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DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 54

Réunion du mercredi 9 juillet 2003 à 9 heures 15

Présidence de M. Pierre Lequiller, Président,
puis de M. François Guillaume, Secrétaire

I. Nomination de rapporteurs d'information et bilan de la session 2002/2003

La Délégation a désigné trois rapporteurs d'information :

M. Bernard Deflesselles, sur la charte de l'environnement et le droit communautaire ;

M. Daniel Garrigue, sur la réforme des taux réduits de TVA ;

M. Robert Lecou, sur les services garantis dans les services publics de l'Union européenne.

Le Président Pierre Lequiller a remercié les membres de la Délégation pour le travail accompli et leur participation active à une session 2002/2003 particulièrement bien remplie. La Délégation a en effet tenu 54 réunions représentant 101,30 heures de débats, auditionné 13 membres du Gouvernement et 15 personnalités et examiné 42 rapports d'information dont 7 rapports « balai ». Seize réunions ont été ouvertes à la presse et trois aux membres français du Parlement européen. De nombreuses réunions ont été communes à la Délégation et aux Commissions des affaires étrangères, des affaires économiques, des finances et des lois. La Délégation a également organisé des rencontres avec des parlementaires allemands, tchèques, espagnols et polonais, membres des Commissions des affaires étrangères ou des affaires européennes.

II. Examen du rapport d'information de M. René André sur l'avant-projet de budget général des Communautés européennes pour 2004.

Le Président Pierre Lequiller, rapporteur suppléant M. René André, a rappelé que le budget des Communautés européennes pour 2004 sera le premier budget de l'Europe élargie à 25 membres. Cependant, contrairement aux précédents élargissements, celui-ci n'aura pas lieu au 1er janvier, mais au 1er mai 2004. C'est pourquoi le budget qui entrera en vigueur le 1er janvier ne concerne que les 15 Etats membres actuels. Il devra nécessairement être modifié au début de l'exercice par un budget rectificatif et supplémentaire, qui entrera en vigueur le 1er mai 2004 et intègrera les dépenses liées à l'élargissement.

Toutefois, pour que l'examen de l'avant-projet, adopté par la Commission le 30 avril dernier, ait quelque intérêt, la Commission a d'ores et déjà communiqué à l'autorité budgétaire les deux séries de chiffres, ceux du budget de l'Europe des 15, qui sera adopté avant le 1er janvier et fait formellement l'objet de la présente procédure budgétaire, et ceux de l'Europe à 25.

La comparaison des deux séries de chiffres prouve d'ores et déjà que le coût de l'élargissement sera particulièrement modéré en 2004. Il restera à observer si cette tendance se poursuivra au-delà de l'année prochaine.

Que ce soit pour les fonds structurels et les politiques internes, ou dans le domaine des dépenses agricoles, l'avant-projet de budget pour 2004 reste dans les limites du cadre financier négocié à Copenhague et adopté le 14 avril.

Pour l'UE-25, les crédits de paiement de l'avant-projet de budget 2004 permettent de dégager une marge de 10,9 milliards d'euros en dessous du plafond des perspectives financières pour 2004. S'agissant des crédits d'engagement, qui représentent les engagements financiers que l'Union peut contracter durant l'exercice 2004, il subsiste une marge de 3,4 milliards d'euros.

Avec un montant de 100,675 milliards d'euros, dont 5 milliards destinés aux dix nouveaux Etats membres, le volume des crédits de paiement proposés par la Commission se caractérise par une croissance modérée de 3,3 % par rapport au budget de 2003 (+ 6,5 % pour les dépenses obligatoires en raison de l'évolution des dépenses agricoles, et seulement + 0,8 % pour les dépenses non obligatoires). On observe toutefois que les dépenses prévues pour les quinze membres actuels seront en légère diminution (- 2 %).

Les crédits d'engagement de l'Union élargie s'élèveront à 112,240 milliards d'euros, dont 11,8 milliards destinés aux nouveaux Etats membres. La différence par rapport au budget 2003 est ici plus importante : + 12,6 % (6,6 % pour les dépenses obligatoires et 16,8 % pour les dépenses non obligatoires, pour permettre d'importants engagements de dépenses du Fonds de cohésion).

En crédits de paiement, l'avant-projet de budget pour 2004 représente pour l'Union actuelle comme pour l'Union élargie 0,99 % du RNB communautaire. Cela traduit une diminution relative de l'importance du budget communautaire par rapport à 2003 (1,04 % du RNB). Les pourcentages demeurent nettement inférieurs au plafond des ressources propres, de 1,24 % du RNB communautaire, et aux plafonds des perspectives financières.

