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DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 37

Réunion du jeudi 27 mars 2003 à 8 heures 45

Présidence de M. Pierre Lequiller, Président

Audition de Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes, sur le Conseil européen de Bruxelles

Le Président Pierre Lequiller a souhaité la bienvenue à Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes, et s'est dit heureux que la Délégation puisse l'entendre sur les conclusions du Conseil européen de Bruxelles des 20 et 21 mars dernier. La Délégation souhaite également l'interroger sur l'évolution du dossier de la transposition des directives européennes, suivi par M. Christian Philip, ainsi que sur l'avenir de la politique étrangère et de sécurité commune au regard du contexte international.

Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes, a tout d'abord précisé que les conclusions du Conseil européen de Bruxelles, s'agissant de la stratégie de Lisbonne, sont particulièrement riches. L'Union européenne maintient son objectif d'être le pôle économique le plus puissant en 2010, même si on peut douter de la faisabilité de cet objectif compte tenu de l'élargissement à des Etats dont le niveau de vie se situe entre 30 et 60 % de la moyenne des quinze Etats membres actuels. Il n'en demeure pas moins qu'un objectif chiffré a été fixé, visant à attribuer au moins 3 % du PIB en faveur des dépenses publiques et privées de recherche et développement. Ce Conseil a, d'une façon générale, accordé une large place à la recherche et à l'innovation et a pris acte, après vingt-cinq ans de négociations, d'un accord sur le brevet communautaire, qui devrait contribuer à la compétitivité de l'Europe.

La France a réussi à obtenir des avancées sur plusieurs points.

Premièrement, sur les services d'intérêt économique général, un dossier important pour notre pays, compte tenu de notre tradition de service public, il a été décidé de réaffirmer le principe d'une directive-cadre, ce qui n'était pas acquis puisque la Commission souhaitait se limiter à la publication prochaine d'un Livre vert et que de nombreux Etats ne voyaient pas ce que pourrait apporter une telle directive-cadre. Il a également été précisé que si la réglementation des services d'intérêt économique général s'inscrit dans le cadre des règles applicables à la concurrence et aux aides d'Etat, cela ne doit pas aller à l'encontre des grands principes liés au service public. Cette formulation se situe dans la ligne de la lettre tripartite adoptée par la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni.

Deuxièmement, l'accent a été mis sur la nécessaire réforme des marchés du travail. Un groupe appelé « task force », présidé par M. Wim Kok, ancien premier ministre néerlandais dont la sensibilité sociale est reconnue, devra rendre un rapport conjoint à la Commission et au Conseil. Les discussions ont clairement montré que la compétitivité doit être liée à la réforme profonde des marchés de l'emploi.

Troisièmement, s'agissant de l'ouverture à la concurrence des transports ferroviaires, aucune date limite n'a été fixée pour la libéralisation totale du fret, la mise en œuvre des règles applicables en matière d'interopérabilité, de sécurité ferroviaire ou la création de l'Agence ferroviaire. Ceci devrait ainsi laisser à la France le temps d'adapter son dispositif interne.

Quatrièmement, en matière d'harmonisation fiscale, nos ambitions sur la fiscalité de l'épargne ont échoué à cause de la position italienne liant cette révision à une réforme de ses quotas laitiers. Ce pays craint que l'adhésion ne se traduise par l'application de quotas laitiers plus bas que sa production réelle. Un accord sur la fiscalité de l'énergie a néanmoins pu être obtenu.

Cinquièmement, le Conseil a réaffirmé son soutien au projet Galileo, garant de l'indépendance européenne en matière technologique, et a souhaité que les difficultés tenant aux participations financières de l'Italie et de l'Allemagne à l'Agence spatiale européenne puissent être surmontées.

Sixièmement, une petite avancée a été enregistrée dans le domaine de la politique de la défense avec une référence à la création d'une agence intergouvernementale de l'armement et des technologies militaires. Cette création avait été souhaitée par les contributions franco-allemande et franco-britannique et s'était heurtée à l'opposition des pays scandinaves.

