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DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 55

Réunion du mercredi 24 septembre 2003 à 9 h 15

Présidence de M. Pierre Lequiller,
Président de la Délégation pour l'Union européenne,
et de M. Matthias Wissmann
Président de la Commission des affaires de l'Union européenne du Bundestag allemand

Réunion commune avec la Commission des affaires de l'Union européenne du Bundestag allemand (réunion ouverte à la presse)

Après avoir remercié les députés allemands de s'être déplacés à Paris, le Président Pierre Lequiller a ouvert la réunion commune en se félicitant de l'intensification des relations parlementaires franco-allemandes, rappelant la rencontre de Stuttgart du 25 février 2003 qui s'était conclue par l'adoption d'une déclaration commune sur l'avenir de l'Europe. Il a toutefois tenu à souligner le caractère non exclusif de ces initiatives, comme en a témoigné la rencontre du Triangle de Weimar le 16 juin 2003 à Varsovie. Il a souhaité que le principe des réunions communes se pérennise au cours des mandatures respectives, insistant sur le caractère parlementaire des relations franco-allemandes qui n'ont pas vocation à ne concerner que les seuls exécutifs. Il a alors souligné le caractère opportun de la présente réunion qui se tient quelques jours après le Conseil des ministres franco-allemand ; puis il en a détaillé l'ordre du jour, qui portera sur les thèmes suivants :

- le projet de Constitution européenne et la conférence intergouvernementale (CIG) qui s'ouvrira le 4 octobre, et dont il a exprimé le souhait qu'elle ne remette pas en cause le fragile équilibre atteint par la Convention ;

- le développement de la politique étrangère et de sécurité commune et la stratégie européenne en matière de sécurité, qui a fait l'objet d'une communication de M. Javier Solana, haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune, lors du Conseil européen de Thessalonique. Ce sujet sera débattu à la lumière du sommet tripartite de Berlin qui a marqué une évolution de la position britannique dans le domaine de la défense ;

- l'Europe élargie et son nouveau voisinage ;

- l'avenir de la politique régionale européenne dans le contexte de l'élargissement.

Le Président Pierre Lequiller a indiqué que d'autres sujets pourront naturellement être débattus si le temps le permet, mentionnant notamment l'initiative de croissance lancée conjointement par le Président Jacques Chirac et le Chancelier Gerhard Schröder.

Le Président Matthias Wissmann s'est félicité que soit tenu l'engagement pris à Versailles lors de la commémoration du quarantième anniversaire du Traité de l'Elysée de développer les relations de travail entre les commissions parlementaires, au-delà des célébrations solennelles qui réunissent les assemblées plénières. Il a tenu à souligner l'intérêt que portent les parlementaires allemands à une telle coopération, vingt-quatre députés du Bundestag ayant fait le déplacement à Paris.

S'exprimant sur les résultats de la Convention, il a salué le succès qu'il représente en termes de structure institutionnelle et de projet pour l'avenir de l'Union. Il a estimé que la méthode conventionnelle, dont il a souligné la dimension parlementaire, avait apporté la preuve de son efficacité, en rupture avec le mauvais compromis de Nice. C'est pourquoi la CIG ne devra pas remettre en cause le texte élaboré par la Convention, même si celui-ci reste bien entendu perfectible. Le Président Matthias Wissmann a alors plaidé en faveur d'une CIG courte qui puisse, dans la mesure du possible, aboutir avant la fin de l'année 2003. En ce qui concerne l'évolution de la PESC et la stratégie en matière de sécurité, il a apporté son soutien au projet exposé par M. Javier Solana, estimant que la France et l'Allemagne devront donner les impulsions nécessaires.

· Projet de Constitution européenne et Conférence intergouvernementale

· Politique étrangère et de sécurité commune et stratégie européenne en matière de sécurité

Le Président Pierre Lequiller a salué le travail approfondi réalisé par la Convention pendant seize mois, qui a permis d'aboutir à un résultat « imparfait mais inespéré » selon les termes employés par le Président Giscard d'Estaing. Evoquant les avancées majeures du projet de Constitution, il a mentionné :

- le principe même de l'adoption d'une Constitution européenne qui permet la présentation d'un texte unique et la suppression de la structure de l'Union en « piliers » ;

- l'intégration de la Charte des droits fondamentaux ;

- la reconnaissance à l'Union de la personnalité juridique ;

- la création d'un président du Conseil européen afin d'assurer la stabilité de la représentation de l'Union, tant au niveau interne que sur la scène internationale ; 

- la création d'un ministre européen des affaires étrangères ;

- un meilleur contrôle du respect du principe de subsidiarité avec la reconnaissance aux parlements nationaux d'un droit d'alerte précoce ;

- la simplification des instruments et des procédures grâce à la création, notamment, des lois-cadres et des lois européennes ;

- la réforme de la règle de la majorité qualifiée, qui poursuit un double objectif d'équité et de lisibilité ;

- le renforcement des compétences du Parlement européen avec l'extension de la procédure législative à quinze nouveaux domaines.

Il a ensuite évoqué les enjeux de la CIG, rappelant les revendications des « petits » pays qui, lors de leur réunion à Prague le 1er septembre dernier, ont notamment demandé une clarification du rôle du Président du Conseil européen. Le Président Pierre Lequiller a également cité le cas de l'Espagne et de la Pologne qui contestent les nouvelles règles de majorité qualifiée. Face à ces revendications, il a souligné le risque qui consisterait à rouvrir la boîte de Pandore. Sans remettre en cause l'équilibre du volet institutionnel, des améliorations pourraient néanmoins être apportées au texte de la Convention, en ce qui concerne la gouvernance économique et sociale et l'harmonisation fiscale. En tout état de cause, le projet de Constitution, élaboré avec une grande maîtrise par le Président Giscard d'Estaing, doit être la « base de travail » de la CIG qui s'ouvrira le 4 octobre pour s'achever, dans la mesure du possible, le 13 décembre prochain. Le Président Pierre Lequiller a alors souhaité, qu'à titre symbolique, le texte issu de la CIG puisse être signé par les vingt-cinq pays membres de l'Union élargie, le 9 mai 2004 à l'occasion de la journée de l'Europe.

M. Jacques Floch a tout d'abord souligné l'intérêt exceptionnel des travaux de la Convention, estimant que jamais le résultat obtenu n'aurait pu être atteint dans un cadre intergouvernemental. Il a considéré que même si l'on pouvait regretter que le texte proposé n'aille pas plus loin sur tel ou tel sujet, il représentait un point d'équilibre, obtenu par consensus, qui ne pouvait être rompu sans risque. Il s'est étonné que des contre-propositions apparaissent maintenant de la part de certains gouvernements alors que ceux-ci ont participé à la Convention et qu'ils en avaient accepté le résultat final. Il a jugé qu'il fallait interpréter ces prises de position comme faisant partie d'une montée des enchères normale à l'approche de l'ouverture des négociations. Il est important que la France et l'Allemagne conservent une position commune pour refuser fermement la remise en cause du texte de la Convention.