Il apparaît donc clairement que le premier budget de l'Europe élargie est parfaitement maîtrisé, grâce à des efforts d'économie qui viennent compenser l'accroissement des dépenses liées à l'adhésion de dix nouveaux Etats membres. La modération de l'avant-projet de budget 2004 n'est qu'un phénomène transitoire et on observera dans les années futures une montée en charge des paiements, comme le laisse déjà prévoir la progression enregistrée pour les crédits d'engagement.

Les dépenses agricoles (rubrique 1) augmentent de 6,9 % en crédits d'engagement par rapport à 2003. Si l'agriculture représente toujours le premier poste du budget communautaire, sa croissance sera donc en 2004 sensiblement inférieure à celle du budget global. Pour le développement rural (rubrique 1b), il est proposé d'atteindre le plafond en 2004, ce qui se traduit par une augmentation de 39,1 %. L'augmentation de 3,1 % pour les dépenses relatives au marché est beaucoup plus modeste, du fait que l'impact des aides directes en faveur des nouveaux Etats membres ne sera sensible qu'en 2005.

La France est globalement satisfaite de l'avant-projet de budget pour la rubrique agricole. Elle s'opposera toutefois à toute nouvelle économie ou toute réduction de crédit proposée sur cette rubrique en cours de procédure budgétaire. On peut craindre toutefois une insuffisance des crédits dans le secteur du lait, dont la fragilité ne permet pas d'exclure des besoins supplémentaires, soit en restitutions, soit en mesures d'écoulement sur le marché interne, soit à l'intervention. Par ailleurs, la France ne peut que regretter la diminution des crédits du Poseidom, le programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité des départements d'Outre-mer, qui permet de tenir compte de la spécificité des DOM dans les domaines de l'agriculture et de la pêche (- 3 millions d'euros en 2004).

Les dépenses pour les actions structurelles (rubrique 2) augmentent de 20,8 % par rapport à 2003 en crédits d'engagement. Cette augmentation profite davantage au Fonds de cohésion (+ 100,1 %) qu'aux fonds structurels (+ 13,5 %), ce choix permettant de stimuler les investissements en matière d'infrastructures de transport et d'environnement dans les nouveaux Etats membres.

Les trois priorités de la rubrique 3 « politiques internes » sont l'élargissement, la sécurité et la croissance durable. Les dépenses proposées pour les politiques internes exprimées en crédits d'engagement augmentent de 27,3 % par rapport au budget 2003. Pour les nouveaux programmes, relatifs à la sûreté nucléaire (dont 138 millions d'euros pour la fermeture de deux réacteurs nucléaires en Lituanie et en Slovaquie), à la mise en place d'institutions administratives et judiciaires et à la facilité Schengen, les montants pour 2004 sont ceux qui découlent du Conseil de Copenhague.

En règle générale, des précisions complémentaires devraient être apportées par la Commission sur les agences européennes, dont le budget augmente de 66 millions d'euros. En effet, malgré cette hausse, les propositions faites pour certaines priorités françaises, comme l'Agence pour la sécurité maritime, ne sont pas acceptables. Une réserve de 20 millions d'euros est prévue pour cette agence et, dans la procédure budgétaire, la présidence grecque avait proposé de la supprimer pour faire des économies destinées à accroître la marge de la rubrique « politiques internes ». Cette proposition d'économie est inadmissible en l'état.

Pour la rubrique 4 « actions extérieures », les crédits d'engagement proposés sont en hausse de 3,9 % mais sont insuffisants. La Méditerranée doit être de plus en plus prioritaire afin de rassurer les pays méditerranéens sur la solidarité de l'Union européenne à leur égard au moment où toute son attention se porte vers l'élargissement à l'Europe de l'Est. Les moyens consacrés à la Méditerranée s'élèveront à 859 millions d'euros, en hausse de 13,2 %, ceux consacrés à l'Europe de l'Est et à l'Asie centrale s'élèveront à 513 millions d'euros, en hausse de 6,2 %, et ceux consacrés aux Balkans seront stables, à 610 millions d'euros. Les crédits consacrés à l'Asie sont également portés à 610 millions d'euros, en hausse de 8,4 %, en raison de l'intensification de l'aide à la reconstruction de l'Afghanistan (184 millions d'euros).

