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DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 48

Réunion du mercredi 11 juin 2003 à 9 heures 15

Présidence de M. Pierre Lequiller, Président,

I. Examen du rapport d'information de M. Michel Herbillon sur la diversité linguistique au sein de l'Union européenne (réunion ouverte à l'ensemble des membres français du Parlement européen)

M. Michel Herbillon, rapporteur, a introduit son propos en indiquant que l'élargissement historique que l'Union s'apprête à vivre va provoquer l'arrivée d'une dizaine de nouvelles langues et aura des répercussions sur le régime linguistique des institutions.

Il a rappelé que, sur le plan des principes, l'Europe s'est dotée, dès sa création, d'un arsenal juridique très protecteur de la diversité linguistique, en consacrant dans plusieurs textes le principe d'égalité des langues officielles de l'Union, lequel a d'ailleurs fait l'objet du premier règlement (le règlement n°1/58 du 15 avril 1958) adopté par la Communauté européenne. Mais ce texte confie à chaque institution le soin de prévoir, dans son règlement intérieur, les modalités de mise en œuvre du principe d'égalité. Il en résulte que les pratiques divergent d'une institution à l'autre.

Le Parlement européen est ainsi l'institution dont les pratiques sont les plus proches du multilinguisme intégral. En effet, tant les débats en séance plénière que ceux en commission font l'objet d'une interprétation intégrale active dans les onze langues.

A la Commission, les services utilisent trois langues de travail : l'anglais, le français et l'allemand . En revanche, le Conseil connaît une hétérogénéité des régimes linguistiques variant selon la nature des réunions : celles qui se tiennent à un niveau politique (c'est-à-dire les réunions du Conseil européen et les réunions ministérielles du Conseil de l'Union) font l'objet d'une interprétation intégrale dans toutes les langues officielles  tandis que les réunions administratives se caractérisent par des règles plus souples. C'est ainsi que les réunions du Comité des Représentants permanents - COREPER (les ambassadeurs des pays membres à Bruxelles) se tiennent en trois langues (anglais, français et allemand) et les réunions des groupes de travail consacrés à la Politique étrangère et de sécurité commune (régime PESC) en deux langues (anglais et français).

Le régime linguistique spécifique de la Cour de justice est très favorable au français qui constitue la langue unique de délibéré. Toutes les pièces de procédure sont par ailleurs systématiquement traduites en français afin de constituer le dossier de travail des juges et des avocats généraux. Le choix de la langue n'est pas neutre sur le fond : l'utilisation du français signifie en effet que les juges s'appuient sur une tradition de droit continental alors que le recours à l'anglais, la langue de la Common law, conduirait probablement à des évolutions sensibles de la jurisprudence communautaire.

Le rapporteur a ensuite évoqué l'impact de l'élargissement sur le régime linguistique de l'Union, et tout d'abord rappelé quelques ordres de grandeur : la masse de papier utilisée chaque mois par la Commission pour traduire l'ensemble des documents représente près de la moitié de la surface du Luxembourg et 1,3 million de pages sont traduites chaque année par le service de traduction de la Commission. Le Service commun interprétation et de conférence (SCIC) est la plus grosse machine à interpréter au monde puisqu'il organise annuellement près de 11 000 réunions et mobilise chaque jour plus de 700 interprètes qui gèrent 110 combinaisons linguistiques et bientôt 420. Face à ces chiffres impressionnants, le coût budgétaire est, contrairement aux idées reçues, relativement peu élevé. En effet, le cumul des coûts liés à l'interprétation et à la traduction de l'ensemble des institutions communautaires ne représente que 2 euros par an et par citoyen. L'argument budgétaire n'est donc pas pertinent pour s'opposer à une extension du régime linguistique aux nouvelles langues de l'Union.

Les difficultés sont davantage techniques et matérielles puisqu'il faut équiper les salles de réunion, recruter des traducteurs et des interprètes dans les nouvelles langues et s'assurer que les 420 futures combinaisons pourront être couvertes. Cela justifie la nécessité de recourir à un nombre restreint de langues pivot (au moins trois, voire cinq ou six) que les fonctionnaires européens doivent pouvoir maîtriser. A cet égard, dans les négociations actuellement en cours sur la réforme du statut des fonctionnaires européens, un compromis politique conclu le 19 mai dernier prévoit que les fonctionnaires recrutés après l'entrée en vigueur du nouveau statut devront, pour pouvoir être promus au grade immédiatement supérieur à leur grade d'entrée en fonction, apporter la preuve de leur capacité à travailler dans une seconde langue étrangère.

S'agissant des scénarios possibles d'évolution, le rapporteur a précisé les principales mesures envisagées par les institutions, en insistant plus particulièrement sur les négociations actuellement en cours au sein du Conseil. Face à l'alternative entre le recours à un système de langues fixes et le choix d'un modèle de marché, il a estimé qu'un régime de langues fixes présenterait l'avantage de la simplicité mais serait politiquement très difficile à officialiser. En effet, comment justifier de privilégier telle langue plutôt qu'une autre ? La perspective de pérenniser trois langues de travail (anglais, français, allemand) provoque en effet une vive opposition de l'Italie et de l'Espagne, qui revendiquent légitimement le droit à utiliser leur langue ; le système pourrait être étendu à cinq langues fixes, mais se poserait immédiatement la question du polonais, du néerlandais, du portugais. Il n'existe aucun critère objectif dans le choix des langues et ce qui est accepté dans la pratique ne saurait être rendu public politiquement. S'agissant de la logique de marché, celle-ci suppose que chaque pays paie pour utiliser sa langue. L'avantage de cette formule est qu'elle place les Etats en position d'égalité les uns par rapport aux autres, mais elle présente l'inconvénient d'encourager certains pays à abandonner l'usage de leur langue, pour des raisons budgétaires. Cela serait dommageable pour le plurilinguisme européen et conduirait à un recours quasi-systématique à l'anglais.

Face à la complexité politique de ce sujet, le rapporteur n'a pas exclu que la négociation n'aboutisse pas, et que l'on en reste à des pratiques somme toute éloignées des prescriptions du règlement n°1 de 1958. Il a alors préconisé que la réforme s'opère selon les principes suivants :

- l'officialisation des régimes PESC et COREPER très favorables au français ;

- le recours le plus fréquent possible aux régimes dits « asymétriques » qui permettent à chacun de s'exprimer dans sa langue mais de n'obtenir une traduction des débats que dans un nombre restreint de langues « actives » ;

- une répartition équitable de la charge financière.

