Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus intégraux (session ordinaire 2006-2007)

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Consulter le sommaire
Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mercredi 17 janvier 2007

114e séance de la session ordinaire 2006-2007


PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Questions au gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe Union pour la démocratie française.

pénibilité du travail et âge de la retraite

M. le président. La parole est à M. Claude Leteurtre,

M. Claude Leteurtre. Monsieur le président, ma question s’adresse à M. le ministre de la santé et des solidarités.

Monsieur le ministre, dans un rapport remis la semaine dernière, le Conseil d'orientation des retraites s'alarme de l'avenir de l'équilibre des régimes de retraite. Il considère, en autres, comme inéluctable l’allongement de la durée des carrières ainsi que l'augmentation du taux d'emploi des seniors. Ces deux recommandations ont relancé le débat sur la prise en compte de la pénibilité du travail dans la fixation de l'âge de départ à la retraite. La loi Fillon de 2003 avait prévu que ce volet devait faire l'objet de négociations entre patronat et syndicats. Or, si les avancées sont certaines pour ce qui concerne l'amélioration des conditions de travail des salariés les plus exposés, les négociations sont dans l'impasse pour le reste.

Depuis toujours, l’UDF est très attachée à cette notion de pénibilité. Lors de la discussion de la loi Fillon, Jean-Luc Préel a préconisé, en notre nom, le principe d'une retraite par points, permettant une prise en compte facile de cette donnée essentielle.

L'espérance de vie de certains salariés qui travaillent de nuit, à la chaîne, portent de lourdes charges, sont exposés aux bruits ou aux produits toxiques est inférieure à celles des autres. Il serait donc équitable qu'il soit tenu compte de cette réalité, comme l'a fait par exemple la Suède. Moduler l'âge de départ à la retraite en fonction de ce qu'il faut bien appeler l'usure précoce de certains salariés ne serait que justice. L’état de la colonne vertébrale d’ouvriers du bâtiment ou des épaules de certains travailleurs à la chaîne dit l’urgence.

Ma question est simple. monsieur le ministre. Devant l'échec des négociations entre le patronat et les syndicats, l'État n'a-t-il pas aujourd'hui le devoir d'intervenir pour mettre fin à une injustice que la loi a elle-même reconnue ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Monsieur le député, la notion de pénibilité est un sujet important, car, comme vous venez de le souligner, l’espérance de vie, clairement posée quand on prend sa retraite, en dépend.

Je serais tenté de vous remercier de cette question, car je suis celui qui, alors encore parlementaire, avait déposé un amendement invitant les partenaires sociaux à discuter de la pénibilité au travail afin de trouver des solutions. En attendant, nous ne sommes pas restés inertes. Les carrières longues, la possibilité donnée à celles et ceux qui commencent à travailler à quatorze, quinze ou seize ans, qui symbolisent la valeur du travail et qui peuvent aujourd’hui partir avant soixante ans, est une première réponse. Ainsi, 320 000 personnes dans notre pays sont parties à la retraite avant soixante ans. Cette mesure de justice sociale, très attendue, a concerné en priorité des ouvriers du bâtiment et des salariés exerçant, dans l’industrie, les métiers les plus pénibles. Mais il faut aller plus loin. Nous avons donc souhaité que s’ouvre cette négociation entre les partenaires sociaux, les mieux placés pour prendre en compte cette pénibilité, avec les moyens qui leur conviennent. En tout état de cause, depuis février 2005, ces négociations ne sont pas allées suffisamment vite à notre goût. Aujourd’hui, elles nous semblent au point mort. Nous ne pouvons pas nous y résoudre. Voilà pourquoi, avec Gérard Larcher, nous avons d’ores et déjà pris des contacts avec les partenaires sociaux. Nous leur écrirons, dès la semaine prochaine et leur proposerons le soutien de l’État sous le pilotage de l’Inspection générale des affaires sociales afin que, dès le début du mois de février, les négociations tendant à un constat partagé reprennent et que les partenaires sociaux puissent se concentrer sur le fond des négociations. Nous voulons absolument aboutir sur ce sujet, car la réforme des retraites nous a permis de redonner confiance dans l’avenir de notre système de retraite par répartition et également de placer la justice sociale au cœur de cette réforme. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

Mme Chantal Robin-Rodrigo. C’est faux !

M. le ministre de la santé et des solidarités. Cette mesure très attendue n’avait pas été prise. Parce qu’ils symbolisent la valeur « travail », ces salariés sont pour nous une priorité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur divers bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

fiscalité

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.

M. Jean-Claude Sandrier. Monsieur le président, ma question s’adresse à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État.

Lancer un débat sur la fiscalité est sans aucun doute une bonne idée. Encore faut-il poser les questions essentielles. Pour le groupe des député-e-s communistes et républicains, il est évidemment exclu de soumettre demain à l'impôt les sept millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté ou d'augmenter la pression fiscale qui pèse sur les familles des couches moyennes, dont plus de la moitié déclare qu'elles ont du mal à boucler les fins de mois. Il y a, en revanche, dans notre pays de vrais privilégiés, dont vous ne parlez jamais, qui s'enrichissent, pour une part, du fruit du travail du plus grand nombre, qui profitent de l'explosion des dividendes, des profits et autres stock-options obtenus en délocalisant, en licenciant, en précarisant le travail et en exerçant une pression insupportable sur les salaires. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jacques Desallangre. Très juste !

M. Jean-Claude Sandrier. Les allégements d'impôts et les baisses de cotisations qui leur ont été accordées ont coûté au pays 450 milliards d'euros en vingt ans – la moitié de la dette d'aujourd'hui – mais pour quels résultats ? Oui, « un océan de liquidités inonde les marchés », comme on peut le lire dans Les Échos. Oui, «l'argent coule à flots» souligne un grand économiste français. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Voilà pourquoi notre groupe propose de taxer les actifs financiers à 0,5 % – cela rapporterait 18 milliards d'euros –, de relever le taux d'imposition des revenus de la plus haute tranche et de supprimer le bouclier fiscal – cela permettrait de réaliser une économie de 1 milliard d’euros – (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire)

M. Jacques Desallangre. Vous irez tous en Suisse, mes chers collègues de la majorité !

M. Jean-Claude Sandrier. …d'annuler les baisses de cotisations patronales sans incidence sur l'emploi, d'après la Cour des comptes – cela représente 17 milliards d'euros – de doubler le taux de l’impôt sur la fortune, ce qui représenterait 3 milliards d'euros. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Et je ne parlerai pas de la taxation des profits des compagnies pétrolières ! (Exclamations sur les mêmes bancs.) Voilà qui serait utile pour impulser l'investissement public et privé, augmenter les salaires, développer la recherche, financer la protection sociale et les retraites, protéger l'environnement et soutenir l'emploi. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Dans le même temps, il faut avoir le courage de s'en prendre aux paradis fiscaux, qui sont une insulte à la pauvreté, et exiger une harmonisation fiscale, d'abord en Europe ! Tel est ainsi posé le véritable débat sur la fiscalité. Êtes-vous prêts à le mener devant nos concitoyens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le député Sandrier, je persiste et signe pour ce qui concerne cette réforme fiscale. Ainsi, la baisse des impôts profite à tous les Français (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste)

M. Jean Glavany. C’est faux !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. …et particulièrement aux classes moyennes, dont 80 % bénéficient de la baisse de l’impôt sur le revenu et de l’augmentation de la prime pour l’emploi ! (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)

M. Jean Glavany. Ce sont des mensonges !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Les classes moyennes travaillent beaucoup et n’ont jamais droit à rien ! Je confirme que 90 % des bénéficiaires du bouclier fiscal sont des Français à revenus modestes (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) – agriculteurs qui ont eu des mauvaises récoltes, artisans, familles – (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste) qui prennent de plein fouet les augmentations d’impôts locaux, en particulier dans les régions socialistes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Je comprends effectivement que vous soyez parfois, comme nous, quelque peu surpris. En effet, les déclarations de Georges Marchais, que l’on entendait quand nous étions petits, étaient de la petite bière à côté de ce que nous promet François Hollande ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Christian Paul. Vous aussi, vous êtes petit !

M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État. Allons jusqu’au bout de la logique : le double langage est mis à toutes les sauces ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) D’un côté, Ségolène Royal affirme qu’elle n’augmentera pas les prélèvements obligatoires et, de l’autre, le Parti socialiste annonce qu’il entend augmenter les impôts de ceux qui, tantôt, gagnent plus de 4 000 euros, tantôt plus de 8 000 euros ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Enfin, dernier point – et c’est pourquoi il faut bien écouter tout ce qui est dit – lorsque Mme Royal explique, comme ce matin, aux auditeurs d’une radio qu’elle n’a pas augmenté les impôts locaux dans sa région en 2006, elle omet de préciser qu’elle a relevé de 16 % la taxe professionnelle en 2005 ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste. – Huées sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Enfin, et nous nous rejoindrons sans doute sur ce point, le double langage trouble effectivement les esprits et, à force d’en user, Ségolène Royal risque effectivement de faire très peur aux Français ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

droit au logement opposable

M. le président. La parole est à M. Pierre-André Périssol, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Pierre-André Périssol. Monsieur le président, ma question s’adresse à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.

Monsieur le ministre, par votre action, vous avez changé la donne en matière de logement. En 2002, on construisait environ 300 000 logements. Leur nombre a atteint, en 2006, 430 000 et vous avez fixé, pour demain, le cap à 500 000. Les constructions de logements sociaux, hier d’environ 40 000, sont aujourd'hui de plus du double et atteignent 140 000, si l’on tient compte des parcs publics et privés. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Michel Lefait. Ce ne sont pas des logements sociaux !

M. Lucien Degauchy. Nous avons fait le double de ce qu’ont fait les socialistes.

M. Pierre-André Périssol. La même progression est enregistrée pour le logement très social et pour l’hébergement d'urgence des plus démunis avec une augmentation de plus de 50 % du nombre de places.

L’action a été menée avec détermination sur le terrain pour faciliter l'accès au logement des plus faibles, notamment avec la mise en place de la garantie des risques locatifs pour ceux qui ne peuvent fournir de caution. La loi portant engagement national pour le logement a institué une commission de médiation pour les demandeurs de logement prioritaires qui n’ont toujours pas reçu de réponse au-delà d'un délai anormalement long.

Les résultats que vous avez obtenus vous permettent, monsieur le ministre, de parler avec autorité du droit au logement. Ils crédibilisent votre volonté d'instituer un droit au logement opposable, comme le demande le Président de la République. Ce droit doit devenir effectif. La République le peut si elle le veut, donc si une vraie volonté politique s’exprime dans les années à venir. En effet, il faudra poursuivre l'action que vous avez engagée…

M. Maxime Gremetz. C’est mal parti !

M. Pierre-André Périssol. …afin de créer sur l’ensemble du territoire, notamment là où les besoins sont les plus importants, une offre de logements diversifiée, adaptée à des situations sociales familiales, humaines très différentes et surtout très changeantes. Il faudra agir sur tous les maillons de la chaîne du logement, donc aussi sur l'accession très sociale.

Pour que ce droit devienne réalité, monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser les modalités arrêtées après concertation avec les associations et votées à l'unanimité des membres du Haut comité pour le logement des personnes défavorisées et le calendrier ? Quels en seront les bénéficiaires ? Quelle autorité en aura la charge et avec quels moyens ? De quels devoirs en contrepartie ce droit sera-t-il assorti ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur le député Pierre-André Périssol, c’est en 1990 qu’a été voté pour la première fois un droit au logement et en 1995 que ce droit fondamental a été gravé dans notre Constitution. Mais c’est à partir de ce moment que l’on n’a jamais aussi peu construit de logements en France. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Cela signifie, monsieur Périssol – vous qui connaissez bien ce sujet et pour cause ! –, qu’une chose est d’affirmer les principes et une autre de les rendre effectifs. Pour rendre effectif ce droit au logement opposable, deux conditions devaient être remplies. La première était d’avoir relancé la « machine à offrir des logements ». Je vous remercie d’avoir rappelé que nous avons, à ce jour, triplé l’offre de logements locatifs sociaux dans notre pays. Au-delà des mises en chantier importantes, 570 000 permis de construire ont été déposés ces douze derniers mois. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Nous avons donc multiplié la production par deux.

En même temps, il fallait un processus politique. Le Président Chirac avait demandé il y a deux ans au Haut comité pour le logement des plus défavorisés de travailler sur la question, le Premier ministre l’avait mandaté également. Des opérations récentes ont mis en lumière certains dysfonctionnements, et c’est bien dans une démocratie.

Nous sommes prêts, parce que nous avons relancé la construction de logements, notamment pour les plus fragiles, et parce qu’un processus politique est engagé, qui ne doit rien au hasard ni au calendrier. Voilà pourquoi nous sommes aujourd’hui en état de porter le droit au logement, ce logement qui est essentiel pour la construction de la personnalité des enfants, des familles, comme il existe le droit à l’éducation et le droit à la santé. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

corse

M. le président. La parole est à M. Paul Giacobbi, pour le groupe socialiste.

M. Paul Giacobbi. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre, parce que c’est une question d’intérêt national.

Au cours de cette mandature, j’ai malheureusement interpellé souvent le Gouvernement sur la sécurité en Corse. J’ai souligné les carences dans l’organisation et la mise en œuvre des moyens publics de sécurité et les fautes, pour ne pas dire les forfaitures, qui ont parfois conduit en Corse à protéger la grande criminalité plutôt qu’à la combattre. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Le Gouvernement soutient qu’il a obtenu des résultats satisfaisants en matière de sécurité dans notre île. C’est encore aujourd’hui le discours surréaliste qui est tenu, en contradiction totale avec la réalité vécue et même les statistiques officielles du ministère de l’intérieur. Je voudrais, mes chers collègues, pouvoir dire le contraire, et j’en remercierais sincèrement le Gouvernement.

Entre 2002 et 2005, le nombre des attentats a augmenté de 73 % par rapport à la période précédente et, de 2005 à 2006, il a augmenté de 38 %, comme l’a souligné récemment le procureur général près la cour d’appel de Bastia.

Les attentats sont plus nombreux, mais aussi plus meurtriers. Les charges explosives qui se mesuraient en centaines de grammes se mesurent aujourd’hui en dizaines de kilos.

Au-delà de cette augmentation exponentielle, les Corses voient chaque jour se resserrer sur leur vie l’étau inexorable de la criminalité, avec son cortège de menaces, d’extorsions et de contraintes.

Monsieur le Premier ministre, au-delà des divergences partisanes, personne ne doute ici de votre patriotisme et de vos convictions républicaines. Pouvez-vous aujourd’hui analyser cette évolution de la sécurité dans une île qui a toujours été, en dépit de son éloignement géographique et des violences qui la meurtrissent, proche du cœur de la France et indéfectiblement attachée à la République ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe communiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Monsieur Giacobbi, je ne comprends pas comment un homme de votre qualité, aussi attaché à la Corse que vous l’êtes, et après que j’ai eu l’honneur d’aller à vingt-deux reprises sur votre île et d’y tenir avec vous d’innombrables réunions de travail, peut tenir de tels propos. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Reprenons les faits si vous le voulez bien.

Lorsque je suis devenu ministre de l’intérieur, la République entière recherchait l’assassin présumé du préfet Érignac. C’était une tache sur la République, c’était une tache pour la Corse. Mon prédécesseur le cherchait en Amérique du Sud…

M. Daniel Vaillant. Mensonge !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. …nous l’avons trouvé à trente kilomètres d’Ajaccio. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Plusieurs députés du groupe socialiste. Ce n’est pas la question !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Franchement, si vous voulez me faire dire que les choses ont changé, elles ont changé. L’arrestation de l’assassin présumé du préfet Érignac a été un soulagement pour les Corses, qui portaient l’assassinat de ce préfet courageux et la cavale de son assassin présumé comme une lourde responsabilité.

M. Christian Paul. Répondez à la question !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Vous êtes président du conseil général de Haute-Corse. Vous savez mieux que personne, monsieur Giacobbi, combien M. Pieri faisait régner la terreur à Bastia, à Furiani et dans l’ensemble de la Haute-Corse depuis des années. Il est aujourd’hui en prison. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Daniel Vaillant. Il l’était déjà !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Les tribunaux se sont prononcés.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Répondez à la question !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Nous l’avons interpellé en frappant ce mafieux là où ça fait mal, c’est-à-dire sur le patrimoine, sur les trafics. Là aussi, j’aurais aimé que le travail ait été effectué avant. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Daniel Vaillant. Il avait été fait avant !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Troisième élément, monsieur Giacobbi, l’ensemble des observateurs de la Corse, et vous en êtes, savent bien que jamais, et c’est heureux, le mouvement nationaliste corse n’a été aussi affaibli sous les coups qui lui ont été portés par la police et la gendarmerie.

M. Patrick Lemasle. Voyez les résultats !

M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire. Rien que pour l’année 2006, il y a eu 150 interpellations de poseurs de bombes.

D’ailleurs, si les résultats du Gouvernement en Corse avaient été si mauvais, on se demande bien pourquoi les Corses, majoritairement, auraient voté pour Ange Santini et Camille de Rocca Serra aux élections régionales. Qui a trouvé une solution à l’endettement des agriculteurs ? Qui a donné sa chance à l’université de Corte ? Qui a financé le PEI ? Qui est responsable aujourd’hui de la diminution spectaculaire du chômage en Corse ?

Oui, la Corse va mieux. Elle va mieux sur le plan de la sécurité, elle va mieux sur le plan économique, et il y a une chose qui est sûre, c’est que ce n’est pas grâce à vous, monsieur Giacobbi. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

endettement PUBLIC

M. le président. La parole est à M. Gilles Carrez, pour le groupe UMP.

M. Gilles Carrez. Ma question s’adresse au ministre de l’économie et des finances.

Depuis vingt-cinq ans, depuis 1981 pour être précis, l’État a pris la mauvaise habitude de dépenser davantage qu’il n’a de ressources. Tous ces déficits, il a fallu les financer par emprunt. Résultat, la dette publique dépasse aujourd’hui 1 100 milliards d’euros, 17 000 euros par Français, plus de 100 000 francs. C’est insupportable.

Le Gouvernement, la majorité ont décidé de stopper cette dérive, en prenant deux décisions : depuis 2003, les dépenses de l’État sont stabilisées, et tous les surplus de recettes par rapport aux prévisions sont affectés au désendettement. Nous faisons le contraire du gouvernement socialiste qui, je le rappelle, en 1999, avait dilapidé la cagnotte en dépenses supplémentaires. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Les résultats sont au rendez-vous, la dette de notre pays a commencé à diminuer. Je sais, monsieur le ministre, que vous êtes très attaché à cette politique de désendettement. Aussi, je voudrais vous poser deux questions.

Nous allons bientôt avoir les comptes définitifs de l’année 2006. Pouvez-vous nous confirmer que la dette a diminué fortement et que, pour la première fois depuis très longtemps, l’État n’a pas eu besoin d’emprunter pour payer les intérêts de sa dette ?

Ma seconde question concerne l’avenir. Pour assurer la sécurité des Français, pour assurer la défense de notre pays, nous avons été capables de voter des lois de programmation pluriannuelles, qui garantissent dans la durée les moyens indispensables. Pour assurer l’avenir de nos enfants et de nos petits-enfants, ne pensez-vous pas nécessaire de voter une loi de programmation qui nous oblige sur plusieurs années à rétablir définitivement l’équilibre de nos comptes et à alléger le fardeau de la dette qui pèse sur les générations futures ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

M. Thierry Breton, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Vous l’avez rappelé, monsieur Carrez, le désendettement de la France est l’un des projets majeurs que nous avons souhaité réaliser avec Dominique de Villepin. L’héritage est ce qu’il est, nous avons accumulé les déficits pendant vingt-cinq ans et, contrairement à tous les autres pays européens, nous n’avons pas saisi entre 1997 et 2002 (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) une opportunité exceptionnelle, compte tenu de la croissance, de nous désendetter rapidement.

Qu’avons-nous fait ? Vous le savez mieux que quiconque, et je tiens à rendre hommage à votre action de rapporteur général mais également de rapporteur de la commission des finances publiques, qui a fixé le cap de la France pour les cinq ans qui viennent.

Je vous confirme qu’en 2006, nous nous sommes fixés pour la première fois dans notre histoire budgétaire un objectif ambitieux, celui de réduire l’endettement de la nation de deux points. Même si nous ne connaissons pas encore les chiffres définitifs, qui ne seront arrêtés par l’INSEE qu’au mois de mars, j’ai bon espoir qu’on puisse l’atteindre et peut-être même le dépasser.

D’ici à la fin de la semaine, j’annoncerai avec Jean-François Copé le solde de l’exécution budgétaire de la nation. Notre objectif était de passer à 2,8, puis à 2,7 % du PIB, et nous avons bon espoir de faire mieux. Pour la première fois, l’État n’emprunte pas pour rembourser les intérêts de la dette.

Alors que l’objectif de désendetter la France est partagé par tous les membres de l’UMP, certains proposent par exemple, de l’autre côté de l’hémicycle, de nationaliser EDF, soit 11 milliards d’euros,…

M. Jean Glavany. Vous êtes un rigolo ! C’est honteux !

M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. …ou de généraliser les 35 heures, ce qui représente 4 milliards d’euros par an. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Tout cela, dans un moment de lucidité, leur permet de se chamailler pour essayer d’inventer de nouveaux impôts.

Oui, mesdames, messieurs les députés, la rigueur dans l’exécution budgétaire est bien du côté droit de l’hémicycle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

dispositif "alerte enlèvement"

M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Briot, pour le groupe UMP.

Mme Maryvonne Briot. Ma question s’adresse à M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le garde des sceaux, le 28 février 2006, vous avez annoncé la création d’un plan « alerte enlèvement » destiné à retrouver des enfants victimes d’un enlèvement et s’inspirant des systèmes nord-américains.

Une étude statistique réalisée aux États-Unis en 1993 a mis en évidence que, sur 621 enlèvements d’enfants qui se sont terminés tragiquement, 44 % des enfants ont perdu la vie dans la première heure, 74 % dans les trois heures et 91 % dans les vingt-quatre heures suivant l’enlèvement.

Si aucune analyse d’une telle ampleur n’a été menée en France, l’examen de quelques cas d’enlèvements d’enfants suivis d’homicides survenus dans notre pays semble confirmer la nécessité d’agir au plus vite. Ainsi, la survie d’un enfant peut dépendre de la rapidité et de l’importance des moyens mis en œuvre pour le localiser dès que l’enlèvement est porté à la connaissance des autorités.