En règle générale, il semble regrettable que les crédits des actions extérieures ne permettent pas de dégager une marge plus significative (seulement 86 millions d'euros) sous le plafond des perspectives financières, afin de couvrir les éventuels besoins liés aux crises, processus de paix ou reconstructions.

Le budget prévu pour les dépenses administratives des institutions de l'Union européenne (rubrique 5) s'élève à 6,11 millions d'euros de crédits d'engagement hors retraites (soit une augmentation de 14 % par rapport à 2003). Cette augmentation couvre les dépenses relatives aux dix nouveaux commissaires, aux postes de fonctionnaires supplémentaires pour la publication de la législation dans les neuf nouvelles langues officielles et diverses autres dépenses administratives qui s'alourdissent du fait de l'élargissement.

Pour les aides de préadhésion, les crédits proposés diminuent de 51 %, à la suite de l'adhésion de huit des dix pays qui recevaient une telle aide jusqu'en 2003. Dans cette rubrique, les seuls crédits en hausse correspondent à la stratégie de préadhésion en faveur de la Turquie, figurant pour la première fois dans la rubrique 7, à l'issue du Conseil de Copenhague, à un niveau supérieur de 62,8 % à celui de 2003. L'augmentation atteindra 20 % dans le cas de la Bulgarie et de la Roumanie.

La sagesse des propositions de la Commission pour 2004 ne doit pas faire perdre de vue que le budget européen demeure en partie injuste et insuffisant.

Il est injuste, dans la mesure où le rabais consenti aux Britanniques est de moins en moins justifié, la Grande-Bretagne étant bénéficiaire nette au budget communautaire depuis 2001. Il est temps de tout remettre sur la table, sous peine de voir les nouveaux Etats membres, dont le niveau de vie est inférieur de moitié à la moyenne communautaire, payer pour la Grande-Bretagne.

Mais, surtout, le budget communautaire est insuffisant et ne permet pas à l'Europe de se doter des moyens de son ambition. Il réduit souvent l'efficacité des politiques communautaires à un rôle supplétif des actions nationales. Il est plafonné à 1,24 % du RNB européen, et en réalité il représentera pour la première fois moins de 1 % en 2004 (0,99 %).

Avec un budget aussi dérisoire, il n'est pas possible de mener à bien des politiques communes dans des domaines où la nécessité se fait le plus sentir : PESC, grandes infrastructures de transport, recherche et développement, environnement, défense.

S'il est un débat que la Convention sur l'avenir de l'Europe a peu fait progresser, c'est celui du financement de l'Union et de ses politiques communes. Quelques avancées ont été observées dans le texte du projet de Constitution sur les perspectives financières et la procédure budgétaire annuelle, mais aucun consensus n'a pu se dégager sur la mise en œuvre d'impôts véritablement communautaires.

Or, aujourd'hui, le Parlement européen vote les dépenses, mais n'a aucun pouvoir d'influence sur l'assiette et le taux des impositions communautaires. La création d'un ou plusieurs impôts communautaires présenterait de nombreux avantages : elle responsabiliserait les élus de Parlement européen et permettrait d'assurer un meilleur contrôle démocratique des institutions européennes ; elle limiterait les revendications nationales de « juste retour » ; elle donnerait une plus grande visibilité aux compétences européennes et à leur coût réel pour les citoyens, qui seraient ainsi mieux sensibilisés aux enjeux de la construction européenne.

Une discussion générale s'est ensuite engagée sur la proposition de résolution présentée par le Président Pierre Lequiller en conclusion de son exposé.

M. Pierre Forgues a souhaité que le rapport indique les contributions respectives des différents Etats membres. Il s'est par ailleurs interrogé sur le fait de savoir dans quelle mesure l'Assemblée nationale avait juridiquement la possibilité de s'opposer, au point 2 de la proposition de résolution, à toute économie ou réduction de crédits au cours de la procédure budgétaire pour la rubrique des dépenses agricoles. En outre, il a jugé souhaitable d'exprimer un point de vue plus critique, au point 9 de la proposition de résolution, sur la décroissance du poids relatif du budget communautaire et les conséquences négatives que cette évolution entraîne dans un certain nombre de domaines comme les grandes infrastructures de transport.

M. Christian Philip a souligné que, pour la première fois, le budget communautaire allait passer sous la barre de 1 %. Cet état de fait réduit la marge d'action de l'Union européenne dans de multiples secteurs - en particulier la politique agricole commune et la politique structurelle - et pose la question de savoir si cela traduit une volonté délibérée d'économie budgétaire ou, comme on peut plutôt le penser, l'absence d'une vraie volonté d'action commune.

