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DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 44

Réunion du mardi 27 mai 2003 à 16 heures 15

Présidence de M. Pierre Lequiller,
Président

et de M. Pierre Méhaignerie,
Président de la Commission des finances, de l'économie générale et du plan,

Audition, commune avec la Commission des finances, de l'économie générale et du plan, de M. Pedro Solbes, commissaire européen chargé des affaires économiques et monétaires, sur la gouvernance économique européenne (audition ouverte à la presse)

M. Pierre Méhaignerie, Président de la commission des finances, de l'économie générale et du plan, a remercié M. Pedro Solbes d'avoir accepté de participer à cette audition, qui permettra d'apporter des éclaircissements sur le pacte de stabilité et les perspectives économiques en Europe.

M. Pedro Solbes, commissaire européen, s'est félicité de l'organisation de ce débat, car le dossier de l'union économique et monétaire est primordial et se prête donc à des rencontres régulières avec les représentations nationales. Il a souhaité concentrer son propos sur la gouvernance économique européenne, sujet fondamental, notamment dans la perspective de l'adhésion de nouveaux Etats membres à l'Union, même si ces derniers bénéficieront d'une dérogation pour ce qui concerne leur entrée dans l'union économique et monétaire. Deux points particuliers méritent d'être développés : en premier lieu, les grandes orientations des politiques économiques de l'Union, qui constituent en quelque sorte le programme européen de politique économique à moyen terme et qui ont fait l'objet d'une recommandation de la Commission le 8 avril dernier ; en second lieu, le pacte de stabilité et de croissance, qui est le cadre juridique de référence en matière de politique budgétaire.

En ce qui concerne les grandes orientations des politiques économiques, il convient de rappeler que si elles restent de la compétence nationale, leur coordination au niveau européen est essentielle, puisque des Etats qui partagent la même monnaie ne peuvent avoir des politiques budgétaires trop diversifiées. En application du Traité, la coordination est effectuée à travers l'adoption de ces grandes orientations, qui sont déterminées par les défis économiques principaux auxquels la zone euro et les Etats membres, à titre individuel, ont à faire face. Le 8 avril dernier, la Commission a présenté ses recommandations pour les grandes orientations de la période 2003-2005. Elles forment avec les lignes directrices pour l'emploi une sorte de « paquet stratégique » global. Poursuivant les objectifs stratégiques que l'Union européenne s'est fixés à Lisbonne, ces grandes orientations des politiques économiques combinent trois objectifs. Elles visent, tout d'abord, à favoriser des politiques macro-économiques orientées dans le sens de la stabilité et du soutien à la croissance. Dans l'environnement économique incertain que nous connaissons, il est crucial que les politiques suivies inspirent la confiance. Elles appuient, ensuite, la mise en œuvre de réformes économiques destinées à augmenter le potentiel de croissance en Europe. A ce titre, les grandes orientations répondent au besoin d'accroître l'emploi. Enfin, elles proposent une croissance soutenable face aux changements économiques, environnementaux et sociaux. Dans le domaine des finances publiques, elles mettent davantage l'accent sur la diminution de la dette publique et recommandent des réformes des systèmes de retraite visant à améliorer leur couverture financière, à encourager le report de la date de départ à la retraite et à s'adapter à la flexibilité de l'emploi. Les grandes orientations recommandent également des mesures tendant à l'utilisation efficace des ressources naturelles et à l'encouragement de la cohésion sociale.

M. Pedro Solbes a ensuite évoqué la question du pacte de stabilité et de croissance adopté à Amsterdam en 1997, qui consacre une gestion, « en bon père de famille », des finances publiques. Ce pacte comporte un volet réglementaire, visant à limiter le déficit budgétaire à 3 % du produit intérieur brut, et un volet politique, tendant à fixer un objectif d'équilibre ou d'excédent budgétaire à moyen terme. De telles règles sont essentielles au bon fonctionnement d'une zone dotée d'une politique monétaire unique, mais de politiques budgétaires toujours définies au niveau national. En effet, des budgets en équilibre ou excédentaires offrent aux Etats des marges de manœuvre nécessaires à la stabilisation conjoncturelle, par l'effet des stabilisateurs automatiques, ainsi qu'une capacité budgétaire d'absorption de l'impact des nécessaires réformes structurelles, en particulier celles liées au vieillissement de la population.