L’actualité récente nous rappelle l’impérieuse nécessité de mobiliser rapidement les moyens mis à la disposition des enquêteurs. En effet, ces derniers jours, nous avons assisté au déclenchement du plan « alerte enlèvement » à deux reprises, ce qui a permis de retrouver les enfants sains et saufs.

Monsieur le garde des sceaux, pouvez-vous nous expliquer dans quels cas ce dispositif doit être mis en place ? Était-il possible de le déclencher encore plus tôt dans ces deux affaires ? Enfin, ce dispositif a-t-il vocation à être déclenché pour chaque enlèvement de mineur ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la députée, le dispositif « alerte enlèvement », est l’adaptation d’un dispositif qui m’a été présenté lors d’un voyage au Québec il y a un peu plus de deux ans et demi. Il vient de donner deux fois de suite satisfaction.

Les Québécois avaient insisté sur des critères qu’ils considèrent absolument obligatoires pour son application, quelles que soient les pressions, et vous devinez que, lorsqu’un enfant disparaît, elles sont fortes.

Le premier, c’est qu’il s’agisse d’un mineur, le deuxième, qu’il soit en danger de mort, le troisième c’est que ce soit un véritable enlèvement et non une disparition. Il y a en France 40 000 disparitions par an, dont 850 sont inquiétantes. Il faut, parmi ces 850 disparitions, repérer celles qui peuvent bénéficier de ce dispositif. Enfin, il est essentiel de disposer d’un signalement qui permette de retrouver l’enfant ou le ravisseur.

Dans les deux cas qui nous ont occupés, qu’il s’agisse de Lucile et Christophe ou du bébé Bilel, nous disposions d’un signalement suffisant concernant des auteurs présumés de l’enlèvement. Ainsi, dans les deux cas, les personnes qui les ont signalés à la police avaient été alertées par les radios et les télévisions.

Globalement, il s’agit de mettre toute la France au service de la recherche, puisque toute l’opinion publique est concernée à travers les agences de presse, les médias, la SNCF, la RATP, les panneaux d’autoroute ; tout le monde est renvoyé au message radiophonique. Et c’est ainsi que des millions de gens se mettent à chercher les enfants.

Les premières vingt-quatre heures sont cruciales – vous avez très justement insisté sur la période, très courte, au cours de laquelle on a une chance de retrouver l’enfant vivant.

Pour qu’il reste efficace, il ne faut pas abuser de ce système. Nous y avons recouru deux fois, mais je rappelle que la décision de le déclencher appartient au procureur général et au garde des sceaux.

En tout cas, nous sommes heureux de l’avoir adapté au système français et nous remercions tous les Français qui ont bien voulu y participer. Cela prouve que les valeurs civiques existent encore dans notre pays et c’est aussi un sujet de satisfaction. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

santé au travail

M. le président. La parole est à M. Jean Le Garrec, pour le groupe socialiste.

M. Jean Le Garrec. Monsieur le Premier ministre, l’article 12 de la loi du 21 août 2003 prévoit une négociation avec les partenaires sociaux sur la définition et la prise en compte de la pénibilité du travail. Or cette négociation est complètement bloquée. Les syndicats protestent et s’indignent. La CFDT manifeste. Pendant ce temps, les maladies professionnelles augmentent un peu plus chaque jour et 9 000 accidents mortels du travail surviennent toujours. (Murmures sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Maladies liées au développement du stress, aux troubles musculo-squelettiques ou au maniement des pesticides dans l’agroalimentaire – la liste est longue – viennent s’ajouter au problème de la silicose ou de l’amiante, qui fait encore 3 000 morts par an.

Les salariés sont de moins en moins considérés comme des femmes et des hommes apportant leur force de travail, mais comme des facteurs de production, facilement jetables, comme l’a justement démontré hier Albert Facon.

Nous avons un débat de qualité avec le ministre du travail, en particulier pour ce qui concerne les propositions de la mission amiante et j’ai écouté l’intervention de bonne volonté de M. le ministre Bertrand. Mais cela n’est pas suffisant, cela n’est pas à la hauteur du problème. Avez-vous l’intention, monsieur le Premier ministre, de prendre une initiative forte, brutale comme l’est la mort au travail, pour obliger le patronat à respecter la loi républicaine ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Monsieur le député, je profite de votre question pour saluer le travail de la mission d’information sur l’amiante que vous avez réalisé, avec Jean Lemière. Que ce soit dans cette assemblée ou au Sénat, ces travaux font autorité et vous avez conduit l’un et l’autre cette mission avec le souci d’aller au fond des choses.

La réalité de la santé au travail n’est plus tout à fait celle que vous avez décrite. En vingt ans, des progrès importants ont été constatés, des vies ont été sauvées. Il est par contre exact qu’il y a toujours jusqu’à 10 % de salariés qui peuvent être exposés à des produits techniques. Mais vous auriez pu évoquer aussi la prévention en entreprise, notamment pour ce qui concerne des troubles musculo-squelettiques, un sujet sur lequel le Gouvernement n’est pas resté inerte. Avec Gérard Larcher, nous avons lancé un plan « santé au travail » et créé l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail – l’AFSSET – dont le conseil d’administration sera installé dans les jours qui viennent, parachevant la mise en place de cette agence. Sur ces sujets, nous ne pouvons pas nous contenter d’assister à la décrue attendue des statistiques en matière de maladies professionnelles et d’accidents mortels ; nous avons aussi dialogué avec les partenaires sociaux.

À cet égard, je suis étonné par les propos que vous venez de tenir. Bien souvent, nous entendons qu’il faut laisser la main aux partenaires sociaux, leur donner la possibilité de négocier…

M. Jean Le Garrec. Oui !

M. le ministre de la santé et des solidarités. …et que lorsque le Gouvernement le fait, c’est de l’autoritarisme. Là vous nous demandez d’intervenir brutalement…

M. Jean Le Garrec. Pour faire respecter la loi !

M. Maxime Gremetz. C’est nécessaire, puisque la situation est bloquée !

M. le ministre de la santé et des solidarités. C’est peut-être votre méthode, mais avec Gérard Larcher, nous préférons essayer de débloquer la situation. C’est ce que nous allons faire dans les jours qui viennent et c’est ainsi que nous apporterons des réponses durables, et certainement pas médiatiques, au problème de la pénibilité au travail. C’est ce que demandent les salariés, c’est ce que vous demandez, eh bien c’est ce que nous allons faire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

conséquences du déficit d’enneigement des massifs

M. le président. La parole est à M. Martial Saddier, pour le groupe UMP.

M. Martial Saddier. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, et j’y associe l’ensemble de mes collègues parlementaires de l’Association nationale des élus de la montagne. Elle concerne le déficit d’enneigement dans les stations de ski. (Exclamations sur divers bancs.)

M. Julien Dray. Avec Sarkozy, même la neige est possible ! (Sourires.)

M. Martial Saddier. En tout premier lieu, je tiens à rassurer nos compatriotes qui ont programmé leurs vacances à la montagne pour le mois de février, car un véritable changement de temps se confirme avec des chutes de neige prévues pour la semaine prochaine. (Exclamations sur divers bancs.) Je précise que ma question concerne 4,5 millions d’habitants dans les territoires de montagne et plus de 2 millions actifs.

Néanmoins, à la différence de l’an passé, ce début de saison a été marqué par le faible enneigement de tous les massifs français et européens.

Plusieurs députés du groupe socialiste. Mais que fait le Gouvernement ? (Sourires.)

M. Martial Saddier. La situation des stations de ski est donc globalement difficile et, dans certains cas, très inquiétante. Comme tous mes collègues élus de montagne, je suis en premier lieu préoccupé par les conséquences humaines de cet hiver tardif. En effet, beaucoup de travailleurs saisonniers n’ont pas été embauchés, tandis que nombre de salariés permanents se retrouvent en chômage technique.

Les répercussions du faible enneigement s’étendent à l’ensemble de la filière de l’industrie touristique hivernale, des employés des sociétés de remontées mécaniques aux moniteurs et les guides, en passant l’hôtellerie et la restauration, les détaillants de sport et les commerçants des stations, l’industrie du ski, et bien évidemment les collectivités territoriales.

En tant que président de l’Association nationale des élus de montagne, je souhaite savoir, monsieur le ministre, quelles mesures immédiates sont envisagées,…

M. Jean Glavany. Le Gouvernement va faire neiger !

M. Martial Saddier… notamment concernant le volet humain, et prendre date pour qu’à l’issue de la saison hivernale nous puissions dresser un diagnostic et, le cas échéant, envisager des mesures d’accompagnement adaptées. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Plusieurs députés du groupe socialiste. Il va nous promettre la neige !

Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Je suis ravi du soutien enthousiaste de l’opposition !

Monsieur Saddier, en votre qualité de président de l’Association nationale des élus de montagne, vous avez mené des concertations à la fois avec Léon Bertrand, ministre du tourisme, et avec Gérard Larcher, tant sur l’attractivité de ces territoires que sur les conditions spécifiques d’exercice des activités.

Je suis heureux d’apprendre par votre bouche que les prévisions météorologiques pour la semaine prochaine seraient excellentes. (Exclamations sur divers bancs.) Le Gouvernement en est ravi, sans prendre un engagement ferme à cet égard ! (Sourires.) Nous faisons beaucoup de choses, mais dans ce domaine, nous gardons une grande modestie. Néanmoins, je suis heureux de vous l’entendre dire !

Monsieur le député, le rapport de M. Vincent Rolland, qui contient des mesures extrêmement précises sur les territoires et sur l’adaptation des contrats de travail saisonnier m’a été rendu. Cela va faire l’objet d’un rendez-vous avec vous, Léon Bertrand et Gérard Larcher.

S’agissant des difficultés immédiates, les préfets concernés ont reçu des instructions pour envisager, au cas par cas, avec les URSSAF et les directions du travail, les meilleures conditions d’adaptation à prévoir pour surmonter ce cap économique difficile. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

ouverture d’une antenne du Louvre à Abu DHAbi

M. le président. La parole est à M. Christian Kert, pour le groupe UMP.

M. Christian Kert. Ma question s’adresse à M. le ministre de la culture et de la communication.

Le Louvre, l’un des plus grands musées du monde, s’apprête à créer à Abu Dhabi un musée universel, destiné à œuvrer au dialogue entre l’Orient et l’Occident. L’accord prévoit la création d’un tel musée d’ici 2013. Il présentera des objets majeurs dans le domaine de l’archéologie, des beaux-arts et des arts décoratifs. Tous les musées français, qui le voudront, pourront y participer, même si ce futur musée ne portera que le seul nom du prestigieux Louvre.

Dans ce musée universel du XXIe, la France aura deux missions principales : prêter des œuvres en attendant que ce musée ait constitué ses propres collections et encadrer la gestion du futur musée via l’Agence internationale des musées de France.

Dans le vaste courant actuel de mondialisation, que le savoir-faire culturel français soit demandé et puisse s’exporter, paraît légitime, souhaitable même, voire flatteur. Pourtant, 1 600 professionnels du monde des musées viennent de signer une pétition intitulée « Les musées ne sont pas à vendre ». Ils fondent leur contestation sur le fait que la France recevra d’Abu Dhabi 700 millions d’euros en contrepartie de cet effort culturel que certaines expositions avaient, sous d’autres formes, déjà préfigurées.

Plus qu’en situation d’opposition, monsieur le ministre, il semble que les pétitionnaires – dont la plupart sont engagés de longue date dans la défense de la culture française à l’étranger – soient les acteurs d’un malentendu : ils ne voient dans cette œuvre de collaboration culturelle qu’une opération financière qui tendrait à banaliser de nouvelles formes de mécénat.

Assistons-nous à une nouvelle guerre des Anciens et des Modernes ? Le caractère novateur de cette formule ne doit-il pas être mieux expliqué afin d’être mieux soutenu ? D’autant que récemment la Sorbonne a créé une antenne à Abu Dhabi dans un esprit de laïcité, de mixité, de liberté qui fait honneur au pays d’accueil et doit nous renforcer dans cette idée que l’éducation et la culture peuvent faire beaucoup dans la compréhension entre les civilisations. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la culture et de la communication.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le député, pour vous, comme pour le gouvernement de Dominique de Villepin, le rayonnement culturel international de la France est un enjeu majeur. Notre pays a la chance de disposer d’un vaste patrimoine artistique et de talents humains exceptionnels – conservateurs, restaurateurs d’œuvres d’art et autres métiers qui font la fierté de notre pays.

Nous avons décidé – comme c’est d’ailleurs la vocation du ministère de la culture définie par André Malraux – de mettre les œuvres d’art à la disposition du plus grand nombre. C’est ce que nous avons fait en décidant d’implanter une antenne du Louvre à Lens et allons faire en diffusant dans l’ensemble des musées de nos régions les œuvres détenues dans les réserves des musées d’Ile-de-France.

À l’étranger, notre patrimoine est sollicité, qu’il s’agisse d’Atlanta, de Shanghai ou d’Abu Dhabi. Je vous rappelle que seulement 5 % des œuvres détenues par les musées sont exposées.

Pour autant, il n’est pas question de remettre en cause les fondements de notre politique culturelle et la gestion de nos musées. Nos œuvres d’art, propriété de tous les Français, ne sont pas à vendre.

Il n’est pas question de remettre en cause le caractère inaliénable de ce patrimoine, mais de le faire rayonner dans le monde, soit par des expositions temporaires, comme c’est déjà le cas, soit par ce projet d’implantation dans un site exceptionnel d’Abu Dhabi, dans un pays qui, par sa position au carrefour de l’Orient et de l’Occident, a vocation à barrer la route à certaines dérives ou à certaines tentations.

Grâce à l’arbitrage du Premier ministre, le produit de cette opération ne sera pas versé au budget général de l’État, mais consacré à une politique des réserves, à la restauration de nos chefs-d’œuvre et à des acquisitions supplémentaires.

Il y a les défaitistes, les pleureuses perpétuelles…

M. Lucien Degauchy. Les socialistes !

M. le ministre de la culture et de la communication. … ; et il y a ceux qui veulent valoriser le capital de notre pays : c’est le cas de la majorité et du Gouvernement, et au-delà de nos rangs, de celles et ceux qui sont passionnément attachés au rayonnement culturel de notre pays. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

prime de retour à l'emploi

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Dufau, pour le groupe socialiste.

M. Jean-Pierre Dufau. Ma question s’adresse à Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité.

À en croire le Gouvernement, la loi relative au retour à l’emploi et au développement de l’emploi était un pilier de sa politique. Il s’avère qu’il ne s’agissait que d’effets d’annonce, comme d’habitude.

Ma question porte précisément sur la prime exceptionnelle de retour à l’emploi de mille euros destinée aux « allocataires de minima sociaux qui travailleront plus de 78 heures par mois ». Quelle n’a pas été la surprise de la très grande majorité d’entre eux quand ils constatèrent qu’ils n’avaient pas droit à cette prime. Près de 80 % des bénéficiaires de l’allocation spéciale de solidarité et 90 % des RMIstes ne la touchent pas : ce sont vos propres chiffres.

M. Alain Néri. Scandaleux !

M. Jean-Pierre Dufau. N’est-ce pas édifiant ?

De plus, selon le décret n° 2005-1054 du 29 août 2005, les salariés en contrat d’avenir et en contrat d’accompagnement à l’emploi employés par les établissements publics nationaux, les collectivités territoriales et leurs établissements publics et les groupements d’intérêt public ne sont pas éligibles à cette prime. Tous sont pourtant, mêmes s’ils travaillent dans le public, titulaires d’un contrat de travail de droit privé.

Tous ces exclus du bénéfice de cette prime se considèrent à juste titre comme victimes d’une injustice, voire d’une discrimination.

En un mot, le Gouvernement a utilisé cette loi pour faire baisser artificiellement les statistiques du chômage,…

M. Alain Néri. C’est vrai !

M. Jean-Pierre Dufau. …et non pour assurer un retour à l’emploi effectif aux travailleurs concernés. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.) Comble du cynisme, vous les privez pour la plupart du bénéfice de cette prime exceptionnelle de retour à l’emploi.

Que comptez-vous faire pour lutter contre cette mesure injuste et inacceptable ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur le député, vous ne pouvez pas fonder comme vous le faites votre critique de l’application d’une loi de 2006 sur une réglementation de 2005 : que des textes datant de 2005 n’autorisent pas une disposition votée en 2006, il n’y a rien là que de très normal, monsieur Dufau.

Les dispositions par lesquelles le Premier ministre a voulu accélérer le retour à l’emploi, notamment des personnes qui en étaient le plus éloignées, ont fait l’objet d’un vote de l’Assemblée nationale en 2006 ; les décrets d’application ont été publiés le 29 septembre 2006, et ces dispositions sont entrées en application le mois suivant. S’il reste quelques cas particuliers, soyez gentils de nous les indiquer ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Maxime Gremetz. Il y en a beaucoup !

M. le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Expliquer que les titulaires de contrats créés deux ans avant cette mesure, n’aient pas de droit à en bénéficier, c’est énoncer une lapalissade.

S’agissant d’un sujet aussi sensible, il faut vraiment, monsieur Dufau, que la période actuelle vous rende quelque peu nerveux (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste) pour que vous vous départissiez ainsi de votre sagesse et de votre modération coutumières. Que vous vous permettiez d’affirmer que cette mesure visait à faire baisser le chiffre du chômage – dont l’appareil statistique n’a jamais été modifié depuis que vous l’avez mis en place – très sincèrement, je trouve que ce n’est pas à la hauteur d’un bon débat démocratique. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)

M. Lucien Degauchy. Une bonne réponse à une mauvaise question !

M. le président. On ne vous a rien demandé, monsieur Degauchy !

assurance des bénévoles

M. le président. La parole est à Mme Liliane Vaginay, pour le groupe UMP.

Mme Liliane Vaginay. Monsieur le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative, conformément au souhait exprimé par le Premier ministre d’instaurer un nouveau partenariat entre l’État et les associations, vous lanciez il y a un an la première conférence nationale de la vie associative, présidée par le Premier ministre.

La France compte plus de un million d’associations en activité ; près de treize millions de bénévoles consacrent quotidiennement du temps à l’animation désintéressée des associations, auprès de 1,6 million de salariés représentant 8 % des actifs français. C’est dire le poids économique du secteur associatif, dont la vitalité est indispensable à nos territoires.

C’est pour soutenir et favoriser le développement de cette vie associative que le Premier ministre a annoncé, à l’occasion de la conférence 25 mesures phares, fruit d’une longue concertation avec les représentants des associations. Au nombre de celles-ci figure une aide de l’État au développement de l’assurance de l’activité des dirigeants et animateurs bénévoles, dotation financée par votre ministère.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous exposer les modalités de cette prise en charge, qui sera une véritable bouffée d’oxygène pour les associations ? Plus généralement, pouvez-vous faire le point de la mise en œuvre des 25 mesures annoncées il y a un an, qui avaient pour objectif de mieux reconnaître le rôle des associations dans la vie démocratique et d’encourager le bénévolat ?

M. le président. Ce sera très difficile en une minute trente !

M. Albert Facon. Il a préparé sa réponse !

M. le président. La parole est à M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Je serai bref, monsieur le président, mais l’engagement associatif est un fait social majeur.

Vous avez rappelé, madame la députée, que plus d’un million d’associations assurait l’effectivité du lien social dans notre pays, et que le Premier ministre avait il y a un an, annoncé 25 mesures en leur faveur. Ces mesures ont trois objectifs, dont le premier est l’affirmation de leur place dans le dialogue civil. Ainsi tous les ministères doivent désormais soumettre aux associations les textes en cours de rédaction, pour recueillir leur avis. Nous voulons également favoriser la transparence des relations financières entre l’État et les associations, au travers notamment de conventions pluriannuelles d’objectifs, et par l’obligation, imposée par le Premier ministre, que 50 % de la subvention annuelle de l’État soient versés avant le 31 mars aux associations concernées.

Nous avons surtout décidé des actes très pragmatiques et très concrets en faveur des petites associations, comme le chèque-repas du bénévole, que j’ai évoqué devant vous il y a quelques jours, ou encore la prise en charge d’une partie du coût de la couverture assurance des bénévoles, qui fait l’objet de votre question, madame la députée.

Cette mesure, motivée par le fait que, comme vous le savez, de plus en plus de dirigeants bénévoles sont traînés devant les tribunaux du fait de leurs activités associatives, a concerné en 2006 250 000 bénévoles, et devrait en 2007 profiter à 500 000 d’entre eux. Les garanties couvertes sont la responsabilité civile générale, la responsabilité civile de mandataire social, la responsabilité civile de dépositaire, la défense et le recours

Comme vous le voyez, il s’agit là d’actes concrets, destinés à assurer la reconnaissance de l’engagement des bénévoles : vous conviendrez qu’ils le méritent bien. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

couverture du territoire par le haut débit

M. le président. La parole est à M. Luc Chatel, pour le groupe UMP.

M. Luc Chatel. Vous savez, monsieur le ministre délégué à l’aménagement du territoire, que l’accès au haut débit est aujourd’hui une nécessité pour l’ensemble de nos concitoyens et de nos entreprises.

Le 4 janvier, vous avez inauguré dans le Loiret le premier réseau départemental Wimax d’Europe. Cette technologie permet d’apporter le haut débit par voie radio, jusqu’à vingt kilomètres, ce qui permet notamment d’équiper en haut débit les zones trop reculées pour être éligibles à l’ADSL

En effet, bien que la couverture du territoire progresse notablement, grâce notamment aux efforts de l’État, des collectivités locales, et de différents opérateurs…

M. Christian Paul. Surtout des collectivités locales !

M. Luc Chatel. …bon nombre de petites communes rurales n’ont toujours pas accès au haut débit – je peux en témoigner pour mon département de Haute-Marne – et n’y auront sans doute jamais accès. En effet, au-delà de cinq à six kilomètres du répartiteur téléphonique, la transmission en ADSL n’est plus possible.

Vous avez ce matin, monsieur le ministre, tiré le bilan de votre action dans le domaine de la téléphonie mobile : en moins de vingt mois, plus de 1 500 communes supplémentaires ont été équipées. Vous vous êtes engagé il y a quelques mois à permettre à 100 % des communes d’accéder au haut débit. Pouvez-vous aujourd’hui nous dire de quelle manière vont s’articuler les différents dispositifs que vous avez mis en place dans ce but ? Pouvez-vous nous indiquer en particulier le calendrier de déploiement du Wimax ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire. Je vous remercie, monsieur le député, d’avoir rappelé le bilan que j’ai tiré ce matin de vingt mois d’efforts pour assurer la résorption des zones blanches en téléphonie mobile.