M. Daniel Garrigue a considéré qu'il était contradictoire d'approuver, au point 1 de la proposition de résolution, un projet de budget qui ne remet pas en cause la stabilité budgétaire et de critiquer, aux points 2 à 9 de cette même proposition, l'insuffisance des crédits dans un certain nombre de domaines. Il a suggéré, en conséquence, de supprimer la mention du fait que le projet de budget ne remet pas en cause la stabilité budgétaire.

M. François Calvet a regretté que les moyens budgétaires consacrés à la Méditerranée ne soient pas suffisamment bien définis et clarifiés, particulièrement dans une période où les pays méditerranéens ont le sentiment d'être un peu oubliés par l'Union européenne, du fait de l'élargissement.

M. Robert Lecou a jugé effectivement nécessaire de compenser le tropisme nordique de l'Union provoqué par l'élargissement en intégrant davantage l'Euroméditerranée dans les réflexions communautaires.

En réponse à ces interventions, le Président Pierre Lequiller a précisé que le budget communautaire repasserait au-dessus de la barre de 1 % l'année prochaine et qu'il accroît les crédits consacrés à la Méditerranée. Il a par ailleurs proposé à la Délégation de modifier la proposition de résolution sur deux points : premièrement, en supprimant, au point 1 de la proposition, la précision selon laquelle le projet de budget ne remet pas en cause la stabilité budgétaire ; deuxièmement, en indiquant, au point 9 de cette proposition, que l'Assemblée nationale regrette fortement - au lieu de constate - que le budget communautaire soit d'un montant trop limité et ne permette pas de mener à bien des politiques communes dans les domaines où la nécessité se fait le plus sentir. Il a enfin suggéré que le rapport apporte des précisions sur les contributions des différents Etats membres ainsi que sur les moyens consacrés à la Méditerranée.

La Délégation a approuvé ces propositions de modifications et adopté la proposition de résolution ainsi modifiée dont le texte figure ci-après.

« L'Assemblée nationale,

- Vu l'article 88-4 de la Constitution,

- Vu l'article 272 du traité instituant la Communauté européenne et l'article 177 du traité Euratom,

- Vu l'accord inter-institutionnel du 6 mai 1999 sur la discipline budgétaire et l'amélioration de la procédure budgétaire,

- Vu l'avant-projet de budget général des Communautés européennes pour l'exercice 2004 (E 2275 annexe 1),

1. Approuve les grandes orientations de l'avant-projet de budget des Communautés européennes pour 2004, qui respecte les perspectives financières pluriannuelles et permet de dégager une importante marge disponible en crédits de paiement comme en crédits d'engagement.

2. S'oppose à toute économie ou réduction de crédits au cours de la procédure budgétaire pour la rubrique des dépenses agricoles.

3. Regrette l'insuffisance des crédits dans le secteur du lait, dont la fragilité ne permet pas d'exclure des besoins supplémentaires.

4. Déplore la forte diminution des crédits du Poseidom, alors que ce programme autorise l'adaptation des mesures communautaires pour tenir compte de la spécificité des départements d'Outre-mer dans les domaines de l'agriculture et de la pêche.

5. Considère comme très prématurée l'intégration dans l'avant-projet de budget pour 2004 d'éléments relatifs à la révision à mi-parcours de la PAC.

6. Réaffirme son attachement à un renforcement de la politique européenne en matière de sécurité maritime et son refus d'une éventuelle suppression de la réserve de 20 millions d'euros destinée à financer l'Agence européenne de sécurité maritime.

7. Souhaite que les crédits affectés à la politique extérieure et de sécurité commune soient accrus afin de permettre à l'Union européenne de renforcer son influence sur la scène internationale.

8. Considère que les raisons qui ont conduit à l'octroi au Royaume-Uni d'une correction sur sa contribution au budget communautaire sont aujourd'hui dépassées et demande que cet avantage injustifié ne soit pas maintenu dans le nouveau cadre financier qui verra le jour en 2007.