Ces derniers temps, les déséquilibres budgétaires constatés dans plusieurs Etats membres se sont traduits par des pressions considérables sur le cadre communautaire de surveillance budgétaire. Face à ces difficultés, la Commission européenne a proposé une stratégie visant à renforcer la coordination des politiques budgétaires grâce à une implication politique accrue des Etats membres dans la mise en œuvre du pacte de stabilité et de croissance. Cette stratégie, globalement confirmée par le Conseil en mars 2003, impose de respecter cinq grands principes : des budgets proches de l'équilibre ou excédentaires ; un ajustement minimal annuel du solde structurel d'au moins 0,5 % du produit intérieur brut pour les Etats connaissant un déficit budgétaire ; le non recours à des politiques budgétaires pro-cycliques en période conjoncturelle favorable ; la recherche constante d'une amélioration des finances publiques afin d'être en mesure de faire face au défi du vieillissement de la population et, enfin, le respect des exigences du pacte de stabilité et de croissance. Ce dernier point doit être apprécié en tenant compte notamment de la situation spécifique de chaque pays.

Dans le contexte actuel de très faible croissance économique, les politiques budgétaires de certains Etats membres ont traduit un certain relâchement provoqué par des réductions fiscales non provisionnées, conjuguées à des augmentations délibérées des dépenses, ainsi qu'à des manquements dans l'exécution des budgets. En conséquence, le déficit budgétaire nominal dans l'ensemble de la zone euro s'est creusé, ce qui a conduit la Commission européenne à recommander l'application de la procédure dite de « déficit excessif » à l'encontre de trois pays - le Portugal, l'Allemagne et la France - ayant des déficits supérieurs à 3 % de leur produit intérieur brut.

M. Pedro Solbes a souhaité examiner, dans la dernière partie de son exposé, les propositions formulées par la Commission européenne sur la gouvernance économique au sein de la Convention européenne.

Les difficultés observées depuis quelques mois dans plusieurs pays donnent à penser que des améliorations du Traité sont nécessaires. Elles pourraient concerner le renforcement de l'aspect communautaire des procédures, d'une part, et la prise de décision au sein de la zone euro, d'autre part.

S'agissant de l'aspect communautaire des procédures, la Commission européenne propose, premièrement, pour les grandes orientations des politiques économiques de transformer les actuelles recommandations en propositions. Cette réforme, qui éviterait que le Conseil s'écarte des recommandations formulées, permettrait de donner un poids accru à l'arbitre - la Commission européenne -, tout en renforçant la cohérence des politiques suivies. Deuxièmement, la Commission européenne souhaiterait pouvoir envoyer directement un avertissement à un Etat membre dont la politique économique n'est pas compatible avec les orientations adoptées au niveau européen. Actuellement, les avertissements sont adoptés par le Conseil sur la base d'une recommandation de la Commission, ce qui autorise quelques marchandages douloureux au sein du Conseil, qui affectent la crédibilité des mécanismes de coordination des politiques économiques. Troisièmement, la Commission européenne propose que l'Etat membre concerné par un vote relatif à un avertissement ou à l'existence d'un déficit excessif ne puisse pas participer à ce vote, ce qui rendrait la procédure plus efficace, plus crédible et plus équitable. Il convient d'ailleurs de préciser qu'une telle exclusion est déjà prévue par de nombreux articles du Traité.

En ce qui concerne la prise de décision au sein de la zone euro, l'Eurogroupe est indéniablement utile en tant qu'instance informelle de discussion et de coordination, mais, du fait même de son caractère informel, il n'est pas en mesure de prendre des décisions. La Commission propose donc de créer un conseil Ecofin pour la zone euro, doté de pouvoirs de décision dans les domaines d'intérêt commun aux Etats participants. Parallèlement, il serait souhaitable de renforcer l'autonomie de décision des Etats de la zone euro et, par conséquent, d'élargir la liste des matières pour lesquelles seuls ces Etats ont un droit de vote. Ce pourrait être le cas, par exemple, des décisions relatives aux déficits excessifs ou aux recommandations que le Conseil est susceptible d'adresser à ces Etats.

M. Pedro Solbes a considéré que son intervention s'appuyait sur les principales leçons en matière de gouvernance économique qu'il a pu retirer de ses expériences de Commissaire aux affaires économiques et monétaires et d'ancien Président du Conseil Ecofin.

