DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 17

Réunion du jeudi 21 novembre 2002 à 9 heures 15

Présidence de M. Pierre Lequiller, Président,

I. Examen du rapport d'information de M. Thierry Mariani sur le ciel unique européen

M. Thierry Mariani, rapporteur d'information, a déclaré qu'au travers des projets de textes constituant « le paquet ciel unique », la Commission avait souhaité appliquer aux services de navigation aérienne un processus analogue à celui qui a présidé à l'achèvement du marché intérieur et à l'instauration de la monnaie unique. Dans le même temps, ces projets doivent permettre à la Commission de renforcer sa participation à la définition de la politique de la navigation aérienne de la Communauté, dont l'adhésion à Eurocontrol, le 8 octobre, a marqué une étape importante.

Le rapporteur a toutefois estimé que faute d'avoir pris la mesure des enjeux politiques - en particulier celui de la souveraineté des Etats sur leur espace aérien consacrée par la Convention de Chicago de 1944 relative à l'aviation civile internationale - les textes proposés par la Commission recèlent de graves dérives, qui l'ont amené à déposer une proposition de résolution en conclusion de son rapport.

Présentant le dispositif du paquet ciel unique, le rapporteur a souligné qu'il visait à porter remède aux dysfonctionnements résultant du caractère fragmenté des systèmes de navigation aérienne et de leur insuffisante productivité.

Bien que l'idée de fragmentation ait été vigoureusement critiquée par certains de ses interlocuteurs, le rapporteur a souligné qu'elle était néanmoins réelle, à la différence des Etats-Unis. Dans ce pays, la Federal Aviation Administration (FAA) est l'unique régulateur et l'unique opérateur du trafic aérien civil et militaire. En revanche, les 31 Etats de la zone Eurocontrol comptent 47 régulateurs, puisque 21 d'entre eux - dont la France - disposent de deux régulateurs, un civil et un militaire. Aux Etats-Unis, les zones réservées aux militaires sont situées aux frontières, tandis que la zone de trafic la plus dense est limitée à la côte Est. En Europe, la zone de trafic la plus dense se situe au centre du continent et comprend, pour des raisons historiques, de nombreuses zones militaires. Enfin, à la différence des Etats-Unis, où il n'existe qu'un seul type d'équipement, en Europe, les cinq plus grands Etats
- Allemagne, Espagne, France, Italie et Royaume-Uni - sont équipés de systèmes de contrôle fournis par cinq industriels concurrents.

Quant à la productivité des systèmes européens, elle est, selon une étude de la commission d'examen des performances d'Eurocontrol, deux fois moins élevée que celle du système américain, tandis qu'ils sont plus coûteux que ce dernier à hauteur de 50 %. Cette même étude indique toutefois, qu'en ce qui concerne les retards aériens et la sûreté, les résultats sont comparables.

C'est pourquoi le paquet ciel unique vise à mettre en place, au 31 décembre 2004, un espace aérien unique et à établir des règles de fonctionnement communes.

Afin que le ciel unique européen puisse être un espace aérien sans frontière, la Commission propose la création d'une région unique d'information de vol (RUIV), qui résultera de la fusion des quinze régions des Etats membres. A l'intérieur de cette région, les services de trafic aérien seront fournis selon les règles et procédures harmonisées. Dans une première étape, la RUIV se limiterait à l'espace aérien supérieur, qui accueille la plupart des vols internationaux.

La création de cette RUIV devrait permettre de reconfigurer l'espace supérieur en le divisant en blocs d'espace aérien fonctionnels, qui ne coïncideraient pas nécessairement avec les frontières nationales, et qui seraient définis notamment de manière à permettre un fonctionnement efficace du trafic aérien.

Au sein de cet espace aérien intégré, une coordination entre les autorités civiles et militaires en charge du contrôle aérien serait mise en place, en vue de parvenir à une gestion flexible de l'espace, d'abord dans l'espace supérieur, puis, dans l'espace inférieur. Elaboré par Eurocontrol, ce principe repose sur la disparition de tout espace réservé en permanence à un type de circulation - civile et militaire - et sur la coordination de leurs besoins.

La Communauté serait le régulateur fort et indépendant de cet espace intégré. En étroite coopération avec Eurocontrol, elle confectionnerait les règles communautaires, tandis qu'un comité du ciel unique assisterait la Commission pour la mise en œuvre des mesures qui seront prises. Ce comité serait composé de deux représentants par Etat membre - dont des militaires - tandis que la participation d'Eurocontrol en tant qu'observateur pourrait être prévue dans le règlement intérieur du comité.

S'agissant des règles communes, elles visent à instaurer une séparation au moins fonctionnelle entre le régulateur et l'opérateur. Le rapporteur a indiqué qu'à la différence de ce que l'ancien ministre des transports a soutenu, la grande majorité de ses interlocuteurs a déclaré que la France ne satisfaisait pas à cette exigence de séparation minimale. Une réflexion est actuellement en cours pour s'y conformer.

En second lieu, afin que les services de navigation aérienne soient fournis dans un cadre transparent et non discriminatoire, les services dits « annexes » - services météorologiques, services de communication, de navigation et de surveillance, services d'informations aéronautiques - sont ouverts à la concurrence. Dans la même perspective, un mécanisme d'incitation à la performance économique est instauré, qui serait une sorte de bonus malus applicable aux prestataires de service et aux usagers. Enfin, des dispositions réglementent l'harmonisation des normes d'équipement.

S'interrogeant sur l'adéquation de ces différentes mesures à l'objectif d'un espace aérien intégré, qui favorise une meilleure fluidité du trafic aérien tout en respectant des standards de sécurité élevés, le rapporteur a considéré que le paquet ciel unique présentait trois lacunes majeures.

Il empiète sur les prérogatives et les intérêts des Etats membres. Ainsi, s'agissant de la coordination entre les autorités civiles et militaires, le service juridique du Conseil a indiqué - conformément à la position défendue par la France - qu'elle ne pourrait être réglée par les dispositions du premier pilier, mais soit par celles d'un accord intergouvernemental, soit par celles de la PESC. Cet accord pourrait comprendre - selon des propositions formulées par les autorités militaires françaises - une clause de sauvegarde destinée à garantir la capacité d'action aérienne des Etats au-dessus de leur territoire ainsi que des dispositions relatives à l'entraînement des forces militaires, à l'usage flexible de l'espace et aux blocs d'espace fonctionnels. Pour certains départements ministériels, la conclusion d'un accord intergouvernemental est toutefois un processus long. En outre, il peut être dénoncé, alors qu'un acte édicté dans le cadre de la PESC s'impose à tous les Etats membres. D'autre part, les mécanismes de la PESC permettraient de mieux associer les autorités militaires au processus décisionnel. Cette seconde solution n'a cependant pu aboutir, la Grande-Bretagne s'y étant opposée, au motif que la PESC concerne uniquement les relations extérieures de la Communauté.