M. Jacques Floch a ensuite évoqué la problématique « grands et petits pays », notant que celle-ci n'était apparue que récemment dans le débat européen et qu'elle était notamment liée aux interrogations des nouveaux pays adhérents sur la finalité de la construction européenne. Il a considéré que nombre des futurs Etats membres de l'Union, ayant à l'esprit les précédents élargissements, voient d'abord l'intérêt économique de leur adhésion à l'Union alors qu'ils s'interrogent sur l'opportunité d'une intégration politique plus approfondie, n'ayant que très récemment reconquis leur souveraineté. Il a pour sa part jugé que le chemin à parcourir était encore long avant de parvenir à une véritable fédération, soulignant que les citoyens européens se reconnaissaient encore d'abord dans leur appartenance nationale.

Certains points essentiels ne doivent pas être mis en cause dans les discussions de la Conférence intergouvernementale, notamment : la présidence du Conseil européen, l'élection du Président de la Commission par le Parlement européen, l'introduction de la Charte des droits fondamentaux. S'agissant de la politique étrangère et de la défense, l'Europe a absolument besoin d'un représentant unique qui permette la synthèse des positions des Etats membres, pour que l'Europe puisse enfin jouer son rôle sur la scène mondiale.

Il a dit souhaiter, comme la présidence italienne, une Conférence intergouvernementale courte. Il faut que les parlements nationaux fassent pression sur leurs représentants gouvernementaux pour dire jusqu'où on peut ou on ne peut pas aller. La notion de « marges de manœuvre » est dangereuse, car très floue et d'interprétation variable.

S'agissant des demandes espagnoles concernant le poids relatif de l'Espagne dans la prise de décision au Conseil, il a jugé souhaitable de trouver une porte de sortie honorable pour le Gouvernement espagnol, tout en évitant une surreprésentation par rapport à l'Allemagne ou à la France.

En conclusion, il s'est déclaré raisonnablement optimiste quant aux chances de succès de la Conférence intergouvernementale, à condition néanmoins que l'on n'y introduise pas des débats philosophiques, en voulant, par exemple, remettre en cause le caractère laïc des institutions auquel la France reste très attachée.

M. Peter Altmaier a tout d'abord salué la qualité et l'intensité exceptionnelles de la relation franco-allemande au sein de la Convention, liées à la fois à l'action des conventionnels eux-mêmes, mais aussi à l'ancienneté et à l'approfondissement progressif de la coopération bilatérale entre les deux pays.

La Commission des affaires de l'Union européenne du Bundestag et la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, lors d'une réunion tenue à Paris le 10 décembre 2001, ont adopté une déclaration commune en faveur de l'établissement d'une Convention pour la réforme de l'Union, et cette déclaration a pesé positivement sur la position de la chancellerie allemande pour soutenir la création de la Convention.

La réforme de l'Union connaît à nouveau une phase critique. Le projet de Constitution a été adopté par une très large majorité au sein de la Convention, plus de 200 sur 210 membres s'étant déclarés en faveur du texte et certains qui s'étaient exprimés contre
- comme M. Jens-Peter Bonde, député européen danois, eurosceptique - l'ont quand même signé. Les pressions visant à remettre en cause le texte adopté par la Convention se renforcent, venant à la fois de certains Etats membres, de la Commission, ou des opinions publiques. Il a estimé que si certains amendements pouvaient apparaître comme allant dans le bon sens, ils étaient, en tout état de cause, dangereux. La CIG a bien sûr juridiquement la possibilité de remettre totalement en cause le texte proposé par la Convention, mais les modifications éventuellement apportées au texte - à la demande de l'un ou l'autre des Etats membres - comportent des risques de remise en cause de l'équilibre institutionnel et de l'efficacité de l'Union à vingt-cinq.

Il a considéré qu'il fallait préparer le débat en expliquant aux Etats qui revendiquent la modification du texte proposé sur tel ou tel sujet, que cette revendication allait entraîner d'autres demandes, concernant des aspects du texte qu'ils souhaitent absolument maintenir. Par exemple, on peut expliquer aux Britanniques que si leur pays demande de modifier les possibilités de coopérations renforcées dans le domaine de la défense, l'Allemagne et la France vont pour leur part insister pour que le recours à la majorité qualifiée soit facilité dans le domaine de la politique étrangère et de la défense. La Délégation et la Commission doivent organiser un suivi régulier et conjoint des travaux de la Conférence intergouvernementale, notamment par l'adoption de résolutions communes lorsque cela s'avérera nécessaire.

M. Peter Altmaier a en outre considéré qu'il fallait que la Délégation et la Commission prévoient de réorganiser leur coopération en vue de la mise en œuvre future du mécanisme d'« alerte précoce » en matière de contrôle de subsidiarité, en liaison avec les autres parlements nationaux de l'Union. Il a estimé que cette réorganisation de la coopération parlementaire franco-allemande allait de pair avec une réflexion que le Bundestag devait mener sur l'efficacité réelle du contrôle qu'il exerce en matière européenne.

Mme Elisabeth Guigou a jugé très important que la France et l'Allemagne partagent une vision commune sur le texte proposé par la Convention, mais que néanmoins, dans une Europe à vingt-cinq, le couple franco-allemand ne pouvait tout seul décider de la future Constitution.

Elle a estimé que le résultat de la Convention était globalement positif, mais qu'il fallait distinguer le volet institutionnel et les aspects relatifs aux politiques communes.

S'agissant des aspects institutionnels, si on peut estimer qu'il aurait été souhaitable d'étendre encore davantage le champ de la majorité qualifiée, son regret principal concerne le maintien de l'unanimité pour les futures révisions constitutionnelles. En effet, les enseignements de l'Histoire montrent que les Constitutions ne peuvent être considérées comme étant « gravées dans le marbre ». Elle a exprimé l'espoir que ce point soit amélioré dans le cadre des discussions de la Conférence intergouvernementale.

En ce qui concerne les politiques communes, elle a considéré que le résultat était nettement positif pour les domaines de la défense, de la politique étrangère, évoquant notamment la création d'un ministre des affaires étrangères, et de l'espace de liberté, de sécurité et de justice, jugeant que la perspective d'un parquet européen constituait un progrès majeur. Elle a en revanche estimé très insuffisant le texte proposé en ce qui concerne le domaine économique et social. Elle a souhaité que la France et l'Allemagne - tout en soutenant le texte de la Convention - nourrissent le débat sur l'avant-garde en exprimant leur vision d'une Europe plus ambitieuse pour le futur. En ce qui concerne le domaine économique, si le Pacte de stabilité est incontestablement trop rigide, la France et l'Allemagne ne s'y sont pas bien pris pour pouvoir le critiquer. Dans le domaine social, il faut aller de l'avant sur la question des services publics, mais il s'agit d'un sujet difficile pour l'Allemagne.

Mme Elisabeth Guigou a par ailleurs estimé que s'il fallait accepter, pour faire réussir la Conférence intergouvernementale, que chaque pays soit représenté au sein de la Commission, ce ne serait pas en soi dramatique, d'autant plus que le système proposé sur ce point par la Convention n'était pas non plus parfait.

Si le couple franco-allemand reste un moteur essentiel de la construction européenne, il doit faire un effort accru d'ouverture et de partenariat vis-à-vis des autres Etats membres.