M. Patrick Roy. C’est en fin de mandat qu’on fait le bilan !

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. À ce jour, nous avons assuré la couverture de 1 683 des 3 000 communes encore en zones blanche : il en reste donc moins de 1 400 dans ce cas. Je profite de cette occasion pour vous annoncer que je lance aujourd’hui, conformément aux conclusions d'un rapport rendu par Patrice Martin-Lalande, un programme pour couvrir les grands axes routiers de notre pays : ceux sur lesquels circulent plus de 5 000 véhicules par jour devront bénéficier d’une couverture totale en téléphonie mobile.

En ce qui concerne le haut débit, grâce aux efforts consentis par l’opérateur historique dans le cadre des chartes « Départements innovants » conclues avec la plupart des conseils généraux – à votre initiative, cher Thierry Breton – près de 98 % des foyers français ont accès à l’Internet haut débit, contre un foyer sur deux en 2002.

M. Albert Facon. Et zéro en 1991 ! Ces comparaisons sont absurdes.

M. le ministre délégué à l’aménagement du territoire. Il reste le cas des communes les plus isolées, dont la couverture est pour nous affaire de justice et d’équité. Les deux licences Wimax, technologie par la voie radio, devraient permettre de compléter la couverture par le système optique. Il y a quinze jours, nous avons présidé au lancement d’un tel réseau par le conseil général du Loiret, et il sera étendu à la Haute-Marne au printemps. Cette technologie permettra 1,5 % de couverture supplémentaire, faisant passer la couverture totale à 99,5 % de la population française. Une enveloppe de dix millions d’euros débloqués sur le budget pour 2007 de mon ministère permettra de subventionner à hauteur de 80 % l’installation d’un relais Wifi dans les communes qui sont encore en zone blanche, les plus isolées et les plus économiquement faibles. Sachant que cet équipement coûte en moyenne 10 000 euros, cela représente une subvention de 8 000 euros pour chacune de ces communes.

Vous voyez l’esprit de justice et d’équité qui nous anime. Il nous permettra de donne les mêmes chances à tous les territoires de France. Pas un seul de nos concitoyens ne doit être laissé pour compte dans le domaine des nouvelles technologies. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire et sur divers bancs du groupe Union pour la démocratie française.)


Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de Mme Hélène Mignon.)

PRÉSIDENCE DE Mme HÉLÈNE MIGNON,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

protection juridique
des majeurs

Discussion, en première lecture,
d’un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi portant réforme de la protection juridique des majeurs (nos 3557, 3556).

Discussion des articles

Mme la présidente. J’appelle maintenant, dans le texte du Gouvernement, les articles du projet de loi.

Article 1er

Mme la présidente. Sur l’article 1er, je suis saisie d’un amendement n° 274.

La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour soutenir cet amendement.

M. Émile Blessig, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. L’amendement n° 274 est un amendement de coordination, qui appelle néanmoins quelques précisions.

Le projet de loi prévoit de substituer à l’actuel article 393 du code civil un article au contenu très différent. Afin d’éviter toute ambiguïté sur l’abrogation de la version actuelle de cet article 393, qui pourrait résulter de l’abrogation implicite prévue par le texte, le présent amendement vise à prévoir cette abrogation de manière explicite et préalable.

Mme la présidente. Monsieur le rapporteur, pouvez-vous soutenir également l’amendement n° 275, qui est de précision ?

M. Émile Blessig, rapporteur. L’amendement n° 275 est soutenu.

Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Avis favorable sur ces deux amendements.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 274.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 275.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er, modifié par les amendements adoptés.

(L’article 1er, ainsi modifié, est adopté.)

Article 2

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 2.

(L’article 2 est adopté.)

Article 3

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 3.

(L’article 3 est adopté.)

Après l’article 3

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 3, portant article additionnel après l’article 3.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir cet amendement.

M. Émile Blessig, rapporteur. L’amendement n° 3 est un amendement de précision. Nul n’étant censé ignorer la loi, il n’apparaît pas inutile d’expliciter dans le code civil les cas d’expiration de la tutelle d’un mineur, d’autant plus que le projet de loi précise les cas dans lesquels prend fin une mesure de protection juridique des majeurs.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 3.

(L’amendement est adopté.)

Article 4

Mme la présidente. Sur l’article 4, je suis saisie d’un amendement n° 4.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir cet amendement.

M. Émile Blessig, rapporteur. L’amendement n° 4 est rédactionnel.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 4.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 5.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Émile Blessig, rapporteur. L’amendement n° 5 est un amendement rédactionnel, tendant à supprimer un qualificatif inutile.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 5.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 6.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Émile Blessig, rapporteur. L’amendement n° 6 vise à préciser que le tuteur ou le subrogé tuteur ne peut être exclu, destitué ou récusé qu’après avoir été entendu par le juge.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 6.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 7.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Émile Blessig, rapporteur. La disposition actuelle du code civil conférant au juge des tutelles voix prépondérante en cas de partage des voix au sein du conseil de famille a disparu du projet de loi. La commission des lois a jugé utile et nécessaire de la rétablir.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 7.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 8.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Émile Blessig, rapporteur. L’amendement n° 8 est rédactionnel et tend à la suppression d’une ambiguïté.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 8.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 9.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Émile Blessig, rapporteur. L’amendement n° 9 a pour objet de déplacer, pour l’insérer à un endroit plus approprié du texte, une disposition commune aux mineurs et aux majeurs.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 9.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 10.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Émile Blessig, rapporteur. L’amendement n° 10 vise à élargir le champ de la mission de surveillance du subrogé tuteur d’un mineur pour couvrir la protection de la personne du mineur – cas qui ne se présente que lors d’une tutelle ouverte après le décès des deux parents.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 10.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 11.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Émile Blessig, rapporteur. L’amendement n° 11 est un amendement de cohérence.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 11.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 12, faisant l’objet d’un sous-amendement n° 427.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 12.

M. Émile Blessig, rapporteur. L’amendement n° 12 est un amendement de précision, portant sur le régime de la responsabilité des organes tutélaires des mineurs. Bien que la commission des lois ne soit pas prononcée sur le sous-amendement n° 427, j’exprimerai, si M. Vidalies le permet, mon sentiment personnel.

Je ne suis pas insensible à la logique qui sous-tend ce sous-amendement. En effet, le projet de loi confie au procureur certaines responsabilités nouvelles en matière de tutelle et il ne serait pas inconcevable de lui appliquer le régime de responsabilité pour faute simple prévu pour la tutelle. Dès lors que s’applique au procureur un régime de responsabilité pour faute simple, il convient de faire de même pour les mineurs.

Je souhaite néanmoins entendre la position du Gouvernement sur la question avant de me prononcer définitivement.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vidalies, pour soutenir le sous-amendement n° 427.

M. Alain Vidalies. Le projet de loi, qui prévoit la responsabilité des organes chargés de la tutelle, omet de viser le procureur de la République. Si cette omission était parfaitement compréhensible dans l’ancien dispositif, où le parquet n’avait pas de pouvoir propre, elle ne l’est plus pour le texte que nous examinons, dont une des lignes de force est précisément de donner au procureur de la République un rôle très important du fait de la suppression de l’autosaisine du juge des tutelles.

En matière de tutelle, la responsabilité obéit traditionnellement à un système dérogatoire. Si, en effet, la responsabilité des services de l’État n’est ordinairement engagée qu’en cas de faute lourde, elle peut l’être pour une faute simple dans le cas des tutelles, considérées comme une matière sensible. Si donc nous omettons de citer le procureur de la République, tous les maillons de la chaîne de décision, du greffier au juge, pourront engager la responsabilité de l’État pour une faute simple, alors que seul le procureur de la République l’engagera pour faute lourde. Il serait plus cohérent, comme le souligne le rapporteur, d’appliquer le même régime de responsabilité à tous les organes concernés par les tutelles, y compris au parquet.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 12 et le sous-amendement n° 427 ?

M. le garde des sceaux. L’amendement n° 12 clarifie bien les règles applicables aux mineurs et aux majeurs et supprime tout renvoi entre elles. Je souscris pleinement à la démarche de la commission des lois, qui poursuit la logique de la réforme en supprimant ce renvoi et en inscrivant dans les dispositions relatives à la protection des mineurs le régime applicable de responsabilité des organes tutélaires.

Il n’en va pas de même, monsieur Vidalies, du sous-amendement n° 427. On ne peut, en effet, appliquer le même régime de responsabilité au juge qui ordonne et prend des décisions et au procureur dont le rôle est, selon un choix d’opportunité, d’ouvrir une tutelle ou de ne pas l’ouvrir. Ce n’est pas la même chose et la responsabilité de l’État ne pourrait être engagée par le parquet qu’en cas de faute lourde. On ne peut, en effet, assimiler la responsabilité du procureur et celle du greffier ou du juge, qui prennent des décisions concrètes et lourdes de conséquences.

Avis défavorable, donc, au sous-amendement n° 427 et favorable à l’amendement n° 12.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Si l’on suivait votre raisonnement, monsieur le ministre, le vote de ce texte se traduirait par une moindre protection des victimes éventuelles d’un dysfonctionnement de la justice. En effet, alors qu’une faute simple engage la responsabilité du juge des tutelles, auquel incombent des décisions, et ouvre des droits pour la victime, vous refusez d’appliquer au procureur de la République le même régime de responsabilité alors que vous lui confiez de nouvelles tâches.

Il s’agit là d’une régression, qui n’est pas cohérente avec l’ensemble du texte. Le sous-amendement n° 427 nous paraît important et c’est à très juste titre que M. le rapporteur l’a soutenu.

Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. le garde des sceaux. Je souhaiterais pouvoir vous convaincre, monsieur Vidalies ! La mesure proposée par votre sous-amendement consacrerait le dévoiement de la situation actuelle. Avec la réforme proposée, ce n’est pas le juge qui s’autosaisit, mais le procureur qui ouvre une tutelle – ou ne l’ouvre pas, en se fondant sur un critère d’opportunité. Appliquer au procureur le même régime de responsabilité ne ferait donc que conforter l’abus de la situation actuelle.

Nous sommes donc en profond désaccord et vous ne m’emmènerez pas sur votre terrain, car nous voulons précisément corriger le dévoiement actuel.

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 427.

(Le sous-amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 12.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 13.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Émile Blessig, rapporteur. L’amendement n° 13 vise à préciser que le point de départ de la prescription quinquennale est toujours la fin de la mesure de tutelle, même lorsque le tuteur a continué sa gestion au-delà de la majorité de l’intéressé. Ce sont ainsi les règles de prescription du droit commun de la responsabilité, plus favorables aux mineurs, qui s’appliqueront dans ce cas.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 13.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 292.

Mme la présidente. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour le soutenir.

M. Maxime Gremetz. L’amendement n° 292 touche à une question importante. L’article 413 du code civil, tel qu’il est rédigé, n’envisage que deux événements susceptibles de faire courir la prescription quinquennale de l’action en responsabilité contre l’organe tutélaire : la majorité de l’intéressé ou la fin de la mesure de protection. Le texte n’envisage donc pas la situation où il ne s’agirait pas de la fin de la mesure de tutelle, mais d’un changement de tuteur. Il faudrait donc également envisager de faire courir le délai de prescription quinquennale de l’action en responsabilité contre le tuteur dès lors que ce dernier cesse d’exercer cette fonction par suite d’un changement de tuteur, et non de la fin de la tutelle. Il s’agit là d’un complément, ou plutôt d’un enrichissement…

Pourquoi souriez-vous, monsieur le ministre ? Ce que je dis ne paraît peut-être pas important au juriste éminent que vous êtes...

M. le garde des sceaux. Monsieur Gremetz, vous n’allez tout de même pas faire une scène dès maintenant ! Nous voulons travailler !

M. Maxime Gremetz. Vous souriez, comme pour dire que je n’y connais rien ! Laissez-nous travailler dans le calme et la tranquillité comme nous avons pu le faire en commission !

M. le garde des sceaux. Vous interprétez les regards !

M. Émile Blessig, rapporteur. L’amendement de M. Gremetz a été rejeté par la commission des lois parce qu’il entre en contradiction avec l’alinéa 52 de l’article 4. En outre, il introduirait une confusion dans les délais applicables.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. J’observe que M. Vidalies a proposé un sous-amendement visant à alourdir la responsabilité des organes tutélaires, et que l’amendement de M. Gremetz va strictement dans le sens inverse puisqu’il réduit la prescription, et donc la responsabilité. Nous, nous pensons qu’il faut s’en tenir à un juste milieu. C’est pourquoi j’ai refusé le sous-amendement de M. Vidalies et que j’émets un avis défavorable à l’amendement de M. Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Position centriste !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 292.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 4, modifié par les amendements adoptés.

(L’article 4, ainsi modifié, est adopté.)

Article 5

Mme la présidente. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 5.

La parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko. Je voudrais appeler l’attention de l’Assemblée sur le fait que cet article précise plusieurs données très importantes concernant les mesures de protection des majeurs. Nous présenterons notamment des amendements visant à préciser qui peut lancer une action en nullité.

En outre, le texte proposé pour l’article 415 du code civil, que nous voterons bien évidemment, est important parce qu’il réaffirme que les majeurs protégés sont bien des majeurs, c’est-à-dire des personnes civilement responsables qui ne perdent une partie de leur responsabilité que sur certains points. Le respect des libertés individuelles, les droits fondamentaux et la dignité de la personne sont réaffirmés.

Nous sommes ici au cœur de la définition et des principes dont nous parlions hier soir. Je tiens donc à attirer l’attention de mes collègues sur l’importance de certaines dispositions, en particulier concernant le droit au logement. Nous devons reconnaître au majeur protégé un ensemble de droits qui, même s’ils sont soumis au regard ou à l’appréciation, voire au jugement du tuteur ou du curateur, relèvent néanmoins de sa propre volonté.

Mme la présidente. La parole est à M. Sébastien Huyghe.

M. Sébastien Huyghe. La rédaction du futur article 420 du code civil prévue à l’alinéa 36 de l’article 5 a fait s’interroger la commission des lois. L’alinéa dispose en effet que « les mandataires judiciaires à la protection des majeurs ne peuvent, à quelque titre et sous quelque forme que ce soit, percevoir aucune autre somme ou bénéficier d’aucun avantage financier en relation directe ou indirecte avec les missions dont ils ont la charge ». Mais quand les mandataires judiciaires à la protection des majeurs sont des associations, il me semble que cet article interdira au conseil général d’octroyer des subventions à ces associations, voire interdira la mise à disposition de locaux. Cet article est donc trop strict et il faudrait l’amender. J’aimerais que, à l’occasion du débat, le ministre puisse nous éclairer.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Laurent Wauquiez, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. La commission des affaires sociales avait déposé un amendement, qui a été déclaré irrecevable par la commission des finances, mais le problème de la durée globale de la mesure d’assistance judiciaire, la MAJ, me paraît important.

Le Gouvernement nous propose, et c’est tout l’équilibre du projet de loi, une séparation entre, d’une part, le traitement des personnes qui n’ont pas d’altération de leurs facultés mentales, et, d’autre part, celui des personnes dont les facultés mentales sont altérées. En ce dernier cas, la première mesure à s’appliquer sera la mesure d’accompagnement social personnalisé, qui ne pourra courir que sur une période de quatre années, ce qui est parfaitement compréhensible. À l’issue de cette période, le président du conseil général, en fonction des résultats, aura le choix entre deux options : soit il renoncera à toute mesure parce que des résultats auront été obtenus et qu’une démarche de réinsertion aura été faite ; soit il décidera de saisir le procureur de la République pour obtenir le prononcé d’une mesure d’assistance judiciaire, celle-ci étant limitée à quatre ans.

Or nous savons tous qu’une partie des personnes qui sont aujourd’hui traitées par le biais des dispositifs de tutelle ou de curatelle, même au bout de huit ans, n’aura pas réussi à entamer une démarche d’insertion et de bonne gestion de ses revenus. Au bout de ces huit ans, tel qu’est rédigé le projet de loi, on sera dans une impasse puisqu’il n’y a plus aucun dispositif de suivi. Actuellement, la personne concernée peut continuer à être traitée par le biais des dispositifs de tutelle/curatelle, alors que, demain, avec la limitation de la durée de la MAJ, on se demandera, dès lors qu’il n’y aura pas d’altération des facultés mentales, comment encadrer le régime de sortie et continuer à suivre dans le temps la personne qui aura de vraies difficultés d’insertion. C’est pourquoi la commission des affaires sociales avait soutenu un amendement consistant à supprimer la limitation de la durée de la MAJ. Je ne vois pas d’autre possibilité de sortir de ce problème, sauf à ce que, monsieur le ministre, vous nous apportiez des éclaircissements nouveaux à ce sujet.

Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. le garde des sceaux. Monsieur Huyghe, s’agissant de la possibilité pour les conseils généraux de donner une subvention aux mandataires judiciaires, je vous indique que, dans la seconde partie du débat, mon collègue Philippe Bas précisera les conditions de financement de ces mandataires. Ce sera encadré et, en plus, le financement de cette nouvelle profession créée par le texte sera loin d’être ridicule. Je ne vois donc absolument pas de raison pour les conseils généraux de subventionner un métier qui sera parfaitement bien rétribué.

Monsieur Wauquiez, je n’ai pas saisi votre problématique. Ou bien les mesures sociales ont donné des résultats, et alors tout rentre dans l’ordre ; ou bien elles ne donnent pas de résultat, et alors le juge est saisi et si, après quatre nouvelles années, la personne considérée n’est toujours pas capable de gérer, la procédure se poursuivra. Mais il faut modifier le système actuel, dans lequel vous avez des gens qui sont enfermés dans un dispositif de tutelle ou de curatelle et, vous le savez bien, sans possibilité de marche arrière. Dans notre projet, une marche arrière sera possible, mais ça ne veut pas dire qu’on s’en servira systématiquement ; c’est au cas où. J’ai le sentiment que vous compliquez le texte plus qu’il ne l’est.

M. Laurent Wauquiez, rapporteur pour avis. Non, je ne crois pas.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Laurent Wauquiez, rapporteur pour avis. Peut-être n’ai-je pas été suffisamment clair. Il faut être très lucide : nous savons tous qu’il y a aujourd’hui, parmi les personnes qui ont de véritables difficultés d’insertion sociale et ne parviennent pas à gérer leur budget, certaines qu’on arrivera pas, malgré tous les efforts que l’on pourra consentir, à faire recouvrer une autonomie leur permettant de gérer toutes seules leur budget, que ce soit au bout de quatre ans, de huit ans ou de douze ans. Pour autant, leurs facultés mentales ne sont pas altérées, mais ce sont tout de même des personnes en situation d’exclusion ou de grande difficulté sociale.

M. le garde des sceaux. C’est du social, et ça restera du social !

M. Laurent Wauquiez, rapporteur pour avis. Tout à fait, monsieur le ministre, c’est du social. Mais nous nous sommes défaussés sur des mesures de tutelle et de curatelle parce que c’était le seul dispositif qui permettait d’avoir une gestion contraignante des budgets, pour aider ces publics en difficulté. Or ce qui me gêne, c’est qu’en supprimant la possibilité de les traiter dans la durée, en plafonnant à quatre ans la durée de chaque mesure, on n’aura plus aucun dispositif permettant de gérer de façon un tant soit peu contraignante, c’est-à-dire un minimum efficace, leur budget. Aucune mesure ne pourra être prise pour qu’ils ne dépensent pas de manière inconsidérée les minima sociaux nécessaires à la satisfaction de leurs besoins élémentaires. On a bien un problème de grande ampleur,…

M. Maxime Gremetz. Tout à fait !

M. Laurent Wauquiez, rapporteur pour avis. …que connaissent les acteurs de terrain dans le domaine social, sur lequel la commission des affaires sociales est extrêmement sensibilisée, et qui constitue un des rares points faibles du projet de loi.

M. le garde des sceaux. Mais non !

M. Laurent Wauquiez, rapporteur pour avis. Vous n’avez, monsieur le ministre, aucun dispositif contraignant, à la sortie de la MAJ, susceptible de soutenir la personne dans la gestion de ses revenus. Et quand vous me répondez que c’est du social, je vous rétorque que non, parce qu’il n’y a pas de dispositif en droit social qui permette de gérer avec un minimum de contraintes la gestion de ses revenus et leur bonne affectation pour assurer le minimum vital à cette personne. On ne peut donc pas traiter ce problème en limitant la durée de la MAJ à quatre ans.

Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. le garde des sceaux. Monsieur le rapporteur pour avis, je ne suis toujours pas d’accord, même après votre deuxième intervention.

M. Maxime Gremetz. M. Wauquiez a raison !

M. le garde des sceaux. Mais non, il n’a pas raison ! La situation antérieure était la suivante : les unions départementales des associations familiales déclenchaient systématiquement le processus de tutelle ou de curatelle à partir du moment où les gens, depuis des années, n’arrivaient pas à gérer leur budget, et, soyons francs, un double financement de l’État tombait ainsi dans l’escarcelle des UDAF. C’était un réflexe corporatiste, et ça marchait à tous les coups. Dorénavant on se demandera si, oui ou non, la personne souffre d’une altération de ses facultés mentales. Si la réponse est « non », je répète que cette personne relèvera du social. Et si jamais on veut saisir le juge des tutelles, ce ne sera plus possible de le faire directement : il faudra passer par le procureur de la République, qui jugera en opportunité et sur pièces si cette personne a ou non des facultés mentales altérées. Si elles le sont, un certificat médical devra le prouver ; sinon, le procureur déclarera que le cas ne relève pas du judiciaire. Vous avez encore, monsieur le rapporteur pour avis, le réflexe judiciaire. Tout l’esprit de cette loi est de déjudiciariser le problème, hormis quelques cas qui se compteront en milliers et non plus en centaines de milliers. Voilà l’objet du texte. Il n’y a pas d’ambiguïté. Votre question ne répond pas à l’esprit nouveau que nous sommes en train de créer avec ce texte. C’est l’ancien esprit de la législation que vous êtes en train de décrire,…

M. Laurent Wauquiez, rapporteur pour avis. Non, pas du tout.

M. le garde des sceaux. …ce n’est pas le nouveau.

Mme la présidente. La parole est à M. Sébastien Huyghe.