En ce qui concerne les blocs d'espace fonctionnels, le rapporteur a relevé que pour les autorités françaises, la Commission était juridiquement incompétente pour arrêter une décision finale sur la configuration de l'espace aérien, puisque les régions d'information de vol sont créées par accords entre les Etats, lesquels sont avalisés par le Conseil de l'OACI. Or, la Communauté n'est pas membre de l'OACI, ce qui interdit à la Commission de prendre une décision en la matière.

En second lieu, le rapporteur s'est interrogé sur la pertinence des mécanismes d'incitation à la performance économique ainsi que sur l'ouverture des services annexes à la concurrence. De telles orientations sont d'autant plus surprenantes que, par un arrêt du 19 janvier 1994, la Cour de justice des Communautés européennes a établi que les activités d'Eurocontrol ne présentaient pas un caractère économique justifiant l'application des règles de concurrence du traité. De surcroît, les mécanismes d'incitation à la performance apportent des modifications de fond à la Convention de Chicago et peuvent interférer avec le système de redevances qui existe déjà à Eurocontrol. Quant à l'ouverture des services annexes à la concurrence, elle ne tient pas compte du rôle que certains d'entre eux jouent dans la chaîne de sécurité de la navigation aérienne.

Enfin, le rapporteur a souligné que le paquet ciel unique était imprécis sur le rôle qu'Eurocontrol serait appelé à jouer dans la nouvelle architecture. Il a considéré que l'invocation par la Commission des règles de comitologie pour refuser de consacrer clairement le rôle d'Eurocontrol dans les propositions de règlement n'était pas fondée. Il a fait valoir que non seulement, l'Union européenne était membre d'Eurocontrol depuis le 8 octobre dernier, mais qu'en outre, il existait déjà de nombreux textes communautaires qui mentionnent expressément la réglementation des organisations internationales - OMI (Organisation maritime internationale) ou OCDE.

Il a également fait état du risque d'une duplication des compétences, malgré les assurances données par la Commission. Il en est ainsi du comité du ciel unique, dont l'utilité paraît douteuse, puisque, depuis 1960, Eurocontrol est doté d'un comité permanent d'interface civile-militaire (CMIC) relevant du conseil d'Eurocontrol.

Le rapporteur a contesté cette sous-estimation par certains de l'expertise technique détenue par Eurocontrol, laquelle contraste avec les moyens limités de la Commission.

En conclusion, le rapporteur a considéré que s'il convenait d'approuver l'objectif de gestion unifiée du trafic et de l'espace aériens, il ne saurait être poursuivi que sous certaines garanties, contenues dans la proposition de résolution qu'il a présentée.

M. Michel Herbillon a souhaité connaître l'étendue de l'espace aérien dont la France assurait le contrôle.

Le rapporteur a indiqué que l'espace aérien contrôlé par la France s'étendait jusqu'aux frontières nord de l'Algérie et couvrait une large zone sur l'Atlantique. Il a précisé qu'a contrario le contrôle aérien de certaines zones limitées du territoire français était assuré par des centres situés sur le territoire de pays voisins, aux Pays-Bas et en Suisse.

M. Daniel Garrigue a interrogé le rapporteur sur l'articulation de la réforme proposée avec la déréglementation des transports et le fort développement du trafic aérien en Europe.

Le rapporteur a précisé que la réforme du « ciel unique », proposée par la Commission, avait essentiellement à l'origine des objectifs économiques liés à la saturation du trafic aérien et à l'augmentation des retards liée à cette saturation. Il a indiqué que depuis le 11 septembre 2001, la baisse du trafic avait rendu moins pressant le problème de la saturation du trafic et que, dans le même temps, la réforme proposée s'était orientée vers la prise en compte prioritaire des préoccupations de sécurité. Il a noté que cette réforme n'avait pas de conséquences sur l'activité des compagnies à « bas coûts ».

Le Président Pierre Lequiller s'est déclaré préoccupé par le retard qui existe en Europe dans le domaine de la fluidité des transports, qui n'est pas satisfaisante à l'intérieur des frontières de l'Union. Il a interrogé le rapporteur sur les raisons qui motivent son opposition à l'ouverture à la concurrence des services annexes de la navigation aérienne.

Le rapporteur a précisé que l'ouverture à la concurrence ne concernait pas le contrôle aérien qui s'apparente en réalité à un monopole naturel. S'agissant des services annexes, il a déploré que la Commission européenne méconnaisse l'intégration de certains d'entre eux dans la chaîne de sécurité de la navigation aérienne. Il a indiqué qu'aux Etats-Unis, l'ouverture à la concurrence du service de la météorologie ne se posait pas, celui-ci étant délivré gratuitement. En Grande-Bretagne, le service annexe de la météorologie est en revanche libéralisé, mais il est encore trop tôt pour en évaluer les effets.

M. Michel Herbillon a rappelé que loin d'être une question annexe, la météorologie constituait un élément essentiel de la sécurité du transport aérien. Il a interrogé le rapporteur sur les conséquences pour le contrôle aérien des attentats du 11 septembre 2001.

En réponse, le rapporteur a témoigné d'une sensibilisation renforcée des autorités de contrôle qui ont depuis cette date intensifié leur coopération en vue d'accélérer les procédure d'identification des avions. Il a précisé que Maastricht était le centre de contrôle de l'espace aérien pour la Belgique, le Luxembourg et une partie de l'Allemagne. Il a indiqué que la lutte contre le terrorisme aérien pouvait relever du deuxième pilier et que les relations entre le Pentagone et la FAA aux Etats-Unis s'étaient intensifiées après les attentats du 11 septembre 2001. Cela étant, on ne peut empêcher, s'agissant de l'Europe, que la destination exacte d'un avion fonçant sur le continent ne puisse être connue que quelques minutes avant qu'il n'atteigne sa cible.