Septièmement, dans le secteur des télécommunications, un rapport de la Commission européenne a montré que le défaut de réglementation en matière d'UMTS et de lignes à haut débit avait entraîné la perte de valeur des entreprises du secteur. Il a donc été décidé que la réglementation devrait s'adapter au plus vite.

Huitièmement, les conclusions du Conseil renvoient à la déclaration faite par la France, l'Espagne et le Portugal à Malaga sur le renforcement de la sécurité maritime, en dépit des réticences de la Grèce. Un accord doit intervenir aujourd'hui même au Conseil « Transports » pour obtenir un raccourcissement du délai prévu pour la suppression des navires à simple coque et pour prévoir des sanctions pénales en matière de pollution maritime. Ces sanctions pénales devront être prises en application de « bases juridiques appropriées », afin que la législation européenne ne comporte aucune lacune dans ce secteur environnemental. Il a enfin été décidé d'engager une démarche devant l'Organisation maritime internationale sur la notion de « zones vulnérables ». La notion de mer territoriale (douze ou vingt-quatre milles) prévue par le droit de la mer ne suffit pas, en effet, pour protéger de la pollution.

Mme Noëlle Lenoir a précisé que le Conseil européen avait prévu qu'une démarche commune des Quinze soit faite auprès de l'Organisation maritime internationale pour que soit mise en œuvre, ce qui n'a jamais été le cas jusqu'à présent, la disposition de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer relative à la création de telles « zones particulièrement vulnérables », au-delà de la zone des douze milles.

Le Conseil européen a également décidé d'engager une démarche du même type en ce qui concerne l'amélioration des conditions d'indemnisation par le FIPOL.

S'agissant de la question de la transposition des directives européennes, la ministre a rappelé qu'elle avait fait une communication au Conseil des ministres, le 6 novembre dernier, qui avait souligné que la France était la lanterne rouge des pays de l'Union européenne dans ce domaine, et que le Premier ministre l'avait chargée de remédier à cette situation. Elle a précisé que la Commission avait fixé des indicateurs à atteindre en terme de transposition, et prévu un seuil maximal de 1,5 % de directives non transposées dans les délais prévus. Elle a indiqué que, grâce au plan prévu dans cette communication, le taux de non-transposition par la France était passé de 3,8 % à 3,5 %. Elle a considéré que ce taux restait encore trop élevé, mais qu'il fallait tenir compte à cet égard de la publication de quarante nouvelles directives depuis six mois. Certains ministères se sont mis tout à fait à niveau, n'ayant plus de directives à transposer : c'est le cas du ministère de l'agriculture. Dans certains domaines, comme celui de l'environnement, dont le caractère est souvent très technique, la situation est moins satisfaisante. Les textes de transposition de nature législative qui ne pourront faire l'objet par eux-mêmes d'un projet de loi, pourront être désormais regroupés au sein d'un projet de loi portant « diverses dispositions d'adaptation communautaire » (DDAC) à échéances régulières. Deux projets de loi de ce nouveau type seront déposés chaque année par le Gouvernement, au printemps et à l'automne. Le prochain devrait être déposé dans le courant du mois d'avril. Surtout, la France se situe à présent au onzième rang de l'Union en matière de transposition, à égalité avec l'Allemagne, et devant la Grèce, l'Irlande, l'Italie et le Portugal. Les Etats membres les mieux placés sont les pays scandinaves ; la Grande Bretagne a rattrapé son retard grâce à un effort très important. A l'heure actuelle, une cinquantaine de directives restent encore en retard de transposition en France, dont neuf pour lesquelles le retard est supérieur à deux ans. Le fait que les fonctionnaires qui ont négocié une directive ne sont pas les mêmes que ceux qui sont chargés de veiller à sa transposition constitue encore un obstacle à une transposition rapide.