M. Pierre Lequiller, Président de la Délégation pour l'Union européenne, a estimé que M. Pedro Solbes s'exprimait à l'Assemblée nationale dans un contexte particulièrement difficile. En effet, de nombreuses économies européennes semblent entrer en récession, la France étant l'un des pays qui s'en sort le moins mal avec 0,3 % de croissance au cours du premier trimestre 2003. Par ailleurs, le projet de grandes orientations des politiques économiques pour les trois ans à venir, qui met en évidence la nécessité d'augmenter la capacité de croissance de l'Union européenne, doit être adopté par le Conseil Ecofin du 3 juin prochain. Enfin, les travaux de la Convention vont bientôt s'achever, mais elle n'a pas été capable de résoudre ses divergences sur la gouvernance économique, alors qu'elle a franchi des étapes décisives dans d'autres domaines.

Or, face aux défis actuels qui se posent à la zone euro, ne faut-il pas faire preuve d'audace ? L'audace se justifie d'autant plus dans le domaine de la gouvernance économique que l'Eurogroupe constitue déjà, en raison de la monnaie unique, le groupe le plus solide et le mieux intégré de l'Union.

Le Président Pierre Lequiller a souhaité connaître la position du commissaire européen sur les trois points suivants. Il lui a demandé s'il ne convenait pas de reconnaître l'Eurogroupe dans la future Constitution de l'Union. Ensuite, alors que la Convention débat de l'institution d'une présidence stable du Conseil européen, il a jugé souhaitable que l'Eurogroupe se dote d'un président permanent. Enfin, il s'est demandé si la gouvernance économique de la zone euro n'impliquait pas d'instaurer une véritable harmonisation des politiques fiscales et sociales.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général de la Commission des finances, a souhaité savoir, s'agissant de la situation économique d'ensemble de la zone euro, après le conflit en Irak, comment la Commission anticipe désormais l'évolution conjoncturelle pour le reste de l'année 2003 et pour 2004. Il a demandé si la Commission a évalué les conséquences de l'appréciation de la monnaie européenne pour l'activité économique dans les pays de la zone euro et si le commissaire partage l'inquiétude de certains milieux économiques quant à un risque de déflation en Allemagne.

Compte tenu de ces éléments, ainsi que de l'évolution des cours du pétrole et de la faiblesse de la demande, il a interrogé le commissaire européen sur la position de la Commission concernant l'opportunité d'une baisse des taux d'intérêt par la Banque centrale européenne. Enfin, en ce qui concerne le pacte de stabilité et de croissance, il a demandé s'il n'était pas souhaitable d'exempter les dépenses publiques de recherche de la règle des 3 %.

M. Pierre Méhaignerie, Président de la commission des finances, a rappelé que le Conseil européen de Lisbonne a donné pour ambition à l'Union de devenir l'économie la plus compétitive du monde, l'accroissement du potentiel de croissance constituant à bien des égards la principale priorité.

La stratégie de la Commission européenne visant à renforcer la coordination des politiques économiques préconise le respect du pacte de stabilité, tout en précisant que ce dernier devra être apprécié en fonction de la situation spécifique de chaque pays. Ayant jugé que certains Etats membres avaient trop tardé à engager des réformes structurelles, il a souhaité savoir si certains pays avaient pu mener de front une politique de réduction structurelle des dépenses publiques et une politique de stabilisation du budget.

M. Philippe Auberger a rappelé que le Traité de Maastricht prévoit un partage des compétences au niveau monétaire entre le Conseil, responsable de la politique de change, et la Banque centrale, chargée du maintien de la stabilité des prix. A cela s'ajoute l'évidence économique du lien très fort qui existe entre le taux de change et les taux d'intérêt.

Mais malgré cela, la Banque centrale européenne semble ne pas prendre en compte l'évolution du taux de change de l'euro par rapport à celui du dollar pour la définition de sa politique monétaire. M Philippe Auberger a souhaité connaître la position de la Commission sur ce sujet. Par ailleurs, en ce qui concerne l'application des pénalités prévues en cas de non respect de la règle des 3 %, il s'est demandé s'il ne fallait pas tenir compte de la situation conjoncturelle pour ne faire jouer les mécanismes du traité qu'en cas de dérapage du déficit structurel.

M. Pierre Hériaud a jugé que les règles européennes s'avèrent contraignantes car elles s'appliquent à une zone marquée par des situations budgétaires de plus en plus divergentes. Or, ces différences résultent d'un écart qui ne cesse de se creuser entre économies à fort taux de croissance et économies à faible taux de croissance.