Elle a conclu en évoquant l'initiative franco-allemande pour la croissance, dont elle a soutenu pleinement le principe tout en regrettant qu'aucun financement ne soit prévu. Elle a souligné que le frein à toute politique sérieuse dans ce domaine était lié à l'insuffisance des moyens budgétaires de l'Union, rappelant les efforts qui avaient été faits à cet égard dans le passé : doublement des fonds structurels à l'occasion des précédents élargissements et création du fonds de cohésion par le traité de Maastricht.

M. Günter Gloser a appelé à poursuivre les rencontres parlementaires franco-allemandes qui ont déjà obtenu d'excellents résultats, grâce au bon fonctionnement du moteur franco-allemand dont les progrès dépendent non seulement des gouvernements mais aussi des parlements. Dans la phase plus difficile qui va s'ouvrir, il va falloir prouver que le « paquet » de la Convention est bon et ne doit pas être « détricoté », mais on peut penser que la Conférence intergouvernementale va bien se dérouler. L'Union européenne aura fait un saut qualitatif après l'adoption de cette Constitution, en faveur de laquelle les parlementaires devront faire campagne auprès de l'opinion publique européenne, en 2004. M. Günter Gloser a tenu à remercier au nom du SPD tous les participants à cette Convention dont les travaux ont accéléré la prise de conscience par les parlements nationaux de leur rôle dans le développement de l'Union européenne aux côtés des gouvernements.

M. Michael Roth a déclaré que la Convention avait été un succès par rapport aux conférences intergouvernementales précédentes et a souhaité que la France et l'Allemagne proposent une formulation plus claire du rôle de ces conférences dans la poursuite des réformes. La prochaine Conférence intergouvernementale ne pourra pas conduire l'examen du projet de la Convention en rouvrant toutes les controverses qui s'y sont déjà exprimées. Les représentants des Etats membres et des pays adhérents ont approuvé 95 % du paquet et n'ont présenté des objections que sur 5 %. Mais discuter de ces 5 % à vingt-cinq revient à toucher au cœur de la Constitution et est de nature à provoquer l'échec de la Conférence intergouvernementale.

Il y a au Bundestag une controverse entre les groupes parlementaires sur le rôle des parlements nationaux durant le déroulement de la Conférence intergouvernementale. Après avoir eu des représentants à la Convention et procédé à un travail d'harmonisation avec les gouvernements, ils pourraient adopter des amendements pour exercer une influence sur la Conférence intergouvernementale et ils devront, en tout état de cause, assumer un travail d'explication de la Constitution auprès de l'opinion publique.

Par ailleurs, la question du conflit entre « grands » et « petits » pays a pesé sur tout le débat, alors qu'on serait bien en peine de citer un exemple dans le passé de ce type d'opposition, qui n'est pas dans la tradition de l'Union européenne. Le Bénélux en particulier a toujours appuyé le partenariat franco-allemand et ne mise pas sur la Conférence intergouvernementale pour faire valoir des vues différentes.

La volonté de la Commission de rediscuter des points de détail ou même sa composition paraît irresponsable, dans la mesure où, comme l'ont dit MM. Gloser et Altmaier, rouvrir certains dossiers conduira à examiner tous les autres. Il faut au contraire ne pas « détricoter » le projet de la Convention.

Enfin, la coopération parlementaire franco-allemande est essentielle pour définir le rôle des parlements nationaux appelé à évoluer avec la Constitution. La subsidiarité en particulier est un domaine où, à côté du contrôle exercé par le Parlement européen, les parlements nationaux devront renforcer leur rôle d'impulsion.

Mme Anna Lührmann s'est demandée comment on pouvait imaginer qu'une Conférence intergouvernementale composée des seuls gouvernements pourrait aboutir à un meilleur résultat que la Convention, une instance avec des parlementaires, au sein de laquelle toutes les composantes de l'Union ont été représentées et ont pu s'exprimer librement. La Convention qui a travaillé seize mois aura été dans une meilleure situation pour aboutir à un compromis satisfaisant que la prochaine Conférence intergouvernementale, réunie pour trois ou quatre mois. Grâce en particulier aux initiatives franco-allemandes, la Convention a proposé de nettes améliorations par rapport au système actuel, notamment l'extension du champ de la majorité qualifiée ou le renforcement de la coopération entre les parlements, alors que l'expérience montre que les conférences intergouvernementales s'éloignent très peu du statu quo et qu'une réforme confiée seulement à une telle instance aurait plutôt marqué un recul. Même si la question d'une amélioration éventuelle des propositions de la Convention se posera à la CIG, celle-ci ne progressera certainement pas beaucoup si elle doit rediscuter de tous les sujets.

La signature du traité constitutionnel à la date du 9 mai 2004, après l'adhésion des nouveaux Etats membres, comme le prévoit le projet de la Convention, constituerait un geste symbolique très important. Il serait encore renforcé par la transformation de ce jour de l'Europe en un jour férié dans toute l'Union.

M. Michel Herbillon a souligné l'importance des rencontres parlementaires franco-allemandes, qui constituent un symbole très fort, et facilitent la mise en œuvre d'une coopération concrète permettant à l'Europe d'avancer. Il a en particulier évoqué la mise en place d'une mission d'information de l'Assemblée nationale et du Bundestag sur l'Office franco-allemand pour la jeunesse.

Les résultats de la Convention sont positifs. L'équilibre obtenu est le fruit d'une véritable conciliation. Il est satisfaisant sur de nombreux points essentiels : une présidence stable qui ne change pas tous les six mois, un ministre des affaires étrangères commun, l'intégration de la Charte des droits fondamentaux.

Il est cependant regrettable que la question de l'utilisation des langues dans les institutions européennes n'ait pas été réglée dans la Constitution.

Le couple franco-allemand a bien fonctionné lors des travaux de la Convention. La crise irakienne ou l'initiative commune sur la relance de la croissance ont confirmé sa solidité.

La Conférence intergouvernementale ne doit pas « détricoter » les résultats obtenus à la Convention et ouvrir la boîte de Pandore. Les gouvernements et les parlements doivent faire preuve de pédagogie sur l'Europe, dont l'action est trop souvent présentée de façon négative. La Commission des affaires de l'Union européenne du Bundestag et la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne devraient engager ensemble un travail d'information sur la Constitution européenne et expliquer à l'opinion publique ce que l'Europe a apporté de positif aux citoyens.

Mme Sabine Leutheusser-Schnarrenberger a estimé que dans la mesure où les représentants de vingt-cinq Etats vont examiner pendant plusieurs mois le projet de Constitution, à l'occasion des travaux de la Conférence intergouvernementale, il est probable qu'ils n'hésiteront pas à entrer dans les détails. Il est par conséquent indispensable de définir dès à présent les sujets incontournables sur lesquels il ne sera pas possible d'accepter des modifications au compromis élaboré par la Convention.

Il convient également de ne pas chercher à esquiver le débat sur les futures ressources de l'Union européenne, à un moment où la France et l'Allemagne n'ont plus de marges de manœuvre. Il ne faut pas promettre à l'échelle de l'Union européenne ce qui ne peut pas être tenu par les Etats membres dans le cadre de leurs ressources budgétaires actuelles.

