DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 25

Réunion du mercredi 15 janvier 2003 à 16 heures 15

Présidence de M. Pierre Lequiller, Président

I. Audition de M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer, sur la sécurité maritime en Europe (audition ouverte à la presse)

Le Président Pierre Lequiller a souligné que la sécurité maritime était une question d'actualité européenne et qu'elle était devenue la première préoccupation de l'opinion publique.

Il a indiqué que la Délégation avait décidé de confier un rapport d'information sur la sécurité maritime en Europe à MM. Didier Quentin et Guy Lengagne qui seront également chargés du suivi de ce secteur.

Le ministre s'est félicité que cette audition fasse suite aux premières questions européennes posées dans le cadre de la séance des questions au Gouvernement, dont l'une a porté sur la sécurité maritime, à l'initiative du Président Pierre Lequiller, confirmant bien la dimension européenne de ce problème. Avant d'exposer les grandes orientations de la politique du Gouvernement, le ministre a rappelé que les deux-tiers du pétrole mondial étaient acheminés par voie maritime dans des zones fréquentées et très dangereuses, comme le détroit du Pas-de-Calais qui nous concerne au premier chef et qui est aussi fréquenté que le détroit de Malacca. Il a, en outre, fait observer que l'opacité du monde maritime favorisait le changement très fréquent des propriétaires de cargaisons et le comportement - répandu -des voyous des mers.

Il a souligné que la sécurité maritime était l'une des priorités du Gouvernement, en raison de l'ampleur des dommages causés par les naufrages de l'Erika et du Prestige. Une flotte pétrolière moderne requiert l'existence d'équipages qualifiés, même si les pays développés se heurtent actuellement à de sérieuses difficultés pour recruter des marins. Ceci ne doit pas empêcher la France et ses partenaires de viser au renforcement de la sécurité maritime au plan international. Il importe d'éviter que ne se développent des pratiques quasi-esclavagistes dans l'embauche des équipages et d'accorder au FIPOL (Fonds d'indemnisation des pollutions par les hydrocarbures) des moyens d'indemnisation adéquats.

A l'échelle de l'Europe, les Etats membres doivent s'efforcer d'accélérer la transposition de l'ensemble des textes, car on peut reprocher à certains d'entre eux de n'avoir toujours pas procédé à la transposition des paquets Erika I et II. Cela étant, le ministre s'est félicité que lors du Conseil « Transports » du 6 décembre 2002, les Etats membres aient partagé la détermination dont la France et l'Espagne ont fait preuve lors du sommet de Malaga. Tous les Etats membres ont accepté le principe de l'élimination rapide des navires à simple coque transportant des marchandises dangereuses. Le ministre est toutefois convenu que malgré les diverses mesures techniques existantes ou envisagées, il pouvait toujours exister un défaut de vigilance, comme le montre l'incident du Vicki, pétrolier turc ayant touché l'épave du Tricolor, qui aurait pu provoquer une catastrophe comparable à celle du Prestige.

S'agissant de l'Agence européenne de sécurité maritime, elle a tenu sa première réunion en décembre dernier, une nouvelle réunion étant prévue le 20 janvier 2003. Il importe de compléter ses structures administratives, de déterminer son siège - les villes du Havre et de Nantes figurant parmi les candidates - et de lui donner des moyens.

Posant la question de savoir si la France était « bonne élève » en matière de contrôle des navires dangereux, le ministre a reconnu qu'au mois de juillet 2002 ce taux n'atteignait que 9,4 %, et 16 % sur la moyenne de l'année, situation due au fait que si les postes avaient été créés par le Gouvernement précédent, les inspecteurs alors recrutés n'étaient toutefois pas encore opérationnels mais en cours de formation. Le ministre a souligné que grâce à une meilleure productivité, le taux d'inspection s'était établi à 30 % en décembre 2002. Il a considéré que le taux de 25 % ne devait pas être interprété de façon arithmétique, mais tenir compte des contrôles effectivement exercés sur les navires les plus dangereux. En vue de réduire les zones de non-droit et de mieux lutter contre les pavillons de complaisance, le ministre a jugé important que les mesures prises par les autorités françaises et espagnoles à Malaga en vue d'écarter les pétroliers à simple coque, âgés de plus de quinze ans de la zone économique exclusive (ZEE), aient été confirmées par le Conseil à Copenhague. Depuis lors, seize navires ont été écartés par la marine nationale de la ZEE.