9. Regrette fortement que le budget communautaire, dont le poids relatif ne cesse de décroître, soit d'un montant trop limité et ne permette pas de mener à bien des politiques communes dans des domaines où la nécessité se fait le plus sentir : grandes infrastructures de transport, recherche et développement, environnement, politique extérieure et défense. »

III. Examen du rapport d'information de M. Christian Philip sur l'état de transposition des directives européennes

M. Christian Philip, rapporteur, a rappelé qu'il avait présenté, en novembre 2002, un rapport d'information sur la transposition de la première directive gaz et qu'à cette occasion, il avait examiné de façon plus globale le problème de la transposition dans notre pays. Ce dernier était alors le « plus mauvais élève » européen, accumulant le plus de directives en retard de transpositions et le plus de procédures d'infraction pour manquement. Il avait alors proposé le dépôt d'un rapport annuel de la Délégation sur l'état de transposition des directives, de manière que la Délégation serve d'aiguillon aux autorités réglementaires. Parallèlement, le Gouvernement s'est également engagé dans une politique de rattrapage, initiée par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale de juin 2002. Elle s'est traduite par la mise en œuvre d'un plan d'action pour la réussite duquel Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes, s'est beaucoup impliquée et a notamment présenté deux communications devant le Conseil des ministres.

Globalement, des progrès ont été enregistrés, mais ils doivent être nuancés et il faut souhaiter qu'ils s'accélèrent. Les objectifs fixés par les Conseils européens de Stockholm, au printemps 2001, et de Barcelone, en mars 2002, visant respectivement à ne pas dépasser un déficit de transposition supérieur à 1,5 % et à ne plus avoir de directives dont le retard de transposition excède deux années, n'ont pas encore été réalisés. Le déficit de transposition de la France s'élève aujourd'hui à 3,3 %, ce qui lui permet de quitter la dernière place du classement européen pour la dixième position, mais ce ratio demeure très éloigné de l'objectif fixé à 1,5 %. De plus, l'amélioration relative de la position française traduit surtout une dégradation de la situation constatée chez certains de nos partenaires, puisqu'il faut rappeler, qu'en mai 2002, le déficit français n'était que de 3,1 %. On peut ajouter que seuls cinq Etats membres atteignent l'objectif de 1,5 % : le Danemark, la Suède, la Finlande, l'Espagne et le Royaume-Uni. S'agissant des directives ayant un retard de plus de deux ans, la France a réussi à diminuer son stock, mais notre pays demeure celui qui enregistre encore le plus de directives dans cet état.

Il faut pourtant constater que le Gouvernement a montré une volonté forte d'améliorer de la situation française, en particulier au travers de son plan d'action, tendant à imposer une clarification des responsabilités administratives et à instituer un « rendez-vous régulier » avec le Parlement. La réorganisation administrative a pu être menée à bien mais à des degrés divers selon les départements ministériels. Le ministère de l'agriculture a mis en place une structure efficace lui ayant permis de diviser par cinq son stock de directives à transposer. En revanche, les ministères en charge de l'écologie, de la santé et des affaires sociales ont réalisé des performances décevantes. Le « rendez-vous régulier » avec le Parlement n'a pas pu être établi, en partie à cause de l'encombrement de l'ordre du jour, même si des directives ont pu être transposées, au cas par cas au cours de ces derniers mois. Il importe de préciser, par ailleurs, que deux projets de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire devraient être examinés par le Conseil des ministres au cours de ce mois et soumis au Parlement à l'automne.

Au total, 84 directives étaient en retard de transposition au 30 juin 2003, dont 29 comptant un retard supérieur à deux ans et 18 nécessitant encore une intervention du législateur.

M. Christian Philip a indiqué que le rapport s'efforçait d'identifier les principaux obstacles, qui tiennent notamment à la multiplicité des intervenants et à l'absence d'un suivi suffisant. La ministre déléguée aux affaires européennes a conscience de ces difficultés et a récemment écrit à tous les ministres concernés pour attirer leur attention sur le caractère prioritaire de la politique de réduction des retards de transposition. Un entretien avec la ministre a été l'occasion d'évoquer la mise en place de procédures d'alerte au début et à la fin de la phase administrative de la transposition. Il pourrait être intéressant, par ailleurs, de confier à la Conférence spécialisée dans les affaires communautaires (COSAC), à qui l'on reproche souvent d'avoir des débats trop généraux, une mission sur la transposition des directives, afin de disposer d'une approche comparative. A la veille de l'élargissement aux pays d'Europe centrale et orientale, la question de la transposition des directives acquiert une importance accrue.

La deuxième partie du rapport recense et analyse les 84 directives en retard de transposition. Ce document constitue non seulement une source d'informations, mais, au-delà, un aiguillon devant permettre à Mme Noëlle Lenoir de presser les ministères ayant encore des efforts à accomplir, en souhaitant que, l'an prochain, la France puisse atteindre un déficit de transposition proche de 2,5 %, dans la mesure où l'objectif de 1,5 % semble difficile à réaliser dans ce délai.