M. Sébastien Huyghe. Monsieur le ministre, dans la réponse que vous m’avez faite, vous avez parlé d’une « nouvelle profession », en sous-entendant les personnes physiques qui seraient désignées mandataires judiciaires ; mais ma question portait sur les associations. Les conseils généraux ou d’autres collectivités locales peuvent être amenés à leur verser, sous diverses formes, des subventions – par exemple, sous la forme d’une mise à disposition d’un local, à titre permanent ou temporaire, pour leurs permanences. Ainsi, le conseil général du Nord octroie une subvention à certaines associations du fait du surcoût lié au placement de personnes en Belgique – puisque nous manquons d’établissements dans ce département. Or selon le nouvel article 420, ce type de subvention ne sera plus possible. Voilà quel est le problème.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Monsieur le ministre, nous sommes sensibles au raisonnement qui a été développé par le rapporteur pour avis. Certes, il y a une logique dans le texte, sauf qu’à un moment donné, au bout de huit ans, on arriverait à une situation où il n’y aurait aucune solution.

M. Laurent Wauquiez, rapporteur pour avis. Exactement !

M. Alain Vidalies. Vous dites que ça ne relèvera plus du judiciaire, mais les gens seront toujours là !

Le parcours est interrompu, ce qui n’est pas cohérent avec l’esprit du texte. J’ajoute que les amendements déposés sur le sujet ont été frappés d’irrecevabilité financière, en application de l’article 40 de la Constitution. Cependant, si le Gouvernement répondait aux arguments développés, nous soutiendrions la mesure envisagée.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Laurent Wauquiez, rapporteur pour avis. J’ai bien compris, monsieur le garde des sceaux, l’esprit de la loi et notamment la distinction entre, d’une part, les mesures judiciaires, qui relèvent de l’altération des facultés mentales – tutelle et curatelle –, et, d’autre part, le suivi social.

Reste un problème : les mesures de traitement social proposées sont juridiquement contraignantes pour ce qui concerne l’assistance à la gestion du budget de la personne en difficulté. Ce sont des outils particulièrement précieux, dont nous ne disposons pas dans le droit social ordinaire. Mais qu’en adviendra-t-il au terme de la MASP ou de la MAJ, au bout de huit ans ? Si nous retombons dans le champ du droit social ordinaire, le dispositif d’aide à la gestion du budget ne sera plus applicable. Certes, le sujet relève davantage de la compétence de votre collègue Philippe Bas, mais le problème demeure : au bout de huit ans, il n’y aura plus d’outil de suivi social comportant une aide à la gestion budgétaire.

En cas d’échec au terme d’une mesure d’assistance judiciaire, peut-on revenir à une mesure d’accompagnement social personnalisé ?

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Telle est bien la question.

Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. le garde des sceaux. N’anticipons pas sur la discussion d’amendements à venir.

Mme la présidente. L’amendement sur ce sujet, monsieur le garde des sceaux, a été rejeté au titre de l’irrecevabilité financière.

M. Laurent Wauquiez, rapporteur pour avis. En effet ! Quelle est donc votre réponse, monsieur le garde des sceaux ?

M. le garde des sceaux. Je me suis exprimé.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Émile Blessig, rapporteur. La réponse, ce me semble, se trouve dans le projet de loi qui propose la rédaction suivante de l’article L. 271-1 du code civil : « Toute personne majeure dont la santé ou la sécurité est menacée par les difficultés qu’elle éprouve à gérer ses ressources peut bénéficier d’une mesure d’accompagnement social personnalisé qui comporte une aide à la gestion des prestations sociales et un accompagnement social individualisé. »

Cela ne signifie pas que si, au terme de la MAJ, la personne concernée est toujours en situation de difficulté, on ne puisse pas reprendre une mesure d’accompagnement social personnalisé.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Il faudrait le préciser explicitement dans le texte !

M. Maxime Gremetz. En effet !

M. Émile Blessig, rapporteur. Le projet de loi n’interdit pas, me semble-t-il, cette possibilité : on dispose donc d’un outil.

Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. le garde des sceaux. On fait un procès d’intention aux départements.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Mais non !

M. le garde des sceaux. Connaissez-vous un seul département qui abandonnerait une personne bénéficiant d’une mesure d’accompagnement social au terme de celle-ci ? C’est tout à fait exclu ! Au bout de quatre ans, quelle que soit la situation – sauf altération des facultés mentales –, le département trouvera évidemment une mesure appropriée parmi les nombreux dispositifs créés. En aucun cas les conseils généraux ne laisseront tomber – passez-moi l’expression – la personne qui se sera tournée vers eux.

L’affaire tombe tellement sous le sens que le Gouvernement n’a pas même songé à la traiter dans le projet de loi. Pourquoi donc en faire un problème ? Il est évident qu’aucun département ne refusera de s’occuper des personnes concernées.

Mme la présidente. Le débat me paraît suffisamment important pour que je redonne la parole à ceux qui le souhaitent.

M. le garde des sceaux. Il est limpide !

Mme la présidente. Non, monsieur le garde des sceaux, et je comprends le souci exprimé par ceux qui connaissent le terrain et le fonctionnement des conseils généraux : vous ne les ignorez d’ailleurs pas non plus.

La parole est à Mme Chantal Robin-Rodrigo.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Je ne veux pas vous froisser, monsieur le garde des sceaux, mais seulement vous sensibiliser aux difficultés que nous rencontrerions au bout de quatre ou huit ans, s’il n’y avait plus de mesure possible.

Je rappelle que la MAJ requiert une convention passée avec le conseil général. Que se passera-t-il si, au bout de huit ans, la personne concernée n’est toujours pas à même de gérer son budget ? S’il n’existe plus aucune contrainte, elle risque de ne plus payer son loyer ni ses factures d’électricité, et de se retrouver à la rue, ce que nous voulons à tout prix éviter.

M. Patrick Delnatte. On peut reprendre la MASP !

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Ne peut-on préciser dans le texte que la MASP est renouvelable en cas de besoin ? Cette précision mettrait tout le monde d’accord.

Mme la présidente. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Ne faites pas comme si nous nous entêtions, monsieur le garde des sceaux : c’est vous qui vous entêtez ! Vous affirmez qu’il n’y a pas de problème. Pourquoi alors refuser d’ajouter au texte la précision sur laquelle nous sommes tous d’accord, comme vient de le rappeler Mme Robin-Rodrigo ? C’est plutôt à nous de vous poser la question : qu’est-ce qui vous pose problème ? Si vous acceptiez d’apporter cette nécessaire précision au texte, nous n’aurions pas ce débat et nous préviendrions bien des difficultés. À défaut, les conseils généraux téléphoneront à votre ministère pour savoir comment faire. Peut-être n’y serez-vous plus, mais le ministère devra bien répondre ! Faites preuve d’un peu de sagesse.

Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. le garde des sceaux. Si une personne fait l’objet d’une MAJ, c’est que les travailleurs sociaux ont jugé nécessaire de prévoir pour elle une mesure de coercition. De deux choses l’une. Si, au bout de quatre ans, la personne bénéficiant d’une MAJ voit ses facultés mentales altérées, elle est orientée vers une tutelle ou une curatelle. Seconde hypothèse : les facultés de cette personne ne sont pas altérées, mais elle n’a fait aucun progrès en dépit de la coercition inhérente à la mesure d’assistance dont elle a fait l’objet. En ce cas elle retournera dans le système d’accompagnement social :…

M. Patrick Delnatte. Et voilà : on renouvelle la MASP !

M. le garde des sceaux. …les conseils généraux ne pourront pas abandonner une personne dont ils se sont toujours occupés.

Pourquoi faire un problème de cette évidence absolue ? La disposition vraiment nouvelle, c’est la MAJ. Cette mesure, d’une durée de quatre ans, est coercitive car les travailleurs sociaux ne trouvaient pas de solution : si, au terme de ce délai, les difficultés subsistent, c’est le système antérieur qui s’applique. Dans le cas contraire, la personne reste dans ce système coercitif décidé par le juge, parce qu’elle s’y trouve bien.

J’espère avoir été plus clair que tout à l’heure.

Mme la présidente. Nous en venons à l’examen des amendements à l’article 5.

Je suis saisie d’un amendement n° 340.

La parole est à M. Émile Blessig, pour le soutenir.

M. Émile Blessig, rapporteur. L’amendement est rédactionnel.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 340.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 353.

La parole est à M. Claude Leteurtre, pour le soutenir.

M. Claude Leteurtre. Chacun d’entre nous connaît le poids des mots : j’en ai parlé lors de la discussion générale. Beaucoup d’associations ont ainsi exprimé le souhait que l’on parle de personnes « inaptes » plutôt que de personnes « incapables ». Il ne s’agit pas seulement d’une question de sémantique… Certes, de telles modifications posent problème car les occurrences dans le corpus juridique sont nombreuses. Mais lors de l’examen de la loi concernant l’accès à la citoyenneté des personnes handicapées ou de celle relative à l’accueil et à la protection de l’enfance, on a vu que les mots étaient symboliques et pouvaient parfois avoir des connotations péjoratives.

Mon amendement vise donc à remplacer dans l’alinéa 6 de l’article les mots : « capable d’exercer » par les mots : « apte à exercer ». Ces termes n’ont pas la même connotation.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Émile Blessig, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement.

Le terme : « capable » ne soulève pas de difficulté, contrairement au terme : « incapable », qui doit en effet être proscrit. Chacun est sensible au poids des mots, mais il faut préserver certains usages dans la réflexion. En l’occurrence, la commission a estimé que les termes employés ne posaient pas de problème majeur.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Tout le monde comprend le but de cet amendement. Il reste que le terme : « capable » a un sens juridique précis, alors que le terme : « apte » n’a qu’un sens psychologique. Je suis donc défavorable, monsieur Leteurtre, à votre amendement.

Je vous approuve en revanche sur l’usage du mot : « incapable », qu’il faut en effet proscrire, comme l’a indiqué le rapporteur. Je vous invite à retirer votre amendement au bénéfice de notre engagement à relire avec attention l’ensemble du texte, afin de s’assurer que ne figure plus nulle part le terme : « incapable ».

Mme la présidente. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. En commission, nous avions décidé qu’il fallait proscrire le terme d’« incapable », en raison de tout ce qu’il évoque, notamment sur le plan psychologique. Pourquoi donc continuer à utiliser le terme : « capable » ? C’est une affaire de bon sens, et je rejoins tout à fait M. Leteurtre. S’il y a des personnes « capables », cela sous-entend qu’il en est d’« incapables ». Il faut supprimer du texte les deux mots : il y va de la façon dont nous désignons des citoyens, des gens qui ont droit au respect.

Mme la présidente. M. le garde des sceaux s’est engagé à supprimer le mot : « incapable » dans le projet de loi. Retirez-vous donc votre amendement, monsieur Leteurtre ?

M. Claude Leteurtre. Je prends acte de l’engagement positif de M. le garde des sceaux, mais si l’on préfère le mot : « inapte » au mot : « incapable », la cohérence veut que l’on parle d’« aptitude », et non de « capacité ».

M. le garde des sceaux. Ce n’est pas la même chose en droit !

M. Claude Leteurtre. Je maintiens donc mon amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Émile Blessig.

M. Émile Blessig, rapporteur. Si chacun est d’accord pour supprimer le mot : « incapable », le mot : « capable » a un sens juridique précis, connu de tous. La substitution que vous proposez avec de louables intentions pourrait être source de confusion dans la lecture du texte. Évitons ce genre de problèmes.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 353.

(L’amendement n’est pas adopté.)

(M. Éric Raoult remplace Mme Hélène Mignon au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT,
vice-président

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 428.

La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.

M. Alain Vidalies. L’amendement vise à préciser l’alinéa 10, qui est ainsi rédigé : « De son vivant, l’action en nullité n’appartient qu’à l’intéressé. »

L’article 489 du code civil est plus clair et précis, qui dispose : « Du vivant de l’individu, l’action en nullité ne peut être exercée que par lui, ou par son tuteur ou curateur, s’il lui en a été ensuite nommé un. »

On ne peut imaginer disposition plus restrictive. Afin d’adapter celle-ci au projet de loi, l’amendement propose que l’action en nullité puisse être exercée non seulement par l’intéressé, mais aussi par son tuteur, son curateur ou le mandataire spécial en application des dispositions de l’article 437.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?


M. Émile Blessig
,
rapporteur. L’avis de la commission est défavorable. Le régime de responsabilité pour insanité d’esprit s’applique en effet indépendamment de toute mesure de protection.

Lorsqu’une mesure de protection est ouverte, ce sont les dispositions spécifiques prévues aux article 465 et 437 du code civil qui s’appliquent. Inscrire ces dispositions dans le régime général d’irresponsabilité pour insanité d’esprit apporterait plus de confusion que de clarté.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Même avis.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Laurent Wauquiez, rapporteur pour avis. J’ai une petite demande d’éclaircissement sur l’articulation avec l’article 489 du code civil, qui détermine le dispositif permettant de protéger le majeur des escroqueries ou autres scandales par l’action en nullité.

Une parole du garde des sceaux suffira à nous assurer que nous restons dans l’esprit de l’article 489, qui permet expressément au tuteur et au curateur d’exercer cette action en nullité.

M. le garde des sceaux. La réponse est oui.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. J’ai bien noté la réponse du garde des sceaux sur le maintien de l’action en nullité telle qu’elle est établie par l’article 489 du code civil. Je lui en donne acte et, dans ces conditions, retire mon amendement.

M. le président. L’amendement n° 428 est retiré.

Je suis saisi d'un amendement n° 14.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Émile Blessig, rapporteur. Cet amendement soumet le dessaisissement et la radiation des personnes chargées de la protection à leur audition préalable par le juge.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 14.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 15.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Émile Blessig, rapporteur. L’amendement déplace un alinéa pour clarifier le texte.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 15.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 304 rectifié de M. Gremetz et 354 de M. Leteurtre tombent.

Je suis saisi d'un amendement n° 16 rectifié.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Émile Blessig, rapporteur. C’est un amendement de précision, qui indique que le versement d’une indemnité à la personne chargée de la protection peut être justifiée par la difficulté d’assurer non seulement la gestion du patrimoine du majeur mais aussi la protection de sa personne. Les deux cas doivent être visés.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 16 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 17.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Émile Blessig, rapporteur. C’est un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 17.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 293 et 432.

La parole est à M. Maxime Gremetz, pour soutenir l’amendement n° 293.

M. Maxime Gremetz. L’article tel qu’il est rédigé pose une interdiction absolue pour tout mandataire de percevoir des avantages, quelle que soit leur forme, dès lors qu’ils ont un lien, direct ou non, avec les missions dont il a charge. Or, de nombreuses associations perçoivent certains avantages financiers ou en nature : subventions, mise à disposition de matériel informatique ou de locaux.

Selon notre lecture – mais le ministre nous corrigera peut-être –, l’article 5 remet en cause ces avantages, alors qu’ils permettent d’améliorer le financement des services de tutelle et profitent donc indirectement aux majeurs protégés.

Par ailleurs, les associations tutélaires perçoivent des cotisations, qui entrent dans la catégorie des avantages financiers, directs ou indirects, que prohibe le projet d’article.

Enfin, d’autres associations gèrent plusieurs services : soutien aux tuteurs familiaux, service de rétablissement personnel et, à côté de leur activité de mandataire, protection juridique des majeurs. La prohibition des avantages financiers indirects empêcherait la poursuite de ces activités par une même personne morale. Il convient donc de substituer à cette interdiction une obligation de transparence totale. Tel est le sens de notre amendement.

M. le président. La parole est à M. Sébastien Huyghe, pour le soutenir l’amendement n° 432.

M. Sébastien Huyghe. Nous avons abordé avant la discussion de l’article 5 la question de l’interdiction générale et absolue que prévoit le texte de toutes les subventions, qu’elles soient directes ou indirectes. Je vous renvoie donc à mon intervention liminaire.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Émile Blessig, rapporteur. Un des objectifs de ce texte est d’apporter clarification et transparence, notamment pour ce qui concerne les procédures financières et les procédures de contrôle. Par conséquent, cet amendement, qui donne au mandataire judiciaire une possibilité assez large de percevoir des avantages financiers en complément de rémunération, va à l’encontre de l’esprit même d’un projet de loi qui entend préciser les conditions de rémunération applicables à la protection des majeurs.

J’entends bien qu’il peut y avoir des problèmes au niveau des associations, mais l’amendement vise les mandataires judiciaires et, en l’espèce, il va à l’encontre de notre souci de clarification et de transparence. C’est la raison pour laquelle la commission des lois s’est opposée à cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Je voudrais à la fois vous rassurer et expliquer de nouveau ce que j’ai déjà dit à M. Huyghe et qui vaut pour M. Gremetz.

La nouveauté introduite par ce texte réside dans l’instauration d’une rémunération, établie par le Gouvernement et applicable à cette nouvelle profession de mandataires judiciaires, lesquels en tireront des revenus fort convenables. Il en ira de même pour les associations agissant comme mandataires judiciaires et qui, comme les personnes privées, auront droit à une rétribution honorable.

Si les conseils généraux considèrent, cela étant, que les associations ont besoin de davantage, ils pourront toujours leur allouer des subventions, à condition toutefois de ne pas affecter leurs crédits au financement du dispositif de protection en tant que tel. Le texte ne prévoit pas la possibilité pour le département de verser aux associations des compléments d’honoraires, sans les empêcher pour autant de financer leurs autres missions sociales, ce que les conseils généraux ont traditionnellement vocation à faire.

M. le président. La parole est à M. Sébastien Huyghe.

M. Sébastien Huyghe. L’interdiction est quand même générale et absolue, qu’il s’agisse d’avantages directs ou indirects. Si toutefois vous m’assurez que cela ne posera pas de problème, je suis prêt à retirer mon amendement.

M. le garde des sceaux. L’interdiction ne s’applique qu’à ce qui constitue un complément de rémunération.

M. Sébastien Huyghe. Je retire donc mon amendement.

M. le président. L’amendement n° 432 est retiré.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Si l’on supprimait les termes « directs ou indirects », je pourrais retirer mon amendement. Mais vous avez beau dire qu’il n’y aura pas de dommage pour les associations et pour leur financement, tel quel, l’article leur interdit toute subvention publique. Or personne ne conteste que les associations doivent être aidées. Pouvez-vous donc m’assurer que la collectivité qui soutient financièrement une association ou cette dernière ne seront pas dans l’illégalité aux termes de l’alinéa 36 de cet article ?

M. le président. La parole est à M. Patrick Delnatte.

M. Patrick Delnatte. Les nouvelles bases financières établies pour le calcul de la prestation impliquent que l’on procède à un bilan financier avant toute autre recherche de financement.

S’il apparaît que ces nouvelles bases permettent d’assurer le fonctionnement des associations, le conseil général pourra se retirer sans problème ; si elles ne suffisent pas, rien ne l’empêche d’apporter une subvention globale. Dans ce cadre là, cela ne pose aucune difficulté.

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Je voudrais apporter un complément à ce que vient de dire excellemment Patrick Delnatte.

Il y a une association, une mission, un financement. Dans la mesure où le financement de la mission est assuré par le dispositif de la nouvelle loi, le texte prévoit explicitement que cette mission ne peut se voir allouer aucune autre subvention.

Pour ce qui concerne l’association en revanche, elle peut être aidée financièrement par la collectivité territoriale ou le conseil général – dont c’est la vocation – pour toute autre mission qu’elle exerce ou au titre de son activité globale et de son fonctionnement général.

Toute modification du texte altérerait sa clarté. Ce qui vient d’être dit répond aux interrogations légitimes des uns ou des autres, et il me semble que M. Gremetz peut retirer son amendement.

M. Maxime Gremetz. Monsieur le ministre, confirmez-vous ce qui vient d’être dit ?

M. le garde des sceaux. Oui, et je l’avais moi-même déjà dit.

M. Maxime Gremetz. Mieux vaut deux fois qu’une. Compte tenu des engagements pris, je retire mon amendement.

M. le président. L’amendement n° 293 est retiré.

Je suis saisi d'un amendement n° 18.

La parole est à M. Émile Blessig, pour le soutenir.

M. Émile Blessig, rapporteur. Cet amendement interdit aux mandataires judiciaires à la protection des majeurs la possibilité de délivrer un mandat à un généalogiste pour rechercher les héritiers du majeur protégé.

Cette disposition correspond aux engagements pris par le Gouvernement lors de l’examen de la réforme des successions.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Très favorable !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 18.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 429.

La parole est à Mme Chantal Robin-Rodrigo, pour le soutenir.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Cet amendement concerne la responsabilité du curateur qui, d’après l’actuelle rédaction du texte, ne pourrait être engagée qu’en en cas de dol ou de faute lourde. Aucune raison ne le justifie. Nous proposons donc de supprimer la dernière phrase de l’alinéa 37 de l’article.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?


M. Émile Blessig
,
rapporteur. Défavorable.

La curatelle simple se réduit à une assistance. Elle n’a pas pour effet de transférer vers le curateur la responsabilité de la personne protégée, qui reste responsable de ses actes. Il convient donc de maintenir une différence entre curatelle et tutelle. C’est la raison pour laquelle la commission a rejeté cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Je comprends mal l’objet de cet amendement, qui semble viser à supprimer la curatelle. Pourquoi distingue-t-on en droit la tutelle et la curatelle ? Certaines personnes ont besoin de plus de protection et le tuteur va décider seul, alors que d’autres, qui ont besoin d’une moindre assistance, se verront demander leur avis par le curateur, lequel, de surcroît, ne peut disposer des biens de la personne protégée. La responsabilité du curateur étant moindre, il ne convient pas de l’aligner sur celle du tuteur. En réalité, votre proposition tend à nier la spécificité de la fonction de curateur et j’y suis donc défavorable.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. La démonstration de M. le ministre ne m’a pas convaincu.

Évidemment, nous ne confondons pas tutelle et curatelle ! Le curateur n’exerce qu’une simple mission d’assistance. Le texte que vous nous proposez vise tous les organes de la mesure de protection judiciaire en indiquant qu’ils sont responsables du dommage résultant d’une faute quelconque qu’ils commettent dans l’exercice de leur fonction. Cet alinéa ne concerne pas seulement le tuteur, mais aussi éventuellement le juge, le greffier, ainsi que tous les autres acteurs de la chaîne. Or vous excluez du dispositif le curateur au prétexte qu’il n’engage sa responsabilité, du fait des actes accomplis avec son assistance, qu’en cas de dol ou de faute lourde. Cette disposition va ouvrir à nouveau un véritable débat sur la jurisprudence, car le dol est une notion spécifique, qui suppose des manœuvres dolosives. En outre, si le curateur commet une faute simple, en prodiguant, par exemple, des conseils erronés à la personne protégée, sa responsabilité n’est pas engagée. Je ne vois pas pourquoi la responsabilité du curateur et du tuteur ne serait pas la même.