Evoquant les incidences de l'élargissement, le ministre a noté des changements de comportement de la part de Chypre et de Malte, mais également de la Lettonie et de l'Estonie. En outre, il a rappelé que le Conseil avait décidé le principe d'une action avec la Russie dont l'Union européenne importe une partie importante de son pétrole.

Enfin, le ministre a abordé la question des sanctions à infliger aux vrais coupables : affréteurs, « moins-disants maritimes », par exemple. Il a jugé nécessaire que, pour lutter contre ces derniers, l'Europe s'inspire de mesures prises aux Etats-Unis telles que le renchérissement des obligations d'assurance et souhaité que l'Union européenne engage une coopération avec les Etats-Unis au plan international.

En ce qui concerne l'amélioration des moyens de lutte, le ministre a rappelé que Alstom étudiait la mise au point d'un projet de catamaran rapide capable de pomper 8 000 tonnes de carburant, matériel qui pourrait efficacement être utilisé sur la façade atlantique et en Méditerranée, mais qu'il existait d'autres projets que le Secrétariat général à la mer expertisait.

En conclusion, déclarant que la question de la sécurité maritime était de nature politique et qu'elle se posera aux Etats membres et à l'Europe, le ministre s'est opposé à l'idée de vouloir réduire le transport maritime, alors que ce dernier - avec le transport ferroviaire ou le transport fluvial - pourrait absorber l'excédent du transport de marchandises actuellement acheminé par la route. Il importe donc de développer le cabotage maritime et d'assurer un niveau de sécurité accru du transport maritime.

M. Didier Quentin, rapporteur, a estimé que la crédibilité de l'Union européenne était en jeu et que la sécurité maritime était devenue l'une des préoccupations majeures des Français. Approuvant les déclarations indignées du chef de l'Etat, il a souhaité que des mesures draconiennes soient prises rapidement et enfin appliquées. Il a salué l'intensification des contrôles effectués à l'initiative du Gouvernement français.

Il a jugé que les média avaient parfois exagéré les effets de la catastrophe du Prestige pour certaines régions françaises, toutes les plages n'étant pas atteintes par la pollution. Il convient notamment de ne pas utiliser l'expression « marée noire », dans la mesure où il s'agit de boulettes compactes. Les professionnels de la mer et du tourisme sont victimes de cette désinformation.

M. Didier Quentin a demandé que les professionnels français de la mer soient indemnisés par l'Union européenne dans les mêmes conditions que les pêcheurs de Galice.

Relevant que le système de réparation par le FIPOL était plafonné, il a rappelé que les Etats-Unis avaient adopté, avec un certain succès, un programme de mesures draconiennes et dissuasives, et mis en place un corps de garde-côtes, même si ce dispositif s'inscrit dans une configuration géographique et institutionnelle particulière.

M. Guy Lengagne, rapporteur, a regretté qu'à l'occasion du dernier collectif budgétaire, 5 millions d'euros de crédits, consacrés à la sécurité maritime, aient été annulés. Cette situation a des conséquences sur les possibilités de sortie en mer des vedettes des affaires maritimes. Le détroit du Pas-de-Calais constitue le plus grand boulevard maritime du monde, et le fait qu'il n'y ait pas davantage d'accidents très graves est un miracle, car les courants maritimes peuvent être très violents.

Il a suggéré la présence dans ce passage d'un gros remorqueur extrêmement puissant, permettant d'aider un bateau en difficulté.

M. Didier Quentin a rappelé que la création de « ports refuges », prescrite par le paquet Erika II, n'a pas été suivie d'effets, du fait des oppositions que les populations concernées n'auraient pas manqué de manifester. Ainsi, les Espagnols ont refusé l'accès du Prestige à un « port refuge », alors que cela aurait permis de limiter l'ampleur de la pollution.

Il a regretté qu'aucune sanction effective n'ait été prise à l'encontre des dirigeants de la compagnie Total après le naufrage de l'Erika. Il a proposé que, sur le modèle des crimes contre l'humanité, la notion de crime contre l'environnement soit définie et assortie de sanctions pénales très lourdes, une telle orientation étant la clé d'une politique de sécurité maritime crédible.

M. Guy Lengagne a interrogé le ministre sur les intentions du Gouvernement en ce qui concerne les « ports refuges ». Faut-il les choisir en concertation avec toutes les parties concernées, ou décider de façon unilatérale mais discrète de leur localisation ?

Il a rappelé l'insuffisance des règles juridiques applicables aux zones économiques exclusives. Le territoire national est limité aux eaux territoriales (zone des 12 milles), ce qui, par exemple, ne permet pas à la marine nationale d'intervenir manu militari dans la zone ZEE.