Dans ces conditions, il s'est demandé si la Commission européenne estime qu'une politique de taux d'intérêt unique est de nature à favoriser la convergence entre les économies européennes. Par ailleurs, il a souhaité savoir s'il était envisagé de mieux prendre en compte, aux côtés de la règle des 3 % et de l'objectif du retour à l'équilibre budgétaire, l'endettement et ses conséquences.

En réponse aux intervenants, M. Pedro Solbes a apporté les éléments de précision suivants :

- faut-il un Conseil de l'Eurogroupe ou un Conseil Ecofin pour la zone euro ? L'Eurogroupe est une instance informelle, qui facilite les échanges de vues entre membres et permet d'établir un dialogue entre les Etats membres y participant, la Commission et la Banque centrale européenne. Cette enceinte est utile, mais si on renforçait son rôle, cela reviendrait à mettre en place un système de décision parallèle au système communautaire. En effet, à l'heure actuelle, l'Eurogroupe ne travaille pas sur la base des propositions de la Commission et fonctionne de manière peu transparente, et en dehors de tout contrôle du Parlement européen. On ne peut aller plus loin en matière de gouvernance de la zone euro qu'en intégrant cette dernière dans le système institutionnel européen. De la même manière, la représentation économique de l'Europe, si elle se fait par le biais de l'Eurogroupe, s'inscrira dans un cadre informel. Pour assurer un représentation formelle de la zone, il serait préférable de recourir à l'Ecofin pour la zone euro ;

- il est inexact d'affirmer qu'il n'existe pas, à l'heure actuelle, d'échanges réguliers entre la Banque centrale européenne et les autorités politiques. La Banque centrale européenne peut entendre les ministres lors des réunions de l'Eurogroupe. Par ailleurs, le président de l'Ecofin dispose du droit de participer aux réunions du Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne ;

- il est nécessaire d'étendre le vote à la majorité qualifiée aux aspects de la fiscalité qui concernent le fonctionnement du marché intérieur. En revanche, l'harmonisation des politiques sociales ne répond pas à la logique actuelle de l'intégration, car la diversité des systèmes sociaux est encore trop marquée par les spécificités nationales. En matière sociale, la méthode ouverte de coordination, qui repose sur des échanges de vues et de meilleures pratiques entre les Etats membres, reste la plus pertinente ;

- les chiffres de la croissance au premier trimestre 2003 sont préoccupants. Le résultat de la France, avec 0,3 %, est encourageant. Mais il convient d'être prudent dans l'analyse. La contre-performance allemande est due à des facteurs atypiques. Des données chiffrées très récentes laissent entrevoir des perspectives meilleures pour le deuxième semestre, en raison de la disparition des incertitudes liées à la guerre en Irak, d'un marché du pétrole plus calme, d'une absence de tension inflationniste, d'une stabilisation de la situation de l'emploi et d'une évolution positive des bourses de valeurs. Il y a toutefois des facteurs potentiellement négatifs, comme l'impact du SRAS sur l'économie asiatique ;

- la dépréciation de 10 % du dollar par rapport à l'euro ne va pas nécessairement entraîner un ralentissement de l'activité. L'évolution actuelle du dollar n'a rien d'exceptionnel. Le dollar est aujourd'hui au même niveau que lors du lancement de l'euro en 1999. La croissance peut progresser grâce au faible prix du pétrole, et à la modération des salaires et de l'inflation, indépendamment de la parité de l'euro avec le dollar. Il convient toutefois de suivre attentivement l'évolution future de cette parité ;

- la stratégie de la BCE en matière de taux d'intérêt est essentiellement basée sur les perspectives d'inflation, mais elle tient également compte de la situation économique globale. Le fonctionnement de la BCE a toujours été satisfaisant. Il lui appartiendra de réagir quand elle le jugera nécessaire ;

- l'effort de recherche publique est plus important en Europe qu'aux Etats-Unis, ce qui ne signifie pas que notre recherche soit plus efficace, car elle dépend de quinze systèmes distincts et insuffisamment coordonnés. La faiblesse de l'effort de recherche des entreprises soulève une véritable difficulté. Cette situation n'appelle pas nécessairement un accroissement des financements publics. Ce qui est en cause, c'est un certain état d'esprit, une absence de motivation des entreprises européennes, contrairement aux entreprises américaines ;

- il n'y a aucune raison d'écarter certaines dépenses du pacte de stabilité. L'Europe doit avoir le comportement d'un « bon père de famille ». Toutes les dépenses doivent être financées, que ce soit par les impôts ou par l'endettement. On peut toujours dégager des priorités dans les dépenses, mais il faut en définitive toujours les financer ;