Le Président François Guillaume a remercié M. Christian Philip pour la présentation de ce rapport et a souligné que les obstacles rencontrés lors de la procédure de transposition étaient de nature à la fois administrative et technique.

IV. Examen du rapport d'information de M. Christian Philip sur le Livre vert de la Commission sur les services d'intérêt général

M. Christian Philip, rapporteur, a indiqué que la Commission européenne avait publié, le 21 mai 2003, le Livre vert sur les services d'intérêt général. Ce document, attendu depuis un certain temps, a pour objet d'engager une vaste consultation avant que la Commission ne décide d'une éventuelle action normative.

On peut s'interroger, tout d'abord, sur le retard avec lequel la question des services d'intérêt général est soulevée, puisque le Conseil européen de Barcelone, les 15 et 16 mai 2002, avait explicitement envisagé de préciser dans une proposition de directive-cadre les principes relatifs aux services économiques d'intérêt général. Néanmoins, le Livre vert représente une avancée intéressante car c'est la première fois que la Commission intervient sur les services d'intérêt général dans un document autre qu'une simple communication et demande explicitement si une directive-cadre est nécessaire.

Notre pays a toujours eu une sensibilité forte à l'égard des services d'intérêt général, compte tenu de la structuration de notre droit administratif par la notion de service public, de la place accordée à ces services pour la cohésion sociale et territoriale et de l'attachement manifesté par les usagers envers les services publics français, même si ces derniers peuvent soulever des problèmes de discontinuité dans certaines circonstances.

Les directives sectorielles, en particulier celles concernant le gaz naturel, ont progressivement accordé une place croissante à la notion de service d'intérêt général, mais la question de la nécessité d'un cadre d'ensemble n'est pas tranchée. Le présent rapport d'information vise à répondre aux trente questions posées par la Commission. A cet égard il convient de regretter que le délai fixé pour répondre au Livre vert publié fin mai expire le 15 septembre 2003. Ce délai, particulièrement court compte tenu de la période estivale, a empêché le rapporteur de procéder à toutes les auditions qu'il aurait souhaité organiser, même s'il a reçu des contributions écrites de diverses organisations.

Le rapport se prononce en faveur d'une base juridique d'ensemble claire, qui doit d'abord trouver sa source au niveau des traités. Le Président Pierre Lequiller et M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères, ont déposé des amendements en ce sens au sein de la Convention européenne et, finalement, le projet d'article III-3 arrêté par le Praesidium stipule notamment que la loi européenne définit les principes et les conditions de fonctionnement des services d'intérêt général.

Cette rédaction ne va peut-être pas aussi loin que l'auraient souhaité les autorités françaises, mais, en tout état de cause, elle implique l'intervention d'un texte de droit dérivé et, en quelque sorte, tranche la question essentielle soulevée par le Livre vert.

Dans sa contribution écrite, le Mouvement des entreprises de France (MEDEF) a signalé au rapporteur son hostilité à l'égard d'une directive-cadre qui ne pourrait regrouper que des dispositions constituant un plus petit dénominateur commun, constituerait un frein au processus d'ouverture à la concurrence et pérenniserait les aides financières accordées aux services d'intérêt général. En outre, le MEDEF considère que la délégation de service public est un mode de gestion satisfaisant qui devrait être étendu dans les autres Etats membres. Le rapporteur estime toutefois qu'une directive-cadre est nécessaire car elle mettrait fin aux aléas liés à la variabilité de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes et permettrait, en particulier, de légaliser les compensations accordées au titre des charges de service public. Quant au mode de gestion par l'intermédiaire de la délégation de service public, l'expérience du rapporteur en matière de transports urbains lui permet d'affirmer qu'elle n'est nullement une garantie d'ouverture à la concurrence, du fait du faible nombre des offres reçues par les collectivités territoriales.

La directive-cadre devrait réaffirmer le libre choix des collectivités territoriales quant au mode de gestion des services publics, notamment la gestion sous forme de régie. Ce texte devrait également énumérer les obligations minimales de service public, garantir le financement de ces activités, organiser la régulation en fixant les principes de coopération des régulateurs nationaux, définir les conditions d'une évaluation pluraliste et appeler au développement d'une politique de coopération décentralisée.