Il a souhaité que le siège de l'Agence européenne de sécurité maritime soit en France, et qu'en complément - fût-ce au prix d'une atteinte à l'indépendance nationale - soit mis en place un corps de garde-côtes européens pouvant intervenir dans l'ensemble des zones économiques exclusives des pays membres. Il a souligné à cet égard que la mise en commun des zones économiques exclusives était déjà pratiquée dans le cadre de la politique commune de la pêche, tout en doutant que les autres Etats membres partagent les préoccupations de la France, qui est de loin la plus menacée par les risques de pollution.

Le ministre a annoncé que le Gouvernement présenterait des propositions spécifiques aux départements et territoires d'outre mer.

M. Didier Quentin a demandé quelles garanties permettaient d'assurer que Chypre et Malte lutteront effectivement contre les pavillons de complaisance. S'agissant des dégazages sauvages, il a rappelé qu'ils étaient à l'origine de 90 % de la pollution par hydrocarbures. Ainsi, les boulettes récupérées à la fin décembre et début janvier sur l'île d'Oléron venaient principalement non pas du fioul du Prestige mais de dégazages. L'extrême faiblesse des sanctions constitue, en effet, une forte incitation au dégazage en mer.

M. Guy Lengagne a précisé que la Grèce était le pays d'Europe ayant le plus de navires et que beaucoup d'armateurs grecs possédaient des navires poubelles. Il a souhaité savoir quelle était l'attitude de la Grèce sur ce sujet alors qu'elle vient de prendre la présidence de l'Union européenne.

M. Dominique Bussereau a apporté les éléments de réponse suivants :

- il existe en effet, à côté des dégâts liés à la pollution, des dégâts « médiatiques », provoqués par l'exagération de certains problèmes, comme on l'a vu en décembre 1999 sur la côte atlantique avant la tempête. Une grande part de la pollution est due au dégazage, tandis que l'on profite des marées noires pour recourir à cette pratique ;

- une aide structurelle a été apportée par l'Union européenne à la Galice à la suite de l'accident du Prestige. Par ailleurs, le ministre français de l'agriculture intervient au sein des instances communautaires pour obtenir des aides en faveur des pêcheurs ou des ostréiculteurs français touchés par la catastrophe, notamment ceux du bassin d'Arcachon ;

- une nouvelle convention du FIPOL a fixé une enveloppe de 270 millions d'euros à la suite de l'accident du Prestige, contre 180 millions après celui de l'Erika. De plus, la création d'un fonds complémentaire d'indemnisation est étudiée dans le cadre de l'OMI, et l'Union européenne a indiqué qu'elle envisageait, sinon, son propre fonds, doté d'un milliard d'euros. Il faudra, à ce sujet, également prendre en compte le cas des victimes indirectes des catastrophes qui ne peuvent être indemnisées au titre du FIPOL ;

- s'agissant du régime de responsabilité objective en fonction du tonnage des navires, qui prévaut aux Etats-Unis, il est moins difficile à appliquer par ce pays compte tenu de sa situation (possibilité de s'immatriculer dans des micros-Etats, contrôle par des armateurs américains de pavillons libériens circulant en dehors des eaux américaines...). Par ailleurs, il est vrai que - en l'absence d'un consensus -le principe pollueur-payeur n'est pas encore suffisamment appliqué en Europe ;

- sur le plan budgétaire, il est exact que la combinaison du gel et de la régulation des crédits peut avoir des effets négatifs sur la sécurité maritime. Par ailleurs, 11 millions de crédits ont été reportés de 2002 à 2003. Il a été convenu avec le ministère de l'économie et des finances qu'en cas de gel des crédits en 2003, ceux relatifs à la sécurité maritime ne seraient pas concernés ;

- le ministère de la défense vient de lancer un appel d'offres pour se doter de trois nouveaux remorqueurs, qui seraient affectés à la mer du Nord, à la Manche et à l'Atlantique, tandis que les deux remorqueurs actuels seraient transférés en Méditerranée ;

- s'agissant du régime de sanctions et de responsabilité, un décret du 11 février 2002 a créé des parquets maritimes spécialisés en matière de pollutions maritimes. Cependant, aucun Etat du monde ne pouvant seul remédier aux accidents, il y a lieu de renforcer davantage la coopération internationale dans ce domaine ;