Malgré la pression de certains Etats, la Conférence intergouvernementale devra faire la preuve de son sens des responsabilités. Il ne serait pas acceptable, dans le cadre d'une Europe à vingt-cinq, de se contenter des résultats du traité de Nice. Il sera cependant très difficile de parvenir à un accord entre les différentes propositions de modification du projet élaboré par la Convention.

La sensibilisation des opinions publiques constitue un enjeu fondamental. Nous devrons expliquer concrètement ce que l'Europe a apporté aux citoyens depuis 1957 et ce qu'elle sera susceptible de leur apporter grâce à la future Constitution. Les jeunes et les étudiants sont d'ores et déjà très motivés, comme le prouve le succès des dispositions relatives à la reconnaissance des diplômes et aux cursus intégrés.

M. Christian Philip a estimé que, si le texte élaboré par la Convention est satisfaisant, il conviendra de suivre attentivement les travaux de la Conférence intergouvernementale, afin d'être en mesure d'exprimer rapidement des réactions communes. Il n'est pas utile d'attendre les résultats de cette conférence pour en expliquer les enjeux aux opinions publiques.

Si la Conférence intergouvernementale ne doit effectivement pas « détricoter » les résultats de la Convention, les Etats qui expriment certaines revendications ne devront pas se sentir frustrés. Il devrait donc être possible d'évoluer sur certains sujets. Par contre, il paraît exclu de remettre en cause les mécanismes de décision et les règles de majorité, car l'efficacité de l'Union européenne est en jeu.

M. Peter Hintze, rappelant que l'idée de la Convention avait été lancée lors d'une précédente réunion parlementaire franco-allemande tenue à l'Assemblée nationale, a abordé la politique extérieure et la défense. L'Eurocorps constitue le noyau dur d'une future armée européenne. Il convient de renforcer notre coopération militaire pour faire face aux nouvelles menaces terroristes et développer notre capacité d'intervention dans les régions en crise.

Le texte de la Constitution ne pourra pas passer sous silence les souhaits des « petits » pays. Il devra s'efforcer de dégager une harmonie entre les positions des « grands » et des « petits » pays. Le projet élaboré sous la présidence de M. Valéry Giscard d'Estaing en toute transparence ne constitue pas un compromis minimum mais au contraire maximum, même s'il est souhaitable de le modifier sur tel ou tel point. Les parlements nationaux doivent continuer à rester étroitement associés aux travaux de la Conférence intergouvernementale.

M. Pierre Lellouche a indiqué que si le projet proposé par la Convention constituait un progrès important, il ne fallait pas se masquer la réalité. Dans les faits, la France et l'Allemagne ne vont pas bien : elles éprouvent beaucoup de difficultés à se réformer, affichent des déficits importants et ne sont pas perçues par nombre de petits Etats comme le bon exemple. Le récent échec du référendum suédois sur l'euro mériterait de ce point de vue d'être médité. L'Europe elle-même ne va guère mieux, comme l'ont montré ses divisions récentes sur des points aussi essentiels que la position vis-à-vis des Etats-Unis (qui soulève la question clé de l'identité européenne) ou la situation en Irak.

Dans ce contexte, si le projet de constitution européenne est -comme cela devrait être le cas- soumis à référendum, il ne faut pas sous-estimer la difficulté qu'auront les élites politiques à convaincre leurs opinions publiques. En France, par exemple, l'opinion ne comprend pas que l'on ne puisse secourir Alstom au motif que la Commission ne le voudrait pas, ou que l'on ne puisse pas encore baisser la TVA sur la restauration, alors même que l'actuelle majorité s'y était engagée dans son programme électoral. De même, on ne parvient pas à faire en sorte que, comme le propose Mme Michèle Alliot-Marie, les dépenses d'investissements militaires soient exclues de celles prises en compte dans le cadre du pacte de stabilité.

Quant aux efforts de défense - qui ne dépassent pas 1 % du PIB en Allemagne et restent limités en France -, ils sont insuffisants par comparaison à ceux des Etats-Unis ou de la Grande-Bretagne. Qu'il s'agisse des objectifs de forces d'Helsinki, de la capacité à peser sur la situation en Irak ou des moyens de défense civile - en particulier vis-à-vis d'éventuels attentats terroristes de masse comme ceux du 11 septembre -, l'Europe est dangereusement en retard.

S'agissant, enfin, des institutions, M. Pierre Lellouche a rappelé la position du Président Jacques Chirac, selon laquelle « Pour la France, l'Europe est un dessein plus vaste, un dessein politique autour d'un projet commun : forger une authentique identité européenne et mettre en place une capacité d'action reconnue et respectée en tant que telle dans le monde. » Citant également M. Hubert Védrine (selon lequel « on n'impose pas à la majorité des idées minoritaires ! Dans l'Europe à vingt-cinq - c'était presque déjà le cas à quinze - ce sont des positions très différentes des nôtres (en politique étrangère) qui l'emporteraient. Et la crise serait assurée »), il a estimé qu'un système de décision à vingt-cinq en matière de politique étrangère et de sécurité commune ne peut fonctionner.

Il est donc nécessaire, selon lui, d'inventer un nouveau mode de décision dans ce domaine - afin que l'Europe puisse pleinement jouer son rôle sur la scène internationale - et de ne pas cacher aux opinions publiques les difficultés de la situation actuelle.

Le Président Pierre Lequiller a exprimé son accord sur la nécessité d'accélérer les réformes pour permettre à l'Europe de se doter d'une politique étrangère et de sécurité commune plus forte. Cela étant, beaucoup de progrès ont déjà été accomplis au cours des dernières années, comme l'adoption de l'euro. Par ailleurs, le projet de la Convention présente une avancée majeure : la possibilité de bâtir des coopérations renforcées, effectivement nécessaires dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité commune. Des initiatives sont, d'ailleurs, déjà en train de se faire jour.

M. Rainder Steenblock a considéré qu'il fallait avoir une approche réaliste. Des résultats importants ont été enregistrés depuis le Conseil européen de Nice : la Convention a rempli sa mission et la coopération franco-allemande s'est positivement intensifiée. La France et l'Allemagne ont, sur la crise en Irak, fait valoir une analyse juste et adopté une stratégie pertinente. Cela étant, il convient de renforcer la coopération militaire, notamment en encourageant les synergies possibles, et de mettre sur pied une véritable armée européenne.

Par ailleurs, il est nécessaire de préserver le projet proposé par la Convention. A cet égard, il faut éviter l'idée d'une Europe à plusieurs vitesses. Les réserves exprimées par les « petits » pays doivent être prises en compte, faute de quoi on pourrait susciter leur méfiance, ce qui handicaperait l'Union européenne. Celle-ci doit reposer sur un système fondé sur une triple exigence de solidarité, d'égalité et d'efficience.

Il est nécessaire également que chaque pays européen fasse des efforts de son côté, que ce soit en matière de politique de l'emploi, de restructurations ou de réformes économiques. A défaut, les difficultés nationales risquent de resurgir au niveau européen.