La Délégation a ensuite examiné la proposition de conclusions du rapporteur.

Au point 6 relatif au principe de subsidiarité, M. Michel Delebarre a estimé que la rédaction indiquant qu'il appartient « essentiellement » aux autorités compétentes des Etats membres de définir les services d'intérêt général pouvait laisser la porte ouverte à d'autres interventions de la Communauté concernant le périmètre de ces services. Il a donc souhaité supprimer le mot « essentiellement ». Sur sa proposition et avec l'avis favorable du rapporteur, le point 6 a été ainsi amendé.

Après que le rapporteur eut présenté les autres points de la proposition de conclusions, M. Michel Delebarre a exprimé son accord avec le texte, à condition qu'il ne soit pas perçu comme une acceptation de la définition des services d'intérêt général actuellement retenue par les instances communautaires.

A l'issue de ce débat, la Délégation a adopté la proposition de conclusions ainsi modifiée dont le texte figure ci-après.

« La Délégation,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu le Livre vert sur les services d'intérêt général (COM [2003] 270 final/E 2303),

1. Considère que la publication du « Livre vert sur les services d'intérêt général » sur un sujet qui, jusqu'à présent, n'avait donné lieu qu'à de simples « communications » de la Commission européenne, constitue une avancée significative ;

2. Rappelle que la construction européenne doit s'appuyer à la fois sur un marché dynamique et sur des services d'intérêt général efficaces pour parvenir aux objectifs définis par la « stratégie de Lisbonne » et pour réussir le prochain élargissement ;

3. Se félicite que l'article III-3 du projet de Traité instituant une Constitution pour l'Europe comprenne des dispositions prévoyant que la loi européenne définit les principes et les conditions de fonctionnement des services d'intérêt économique général ;

4. Constate que ces dispositions, qui ne seront applicables que lorsque le Traité entrera en vigueur, invitent la Commission européenne à prendre, dès à présent, l'initiative d'une directive-cadre ;

5. Insiste sur la nécessité de l'adoption d'une telle directive-cadre, afin de préciser notamment les concepts utilisés par les traités et les directives sectorielles, ainsi que les conditions d'intervention des différents opérateurs, en particulier de ceux en charge de services d'intérêt général au niveau régional ou local ;

6. Souligne qu'en vertu du principe de subsidiarité, il appartient aux autorités compétentes nationales, régionales et locales de définir, organiser, financer et contrôler les services d'intérêt général ;

7. Estime que la directive-cadre devrait énumérer et définir les obligations minimales des personnes (publiques ou privées) en charge des services d'intérêt général ;

8. Propose que, compte tenu des incertitudes juridiques pesant sur les financements étatiques des surcoûts liés aux obligations d'intérêt général, la directive-cadre définisse la notion de stricte compensation de ces obligations et qu'en tout état de cause, un règlement d'exception, pris sur la base de l'article 89 du Traité, dispense les financements précités de la procédure de notification préalable à la Commission ;

9. Approuve l'idée d'une réflexion sur l'instauration d'une régulation au niveau communautaire, tout en précisant que cela n'impliquerait pas obligatoirement l'exercice de la régulation par la Commission européenne ; considère que, dans un premier temps, la directive-cadre devrait établir les principes de bonne coopération entre régulateurs nationaux ;

10. Souhaite que les critères pris en compte pour l'évaluation des services d'intérêt général soient diversifiés et prennent en considération notamment la qualité du service ;

11. Se déclare favorable à l'insertion dans la directive-cadre de dispositions tendant à favoriser le soutien aux services d'intérêt général dans les pays en développement ; une telle initiative serait de nature, en particulier, à renforcer la coopération décentralisée. »

V. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Sur le rapport du Président François Guillaume, la Délégation a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

Point A

Aucune observation n'ayant été formulée, la Délégation a approuvé les trois textes suivants :

¬ Consommation

- proposition de décision du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre général pour financer les activités communautaires à mener à l'appui de la politique des consommateurs pendant les années 2004 à 2007 (document E 2316).

¬ Institutions

- proposition de règlement du Conseil instituant, à l'occasion de l'adhésion de Chypre, de l'Estonie, de la Hongrie, de la Lettonie, de la Lituanie, de Malte, de la Pologne, de la République tchèque, de la Slovaquie et de la Slovénie, des mesures particulières et temporaires concernant le recrutement de fonctionnaires des Communautés européennes (document E 2321).