Puis le rapporteur a dressé un état de lieux de l'utilisation du français au sein des institutions européennes, considérant que l'avenir de notre langue se joue désormais en Europe. L'évolution de la situation est préoccupante, essentiellement depuis l'élargissement de 1995 à l'Autriche et aux pays scandinaves, qui s'est traduit par un décrochage entre l'anglais et le français au sein des institutions. En 1986, 58% des documents de la Commission étaient rédigés initialement en français contre à peine 30% en 2001, avec une situation encore plus défavorable au Conseil. L'anglais fut la seule langue utilisée lors des négociations d'adhésion avec les pays candidats alors qu'une enquête statistique portant sur les 162 observateurs des pays candidats au Parlement européen révèle que leur première langue étrangère est à 82% l'anglais, à 14% l'allemand et à seulement 4% le français.

Puis, le rapporteur a fait part des infractions constatées au régime linguistique :

- annonces de recrutement spécifiant que les candidats doivent obligatoirement être de langue maternelle anglaise ;

- multiplication des appels d'offres en anglais, notamment pour la mise en œuvre des programmes de coopération PHARE et TACIS, ce qui est contraire au principe de non discrimination ;

- existence de plusieurs sites Internet des institutions qui ne sont disponibles qu'en anglais, l'exemple le plus flagrant étant celui de la Banque centrale européenne.

Le rapporteur s'est néanmoins déclaré opposé à l'idée de promouvoir le français contre l'anglais, ce qui constituerait un combat perdu d'avance, et serait contraire à la volonté politique de démontrer que le pluralisme n'est pas un handicap mais un formidable atout, pour peu qu'il soit maîtrisé. C'est dans le cadre de la francophonie que se déploie l'action des autorités françaises en faveur du français dans les institutions européennes. Le cœur du dispositif se trouve formulé dans un « Plan pluriannuel en faveur du développement de la langue française, dans le contexte pluriculturel et plurilingue des institutions de l'Union européenne », signé le 11 janvier 2002 par la France, le Luxembourg et la Communauté française de Belgique. Le fait que les sièges des institutions européennes se situent dans des villes francophones ou française (Bruxelles, Luxembourg et Strasbourg) constitue un avantage certain pour notre langue.

Ce plan pluriannuel comporte notamment des programmes de formation en français de fonctionnaires des institutions européennes et des pays candidats ou encore la diffusion de logiciels d'aide à la rédaction administrative. Dans le prolongement de ces actions, le rapporteur a proposé la création d'un pôle européen de formation initiale et continue des fonctionnaires européens, qui pourrait être localisé à Strasbourg, capitale européenne, afin de donner une meilleure visibilité à une politique souvent trop morcelée.

En conclusion, le rapporteur a plaidé en faveur de l'enseignement obligatoire de deux langues étrangères, ce qui n'est aujourd'hui le cas que dans six pays de l'Union ; il s'est appuyé sur l'exemple de l'Espagne où le nombre d'élèves apprenant le français est passé de 250 000 en 1998 à 1,3 million aujourd'hui depuis que ce pays a instauré l'enseignement obligatoire d'une deuxième langue étrangère. Mais il a souhaité qu'en retour, l'enseignement des langues étrangères - y compris les langues des futurs pays membres - soit encouragé dans les écoles françaises. Considérant que les déclarations incantatoires ne suffisent plus, le rapporteur a plaidé en faveur d'actions concrètes et ciblées capables de répondre à un désir de français, au service d'une Europe qui assure la promotion de sa diversité culturelle et linguistique, que la Convention s'apprête à constitutionnaliser. Tel est le cadre d'une Europe en version originale, qui se distingue des autres institutions internationales par la reconnaissance d'une égalité entre toutes les langues officielles, par la volonté de faire entendre une autre voix dans le monde et par la nécessité de contribuer au développement d'une citoyenneté européenne qui doit permettre à chaque Européen de pouvoir s'adresser, dans sa langue maternelle, aux institutions de l'Union.

A l'issue de l'exposé du rapporteur, un débat s'est engagé.

Le Président Pierre Lequiller a remercié M. Michel Herbillon pour ce rapport très important sur un sujet qui peut être qualifié d'explosif en Europe. Il est certain qu'on ne peut pas continuer à s'écarter de la réglementation, alors même que le sort du français est en jeu. Lors des débats, en séance plénière, à la Convention européenne, chacun s'exprime dans sa langue, mais l'utilisation presque exclusive de l'anglais et du français dans les groupes de travail montre qu'on pourrait parfaitement retenir la suggestion des trois langues pivots, si chacun consentait à renoncer à des questions d'honneur ou de statut de la langue.

M. Pierre Forgues a considéré que l'essentiel était le maintien du principe selon lequel chacun doit pouvoir s'exprimer dans sa langue. On ne peut néanmoins empêcher l'utilisation d'une langue véhiculaire, aujourd'hui l'anglais, qui le sera encore plus demain après l'adhésion des nouveaux Etats membres. On aurait pu favoriser l'utilisation d'une langue spécifique telle que l'espéranto, ce qui n'aurait pas posé de problème particulier si l'on avait consenti un effort d'enseignement et de formation dans les écoles normales. Toutefois, les autorités françaises considèrent que l'espéranto n'est pas porteur d'une culture et ne peut même pas constituer une option au baccalauréat. Le combat contre l'anglais semble perdu d'avance, comme le montre l'usage très large qu'en font les chercheurs, les chefs d'entreprise et les radios de notre pays. Ainsi, on critique fréquemment l'hégémonie de l'anglais, tout en assurant largement sa diffusion. La défense du français ne doit pas rester théorique et devrait notamment passer par un accueil plus large des étudiants étrangers, en particulier ceux de l'Afrique francophone qui sont aujourd'hui moins nombreux en France qu'il y a quelques décennies.

Par ailleurs, il a tenu à affirmer que l'enseignement des langues en France se situe à un niveau équivalent à celui existant dans les autres Etats membres. Il suffit de se déplacer dans ces pays pour constater que le niveau des étrangers dans notre langue n'est guère supérieur au niveau des Français dans les langues étrangères. Il a également souhaité que le régime linguistique de l'Union européenne prenne en compte l'existence de langues telles que le catalan ou le basque. Au total, la suggestion visant à instituer trois langues pivots apparaît extrêmement fragile, car une seule s'imposera au bout du compte, et le français ne doit pas être défendu en faisant abstraction de la réalité.

Après avoir salué l'excellent rapport réalisé par M. Michel Herbillon, M. Bernard Deflesselles s'est dit frappé par deux statistiques : la première montrant que Malte est le seul pays candidat où le français est plus enseigné que l'allemand, la seconde indiquant que près de 70 % des Européens considèrent que tout le monde devrait parler anglais. Ces statistiques semblent établir que la défense du français face à l'anglais constitue déjà une bataille perdue. A ce sujet, mieux vaudrait d'ailleurs parler de promotion du français, comme le fait le rapport de M. Herbillon.

S'agissant des statistiques espagnoles montrant que l'enseignement obligatoire d'une seconde langue a favorisé le développement du français, il convient d'éviter de se réjouir trop vite en rappelant que l'enseignement de l'italien à un grand nombre de Français il y a une vingtaine d'années a pratiquement disparu aujourd'hui.