Un débat, auquel ont participé le Président Pierre Lequiller, MM. Nicolas Dupont-Aignan, Daniel Garrigue, Michel Herbillon, André Schneider et le rapporteur, s'est ensuite ouvert sur les questions suivantes :

- Les difficultés de coordination entre les autorités civiles et militaires dans la gestion du contrôle de l'espace aérien et leurs conséquence sur la ponctualité des vols

Le rapporteur a précisé le rôle de la C.F.M.U. (Central Flow Management Unit) qui a permis de réduire les temps de retard en n'autorisant un avion à décoller que si un créneau horaire d'atterrissage lui est attribué ; cela permet aux avions d'éviter de tourner lorsqu'il sont en phase d'approche, de consommer moins de carburant tout en assurant une meilleure sécurité aérienne. Puis il a rappelé l'existence de deux catégories de centres de contrôle aérien : les uns civils, les autres militaires. Alors que les centre civils ne contrôlent que des avions civils, les centres militaires contrôlent à la fois des avions militaires et civils. L'existence de zones aériennes militaires réservées peut contraindre des avions civils à contourner les zones fermées, ce qui provoque alors des retards. Aux Etats-Unis, les zones militaires sont implantées de telle sorte qu'elles ne perturbent pas le trafic civil. Mais la situation est inverse en Europe, où il apparaît désormais nécessaire de réfléchir à la création de zones militaires communes à plusieurs pays (notamment entre la France et l'Allemagne d'une part, et l'Espagne d'autre part). Le rapporteur a néanmoins fait état d'une amélioration des relations entre les contrôleurs civils et militaires, et souligné la performance du contrôle aérien français en relevant que la précédente catastrophe aérienne liée à une défaillance du contrôle aérien remonte à 1973.

L'harmonisation des normes et des matériels

Après avoir indiqué que deux blocs industriels se partagent le marché européen du matériel aéronautique, le rapporteur a souligné les avantages d'une uniformisation des normes à l'échelle européenne, afin de peser davantage face à la concurrence américaine. En 2005, avec l'élargissement, l'Union européenne sera majoritaire au sein d'Eurocontrol puisque les pays membres représenteront 25 Etats sur les 31 composant cette organisation ; l'Union européenne devrait alors être en mesure d'imposer des normes communes. Le principal obstacle reste néanmoins celui de la question militaire, notamment pour la France qui se situe au centre des principales routes aériennes européennes. Le rapporteur a salué l'action d'Eurocontrol, dont les succès depuis 40 ans reposent sur une expertise sans équivalent ; mais il a regretté qu'Eurocontrol ne dispose pas des moyens d'appliquer les sanctions prononcées et a déploré la rivalité qui existe entre la Commission européenne et la direction générale d'Eurocontrol.

M. Nicolas Dupont-Aignan a précisé à ce sujet que, lors de la réorganisation des routes aériennes en Ile-de-France à la fin des années 1990, Eurocontrol avait apporté une aide très utile alors que la direction générale de l'aviation civile était contestée par plusieurs élus, notamment dans l'Essonne.

A l'issue de ce débat, la Délégation a adopté à l'unanimité la proposition de résolution suivante :

« L'Assemblée nationale,

- Vu l'article 88-4 de la Constitution,

- Vu la communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen : programme d'action pour la réalisation du ciel unique européen et la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil fixant le cadre pour la création du ciel unique européen (document E 1851),

- Vu la communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen sur la réalisation du ciel unique européen ; la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur la fourniture de services de navigation aérienne dans le ciel unique européen ; la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur l'organisation et l'utilisation de l'espace aérien dans le ciel unique européen ; et la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur l'interopérabilité du réseau européen de gestion du trafic aérien (document E 1852),

1. Approuve l'objectif d'une gestion unifiée du trafic et de l'espace aériens ;

2. Estime toutefois qu'un tel objectif ne saurait être poursuivi, de façon efficace, que dans le respect de la souveraineté des Etats, ainsi que des missions d'intérêt général dévolues aux services de la navigation aérienne par la Cour de justice des Communautés européennes et sur la base de l'expertise technique d'Eurocontrol, qui a posé les jalons d'un ciel unique européen ;

3. Considère, dès lors, que la coordination entre les autorités civiles et militaires devrait être réglée non pas par la proposition de règlement-cadre susvisée, mais au travers des mécanismes de coopération relevant de la politique étrangère et de sécurité commune ;

4. Considère également que les blocs d'espace fonctionnels ne sauraient être définis que sur la base des décisions prises par les Etats ;

5. Juge indispensable, d'une part, de poser dans chacune des propositions de règlement susvisées que les mesures communautaires à prendre dans le cadre du ciel unique s'appuieront systématiquement sur Eurocontrol, son expertise, ses procédures et ses acquis et, d'autre part, de prévoir qu'Eurocontrol participera aux travaux du comité sur le ciel unique européen en qualité d'observateur ;

6. Estime nécessaire que soient abrogées les dispositions instituant des mécanismes d'incitation économique et l'ouverture à la concurrence des services annexes de la navigation aérienne ;

7. Demande que l'Union européenne et les Etats membres accordent des moyens budgétaires soutenus à la recherche, sans lesquels l'Europe ne serait pas en mesure de faire face efficacement à la concurrence américaine ;

8. Souhaite que les réflexions en cours au sein du Gouvernement sur la réorganisation de la navigation aérienne contribuent à mieux valoriser le potentiel technique et humain dont la France dispose déjà. »

II. Examen du rapport d'information de M. Christian Philip sur la transposition des directives et la transposition de la directive concernant les règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel

M. Christian Philip, rapporteur d'information, a préalablement observé qu'il présentait en réalité deux rapports, l'un sur la transposition des directives de façon générale, l'autre sur la transposition spécifique de la « directive gaz ». Cette dernière, adoptée le 22 juin 1998, est une parfaite illustration des retards accumulés par la France dans le domaine des transpositions, puisque le projet de loi, examiné le 11 décembre prochain par l'Assemblée nationale, sera adopté avec plus de deux ans de retard. Notre pays est ainsi le seul à ne pas avoir encore transposé cette directive, ce qui lui vaudra une prochaine condamnation par la Cour de Justice des Communautés européennes. Le récent tableau d'affichage du marché intérieur, publié par la Commission européenne, a confirmé que la France était le « mauvais élève européen » avec un déficit de transpositions de 3,8 % et 216 procédures d'infractions engagées à son encontre. Le rapport d'information montre que quatre ministères - les ministères des finances, de l'agriculture, de l'équipement et de l'écologie - ont la responsabilité du plus grand nombre des directives en retard de transposition et que quatre d'entre elles auraient dû être transposées depuis 1991. Le rapport souligne également qu'il ne peut être accepté d'imputer ce retard au Parlement dans la mesure où sur les 211 directives restant à transposer, 39 seulement nécessitent une intervention du législateur, soit moins de 20 % du total.