- les « ports refuges » posent le problème de savoir quels sont les pays qui vont devoir les héberger. La France remettra, conformément aux exigences communautaires, une liste de sites à la Commission d'ici le 1er juillet 2003 : elle devra tenir compte pour ce faire des sites nucléaires et autres zones sensibles ;

- la création d'un corps de garde-côtes européens est une très bonne idée : la mise en place de l'Agence de sécurité maritime devrait d'ailleurs y conduire. Cela dit, la France doit aussi mieux répartir et organiser ses différentes forces d'intervention (affaires maritimes, gendarmerie, douanes, police nationale, services d'incendie et de secours, marine nationale...) ;

- la question de la lutte contre les pavillons de complaisance à Chypre et à Malte sera évidemment posée. Quant à la Grèce, son attitude de totale coopération n'appelle aucune observation particulière à ce sujet depuis six mois ;

- les dégazages sauvages constituent en effet une part considérable de la pollution maritime. Pour y remédier, on peut envisager soit la pose d'appareils à bord des navires jouant le rôle de boîtes noires, soit le recours à des satellites spécialisés dans le repérage de ces phénomènes, qui pourraient être testés dans un délai de cinq ans, puis déployés ultérieurement.

M. Bernard Deflesselles a souligné l'importance des pollutions liées aux dégazages et aux déballastages, estimées à environ 1 800 000 tonnes de brut par an soit douze fois plus que celles liées aux accidents maritimes. Il a précisé que plus de quarante dégazages avaient été recensés concomitamment au naufrage de l'Erika. Il a rappelé qu'il avait déposé une proposition de loi en 1999, adoptée en mai 2000, qui avait très sensiblement renforcé les peines d'amende et d'emprisonnement prévues en cas de dégazage et de déballastage.

En complément aux recrutements d'inspecteurs effectués parmi les personnels à la retraite, il conviendrait également d'attirer vers ce métier des jeunes issus des écoles de la marine marchande, ce qui impliquait sans doute une revalorisation des salaires.

S'agissant des corps de garde-côtes, il faut passer outre aux problèmes juridiques et d'organisation que pose la nécessaire unification des corps existants, la situation actuelle du dispositif n'étant nullement satisfaisante. Il s'est félicité de la volonté de réorganisation exprimée dans ce domaine par Mme Loyola de Palacio, commissaire européenne chargée des transports. Il a estimé que le droit maritime international restait encore un droit du 19ème siècle - à la différence du droit aérien - et qu'un effort d'adaptation de ce droit apparaissait indispensable. Il a considéré que l'Europe devait agir dans ce sens au niveau de l'Organisation maritime internationale (OMI), regrettant la faiblesse de l'influence française dans cette enceinte, liée à l'importance réduite de la flotte sous pavillon français.

M. Dominique Bussereau a exprimé son accord avec les points de vue exprimés par M. Bernard Deflesselles. Il a souligné la volonté politique existant au niveau de l'Union pour apporter des solutions satisfaisantes à la question des garde-côtes, tout en convenant des difficultés qui l'entourent, tenant aux exigences de souveraineté et de défense. Il a également regretté la faiblesse du pavillon français, évoquant les possibilités de mise en place en France d'un second pavillon, ou second registre, qui fait l'objet d'une mission qui a été confiée à M. Henri de Richemont. Il a souhaité que l'action diplomatique de l'Union européenne se renforce au sein de l'OMI, au besoin en développant la coopération avec les Etats-Unis. S'agissant des inspecteurs, il a indiqué qu'un recrutement important, portant sur cinquante inspecteurs, avait été décidé, en plus de l'apport complémentaire des officiers de la marine marchande en retraite. Il a estimé qu'il convenait parallèlement d'envisager la reconversion aux fonctions d'inspecteur de personnels existants, de réfléchir à l'établissement de passerelles possibles avec le secteur privé, comme de revaloriser les carrières concernées.

M. Michel Herbillon a interrogé le ministre sur les informations disponibles à propos des dégazages qui se seraient produits à l'occasion de la catastrophe du Prestige.

Le ministre a précisé que la présence de boulettes de fioul, ne provenant pas du Prestige, avait effectivement été constatée sur les côtes de Charente-maritime ; il a noté que la même constatation avait été faite sur les côtes espagnoles et portugaises.

