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DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 43

Réunion du mardi 20 mai 2003 à 16 heures 15

Présidence de M. Pierre Lequiller, Président

I. Communication de M. Bernard Deflesselles sur la proposition de directive sur la responsabilité environnementale en vue de la prévention et la réparation des dommages environnementaux (document E 1966)

M. Bernard Deflesselles, rapporteur, a rappelé qu'en février 2000, la Commission européenne avait présenté un Livre blanc sur la responsabilité environnementale visant à étudier les possibilités de mise en ouvre du principe pollueur-payeur dans la politique communautaire environnementale. La présente proposition de directive-cadre est l'outil juridique finalement retenu afin d'établir un régime de responsabilité en la matière.

La proposition de directive vise les dommages affectant la biodiversité, les eaux et la santé humaine, lorsque la source de la menace sanitaire pour l'homme est une contamination du sol. Cette délimitation du champ d'application est considérée comme restreinte par de nombreux Etats membres, dans la mesure où sont exclus les dommages corporels, les dommages aux biens, les dommages causés par des activités liées à la défense nationale ou par des événements indépendants de la volonté de l'exploitant comme les guerres ou les phénomènes naturels exceptionnels. Sont également exclus les dommages régis par des conventions internationales sur la responsabilité, ce qui vise en particulier les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures transportés par voie maritime ou encore ceux dus à la pollution par énergie nucléaire.

Deux régimes de responsabilité sont distingués par la proposition de directive. Les activités dangereuses sont assujetties à une responsabilité sans faute pour l'ensemble des dommages environnementaux, tandis que les autres activités professionnelles sont soumises à une responsabilité pour faute et ce uniquement en cas de dommage à la biodiversité. Il importe de souligner, toutefois, que les dommages causés par un événement autorisé - par une loi, un règlement ou une autorisation spécifique - relèvent de la responsabilité pour faute même s'ils sont imputables à une activité dangereuse, en principe assujettie à la responsabilité sans faute. Dès lors, la législation française sur les installations classées conduirait à ce que de nombreux dommages échappent à la responsabilité sans faute.

Dans le cadre de la mise en œuvre de ce régime de responsabilité, les pouvoirs publics sont censés occuper une position primordiale. En matière de prévention, ils peuvent imposer à l'exploitant de prendre les mesures nécessaires pour interrompre les causes du dommage. Au niveau de la réparation, ils peuvent également imposer à l'exploitant pollueur la remise en état des lieux endommagés.

Afin de renforcer la prévention, la directive ne fixe pas de plafond financier au-delà duquel la responsabilité du pollueur serait dégagée. En contrepartie, les exploitants n'ont pas l'obligation de souscrire une assurance et les Etats membres doivent simplement encourager leurs opérateurs à souscrire une garantie financière. Dans ces conditions, en cas d'inaction de l'exploitant, pour cause d'insolvabilité par exemple, ce seront les pouvoirs publics qui devront prendre en charge la réparation.

M. Bernard Deflesselles a considéré que ce texte soulève des interrogations tenant à la fois à son champ d'application et à la portée du principe pollueur-payeur. Il a observé, à cet égard, que les Etats membres semblent très partagés, à l'exception de la question tenant à l'extension du champ d'application de la directive aux organismes génétiquement modifiés, soutenue par une large majorité d'Etats, dont la France.

Il convient d'observer, par ailleurs, que le 14 mai dernier, le Parlement européen a adopté le présent texte, en première lecture, dans le cadre de la procédure de codécision. Sa position est assez proche de celle retenue par la proposition de conclusions de notre Délégation.

M. Daniel Garrigue a indiqué qu'il comprenait le souci de protéger la biodiversité, d'ailleurs particulièrement riche en France. Pour autant, l'extension du principe pollueur-payeur pour atteinte à la biodiversité au-delà des zones définies par la directive 79/409 (dite « oiseaux ») et la directive 92/43 (dite « habitat ») ne lui paraît pas justifiée. Il est en effet plus facile pour les pays ayant une biodiversité moins complète de demander une application plus stricte de ce principe.