En réponse au Président Pierre Lequiller qui se demandait pourquoi nos partenaires européens enregistraient de meilleurs résultats, M. Christian Philip a invoqué une meilleure organisation administrative dans ce domaine et une association plus systématique du Parlement dans la surveillance du processus de transposition. Il a alors rappelé que le Gouvernement français avait décidé de réagir, comme l'illustrent la déclaration de politique générale du Premier ministre du 3 juillet 2002, la réponse de Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes, à une question écrite posée par lui-même, et - surtout - la communication au Conseil des ministres du 6 novembre dernier. Cette communication a annoncé un véritable plan d'action visant, d'une part, à clarifier les responsabilités administratives, grâce notamment à la fixation d'objectifs quantitatifs de réduction des retards de transposition et, d'autre part, à mieux associer le Parlement par l'intermédiaire de rendez-vous réguliers, probablement mensuels, sur les questions européennes.

M. Christian Philip a suggéré diverses mesures susceptibles de renforcer le contrôle du Parlement et d'en faire un aiguillon du pouvoir exécutif. Il serait ainsi opportun que le Gouvernement inscrive à l'ordre du jour de l'un de ses prochains rendez-vous mensuels la proposition de loi adoptée par le Sénat, le 14 juin 2001, visant à transférer au niveau législatif les obligations prévues par la circulaire du 9 novembre 1998 relative au processus administratif de transposition. Il pourrait être intéressant également de reprendre une proposition, déjà déposée sous la précédente législature par le Président Alain Barrau, autorisant les délégations parlementaires pour l'Union européenne à se saisir pour avis des projets de loi de transposition. Pour aller plus loin, la Délégation de l'Assemblée nationale pourrait présenter chaque année un rapport sur l'état des transpositions, qui serait remis au ministre chargé des affaires européennes à l'occasion d'une audition portant spécifiquement sur ce point. Enfin, il a proposé de demander au Premier ministre d'évoquer le problème des transpositions dans chacune des déclarations annuelles devant le Parlement, auxquelles il s'est engagé dans sa déclaration de politique générale. A n'en point douter, le Premier ministre ferait pression sur l'administration pour présenter un bilan positif.

M. Christian Philip a ensuite abordé le problème particulier de la transposition de la directive gaz. En la matière, il faut tout d'abord souligner un paradoxe, puisque cette directive n'a pas été transposée par la France, mais que les opérateurs économiques ont mis en place, dès août 2000, un mécanisme transitoire permettant, dans la pratique, une ouverture du marché français à la concurrence supérieure à celle enregistrée chez de nombreux partenaires. Le cas de l'Allemagne est significatif. Ce pays, censé avoir procédé à une libéralisation totale de son marché du gaz à usage industriel, ne peut faire valoir en réalité qu'une ouverture de moins de 2 %, contre 20 à 30 % en France. La situation allemande s'explique par l'absence d'un régulateur spécifique, un tarif d'accès au réseau négocié et non pas régulé et, plus généralement, par la complexité de la structure gazière allemande. L'Italie et l'Espagne ont également des taux d'ouverture réels de leur marché très inférieurs aux taux affichés et c'est à juste titre que Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie, a récemment transmis un courrier à la Commission européenne pour s'inquiéter des obstacles nationaux à l'ouverture de la concurrence gazière.

Le rapporteur a ensuite insisté sur le fait que les obligations de service public sont prises en compte très clairement, tant par la directive du 22 juin 1998 que par le projet de loi de transposition. Il est d'ailleurs significatif que la directive fasse mention explicitement à la notion de service public, alors que les textes communautaires font plus souvent référence au service universel ou au service d'intérêt économique général. Il convient d'ajouter que le Sénat a renforcé les obligations de service public, en intégrant dans le projet de loi de transposition des obligations prévues par la proposition de directive modificative en cours de négociation et pour laquelle un accord pourrait être trouvé lors du Conseil énergie du 25 novembre prochain.

D'une façon générale, le projet de transposition doit être analysé au regard de cette nouvelle directive en cours de négociation. La France ne doit pas avoir une position négative par principe, comme ce fut trop souvent le cas dans le passé, qui conduit nos partenaires et la Commission à se focaliser contre notre position, alors que d'autres Etats, plus habiles, apparaissent plus souples dans les négociations, tout en bloquant le texte communautaire au niveau de son application nationale.

Cette nouvelle approche doit se traduire, en premier lieu, par une acceptation de la libéralisation du marché du gaz, mais sous conditions, notamment en ce qui concerne le calendrier. Le Conseil de Barcelone de mars 2002 a entériné une ouverture pour les professionnels à compter de 2004, et n'a pris aucune décision en ce qui concerne l'ouverture du marché des ménages, qui pourrait être repoussée à 2007. Il faut s'en tenir à ce calendrier, afin de donner aux opérateurs économiques le temps de se préparer à cette évolution.

Une approche constructive doit, en second lieu, conduire à ne pas se crisper sur le niveau de séparation des entreprises intégrées. La directive en cours de négociation impose une séparation juridique entre le gestionnaire du réseau de transport et le gestionnaire du réseau de distribution. La France s'y oppose en invoquant des raisons économiques, alors qu'elle craint surtout des difficultés sociales avec le personnel de Gaz de France. Pourtant cette entreprise ne voit pas de difficultés à mettre en œuvre une séparation juridique, qui renforcerait la transparence du marché.

Un troisième point important concerne le régulateur chargé de la surveillance du marché. L'Allemagne devrait se voir imposer la mise en place d'un régulateur sectoriel. En revanche, un régulateur unique au niveau européen serait, pour le moment, prématuré.

M. Christian Philip a alors fait part de sa proposition de conclusions, reprenant l'essentiel des éléments précités. Il a précisé que le premier rapport de la Délégation sur l'état des transpositions pourrait être déposé en juin 2003.

M. Michel Herbillon s'est interrogé sur les raisons des retards de transposition qui ont conduit à l'adoption, en 2000, d'une loi d'habilitation autorisant la transposition par ordonnance d'une cinquantaine de directives, ce qui est inacceptable au regard de la démocratie.

Le Président Pierre Lequiller a constaté qu'un fonctionnaire pouvait avoir un pouvoir de blocage et a ajouté que les retards pouvaient également être imputables à des mésententes entre ministères.

M. Nicolas Dupont-Aignan s'est demandé si ces blocages administratifs n'étaient pas liés à une insuffisante prise en compte des problèmes juridiques nationaux au stade de la négociation communautaire. Il a souhaité savoir si les directives en retard étaient les mêmes que celles qui ne sont pas transposées chez nos partenaires européens.

Le Président Pierre Lequiller a jugé qu'il serait d'ailleurs intéressant de mettre en place un système de communication par Internet entre les différentes commissions européennes chargées du suivi des travaux communautaires, afin de dialoguer et d'échanger des informations, en particulier sur les positions adoptées respectivement à l'égard des documents de nature législative. Il a précisé qu'il envisageait de confier à un membre de la Délégation une mission d'étude sur la mise en place d'un tel système.