La ministre a ensuite évoqué les conclusions du Conseil européen relatives à la crise irakienne et a précisé qu'il n'y avait pas eu de réel débat à ce sujet au sein du Conseil. Un paragraphe qui figurait dans le projet de conclusions et qui contenait une formulation ambiguë pouvant donner le sentiment que le Conseil validait a posteriori l'intervention en Irak, a été supprimé à la demande de la France. Les conclusions du Conseil à propos de l'Irak rappellent l'attachement de l'Union au maintien de l'intégrité territoriale de l'Irak et à un désarmement effectif, réaffirment le rôle essentiel que les Nations Unies doivent continuer à jouer pendant et après la crise actuelle, soulignent que l'Union est prête à participer activement à la réponse qui doit être apportée aux besoins humanitaires essentiels qu'entraînera ce conflit et appuient la proposition du Secrétaire général des Nations Unies en faveur d'une poursuite du programme « Pétrole contre nourriture ».

La Commission européenne a d'ores et déjà dégagé un financement de 100 millions d'euros dans le cadre de l'aide humanitaire. Madame Noëlle Lenoir a par ailleurs indiqué que le Président de la République était intervenu au Conseil pour que les conclusions n'anticipent pas sur la phase de reconstruction future de l'Irak.

Le Conseil européen a également évoqué le conflit israélo-palestinien. Prenant au mot les déclarations du Président Georges Bush préconisant une accélération du processus de règlement du conflit, la création d'un Etat palestinien d'ici 2005 et la publication de la feuille de route du Quartette, le Conseil européen a demandé la publication effective de cette feuille de route et sa mise en œuvre.

Le Conseil européen a souligné que la désignation récente d'un Premier ministre au sein de l'Autorité palestinienne constituait une réforme importante susceptible d'imprimer un élan majeur au processus de paix. La ministre a estimé que la question du conflit israélo-palestinien était un bon exemple de la capacité de l'Union à parler d'une seule voix sur un sujet majeur de politique étrangère et à convaincre ainsi les Etats-Unis à aller de l'avant quand cela était nécessaire.

En ce qui concerne les objectifs de la PESC et de la PESD, les conclusions du Conseil européen sont tout à fait dans la ligne des positions franco-allemandes et franco-britanniques et incluent un dépassement des missions de Petersberg à travers en particulier la participation de l'Union à la lutte contre le terrorisme et à une politique multilatérale visant à empêcher la prolifération des armes de destruction massive.

Evoquant en conclusion la situation de la Serbie-Monténégro, la ministre a évoqué l'assassinat récent du Premier ministre serbe, M. Zoran Djindjic, et a précisé que le coupable présumé, qui venait d'être arrêté, était un agent des services secrets lié au clan de l'ancien président Milosevic. Elle a noté que la courageuse volonté gouvernementale de livrer les criminels de guerre au tribunal pénal international n'était que partiellement soutenue par l'opinion publique serbe. Elle a considéré que la population était encore marquée de sentiments nationalistes et restait divisée par l'affaire du transfert de l'ancien président Milosevic au tribunal de La Haye. La ministre a indiqué que la France avait œuvré pour que l'on réduise le poids des exigences imposées à la Serbie et que notre pays soutenait l'adhésion de la Serbie au Conseil de l'Europe, qui sera effective le 3 avril, ainsi que le renforcement de l'accord de stabilité et d'association. Elle a souligné que le Président de la République souhaitait que l'on aide davantage les pays issus du démembrement de l'ex-Yougoslavie, dont la stabilité n'est pas acquise.