Il a estimé, par ailleurs, peu opportun d'étendre l'application du principe pollueur-payeur dans les cas où les activités ont été autorisées et où aucune faute n'est imputable aux entreprises, au risque de faire peser sur elles des contraintes excessives. En outre, compte tenu du caractère de plus en plus étoffé de la réglementation, cela pourrait défavoriser l'entreprenariat dans certains secteurs industriels dont on a besoin.

M. Michel Delebarre s'est prononcé en faveur d'une application relativement stricte du principe pollueur-payeur. Il a considéré que l'absence d'un marché de l'assurance en la matière ne saurait constituer un obstacle et que si une assurance obligatoire était à terme imposée, ce marché serait amené à se développer. Par ailleurs, la délivrance d'une autorisation ne saurait, selon lui, exempter les entreprises de toute responsabilité quant aux conséquences de leur action. En témoigne le cas de « MetalEurope » qui, bien qu'ayant donné lieu à plusieurs autorisations de la Direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (DRIRE), a causé par son fonctionnement même des dommages à l'environnement. Enfin, il a estimé qu'une intervention obligatoire de l'Etat pourrait déresponsabiliser les entreprises.

Le rapporteur a considéré, s'agissant des assurances, que la proposition de conclusions était équilibrée. En effet, elle n'oblige pas les entreprises à s'assurer, tout en les incitant progressivement à le faire. Concernant les sites classés, il a indiqué que la proposition s'inspirait du même souci d'équilibre et de la nécessité de responsabiliser les entreprises.

Considérant que des règles européennes communes sont nécessaires pour la protection de l'environnement, M. Jacques Myard a observé que, dans le domaine du droit de la responsabilité - qui relève principalement de la compétence des Etats -, la directive devait se borner à ne formuler que des grands principes. Il a rappelé qu'en matière de responsabilité civile, prévaut traditionnellement en France le principe contenu dans l'article 1384 premier alinéa du Code civil, selon lequel chacun est responsable du dommage causé du fait des choses que l'on a sous sa garde. Cela étant, il y a lieu de s'interroger sur la détermination d'une limite à cette responsabilité, sous la forme notamment d'un plafond financier.

M. Jérôme Lambert a considéré que si le législateur devait tenir compte des contraintes de la réglementation sur les entreprises, il était également de son devoir de faire respecter avec rigueur des principes aussi importants que celui du pollueur-payeur.

Le rapporteur a précisé que la notion de responsabilité prévue par la proposition de directive impliquait seulement la remise en état du site, à l'exclusion de l'indemnisation des dommages causés aux personnes ou aux biens. Or, s'il convient, de fait, de ne pas décourager les entrepreneurs par une réglementation trop contraignante, il est en même temps souhaitable que les industriels soient obligés de réparer les dégâts commis à l'encontre de l'environnement, faute de quoi il appartiendrait à l'Etat ou aux collectivités locales de le faire.

M. Michel Delebarre a relevé que la réglementation applicable en la matière variait beaucoup selon les Etats, créant ainsi des distorsions de concurrence. Cette situation appelle, selon lui, une harmonisation communautaire. Il s'est en outre montré favorable à la poursuite d'une réflexion sur la création d'un plafond en matière d'assurance. Il a enfin précisé que les industriels pouvaient également se retourner contre l'administration en cas d'erreur ou de carence de celle-ci.

M. Jacques Floch a estimé qu'il ne fallait pas, en termes de droit à réparation, verser dans certains excès, tels que ceux observés aux Etats-Unis concernant les effets du tabac. Il a évoqué par ailleurs d'autres possibilités de réparation, à l'instar, par exemple, de la participation de Gaz de France au financement de la remise en état d'un futur terrain à bâtir mis en vente dans la région nantaise.

Le rapporteur a proposé à la Délégation, qui l'a accepté, l'ajout d'un paragraphe avant le dernier alinéa de la proposition de conclusions, rédigé en ces termes :

« - souhaite que le système de contrôle des installations autorisées mis en œuvre dans tous les autres Etats membres puisse atteindre un niveau équivalent à celui constaté en France ; ».