¬ Justice et affaires intérieures

- projet de décision du Conseil concernant l'application à Gibraltar de la convention établie sur la base de l'article K.3, paragraphe 2, point c), du traité sur l'Union européenne, relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou des fonctionnaires des Etats membres de l'Union européenne (document E 2230).

Point B

¬ Commerce extérieur

- accord entre la Communauté européenne et le Canada sur le commerce des vins et des boissons spiritueuses (document E 2329).

Cet accord porte sur les pratiques œnologiques qui peuvent être utilisées par les producteurs de vin exporté de l'Union européenne vers le Canada et vice-versa, ainsi que sur la procédure d'acceptation de nouvelles pratiques œnologiques. Il vise à protéger les consommateurs contre toute pratique frauduleuse et à éviter de les induire en erreur sur la nature, la composition, la qualité ou l'origine du produit. Le Canada s'est engagé à ne pas instituer de certificat d'importation pour les vins communautaires et à simplifier les procédures d'analyse. En outre, il s'alignera sur les normes communautaires pour ses exportations de whisky à destination de la Communauté.

D'autre part, les indications géographiques seront désormais protégées, le caractère générique de vingt et une dénominations de vins de l'Union européenne étant supprimé au Canada. Ces appellations génériques pouvaient en effet donner le sentiment au consommateur qu'il achetait un produit français alors qu'il s'agissait d'un produit local dépourvu de la même image de qualité : des vins canadiens pouvaient ainsi être vendus sous la dénomination de Chablis ou de Champagne. La suppression de ces dénominations génériques sera progressive, la dernière étape étant prévue pour le 31 décembre 2013. L'accord fait la quasi-unanimité au sein de l'Union européenne, car tous les Etats membres ou presque sont producteurs de vins ou de productions spiritueuses et l'accord protègera aussi des dénominations comme l'Ouzo ou la Grappa. En contrepartie, la Communauté s'engage à protéger la dénomination canadienne de Rye Whisky.

La Délégation a approuvé la proposition d'acte communautaire.

¬ Justice et affaires intérieures

- proposition de décision du Conseil relative à la signature de l'accord entre la Communauté européenne et le gouvernement de la région administrative spéciale de Macao de la République populaire de Chine concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier. Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l'accord entre la Communauté européenne et le gouvernement de la région administrative spéciale de Macao de la République populaire de Chine concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier (document E 2251) ;

- proposition de décision du Conseil relative à la signature de l'accord entre la Communauté européenne et la république socialiste démocratique de Sri Lanka concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier (document E 2260).

M. Christian Philip a précisé que ces deux accords de réadmission des personnes en séjour irrégulier s'inscrivent dans le cadre de la lutte contre l'immigration clandestine. Il a souligné que les Conseils européens de Tampere d'octobre 1999 et de Laeken de décembre 2001 ont invité le Conseil à conclure de tels accords, et que les Conseils européens de Séville de juin 2002 et de Thessalonique de juin 2003 ont rappelé la priorité que constituent ces accords. Un accord similaire a déjà été conclu avec la région administrative spéciale de Hong Kong (République populaire de Chine), et des négociations sont en cours avec le Maroc, la Russie, le Pakistan, l'Ukraine, l'Albanie, l'Algérie et la Turquie. Des accords de réadmission seront également négociés avec les Etats dits ACP, dans le cadre de l'accord de Cotonou.

M. Christian Philip a indiqué que ces accords n'ont pas soulevé de difficultés particulières au sein du Conseil, sauf sur un point, en ce qui concerne la France. L'accord projeté avec le Sri Lanka prévoit un délai de quinze jours pouvant aller jusqu'à un mois pour répondre à une demande de réadmission. Ce délai est sensiblement supérieur au délai de réponse prévu dans les accords bilatéraux de réadmission conclus par la France, qui varient entre trois et cinq jours. Il dépasse en outre largement le délai de rétention administrative fixé à douze jours par l'article 35 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945. Les autres Etats membres ne sont pas confrontés aux mêmes difficultés, leurs délais de rétention étant bien supérieurs (la durée maximale de rétention est de 40 jours en Espagne, de 18 mois en Allemagne, de 5 mois en Belgique, de 60 jours en Italie, et elle est illimitée au Royaume-Uni et en Finlande). La France était donc très isolée sur ce point, et a finalement accepté que le délai de réponse soit maintenu inchangé, compte tenu notamment de l'augmentation du délai de rétention à trente jours envisagé par le projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France.

La Délégation a approuvé ces propositions, en l'état des informations dont elle dispose.