Le Président Pierre Lequiller a déclaré que la Délégation, au travers des débats récents qu'elle a eus avec des parlementaires des actuels et futurs Etats membres, était préoccupée par l'état des relations entre la France et certains de ses partenaires dans le contexte actuel de la crise irakienne. La France est certes l'objet d'insultes et d'agressions. Toutefois, les membres de la Délégation ont pu constater que certains parlementaires des pays adhérents ou des Etats membres de l'Union, qui se sont alignés sur les Etats-Unis, émettaient des doutes sur le bien-fondé de cet alignement et des critiques formulées à la France. Il est, par exemple, significatif que M. Jack Straw, Secrétaire d'Etat au Foreign Office, vienne de faire une déclaration d'amitié envers la France, qui contraste avec les accusations portées à l'encontre de notre pays. Dans ce contexte, il a demandé à la ministre de fournir des informations sur la réalité des tensions qui affectent les relations entre la France et ses principaux partenaires.

M. François Guillaume, évoquant la question de l'harmonisation fiscale, a regretté que celle-ci n'ait pas enregistré de réels progrès, puisque de nombreux Etats membres, dont la France, déposent constamment des demandes en vue d'obtenir des dérogations pour modifier le taux de TVA. De même, pour ce qui est du biocarburant, il s'est étonné que l'Union européenne ne soit pas parvenue, jusqu'à présent, à aller au-delà du simple objectif de l'utilisation de 5,75 % dans les transports pour 2010.

Abordant le problème de la transposition des directives, il a jugé moins intéressant de se focaliser sur le taux de directives transposées que de savoir si les Etats membres - considérés comme les meilleurs de la classe - appliquaient réellement ces textes. Il a cité l'exemple du contrôle des primes communautaires et, en particulier, les problèmes posés par l'identification des animaux, notamment en Allemagne. Il apparaît que - après une enquête moins approfondie, selon lui, qu'en France - le système d'identification des animaux appliqué en Allemagne n'est pas fiable. De même, en ce qui concerne le contrôle des primes sur céréales, la Commission recourt maintenant aux photos satellites, système coûteux qui, en outre, ne fonctionne pas de façon parfaitement cohérente avec les données fournies par les cadastres.

Dans ce contexte, il a estimé nécessaire, d'une part, que la Commission se départisse de pratiques qu'il a jugées excessives et bureaucratiques. D'autre part, il a considéré que la France devait cesser d'être le « cobaye » des sanctions infligées par la Commission, à la différence d'autres Etats, tels que la Grèce, l'Espagne et le Portugal - qui, bien qu'ils soient en infraction avec les règles communautaires, ou parce qu'ils sont dépourvus de moyens de contrôle efficaces - bénéficient d'une impunité.

M. Michel Herbillon a souhaité connaître le sentiment de la ministre sur les conséquences de la crise irakienne en Europe. Quels pistes de réflexion peuvent être creusées par les Européens pour résoudre les graves difficultés auxquelles ils sont confrontés ? La situation actuelle est d'autant plus navrante qu'il semblait que certaines étapes décisives avaient été franchies à la Convention concernant la mise en place d'une présidence européenne et d'un ministre européen des affaires étrangères. On peut donc avoir le sentiment de vivre un véritable retour en arrière.

Il a toutefois considéré que d'un mal peut sortir un bien. Il reste que les tensions apparues sont très préoccupantes, comme l'illustrent les déclarations peu europhiles du Premier ministre britannique, M. Tony Blair. Or, ce dernier était jusqu'ici le plus europhile des dirigeants britanniques.

Le Président Pierre Lequiller a estimé utile que la ministre donne son analyse de la réalité des relations actuelles entre les pays européens et des perspectives de relance de la PESC à la Convention.

M. Christian Philip a noté que la partie des conclusions du Conseil européen consacrée à l'affaire irakienne a été adoptée sans débat. Ce fait illustre le caractère difficile de la période actuelle. Dès lors, il est permis de se demander comment on peut réenclencher le processus de dialogue alors qu'aujourd'hui les Européens ne parviennent même pas à débattre ensemble du sujet qui les divise.