La Délégation a ensuite adopté les conclusions dont le texte figure ci-après :

« La Délégation,

- Vu l'article 88-4 de la Constitution,

- Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur la responsabilité environnementale en vue de la prévention et la réparation des dommages environnementaux (COM[2002] 17 final du 23 janvier 2002) (document E 1966),

· sur le champ d'application de la directive :

- souhaite la prise en compte des dommages environnementaux imputables aux organismes génétiquement modifiés ;

- considère que la définition de la biodiversité doit permettre la mise en œuvre de la responsabilité sans faute du pollueur sur une partie significative du territoire communautaire, ce qui exclut une application dans les seuls sites identifiés comme protégés au titre de la directive 79/409/CEE du 2 avril 1979 (dite « oiseaux ») et de la directive 92/43/CEE du 21 mai 1992 (dite « habitats ») ;

· sur la portée du principe pollueur-payeur :

- estime qu'un régime obligatoire d'assurance des entreprises serait difficile à mettre en œuvre compte tenu de la diversité des situations et de l'inexistence actuelle d'un marché de l'assurance pour ce type de dommages. Une démarche progressive visant à assurer obligatoirement, dans un premier temps, certains risques et certaines activités pourrait toutefois être adoptée ;

- soutient que l'application du principe pollueur-payeur, prévu par l'article 174, paragraphe 2, du traité instituant la Communauté européenne, rend inopportune une limitation de la responsabilité des exploitants dont les activités sont autorisées par les lois et règlements applicables ou par des permis ou autorisations. Dès lors, il convient de supprimer les exclusions envisagées en leur faveur et qui, dans le cas de la France, conduiraient à restreindre sensiblement la portée de la présente proposition de directive, en excluant du régime de la responsabilité sans faute les installations classées soumises à autorisation et les installations autorisées au titre de la loi sur l'eau ;

- souhaite que le système de contrôle des installations autorisées mis en œuvre dans tous les autres Etats membres puisse atteindre un niveau équivalent à celui constaté en France ;

- propose, compte tenu de la stricte application souhaitable du principe pollueur-payeur, que l'intervention de l'autorité compétente présente un caractère facultatif, lorsque l'exploitant ne prend pas les mesures de prévention ou de réparation nécessaires, afin de ne pas déresponsabiliser les exploitants. Tout au moins serait-il nécessaire de prévoir une limitation de l'étendue de la responsabilité susceptible d'incomber aux pouvoirs publics lorsqu'ils sont amenés à se substituer aux pollueurs. »

II. Communication sur les travaux de la Convention européenne

Le Président Pierre Lequiller a présenté une communication sur l'état d'avancement des travaux de la Convention, qui a débattu les 15 et 16 mai derniers des projets d'articles sur la future architecture institutionnelle de l'Union. Après avoir souligné l'accélération des travaux de la Convention qui entre désormais dans sa phase conclusive, il a précisé le contenu des principales propositions formulées par le Praesidium :

- l'instauration d'un Président stable du Conseil européen, élu à la majorité qualifiée pour une durée de deux ans et demi, renouvelable une fois. Pour être élu, celui-ci devrait être membre du Conseil européen, ou y avoir siégé au moins pendant deux ans. Une fois élu, ce président à temps plein devrait démissionner de tout mandat national. Le Président Pierre Lequiller a indiqué que cette proposition, qui vise à assurer une nécessaire stabilité, est soutenue par les « grands pays » mais suscite une opposition des Etats faiblement peuplés et des futurs pays membres. Pour autant, il s'est déclaré relativement confiant quant à la possibilité d'obtenir un accord sur cette question ;

- la création d'un ministre européen des affaires étrangères, à la fois membre du Conseil des ministres, et Vice-Président de la Commission. Ce ministre serait nommé par le Conseil européen, statuant à la majorité qualifiée, avec l'accord du Président de la Commission et présiderait la formation « affaires étrangères » du Conseil des ministres. Le Président Pierre Lequiller a fait état du consensus qui s'est dégagé sur cette proposition ;

- l'élection du Président de la Commission par le Parlement européen, statuant à la majorité des membres qui le composent, sur proposition du Conseil européen statuant à la majorité qualifiée, et la soumission du Président de la Commission et du collège des commissaires à un vote d'approbation du Parlement européen ;