M. Daniel Garrigue a constaté que le projet de la Convention, à la fois solide et équilibré, faisait l'objet d'un large consensus.

S'agissant de la majorité qualifiée, il a considéré que la CIG devrait aboutir à un accord. Il a observé que ce sont précisément les points les plus importants (défense, politique sociale, fiscalité, politique économique et recherche notamment) qui soulèvent le plus de difficultés. En tout état de cause, si cet accord ne pouvait être trouvé, il faut permettre aux Etats qui veulent agir en commun dans certains domaines de le faire, que ce soit au travers d'une coopération renforcée ou d'un autre mécanisme.

Concernant la composition de la Commission, M. Daniel Garrigue a estimé que l'on pouvait trouver un dispositif satisfaisant permettant la représentation de tous les pays. Il a jugé paradoxal que la Commission prétende jouer un rôle important tout en ayant tendance à vouloir faire participer l'ensemble des Etats, ce qui a un effet paralysant. Il a considéré que si elle voulait jouer un tel rôle, elle devait, dans ses positions, prendre davantage de hauteur.

Pour ce qui concerne la question de la subsidiarité, demeure l'impression d'une confusion totale des compétences entre l'Union et les Etats membres. Si le projet de la Convention comporte un mécanisme de surveillance satisfaisant, l'application du principe de subsidiarité doit se faire selon des critères plus nets et plus précis.

M. Thomas Silberhorn a estimé que la méthode du consensus utilisée par la Convention a rendu possible l'élaboration d'un projet de traité constitutionnel ambitieux. Pour que ce projet devienne demain la Constitution de l'Europe, les membres de la Conférence intergouvernementale devront conduire leurs travaux dans le même état d'esprit. Toutefois, les résultats de la prochaine de la CIG ne pourront faire l'objet d'un consensus qu'à la condition que certaines modifications soient apportées au projet de traité. Celui-ci constitue une bonne base de départ, mais elle doit être améliorée pour être acceptée par l'opinion publique. Ainsi, en Allemagne, on s'aperçoit que l'adoption du projet obligera notre pays à modifier la Loi fondamentale. De même, les dispositions du projet concernant les services d'intérêt général ne seront pas sans conséquences sur le plan de notre organisation interne. Aussi, M. Thomas Silberhorn a-t-il affirmé qu'il faut éviter, à tout prix, que l'opinion publique ne pense que le résultat de la CIG est déterminé à l'avance.

D'autre part, les travaux de la CIG doivent bénéficier d'un véritable écho auprès de nos concitoyens, contrairement à ce qui s'est passé avec la Convention. Dans ce but, les parlements nationaux, dont le rôle dans l'Union se voit renforcé par le projet de traité, doivent exercer une fonction d'accompagnement des travaux de la CIG. Ils doivent aussi apporter leur contribution aux points du projet devant être améliorés.

M. Josef Göppel, après avoir estimé que les propos de M. Pierre Lellouche s'apparentaient en effet à une douche froide, a fait part du sentiment, très favorable, de l'opinion publique de sa circonscription - en Bavière - au sujet du texte de la Convention.

Il a souhaité faire deux commentaires - sous forme de regrets - sur le projet de traité. En premier lieu, il a déploré que celui-ci ne contienne aucune référence à la religion, que ce soit dans son préambule ou son article premier, à l'inverse de la Loi fondamentale allemande, qui évoque la responsabilité devant Dieu. En second lieu, il a qualifié de « maigrichon » le résultat concernant l'environnement. Il a considéré que le texte aurait dû établir un lien plus évident entre la préservation de l'environnement, d'une part, et le développement des technologies et de l'emploi, d'autre part. Il a émis le vœu qu'une initiative soit prise concernant le pacte de stabilité, afin que la contribution de ce dernier à l'amélioration des conditions de vie et de l'environnement soit reconnue.

Le Président Matthias Wissmann a estimé pour sa part que les sujets de la politique économique et de l'environnement pourraient être débattus lors de la prochaine réunion entre la Délégation pour l'Union européenne et la Commission des affaires de l'Union européenne du Bundestag.

Mme Angelica Schwall-Düren a affirmé que la grande majorité des députés allemands ne souhaitaient pas voir le projet de traité « détricoté ». Le résultat obtenu dépasse en effet toutes les espérances, même si le volet concernant la politique étrangère et de sécurité commune est quelque peu décevant. Certes, la création d'un poste de ministre des affaires étrangères constitue une avancée, mais les résultats concernant le vote à la majorité qualifiée dans ce domaine sont en deçà des attentes. Il est vrai que la faiblesse des acquis de la Convention ne fait que refléter une réalité, à savoir que la PESC n'a pas encore été vraiment mise en œuvre. L'Europe a manqué l'occasion de procéder à une analyse approfondie de ses besoins en matière de politique étrangère à la fin de la Guerre froide. Elle l'a appris à ses dépens au moment de la crise yougoslave. Depuis lors, l'élaboration de Pacte de stabilité pour les Balkans a marqué un réel progrès, mais qui a été vite relativisé par les divisions provoquées par la crise irakienne. De fait, l'Europe est désemparée face à la multiplication des conflits de faible intensité, d'origine religieuse ou ethnique, et aux nouvelles formes de terrorisme, car elle n'a pas encore élaboré de doctrine commune concernant ces nouveaux défis. C'est pourquoi le projet de stratégie européenne élaboré par M. Javier Solana marque un réel progrès, qui doit être salué, et dont il faut espérer qu'il sera pris en compte par la CIG.

Mme Angelica Schwall-Düren a souhaité que tous les Etats membres, anciens et nouveaux, « petits » et « grands », participent au débat sur l'avenir de la PESC et proposent des initiatives dans ce domaine. Sur ce point, la coopération franco-allemande est plutôt positive, mais elle doit aller encore plus loin. Ainsi, la notion de « contrepoids aux Etats-Unis » doit faire l'objet d'un dialogue approfondi entre la France et l'Allemagne, car elle suscite des malentendus entre les deux pays. Faut-il la comprendre comme une notion polémique, qui cache un dessein d'opposition aux Etats-Unis, ou comme la volonté de donner un plus grand poids politique à l'Union dans le monde ? Mme Angelica Schwall-Düren a par ailleurs affirmé que la coopération franco-allemande dans ce domaine doit avancer de manière prudente, afin qu'elle ne soit pas perçue comme un axe cherchant à imposer ses « diktats » en Europe.

Elle a conclu son propos sur la nécessité d'élargir le dialogue franco-allemand au-delà des élites politiques et économiques. Le moteur franco-allemand doit se nourrir des apports des deux sociétés. Dans cette perspective, l'Office franco-allemand pour la jeunesse doit jouer un rôle important. Il faut donc lui donner davantage de moyens. Mme Angelica Schwall-Düren a émis le vœu que la mission d'information commune de l'Office qui va être créée pas ne soit pas instrumentalisée pour retarder les progrès devant être accomplis.