Sur la question des langues, les Français ont une attitude schizophrène, puisqu'ils n'ont de cesse d'inciter leurs enfants à apprendre l'anglais, tout en combattant cette langue au sein des institutions de l'Union européenne.

M. Gérard Voisin a indiqué qu'il fallait distinguer la politique des langues dans les institutions communautaires - qui exige de défendre la place du français - et celle à l'égard des citoyens de l'Union - qui doit prendre en compte le rôle croîssant de l'anglais. La question de l'anglais se pose d'ailleurs dans le cadre des jumelages européens entre écoles primaires, dans la mesure où, en dehors de certains jumelages traditionnels avec des écoles allemandes ou italiennes, l'anglais paraît souvent la langue d'échange la plus commode.

M. André Schneider a souligné que, si la France n'avait pas de complexe à avoir par rapport à ses partenaires européens pour l'enseignement des langues, la maîtrise des langues étrangères parlées posait souvent problème, alors même que l'on dispose aujourd'hui de tous les moyens audiovisuels adéquats. La question principale en la matière est de savoir comment inciter les jeunes à apprendre une autre langue étrangère que l'anglais vers laquelle ils se tournent en raison de leur attirance pour les Etats-Unis. Pour cela, il est nécessaire de susciter leur intérêt pour d'autres pays étrangers.

Il a par ailleurs estimé que, plutôt que de parler de défense du français, il valait mieux plaider en faveur de la promotion du français, qui passe aussi par la promotion de la France et la capacité de notre pays à renforcer la place de Strasbourg comme l'une des capitales de l'Europe, grâce notamment à une meilleure desserte ferroviaire et aérienne.

M. Didier Quentin a déclaré qu'il fallait défendre l'idée d'une deuxième langue étrangère obligatoire, parce qu'elle est le meilleur moyen de promouvoir d'autres langues que l'anglais. La France doit d'ailleurs poursuivre ses efforts dans ce domaine si elle veut obtenir la réciprocité de la part de ses partenaires.

Après avoir constaté que l'anglais de base avait pris la place que ses inventeurs voulaient assigner à l'espéranto, il a émis deux suggestions : d'une part, enseigner l'anglais comme matière fondamentale et dispenser parallèlement l'enseignement d'une, voire deux langues étrangères supplémentaires ; d'autre part, favoriser une plus grande mobilité des enseignants de langues dans l'Union, ce qui permettrait aux élèves d'avoir des professeurs originaires d'autres pays de la Communauté, parlant leur langue maternelle et renforçant l'interpénétration des cultures.

Il a enfin déploré l'hégémonie des mathématiques dans l'enseignement, en particulier dans les filières où cette matière est moins utile que d'autres, comme les langues étrangères.

M. André Schneider a ajouté qu'on a sous-estimé l'importance de la maîtrise des langues dans l'enseignement, y compris la langue maternelle, pour la formation des futurs scientifiques.

M. François Calvet a considéré que la meilleure façon de promouvoir le français était de défendre les langues minoritaires - y compris des langues régionales comme le catalan - et que l'attachement des petits pays à leur langue se justifiait par leur peur de perdre leur identité. L'ouverture de cours de catalan dans les Pyrénées orientales a en tout cas suscité une ouverture réciproque de cours de français en Catalogne. Il a d'autre part souligné combien le principe de la diversité linguistique, par l'esprit de liberté et de tolérance qui l'anime, était en phase avec la philosophie des droits de l'Homme, à laquelle la France est si attachée.

M. Pierre Forgues a souhaité disposer de statistiques sur le nombre de lycées et d'universités enseignant des langues telles que le polonais ou le tchèque.

Le Président Pierre Lequiller a observé que garantir le plurilinguisme était la seule manière de défendre, ou plutôt de promouvoir, efficacement la langue française. Lorsque, dans un Etat membre, l'apprentissage de deux langues étrangères est obligatoire, le français devient en général la deuxième langue étrangère.

Au vu des résultats communément atteints à la fin des études secondaires, il apparaît que la mobilité des enseignants de langue entre Etats membres de l'Union gagnerait à être accrue. Comme le montre l'exemple des lycées internationaux et franco-allemands, l'apprentissage renforcé des langues étrangères est du reste une aide et non un frein à l'étude de la langue maternelle.

Il convient d'encourager le développement des classes européennes et des établissements à vocation internationale et de favoriser le rapprochement des différentes institutions culturelles que les Etats membres entretiennent à l'étranger, telles que le Goethe Institut, le British Council et l'Institut culturel français.

A propos de la mobilité des enseignants, M. André Schneider a souligné qu'il suffirait de remettre en application la formule existante de l'échange poste à poste de professeurs pour une année reconductible, de la compléter tout au plus par une incitation financière et de ne pas la réserver aux enseignants de langue.

Le rapporteur a expliqué qu'il avait voulu élaborer sur la question des langues un document synthétique, regroupant des informations jusqu'alors éparses sur la stratégie des institutions européennes, le principe du plurilinguisme et la promotion du français qui sont autant de questions liées. Le terme de défense du français exprimerait une attitude de repli et mieux vaut parler de sa promotion. Elle exige la définition d'une stratégie, d'une tactique et l'octroi de moyens, aujourd'hui insuffisants, notamment pour les bourses accordées aux étudiants étrangers. Le rapport n'aborde pas de front la question de l'enseignement parce qu'elle ne se rattache que de manière connexe à l'activité des institutions européennes.

Il a ensuite proposé que soit institué un suivi annuel de la question, afin d'en étudier notamment l'évolution dans le cadre de la francophonie.

Quant à la question d'une langue commune, il a souligné que l'espéranto était certes pratiqué et enseigné dans quatre-vingts pays, mais que la vraie lingua franca est en Europe une forme d'anglo-américain abâtardi. Le combat pour le français ne peut donc viser qu'à conforter sa position de seconde langue étrangère la plus choisie. Au sujet des langues régionales, il faut remarquer que le catalan est certes moins parlé que le polonais dans l'Union élargie, mais qu'il y compte plus de locuteurs que des langues nationales comme le hongrois ou le tchèque.

L'image du français langue des droits de l'homme n'a plus la même aura dans une Europe démocratique, ce qui explique en partie son recul dans les nouvelles générations. Aussi faut-il encourager l'accueil d'étudiants étrangers et améliorer les bourses qu'on leur accorde. Le regroupement des centres culturels nationaux dans les différents Etats membres en centres culturels européens paraît également souhaitable.

M. André Schneider a souligné la qualité de l'enseignement de la seconde langue en France, qui s'appuie sur des programmes, des horaires et des exigences de même niveau que pour l'enseignement de la première langue, contrairement à d'autres pays.

M. Bernard Deflesselles a observé que le bénéfice de la seconde langue courait cependant le risque d'être perdu s'il n'y avait pas à l'issue de son étude de vraie motivation à la pratiquer, notamment dans le domaine professionnel.