- la réduction de la taille de la Commission, composée d'un Président et d'un maximum de quatorze autres membres (y compris le ministre européen des Affaires étrangères). Par souci d'efficacité dans une Europe élargie, cette proposition rompt avec le principe retenu à Nice d'un commissaire par Etat membre. Toutefois, le projet du Praesidium prévoit l'existence d'autant de « commissaires délégués » qu'il existe de commissaires. Le Président Pierre Lequiller a néanmoins mentionné la forte réticence des « petits » pays et des pays adhérents face à cette proposition alors même que pendant la phase transitoire qui précédera l'entrée en vigueur du futur traité constitutionnel, la Commission restera bien composée d'un commissaire par Etat membre ;

- une distinction plus nette entre les fonctions législatives et exécutives du Conseil des ministres. La fonction législative serait exercée conjointement avec le Parlement européen, selon le principe de transparence des travaux, ce qui suscite un consensus à la Convention ;

- une réforme de la règle de la majorité qualifiée, plus simple et plus compréhensible par les citoyens, se définissant comme la majorité des Etats membres, représentant au moins les trois cinquièmes de la population de l'Union.

Le Président Pierre Lequiller a ensuite fait part de son analyse sur le déroulement des débats, en soulignant deux aspects marquants : d'une part, une opposition injustifiée entre les « petits » et les « grands » pays, d'autre part des réflexes corporatistes qui se manifestent notamment au travers certaines positions exprimées par de nombreux représentants du Parlement européen face à un renforcement possible du rôle des parlements nationaux. Prenant l'exemple du Congrès, il a regretté que cette proposition soit à tort perçue comme un empiétement des parlements nationaux sur les prérogatives du Parlement européen.

Dans la recherche d'un compromis global, le Président Pierre Lequiller a indiqué qu'il avait déposé plusieurs amendements visant à instaurer des mécanismes de rotation pour la présidence des formations du Conseil des ministres, dans le souci de répondre aux préoccupations des « petits » pays. Il a rappelé également sa contribution sur l'instauration, à terme, d'une présidence unique de l'Union, soutenue, à ce stade, par une quinzaine de conventionnels.

Evoquant l'issue prochaine des travaux, il a estimé que la Convention ne fera pas l'économie d'options sur certains sujets, mentionnant notamment la question du Congrès, tout en mettant en garde contre l'absence d'un consensus sur l'architecture institutionnelle globale, ce qui conduirait à s'en remettre entièrement à la Conférence intergouvernementale. S'agissant du calendrier, le Président Pierre Lequiller a confirmé que la Convention transmettra son document définitif le 20 juin au Conseil européen de Thessalonique, tout en précisant qu'un délai supplémentaire pourrait lui être accordé pour siéger jusqu'au mois de juillet afin de perfectionner la rédaction de la troisième partie du Traité constitutionnel, relative à la mise en œuvre des politiques de l'Union.

M. Jacques Floch a estimé que la première phase des travaux de la Convention européenne a fonctionné sans heurts, en raison du caractère technique des modalités de discussion retenues pour cette étape. Celle-ci a pris place au sein de groupes de travail associant des spécialistes du sujet traité. Les présidents de ces groupes de travail étaient chargés d'établir des rapports, présentés ensuite en séance plénière.

Avec la présentation du projet du Praesidium sur les institutions, la nature des travaux a brusquement changé : la Convention est entrée de plain pied dans une phase de négociation, par définition plus tendue. Le projet soumis à discussion conduit chaque membre à vouloir faire entendre sa voix. C'est particulièrement vrai pour les représentants des « petits pays ».

M. Jacques Floch a jugé que le ton vif employé par certains Etats adhérents était dû au fait qu'ils disposent de peu d'éléments de négociation pour la phase finale des travaux.

Ils devront pourtant faire des choix et les assumer, car après tout, ce sont eux qui ont demandé à entrer dans l'Union européenne. Mais il est vrai que, pour certains, le choix de l'Europe est un choix par défaut, les Etats-Unis étant trop éloignés. Ces pays, sortis d'un système totalitaire et d'une économie caractérisée par le « tout Etat », sont avant tout attirés par le modèle libéral américain. Ce tropisme ultralibéral comporte néanmoins des risques, car s'ils viennent à trop négliger les politiques sociales, ils pourraient être amenés à gérer des situations explosives, dangereuses pour l'ensemble de l'Europe.