Le Président Matthias Wissmann a rappelé que, lors de la réunion commune de l'Assemblée nationale et du Bundestag et de leurs bureaux respectifs en janvier dernier, le renforcement de l'Office franco-allemand pour la jeunesse est apparu comme une priorité. Les parlementaires devront veiller au respect de cet objectif, car l'Office peut avoir un impact très important auprès de l'opinion publique. Le Président Matthias Wissmann a donc proposé que le rôle de l'Office figure à l'ordre du jour de la prochaine réunion commune entre la Délégation et la Commission.

M. Jürgen Türk a jugé important le résultat de la Convention. Il a souhaité que ce succès ne soit pas remis en cause. Il a noté que la Pologne défend maintenant une position qui n'était pas la sienne lors de la dernière réunion du Triangle de Weimar, au cours de laquelle elle avait apporté son soutien au projet de traité. Il a estimé qu'il fallait satisfaire la revendication des « petits pays » concernant le maintien d'un Commissaire européen par Etat membre : ce compromis permettra peut-être d'éviter l'ouverture complète de la boîte de Pandore et contribuera à faire accepter le projet de traité par l'opinion publique.

M. Axel Schäfer a rappelé que la voie de l'intégration avait été jalonnée ces dernières années d'étapes de plus en plus denses et de plus en plus rapprochées : Maastricht, Amsterdam, Nice. Les conférences intergouvernementales se réunissent ainsi sur une base quasi-annuelle désormais.

L'opinion publique doit comprendre que le traité n'était qu'un instrument, alors que la constitution européenne est une fin en soi. Dans les pays adhérents, les citoyens ont du reste déjà plébiscité à des majorités considérables l'Europe et sa constitution, même s'il faut déplorer simultanément le résultat négatif du référendum suédois sur l'euro. Quant aux gouvernements, ils doivent, au cours de leur prochaine conférence, tenir les engagements qu'ils ont pris au sein de la Convention. Comme l'a déclaré M. Jacques Delors : « Qui peut s'enthousiasmer pour un marché intérieur ? Il faut un projet ». Ce projet européen ne doit être ni téméraire ni pusillanime.

Le Président Pierre Lequiller s'est félicité que le débat ait pu mettre en lumière les avancées comme les lacunes du texte élaboré par la Convention. Il a mis aux voix le projet de déclaration commune franco-allemande dont le texte figure ci-après. Un accord unanime s'est dégagé en faveur de son adoption.

« Déclaration commune de la Délégation pour l'Union européenne de l'Assemblée nationale et de la Commission des affaires de l'Union européenne du Bundestag allemand sur la conférence intergouvernementale et la Constitution européenne

Dans quelques jours, la présidence italienne de l'UE ouvrira la conférence intergouvernementale sur la Constitution européenne. À cette occasion, la Délégation pour l'Union européenne de l'Assemblée nationale et la Commission des affaires de l'Union européenne du Bundestag allemand réaffirment ensemble leur soutien appuyé au projet de traité établissant une Constitution pour l'Europe, adopté les 13 juin et 10 juillet 2003 par la Convention européenne.

Sous la présidence couronnée de succès de M. Valéry Giscard d'Estaing, ce projet a atteint le meilleur des résultats, formant un tout cohérent et solide. Avec ambition et réalisme, la Convention est parvenue à réunir les exigences divergentes de l'élargissement et de l'approfondissement dans une Constitution pour l'Union - une Constitution qui est appelée à évoluer -, et elle est parvenue à garantir la capacité d'action de l'Union élargie à travers une structure de compétences claire.

De même, et en dépit des positions forcément divergentes des différents acteurs qui l'ont composée, la Convention et sa méthode, dont l'initiative revient aux parlementaires, sont apparues comme un nouvel instrument de négociation performant, qui associe le Parlement européen, les Parlements et gouvernements nationaux et la Commission européenne. La méthode de la Convention a renforcé la dimension parlementaire et la démocratie dans la politique européenne. Nous nous félicitons donc que les projets de révision du Traité soient examinés à l'avenir dans le cadre de la procédure de la Convention, après consultation du Parlement européen et de la Commission, car cette procédure ne garantit pas seulement davantage de démocratie, de proximité du citoyen et de transparence, mais elle assure aussi des résultats efficaces et porteurs d'avenir.

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Nous approuvons les conclusions du Sommet européen de Thessalonique du 20 juin 2003 et sa décision relative au projet du traité constitutionnel, et invitons la conférence intergouvernementale à respecter ce projet comme la seule et unique base pour ses travaux et à insuffler au sein de ces derniers l'esprit ouvert, pluraliste et consensuel de la Convention.

La Convention a présenté aux gouvernements nationaux une base solide, dont la négociation se poursuivra sous la plus grande attention des Parlements allemand et français. Nous sommes favorables à un calendrier précis pour la conférence intergouvernementale. Pour l'avenir d'une Europe élargie, la réussite de la Conférence intergouvernementale est d'importance primordiale.. Nous invitons les Etats membres à conclure la conférence intergouvernementale dans les meilleurs délais, si possible en décembre 2003 afin qu'un large débat public puisse avoir lieu sur la Constitution avant qu'elle ne soit signée le 9 mai 2004, Journée de l'Europe, immédiatement avant les élections au Parlement européen.

Nous saluons la promesse qui a été faite d'associer étroitement le Parlement européen aux délibérations de la Conférence intergouvernementale. Nous invitons les chefs d'Etat et de gouvernement à informer les parlements nationaux sur tous les aspects du travail de la Conférence intergouvernementale. Cet échange rapproché avec les parlements nationaux facilitera également la ratification ultérieure du Traité. Sur ce point, nous souhaitons un échange de vues approfondi entre les parlements nationaux et le Parlement européen, qui peut être envisagé, par exemple, dans le cadre des rencontres avec des représentants des parlements nationaux que doit organiser la commission des affaires constitutionnelles du Parlement européen ou (et) lors d'une rencontre des conventionnels représentants des Parlements, comme l'a proposé le vice-président du Sénat italien, M. Lamberto Dini. Les observateurs du Parlement européen à la Conférence intergouvernementale se verraient attribuer un rôle particulier lors de cet échange d'informations et de réflexions.

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Il convient de renforcer encore le rôle des parlements nationaux dans l'Union européenne, notamment à travers un contrôle plus soutenu de l'action de leurs gouvernements dans les affaires européennes. Le projet de Constitution européenne leur accorde plus de possibilités de participation. Les parlements nationaux revêtent ici un rôle central de gardiens de la subsidiarité. Leur implication dès le début du processus législatif leur donne la chance d'assumer plus de responsabilités dans la suite de ce même processus, et notamment d'accompagner le travail du Conseil. En outre, il faut se demander comment l'importance de l'Europe peut être mieux soulignée dans les parlements nationaux. Cet objectif pourrait être atteint en reprenant la proposition du représentant du Parlement des Pays-Bas à la Convention, M. René van der Linden, selon laquelle les commissions compétentes des parlements nationaux de tous les Etats membres et le Parlement européen devraient débattre à l'avenir au cours d'une même semaine de séance du programme de travail annuel de la Commission européenne. D'une part, cela soulignerait l'importance du travail de la Commission et du contrôle parlementaire de celui-ci au niveau national, et d'autre part, cela contribuerait à une plus grande démocratisation de la politique communautaire, et ainsi à un renforcement de la conscience européenne.