Le Président Pierre Lequiller a déclaré qu'il fallait sauver la diversité linguistique pour sauver la diversité culturelle. Il faudra suivre à l'avenir l'évolution de cette question essentielle.

La Délégation a ensuite examiné et adopté la proposition de résolution du rapporteur dans le texte suivant :

« L'Assemblée nationale,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu l'avant-projet de budget (APB) général des Communautés européennes pour l'exercice 2004 (E 2275 Annexe 1),

Vu la proposition de règlement du Conseil modifiant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes ainsi que le régime applicable aux autres agents de ces Communautés (COM [2002] 213 final / E 2024],

Vu la proposition de décision du Parlement européen et du Conseil arrêtant un programme pluriannuel (2004-2006) pour l'intégration efficace des technologies de l'information et de la communication (TIC) dans les systèmes d'éducation et de formation en Europe (Programme eLearning) (COM [2002] 751 final / E 2182),

1. Affirme son attachement à la diversité linguistique et culturelle, que consacre l'élargissement à dix nouveaux pays :

I. En ce qui concerne la réforme du régime linguistique des institutions de l'Union européenne :

2. Considère que le régime d'interprétation intégrale doit être maintenu au Conseil européen et lors des réunions ministérielles du Conseil de l'Union, tout représentant du peuple ayant le droit de s'exprimer, en toutes circonstances, dans sa langue maternelle ;

3. Estime qu'il est vivement souhaitable de pérenniser les régimes linguistiques PESC (anglais/français) et COREPER (anglais/français/allemand) sur lesquels il existe un consensus fondé sur une pratique ancienne qui n'est pas contestée ;

4. S'oppose à toute extension du nombre des réunions sans interprétation qui favoriserait l'utilisation d'une seule langue, ce qui serait contraire au principe du plurilinguisme européen ;

5. Recommande que la recherche d'un compromis sur le régime linguistique des réunions des groupes de travail du Conseil, autres que COREPER et PESC, se fonde sur les principes de pluralisme linguistique, de souplesse de gestion et de répartition équitable de la charge financière et estime que l'instauration d'un régime de marché ne pourrait être soutenue qu'à ces conditions ;

6. Estime que le régime asymétrique, qui permet à chacun de s'exprimer dans sa langue maternelle tout en n'obtenant l'interprétation des débats que dans un nombre limité de langues de travail, devrait faire l'objet d'une expérimentation puis d'une évaluation qui permettrait d'envisager, sous réserve d'un consensus, la généralisation de ce régime.

7. Suggère une harmonisation des régimes linguistiques des agences de l'Union européenne et des organismes communautaires, fondée sur un nombre limité de langues de travail.

II. En ce qui concerne les atteintes au principe de plurilinguisme au sein de l'Union européenne :

8. Rappelle que la publication d'appels d'offres et d'annonces de recrutement en seule langue anglaise devrait être proscrite car contraire au principe de non-discrimination linguistique et considère qu'au minimum, ces publications devraient se faire dans un nombre restreint de langues officielles ;

9. Appelle à un signalement systématique des infractions linguistiques commises par les institutions et organismes communautaires, en violation de leurs obligations ;

10. Propose que les sites internet des institutions et organismes communautaires soient soumis au respect d'une « charte linguistique » prohibant notamment la mise en ligne d'informations dans une seule langue, comme c'est actuellement le cas sur le site de la Banque centrale européenne.

III. En ce qui concerne la politique engagée en faveur du français dans les institutions européennes :

11. Considère que la promotion de la langue française suppose en premier lieu que les fonctionnaires français à l'étranger utilisent exclusivement leur propre langue, comme l'exige la circulaire du Premier ministre du 14 février 2003 sur l'emploi de la langue française ;

12. Estime que la promotion du français dans les institutions européennes nécessiterait une meilleure coordination entre les services administratifs concernés, dans une perspective interministérielle, et souhaite qu'une réforme du ministère des affaires étrangères favorise les synergies possibles ;

13. Se félicite des actions de formation en français des fonctionnaires des pays membres et des pays candidats, qu'il faut encourager et soutenir financièrement. A cet effet, la création, à Strasbourg, d'un pôle de préparation aux concours des institutions de l'Union européenne, élargie à la formation continue des fonctionnaires européens, devrait être expertisée par le Comité de pilotage chargé de définir une stratégie de long terme pour la valorisation de la ville de Strasbourg comme capitale européenne ;

14. Suggère que la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne s'engage à suivre l'évolution des pratiques linguistiques dans les institutions européennes en publiant un rapport d'information annuel qui dresse notamment un bilan des pratiques constatées et des actions engagées.

IV. En ce qui concerne l'apprentissage des langues étrangères :

15. Recommande que l'enseignement obligatoire de deux langues étrangères devienne la norme dans l'Union européenne élargie, tandis que l'apprentissage des nouvelles langues de l'Union devrait être favorisé dans les systèmes éducatifs européens.

V. En ce qui concerne la réforme du statut des fonctionnaires européens (E 2024) et l'organisation des concours de recrutement :

16. Se félicite du compromis obtenu le 19 mai 2003 qui prévoit que les fonctionnaires recrutés après l'entrée en vigueur du nouveau statut devront, pour être promus au grade immédiatement supérieur au grade d'entrée en fonction, apporter la preuve de leur maîtrise d'une seconde langue étrangère autre que leur langue maternelle ;

17. Veillera à ce que la Commission inscrive cette disposition dans la proposition modifiée de réforme du statut qu'elle présentera à l'automne, et prévoie une procédure d'évaluation des compétences linguistiques fondée sur des critères d'objectivité et de transparence ;

18. Réserve son examen sur les autres dispositions de la réforme du statut des fonctionnaires européens, dans l'attente d'informations complémentaires ;

19. Propose que l'organisation en trois langues de tests de présélection pour le recrutement d'auxiliaires issus des futurs Etats membres soit étendue, à titre expérimental, à l'ensemble des concours organisés par l'Union européenne

II. Communication de M. Gérard Voisin sur la promotion des ventes dans le marché intérieur

M. Gérard Voisin, rapporteur, a rappelé que la communication de la Commission relative aux promotions des ventes dans le marché intérieur, et la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux promotions des ventes dans le marché intérieur, présentées par la Commission le 2 octobre 2001, constituent l'aboutissement d'un long travail préparatoire. La création d'un marché intérieur des promotions des ventes répond à un objectif économique. Il s'agit de favoriser l'activité des entreprises qui souffrent de trop fortes disparités dans le domaine de la promotion. L'intérêt des entreprises est de pouvoir bénéficier partout du même droit applicable.