M. le président. La parole est à Mme Patricia Adam.

Mme Patricia Adam. Je souscris aux propos d’Alain Vidalies. Le curateur porte assistance et conseil à la personne qui bénéficie d’une mesure de protection. En tant que curateur, il peut être, par exemple, appelé à cosigner certains documents pouvant engager le patrimoine de la personne protégée. Son rôle n’est certes pas le même que celui du tuteur…

M. le garde des sceaux. C’est bien ce que nous disons !

Mme Patricia Adam. …et, sur ce point, monsieur le ministre, vous avez raison, mais sa responsabilité doit pouvoir être engagée. Dans ce texte, nous insistons sur le fait – et c’est une bonne chose – que nous avons affaire à de vrais professionnels, qui sont formés – et nous y reviendrons lors de l’examen d’autres articles. Il est donc naturel que ces professionnels engagent leur responsabilité dès lors qu’ils prodiguent des conseils aux personnes qu’ils doivent protéger. C’est un point important, qu’il convient de préciser, faute de quoi, comme l’a dit Alain Vidalies, nous risquons d’être confrontés à des situations complexes, car sur les centaines de milliers de mesures de curatelle qui ont été prononcées, la responsabilité de certains curateurs ne manquera pas d’être engagée.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. le garde des sceaux. Vous ne débattez pas sur le projet de loi, vous voulez modifier le droit actuel. C’est votre droit, mais, je le rappelle, ce n’est pas notre projet qui établit une distinction entre la responsabilité liée à la tutelle et celle liée à la curatelle.

Mme Patricia Adam. C’est l’alinéa 37 de l’article 5 !

M. le garde des sceaux. Si vous voulez revenir sur le droit commun, vous le pouvez, mais nous nous éloignons de l’objet de notre débat !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 429.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Nous en venons à un amendement n° 19.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Émile Blessig, rapporteur. Cet amendement applique les règles de la responsabilité de la tutelle à la curatelle renforcée. Dans le cadre de la curatelle renforcée, le curateur se substitue à la personne protégée. Il est donc logique que la même règle de responsabilité s’applique, puisqu’il représente la personne protégée.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. CQFD !

L’amendement de M. Blessig démontre ce que nous avons – en vain – tenté d’expliquer à Mme Adam et à M. Vidalies.

Avis favorable.

Mme Patricia Adam. Il n’empêche que nous sommes pour cet amendement !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 19.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 20.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Émile Blessig, rapporteur. Cet amendement étend le régime de responsabilité de la curatelle au subrogé curateur.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 20.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 430.

La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.

M. Alain Vidalies. Nous avons déjà abordé cette question et je connais la position du Gouvernement, mais pour autant, je ne renonce pas à le convaincre !

Notre amendement pose la question de la responsabilité du procureur de la République. Alors qu’il prévoit la possibilité d’engager la responsabilité de l’État en présence d’une faute commise dans l’organisation et le fonctionnement de la mesure par tous les acteurs de la procédure de tutelle, le juge des tutelles, le greffier en chef et le greffier, le projet de loi n’ouvre pas cette possibilité lorsque le procureur de la République est à l’origine de la faute.

Jusqu’à présent, le département transmet son rapport au parquet, qui prend une décision. S’il n’y a pas faute lourde, cette décision exclura toute action en responsabilité. Mais, monsieur le ministre, vous avez laissé entendre, ce qui est surprenant, que le procureur pourrait être conduit à décider de l’opportunité d’une mesure de protection. Je vois mal comment le principe de droit pénal de la décision en opportunité trouve à s’appliquer la matière. Et j’appelle l’attention du rapporteur sur ce point, cette notion d’opportunité, qui justifierait la décision du procureur, n’est apparue jusqu’à présent ni dans le texte ni dans nos débats. C’est une vision très restrictive de ce texte au regard du nouveau rôle des parquets, et notamment du parquet civil. Vous introduisez le principe de la décision en opportunité alors qu’il s’applique aux poursuites pénales.

La décision de protéger ou non une personne ne relève pas de l’opportunité. Certes, pour des raisons qui lui sont propres ou pour protéger l’ordre public, même s’il y a délit et que les faits sont constatés, le parquet peut décider de ne pas engager de poursuites. Mais s’il y a un certificat médical attestant qu’une personne doit faire l’objet d’une mesure de protection ou un rapport émanant du département et demandant l’intervention du procureur, au nom de quoi s’abriterait-il derrière l’opportunité ? Vous ne pouvez pas introduire la notion d’opportunité dans ce texte, car cela lui donne une signification différente. Je pense, monsieur le ministre, que ce point mérite d’être réexaminé.

M. le président. Ce sujet ayant été déjà abordé, je suppose que M. le rapporteur est défavorable à cet amendement ?

M. Émile Blessig, rapporteur. En effet, nous avons déjà eu ce débat…

M. Alain Vidalies. On peut changer d’avis !

M. Émile Blessig, rapporteur. …et, par cohérence avec ce qui a été décidé sur la même proposition concernant les mineurs, la même décision s’impose.

Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 430.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Nous en arrivons à un amendement n° 21.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Émile Blessig, rapporteur. Cet amendement subordonne l’ouverture d’une mesure de protection juridique pour une personne souffrant d’une altération de ses facultés corporelles à l’impossibilité pour celle-ci d’exprimer sa volonté. L’altération des facultés corporelles peut en effet entraver l’expression de la volonté sans l’empêcher.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 21.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 431.

La parole est à Mme Patricia Adam, pour le soutenir.

Mme Patricia Adam. Les droits des personnes sous curatelle ou sous tutelle n’étant pas les mêmes, cet amendement vise à limiter l’application de l’article 426 – relatif au respect du logement et des meubles – aux personnes sous tutelle. Les personnes sous curatelle doivent conserver la faculté d’exprimer leur consentement pour les décisions prises à ce sujet.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Émile Blessig, rapporteur. Défavorable.

Le logement bénéficie d’une protection particulière pour toutes les personnes protégées. L’article 426 protège le logement du majeur en l’obligeant à le conserver et en soumettant sa vente à une autorisation du juge ou du conseil de famille. Nous estimons que cette protection doit jouer dans tous les cas, car même dans le cadre d’une curatelle, il s’agit d’un majeur vulnérable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable.

Le mieux est l’ennemi du bien. Le texte indique que « Le logement de la personne protégée et les meubles dont il est garni sont conservés à la disposition de celle-ci aussi longtemps qu’il est possible. » En excluant les personnes sous curatelle du champ de la protection du logement, vous réduisez la portée du texte aux personnes sous tutelle. Je ne peux donc que vous engager à retirer cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. On peut s’interroger sur la portée des dispositions que nous souhaitons modifier. L’alinéa 48 précise que le logement de la personne protégée et les meubles dont il est garni sont conservés à la disposition de celle-ci aussi longtemps qu’il est possible.

M. le rapporteur a indiqué clairement que, s’agissant du logement et des meubles, le texte ne distingue pas entre les personnes sous tutelle et celles sous curatelle : elles ne sont pas libres de disposer de leur logement et de leurs meubles. Or nous considérons pour notre part qu’il faut respecter les spécificités de chacun des deux régimes. Si une personne est placée sous curatelle, c’est que sa situation ne justifie pas de la mettre sous tutelle et, dans ce cas, elle doit pouvoir rester libre, sous certaines conditions, de disposer de ses meubles ou de son logement.

M. le président. La parole est à Mme Patricia Adam.

Mme Patricia Adam. Nous sommes d’accord sur l’objectif : protéger le logement des personnes vulnérables. Mais le dispositif n’a pas lieu de s’appliquer en cas de curatelle. En aucun cas, en effet, le curateur ne peut disposer du logement si la personne sous curatelle s’y oppose. La situation est différente en cas de tutelle, car le tuteur dispose de plus de pouvoirs. Cet article ne concerne en fait que la tutelle.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Émile Blessig, rapporteur. En matière de droit au logement, nous estimons que les personnes vulnérables méritent une protection particulière. Cela doit concerner tous les majeurs protégés.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 431.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 294.

La parole est à M. Maxime Gremetz, pour le soutenir.

M. Maxime Gremetz. Je regrette que le projet de loi ne reprenne pas dans son intégralité l’article 490-2 du code civil. En l’état, le corps médical ne sera consulté que dans l’hypothèse où le majeur est placé en établissement. En outre, il n’est pas souhaitable de remplacer le médecin traitant, qui connaît parfaitement le patient, par un médecin spécialiste, d’autant que les honoraires de ce dernier, plus élevés, seraient entièrement à la charge du majeur protégé car non susceptibles de remboursement par la sécurité sociale. L’amendement vise à résoudre ce double problème.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Émile Blessig, rapporteur. Lorsqu’un majeur protégé doit être accueilli dans un établissement, le projet de loi soumet la vente de son logement à l’avis d’un médecin agréé. M. Gremetz voudrait remplacer ce dernier par le médecin traitant, mais cela ne nous paraît pas souhaitable pour un certain nombre de raisons, dont le fait qu’une telle solution offrirait de moindres garanties à la personne protégée.

Avis défavorable, donc.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Si le texte prévoit la consultation d’un médecin inscrit sur une liste, c’est parce que nous nous méfions d’un avis qui pourrait résulter d’une pression exercée par la famille. Rien n’empêche le médecin agréé de demander l’avis du médecin traitant. Mais ce dernier peut avoir une longue histoire commune avec la famille et être de parti pris, ce qu’il faut éviter. Mieux vaut donc en rester au texte proposé.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 294.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 341.

La parole est à M. Émile Blessig, pour le soutenir.

M. Émile Blessig, rapporteur. Amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 341.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 22.

La parole est à M. le rapporteur, pour le défendre.

M. Émile Blessig, rapporteur. Cet amendement vise à soumettre toute aliénation du logement du majeur protégé à l’autorisation du juge ou du conseil de famille, afin de couvrir l’hypothèse où un majeur sous curatelle en ferait donation.

M. Alain Vidalies. Excellent !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 22.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 23.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Émile Blessig, rapporteur. Amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 23.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 24.

La parole est à M. le rapporteur, pour le défendre.

M. Émile Blessig, rapporteur. Amendement de précision.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 24.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 295.

La parole est à M. Maxime Gremetz, pour le soutenir.

M. Maxime Gremetz. Tel qu’il est rédigé, l’article prête à confusion. L’interdiction de modifier les comptes ouverts comprend-elle l’interdiction d’ouvrir un autre compte au nom du majeur protégé, dès lors que celui-ci est déjà titulaire d’un compte bancaire ? Dans l’affirmative, les associations tutélaires éprouveraient les plus grandes difficultés à suivre et à gérer une multitude de comptes disséminés ici ou là. Pour le mandataire judiciaire de la protection des majeurs, la multiplication des services bancaires rendrait la gestion des comptes particulièrement lourde, sans que les majeurs protégés en tirent le moindre avantage.

Il serait donc souhaitable de permettre au mandataire agissant au nom d’un majeur protégé déjà titulaire d’un compte d’ouvrir un nouveau compte au sein d’un autre organisme habilité à recevoir des fonds du public. Il pourra ainsi, s’il le souhaite, regrouper au sein d’un même établissement bancaire l’ensemble des comptes dont il a la charge.

M. le garde des sceaux. C’est incroyable ! Vous voulez rétablir le compte pivot ! Vous défendez exactement ce que nous voulons supprimer !

M. Maxime Gremetz. Monsieur le garde des sceaux, je ne vous ai pas interrompu jusqu’à présent, mais cela pourrait arriver ! Ne me poussez pas, car quand je m’y mets…

M. le garde des sceaux. Ce que vous proposez est énorme !

M. Maxime Gremetz. Je poursuis.

Bien évidemment, cette possibilité ne doit pas exonérer le mandataire de l’obligation de conserver le compte du majeur déjà ouvert. En outre, si le mandataire décide d’ouvrir un autre compte courant, ce dernier devra impérativement être nominatif et individuel. Enfin, si ce compte nouvellement ouvert est producteur d’intérêts, ceux-ci devront être intégralement reversés au majeur protégé titulaire du compte.

Vous pouvez maintenant faire des commentaires, monsieur le garde des sceaux. Je vous écoute !

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur cet amendement ?

M. Émile Blessig, rapporteur. L’amendement de M. Gremetz a reçu un avis défavorable de la commission, au nom de deux principes : le respect des droits de la personne protégée et la clarification des conditions de rémunération et de contrôle de ses comptes.

M. Laurent Wauquiez, rapporteur pour avis. Très bien.

M. Émile Blessig, rapporteur. Le compte pivot a été supprimé en raison des dérives que cette pratique entraînait. Vouloir le réintroduire indirectement sous la forme de compte mutualisé contredit les aspirations des familles – et des personnes protégées elles-mêmes – telles qu’exprimées dans le texte.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Je pars du principe que M. Gremetz cherche la justice.

M. Maxime Gremetz. Bien sûr ! Et une meilleure protection des personnes concernées !

M. le garde des sceaux. C’est pourquoi je me suis permis de vous interrompre, tant cet amendement m’a étonné. Il ne peut pas être de votre main. Ce n’est pas possible ! Parmi les scandales qui ont en partie motivé ce projet de loi, beaucoup tournent autour du compte pivot : il suffit d’ouvrir un compte dans un établissement financier, d’y placer tous les comptes de personnes sous tutelle et de bénéficier des intérêts de tout cet argent. Nous supprimons ce système, et vous voudriez le rétablir ?

M. Maxime Gremetz. Pas du tout !

M. le garde des sceaux. Ou bien l’amendement vous a été mal soufflé, et je vous suggère de le retirer, ou bien vous défendez le système le plus injuste qui soit. Pardonnez-moi d’avoir réagi de la sorte, monsieur Gremetz, mais j’ai été très étonné : pas vous, pas ça !

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Je constate que l’amendement n° 459 de M. Huyghe est pratiquement identique au mien. Ne devrions-nous pas les examiner ensemble ?

M. le président. Je me contente de suivre la liste établie par le service de la séance.

M. Maxime Gremetz. Certes, mais nous pourrions gagner du temps en discutant de ces deux amendements, puisqu’ils ont le même sujet.

M. le garde des sceaux. C’est juste.

M. le président. Soit. La parole est à M. Sébastien Huyghe, pour soutenir l’amendement n° 459.

M. Sébastien Huyghe. Il n’est pas tout à fait identique à celui de M. Gremetz : il est en fait plus protecteur.

Cet amendement prévoit un compte individualisé nominatif. Il ne s’agit donc pas d’un compte pivot, c’est-à-dire d’un compte général destiné à recueillir tous les comptes gérés par l’association, mais de comptes individuels, ouverts au nom de chaque personne protégée. Le dispositif est soigneusement encadré, puisqu’il est précisé que tous les intérêts produits devront être intégralement et exclusivement reversés au majeur protégé.

M. Maxime Gremetz. Voilà ! C’est ce que j’ai dit !

M. Sébastien Huyghe. Tout détournement serait donc impossible. Du reste, l’analogie avec le compte pivot n’est pas justifiée. L’objectif est seulement de permettre aux associations de gérer les comptes au cas par cas.

M. Maxime Gremetz. C’est bien le même amendement !

M. le garde des sceaux. Il ne vaut pas plus cher !

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. La suppression du compte pivot est une bonne chose. Certes, pour les associations, il était le seul moyen de gérer des comptes dispersés dans différents établissements bancaires. Mais d’autres pratiques sont apparues qui permettent de le supprimer. Or les amendements proposés, quelles que soient les précautions prises, tendent à le rétablir, et c’est pourquoi le groupe socialiste s’y oppose, d’autant qu’il existe d’autres solutions, comme l’ont montré nos auditions. Ainsi, dans un certain nombre de départements, grâce à la coopération entre organismes bancaires et gestionnaires de tutelle, un système informatique ad hoc permet une gestion simple des différents comptes de personnes placées sous protection. Pour que cette solution soit généralisée, il faut que toutes les banques acceptent d’ouvrir l’accès à ce système, ce qui n’est aujourd’hui pas le cas. Nous défendrons donc un amendement à cet effet. Quoi qu’il en soit, il ne faut pas revenir au compte pivot, et il convient donc de rejeter les deux amendements.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Je voudrais faire une mise au point.

D’abord, je note que l’amendement n° 459 ressemble beaucoup au mien. Je ne prétends pas être très intelligent et avoir inventé un amendement. Je n’ai pas honte de dire que, lorsque je prépare un texte, j’écoute tous les intervenants et que mes amendements traduisent les demandes des gens qui sont sur le terrain et qui agissent. Moi, je ne suis pas un grand cérébral ! Je crois plus à l’intelligence collective ! Plus on regroupe les idées et plus on peut faire de propositions. Alors, arrêtez de me donner des leçons ! Je préfère les recevoir de ceux qui sont sur le terrain.

Ensuite, qui parle de revenir au compte pivot ? Personne ! Lisez le texte de mon amendement : « Tout mandataire judiciaire à la protection des majeurs peut, tout en conservant les comptes déjà ouverts au nom du majeur protégé, ouvrir un autre compte de dépôt auprès d’un établissement habilité à recevoir des fonds du public. Ce compte doit être individuel et nominatif. » Vous n’allez tout de même pas accuser des gens qui se dévouent tous les jours de demander une disposition pour leur permettre de détourner les sous des majeurs protégés ! C’est une insulte aux associations qui agissent dans ce domaine ! Et M. Huyghe ajoute, dans son amendement n° 459, s’agissant du compte en question : « S’il est producteur d’intérêts, ceux-ci doivent être exclusivement et intégralement reversés au majeur protégé sur l’un de ses comptes de dépôt ouverts avant l’ouverture de la mesure. » Ce sont les gens concernés qui suggèrent cette disposition. Je la trouve bonne, donc je la propose ! J’en ai vu des amendements très intelligents, déposés dix fois par des personnes différentes et qui n’ont jamais dit qu’elles étaient inspirées par telle ou telle association ! Mais il ne faut pas avoir honte de le dire !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 295.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 459.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. Maxime Gremetz. M. Huyghe n’a pas voté pour mon amendement alors que j’ai voté pour le sien ! Je tiens à le signaler !

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 359.

La parole est à M. Claude Leteurtre, pour le soutenir.

M. Claude Leteurtre. Cet amendement est exactement le même que celui de M. Gremetz. Ils auraient pu être discutés ensemble ! Cela dit, je comprends bien les arguments avancés pour justifier son rejet et je vais le retirer.

M. Maxime Gremetz. Mais non ! Comme ça, nous serons trois !

M. Claude Leteurtre. Un choix a été fait, mais il ne faut pas laisser planer le doute sur l’honnêteté et la responsabilité des associations. Ce serait franchement injuste !

M. le président. L’amendement n° 359 est retiré.

Je suis saisi d’un amendement n° 25.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Émile Blessig, rapporteur. C’est un amendement de précision.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 25.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 26.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Émile Blessig, rapporteur. C’est également un amendement de précision.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 26.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 27.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Émile Blessig, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 27.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 28.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Émile Blessig, rapporteur. Cet amendement vise à préciser que, s’il assure une protection suffisante du majeur, le mandat de protection future s’impose au juge.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 28.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 436.

La parole est à M. Serge Blisko, pour le soutenir.

M. Serge Blisko. Il convient de prévoir que toute décision judiciaire de protection doit être motivée et doit préciser tant la proportionnalité que l’individualisation de la mesure de protection. C’est très important pour les familles et les proches. Il faut expliquer en quoi la situation de la personne a donné lieu à cette décision. C’est mieux tant pour ceux qui décident que pour ceux qui sont soumis à la décision.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Émile Blessig, rapporteur. Je comprends bien le souci d’humanité de M. Blisko, mais le propre d’une décision judiciaire est d’être motivée !

M. le garde des sceaux. Eh oui !

M. Émile Blessig, rapporteur. C’est la raison pour laquelle la commission a repoussé cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Même avis que la commission. Je comprends votre préoccupation, docteur Blisko, mais nous sommes là pour faire du droit, et le code de procédure civile oblige à motiver toute décision de justice, sans quoi celle-ci est censurée par la Cour de cassation. Si la précision figure à cet endroit du texte et pas ailleurs, il faudra en déduire que les autres décisions n’ont pas à être motivées ! Je suis navré, mais c’est un problème de droit, pas d’humanité !

M. Serge Blisko. Cela fait dix ans que j’essaie de faire un peu de droit ! J’aurais besoin de cours particuliers ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Je vais essayer de secourir le médecin !

Monsieur le garde des sceaux, l’amendement ne se borne pas à préciser que toute décision judiciaire de mesure de protection doit être motivée, ce qui nous renverrait à votre argumentation : il lie la motivation aux principes énoncés à l’article 428. Le fait de renvoyer à ces principes de proportionnalité et d’individualisation donne un sens juridique à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 436.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 29.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Émile Blessig, rapporteur. C’est un amendement de précision.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 29.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 30.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Émile Blessig, rapporteur. Cet amendement vise à autoriser toute personne entretenant avec le majeur des liens étroits et stables à demander au juge l’ouverture d’une mesure de protection, sans exiger une résidence commune.

M. Laurent Wauquiez, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Émile Blessig, rapporteur. Il répond à l’élargissement des liens familiaux et des personnes intéressées.

M. Alain Vidalies. Bon amendement !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 30.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 31 et 360.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 31.

M. Émile Blessig, rapporteur. Il s’agit d’autoriser toute personne exerçant une mesure de protection juridique, qu’elle soit judiciaire ou conventionnelle, à demander au juge de la modifier.

M. le président. La parole est à M. Claude Leteurtre, pour soutenir l’amendement n° 360.

M. Claude Leteurtre. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements identiques ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 31 et 360.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 361.

La parole est à M. Claude Leteurtre, pour le soutenir.

M. Claude Leteurtre. Cet amendement vise à créer la possibilité d’utiliser le certificat médical attestant de l’altération des facultés de la personne réalisé dans le cadre du parcours de reconnaissance de ses droits à la place d’un certificat circonstancié rédigé par un médecin. Ce certificat médical présente l’avantage d’être plus précis que la notion de « certificat circonstancié » et d’être pris en charge, et donc de mieux permettre à la personne handicapée de faire reconnaître ses droits.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Émile Blessig, rapporteur. Défavorable. Il n’est pas opportun de donner la possibilité de se dispenser d’un certificat émanant d’un médecin agréé. Le médecin visé par cet amendement aura toujours la possibilité de demander un agrément. Plusieurs amendements tournent autour de la notion d’équipe médicale des maisons départementales des personnes handicapées. La solution, c’est que ces équipes demandent l’agrément, et votre préoccupation sera satisfaite, monsieur Leteurtre.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Même avis que la commission.