Nous sommes convaincus que les parlements nationaux et le Parlement européen auront pour tâche importante dans les prochains mois de créer autour du processus constitutionnel un retentissement et une adhésion larges auprès du public. Dans cette perspective, nous, Délégation pour l'Union européenne et Commission pour les affaires de l'Union européenne, suggérons que l'Assemblée nationale et le Bundestag allemand débattent, si possible, des discussions et des résultats de la Conférence intergouvernementale lors de séances parallèles. »

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· L'Europe élargie et son nouveau voisinage

M. René André a souligné que l'Europe nouvelle devrait prendre en compte la situation de son voisinage immédiat. À l'ancien rideau de fer ne saurait se substituer demain un nouveau mur de l'argent. Sans politique adéquate, la pauvreté, l'instabilité politique, la criminalité organisée et les trafics en tous genres risquent de s'installer aux portes de l'Europe élargie. L'Allemagne, mais aussi la Pologne et les pays baltes, pourraient ranimer au profit de cette politique européenne les relations anciennes qu'ils entretiennent avec ces futurs voisins.

Le renforcement des contrôles aux frontières ne saurait assurer à lui seul la sécurité et la stabilité dont l'Europe a besoin. Ses voisins doivent encore s'arrimer solidement à la démocratie et aux lois de l'économie de marché, ce qui suppose que l'Union élargie les associe étroitement à elle, en leur ouvrant éventuellement la perspective d'une adhésion. Le Président Romano Prodi a fixé les lignes générales de cette politique, en évoquant la perspective d'un cercle d'amis qui partageraient tout, sauf les institutions. En pratique, ces Etats pourraient participer au marché intérieur, négocier avec l'Union européenne la libre circulation des marchandises, des services et des capitaux, s'associer enfin aux politiques communautaires dans le domaine de la recherche, de la santé, de l'éducation et de l'environnement.

En Biélorussie, en Moldavie et en Ukraine, l'application de la convention de Schengen pourrait faire naître des difficultés : la population, les richesses et les biens sont nombreux à circuler aujourd'hui entre eux et l'Union européenne ; il ne faudrait pas couper ce lien à l'avenir. Baltes et Polonais paraissent avoir un rôle important à jouer à cet égard.

Quant à la Russie, elle espère obtenir la libre circulation entre elle et l'Union européenne. Cela n'est envisageable que si elle sait contrôler l'immigration en provenance du sous-continent asiatique.

L'Ukraine mériterait enfin, après le soudain retrait du soutien américain, que l'Europe lui apporte une assistance active.

Le Président Pierre Lequiller a souligné que le texte de la Convention prévoyait précisément une forme de partenariat spécial, à mi-chemin entre l'association et le statut d'Etat membre. Tous les Etats n'ont pas en effet vocation à entrer dans l'Union européenne, même lorsqu'ils doivent entretenir avec elle d'étroites relations.

M. Günter Gloser a déclaré partager la préoccupation exprimée par M. René André sur la nécessité de ne pas ériger de nouveaux « murs » sur le continent européen, tout en agissant pour garantir la sécurité sur les nouvelles frontières de l'Union européenne.

Les pays méditerranéens ne doivent pas être oubliés. Ces derniers ont souvent été déçus par les résultats du processus de Barcelone, dans lequel ils avaient vu, pour certains, un équivalent de la procédure d'adhésion. Il importe donc d'accroître le dialogue avec nos amis arabes, tout en respectant l'histoire et les modèles sociaux mis en œuvre par chacun des partenaires, mais sans fermer les yeux sur les atteintes aux droits de l'Homme.

En tout état de cause, il serait maladroit de considérer que la France devrait s'occuper plus particulièrement des relations avec le bassin méditerranéen et que l'Allemagne devrait se concentrer sur l'Europe de l'Est et les Etats limitrophes. Une prochaine rencontre des parlementaires franco-allemands pourrait donner l'occasion d'approfondir cette question. Des visites pourraient également être effectuées en commun dans les pays concernés.

Lors d'une récente réunion en Crète, les ministres des affaires étrangères des Etats membres et ceux des pays arabes ont envisagé la création d'un forum parlementaire commun. Une telle initiative doit être encouragée, même s'il est évident que les règles électorales en vigueur dans plusieurs pays concernés ne présentent pas suffisamment de garanties démocratiques. Ces pays sont confrontés à de nombreux problèmes et la coopération avec l'Union européenne ne peut que leur être profitable.

M. Jacques Floch a souligné qu'il faudrait s'attacher à définir ce qu'est un Etat européen, puisque la future Constitution dispose que l'Union est ouverte à tous les Etats européens.

Ensuite, il est certain que l'Union européenne élargie ne pourra pas se désintéresser des pays situés à l'Est de ses nouvelles frontières, et en particulier de l'Ukraine.

Il faut regretter la présence insuffisante de l'Europe dans le bassin méditerranéen, ce qui l'empêche notamment de peser dans le processus de paix au Proche-Orient et, plus largement, réduit son poids dans les relations internationales. Dans le Maghreb, région avec laquelle la France dispose de forts liens historiques, il convient d'aider l'Algérie à sortir de ses difficultés actuelles. Dès lors, l'idée d'un forum parlementaire, avec les pays arabes, doit être soutenue car même si certains élus ne sont guère représentatifs de leur peuple, cela vaut toujours mieux qu'une absence de dialogue.

M. Michael Stübgen a observé que la politique d'élargissement vers l'Est, commencée en 1993 à Copenhague, vient de connaître un important succès avec les résultats des différents référendums en faveur de l'adhésion. Cette politique doit encore être poursuivie, puisque plusieurs Etats de l'Est et du Sud se disent prêts à s'adapter pour pouvoir adhérer.

Dans un premier temps, il importe d'agir pour que les négociations d'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie puissent être achevées en 2004 et que ces pays deviennent des Etats membres en 2007. De façon générale d'ailleurs, il faudrait établir un projet global pour les Balkans.

Au regard des difficultés liées à l'extension de l'espace Schengen, il est important de préserver la flexibilité existant actuellement en matière de circulation des personnes entre la Pologne, la Biélorussie, l'Ukraine et Kaliningrad. Une coopération étroite devra également être maintenue avec la Russie et la Moldavie.

M. Rainder Steenblock a estimé que les discussions menées sur la question du transit des personnes entre la région de Kaliningrad et la Russie pouvaient constituer un modèle pour les relations futures avec ce pays.

Un autre problème important réside dans le maintien de la division territoriale de Chypre, même s'il est vrai qu'à Nicosie, la séparation est moins stricte que celle qui a pu exister à Berlin. La France et l'Allemagne devraient peser sur la Turquie, en lui indiquant clairement que son adhésion éventuelle à l'Union européenne est notamment conditionnée au règlement de la question chypriote.

Le Président Pierre Lequiller a rappelé que l'adhésion de la Turquie soulevait de nombreux autres problèmes, tenant en particulier au respect des droits de l'Homme.