Les promotions des ventes sont fondamentales dans la commercialisation des biens et des services dans tous les secteurs. Il s'agit des réductions de prix, des rabais de quantité, des bons et coupons, des offres de primes liées à l'achat, des cadeaux sans obligation d'achat, des concours et des jeux promotionnels. Leur objectif peut être de pénétrer des nouveaux marchés, de fidéliser la clientèle, de renforcer la compétitivité, de faire face à une chute des ventes, ou de gérer plus efficacement un stock. L'important est de s'adapter à la diversité des situations et de favoriser la confiance et la transparence.

La conception, la réalisation et la communication des promotions des ventes représentent plus d'un million d'emplois directs dans l'Union européenne et des investissements évalués à 40 milliards d'euros. Les promotions des ventes sont indispensables au développement des échanges transfrontaliers au sein du marché intérieur.

Il est donc apparu à la Commission, et notamment au Commissaire Bolkestein, que, dans le prolongement de l'objectif stratégique défini à Lisbonne d'« une économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde », l'Union européenne devait mettre en place un cadre réglementaire pour faciliter l'utilisation et la communication transfrontalières des promotions des ventes.

En effet, les promotions des ventes transfrontalières demeurent assez rares compte tenu des fortes divergences entre les réglementations nationales et de l'incertitude juridique que cela entraîne pour les entreprises.

Sur la base d'un Livre vert présenté en 1996, d'une communication de 1998, d'une enquête auprès des parties intéressées et des travaux d'un groupe d'experts, qui ont duré plus de deux ans, la Commission a préparé une proposition de règlement s'efforçant de distinguer les domaines permettant une harmonisation du droit de ceux pour lesquels le principe de reconnaissance mutuelle s'appliquerait.

Le dispositif est, en effet, articulé en deux volets complémentaires : la prohibition d'un certain nombre d'interdictions générales associée à une obligation d'appliquer le principe de la reconnaissance mutuelle pour les restrictions nationales aux promotions des ventes qui ne sont pas couvertes par le premier volet.

Le texte de la proposition initiale de la Commission interdit aux Etats membres d'édicter un certain nombre de dispositions prohibant par principe les techniques de promotions des ventes définies à l'article 2 : juridiquement, il en résultera, à compter de l'adoption définitive du règlement, la caducité des législations ou des réglementations nationales comportant tout ou partie de ces dispositions, et l'interdiction de leur éventuelle institution dans un droit national. Sont ainsi prohibées :

- l'interdiction générale de l'utilisation ou de la communication commerciale d'une promotion des ventes, à moins qu'elle ne soit imposée par le droit communautaire ;

- la limitation de la valeur d'une promotion des ventes, à l'exception des rabais sur les livres ;

- l'interdiction des rabais précédant les soldes ;

- la nécessité d'une autorisation préalable ou d'une exigence ayant un effet équivalent en vue de l'utilisation ou de la communication commerciale d'une promotion des ventes.

Cette réglementation consiste ainsi en une totale libéralisation des techniques promotionnelles, dont les conséquences pour les Etats membres aux législations restrictives sont à l'évidence considérables. En ce qui concerne la France, on peut relever que ce texte remettrait en cause une partie du droit de la concurrence (et en particulier la loi Galland, puisque, dans la première version, la vente à perte ne pouvait plus être interdite et que, de surcroît, le montant des rabais ne saurait être limité), la pratique des soldes (dès lors que dans la première version étaient à la fois interdites la limitation de la valeur d'une promotion des ventes, l'interdiction des rabais précédant les soldes et la fixation même des périodes de soldes par arrêté préfectoral), la réglementation limitant la valeur des primes offertes à l'occasion d'un achat de bien ou de service, et la législation prohibant toute obligation d'achat pour participer à un concours promotionnel.

En outre, pour tout ce qui concerne les restrictions nationales aux promotions des ventes qui ne sont pas couvertes par les dispositions de l'article 3-1, la proposition de règlement impose l'application du principe de reconnaissance mutuelle. Une telle prescription a pour effet de soumettre à ce principe toutes les règles particulières relevant de dispositifs nationaux spécifiques propres à certains produits ou activités professionnelles. Dans le cas français, on peut donner pour exemples les produits de santé ou l'activité de diverses professions réglementées (avocats, pharmaciens), dont la promotion, bien qu'interdite en France, pourrait être entreprise dans l'hexagone par des entreprises établies dans des Etats membres dont la législation l'autoriserait.

Ce projet initial de la Commission était trop complexe et très contestable. Il est apparu que l'objectif de dérégulation qui anime la Commission remettait en cause des pans entiers de notre droit économique, sans que la plus value en terme de fonctionnement du marché intérieur soit clairement démontrée par les promoteurs de ce texte.

L'hostilité manifestée à l'encontre du texte de la Commission est apparue si forte que la Présidence danoise a préféré retirer de l'ordre du jour du Conseil « Marché intérieur » du 14 novembre dernier le projet qu'elle avait élaboré, qui tenait compte de certaines dispositions adoptées par le Parlement européen et de celles proposées par la Commission.

Constatant l'ensemble de ces difficultés, la Présidence grecque a réuni un groupe de travail, qui a présenté une tentative de compromis le 27 février 2003, puis une nouvelle version révisée le 24 avril 2003. La France a pris acte de cette nouvelle version de la proposition de règlement, mais elle a fait remarquer que, si quelques éléments mis en exergue par les délégations des Etats membres ont été pris en compte, l'économie générale du texte n'a pas fondamentalement changé, et l'opinion des Etats hostiles n'est pas appelée à évoluer.

Le rapporteur a ensuite abordé les principaux points en suspens.

- le choix d'un instrument juridique contesté

Dans sa Communication du 2 octobre 2001, la Commission européenne tente de justifier le recours au règlement. Le règlement présente l'avantage de permettre l'établissement de règles uniformes très précises pour des questions techniques très ciblées et bien identifiées, contrairement à une directive-cadre établissant des règles très générales.

Afin d'assurer la transparence des prix et de renforcer la sécurité juridique, un règlement répondrait également mieux qu'une directive au besoin de dispositions communautaires directement applicables, très précises et non assorties de réserves, dont le champ d'application doit être absolument le même dans toute l'Union européenne.

Dans l'esprit de la Commission, il s'agit aussi de répondre à l'urgence à la suite de l'introduction de l'euro, qui permet de mieux comparer les prix. Les délais de transposition d'une directive retarderaient inutilement les avantages découlant de l'euro en termes de transparence des prix.

Pourtant, de nombreux Etats membres continuent de critiquer le recours au règlement. L'Allemagne, la Finlande, l'Italie, la France, la Belgique et l'Autriche considèrent que le recours à une directive constituerait un progrès et permettrait de tenir davantage compte des dispositions nationales en matière de protection des consommateurs, en laissant aux Etats une certaine marge de manœuvre dans les transpositions. En matière de droit de la consommation, le recours aux directives serait préférable pour permettre une adaptation aux structures juridiques nationales, par exemple en ce qui concerne la définition des sanctions civiles ou pénales. Au surplus, aucune autre disposition concernant la protection des intérêts économiques des consommateurs ne fait actuellement l'objet d'un règlement, même s'agissant de sujets consensuels, comme la publicité mensongère.