M. Edouard Landrain a indiqué qu'il avait récemment déposé, conjointement avec M. Jacques Barrot et avec M. Christophe Priou, une proposition de résolution visant à la création d'une commission d'enquête parlementaire relative aux suites données aux préconisations qui avaient été faites par la commission d'enquête sur l'Erika. Il a souligné que beaucoup de temps avait été perdu depuis la catastrophe de l'Erika. Il a notamment évoqué la proposition de loi qu'il avait déposée en mars 2000, avec M. Pierre Hériaud et M. Dominique Caillaud, relative à la création d'un corps de garde-côtes, qui s'est heurtée aux désaccords existant entre les différentes administrations concernées, et qui n'a pas pu être prise en compte. Il a également critiqué le fait que rien de significatif n'ait été engagé depuis trois ans pour mieux organiser la disponibilité des remorqueurs sur les côtes françaises.

En ce qui concerne la question des inspecteurs, il a noté que l'exercice des missions de contrôle supposait une certaine expérience et qu'il n'était donc pas opérationnel de vouloir recruter directement à l'issue des formations initiales. Il a vivement regretté que l'on n'ait pas encore progressé à propos de la question des « ports refuges ». Il a rappelé que le Prestige aurait très bien pu être conduit dans des abris naturels, près des ports de Vigo ou de La Corogne, qu'il a approchés de très près, ce qui aurait très sensiblement limité la pollution. Il a fortement soutenu la décision de création de l'Agence européenne de sécurité maritime.

A propos des plans « Polmar terre » et « Polmar mer », il a notamment regretté que l'on n'ait pas déployé davantage d'efforts pour améliorer les moyens techniques de récupération du pétrole.

Il a constaté que la législation américaine avait eu pour effet de renvoyer les « bateaux poubelles » vers l'Europe et que la mise en place d'un dispositif renforcé en Europe les renverra vers l'Asie, ce qui n'est pas une solution satisfaisante. Dans le même esprit, il convient de favoriser le traitement sur place des déchets industriels dangereux - comme les résidus de cracking - plutôt que de les transporter à distance.

Il a enfin souligné que le droit maritime était totalement dépassé. Il a cité comme exemple la règle selon laquelle tout voilier a encore la priorité sur un bâtiment à moteur, même s'il s'agit d'un pétrolier de 300 000 tonnes.

En conclusion, il a souhaité que l'Union européenne soit, dans ce domaine, plus sagace et plus audacieuse.

M. Christian Philip a estimé que la catastrophe du Prestige pouvait faire prendre conscience à l'opinion publique de l'utilité de l'Europe pour répondre collectivement à ce genre d'évènement. Citant l'exemple de l'oubli dans lequel sont tombées les mesures et propositions efficaces contenues dans les deux paquets Erika, il a souligné la nécessité d'engager rapidement un grand effort de communication auprès des citoyens européens, qui, trop souvent, ignorent que l'Europe peut agir pour répondre à leurs préoccupations immédiates. Il a jugé cependant qu'une telle démarche ne pourrait porter ses fruits que si elle s'accompagnait d'un renforcement de la capacité de l'Europe à appliquer rapidement les décisions qu'elle a prises. L'idée de la création d'un corps de garde-côtes européens est bienvenue, mais encore faut-il savoir dans quels délais celui-ci peut être mis en place. Il convient aussi d'accélérer la mise en œuvre de l'interdiction des navires à simple coque, en limitant au besoin cette mesure dans un premier temps à certains ports ou encore que l'Union européenne se dote d'un règlement relatif aux ZEE. Des signaux forts doivent donc être envoyés en direction de l'opinion publique, qui trop souvent pense encore que l'Europe est impuissante à agir vite et bien.

M. Jean-Yves Bessselat a observé que l'évolution du monde maritime conduisait inéluctablement à une augmentation des problèmes de respect de l'environnement. Le trafic maritime croît en effet de 7 %, le transport par bateau étant le moins coûteux et constituant une source de développement pour de nombreux pays. Par ailleurs, un accident grave est enregistré en mer tous les trois jours, ce qui porte le nombre de ces accidents à 120/130 par an. Enfin, la moitié de ces accidents sont provoqués par la vétusté des navires âgés de plus de 15 ans. La France a adopté des mesures utiles pour lutter contre le fléau des navires dangereux en instituant notamment la taxe sur le tonnage. Mais l'Europe doit prendre aussi des décisions pragmatiques dans ce domaine. M. Jean-Yves Besselat a cité en premier lieu la mesure adoptée au dernier sommet bilatéral franco-espagnol visant à interdire aux navires poubelles d'entrer dans la zone des 200 milles. Il a ensuite estimé nécessaire d'engager une réflexion sur l'opportunité de créer des équipes de professionnels pouvant être hélitreuillées sur des navires en détresse, afin que ces experts donnent à l'équipage des conseils sur les mesures à prendre. Il a cité à ce propos l'exemple de l'Erika, le commandant de ce navire ayant pris une mauvaise décision, qui a précipité la catastrophe. Ces équipes devraient être soigneusement composées pour comprendre des hommes d'expérience et préserver leur indépendance. Enfin, M. Jean-Yves Besselat a évoqué la question du corps européen de garde-côtes, qui selon lui ne pourra être mis en place avant quelques années. Il a estimé qu'une solution provisoire devait être adoptée, consistant à confier aux 45 000 hommes expérimentés de la marine nationale une mission de surveillance, d'autant que la loi de finances pour 2003 l'a dotée de moyens importants.