- on n'engage pas toujours les réformes structurelles au bon moment, en période de croissance. Quoi qu'il en soit, il est préférable de les réaliser dans une période moins favorable que de ne pas le faire du tout ;

- s'agissant de la responsabilité de la politique des taux de change, il faut essayer de résoudre une contradiction : que signifierait une politique monétaire indépendante si un objectif de taux de change était fixé ? L'Europe doit-elle avoir une politique des taux de change ou laisser les marchés fonctionner ? Les ministres des finances font confiance à la BCE. En tout état de cause, les taux de change affectent le niveau de l'inflation et la situation économique globale ;

- le pacte de stabilité tient compte de la conjoncture. La Commission intègre des éléments structurels comme des éléments conjoncturels dans l'évaluation des situations des Etats, ce qui a été le cas lors de l'avertissement lancé à l'Allemagne. Le seuil de 3 % a été accepté par tous les Etats. Si on demande une marge de tolérance pour des raisons conjoncturelles, jusqu'où aller ? Le pacte de stabilité ne serait alors plus appliqué. Il convient donc de respecter la règle des 3 % ;

- la politique monétaire unique convient-elle à tous les pays de la zone euro ? Comparées aux politiques nationales, les différences de croissance et d'inflation ne sont pas beaucoup plus fortes au niveau européen qu'au niveau national. Mais cette politique donne à des pays certains avantages tout en en plaçant d'autres dans une situation plus compliquée. La politique monétaire unique implique une accélération de la croissance dans les pays à niveau de vie moins élevé, mais aussi une progression de l'inflation dans ces pays, provoquant un rapprochement des coûts avec ceux des autres pays. Certaines situations peuvent être délicates mais l'unification monétaire présente des avantages évidents pour l'ensemble des membres de la zone euro ;

- il n'est pas possible d'aller plus loin que le seuil de déficit fixé à 3 % du produit intérieur brut, mais il n'est pas exact d'affirmer que le système de sanctions est automatique. Le Traité prévoit un rapport de la Commission expliquant les raisons du dépassement du seuil de 3 %, puis une décision du Conseil sur des recommandations conditionnelles au pays concerné et enfin seulement des sanctions au cas où ces recommandations ne seraient pas suivies. Cette procédure n'est donc pas mécanique ;

- la Commission n'a pas proposé de réformer le pacte, qui comporte de bons critères. En revanche, elle est prête à résoudre un certain nombre de difficultés révélées par l'expérience, en particulier à prendre en compte les facteurs structurels en matière de réduction du déficit et à accepter certaines dérogations dans le domaine budgétaire pour favoriser la croissance ;

- la dette publique, si elle est correctement calculée dans l'Union, n'a cependant pas la même signification dans les différents Etats membres, par exemple aux Pays-Bas où il existe des fonds de garantie des pensions et en Italie où ces fonds n'existent pas. En réalité, il convient de l'analyser à la lumière de concepts beaucoup plus pertinents, d'obligations futures des Etats et de soutenabilité des finances publiques.

M. Jérôme Lambert a demandé si le projet de recommandation de la Commission aux autorités françaises de réduire le déficit budgétaire dès 2003 signifiait qu'elle jugeait insuffisant le gel des crédits de 4,5 milliards d'euros et qu'elle appelait à une rectification du budget 2003 pour rendre plus claire la perception de la politique budgétaire française au niveau européen.

M. Nicolas Perruchot a rappelé que le budget pour 2003, fondé sur une hypothèse de croissance de 2,3 % et un déficit de 2,6 %, connaîtrait en exécution une très forte dégradation du déficit budgétaire et de la dette publique. Au Conseil Ecofin, l'Espagne et les Pays-Bas demanderont une réduction de 0,5 % du déficit pour 2003 et 2004, l'Allemagne et d'autres pays une réduction de 0,3 % et la France, quant à elle, avance le chiffre de 0,1 %. La Commission préconise une amélioration pour 2003-2004 du déficit structurel de 0,5 % par an ou le retour à un déficit nominal de moins de 3 %. Il a interrogé le commissaire sur la capacité du pacte de stabilité à encadrer la politique budgétaire des Etats membres et sur les intentions de la Commission en vue d'améliorer le contenu de ce pacte.

M. François Guillaume a noté que le commissaire s'oppose à la proposition d'exclure du pacte certaines dépenses comme les dépenses militaires, alors qu'elles varient très fortement d'un pays à l'autre, représentent plusieurs points du produit intérieur brut et conduisent ceux qui dépensent pour leur défense et celle de l'Europe à être moins bien traités que les autres.