- le lien avec la future directive-cadre sur les pratiques commerciales déloyales

Plusieurs Etats, dont la France, la Finlande, le Portugal, la Belgique et l'Autriche, s'interrogent sur le lien entre le règlement et la directive-cadre sur les pratiques commerciales déloyales présentée le 8 mai dernier. Il est en effet incontestable qu'un tel lien existe entre les deux initiatives, qui émanent respectivement du Commissaire au marché intérieur, Frits Bolkestein, et du Commissaire à la consommation, David Byrne.

Il serait pour le moins souhaitable que les deux textes soient adoptés parallèlement. Plusieurs des directions de la Commission mènent une réflexion en parallèle sur tous ces sujets sans se concerter, ce qui pose un problème de cohérence, dans le mesure où le principe général de loyauté commerciale concerne directement les conditions dans lesquelles sont réalisées les opérations promotionnelles.

Cette préoccupation de cohérence et d'unité rejoint celles exprimées par la commission de l'environnement du Parlement européen qui plaide pour une approche progressive en la matière : l'élaboration de la directive-cadre dans un premier temps, puis dans un second temps l'élaboration de directives sectorielles portant sur des pratiques telles que les promotions commerciales.

La réglementation des promotions des ventes doit être incluse dans un cadre global, qui doit viser à un haut niveau de protection des consommateurs. La nécessité de cette coordination se fait d'autant plus ressentir que le principe de transparence de l'information, qui permet au consommateur de savoir si une offre promotionnelle est loyale, n'est posé que dans une annexe, alors que le but du règlement est de préciser ce qui ne doit pas être fait par les Etats.

- la possibilité d'une dérogation générale à la reconnaissance mutuelle

L'Union européenne a tendance à utiliser le principe de reconnaissance mutuelle lorsqu'elle ne réussit pas à harmoniser les législations nationales. Avec ce principe, les entreprises installées dans les Etats les moins exigeants sont favorisées.

Une clause générale de dérogation permettrait aux Etats membres de déroger au principe de reconnaissance mutuelle, par exemple pour des raisons de santé publique ou de protection des mineurs, après notification et accord de la Commission.

De nombreux Etats comme la France continuent à clairement marquer leur préférence pour la voie de l'harmonisation maximale et pour une sauvegarde, sous la forme d'une telle clause.

Si le niveau de protection des consommateurs était élevé dans l'ensemble des pays membres, comme en France, ces réserves ne se justifieraient pas.

La France s'étonne d'autant plus du rôle conféré au principe de reconnaissance mutuelle que la Commission a elle-même souligné dans le Livre vert sur la protection des consommateurs que ce principe ne permettait pas la création d'un « véritable marché intérieur des consommateurs ».

Avant d'envisager une dérogation à la reconnaissance mutuelle, le Portugal souhaiterait plutôt en examiner le champ d'application.

La Belgique a aussi soutenu une dérogation générale à la reconnaissance mutuelle, afin de s'assurer du respect des principes fondamentaux affirmés par le Traité, relatifs à la protection de la santé et des consommateurs.

- les difficultés spécifiques liées à la protection de la santé, de l'enfance et aux jeux promotionnels

La Suède et la Finlande ont constamment affirmé lors des travaux préparatoires leur volonté d'exclure la promotion des boissons alcoolisées du champ d'application du règlement, pour des raisons de santé publique. La France a jugé inacceptables les dispositions prévues par le règlement pour la promotion des produits de la santé. Si la présidence envisage dans la version révisée les risques liés au tabac, elle ne remet pas en cause des dispositions considérées comme dangereuses en matière d'exercice de certaines professions réglementées (avocats, médecins, pharmaciens).

La France a déjà eu l'occasion de rappeler que la collecte de données personnelles (notamment celles de son responsable légal) auprès d'un enfant prévue à l'article 5, paragraphe 1 (et non modifiée par la présidence) est impossible dès lors que les coordonnées du responsable légal constituent un attribut de la vie privée que seule cette personne peut être autorisée à communiquer.

En matière de jeux promotionnels, il est parfois considéré que la proposition de règlement n'établit pas une distinction suffisamment claire avec les jeux de hasard et les loteries payantes et est de nature à générer des évolutions dérégulatrices dans ce secteur. En effet, il semble que le règlement supprime le principe de la gratuité des loteries commerciales en introduisant la possibilité d'imposer au consommateur une contribution financière explicite ou confondue dans le prix du produit support du jeu en contrepartie de sa participation.

Les dispositions sur les jeux promotionnels sont très sensibles, et, manifestement, la présidence italienne devra poursuivre les discussions sur ce sujet afin d'éviter des interférences avec les loteries nationales que la plupart des Etats ne souhaitent pas inclure dans le marché intérieur, notamment parce qu'elles financent des activités sociales, sportives et culturelles. Ainsi, plusieurs Etats, dont l'Italie, sont très attachés au principe de gratuité pour les jeux promotionnels. La France est elle-même aussi très opposée à une éventuelle libéralisation des loteries commerciales, qui compromettrait l'ordre public interne.

- la portée du texte sur la réglementation des soldes et des rabais

S'agissant des rabais, le texte de compromis de la présidence grecque a avancé dans la définition du prix de référence, sans toutefois préciser que c'est le prix le plus bas pratiqué durant les trente jours précédant la vente. Le règlement devrait être plus précis sur ce point.

En ce qui concerne les soldes, la rareté a créé un fort engouement des consommateurs. Tous les Etats et tous les partenaires économiques sont attachés à la réglementation des soldes et si les soldes ont du succès en France, c'est que le prix des biens soldés correspond à leur prix réel. Les réglementations nationales demeurent très disparates. L'un des considérants de la version révisée du règlement exclut les opérations de soldes du champ d'application du règlement, mais il n'est pas repris dans le dispositif, ce qui est source d'ambiguïté. Il faut que, de façon très claire, les soldes sortent du champ d'application du texte, afin que la réglementation française des soldes puisse toujours s'appliquer. Elle donne de bons résultats et convient à toutes les formes de commerces.

- des sanctions insuffisantes

A l'exception des recours extrajudiciaires, la proposition de règlement demeure très insatisfaisante sur le chapitre des sanctions pécuniaires. Lorsque les promotions viennent de l'étranger, les consommateurs hésitent actuellement à intenter une action judiciaire, en cas de fraude, pour des raisons financières évidentes. L'absence d'un véritable espace judiciaire européen demeure par conséquent un handicap pour faire respecter les droits des consommateurs.

Les sanctions sont inexistantes sur de nombreux points fondamentaux : les informations obligatoires à fournir (article 4), la protection de l'enfant (article 5).