En ce qui concerne la présidence du Conseil, M. Jacques Floch a observé que le maintien du système actuel de la présidence tournante, dans l'hypothèse où elle serait d'une durée d'un an, conduira à ce que les « petits pays » l'exercent, une fois par génération, tous les vingt-cinq ans. Cette solution n'est pas viable : l'Europe a besoin d'une présidence plus stable et assurée de pouvoir agir.

S'agissant du nombre de commissaires européens, M. Jacques Floch s'est interrogé sur le fait de savoir si la Commission à vingt-cinq membres, mise en place très prochainement, va pouvoir fonctionner de manière satisfaisante. Rien ne peut conduire à affirmer qu'une Commission à vingt-cinq est vouée à l'échec, lorsque l'on constate qu'une formation collégiale à quarante membres, comme le Gouvernement, fait preuve d'esprit de décision.

Le Président Pierre Lequiller a répondu que l'élargissement était un objectif politique incontournable qu'il a toujours soutenu. Il est vrai qu'il serait très grave que les pays adhérents s'arc-boutent sur leur position hostile à la présidence stable du Conseil et à une Commission resserrée. Des compromis sont tout à fait possibles pour concilier l'efficacité recherchée par le Praesidium et les préoccupations des « petits pays ». Encore faut-il qu'ils entrent dans la discussion sur les solutions proposées. Par ailleurs, il a souligné que les critiques concernant le maintien d'un commissaire européen par Etat membre portent essentiellement sur le fait que cette configuration fait entrer la conception intergouvernementale au sein de la Commission.

M. Jacques Floch a rappelé que si l'actuel traité ne prévoit pas qu'un juge par Etat membre soit nommé à la Cour de justice, cette pratique s'est pourtant imposée.

Puis il a noté que certains conventionnels se sont prononcés en faveur de la désignation d'un Président de la Commission qui émane de la majorité issue des élections au Parlement européen. Cette procédure de désignation est propre à tout système de démocratie majoritaire. Il serait souhaitable que les formations politiques européennes désignent à l'avance leur candidat à la présidence de la Commission. Cette procédure permettrait aux citoyens européens de donner un visage au Président de la Commission, ce qui rendrait le système institutionnel plus transparent. Elle obligerait également les partis politiques à présenter, dans le même temps, un vrai programme pour l'Union, ce qui ancrerait la démarche démocratique au cœur des institutions.

Au total, M. Jacques Floch a considéré que le débat d'idées va évoluer très rapidement. Il est d'ailleurs significatif que l'attitude des représentants des gouvernements à la Convention soit celle de négociateurs se préparant déjà aux travaux de la prochaine Conférence intergouvernementale.

En ce qui concerne le Congrès, il a été suggéré de lui confier un rôle en matière de révision de la partie constitutionnelle du prochain traité. Cette procédure de révision constitutionnelle est indispensable, car elle permet d'associer les parlements nationaux aux évolutions de la Constitution de l'Union. La démocratisation des institutions européennes impose une telle solution.

D'autre part, il est évident que les représentants des parlements nationaux souhaiteront poursuivre le travail commencé avec la Convention, ce qui rend d'autant plus nécessaire la création du Congrès. Cependant, il conviendra peut-être de lui trouver une autre appellation.

M. Jacques Floch a noté que la méthode de travail du Président de la Convention allie habilement diplomatie et unilatéralisme : il écoute, puis fait une synthèse qui s'achève principalement sur ses propres propositions.

Il a souhaité que s'ouvre un débat sur les modalités d'approbation du traité constitutionnel par les peuples d'Europe. Les différentes sensibilités politiques, sociale-démocrate ou libérale, doivent débattre des différentes propositions institutionnelles : les négociations ne doivent pas se réduire à des échanges entre les différentes catégories de représentants faisant partie de la Convention, elles doivent revêtir aussi un caractère plus partisan.