Il a souligné que les appels de la Commission au renforcement de la compétitivité européenne seraient mieux compris si les décisions du commissaire Mario Monti sur les fusions d'entreprises, ayant précisément pour but d'accroître cette compétitivité, n'aboutissaient pas à déposséder ces entreprises de leurs atouts.

Enfin, il a observé que la concurrence internationale ne se fonde plus sur les protections tarifaires, en voie de disparition à la suite des différentes négociations commerciales, mais sur la politique du taux de change comme le montre l'évolution du rapport entre le dollar et l'euro. Les responsables européens devraient porter une plus grande attention à cette arme commerciale qu'est devenue la monnaie dans les échanges internationaux.

M. Christian Philip, rappelant que le Royaume-Uni s'apprête apparemment à reporter son référendum sur l'adhésion à l'Union économique et monétaire, a souhaité savoir dans quelle mesure cette absence affecte le fonctionnement de la gouvernance économique de la zone euro.

En réponse aux différents intervenants, M. Pedro Solbes a apporté les précisions suivantes :

- s'agissant des recommandations adressées à la France, la Commission européenne estime que les pays ayant des déficits structurels devraient faire des efforts visant à réduire ce déficit d'au moins 0,5 % du produit intérieur brut par an. La France a indiqué qu'elle ne pouvait accepter cet objectif pour 2003. La recommandation adoptée ne l'y oblige pas dès 2003, mais indique qu'elle devra respecter le seuil des 3 % en 2004 au plus tard. La question qui se pose est de savoir si des efforts doivent être entrepris dès 2003 ou seulement en 2004 pour atteindre cet objectif. D'après les calculs de la Commission, le déficit français serait, en 2003, de 3,7 %, alors qu'il s'élèverait à 3,4 % selon les autorités françaises. Le rythme des efforts à fournir n'est évidemment pas le même selon le chiffre retenu. Pour la Commission, les réformes structurelles doivent être engagées le plus tôt possible et des efforts sont nécessaires dès 2003 ;

- le pacte de stabilité et de croissance est un système de « pression par les pairs », les sanctions ne constituant que le recours ultime. Le plus important est que les Etats membres soient convaincus que le respect du pacte est nécessaire, sinon ils chercheront à le contourner d'une manière ou d'une autre. L'élément déterminant reste la conviction des Etats membres que le pacte est indispensable pour soutenir la monnaie unique. La révision du pacte n'est pas utile, mais il importe de faire preuve de pragmatisme et de réalisme. La Commission est très attentive au fonctionnement du pacte ;

- la prise en compte de la nature de certaines dépenses, y compris militaires, n'est pas souhaitable. Toutes les dépenses doivent être financées par de nouvelles recettes, le déficit ou l'endettement public. L'effet économique du financement par l'endettement est le même, quelle que soit la nature des dépenses. Les dépenses militaires sont nécessaires et peuvent même être prioritaires pour certains Etats membres. Mais elles doivent être financées par des augmentations d'impôt ou par la réduction d'autres dépenses publiques. En outre, il existe d'excellents arguments en faveur d'autres types de dépenses publiques, de santé par exemple ;

- en ce qui concerne les décisions prises en matière de contrôle des concentrations, la Commission européenne, dans ce domaine comme dans les autres, ne fait qu'appliquer les règles définies par le Conseil et le Parlement européen. Elle peut se tromper, mais essaie de les appliquer le mieux possible ;

- la monnaie unique constitue effectivement un facteur nouveau dans les négociations commerciales, qui doit être pris en compte ;

- la monnaie unique est la monnaie des Européens et devrait être, à terme, celle de tous les Etats membres. L'adhésion du Royaume-Uni, comme de tous les autres pays qui ne font pas encore partie de la zone euro, serait donc la bienvenue. Mais l'évolution de notre monnaie ne doit pas dépendre de cette adhésion. L'euro et le dollar sont aujourd'hui les deux premières monnaies mondiales et nous devons progresser, avec ou sans le Royaume-Uni.

Le Président Pierre Lequiller a souhaité savoir si la création d'un marché européen des capitaux était souhaitable.

M. Pedro Solbes a indiqué que cette création ne pouvait être que la conséquence d'une évolution naturelle. La liquidité et l'importance des marchés financiers européens doivent, en tout état de cause, être améliorées.