M. René-Paul Victoria a fait part de ses inquiétudes concernant l'impact de la croissance du trafic maritime sur l'outre-mer. Celui-ci a été jusqu'à maintenant préservé des grandes catastrophes maritimes, mais n'en est pas moins affecté par le problème du dégazage. M. René-Paul Victoria a appelé l'attention du ministre sur le fait que l'outre-mer ne devait en aucun cas rester absent des projets nationaux et européens visant à sécuriser l'espace maritime. Les navires des pays en développement, qui viennent en plus grand nombre pêcher ou transiter à proximité des côtes des DOM et des TOM, vont poser un réel défi, dans les prochaines années, à la sécurité maritime de ces régions. M. René-Paul Victoria a souhaité que le ministre se rende outre-mer afin de manifester l'intérêt du gouvernement pour cette partie de la France, qui a la volonté d'être une vitrine exemplaire de l'Europe auprès de ses voisins.

Le ministre a apporté les réponses suivantes :

- la réaction de l'Europe face à la catastrophe du Prestige a été d'autant plus forte qu'elle a agi avec le sentiment d'avoir subi un échec collectif dans la gestion de l'après-Erika. L'Europe a désormais compris la leçon. Sur le plan bilatéral, la réaction commune des autorités espagnoles et françaises a été excellente, comme le montre la position commune forte adoptée au sommet bilatéral de Malaga. Au niveau européen, les Quinze ont également pris de réelles décisions alors qu'on pouvait craindre que seule une déclaration d'intention serait adoptée ;

- l'Union européenne et les Etats membres doivent continuer d'agir vite. Dans ce but, les procédures de transposition des directives doivent être améliorées et le Parlement peut y apporter sa contribution. L'Europe doit aussi prendre très rapidement des initiatives à l'OMI, afin d'éviter de se trouver en infraction avec le droit de la mer en vigueur. Enfin, l'élargissement revient à intégrer des pays dont les flottes posent des problèmes en matière de sécurité maritime. Les inspections renforcées récemment conduites dans ce domaine dans un des pays baltes constituent une première avancée ;

- dans le Pas-de-Calais, la surveillance de la navigation doit avoir une précision et une qualité comparables à celle pratiquée dans le cadre du contrôle aérien. L'Union européenne doit donc engager une réflexion dans ce domaine, afin d'élaborer des instruments de contrôle de la trajectoire des navires aussi sûrs que ceux utilisés pour le trafic aérien ;

- il faut se montrer attentif à l'outre-mer et ne pas négliger la dimension ultra-marine de la France. Il existe d'ailleurs deux centres opérationnels de surveillance et de sauvetage (CROSS) outre-mer, l'un aux Antilles et l'autre à La Réunion, qui connaissent une montée en puissance progressive ;

- la marine nationale est déjà très présente dans le dispositif : elle participe, par exemple, à la gestion des CROSS. Mais ce rôle devrait peut-être être renforcé.

II. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Sur le rapport du Président Pierre Lequiller, la Délégation a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

Point B

¬ PESC et relations extérieures

- proposition de règlement du Conseil imposant certaines mesures restrictives à l'égard de la Somalie (document E 2171) ;

- Proposition de règlement du Conseil abrogeant le règlement CE n° 1705/98 du conseil concernant l'interruption de certaines relations économiques avec l'Angola en rapport avec les activités de l'Uniao Nacional para Independencia Total de Angola (UNITA) (document E 2173).

La Délégation a levé la réserve d'examen parlementaire sur ces deux textes.

III. Informations relatives à la Délégation

Ont été désignés en qualité de rapporteurs d'information :

- M. Thierry Mariani, sur la politique européenne d'asile ;

- M. Jacques Floch, sur Europol.