Enfin, M. Jacques Floch a jugé que la troisième partie du traité ne pourra être « bouclée » dans le court délai supplémentaire éventuellement accordé à la Convention que si un consensus se dégage sur les deux premières parties.

A l'issue des exposés du Président Pierre Lequiller et de M. Jacques Floch, le débat suivant s'est engagé.

M. Michel Herbillon a souhaité savoir où en était la discussion sur la création d'un Congrès européen.

Le Président Pierre Lequiller a estimé que si la Convention ne parvient pas à un consensus sur la création d'un Congrès, celle-ci pourrait prendre la forme d'une option dans le projet final présenté aux Chefs d'Etat et de Gouvernement.

Pour sa part, M. Jacques Floch a considéré que le Congrès serait, jusqu'à la fin des travaux de la Convention, un élément d'échange dans le cadre d'une négociation globale. Il a ainsi estimé que l'avenir du Congrès dépendra de ce qui sera finalement décidé sur d'autres sujets.

Mme Elisabeth Guigou a indiqué que toute évolution institutionnelle qui permettrait de remédier aux défauts du « désastreux » traité de Nice irait dans le bon sens. Bien que se déclarant en faveur du renforcement du Conseil, elle a considéré que les propositions actuelles du Praesidium risquaient d'entraîner un déséquilibre des institutions, au détriment de la Commission, et de privilégier une approche intergouvernementale. Elle a souhaité que le Parlement européen soit en charge de l'élection du Président de la Commission et que le rôle de celui-ci soit renforcé.

Le Président Pierre Lequiller a rappelé que les travaux de la Convention prévoyaient d'ores et déjà de développer les responsabilités de la Commission, en étendant notamment son droit d'initiative, en particulier dans le domaine de la justice et des affaires intérieures. Il s'est dit par ailleurs en faveur des dispositions proposées par le Praesidium en ce qui concerne la désignation du Président de la Commission, soulignant notamment que le Conseil européen devra tenir compte des résultats des élections européennes lorsqu'il proposera au Parlement européen un candidat pour la présidence de la Commission.

Mme Elisabeth Guigou a considéré qu'il était capital, pour rapprocher l'Europe des citoyens, de faire des élections au Parlement européen un moment fort de la vie de l'Union, permettant un débat démocratique sur des projets politiques et sur des candidats. Elle a précisé qu'elle était hostile à la proposition faite par le Président Romano Prodi prévoyant un système de majorité qualifiée pour l'élection du Président de la Commission. Elle s'est déclarée en revanche favorable à ce que le Président de la Commission ait le pouvoir de nommer lui-même les membres de la Commission et de les révoquer.

En conclusion, elle a interrogé le Président Pierre Lequiller et M. Jacques Floch sur le système proposé pour la présidence des Conseils des ministres, sur la possibilité d'un délai supplémentaire qui pourrait être accordé à la Convention pour débattre des dispositions de la troisième partie du projet de Constitution, relative aux politiques communes, et sur le calendrier de la future Conférence intergouvernementale.

Le Président Pierre Lequiller a indiqué que la Conférence intergouvernementale devrait commencer rapidement après la clôture des travaux de la Convention. Il s'est déclaré hostile à un report de la CIG, demande faite par plusieurs Etats membres, parmi lesquels les pays nordiques et les nouveaux adhérents.

M. Jacques Myard s'est déclaré opposé à toute évolution fédérale, jugeant que les citoyens européens y sont majoritairement hostiles. Il a par ailleurs considéré qu'il était irréaliste de penser que les membres en exercice du Conseil européen seraient susceptibles d'accepter d'être présidés par un Chef d'Etat ou de Gouvernement « à la retraite ».

M. Daniel Garrigue a considéré que la dualité des compétences du Conseil et de la Commission en matière de politique étrangère était préoccupante. Il a estimé que la complexité du système de prise de décision prévu par les propositions du Praesidium dans le domaine des relations extérieures constituait un inconvénient important.

Le Président Pierre Lequiller a souligné que la France avait proposé des avancées significatives pour faciliter la prise de décision dans ce domaine, notamment le passage à la majorité qualifiée, à l'exclusion des décisions ayant des implications dans le domaine militaire.