M. le président. La parole est à M. Claude Leteurtre.

M. Claude Leteurtre. En théorie, je comprends vos arguments, monsieur le rapporteur, mais quand on connaît les conditions de l’agrément…

M. Émile Blessig, rapporteur. Justement, cela va changer !

M. Claude Leteurtre. J’ai été médecin agréé, et je me demande encore pourquoi !

M. Maxime Gremetz. Là, il y a un problème ! Même eux ne le savent pas ! Quel aveu poignant !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Émile Blessig, rapporteur. Nous devons assurer un minimum de sérieux et de tenue à nos débats !

Je ne peux pas vous suivre sur ce terrain, monsieur Leteurtre ! Vous ne pouvez soutenir qu’être médecin agréé ne veut rien dire ! Nous voulons précisément donner des garanties supplémentaires aux personnes protégées et à leurs familles. C’est la raison pour laquelle nous cherchons des médecins qui soient non pas spécialistes, mais agréés selon une procédure qui sera déterminée par l’État en fonction des centres d’intérêts de ces médecins et de leur capacité à apprécier la situation d’une personne vulnérable. Que des listes de médecins agréés aient pu être établies de façon peu satisfaisante, je vous l’accorde, mais ne faites pas d’amalgame avec les présentes dispositions !

M. Serge Blisko. Il y a un vrai problème !

M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, je souhaiterais défendre mon amendement n° 296, qui traite du même problème.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Dans ce cas, je souhaiterais m’exprimer sur l’amendement n° 438, qui est identique.

M. le président. Je suis en effet saisi de deux amendements identiques, nos 296 et 438.

La parole est à M. Maxime Gremetz, pour soutenir l’amendement n° 296.

M. Maxime Gremetz. Nous avons débattu du problème en commission, mais je n’ai pas été convaincu par les arguments que j’ai entendus. Pour ma part, je déplore que le requérant ait à financer le certificat médical d’un médecin spécialiste. En effet, étant donné qu’il s’agit d’une expertise et non d’une simple consultation, ses honoraires ne peuvent être pris en charge par la sécurité sociale. En l’occurrence, ils sont très élevés. Je l’ai vérifié : leur montant moyen est de 200 euros, de sorte que l’initiative d’un majeur souhaitant être protégé ou d’une famille voulant protéger l’un des siens peut être arrêtée pour cette seule raison.

Par ailleurs, la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a réaffirmé l’existence d’un droit à compensation des conséquences du handicap, de nature universelle. Or le rôle conféré au certificat médical, dans le cadre du projet de loi, participe à la mise en œuvre de la mesure de protection juridique, puisqu’il est requis à peine d’irrecevabilité de la demande.

Dans le cadre du parcours de reconnaissance des droits de la personne handicapée, celle-ci fait l’objet, au sein de la maison départementale des personnes handicapées, d’une évaluation de ses besoins de compensation par l’équipe pluridisciplinaire, qui comporte un médecin. Son certificat, en cas de saisie du juge des tutelles, pourrait utilement remplacer celui du médecin spécialiste.

Tel est l’objet de l’amendement. Je suis prêt à entendre les arguments que l’on peut nous opposer. Mais je rappelle ce que coûte le dispositif actuel : 200 euros !

M. le président. La parole est à Mme Chantal Robin-Rodrigo, pour soutenir l’amendement n° 438.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Depuis un moment, nous tournons autour du problème des rôles respectifs du médecin traitant et du médecin spécialiste. Le coût de 200 à 220 euros, non remboursés par la sécurité sociale, a été rappelé. Les conseils généraux ont désormais mis en place, dans les maisons départementales des personnes handicapées, des équipes pluridisciplinaires. Nous souhaitons donc compléter l’alinéa 66 de l’article 5 en spécifiant que le certificat circonstancié peut également être établi par un médecin de l’équipe pluridisciplinaire de la maison départementale des personnes handicapées prévue à l’article L. 146-8 du code de l’action sociale et des familles. Cette précision compléterait heureusement le texte.

M. Maxime Gremetz. Je suis d’accord avec Mme Robin-Rodrigo. Pourtant, nous ne nous étions pas concertés !

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements identiques ?

M. Émile Blessig, rapporteur. Les amendements proposent d’agréer d’office l’ensemble des médecins des maisons départementales des personnes handicapées. Je ne sais pas si cela relève de la loi, ni si cette proposition est réellement opportune, puisqu’elle introduirait un biais.

En revanche, pour revenir à ce que j’indiquais tout à l’heure, les médecins des équipes des maisons départementales des personnes handicapées ont naturellement vocation à figurer sur la liste des médecins agréés. Il faut conserver un minimum de cohérence et clarifier le dispositif pour les usagers.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Je comprends la volonté des auteurs des amendements, mais j’attire leur attention sur un point : il ne s’agit pas de médecins « spécialistes ». Il peut en effet s’agir de généralistes inscrits sur une liste d’aptitude agréée.

Mme Patricia Adam. Tout à fait !

M. le garde des sceaux. Quel intérêt une telle liste présente-t-elle ? Elle permet un contrôle et rend relativement cohérentes des décisions qui doivent être prises en fonction de critères communs. Elle évitera que, dans les maisons des personnes handicapées des cent départements français, on ne rencontre une jurisprudence médicale chaque fois différente. C’est pourquoi nous n’ouvrons pas à tous les médecins la possibilité d’établir le certificat. Nous la réservons à des médecins que l’on peut contrôler et qui sont inscrits sur une liste, sans être nécessairement des spécialistes.

Quant au prix, je conviens avec M. Gremetz qu’il est très élevé, sinon excessif. Un amendement proposant de le réviser à la baisse, qui sera appelé ultérieurement, recevra un avis favorable du Gouvernement. Avec l’accord de la profession, des honoraires plus raisonnables devraient être pratiqués.

Nous tenons à ce que les médecins concernés figurent sur une liste, car il s’agit d’une décision extrêmement importante : vérifier que des patients souffrent d’une altération de leurs capacités demande des précautions particulières. C’est ce dont nous voulons nous assurer par ce texte.

M. le président. La parole est à M. Claude Leteurtre.

M. Claude Leteurtre. Monsieur le garde des sceaux, j’entends bien vos arguments. Quand j’ai répondu de manière provocatrice que je ne savais pas pourquoi j’avais été agréé, c’est parce que, jusqu'à présent, sachant qu’il fallait un certain nombre de médecins agréés par département, on demandait aux médecins de le devenir, sans qu’ils justifient d’aucune compétence particulière pour obtenir ce titre : il suffisait d’être docteur en médecine.

M. le rapporteur envisage à présent de demander une qualification particulière. Laquelle ? Au reste, le personnel des maisons départementales des personnes handicapées possède une véritable compétence et un véritable savoir. Vous avez raison de vouloir une harmonie entre les décisions et un contrôle. Mais on est toujours dans la suspicion, ce qui est gênant. J’ai le sentiment que, sans doute dans une intention louable, on complique les choses. Les médecins en mission de contrôle n’ont ni une compétence ni un savoir supérieurs à ceux qui, au quotidien, connaissent bien la personne handicapée.

M. le président. La parole est à Mme Patricia Adam.

Mme Patricia Adam. J’ai du mal à comprendre pourquoi le Gouvernement refuse les amendements.

Nous avons voté, il y a deux ans, une loi sur le handicap. Le 1er janvier de l’année dernière, les maisons départementales des personnes handicapées se sont mises en place. Aujourd’hui, l’expertise est réalisée par les départements avec les médecins, dont la compétence est sanctionnée par un diplôme.

Comme l’a souligné M. Leteurtre, pour être agréé, il suffit de le demander, puisque, si les experts justifient d’une compétence particulière, ce n’est pas le cas des médecins agréés. Leurs décisions ne sont d’ailleurs soumises à aucun contrôle, puisque le simple fait d’être médecin suffit à établir la compétence du médecin agréé.

M. Maxime Gremetz. Très juste !

Mme Patricia Adam. Il n’y a donc aucune raison pour que le Gouvernement refuse qu’un médecin d’une maison départementale des personnes handicapées établisse le certificat. L’État et les collectivités territoriales ont tout à y gagner.

Actuellement, la maison départementale des personnes handicapées pourrait-elle demander que l’ensemble de ses médecins, puisqu’ils sont plusieurs, soient agréés ? Je n’en suis pas sûre, puisque la demande d’agrément ne peut en principe être formulée que par le médecin au titre de son exercice. Ainsi, selon les dispositions actuelles, tous les médecins employés par les conseils généraux travaillant dans une maison départementale des personnes handicapées devraient demander individuellement leur habilitation. Cela pose le problème des compétences et de l’autorité du conseil général, qui est très compliqué, alors que la modification de l’article 5, que nous vous proposons, simplifierait les choses.

Pourquoi gêne-t-elle le Gouvernement, alors qu’elle apporte des solutions et davantage de cohérence ? J’ajoute – nous le savons tous – que l’on constate en ce moment une carence dans le recrutement des médecins, particulièrement pour les secteurs ruraux. La solution que nous proposons permettrait de réaliser des économies et de gagner en efficacité. Pourquoi la refuser ?

Je le répète : l’agrément n’exige aucune compétence supplémentaire et ne donne lieu à aucun contrôle. Il ne correspond qu’à l’inscription sur une liste établie par le procureur de la République. Seule l’expertise demande des compétences plus précises.

M. Alain Vidalies. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission des lois.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois. J’ai l’impression que nous sommes tous d’accord, mais que nous ne formulons pas les choses de la même manière. La question est de savoir si, oui ou non, des garanties peuvent être apportées sur tout le territoire national, quant à la qualification des médecins qui seront amenés à intervenir dans ces situations. Ceux-ci présenteront les mêmes garanties s’ils sont agréés. C’est pourquoi tout part de l’agrément.

Les amendements ont une certaine pertinence, mais ils ne règlent pas le problème. Ils proposent que les médecins concernés figurent sur une liste de médecins agréés ou, s’ils exercent dans une maison départementale des personnes handicapées, qu’ils soient de facto dispensés de l’agrément.

Cela revient à poser un faux problème. On peut penser que les présidents de conseils généraux et les responsables des MDPH trouveront logiques de recruter dans leurs établissements des médecins agréés. Si tel n’est pas le cas, ils jugeront commode et cohérent de les inviter à solliciter l’agrément.

C’est ainsi que nous voyons les choses. Vous, vous proposez que le fait d’exercer dans une maison départementale des personnes handicapées dispense de l’agrément, qui est la garantie donnée au niveau national. Il n’y a donc pas d’opposition fondamentale entre nos deux positions. Le problème est de savoir ce qui empêcherait les médecins des MDPH de figurer sur la liste des médecins agréés. Rien, à mon sens. Plaider pour qu’ils puissent intervenir, même sans agrément, ne répond pas à la question. Il suffit de faire en sorte qu’ils soient agréés.

Mme Patricia Adam. À ceci près qu’ils doivent effectuer une démarche individuelle ! C’est surréaliste !

M. le président. La parole est à M. Claude Leteurtre.

M. Claude Leteurtre. J’entends bien votre point de vue, mais le handicap est polymorphe. Il y a un grand nombre de cas de handicaps et les médecins compétents, en la matière, sont extrêmement rares : on ne trouve plus de médecins de médecine physique ; ceux qui s’intéressent au handicap sont très peu nombreux, et ils n’ont pas envie de se charger de démarches administratives. Pourquoi ne pas adopter, comme le suggèrent M. Gremetz et Mme Adam, ces amendements qui n’empêchent rien et facilitent au contraire la procédure ? Les refuser est déraisonnable.

On ne peut pas s’appuyer, comme le fait le Gouvernement, sur l’expression « médecin agréé ». C’est un terme générique : ces médecins sont agréés pour émettre un certificat qui relève de la santé publique. Très honnêtement, cela ne veut rien dire. Pour être moi-même expert et médecin agréé, je puis témoigner que je n’ai aucune compétence spécifique en matière de santé publique. C’est pourquoi je suis favorable à une solution simple. On me répond que le droit pose problème et qu’il faut prendre une mesure administrative particulière. Mais, à mon sens, il faut être réaliste et le droit doit s’adapter à la réalité du terrain.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 361.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 296 et 438.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. Maxime Gremetz. Vous voulez vraiment leur faire dépenser beaucoup d’argent !

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 309.

La parole est à M. Patrick Delnatte, pour le soutenir.

M. Patrick Delnatte. Sans vouloir prolonger le débat, je rappelle que rien n’empêche que l’équipe d’une MDPH comprenne des médecins agréés, mais que rien n’assure que l’ensemble du public concerné par le projet de loi relève des MDPH.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois. Absolument !

M. Patrick Delnatte. Le problème réside surtout dans la grande disparité des tarifs appliqués au certificat médical, qui varient de la gratuité, pour une personne qui relève d’un établissement psychiatrique, à plusieurs centaines d’euros, pour une personne qui ne relève d’aucun établissement. C’est pourquoi cet amendement a pour objet d’encadrer cette tarification par un décret en Conseil d’État.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Émile Blessig, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Cet amendement, que j’évoquais tout à l’heure dans ma réponse à M. Gremetz, est très intéressant, car il vise précisément à revoir le barème à la baisse.

Avis très favorable du Gouvernement.

M. Maxime Gremetz. Le coût du certificat sera fixé par décret en Conseil d’État, mais selon quels critères, monsieur le garde des sceaux ?

M. le garde des sceaux. Je suis surpris qu’un homme tel que vous fasse si peu de cas de la négociation avec les médecins, monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Elle a parfois bon dos, la négociation !

M. Alain Vidalies. De toute façon, c’est nous qui prendrons le décret d’application ! (Sourires.)

M. Maxime Gremetz. C’est ce qui me rassure !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 309.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 32 et 362.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 32.

M. Émile Blessig, rapporteur. Cet amendement donne au médecin agréé la possibilité de solliciter l’avis du médecin référent – c’est-à-dire du médecin traitant – pour établir un certificat constatant l’altération des facultés de la personne protégée ou pour décider de son accueil dans un établissement. Cette disposition sera utile dans le cas où la personne refuse de se faire examiner et elle permettra de fonder la collaboration du médecin traitant au regard des règles du secret médical.

M. le président. La parole est à M. Claude Leteurtre, pour soutenir l’amendement n° 362.

M. Claude Leteurtre. Cet amendement est identique.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements identiques ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 32 et 362.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, je sollicite une brève suspension de séance, que tout le monde souhaite, mais que personne n’ose demander. (Sourires.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est reprise à dix-huit heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

Je suis saisi d’un amendement n° 363.

La parole est à M. Claude Leteurtre, pour le soutenir.

M. Claude Leteurtre. Cet amendement est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Émile Blessig, rapporteur. Défavorable, car les dispositions proposées relèvent du décret, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Même avis, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 363.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 218, 439 et 229, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Émile Blessig, pour soutenir l’amendement n° 218.

M. Émile Blessig, rapporteur. L’amendement n° 218 donne au majeur la possibilité de se faire assister, lors de son audition par le juge, soit par un avocat, soit par toute autre personne de son choix. Le rappel de ce qui constitue un droit élémentaire paraît d’autant plus justifié qu’il s’agit là de personnes vulnérables.

M. le président. La parole est à M. Serge Blisko, pour soutenir l’amendement n° 439.

M. Serge Blisko. La multiplicité des regards portés sur la situation d’une même personne est un gage de respect des libertés et des droits de celle-ci. À ce titre, l’assistance d’un avocat est essentielle. À défaut de rendre cette assistance systématique, au moins convient-il de faire figurer expressément dans le texte de la loi ce qui constitue une possibilité offerte à l’intéressé. Les personnes placées sous tutelle ou sous curatelle ont des difficultés à comprendre le sens de la loi et des mesures dont elles font l’objet, ce qui engendre chez elles un sentiment de frustration. L’assistance d’un avocat est de nature à améliorer la situation de ces personnes : outre les explications qu’elles pourront obtenir, notamment sur les possibilités de recours qui leur sont offertes, elles pourront également se faire représenter intuitu personæ lors d’une procédure.

M. le président. La parole est à M. Georges Fenech, pour soutenir l’amendement n° 229.

M. Georges Fenech. Il me semble que l’amendement n° 229 est satisfait par l’amendement de M. le rapporteur, monsieur le président. Par conséquent, je le retire.

M. le président. L’amendement n° 229 est retiré.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement no 439 ?

M. Émile Blessig, rapporteur. L’amendement n° 218 de la commission nous paraît plus complet que l’amendement n° 439, dans la mesure où il prévoit que l’intéressé peut être accompagné soit par un avocat, soit par « toute autre personne de son choix », ce qui inclut l’entourage familial. La commission est donc défavorable à l’amendement n° 439.

M. Serge Blisko. En ce cas, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 439 est retiré.

Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 218 ?

M. le garde des sceaux. Favorable, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 218.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 33 et 299, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 33.

M. Émile Blessig, rapporteur. Cet amendement vise à modifier l’obligation d’audition par le juge de la personne protégée. Il maintient la possibilité de dispense d’audition pour contre-indication médicale, mais supprime cette possibilité en cas d’inaptitude du majeur à exprimer sa volonté. En effet, une personne incapable d’exprimer sa volonté peut très bien être apte à comprendre la portée de l’audition.

M. le président. La parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko. Je ne voudrais pas être désobligeant à l’égard de M. Blessig, mais ne perdons pas de vue que l’esprit du texte proposé est de responsabiliser autant que faire se peut la personne placée sous protection. Dans cette perspective, M. le garde des sceaux a d’ailleurs admis la nécessité de créer des postes supplémentaires de magistrat et de greffier.

Ne cédons pas à cette habitude consistant à considérer par avance qu’il est inutile d’auditionner une personne au motif, par exemple, qu’elle est très âgée et ne comprendra rien. Je sais fort bien que vous ne raisonnez pas de la sorte, monsieur le rapporteur, mais il me paraît important qu’une personne ne soit pas dispensée d’audition au motif qu’elle n’est pas capable d’exprimer sa volonté. Si elle est apte à comprendre la portée de cette audition, il n’y a pas de raison de l’en dispenser.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois. Mais justement !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Émile Blessig, rapporteur. Notre amendement va dans le sens que vous souhaitez, puisqu’il supprime une possibilité de dispense.

M. Serge Blisko. J’en prends acte. Je préfère que les choses soient dites !

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour soutenir l’amendement n° 299.

M. Maxime Gremetz. En supprimant les mots « si son état ne lui permet pas d’en comprendre la portée ou » à l’alinéa 68 de l’article 5, l’amendement n° 299 vise à réduire les cas de dispense d’audition à celui où cette dernière risquerait de porter atteinte à la santé de la personne.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 33 et 299 ?

M. le garde des sceaux. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 33, mais défavorable à l’amendement n° 299.

M. Maxime Gremetz. Je retire l’amendement n° 299, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 299 est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 33.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 440.

La parole est à Mme Patricia Adam, pour le soutenir.

Mme Patricia Adam. L’amendement 440 précise que, si le juge décide qu’il n’y a pas lieu de procéder à l’audition de la personne à protéger, il lui fait d’office désigner un conseil. C’est une mesure de nature à mieux garantir le respect des droits des personnes concernées.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Émile Blessig, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement, qui aurait pour effet d’imposer la désignation d’un avocat d’office en cas de dispense d’audition d’une personne. Or il n’y a que deux cas de dispense possibles : soit la contre-indication médicale, soit l’incapacité du majeur à comprendre la portée de l’audition. Dans ce dernier cas, on voit mal quel pourrait être l’utilité d’un avocat, puisque celui-ci n’est toujours que le mandataire de la personne protégée.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Si une personne incapable de donner son avis prend un avocat,…

Mme Patricia Adam. Non ! C’est le juge qui le désigne d’office !

M. le garde des sceaux. …qui cet avocat va-t-il consulter ? Il n’est ni médecin, ni pythie, ni tireur de tarots, et ne saurait donc représenter devant le juge une personne incapable.

M. Maxime Gremetz. Et puis ils ont assez de travail, les avocats !

M. le président. La parole est à Mme Patricia Adam.

Mme Patricia Adam. Je ne suis ni avocat, ni médecin, mais je sais que des avocats sont parfois chargés de défendre les intérêts d’enfants très jeunes, voire de nouveau-nés, qui ne sont pas en état de faire connaître leur avis.

M. le garde des sceaux. Ce n’est pas la même chose !

Mme Patricia Adam. Leur connaissance de la loi leur permet, après avoir consulté les pièces du dossier, de défendre les intérêts d’une personne incapable d’exprimer son avis. Je ne vois pas ce qui pourrait empêcher un avocat d’émettre un avis circonstancié pour défendre les droits d’une personne à protéger. Affirmer que l’intervention d’un avocat est inutile en la circonstance revient, selon moi, à nier la compétence des avocats et le travail qu’ils accomplissent au quotidien.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 440.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 441.

La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.

M. Alain Vidalies. Je considère que cet amendement est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Émile Blessig, rapporteur. Défavorable, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 441.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 34.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Émile Blessig, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de conséquence.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. Maxime Gremetz. C’est exactement ce que j’ai proposé tout à l’heure, mais mon amendement, lui, n’a pas été accepté !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 34.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 364.

La parole est à M. Claude Leteurtre, pour le soutenir.

M. Claude Leteurtre. Cet amendement vise les situations d’urgence.

La disparition de la saisine d’office du juge des tutelles aura pour conséquence de rendre impossible le traitement des situations d’urgence. En effet, toute demande d’ouverture d’une mesure de protection ne comprenant pas le certificat circonstancié requis à l’article 431 sera déclarée irrecevable et privera ainsi le juge des tutelles de la possibilité d’être saisi. Mon amendement prévoit une exception à cette condition de recevabilité.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Émile Blessig, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement. Il est en effet extrêmement risqué d’introduire dans le texte la possibilité d’autoriser le juge à prononcer une mesure de protection sans certificat médical. Certes, je comprends bien que l’urgence puisse poser un problème. Mais on ne peut pas se passer de certificat médical. Les risques de dérive seraient trop importants.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Avis très défavorable. Si l’on suivait M. Leteurtre, on en reviendrait à la situation actuelle : autosaisine ou saisine directe du juge. Or le texte prévoit précisément qu’il faut passer par le procureur et qu’on doit obligatoirement fournir un certificat médical prouvant l’altération des facultés. On ne va pas supprimer ces dispositions, qui fondent notre texte, au motif qu’il y a urgence.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 364.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 442.