Après avoir exprimé son accord avec les propos du rapporteur sur les problèmes généraux de transposition de directives, M. Jérôme Lambert a déclaré ne pas partager les analyses et les conclusions de ce dernier en ce qui concerne la transposition de la directive gaz, compte tenu des positions adoptées par la précédente majorité. Il a notamment contesté le considérant indiquant que la réalisation du marché intérieur du gaz devrait se traduire par une diminution des prix pour les consommateurs. Ayant constaté que la transposition avait été réalisée dans les faits et non sur le plan juridique, il a observé que le prix du gaz pour les consommateurs avait augmenté.

M. Jérôme Lambert s'est alors interrogé sur le taux d'ouverture du marché du gaz devant être atteint pour permettre une baisse des prix si une ouverture effective d'environ 25 % de ce marché ne s'était traduite par des avantages pour les consommateurs.

Pour sa part, il ne pouvait pas se satisfaire d'une réponse impliquant la disparition d'un opérateur national au profit de plusieurs entreprises concurrentielles. Il reste qu'il est difficile de fixer le curseur de l'ouverture à un niveau permettant de sauvegarder le service public.

M. Jérôme Lambert a considéré par ailleurs que la multiplication des opérateurs n'allait pas simplifier la vie quotidienne des citoyens, un objectif pourtant poursuivi par l'actuel Gouvernement. Les consommateurs seront en effet obligés d'établir des comparaisons avant de choisir leur fournisseur. Dans ces conditions, il est logique de vouloir préserver un opérateur national, garant de l'intérêt général, plutôt que de faire confiance aux vertus de la guerre commerciale entre entreprises privées qui cherchent à maximiser leurs profits.

M. Jérôme Lambert a noté ensuite qu'une partie de l'argumentation du rapporteur s'appuyait sur le fait que les obligations de service public étaient prévues par la proposition de directive modificative en cours de négociation. Or, ce texte n'est pas encore adopté : il ne peut donc être invoqué pour avancer l'argument selon lequel le service public est reconnu à Bruxelles.

Il a conclu son propos en indiquant qu'il s'abstiendrait lors du vote des conclusions.

M. Nicolas Dupont-Aignan a demandé au rapporteur quel était le sentiment de GDF face aux échéances européennes et a souhaité obtenir des précisions sur les obligations de service public contenues dans la directive. Il s'est déclaré inquiet des effets que pouvait avoir l'ouverture du marché sur la couverture du territoire et les mécanismes de péréquation. Les problèmes actuellement rencontrés par la Poste et par France Télécom soulignent l'importance que revêt la question des conditions de gestion d'un service public dans le secteur concurrentiel. De fait, l'affirmation des obligations de service public constitue la contrepartie nécessaire de l'ouverture de marché à la concurrence. La mission du régulateur devient dès lors capitale dans un tel contexte.

M. Nicolas Dupont-Aignan a estimé que, dans ces conditions, le passage à l'ouverture du marché du gaz pour les particuliers ne devrait se faire que si le bilan de la première phase était satisfaisant.

M. Marc Laffineur a rappelé que services publics et entreprises publiques ne devaient pas être confondus. Un service public peut fonctionner dans un secteur concurrentiel. S'agissant des problèmes de desserte, cela fait longtemps que GDF ne couvre plus l'ensemble du territoire. Le respect de cette obligation devant néanmoins s'imposer, il doit être inscrit dans le cahier des charges de cette entreprise. Par ailleurs, une grande entreprise comme EDF a besoin de l'ouverture pour exister sur le plan international, sinon elle serait pénalisée. La vie en autarcie ne constituant pas une solution, il ne faut pas craindre la concurrence.

M. Jérôme Lambert a considéré que le mode de développement défendu par la majorité était respectable, mais il qu'il ne constituait pas le seul modèle.

M. Nicolas Dupont-Aignan a noté que dans ce débat, la question des conditions d'application de l'ouverture à la concurrence était essentielle. Le véritable enjeu réside dans la régulation du secteur ouvert, comme l'ont montré les défaillances constatées en Californie pour l'électricité ou au Royaume-Uni pour le chemin de fer.

M. Michel Herbillon a estimé qu'il convenait d'adopter une position pragmatique pour résoudre des problèmes concrets. Actuellement, EDF et GDF sont limités dans leur développement, ce qui revient en définitive à pénaliser leurs salariés et l'emploi en général. Dans l'économie d'aujourd'hui, comme le montre l'exemple d'Air France avec SkyTeam, les entreprises doivent constituer des alliances pour se développer.

M. Michel Herbillon a marqué son accord avec les propos de M. Nicolas Dupont-Aignan sur le caractère central des conditions d'application de l'ouverture à la concurrence. C'est, en effet, à ce niveau que se situent les enjeux de régulation et de défense des services publics.

En réponse aux différents intervenants, M. Christian Philip a apporté les précisions suivantes :

- les causes des retards des transpositions sont au moins de deux ordres. Il y a d'abord une raison technique, liée à l'insuffisante organisation des ministères en la matière et au traitement des directives au cas par cas. Mais une raison sociologique peut également être invoquée, puisque des bureaux bloquent des directives, alors même que la France les a adoptées dans le cadre du Conseil de l'Union européenne. A cet égard, il a cité l'exemple de la directive 89/48/CEE du 21 décembre 1988 relative notamment à la reconnaissance des diplômes des psychologues de l'éducation nationale ;

- la plupart des retards de transposition ne peuvent pas être imputés à des problèmes politiques, mais à des difficultés techniques ou aux réactions d'un secteur professionnel non satisfait par le contenu de la norme communautaire ;

- l'ouverture à la concurrence est limitée aux seules industries et n'a donc pu avoir des effets bénéfiques en matière de prix pour les consommateurs ;

- le taux d'ouverture du marché qui sera jugé satisfaisant sera celui qui permettra à Gaz de France de se développer sur le marché international ;

- la directive de 1998 a été adoptée au Conseil par le Gouvernement précédent. Le texte qui doit être transposé par le Parlement a donc été négocié et accepté par les autorités françaises, qui ont d'ailleurs obtenu lors des discussions des références au service public. S'il est légitime de s'interroger sur les conditions pratiques de l'ouverture à la concurrence du marché du gaz, on ne peut en revanche s'opposer à un principe contenu dans le traité et mis en œuvre dans un texte adopté par le Gouvernement français ;

- s'agissant des effets économiques de l'ouverture, il convient d'être modeste dans l'évaluation qui peut être faite en raison de la complexité des mécanismes affectant un marché ;

- Gaz de France est en mesure d'assumer l'évolution prévue par la directive. L'adaptation aux échéances européennes est en outre facilitée par la nature du service fourni par l'opérateur, qui n'est pas comparable au téléphone, par exemple ;

- la proposition de directive modificative en discussion fait référence aux obligations de service public. Le cadre juridique ainsi proposé répond aux craintes exprimées. Il est vrai cependant qu'un cadre juridique ne peut - par définition - fournir toutes les garanties.