Il a rappelé qu'il avait lui-même proposé de mettre en place un « pacte de convergence » visant à rapprocher progressivement les positions des Etats membres en matière de politique étrangère.

M. Daniel Garrigue s'est interrogé sur la portée du dispositif proposé par le Praesidium en ce qui concerne la coordination des activités du ministre des affaires étrangères de l'Union avec celles des ministres des affaires étrangères des Etats membres.

Le Président Pierre Lequiller a précisé qu'il était prévu que le ministre des affaires étrangères de l'Union préside le Conseil des ministres des affaires étrangères et qu'il s'appuie sur une administration propre, composée à la fois de fonctionnaires européens et de diplomates nationaux détachés.

III. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

La Délégation a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

Point B

¬ Transports

Sur le rapport de M. Christian Philip, la Délégation a de nouveau examiné la communication de la Commission concernant les relations entre la Communauté et les pays tiers dans le domaine de l'aviation et la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant la négociation et la mise en œuvre d'accords relatifs à des services aériens entre les Etats membres et les pays tiers (document E 2235).

M. Christian Philip a rappelé que, lors du premier examen de ce texte, le 13 mai 2003, la Délégation avait souhaité différer sa décision dans l'attente d'un complément d'information, après avoir constaté que la proposition de règlement ne réglait pas clairement le problème de la répartition des compétences entre les Etats membres et la Communauté. Il a indiqué que, selon la jurisprudence de la Cour de justice dite ATER, la Communauté dispose d'une compétence externe exclusive lorsqu'elle a pris des dispositions instaurant, sous quelque forme que ce soit, des règles communes pour la mise en œuvre d'une politique commune prévue par le Traité, les Etats membres n'étant alors plus en droit de contracter avec les pays tiers des obligations affectant ces règles ou altérant leur portée.

Il a fait observer qu'il importait d'autant plus de préciser la portée réelle de cette jurisprudence en l'espèce, que, d'une part, les arrêts du 5 novembre 2002 sur les accords de ciel ouvert ont délimité la compétence exclusive de la Communauté dans le domaine du transport aérien. D'autre part, la France et les autres Etats membres ont jugé nécessaire que la proposition de règlement prenne mieux en compte le droit des Etats membres à négocier.

M. Christian Philip s'est félicité que les discussions actuellement en cours aillent dans le sens d'une plus grande clarification, puisqu'un nouveau texte présenté par la Présidence grecque propose de ne restreindre ce droit des Etats membres que dans le cas où existerait un accord au niveau communautaire.

En conclusion, il a souhaité que le Conseil confirme cette orientation, afin de prévenir d'autres contentieux ou certaines interprétations extensives de la Commission.

M. Jacques Myard s'est élevé contre l'application de la jurisprudence ATER
- qu'il a qualifiée de prétorienne - au domaine du transport aérien. Il a estimé qu'elle avait pour effet d'imposer à la France des choix qui ne sont pas les siens et a douté que cette jurisprudence contribue au progrès de l'idée européenne. Pour ces raisons, il a déclaré s'abstenir sur ce texte.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la Délégation a approuvé ce texte.

¬ Relations extérieures

Sur le rapport du Président Pierre Lequiller, la Délégation a examiné :

- la proposition de règlement du Conseil arrêtant des mesures autonomes et transitoires concernant l'importation de certains produits agricoles transformés originaires de Hongrie et l'exportation de certains produits agricoles transformés vers la Hongrie (document E 2269) ;

- la proposition de règlement du Conseil arrêtant des mesures autonomes et transitoires concernant l'importation de certains produits agricoles transformés originaires d'Estonie et l'exportation de certains produits agricoles transformés vers l'Estonie (document E 2270).

Conformément aux conclusions du rapporteur, la Délégation a approuvé ces deux textes.

Enfin, la Délégation a pris acte, selon la procédure d'examen en urgence, de l'approbation du texte suivant :

¬ PESC

- projet de position commune du Conseil 2002/.../PESC modifiant et prorogeant la position commune 2001/357/PESC concernant des mesures restrictives à l'encontre du Liberia (document E 2271).