, je n’évolue pas sur ce point, car je n’ai pas envie de me rapprocher de vous, et je vous recommande vivement d’écouter avec davantage d’attention les propositions constructives que nous faisons depuis deux jours.

Vous qui êtes l’auteur d’un rapport qui a inspiré ce texte, vous nous entraînez dans une dérive dangereuse en transformant le rôle de médiateur du maire pour l’obliger à prendre parti dans des situations conflictuelles souvent inextricables. Il sera contraint de remplir une fonction qui n’est pas la sienne car il n’est ni policier, ni éducateur, ni travailleur social, ni procureur.

M. Jacques-Alain Bénisti. Vous préférez qu’il soit spectateur !

M. Noël Mamère. Bref, vous lui assignez un rôle exorbitant !

Nous sommes un certain nombre de maires à avoir signé un contrat local de sécurité, et, lorsque celui-ci repose sur une étroite collaboration entre partenaires, il peut garantir une certaine efficacité dans la prévention de la délinquance, mais dans le respect de chacun. Et si nous avons voté tout à l’heure l’amendement de notre collègue Grouard, c’est que nous considérons qu’il est de la responsabilité du maire de décider de la création d’un contrat local de sécurité et de réunir ses partenaires.

Quant à la politique intercommunale, pardonnez-moi de le dire, mais des outils existent déjà en matière de lutte contre la désinsertion. Je pense en particulier aux mesures votées dans le cadre de la loi relative à la lutte contre l’exclusion sous l’ancienne majorité, telles que les plans locaux d’insertion par l’emploi. Ce dispositif à vocation intercommunale prouve qu’au-delà de nos différences partisanes, nous pouvons nous mettre au service de la lutte contre le chômage et l’exclusion. Nous pourrions faire la même chose en matière de prévention de la délinquance, mais ce n’est pas du tout ce que vous proposez.

Reprise de la discussion

M. le président. Nous en revenons à l’amendement n° 638.

La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. À force de ne pas traiter des problèmes spécifiques à Paris en incluant des déclinaisons particulières dans les différents textes, on aboutit à plusieurs difficultés.

S’il y a des problèmes s’agissant du conseil de prévention de la délinquance de Paris, c’est que le décret d’application de la loi de 1983, adoptée par le Parlement après le rapport Bonnemaison, date seulement de l’année 2000 : il a donc fallu attendre dix-sept ans pour que soit créée une telle instance dans la capitale. En outre, ce n’est qu’en 2006 que le ministre de l’intérieur a annoncé que le préfet de police allait prendre les dispositions nécessaires pour réunir ce conseil. Ce n’est donc pas le maire de Paris qui est en cause, monsieur Bénisti,

M. Jacques-Alain Bénisti. C’est le maire qui décide !

M. Christophe Caresche. … mais le préfet de police, bien évidemment, car c’est lui qui a le pouvoir.

Sans remettre en cause le fait que le préfet de police dispose des pouvoirs de police municipale, j’estime qu’il faut donner au maire de Paris un minimum de latitude et de capacité d’impulsion.

Puisque vous n’avez pas l’intention de clarifier les choses, j’aimerais savoir comment certaines dispositions de ce texte pourront s’appliquer à Paris. Qui mettra en place le conseil des droits et des devoirs des familles ? Le maire ? Je n’en sais rien. À force de ne pas vouloir adapter les textes au cas parisien, vous mettez dans une situation extrêmement difficile l’ensemble des élus de la capitale, qui compte plus de 2 millions d’habitants. Vous vous plaisez à nous renvoyer à la préfecture. C’est certes une institution éminemment respectable, mais cela ne doit pas nous empêcher d’avancer.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 638.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 163.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de cohérence.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 163.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 644.

La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour le soutenir.

M. Jean-Pierre Blazy. Si nous sommes d’accord pour lutter contre l’insécurité, nous voulons aussi œuvrer à la prévention de la délinquance, qui est l’objet même de ce projet de loi. Il convient de le rappeler à chaque instant. Dans un souci d’équilibre, il faut veiller à associer lutte contre l’insécurité et prévention de la délinquance. C’est parce que vous ne l’avez pas suffisamment fait depuis 2002 que vous avez obtenu les résultats que nous savons.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. La commission n’a pas examiné cet amendement, mais j’y suis défavorable à titre personnel. Il ne s’agit pas d’un simple amendement de précision, mais d’un retour au droit commun qui ne tient pas compte de l’objectif du texte.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 644.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 645.

La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour le soutenir.

M. Jean-Pierre Blazy. Je suis un peu offusqué par ce que vient de dire notre rapporteur, mais telle est sa réponse et nous la respectons.

L’alinéa 11 pose comme principe que l’information du maire par le préfet est fondamentale si l’on veut faire du maire le pivot de la prévention de la délinquance et de la lutte contre l’insécurité. Mais le problème tient aux modalités de cette association. Elles « peuvent être définies par des conventions que le maire signe avec l’État », précise le texte. Or, nous estimons que les conventions doivent être obligatoires, d’autant que le CLSPD est obligatoire dans les villes de plus de 10 000 habitants.

Il existe déjà des conventions obligatoires entre le préfet et les polices municipales. Comme le texte étend les possibilités de conventionnement avec les préfets, j’aimerais savoir ce que deviendront ces conventions qui devraient d’ailleurs faire l’objet d’une évaluation beaucoup plus rigoureuse qu’aujourd’hui ? En outre, l’alinéa 12 évoque les plans départementaux de prévention de la délinquance élaborés par les préfets, auxquels les maires pourront être associés.

Vous réclamiez de la cohérence tout à l’heure. Eh bien, la cohérence suppose que les conventions entre les préfets et les maires soient obligatoires !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Houillon, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 645.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 164.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 164.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Un mot, monsieur le président…

M. le président. Vous avez la parole, monsieur le rapporteur.

M. Philippe Houillon, rapporteur. Chers collègues, je vous informe que M. André Vallini et moi-même sommes conviés à la Conférence du stage du barreau de Paris, qui, à l’occasion de sa rentrée solennelle, honore des personnalités s’étant particulièrement illustrées dans le domaine de la justice au cours de l’année 2006 en leur remettant une médaille. Je vous prie d’accepter mes excuses, car je serai absent cet après-midi de 15 heures à 16 heures environ. Je serai suppléé par M. Alain Marsaud, secrétaire de la commission des lois.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Je félicite M. Houillon et M. Vallini pour cet hommage. Mais je regrette vivement que les préconisations de la commission d’enquête sur l’affaire d’Outreau n’aient pas été suivies par le Gouvernement, en particulier par le garde des sceaux, qui, comme à son habitude, n’a rien voulu entendre des propositions du Parlement.

M. le président. N’ouvrons pas là un nouveau débat ! (Sourires.)

ordre du jour des prochaines séances

M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de la discussion du projet de loi, n° 3338, adopté par le Sénat, relatif à la prévention de la délinquance :

Rapport, n° 3436, de M. Philippe Houillon, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République ;

Avis, n° 3434, de M. Jean-Michel Dubernard, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l’ordre du jour de la deuxième séance.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures.)