S'agissant du deuxième paquet ferroviaire, M. Christian Philip s'est inquiété des positions de la France qui, en cherchant à obtenir l'ouverture la plus limitée dans le cadre d'un calendrier éloigné, donne à ses partenaires une impression de frilosité. Il a jugé cette attitude défensive préjudiciable aux intérêts de la France. D'autre part, elle est de nature à donner à certains syndicats de la SNCF le sentiment qu'ils sont approuvés dans leur démarche de blocage systématique des évolutions souhaitables. En ce qui concerne la directive-cadre sur les services d'intérêt économique général, M. Christian Philip a demandé à la ministre si un calendrier d'adoption avait été arrêté. Enfin, il a souhaité connaître la date de dépôt et le contenu des deux projets de transposition de textes européens allant bientôt être soumis à l'avis du Conseil d'Etat.

M. Marc Laffineur a estimé que la crise en cours impose d'urgence l'adoption d'initiatives permettant à l'Europe d'avancer de nouveau. Aussi, il a interrogé la ministre sur les initiatives pouvant être envisagées pour donner une nouvelle impulsion à la politique étrangère commune et à la défense européenne. S'agissant de la crise humanitaire qui s'amorce en Irak, il a demandé si l'on pouvait espérer que l'Union européenne puisse adopter une position commune quant à sa gestion.

M. Pierre Forgues a souhaité savoir si le Conseil européen s'était penché sur le programme Galileo, après avoir observé que ce dernier était souvent décrit comme étant au point mort. Ayant fait la même remarque au sujet des grands projets de réseaux transeuropéens, il a interrogé la ministre sur les orientations éventuelles données par le Conseil européen à ce sujet, notamment en ce qui concerne le projet de traversée centrale des Pyrénées.

Le Président Pierre Lequiller, évoquant l'initiative concernant la défense regroupant l'Allemagne, la Belgique, la France et le Luxembourg et les interrogations qu'elle est susceptible de faire naître chez les autres pays européens, a demandé à la ministre si cette dernière est conçue comme une démarche exclusive ou au contraire comme devant avoir un effet d'entraînement sur l'ensemble de nos partenaires européens.

A ces questions, Mme Noëlle Lenoir a apporté les éléments de réponse suivants :

- dans ses conclusions, le Conseil européen a rappelé qu'il souhaitait la rapide mise en place du programme Galileo. Les retards actuels sont dus au fait que certains Etats ne s'entendent pas sur leur part dans le financement, en particulier l'Italie et l'Allemagne. A la demande expresse du Président de la République, le Conseil a souhaité que ces divergences soient surmontées. La situation devrait se débloquer entre les deux pays au cours du prochain Conseil « Transports » ;

- à propos de la TVA sur la restauration, la Commission a exprimé son accord avec la position française, tandis que certains Etats sont plus réticents. L'Allemagne, notamment, estime que la conjoncture actuelle ne se prête pas à des baisses d'impôts. La France continuera à plaider le dossier. En ce domaine, c'est la directive de 1976 qui fixe le cadre du droit en vigueur. Arrêtée à l'unanimité, elle constitue un élément essentiel de l'harmonisation de la concurrence, tout en laissant aux Etats une certaine marge d'appréciation à l'intérieur de la fourchette des taux qu'elle fixe. En matière de fiscalité européenne - fiscalité des entreprises et de l'épargne - la France est favorable à un passage à la majorité qualifiée ; elle se montre sur ce dossier plus intégrationniste que ses partenaires ;

- l'intérêt porté par le grand public à la transposition des directives n'est peut-être pas à la hauteur de l'enjeu important qu'elle représente, notamment dans le domaine économique ou pour l'exécution des décisions de justice. La réforme de l'Etat, objectif essentiel du Gouvernement, est déjà en marche en ce domaine. Des dispositifs de surveillance ont été mis en place en matière de transposition. Ce travail considérable, pour n'être pas spectaculaire, prouve néanmoins que l'Administration se met désormais au diapason du droit européen ;

- à propos de la politique étrangère à l'intérieur de l'Union européenne, la ministre a distingué entre les dix futurs adhérents et les quinze membres actuels.