La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.

M. Alain Vidalies. Cet amendement a le même objet qu’un amendement précédent.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Émile Blessig, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 442.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 231 et 443.

La parole est à M. Georges Fenech, pour soutenir l’amendement n° 231.

M. Georges Fenech. Le projet de loi prévoit que l’action en nullité, en rescision ou en réduction n’appartient qu’à la personne protégée et, après sa mort, à ses héritiers. Elle s’éteint par le délai de cinq ans prévu à l’article 1304. Cet amendement précise que les dispositions de l’article 1676 du code civil ne sont pas applicables. Les dispositions de cet article sont les suivantes : la demande n’est plus recevable après l’expiration de deux années à compter du jour de la vente. Ce délai court contre les femmes mariées et contre les absents, les majeurs en tutelle et les mineurs venant du chef d’un majeur qui a vendu. Ce délai court aussi et n’est pas suspendu pendant la durée du temps stipulé pour le pacte du rachat.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour soutenir l’amendement n° 443.

M. Alain Vidalies. Même argumentation que M. Fenech.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Émile Blessig, rapporteur. Favorable. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Avis défavorable. Il y a en effet deux types de rescision : la rescision en matière de vente immobilière et la rescision en matière de sauvegarde de justice. Ces situations sont totalement différentes et non susceptibles d’être confondues. Pour la sauvegarde de justice, il s’agit d’une rescision pour lésion simple et le délai pour agir est de cinq ans, tandis qu’en matière immobilière le vendeur doit avoir été lésé de plus de sept douzièmes dans le prix de vente, et le délai est de deux ans.

Ces amendements ne me semblent donc pas utiles. Ils pourraient au contraire conduire à s’interroger sur les raisons qui ont poussé le législateur à un tel rapprochement.

M. le président. La parole est à M. Georges Fenech.

M. Georges Fenech. Je retire l’amendement n° 231, compte tenu des explications de M. le garde des sceaux.

M. le président. L’amendement n° 231 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 443.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 35.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Émile Blessig, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de précision.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 35.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 232.

La parole est à M. Georges Fenech, pour le soutenir.

M. Georges Fenech. Je considère que cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Émile Blessig, rapporteur. Avis défavorable. Cet amendement est en effet satisfait par le premier alinéa de l’article 436 du nouveau code de procédure civile.

M. Georges Fenech. Monsieur le président, je retire mon amendement.

M. Maxime Gremetz. Encore !

M. Georges Fenech. S’il est satisfait, je n’ai en effet aucune raison de le maintenir.

M. le président. L’amendement n° 232 est retiré.

Je suis saisi de deux amendements, nos 444 et 233, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Serge Blisko, pour soutenir l’amendement n° 444.

M. Serge Blisko. Il s’agit de situations d’urgence. On doit pouvoir ouvrir une mesure de sauvegarde très vite s’il y a un vrai péril – captation ou donation intempestive, par exemple. Il ne paraît pas nécessaire d’exiger que les personnes aient connaissance de l’ouverture de la mesure de sauvegarde pour prendre les dispositions conservatoires indispensables à la préservation du patrimoine. C’est un amendement de protection supplémentaire pour faire face à des cas parfois douloureux.

M. le président. La parole est à M. Georges Fenech, pour soutenir l’amendement n° 233.

M. Georges Fenech. Je fais miennes les explications de M. Blisko.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les deux amendements en discussion ?

M. Émile Blessig, rapporteur. Avis défavorable sur les deux amendements en discussion.

Il serait excessif d’imposer à toute personne demandant l’ouverture d’une curatelle ou d’une tutelle de prendre des actes conservatoires. Il faut en effet limiter cette obligation aux seuls cas de sauvegarde de justice, et donc aux personnes qui ont connaissance de l’ouverture de la sauvegarde. C’est bien parce que les personnes concernées connaissent l’existence d’une sauvegarde de justice qu’elles sont tenues d’accomplir des actes conservatoires. En généralisant la mesure, nous irions trop loin.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable. De telles dispositions risqueraient de conduire à des initiatives contradictoires des différents membres de la famille. Honnêtement, cela ne me semble pas une bonne idée. Si l’on ne sait pas qu’il y a une mesure de sauvegarde, il faut s’abstenir.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 444.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 233.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 234.

La parole est à M. Georges Fenech, pour le soutenir.

M. Georges Fenech. Je considère que cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Émile Blessig, rapporteur. Défavorable. La demande de désignation d’un mandataire spécial peut être motivée par des causes autres que l’urgence et le péril.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 234.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 36.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Émile Blessig, rapporteur. Cet amendement de précision vise à soumettre les personnes chargées d’exercer un mandat spécial dans le cadre d’une sauvegarde de justice aux règles d’incapacité, de retrait et d’empêchement applicables au tuteur et au curateur.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 36.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 235.

La parole est à M. Georges Fenech, pour le soutenir.

M. Georges Fenech. Je considère que cet amendement est défendu.

M. Maxime Gremetz. M. Fenech veut obliger tout le monde à prendre un avocat !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Émile Blessig, rapporteur. Monsieur Gremetz, vous feriez sûrement un bon rapporteur. Mais c’est prématuré, pour l’instant. (Sourires.) Alors, laissez-moi répondre !

Avis défavorable : l’intervention obligatoire d’un avocat n’est pas justifiée, en effet.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 235.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 37.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Émile Blessig, rapporteur. Cet amendement de coordination vise à soumettre les actions contre le mandataire spécial désigné dans le cadre d’une sauvegarde de justice aux règles de prescription applicables en cas de tutelle.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 37.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 38.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Émile Blessig, rapporteur. En cas d’urgence, le projet de loi maintient la possibilité d’ouvrir une sauvegarde de justice par déclaration médicale, notamment en cas d’hospitalisation. Pour ce type de sauvegarde, il convient que la mesure puisse cesser par simple déclaration sans nécessiter une mainlevée judiciaire. Cela me paraît extrêmement important.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 38.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 445.

La parole est à M. Alain Vidalies, pour le soutenir.

M. Alain Vidalies. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 90 de l’article 5, qui précise que la curatelle n’est prononcée que s’il est établi que la sauvegarde de justice ne peut assurer une protection suffisante. Or cette rédaction favorise la confusion. En effet, la sauvegarde de justice est une mesure de protection provisoire sui generis et hybride qui n’est comparable ni à la tutelle ni à la curatelle car elle peut être prononcée pour la durée de l’instance en attente du prononcé d’une mesure de curatelle ou de tutelle.

Dans un souci de clarté et de cohérence, il convient, pour appliquer les principes de proportionnalité et de subsidiarité, de comparer exclusivement la curatelle à la tutelle, en fonction de l’état de la personne. La sauvegarde est d’une autre nature.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Émile Blessig, rapporteur. Avis défavorable. Nous estimons précisément que le principe de subsidiarité doit s’appliquer pleinement, d’abord au sein de la famille, notamment par les règles des contrats matrimoniaux. La sauvegarde de justice a l’avantage d’être provisoire et de maintenir la capacité du majeur. Par conséquent, lorsqu’elle est suffisante pour protéger le majeur, il convient qu’elle soit ordonnée de préférence à une tutelle ou à une curatelle.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 445.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. En conséquence, l’amendement n° 446 tombe.

Je suis saisi d’un amendement n° 39.

Cet amendement fait l’objet d’un sous-amendement n° 448 rectifié.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 39.

M. Émile Blessig, rapporteur. Cet amendement vise à soumettre l’ouverture d’une curatelle ou d’une tutelle à durée indéterminée à une révision préalable. Ainsi, avant de donner à la mesure une durée indéterminée, le juge devra l’avoir renouvelée au moins une fois. C’est une clause minimum.

M. Laurent Wauquiez, rapporteur pour avis. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour défendre le sous-amendement n° 448 rectifié.

M. Alain Vidalies. Notre sous-amendement ne remet pas en cause l’esprit de l’amendement et il répond aux mêmes préoccupations, mais il tend à introduire plus de souplesse en donnant au juge la faculté de fixer le terme de la mesure à l’occasion de la révision de la première décision.

Nous étions résolument hostiles à la rédaction initiale, qui prévoyait la durée indéterminée. En effet, celle-ci contredit l’approche globale du texte et le délai de cinq ans, qui est une avancée majeure. La souplesse donne au juge la possibilité de réexaminer le dossier et peut-être, compte tenu de circonstances particulières, d’opter pour une durée plus longue. En tout état de cause, nous souhaitons un examen périodique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement ?

M. Émile Blessig, rapporteur. Avis défavorable, dans la mesure où nous préférons que les choses soient mieux encadrées, dans l’intérêt des proches de la personne protégée.

Le délai peut être raisonnable, mais il pourrait aussi bien atteindre dix, quinze ou vingt ans. Vous introduisez un élément d’incertitude. Quoi qu’il en soit, vous avez raison sur un point : il s’agit d’encadrer les pouvoirs du juge.

M. Georges Fenech. Il faut faire confiance au juge !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement et le sous-amendement ?

M. le garde des sceaux. Le Gouvernement est favorable à l’amendement, mais défavorable au sous-amendement.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Voilà ce que vous proposez : lorsque l’altération des facultés personnelles de l’intéressé n’est pas susceptible de connaître une amélioration selon les données acquises de la science, le juge peut, par décision spécialement motivée et sur avis conforme du médecin, renouveler la mesure pour une durée indéterminée !

M. Émile Blessig, rapporteur. Après une révision !

M. Maxime Gremetz. Les données scientifiques et médicales permettent-elles aujourd’hui de dire dans quel état sera une personne dans dix ans ? Cette extrapolation me gêne beaucoup parce qu’elle est en contradiction avec le principe du renouvellement de l’examen tous les cinq ans. Laissons les gens croire aux miracles, et ne donnons pas au juge la possibilité de renouveler la mesure pour une durée indéterminée !

M. Sébastien Huyghe. Si un miracle survient, l’intéressé pourra toujours faire un recours !

M. Maxime Gremetz. Que dites-vous là ? Cela prendrait du temps, qui s’ajouterait à la « durée indéterminée »…

M. le président. La parole est à Mme Patricia Adam.

Mme Patricia Adam. Cette discussion, qui concerne les majeurs incapables, me rappelle celle que nous avons eue la semaine dernière lorsque nous avons examiné les articles du projet de loi sur la protection de l’enfance – certains parmi vous étaient présents. Nous avions déposé un amendement afin d’espacer au-delà de deux ans les procédures de révision des dossiers si des circonstances exceptionnelles le justifiaient, car cette révision peut être préjudiciable pour certains enfants. Le Gouvernement a refusé notre demande, pour des raisons absolument inverses à celles que vous êtes en train de développer. J’avoue que je ne comprends pas la cohérence qui sous-tend l’amendement de la commission, car il est clair que la situation de la personne, en particulier son âge, jouera dans ces décisions. Le garde des sceaux nous tient aujourd’hui un raisonnement inverse de celui qu’a tenu ici même M. Philippe Bas.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 448 rectifié.

(Le sous-amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 39.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’amendement n° 447 deuxième rectification tombe.

Je suis saisi d’un amendement n° 451.

La parole est à M. Serge Blisko, pour le soutenir.

M. Serge Blisko. Cet amendement vise à ce que l’avis de la personne chargée de la mesure de protection soit recueilli avant toute décision tendant à modifier ou à supprimer la mesure.

Il serait en effet paradoxal que la personne intéressée ne soit pas entendue, même si sa situation ne s’est pas améliorée. Il faut qu’elle sache, par exemple, qu’elle est passée du régime de la curatelle à celui de la tutelle.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Émile Blessig, rapporteur. Avis favorable : il peut être utile de recueillir l’avis de la personne chargée de la mesure.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Avis également favorable. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 451.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 300.

La parole est à M. Maxime Gremetz, pour le soutenir.

M. Maxime Gremetz. Cet amendement a le même objet que le précédent : il est indispensable que la personne ayant exercé la mesure de protection puisse donner son avis au magistrat avant que celui-ci ne modifie la mesure ou n’y substitue une autre.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Émile Blessig, rapporteur. Cet amendement est satisfait par l’amendement précédent.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois. On peut tout de même lui donner un avis favorable !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 300.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. M. Gremetz, lui aussi, est satisfait… (Sourires.)

Je suis saisi d’un amendement n° 219.

La parole est à M. Émile Blessig, pour le soutenir.

M. Émile Blessig, rapporteur. Cet amendement est important pour toutes les personnes qui habitent dans les départements frontaliers et qui sont, faute de places, hébergées dans des établissements situés hors de nos frontières. Il vise à ce que la mesure de protection ne soit pas interrompue au prétexte que la personne ne se ferait pas soigner en France. L’amendement précise en outre qu’un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application de cette disposition.

Il n’est pas rare que, faute de place dans les établissements établis en France, des personnes sous curatelle ou sous tutelle soient contraintes de quitter le territoire national pour être hébergées ou soignées à l’étranger. Dans une telle hypothèse, il convient que la mesure de protection puisse continuer de s’appliquer. Tel est le sens de l’amendement adopté par la commission.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Le Gouvernement n’est pas favorable à cette exception et je veux faire appel au bon sens de votre assemblée. Si une personne ne réside plus en France, comment voulez-vous que l’on assure sa protection ? Je ne comprends pas. Les députés sont peut-être plus subtils que moi…

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Pensez à ceux qui sont soignés à quelques kilomètres de la frontière !

M. Serge Blisko. Il s’agit à l’évidence d’un problème médico-social : si nous avions assez de places en France, la question ne se poserait pas !

M. le garde des sceaux. Le projet de loi prévoit que la mesure de protection cesse lorsque la personne n’a plus sa résidence en France, tandis que l’amendement défendu par le rapporteur vise à prévoir une exception lorsque la personne est hébergée ou soignée dans un établissement situé sur un territoire étranger.

Vous voulez, monsieur le rapporteur, préserver les droits et la protection des personnes accueillies par des établissements spécialisés situés à l’étranger. Ces personnes, qui n’ont pas transféré leur résidence habituelle hors de France, pourront toujours bénéficier des mesures de protection ordonnées en France.

La disposition du projet de loi est une simple mesure de cohérence juridique. Le juge français ne peut ouvrir une mesure de protection pour une personne qui ne réside pas en France. Il est donc logique qu’il ne puisse maintenir une mesure lorsque la personne ne réside plus en France.

Les mesures de protection sont en effet soumises au principe de territorialité. En vertu de l’indépendance souveraine des États, il ne nous est pas possible de contrôler l’application de la mesure concernant une personne qui réside à l’étranger. En outre, il importe de prévenir tout risque de contradiction entre différentes mesures applicables à la même personne. Il n’est donc pas possible de confier au tuteur et au juge la responsabilité d’une mesure qu’ils n’ont pas les moyens de faire respecter.

La question que vous soulevez, monsieur le rapporteur, est aussi sérieuse que légitime. Toutefois, elle ne peut être résolue qu’à l’échelon international. C’est pourquoi le Gouvernement, qui a d’ores et déjà engagé une réflexion sur ce sujet, est déterminé à traiter la question dans le cadre communautaire afin d’apporter des solutions concrètes aux difficultés transfrontalières en matière de tutelle. Ce point sera l’un des objectifs majeurs de la présidence française de l’Union européenne du deuxième semestre 2008. Pour avoir quelque expérience des négociations dans le domaine de la justice et des affaires intérieures, je puis vous assurer que la partie n’est pas gagnée. C’est pourquoi le projet de loi évoque explicitement l’application des conventions internationales.

Bref, en l’état actuel du droit, ce que vous proposez n’est pas possible.

M. le président. À titre exceptionnel, je vais donner la parole à un orateur par groupe.

La parole est à M. Claude Leteurtre.

M. Claude Leteurtre. Monsieur le garde des sceaux, il s’agit de situations concrètes et qui ne relèvent pas du choix des intéressés. Si la France disposait de capacités d’accueil suffisantes, le problème ne se poserait pas. Il ne s’agit pas d’être complaisant, mais de répondre à une nécessité. Il nous appartient donc de trouver des solutions compatibles avec notre droit. J’ajoute que, s’agissant de personnes vulnérables, la protection du juge français est plus que jamais nécessaire.

M. le président. La parole est à M. Sébastien Huyghe.

M. Sébastien Huyghe. Mon amendement n° 460, que nous allons examiner dans quelques instants, relève de la même inspiration – ce point a fait l’objet d’un long débat en commission –, mais celui du rapporteur est mieux rédigé.

Dans mon département du Nord, compte tenu du manque de places disponibles, il est fréquent que des personnes aillent se faire soigner dans des établissements situés en Belgique.

M. Claude Leteurtre. C’est également le cas de personnes habitant la Normandie !

M. Sébastien Huyghe. Si la mesure de protection cesse parce qu’elles ont franchi la frontière – certaines d’entre elles n’ayant d’ailleurs fait que quelques kilomètres –, comment sera mis en vente un immeuble sur le territoire français, par exemple ? Il faudra faire signer de quelque manière que ce soit l’acte authentique par la personne qui bénéficiait en France d’une mesure de protection, mais dont elle ne bénéficie plus parce qu’elle est allée se faire soigner à quelques kilomètres dans un établissement situé de l’autre côté de la frontière !

De deux choses l’une : soit il y a impossibilité manifeste de procéder à la vente de l’immeuble, soit la voie est ouverte à toutes les manipulations possibles, à une captation de bien appartenant à la personne qui était protégée et qui ne l’est plus.

Mon amendement n° 460 va tomber si l’amendement en discussion est adopté, mais comme ce dernier est mieux rédigé, je le soutiens.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. le garde des sceaux. Certaines régions ou départements n’ont pas assez de maisons de retraite, me dit-on, par exemple dans le Nord-Pas-de-Calais. Je voudrais répondre clairement à M. Sébastien Huygue, député du Nord.

Si les personnes ne se domicilient pas en Belgique, la mesure de protection peut continuer à s’appliquer. En revanche, si les personnes quittent la France et se domicilient à Bruxelles – ou ailleurs –, nous nous heurtons à la souveraineté de l’État belge et le suivi de la mesure de protection n’est plus possible.

Il y a donc moyen de régler le problème à condition que les gens ne fassent pas le choix de la domiciliation à l’étranger, mais se contentent d’y résider, ce qui est juridiquement différent.

M. Claude Leteurtre. C’est ce que dit l’amendement !

M. le garde des sceaux. J’espère avoir été clair et tels sont les conseils que vous pouvez donner à vos administrés.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Si les établissements étaient en nombre suffisant, le problème ne se poserait pas, mais nous avons là un cas de force majeure : où ces gens peuvent-ils aller ?

C’est un problème délicat et compliqué. Monsieur le garde des sceaux, j’ai bien compris votre argumentation : si les gens sont domiciliés en France, la mesure de protection s’applique ; et s’ils vont se faire soigner en Belgique parce que, cas de force majeure, il n’y a pas d’établissement adéquat, il n’y a pas de problème, la mesure s’applique.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois. Oui, c’est cela.

M. Maxime Gremetz. Cependant, dans certains cas, ces personnes peuvent se retrouver sans famille, sans domicile en France.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois. À ce moment-là, c’est le domicile du tuteur qui est pris en compte !

M. Maxime Gremetz. Comment règle-t-on cette question ? Il faut préciser ce point.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. C’est probablement l’une des discussions les plus graves de notre débat car il y a un risque d’aboutir à des situations qui, humainement, ne seront pas comprises, y compris par l’opinion publique.

Pour résumer, deux cas de figure se présentent. Celui évoqué précédemment par mes collègues : la personne franchit la frontière pour aller dans un établissement qui se trouve à quelques kilomètres de la France.

L’autre cas de figure n’a été évoqué que partiellement, et j’attire votre attention, monsieur le garde des sceaux.

Si nous conservons ce qu’énonce le texte, à savoir que la mesure de protection « prend fin lorsque la personne protégée fixe sa résidence en dehors du territoire national »,…

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois. Elle choisit !

M. Alain Vidalies. …il suffira à certains esprits mal intentionnés de conduire cette personne en dehors du territoire pour capter son héritage.

M. Sébastien Huyghe. Bien sûr !

M. Alain Vidalies. Si la personne protégée, par exemple du fait de l’altération de ses facultés mentales, possède des biens, la captation de l’héritage – acte aujourd’hui impossible car elle bénéficie d’un tuteur – sera possible dès lors qu’elle aura été physiquement emmenée en Italie ou ailleurs. Je ne suis pas sûr que l’opinion publique félicitera le législateur d’avoir permis ce genre de situation ! Je crois donc que nous ne pouvons conserver la rédaction du texte actuelle.

Monsieur le garde des sceaux, d’une manière assez objective, vous avez essayé de trouver une porte de sortie car vous voyez bien qu’il y a une difficulté parce que votre texte parle de « résidence » et non pas de domicile. Il y a donc une distinction à faire de ce point de vue : le moindre mal serait de modifier, au moins pour partie, votre texte…

M. le garde des sceaux. Oui !

M. Alain Vidalies. …pour indiquer qu’il s’agit du domicile principal, et non de la résidence.

Le groupe socialiste avait déposé un amendement supprimant cette disposition du projet, mais il a curieusement été déclaré irrecevable en vertu de l’article 40, sort qui n’a pas été réservé à l’amendement du rapporteur.

Adoptons donc l’amendement du rapporteur. À moins que le Gouvernement ne prenne des initiatives pour éviter que les deux cas de figure évoqués n’aboutissent à des situations qui seront considérées, à juste titre, comme scandaleuses par nos concitoyens. Notre devoir est bien de protéger les personnes concernées.

M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission des lois.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois. Cette question est effectivement très importante ; notre débat en commission avait d’ailleurs été riche sur ce point.

Il y a deux notions à partir desquelles nous pouvons essayer de construire une proposition définitive qui réponde au souci de faire en sorte qu’une personne amenée à être hébergée dans une maison de retraite à l’étranger, car aucune solution adéquate n’existe en France, ne puisse pas être considérée comme ayant fait un choix délibéré de profiter de la France en s’installant à l’étranger. En effet, l’idée de départ du texte est de dire qu’on ne peut pas vouloir bénéficier de ce que la France apporte quand on fait le choix d’aller à l’étranger pour, éventuellement, se soustraire à un certain nombre de contraintes exigées par la France.