En complément de ce règlement, les associations de consommateurs souhaiteraient qu'un texte leur permette de représenter les consommateurs dans toute l'Europe. Il n'y aura pas de véritable marché intérieur tant que les droits des consommateurs et les mécanismes de protection des consommateurs ne seront pas harmonisés.

En conclusion, le rapporteur a estimé que le règlement proposé par la Commission n'harmonisait pas les promotions des ventes d'une manière positive, puisqu'il vise essentiellement à se débarrasser des restrictions dans ce domaine. Il précise uniquement les types de restrictions que les Etats membres ne sont pas autorisés à prendre, et, pour le reste, il applique trop largement le principe de la reconnaissance mutuelle.

Au lieu d'appliquer le principe de reconnaissance mutuelle, la Commission devrait plutôt concentrer ses efforts sur l'harmonisation du droit des promotions des ventes, de la réglementation des pratiques déloyales et de la protection des consommateurs, afin de garantir à ces derniers un haut niveau de protection, identique dans l'ensemble de l'Union européenne. La consultation concernant le Livre vert sur la protection des consommateurs et l'élaboration d'une directive-cadre fournissent l'occasion de développer une solution équilibrée dans ce domaine. Il importe donc, avant toute chose, de les mener jusqu'à leur terme.

Le Président Pierre Lequiller a souhaité savoir s'il n'existait pas déjà une réglementation européenne en matière de protection des consommateurs.

Le rapporteur a indiqué que des dispositions partielles existent, mais que la consultation engagée par la publication du Livre vert relatif à la protection des consommateurs n'est pas achevée et qu'il n'y a pas encore d'harmonisation globale dans ce domaine. Il a rappelé que le Sénat a adopté une résolution sur ce sujet, sur le rapport de M. Jean-Paul Emin, et émis le souhait que les travaux progressent sous la présidence italienne.

M. Pierre Forgues s'est interrogé sur la différence qu'apporterait le recours à une directive plutôt qu'un règlement, compte tenu du caractère de plus en plus détaillé des directives, citant les exemples de la directive « oiseaux » du 2 avril 1979 et de la directive « habitat » du 21 mai 1992.

Le rapporteur a souligné que le recours à une directive laisse plus de souplesse aux Etats membres et permettrait de respecter certaines spécificités des réglementations nationales. Le Président Pierre Lequiller a rappelé que, comme le rapport d'information n° 833 de M. Daniel Garrigue l'a mis en évidence, la directive « oiseaux » accordait aux Etats membres une marge de manœuvre importante et que c'est l'interprétation prétorienne qu'en a faite la Cour de justice des Communautés européennes qui l'a rendue excessivement contraignante.

A l'issue de ce débat, la Délégation a adopté les conclusions suivantes :

« La Délégation,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu les articles 14 et 95 du traité instituant la Communauté européenne,

Vu la Communication de la Commission relative aux promotions des ventes dans le marché intérieur, en date du 2 octobre 2001,

Vu la proposition modifiée de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux promotions des ventes dans le marché intérieur, en date du 2 octobre 2001 (document E 1842),

Vu les débats et le vote du Parlement européen, en date du 4 septembre 2002,

1. Estime que l'adoption de la proposition de règlement relatif aux promotions des ventes dans le marché intérieur entraînerait un recul dans la protection des droits des consommateurs en France ;

2. Recommande que la Commission intervienne par la voie d'une directive permettant l'harmonisation des législations nationales plutôt que sous la forme d'un règlement d'application directe en droit interne ;

3. Souhaite l'abandon du principe de reconnaissance mutuelle, dont l'application est susceptible d'entraîner une instabilité juridique dans les Etats membres, préjudiciable aux intérêts des entreprises et aux droits des consommateurs ;

4. Considère que sur de nombreuses dispositions essentielles, relatives à la protection de la santé, de l'enfance, ou de l'ordre public, les dispositions du texte demeurent insuffisamment claires et précises ;

5. Souhaite que les soldes soient expressément exclus du champ d'application du texte, afin que la réglementation française des soldes, qui convient à la fois aux commerçants et aux consommateurs, puisse toujours s'appliquer ;

6. Regrette que le règlement n'envisage aucun mécanisme de recours transfrontalier pour les consommateurs ;

7. Demande l'achèvement des consultations sur le Livre vert relatif à la protection des consommateurs et l'examen par le Conseil de la proposition de directive-cadre sur les pratiques déloyales préalablement à toute nouvelle réglementation des promotions des ventes, afin d'assurer une meilleure cohérence du dispositif. »

III. Examen des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Sur le rapport du Président Pierre Lequiller, la Délégation a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

Point A

Aucune observation n'ayant été formulée, la Délégation a approuvé les neuf textes suivants :

¬ Commerce extérieur

- proposition de décision du Conseil définissant la position de la Communauté à l'égard de la prorogation de l'accord international de 1986 sur l'huile d'olive et les olives de table (document E 2290).

¬ Fiscalité

- proposition de directive du Conseil modifiant les directives 92/79/CEE et 92/80/CEE, en vue d'autoriser la France à proroger l'application d'un taux d'accises réduit sur les produits du tabac mis à la consommation en Corse (document E 2279).

¬ Institutions européennes

- proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CEE, Euratom) n°354/83 concernant l'ouverture au public des archives historiques de la Communauté économique européenne et de la Communauté européenne de l'énergie atomique (document E 2096).

¬ Pêche

- communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen : « Vers une application uniforme et efficace de la politique commune de la pêche » (document E 2265).

¬ Relations extérieures

- proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de la Communauté, d'un accord entre la Communauté européenne, d'une part, et Malte, d'autre part, sur l'évaluation de la conformité et l'acceptation des produits industriels et proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un accord entre la Communauté européenne, d'une part, et Malte, d'autre part, sur l'évaluation de la conformité et l'acceptation des produits industriels - ACAA - (document E 2278) ;

- proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de la Communauté, d'un accord modifiant le protocole à l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République tchèque, d'autre part, sur l'évaluation de la conformité et l'acceptation des produits industriels et proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un accord modifiant le protocole à l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République tchèque, d'autre part, sur l'évaluation de la conformité et l'acceptation des produits industriels - PECA - (document E 2280) ;

- proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de la Communauté, d'un accord modifiant le protocole à l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République de Hongrie, d'autre part, sur l'évaluation de la conformité et l'acceptation des produits industriels. Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un accord modifiant le protocole à l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République de Hongrie, d'autre part, sur l'évaluation de la conformité et l'acceptation des produits industriels - PECA - (document E 2281) ;

- proposition de règlement du Conseil modifiant pour la troisième fois le règlement (CE) n° 2465/1996 du Conseil concernant l'interruption des relations économiques et financières entre la Communauté européenne et l'Iraq (document E 2283).

¬ Transports

- proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de la Communauté, d'un accord entre la Communauté européenne et les Etats-Unis d'Amérique sur la reconnaissance mutuelle des certificats de conformité des équipements marins. Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un accord entre la Communauté européenne et les Etats-Unis d'Amérique sur la reconnaissance mutuelle des certificats de conformité des équipements marins (document E 2288).