Le premier groupe paraît perplexe devant la crise actuelle, certains de ses membres se demandant ouvertement s'il est opportun que l'Europe se dote d'une politique étrangère. L'élargissement ne doit pas conduire à une régression de l'acquis, notamment dans le domaine des capacités militaires où quelques progrès ont déjà été enregistrés. Ainsi, les Britanniques ont soutenu l'accord « Berlin plus », en vertu duquel des forces européennes, équipées d'un matériel européen, participent - avec l'appoint seulement éventuel de l'OTAN - à des opérations extérieures sous commandement européen. Trois cents hommes stationnent déjà en Macédoine pour une opération de maintien de la paix sous commandement européen, ce qui constitue une première. Au début de 2004, une autre opération de ce type aura lieu en Bosnie-Herzégovine, où des forces de police européenne sont déjà présentes. Dans la crise actuelle, les Polonais ont dépêché 200 soldats dans le désert irakien et les pays baltes apportent aussi un soutien à la coalition anglo-américaine. Une problématique nouvelle apparaît : certes, l'Europe était déjà divisée en 1992 sur ces questions, mais moins nettement. Dans la crise actuelle, les trois déclarations communes successives, en date des 27 janvier, 24 février et 21 mars 2003, marquent que la politique étrangère et de sécurité commune n'a pas été abandonnée, même si certains Etats se demandent aujourd'hui quels avantages ils peuvent en retirer.

Parmi les Quinze, certains Etats, comme la Belgique, sont très proches de la position française, tandis que les Britanniques en sont très éloignés. Les Italiens défendent une position favorable à la guerre quoiqu'ils ne s'engagent pas dans le conflit. Ces dissensions n'altèrent cependant pas les autres débats européens en cours, une contribution franco-espagnole ayant ainsi pu être déposée à la Convention. La position des Britanniques est au demeurant plus ouverte qu'on ne le pense parfois et ne reproduit pas exactement la position des Américains, avec lesquels ils entretiennent des relations historiques auxquelles ils ne sauraient renoncer totalement. Ils n'en sont pas moins de sincères défenseurs d'une politique de défense européenne commune. La ministre a déclaré que le France maintenait des relations étroites en matière de défense avec eux et ils ont exprimé le souhait que le processus en cours en Irak rentre le plus tôt possible dans le giron des Nations unies. Les Français veulent aussi que prévalent les décisions de l'ONU, même s'ils n'ont pas encore pris position sur la suite de la crise, attendant pour ce faire ses prochains développements. Comme membres du comité de l'OTAN, au comité stratégique de laquelle ils n'appartiennent pas, ils remplissent au reste leur devoir d'allié en autorisant actuellement le survol de leur territoire par l'aviation américaine.

Répondant à une question du Président Pierre Lequiller relative à la reconstruction de l'Irak, la ministre a réaffirmé qu'une résolution de l'ONU sur cette question ne devait pas paraître légitimer a posteriori le conflit, comme l'a déjà déclaré le Président de la République. Pour le reste, la France refuse de s'enfermer dans une opposition systématique. Quant à l'Italie, il est regrettable que ce pays fondateur apparaisse moins présent aujourd'hui sur la scène européenne. Aucune contribution du gouvernement italien n'a été déposée à la Convention. Quant à l'Espagne, la position de José Maria Aznar ne doit pas occulter les divisions internes au pays, même si son parti s'est prononcé sur la crise par un vote secret à l'unanimité.

Le Président Pierre Lequiller, rejoint par M. Marc Laffineur, a exprimé sa conviction que cette crise serait l'occasion d'un rebond.

Il a proposé que la Délégation accueille de nouveau la ministre durant la crise irakienne.