Mme Sabine Leutheusser-Schnarrenberger a jugé important d'aider les futurs Etats membres à sécuriser leurs frontières extérieures, en réussissant un compromis entre la lutte contre la criminalité et la libre circulation nécessaire à l'essor économique.

Les nouveaux instruments mis en œuvre avec le voisinage de l'Europe élargie ne doivent pas laisser supposer que tous les Etats voisins ont vocation à bénéficier du statut d'Etat candidat à court terme. En la matière, il est nécessaire d'agir au cas par cas.

· La politique régionale et de cohésion dans l'Europe élargie

M. Christian Philip a rappelé que la politique régionale constituait l'un des acquis les plus importants de l'Union européenne, l'une de ces politiques dont chacun peut sentir les effets réels et significatifs.

L'élargissement en modifie cependant notablement la donne. Si les règles actuelles devaient rester en vigueur, les nouveaux Etats membres seraient les seuls à pouvoir bénéficier à l'avenir des fonds structurels communautaires, ce qui n'est pas envisageable : d'une part, il apparaît qu'il n'est pas possible d'injecter sans dommage l'ensemble de ces crédits dans l'économie des nouveaux Etats membres ; quand bien même cela serait possible, cela ferait naître une fracture trop visible à l'intérieur de l'Union européenne. Vingt millions d'euros au moins devraient donc pouvoir continuer d'être consacrés aux régions de l'Ouest, pour peu que les règles d'éligibilité aux crédits soient adaptées.

La question des fonds structurels devrait être au centre du débat budgétaire relatif à la programmation 2007-2013. Il pourrait être intéressant que les parlements français et allemands prennent à ce sujet une position commune. Ce pourrait être l'occasion de préciser la place qu'ils attribuent à la région ou aux Länder dans le système institutionnel de l'Union européenne.

M. Christian Philip s'est enfin enquis, à l'approche de la réunion de la COSAC qui doit se tenir dans quinze jours, de la position des députés allemands quant à une modification de règlement qui a été proposée au sein de cette enceinte de discussion. Selon la motion proposée, un représentant des parlements régionaux serait autorisé à faire partie de la délégation envoyée par le Bundesrat.

Le Président Matthias Wissmann, tout en soulignant l'importance que revêt la politique régionale pour l'Allemagne, tant du fait de sa position de contributrice nette au budget communautaire que de la situation des nouveaux Länder, a souhaité que, dans l'avenir, la politique régionale se focalise sur les régions qui en ont réellement besoin.

M. Günter Gloser, estimant que la politique régionale a beaucoup contribué au développement économique et social de certains Etats membres, a jugé nécessaire l'expression de la solidarité communautaire. L'Allemagne considère que, à ce titre, il faudra éviter d'en limiter le bénéfice aux seuls Etats adhérents et permettre à certaines régions des actuels Etats membres d'être également éligibles aux aides et, à cette fin, poser de nouveaux critères.

Il a toutefois souhaité que de telles orientations ne s'accompagnent pas d'une augmentation des crédits et que la France et l'Allemagne coopèrent afin d'aplanir leurs divergences.

M. Michael Stübgen, après avoir indiqué que l'avenir des fonds structurels avait fait l'objet d'une motion actuellement en cours de discussion au sein de la CDU/CSU, a déclaré que la politique poursuivie au titre des objectifs I et II avait fait ses preuves.

S'agissant des aides versées dans le cadre de l'objectif I, tout en estimant qu'elles avaient bien fonctionné et qu'elles devaient être poursuivies au bénéfice des nouveaux Etats membres, il a souhaité que des règles plus souples se substituent à l'application stricte de la richesse par habitant. Il a, en outre, souligné la nécessité de prévoir une phase transitoire, à défaut de laquelle le maintien du critère de 75 % empêcherait les régions actuellement bénéficiaires de le demeurer au sein d'une Europe élargie.

Il a souhaité que la France soutienne le versement des fonds structurels aux nouveaux Etats membres, comme elle bénéficie de la politique régionale pour ses régions ultrapériphériques.

Evoquant le rôle de la COSAC, il a rappelé, d'une part, qu'elle avait permis de mettre en œuvre une coopération de plus en plus importante sur la question de la subsidiarité, et, d'autre part, qu'il s'associait pleinement à la motion qui y avait été déposée : les trois membres du Bundesrat ne représentant au sein de la COSAC que les exécutifs régionaux, il paraît naturel qu'un représentant des parlements régionaux puisse faire partie de la délégation.

Mme Claudia Winterstein, considérant que l'Europe élargie devra reposer sur des règles de fonctionnement qui soient justes pour les anciens et les nouveaux Etats membres, a estimé nécessaire que l'Allemagne orientale continue de bénéficier de programmes de soutien.

Le Président Matthias Wissmann a exprimé ses remerciements au Président Lequiller et aux membres de la Délégation pour avoir organisé cette séance conjointe, dont il a tenu à souligner la grande qualité des débats.

Il a également estimé qu'il incombait aux parlements nationaux de faire vivre et respecter le principe de subsidiarité d'autant qu'ils sont appelés à jouer un rôle croissant dans la construction européenne, en particulier la Commission des affaires de l'Union européenne du Bundestag et la Délégation pour l'Union européenne de l'Assemblée nationale. Enfin, il a souhaité que la prochaine réunion commune inscrive à son ordre du jour le rôle de l'OFAJ et la politique régionale.

Le Président Pierre Lequiller s'est félicité de la tenue de cette réunion conjointe, qui fait suite aux nombreuses réunions de la Délégation sur le projet de traité constitutionnel et qui, selon lui, à travers les interventions, est apparue davantage comme une réunion commune franco-allemande dont il importe de souligner qu'elle a eu lieu à un moment où la coopération franco-allemande s'est de nouveau intensifiée.

Il a constaté que les intervenants ont, à l'unanimité, insisté sur la nécessité de ne pas « détricoter » le travail de la Convention, même s'il apparaît souhaitable d'aller plus loin en ce qui concerne la gouvernance économique, la PESC et l'association des parlements nationaux, comme l'exprime la déclaration commune. Il a rappelé que, lors des travaux de la Convention, avait été défendue l'idée - qui n'a pas été retenue - d'un congrès qui réunirait le Parlement européen et les parlements nationaux. Il a jugé nécessaire de donner suite à la proposition de M. René Van der Linden selon laquelle les commissions compétentes des parlements nationaux et le Parlement européen devraient débattre à l'avenir au cours d'une même semaine de séance du programme de travail annuel de la Commission européenne, ainsi qu'à celle de M. Lamberto Dini destinée à permettre à la composante des parlements nationaux de la Convention de pouvoir se réunir durant la CIG. En tout état de cause, les parlementaires doivent être tenus informés par les gouvernements du déroulement de ses travaux.

Le Président Pierre Lequiller a souligné la nécessité - évoquée par plusieurs intervenants - pour les parlements nationaux d'effectuer un travail d'explication sur le projet de Constitution auprès de l'opinion publique avant la ratification du traité. Il a jugé opportun que des députés allemands et français animent ensemble des réunions sur le terrain durant cette phase, ce qui permettrait de parvenir à un débat plus fructueux que s'il était limité aux seuls parlementaires nationaux.