M. Maxime Gremetz. Évidemment !

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois. Partant de cet accord sur l’objectif du texte, nous avons un autre accord à trouver pour ne pas priver les personnes qui n’ont pas le choix des dispositions protectrices que notre pays apporte et que, notamment, ce texte veut apporter.

Il y a donc deux notions.

D’abord, celle de choix ou pas. Le texte actuel indique : « la personne protégée fixe… ». Pour moi, un élément incontournable de l’amendement qui doit pouvoir nous réunir, et M. le garde des sceaux nous dira s’il est d’accord, est le choix. Choisir de fixer ne signifie pas la même chose que fixer parce qu’on n’a pas le choix de faire autrement. Choisir de fixer doit pouvoir être retenu. Étant entendu que si une personne n’a pas le choix, elle est sous tutelle, et si elle est sous tutelle, son domicile est chez son tuteur. On ne concevrait pas qu’il y ait un tuteur à l’étranger pour assurer la tutelle d’un citoyen français : il s’agit donc bien d’un tuteur français domicilié en France. À ce moment-là, la question du domicile ne se pose pas. Et je crois que la seconde partie de l’amendement n’a plus de justification si nous sommes bien d’accord sur la portée du terme « choisir ».

Sur la notion juridique de résidence, nous ne pouvons pas mettre dans le texte la notion juridique de domicile puisqu’il y a une notion juridique de domiciliation. La notion juridique, c’est la résidence habituelle.

Selon moi, nous pouvons combiner les deux notions. Et si nous conservions la formulation de la première phrase de l’amendement de M. Blessig – « La mesure prend également fin lorsque la personne protégée choisit de fixer sa résidence habituelle en dehors du territoire national » –, nous aurions parfaitement répondu au double souci initial, que nous partageons, du Gouvernement, de la commission et de l’ensemble de ceux qui proposent un amendement consistant à ne pas priver une personne, qui n’a pas le choix, des droits qui sont par ailleurs proposés et accentués par ce projet de loi.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. le garde des sceaux. Nous sommes bien en France : ce que je viens d’entendre est de la théorie la plus pure !

Mme Patricia Adam. Non !

M. le garde des sceaux. Ce qui motive le ministère de la justice dans la rédaction de ce texte est la chose suivante : des centaines de tuteurs et de juges d’instance écrivent tous les ans à la direction des affaires civiles et du sceau pour indiquer qu’ils ne veulent plus garder la responsabilité de personnes qu’ils ne peuvent plus joindre ! Ils ne savent plus où elles sont, puisqu’elles sont parties à l’étranger, et ils sont encore en situation de responsabilité. Ils n’en veulent plus ! Nous demandons à la direction des affaires civiles de prendre contact avec le ministère des affaires étrangères qui, lui-même, cherchera son consul pour lui demander où il en est ! Voilà la réalité !

C’est bien beau de faire de la théorie, comme vous le faites… (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

Vous n’êtes pas d’accord ? Nous sommes bien en France : le problème concret, tout le monde s’en fiche ! Le problème concret est que nous avons des tuteurs et des juges d’instance qui n’ont plus la possibilité pratique de suivre des personnes qui étaient sous mesure de protection.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Nous avons compris, mais comment réglez-vous le problème ?

M. le garde des sceaux. Avec la fin de la mesure : si les personnes ne sont plus là, la mesure cesse. C’est ce que dit le texte.

Replacez le débat au fond et cessez d’être abstraits !

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Si la personne est à trois kilomètres de l’autre côté de la frontière, que faites-vous ?

M. le garde des sceaux. On ne sait plus faire, madame, comprenez-vous cela ?

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Il faut trouver une solution !

M. le garde des sceaux. Eh bien, c’est ce que fait M. Geoffroy en proposant les termes « choisit de fixer » et je suis d’accord avec lui ! Si vous choisissez de fixer votre résidence – et je suis également d’accord pour rajouter « habituelle » – à Namur, en Algérie ou au Maroc, vous n’allez pas, en plus, demander à un juge, qui ne peut pas appliquer la mesure, d’être responsable ! Cela serait totalement déraisonnable ! Mettez-vous dans la peau du juge et demandez-vous si vous pourriez être responsable de mesures que vous ne pourriez pas prendre car vous ne verriez jamais la personne ! C’est impossible, madame !

Je suis donc d’accord avec le vice-président Geoffroy pour écrire dans le texte de loi : « la personne protégée choisit de fixer sa résidence habituelle ».

En attendant, cessez de dire que quelque chose est possible quand ça ne l’est pas : soyez un peu pratiques, arrêtez de faire de la théorie. Je sais bien que vous êtes socialistes, mais cela n’excuse pas tout ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

M. Maxime Gremetz. Et les députés de l’UMP, là-bas, ils ne sont pas un peu socialistes ?

M. le garde des sceaux. Presque ! Ils sont du Nord !

M. le président. Mes chers collègues, le sujet est d’importance, mais il est dix-neuf heures trente et nous avons encore près de 450 amendements à examiner. Notre séance doit se terminer dans une demi-heure : je veux bien donner la parole à plusieurs orateurs, puisque le ministre s’est exprimé de nouveau, mais pour de très courtes interventions.

Au préalable, je rappelle que l’amendement n° 219 rectifié tend à rédiger ainsi l’alinéa 101 de l’article 5 : « La mesure prend également fin lorsque la personne protégée choisit de fixer sa résidence habituelle en dehors du territoire national. Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent alinéa. »

La parole est à M. Patrick Delnatte.

M. Patrick Delnatte. Je souhaiterais faire une remarque d’ordre fiscal. La Belgique essaie actuellement de récupérer par tous les moyens des ressources fiscales. Elle a dans le collimateur les personnes hébergées dans les maisons de retraite. Si l’on entre dans cette logique, elle va bientôt se retourner vers les personnes hébergées dans les maisons spécialisées. Avec la rédaction de l’amendement, nous nous dotions au moins d’une précaution fiscale, ce qui est important.

D’autre part, la Convention internationale de La Haye − signée, mais non encore ratifiée − oblige les autorités centrales à échanger des informations avec les autres pays. Je me demande si, là, nous sommes encore dans cette optique. Sans doute cet argument a-t-il moins de poids, mais je voudrais que vous fassiez très attention aux conséquences fiscales de la décision que vous allez prendre.

M. le président. La parole est à M. Sébastien Huyghe.

M. Sébastien Huyghe. En ce qui concerne la résidence, la règle des 183 jours par an passés sur le territoire national ou à l’étranger s’applique.

Pour ma part, je propose que nous conservions la première rédaction de l’amendement n° 219, tout en modifiant ainsi la deuxième phrase par l’ajout de l’adverbe « automatiquement » : « Toutefois, elle ne cesse pas automatiquement si le majeur quitte le territoire national pour être hébergé ou soigné dans un établissement. » Enfin, le décret en Conseil d’État fixe les conditions dans lesquelles la protection peut être maintenue dans le respect du droit international.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Émile Blessig, rapporteur. Je fais miens les propos de Sébastien Huyghe, qui a bien identifié le vrai problème. Monsieur le garde des sceaux, vous nous demandez d’être concrets, mais nous avons aussi à répondre aux préoccupations de nombre de personnes qui doivent trouver un hébergement ou des soins à proximité de leur domicile. J’ai bien noté que le Gouvernement allait prendre un engagement au niveau européen, mais vous-même, monsieur le ministre, semblez très sceptique sur les délais et sur le calendrier.

Nous voulons donner un minimum de garanties et rassurer les personnes protégées qui se trouvent dans cette situation. À la lecture de nos débats, toutes les ambiguïtés seront levées.

M. le garde des sceaux. Et comment réglez-vous le problème quand on ne peut plus joindre les gens ? Que faites-vous lorsqu’un juge des tutelles ne les voit plus jamais ? Il faudrait nous expliquer cela !

M. Émile Blessig, rapporteur. Ce sont deux cas différents. Nous parlons ici d’un majeur « hébergé ou soigné dans un établissement » : la précision, qui vise une catégorie de personnes clairement identifiées, est relativement limitative.

M. le président. La parole est à M. le vice-président de la commission des lois.

M. Guy Geoffroy, vice-président de la commission des lois. Nous sommes tous d’accord sur le fond, mais divergeons quant à la formulation. La deuxième phrase est paradoxale. Lorsqu’une personne va dans un établissement pour y être soignée ou hébergée, on ne peut écrire en début de phrase qu’elle « quitte le territoire national » sans donner à entendre qu’elle en a la volonté explicite. Quelqu’un qui est hébergé dans un établissement situé hors de France, pour un temps qu’on ne sait pas déterminer, n’a pas quitté le territoire national.

Sans supprimer l’objet dont nous débattons, la modification évoquée tout à l’heure permettrait de considérer qu’il a été ici suffisamment affirmé pour que le texte proposé fixe une règle générale ne prêtant pas à confusion. Lorsque quelqu’un est hébergé ou soigné dans un établissement à l’étranger, sa résidence habituelle ne cesse pas pour autant d’être sur le territoire national. À partir du moment où l’on dit que la mesure cesse lorsqu’une personne protégée « choisit de fixer sa résidence habituelle en dehors du territoire national », la règle générale est établie. On voit que nous cherchons à protéger les personnes qui n’ont pas le choix et doivent être hébergées et soignées dans un établissement à l’étranger. Si, un jour, surgit une difficulté, on pourra se reporter à nos débats : on verra que nous étions tous d’accord pour les protéger. Pour autant, ne commettons pas, fût-ce de bonne foi, l’erreur qui consisterait à adopter une rédaction risquant de fragiliser le texte et de nous mettre en difficulté par rapport au droit international qui, d’une manière ou d’une autre, qu’on le veuille ou non, s’impose à nous.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Émile Blessig, rapporteur. On vient de nous distribuer le texte de l’amendement n° 219 rectifié. Dans la mesure où ce débat concerne principalement des personnes soignées ou hébergées, il serait peut-être possible de retenir la phrase de M. Geoffroy en supprimant le « toutefois », et en précisant : « Elle ne cesse pas automatiquement si le majeur quitte le territoire national pour être hébergé ou soigné dans un établissement. » Ainsi, le juge pourra demander des justificatifs d’hébergement.

Certes, ce n’est pas simple, mais des milliers de personnes sont concernées. Je donne mon point de vue en tant que rapporteur, et l’Assemblée tranchera. Mais il convient d’abord d’examiner cette question à fond.

M. le président. Voilà vingt minutes que nous traitons du même sujet. Je vais donner la parole à M. Blisko et à M. Gremetz, pour de courtes interventions, puis nous voterons.

La parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko. Votre souci du pluralisme vous honore, monsieur le président.

Les débats ont permis de montrer que nous ne pouvons maintenir en l’état l’alinéa 101 de l’article 5, qui pose quelques problèmes. M. le garde des sceaux se définit comme un homme concret. Il est vrai que la mesure peut être difficile à appliquer, car, comme il le dit, le juge ou l’association chargée de la curatelle peuvent être plongés dans la perplexité s’ils ne savent comment joindre des personnes qui ont disparu corps et biens.

M. le garde des sceaux. Pas les biens, mais le corps !

M. Serge Blisko. Cependant, nos collègues ont évoqué des cas bien réels : en Belgique, il y a 3 000 personnes hébergées, c’est-à-dire soignées − « placées », selon l’horrible mot qu’on employait autrefois − dans un établissement médico-social. On en compte également quelques-unes en Espagne et sans doute aussi en Suisse.

M. le garde des sceaux. Et beaucoup au Maghreb !

M. Serge Blisko. Ces 3 000 Français sont des majeurs protégés, c’est-à-dire des personnes qui ne peuvent pas se défendre. Leurs familles ou leurs tuteurs ont dû les mettre dans ces établissements parce qu’ils ne trouvaient pas de place en France. Je regrette que M. Bas ne soit pas là, car nous aurions eu l’occasion de lui parler d’une situation qui n’est vraiment pas à notre honneur. Ces familles, qui vivent un véritable drame, n’habitent pas seulement dans le Nord-Pas-de-Calais, monsieur Huyghe. Le phénomène a gagné la région parisienne, où des gens sont obligés de mettre leurs enfants, même majeurs, dans des établissements situés à 300 kilomètres de leur domicile, parce que la France manque de places − M. Laurent Wauquiez le sait.

On me dit − ce que je n’ai pas les moyens de vérifier − que, outre ces 3 000 personnes hébergées en établissements médico-sociaux, car souffrant d’un handicap psychique ou mental très grave, souvent irréversible, on compte 6 000 personnes qui n’ont pas trouvé, en France, de places dans un établissement pour personnes âgées dépendantes. C’est là un trou noir de notre démocratie, une faille dans notre traitement des personnes les plus fragiles. N’y ajoutons pas la fin automatique de la mesure de protection sous prétexte qu’elles ont franchi une frontière.

Pour ne pas fragiliser les textes, M. Geoffroy choisit de fragiliser les familles. Car c’est bien ce qui se passera si nous ne faisons rien.

Je regrette qu’on ait attendu le 17 janvier pour aborder ce problème majeur. Nous nous rallions à tout amendement qui permettra de protéger les personnes et de préciser les conditions d’hébergement, de résidence, de domiciliation. Dans cette optique, il est intelligent et subtil de prévoir que le juge doit avoir le choix, qu’il ne doit pas y avoir automaticité. Le tuteur ayant écrit qu’une personne allait être hébergée en Belgique − en général, ce n’est pas à Malines, mais en Wallonie, car ces établissements ne reçoivent que des Français, la loi belge interdisant d’y mettre de jeunes Belges −, nous savons où elle se trouve. Pour celles dont on ne sait pas où elles sont, dont on est sans nouvelles, la mesure de protection doit cesser. Ce faisant, nous aurons renforcé la protection et nous n’aurons pas créé de nouvelles difficultés juridiques pour ces gens.

M. le garde des sceaux. On l’aura dit, mais on ne l’aura pas fait !

M. le président. Monsieur Gremetz, peut-être préférez-vous, avant de vous exprimer, entendre d’abord M. le rapporteur ?

M. Maxime Gremetz. Oui, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Émile Blessig, rapporteur. M. Geoffroy a fait une proposition qui doit être rédigée.

M. le garde des sceaux. Pour cela, il faudrait une suspension de séance de trois minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-deux, est reprise à dix-neuf heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Vous avez la parole, monsieur le rapporteur, pour donner lecture à l’Assemblée de l’amendement n° 219 deuxième rectification.

M. Émile Blessig, rapporteur. Cet amendement tend à rédiger ainsi l’alinéa 101 de l’article 5 : « La mesure prend également fin lorsque la personne protégée choisit de fixer sa résidence habituelle en dehors du territoire national. Elle ne cesse pas automatiquement si le juge est informé que le majeur est hébergé et soigné dans un établissement situé en dehors du territoire national. Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent alinéa. »

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Je me félicite que l’on ait pris en compte la situation en question, car c’est d’une situation humaine qu’il s’agit, qui concerne des milliers de personnes. Je suis donc d’accord sur le principe, bien que j’aie préféré que l’amendement ne s’applique que lorsqu’il n’y a pas d’établissement en France. Certaines personnes choisissent en effet d’aller à l’étranger, alors que nous avons des établissements qui leur correspondent. Si l’on peut se soigner en France, je ne vois pas pourquoi on permettrait d’aller ailleurs, ou alors permettons à tout le monde d’aller se soigner n’importe où !

S’il y a des situations de fait qui empêchent de placer ces personnes en France, il ne devrait alors s’agir que de cas de force de majeure. Si des places existent dans notre pays, je ne vois vraiment pas pourquoi on permettrait – pour la beauté du paysage ou pour je ne sais quelle autre raison – de quitter le territoire national pour être hébergé ou soigné.

L’amendement, je le répète me convient, mais encore faudrait-il qu’il prenne en compte l’idée de force majeure, car, a priori, c’est en France que l’on se soigne.

J’ajoute que l’exposé sommaire devra être revu !

M. Émile Blessig, rapporteur. Tel sera bien sûr le cas.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 219 deuxième rectification.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’amendement n° 460 tombe.

Je suis saisi d’un amendement n° 40.

La parole est à M. le rapporteur, pour le défendre.

M. Émile Blessig, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de précision.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 40.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 236 rectifié et 450.

La parole est à M. Georges Fenech, pour défendre l’amendement n° 236 rectifié.

M. Georges Fenech. Il est défendu.

M. le président. La parole est à Mme Chantal Robin-Rodrigo, pour soutenir l’amendement n° 450.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Cet amendement tend également à compléter l’alinéa 109 de l’article 5, qui dispose que « les professionnels et auxiliaires médicaux ne peuvent exercer une charge curatélaire ou tutélaire à l’égard de leurs patients », par les mots « , ni être membre du conseil de famille », ce qui coule de source.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les deux amendements identiques ?

M. Émile Blessig, rapporteur. Défavorable. (« Pourquoi ? » sur les bancs du groupe socialiste.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable.

M. Serge Blisko. Pourrait-on connaître les raisons de l’avis défavorable de la commission ?

M. le président. Si M. le rapporteur veut intervenir, je lui donne la parole.

M. Émile Blessig, rapporteur. Ces amendements sont satisfaits par le projet de loi. Le conseil de famille est un organe de protection. Ses membres exercent une charge curatélaire ou tutélaire. En conséquence, l’article 445 du code civil a pour effet d’interdire que le médecin du majeur protégé soit membre du conseil de famille.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Voilà ce qu’il fallait nous dire !

M. Serge Blisko. Cela allait sans dire, mais cela valait mieux en le disant !

M. le président. La parole est à M. Georges Fenech.

M. Georges Fenech. Au bénéfice de ces explications – qui étaient tout de même bien utiles –, je retire mon amendement.

M. le président. Maintenez-vous l’amendement n° 450, madame Robin-Rodrigo ?

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. Les amendements nos 236 rectifié et 450 sont retirés.

Je suis saisi d’un amendement n° 302.

La parole est à M. Maxime Gremetz, pour le défendre.

M. Maxime Gremetz. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Émile Blessig, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 302.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 355.

La parole est à M. Claude Leteurtre, pour le soutenir.

M. Claude Leteurtre. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 355 est retiré.

Je suis saisi d’un amendement n° 237.

La parole est à M. Georges Fenech, pour le défendre.

M. Georges Fenech. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Émile Blessig, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 237.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 41.

La parole est à M. le rapporteur, pour le défendre.

M. Émile Blessig, rapporteur. Cet amendement vise à étendre la possibilité de désigner le curateur ou le tuteur d’un enfant mineur au dernier vivant des père et mère qui exerce l’autorité parentale à son égard.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 41.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 42.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Émile Blessig, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de précision.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 42.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 43.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Émile Blessig, rapporteur. Il s’agit par cet amendement de supprimer une mention inutile.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 43.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Nous en venons à trois amendements, nos 365, 303 et 452, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Claude Leteurtre, pour défendre l’amendement n° 365.

M. Claude Leteurtre. La rédaction de la seconde phrase de l’alinéa 122 de l’article 5 du projet de loi prête à confusion. La mention « en tout état de cause » ouvre la voie à un changement de régime de la responsabilité du mandataire. En effet, le travail de la personne chargée de la mesure est une obligation de moyens et non de résultat. La plupart des actes ne relèvent pas de sa seule intervention, mais d’un travail en partenariat et de responsabilités croisées, notamment en matière de soins.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour soutenir l’amendement n° 303.

M. Maxime Gremetz. Même argumentation !

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour défendre l’amendement n° 452.

M. Alain Vidalies. Même argumentation également !

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements ?

M. Émile Blessig, rapporteur. L’article 450 du code civil a précisément pour objet d’imposer au mandataire qui sollicite son dessaisissement d’accomplir les actes urgents. Il faut en effet assurer un minimum de protection tant que le juge n’a pas statué sur la demande de dessaisissement. C’est ce qui explique l’avis défavorable de la commission.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 365.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 303.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 452.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 44.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Émile Blessig, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 44.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 238.

La parole est à M. Georges Fenech, pour le défendre.

M. Georges Fenech. Il est défendu !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Émile Blessig, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable.

Pour des raisons de proximité, il n’est pas opportun de supprimer la possibilité pour le juge de confier la mesure à un préposé de l’établissement qui accueille le majeur. Je précise que le juge a toujours la liberté de choix.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. Défavorable.

M. Georges Fenech. Je retire l’amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 238 est retiré.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 366 et 433.

La parole est à M. Claude Leteurtre, pour défendre l’amendement n° 366.

M. Claude Leteurtre. Cet amendement soulève un problème important.

Le projet de loi introduit, aux côtés des actuels gérants de tutelle hospitaliers, des préposés d’établissements médico-sociaux exerçant la fonction de mandataire judiciaire à la protection des majeurs. La création de tels préposés porte gravement atteinte à l’indépendance indispensable des tuteurs et des curateurs. Des difficultés ne manqueront pas de se poser en matière d’information et de consentement aux soins dans un établissement médico-social, ou encore dans le calcul des frais d’entretien et d’hébergement réalisés par l’établissement. Je crois qu’on ne peut pas être à la fois juge et partie. L’amendement n° 366 a pour objet de supprimer cette faculté.

M. le président. La parole est à M. Sébastien Huygue, pour soutenir l’amendement n° 433.

M. Sébastien Huyghe. Mon argumentation est la même : on ne peut pas être juge et partie.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les deux amendements identiques ?

M. Émile Blessig, rapporteur. Il y a, d’un côté, les établissements de soins, qui ne posent pas de problème concernant les préposés chargés de la protection et, de l’autre, les établissements médico-sociaux.

Encore une fois, pour des raisons de proximité, il n’est pas opportun de supprimer la possibilité pour le juge de confier la mesure à un préposé de l’établissement qui accueille le majeur. Cela permet une certaine souplesse, sachant que l’ensemble des décisions sont toujours soumises au contrôle du juge, il ne faut pas l’oublier.

On noircit le tableau à propos de certains conflits d’intérêts mais la proximité est importante et certaines des mesures à prendre peuvent être prises par le tuteur seul, d’autres ne peuvent être prises par le tuteur qu’avec l’autorisation du juge. En toutes circonstances, le juge est là comme recours et garant du bon fonctionnement de l’institution.

C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable à ces amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le garde des sceaux. C’est un avis très défavorable, parce qu’il faut bien entendu permettre aux établissements sociaux et médico-sociaux de conserver l’activité tutélaire qui leur est traditionnellement confiée.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 366 et 433.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi portant réforme de la protection juridique des majeurs, n° 3462 :

Rapport, n° 3557, de M. Émile Blessig, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République ;

Avis, n° 3556, de M. Laurent Wauquiez, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)