La France est attachée à l'élaboration d'un bilan des effets de la première phase de l'ouverture du marché, afin d'adopter les mesures nécessaires si des problèmes étaient constatés.

La Délégation a adopté les conclusions suivantes, M. Jérôme Lambert s'abstenant sur ces conclusions.

« La Délégation,

Vu le projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, relatif aux marchés énergétiques et au service public de l'énergie (n° 326),

Vu la directive 98/30/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 juin 1998 concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel,

Vu la proposition modifiée de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant les directives 96/92/CE et 98/30/CE concernant des règles communes pour les marchés intérieurs de l'électricité et du gaz naturel (COM[2002] 304 final du 7 juin 2002),

Sur les retards importants enregistrés dans la transposition des directives en France :

Considérant que les bilans récents dressés par la Commission européenne font apparaître que la France est l'un des Etats membres où la transposition des directives enregistre le plus de retards et que notre pays est le plus affecté par les procédures pour manquement engagées par la Commission européenne ;

Considérant qu'un effort important de transposition devrait être réalisé dans les prochains mois pour parvenir à un déficit de transposition au plus égal à 1,5 % dans le secteur du marché intérieur et pour transposer l'ensemble des directives de ce secteur accusant un retard de plus de deux ans, conformément à l'engagement pris au Conseil européen de Barcelone de mars 2002 ;

Considérant que la France se doit d'adopter une attitude exemplaire dans ce domaine pour ne pas entraver son action politique au niveau communautaire ;

1. Se félicite de la ferme volonté du Gouvernement de procéder à la transposition rapide des directives, annoncée dans la déclaration de politique générale du Premier ministre, le 3 juillet 2002, et dans la communication du ministre délégué aux affaires européennes lors du Conseil des ministres du 6 novembre 2002 ;

2. Approuve le caractère pragmatique du plan d'action du Gouvernement, visant essentiellement à fixer des objectifs quantitatifs à chaque ministère (en particulier, une réduction par trois du nombre de directives en retard de transposition dans les six prochains mois) et à impliquer davantage le Parlement grâce, notamment, à un « rendez-vous » régulier sur les questions européennes ;

3. S'interroge sur la fréquence de ce « rendez-vous », dans la mesure où la très grande majorité des directives en attente de transposition ne nécessitent pas l'intervention du législateur et dans la mesure où l'essentiel des dysfonctionnements est constaté au niveau réglementaire ;

4. Suggère que le Gouvernement mette à profit l'un de ces prochains « rendez-vous » pour inscrire à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale la proposition de loi complétant l'article 6 bis de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 en vue de permettre un contrôle du Parlement sur la transposition des directives communautaires, proposition de loi adoptée par le Sénat, en première lecture, le 14 juin 2001 ;

5. Souhaite renforcer l'association du Parlement à l'effort engagé par le Gouvernement en proposant que les délégations parlementaires pour l'Union européenne puissent se saisir pour avis des projets de loi de transposition, d'une part, et en décidant que la Délégation déposera, chaque année à la fin du mois de juin, un rapport sur l'état des transpositions, d'autre part ;

6. Propose que le Premier ministre évoque la situation de la transposition des directives à l'occasion de chacune des déclarations annuelles devant le Parlement, auxquelles il s'est engagé.

Sur la transposition de la directive 98/30/CE du 22 juin 1998, concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel :

Considérant que la transposition par voie législative de cette directive intervient avec un retard de plus de deux ans, que ce dysfonctionnement a porté préjudice aux intérêts économiques et politiques de la France et qu'une condamnation de notre pays par la Cour de justice des Communautés européennes devrait être annoncée prochainement ;

Considérant que la réalisation du marché intérieur du gaz naturel devrait se traduire par une diminution des prix pour les consommateurs, un renforcement de la sécurité de l'approvisionnement et des progrès dans la qualité des services ;

Considérant que les structures spécifiques du marché du gaz naturel (concentration de l'offre, coût des infrastructures de transport, contrats de vente à long terme, développement insuffisant des interconnexions entre réseaux) aboutissent, dans un premier temps, à une concurrence restreinte, d'autant que certaines pratiques nationales contribuent à entraver le libre jeu du marché ;

Considérant la prise en compte croissante des obligations de service public par les institutions communautaires et leur reconnaissance explicite dans la directive 98/30/CE du 22 juin 1998, ainsi que le renforcement de ces obligations dans la proposition modifiée de directive modifiant les directives 96/92/CE et 98/30/CE, présentée par la Commission européenne le 7 juin 2002 ;

Considérant que les autorités françaises seront d'autant plus en mesure de peser sur les négociations communautaires si elles adoptent une approche constructive et évitent tout repli sur les spécificités nationales ne présentant pas un caractère fondamental ;

1. Se félicite de la priorité donnée par le Gouvernement à la transposition de la directive de 1998 concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel ;

2. Considère que les dispositions obligatoires de ladite directive sont effectivement reprises dans le projet de loi de transposition soumis à l'Assemblée nationale, qu'il s'agisse de la désignation des clients éligibles et de la fixation des seuils d'ouverture, de l'organisation de l'accès des tiers au réseau, de la transparence de la comptabilité des entreprises intégrées ou encore de la mise en place d'une autorité indépendante des parties chargée de régler les litiges ;

3. Soutient l'approche retenue par le Gouvernement et par le Sénat, visant à intégrer dans l'article 11 du projet de loi précité des obligations de service public non visées par la directive du 22 juin 1998, mais prévues par la proposition de directive modificative en cours de négociation ;

4. Regrette la divergence importante entre l'ouverture théorique à la concurrence et l'ouverture effective enregistrée sur le marché du gaz naturel de nombreux Etats membres et estime que la Commission européenne devrait s'attacher prioritairement à mettre fin à ces dysfonctionnements ;

5. Souligne que de nombreux obstacles à la concurrence pourraient être levés si la proposition de directive modificative imposait un accès régulé des tiers au réseau (à l'exception du transit) et rendait obligatoire la création d'un régulateur sectoriel ;

6. Estime qu'il n'est pas opportun de s'opposer par principe à une libéralisation totale du marché, qui peut être réalisée dès 2004 pour les clients non domestiques mais qui, s'agissant des ménages, doit pouvoir être envisagée autour de 2007, après avoir dressé un bilan pertinent de la première phase d'ouverture du marché du gaz naturel et laissé aux opérateurs économiques le temps d'adapter leurs moyens ;

7. Propose qu'une comptabilité séparée au titre des installations de gaz naturel liquéfié (GNL), prévue par la proposition de directive modificative, soit imposée dès à présent aux opérateurs économiques, mais s'oppose à la mise en œuvre d'une comptabilité séparée pour les activités de fourniture aux clients éligibles, d'un côté, et aux clients non-éligibles, de l'autre, car cette mesure serait d'application compliquée et ne pourrait valoir que pour une brève durée ;

8. Considère qu'il serait pertinent de ne pas s'opposer, dans le cadre des négociations de la proposition de directive modificative, à l'obligation de séparation juridique des activités des entreprises intégrées du secteur du gaz naturel, même si nous devons poser certaines conditions. »

Le Président Pierre Lequiller a souligné l'importance des deux dossiers qui venaient d'être traités, en invitant les rapporteurs d'information à en diffuser spécialement le contenu à la presse.

III. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Sur le rapport du Président Pierre Lequiller, la Délégation a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

Point A

Aucune observation n'ayant été formulée, la Délégation a levé la réserve d'examen parlementaire sur les huit textes suivants :

¬ Agriculture

- proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l'accord sous forme d'échange de lettres concernant les modifications des annexes de l'accord entre la Communauté européenne et la Nouvelle-Zélande relatif aux mesures sanitaires applicables au commerce d'animaux vivants et de produits animaux (document E 2111) ;

- proposition de directive du Conseil modifiant, en ce qui concerne les essais comparatifs communautaires, la directive 66/401/CEE concernant la commercialisation des semences de plantes fourragères, la directive 66/402/CEE concernant la commercialisation des semences de céréales, la directive 68/193/CEE concernant la commercialisation des matériels de multiplication végétative de la vigne, la directive 92/33/CEE concernant la commercialisation des plants de légumes et des matériels de multiplication de légumes autres que les semences, la directive 92/34/CEE concernant la commercialisation des matériels de multiplication de plantes fruitières et des plantes fruitières destinées à la production de fruits, la directive 98/56/CE concernant la commercialisation des matériels de multiplication des plantes ornementales, la directive 2002/54/CE concernant la commercialisation des semences de betteraves, la directive 2002/55/CE concernant la commercialisation des semences de légumes, la directive 2002/56/CE concernant la commercialisation des plants de pommes de terre et la directive 2002/57/CE concernant la commercialisation des semences de plantes oléagineuses et à fibres (document E 2120).

¬ Commerce extérieur

- proposition de décision du Conseil relatif à la conclusion d'un accord sous forme d'un échange de lettres dérogeant temporairement en ce qui concerne l'importation dans la Communauté de tomates originaires du Maroc, aux dispositions du protocole agricole n° 1 de l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et le Royaume du Maroc d'autre part (document E 2130) ;

- proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 2505/96 portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires communautaires autonomes pour certains produits agricoles et industriels (document E 2131).

¬ Espace de liberté, de sécurité et de justice

- proposition de règlement du Conseil concernant l'attribution de certaines fonctions nouvelles au Système d'information Schengen, en particulier dans le cadre de la lutte contre le terrorisme (document E 2035) ;

- proposition de décision du Conseil concernant l'attribution de certaines fonctions nouvelles au SIS, en particulier dans le cadre de la lutte contre le terrorisme (document E 2036) ;

- initiative du Royaume de Danemark en vue de l'adoption par le Conseil d'un projet de décision-cadre relative à la lutte contre la corruption dans le secteur privé (document E 2058) ;

- initiative du Conseil relative à l'utilisation commune des officiers de liaison détachés par les autorités répressives des Etats membres (document E 2063).

Point B

¬ Espace de liberté, de sécurité et de justice

- Livre vert relatif à une politique communautaire en matière de retour des personnes en séjour irrégulier (document E 1995) ;

Ce Livre vert a pour objet de lancer un débat entre les parties intéressées sur les différents aspects du retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, en vue de définir des normes communes dans ce domaine. Ce document s'inscrit dans la continuité du Conseil européen de Laeken des 14 et 15 décembre 2001, qui a invité le Conseil à développer un plan d'action fondé sur la communication de la Commission du 15 novembre 2001 concernant une politique commune en matière d'immigration clandestine. Ce plan global de lutte contre l'immigration clandestine et la traite des êtres humains dans l'Union européenne a été adopté par le Conseil le 28 février dernier. C'est sur le fondement de ce Livre vert et des contributions reçues que la Commission a présenté une communication relative à une politique communautaire en matière de retour des personnes en séjour irrégulier, le 14 octobre dernier. Le retour constitue en effet une partie intégrante d'une politique communautaire globale en matière d'immigration et d'asile, qui pourrait déboucher sur la création d'un programme de retour communautaire.

Le plan d'action que la présidence danoise a proposé le 4 novembre tient compte des réactions des Etats membres, et préconise, sur le modèle du Livre vert :

- un renforcement de la coopération opérationnelle entre Etats membres ;

- la définition de normes minimales à moyen et long terme ;

- des programmes de retour spécifiques à certains Etats, comme celui concernant l'Afghanistan ;

- la mise en place d'un instrument financier communautaire en matière de retour ;

- une coopération accrue avec les pays tiers.

Ce programme d'action doit être adopté lors du conseil « Justice et affaires intérieures » du 28 novembre prochain.

Des propositions législatives précises devraient être présentées une fois le plan d'action approuvé.

La Délégation a pris acte du Livre vert.

- initiative du Royaume du Danemark en vue de l'adoption par le Conseil d'un projet de décision-cadre relative à la confiscation des produits, des instruments et des biens du crime (document E 2060).

Lors d'un précédent examen, la Délégation avait maintenu la réserve d'examen sur ce texte, à la demande expresse de M. Jérôme Lambert, qui avait soulevé les plus vives réserves sur la constitutionnalité de certaines dispositions. Depuis, le Conseil a significativement réduit le champ d'application du texte, qui se limite désormais aux infractions commises dans le cadre d'une organisation criminelle, lorsque l'infraction est visée par l'une des décisions-cadre relatives à la protection de l'euro, à l'aide à l'entrée et au séjour irréguliers, à la traite des être humains, au trafic de drogue et à la pédopornographie, et pour autant que les infractions visées soient passibles d'une peine privative de liberté d'une durée d'au moins 5 à 10 ans. Un alinéa a également été ajouté, aux termes duquel « la confiscation est effectuée conformément aux règles et aux principes constitutionnels et à la Convention européenne des droits de l'homme ».

Forte de ces garanties, la Délégation a levé la réserve d'examen parlementaire sur le texte.