Point B

La Délégation a approuvé les textes suivants :

¬ Questions budgétaires

- proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant les services d'investissement et les marchés réglementés, et modifiant les directives 85/611/CEE et 93/6/CEE du Conseil, ainsi que la directive 2000/12/CE du Parlement européen et du Conseil (document E 2153) ;

Le Président Pierre Lequiller a précisé que cette proposition de directive vise à assurer l'égalité entre la vente de titres sur les marchés réglementés (les bourses) et non réglementés européens. Elle imposera à tous les Etats membres d'autoriser les transactions de gré à gré au sein d'une institution financière, interdites jusqu'ici en Espagne, en Grèce et en Italie, et autorisées seulement depuis peu aux Pays-Bas. L'harmonisation sous forme de « passeport unique » permettra à toutes les entreprises d'investissements d'offrir leurs services dans l'ensemble de l'Union européenne une fois qu'elles auront été autorisées par l'autorité de régulation de leur Etat d'origine. Il s'agit notamment de prendre en compte le développement du courtage électronique et les nouveaux types de fournisseurs de services dans le cadre des systèmes de négociation alternatifs (« ATS »).

Il a souligné que les travaux ont progressé notamment sur la portée de la directive, la question de la coopération entre les autorités de contrôle ou celle des autorisations délivrées aux sociétés d'investissement et aux marchés régulés, mais que des divergences subsistent sur les règles de transparence imposées aux marchés non réglementés. La directive imposera en effet à tous les Etats membres d'autoriser les transactions de gré à gré au sein d'une institution financière (« internalisation »), pratique déjà en vigueur au Royaume-Uni, en Allemagne et aux Pays-Bas mais interdite en France, en Italie, en Espagne, en Grèce ou en Belgique où les ventes de titres doivent être centralisées par les bourses. En contrepartie de cette ouverture, la Commission a proposé des règles de transparence obligeant en particulier les « grandes » institutions financières à annoncer les prix avant les transactions et à informer leurs clients sur leurs décisions d'investissement après les transactions (règles de « best execution »). La définition des « grandes » institutions devrait être précisée dans une législation dérivée adoptée par la procédure de comitologie.

Ces règles de transparence (article 20 et 25 de la directive) constituent la principale pierre d'achoppement entre le Royaume-Uni qui s'y oppose, les jugeant inapplicables, et la France ou l'Italie notamment, pour qui ces règles sont la condition sine qua non pour abandonner la « centralisation » boursière. La France peut accepter la disparition de la concentration, mais si les prix ne sont pas affichés par les intermédiaires financiers, il y a un risque de fragmentation du marché. Des divergences subsistent aussi au sein du Conseil sur l'article 32 de la directive portant sur l'accès aux chambres de règlement et compensation qui gèrent le paiement et la livraison des titres (clearing settlement system). Plusieurs Etats membres et la majorité des parlementaires s'opposent à cet article et souhaiteraient que la Commission présente, comme elle l'a annoncé, son projet de directive sur les règlements et compensations, avant de se prononcer sur ce point de la directive.

- avant-projet de budget rectificatif n° 4 au budget 2003. Etat général des recettes (document E 2224-4) ;

Le Président Pierre Lequiller a précisé que l'avant-projet de budget rectificatif n° 4 pour 2003 modifie la répartition des contributions des Etats membres pour l'exercice en cours, en cohérence avec le précédent avant-projet de budget rectificatif n° 3 qui tablait sur une baisse de plus de 6 milliards d'euros des besoins en crédits de paiement. Il a indiqué que la France n'a pas formulé de remarques particulières lors des réunions du comité budgétaire. Toutefois, l'avant-projet de budget rectificatif précise notamment la répartition entre Etats membres du financement de la compensation budgétaire en faveur du Royaume-Uni, et la France considère que le principe de la correction britannique, qui n'est plus justifiée aujourd'hui, devra faire ultérieurement l'objet d'une renégociation globale.

¬ Relations extérieures

- projet de position commune 2003/PESC relative à l'Irak et abrogeant les positions communes 96/741/PESC et 2002/599/PESC (document E 2289) ;

Le Président Pierre Lequiller a expliqué que ce texte a pour objet de mettre en œuvre, dans l'ordre juridique européen, la résolution 1483 (2003) adoptée le 21 mai 2003 par le Conseil de sécurité des Nations unies. Cette résolution abroge les interdictions portant sur le commerce avec l'Irak et l'apport de ressources financières et économiques à ce pays imposées par les résolutions 661 (1990) et suivantes, à l'exception des interdictions frappant la vente et la fourniture à l'Irak d'armes autres que celles dont les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont besoin en tant que puissances occupantes.

- proposition de règlement du Conseil arrêtant des mesures autonomes et transitoires concernant l'importation de certains produits agricoles transformés originaires de la République tchèque et l'exportation de certains produits agricoles transformés vers la République tchèque (document E 2292) ;

- proposition de règlement du Conseil arrêtant des mesures autonomes et transitoires concernant l'importation de certains produits agricoles transformés originaires de la République slovaque et l'exportation de certains produits agricoles transformés vers la République slovaque (document E 2293) ;

- proposition de règlement du Conseil imposant certaines mesures restrictives à l'égard du Liberia (document E 2295).

- proposition de règlement du Conseil arrêtant des mesures autonomes et transitoires concernant l'importation de certains produits agricoles transformés originaires de Slovénie et l'exportation de certains produits agricoles transformés vers la Slovénie (document E 2304) ;

- proposition de règlement du Conseil arrêtant des mesures autonomes et transitoires concernant l'importation de certains produits agricoles transformés originaires de Lettonie et l'exportation de certains produits agricoles transformés vers la Lettonie (document E 2307) ;

- proposition de règlement du Conseil arrêtant des mesures autonomes et transitoires concernant l'importation de certains produits agricoles transformés originaires de Lituanie et l'exportation de certains produits agricoles transformés vers la Lituanie (document E 2308) ;

Par ailleurs, la Délégation a pris acte de la procédure d'information orale en urgence sur l'action commune du Conseil et du Comité politique et de sécurité de l'Union européenne concernant une opération militaire de l'Union européenne en République démocratique du Congo (document non déposé).

Enfin, la Délégation a pris acte de l'approbation, selon la procédure d'examen en urgence, de la proposition de décision du Conseil portant conclusion d'un accord sous forme d'échange de lettres entre la Communauté européenne et le Royaume de Norvège concernant certains produits agricoles (document E 2309).

IV. Nomination de rapporteurs d'information

La Délégation a désigné deux rapporteurs d'information :

M. Christian Philip, sur le Livre vert de la Commission sur les services d'intérêt général ;

M. Jacques Floch, sur la présence française dans les institutions de l'Union européenne.