La Délégation a levé la réserve d'examen parlementaire sur les textes suivants :

¬ Pêche

- proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord sous forme d'échange de lettres relatif à l'application provisoire du protocole fixant, pour la période allant du 3 août 2002 au 2 août 2004, les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues dans l'accord entre la Communauté économique européenne et le gouvernement de la République d'Angola sur la pêche au large de l'Angola (document E 2121) ;

- proposition de règlement du Conseil relatif à la conclusion du protocole fixant, pour la période du 3 août 2002 au 2 août 2004, les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues dans l'accord entre la Communauté économique européenne et le gouvernement de la République d'Angola sur la pêche au large de l'Angola (document E 2122) ;

- proposition de décision du Conseil relatif à la conclusion de l'accord sous forme d'échange de lettres relatif à l'application provisoire du protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévue par l'accord entre la Communauté économique européenne et le gouvernement de la République du Sénégal concernant la pêche au large de la côte sénégalaise, pour la période du 1er juillet 2002 au 30 juin 2006 (document E 2123) ;

- proposition de règlement du Conseil relatif à la conclusion du protocole fixant, pour la période du 1er juillet 2002 au 30 juin 2006, les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues par l'accord entre la Communauté économique européenne et le gouvernement de la République du Sénégal sur la pêche au large de la côte sénégalaise (document E 2124).

¬ Questions budgétaires

- avant-projet de budget rectificatif et supplémentaire n° 6 au budget 2002 - Etat des recettes et des dépenses par section - Section I - Parlement - Section II - Conseil - Section III - Commission - Section IV - Cour de justice - Section V - Cour des comptes - Section VI - Comité économique et social - Section VIII - Partie A - Médiateur - Section VIII - Partie B - Contrôleur européen de la protection des données (document E 1940-VI) ;

Le Président Pierre Lequiller a informé la Délégation que ce budget rectificatif et supplémentaire a pour objet de collecter des crédits restant disponibles en 2002 et de les transférer sur des lignes budgétaires où ils peuvent être utilisés pour anticiper en 2002 les dépenses de traduction liées à l'élargissement, prévues initialement pour 2003.

- lettre rectificative n°3 à l'avant-projet de budget 2003 - Section III - Commission (document E 2126).

Le Président Pierre Lequiller a rappelé que comme chaque année, la Commission a présenté à l'autorité budgétaire une lettre rectificative destinée notamment à actualiser les dépenses agricoles et à tenir compte du taux de change entre l'euro et le dollar.

Les besoins globaux pour les dépenses de soutien du marché de la PAC sont estimés à 10,1 milliards d'euros. Ce chiffre est supérieur de 337 millions à celui prévu dans l'avant-projet et laisse une marge d'environ 2,6 milliards d'euros sous le plafond des perspectives financières pour 2003 fixées à Berlin. Il traduit d'une part une diminution des besoins qui résulte de la baisse des crédits pour les cultures arables (près de 900 millions d'euros ayant été consommés de façon anticipée sur l'exercice 2002, suite aux inondations en Allemagne et à la sécheresse en Italie), et, d'autre part, une augmentation des besoins pour le lait (+ 570 millions d'euros) et le sucre, ainsi que l'évolution du taux de change (passé de 0,88 dollar pour un euro dans l'avant-projet de budget à 0,98).

L'enveloppe relative au développement rural demeure inchangée, à peine inférieure à 4,7 milliards d'euros.

La Commission propose en outre d'inclure l'estimation d'un report de l'excédent 2002 de 500 millions d'euros en réduisant dès maintenant les besoins en recettes dans l'avant-projet de budget 2003 étant donné que l'exercice budgétaire agricole est désormais achevé.

La France note que l'augmentation des besoins dans le secteur du lait, réclamée dès les discussions du mois de juin, est prise en compte.

Dans le secteur des céréales, la France estime que, compte tenu de la bonne récolte 2002, des achats importants à l'intervention sont hautement probables. Les prévisions d'achat retenues par la Commission paraissent insuffisantes et il existe un risque de tension sur l'exécution du budget 2003.

En dépit de cette réserve sur le secteur des céréales, la France estime que lettre rectificative est globalement équilibrée et réaliste et qu'elle peut être acceptée. Cependant, si une proposition de réduction des crédits devait intervenir, il conviendra de s'y opposer avec fermeté car elle remettrait en cause l'équilibre de la proposition de la Commission.

Par ailleurs la Délégation a pris acte de la levée de la réserve d'examen parlementaire selon la procédure d'examen en urgence sur les textes suivants :

- avant-projet de budget rectificatif et supplémentaire n° 5 au budget 2002 - Etat des recettes et des dépenses par section - Section III - Commission (document E 1940-V).

- proposition de décision du Parlement européen et du Conseil concernant la mobilisation du fonds de solidarité de l'Union européenne (document E 2133).

IV. Informations relatives à la Délégation

Ont été désignés pour suivre le processus euroméditerranéen : Mmes Arlette Franco et Elisabeth Guigou, ainsi que MM. Bernard Deflesselles, Michel Herbillon, Marc Laffineur et Thierry Mariani. Le groupe socialiste désignera un autre membre ultérieurement.

Le Président a indiqué que l'Assemblée nationale prendrait bientôt des initiatives pour relancer le processus euroméditerranéen. Des pays comme le Maroc ou le Liban sont favorables à l'intensification des relations interparlementaires. En pratique, les députés désignés seront informés lorsque le Président recevra les ministres des pays concernés. Des déplacements peuvent aussi être envisagés.

M. Michel Herbillon a souligné combien la francophonie était une dimension essentielle des rapports avec ces pays, évoquant notamment le projet du Président de la République de créer une chaîne internationale francophone d'information et de culture.

Le Président Pierre Lequiller a souhaité que soit confiée à M. Christian Philip la tâche de présenter les futurs rapports annuels relatifs à la transposition des directives. Il en a été ainsi décidé.

Il a ensuite appelé les membres de la Délégation à relayer au sein de leur groupe politique l'idée d'une séance publique mensuelle consacrée aux questions européennes.
M. Jérôme Lambert
a d'ores et déjà indiqué que le groupe socialiste appuierait cette démarche.

Le Président Pierre Lequiller a rappelé la tenue d'un débat en séance publique, le 3 décembre prochain, sur les travaux de la Convention sur l'avenir de l'Europe.

Les membres de la Délégation qui se sont rendus à la Convention se sont dits vivement intéressés à renouveler l'expérience, en fonction des questions qui seraient abordées à son ordre du jour.

Au sujet de l'élargissement, le Président a indiqué qu'il avait reçu les ambassadeurs de chaque pays candidat retenu par le Conseil européen de Bruxelles en présence de celui des membres de la Délégation qui est en charge du rapport d'information sur son traité d'adhésion.