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DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 59

Réunion du mercredi 22 octobre 2003 à 16 heures 15

Présidence de M. Pierre Lequiller, Président,

Audition de Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes, sur les conclusions du Conseil européen de Bruxelles (audition ouverte à la presse)

Le Président Pierre Lequiller a remercié Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes, de venir exposer à la Délégation les résultats du Conseil européen de Bruxelles. Sur la Conférence intergouvernementale, des éléments clés des propositions de la Convention - comme l'institution d'une présidence stable du Conseil européen, ou l'intégration de la Charte des droits fondamentaux - ne semblent pas être remis en cause. Les discussions actuelles sur la composition de la Commission et les règles de prise de décision au sein du Conseil ne doivent pas faire oublier les objectifs fondamentaux fixés à Laeken, une Europe plus démocratique, plus lisible et plus efficace. Il a par ailleurs souhaité savoir si les futures modalités de révision constitutionnelle avaient fait l'objet de débats au sein du Conseil. Il a interrogé la ministre sur la possibilité d'aboutir à un accord politique avant fin décembre et sur les intentions du Gouvernement au regard de l'information des Français sur les enjeux de la Constitution.

La ministre a tout d'abord estimé qu'il n'y avait, à ce stade, aucune raison de penser qu'un accord au sein de la Conférence intergouvernementale n'était pas possible avant la fin de la présidence italienne. Contrairement à ce que la presse a pu en dire, le climat des discussions au sein du Conseil européen a été positif et a marqué une évolution, par rapport à la première réunion du 4 octobre 2003, vers davantage de dialogue et d'ouverture.

La première réunion de la Conférence intergouvernementale au niveau des chefs d'Etat et de Gouvernement avait, en effet, surtout été l'occasion pour chacun des Etats membres d'exposer ses positions, les pays fondateurs - ainsi que la Grande-Bretagne et la Suède - souhaitant le maintien du texte de la Convention et d'autres Etats membres mettant en cause les propositions de la Convention, sur la composition de la Commission ou le système de la double majorité au sein du Conseil. La seconde réunion du Conseil européen a été marquée par un assouplissement des positions d'Etats éloignés du maintien du texte de la Convention. Quant à l'Espagne, elle a indiqué qu'elle comprenait que l'accord final se ferait sur un ensemble de dispositions. Ce qui peut, peut-être, être interprété comme une ouverture à de possibles compensations à la réforme de la prise de décision au sein du Conseil.

Les discussions du Conseil de Bruxelles ont essentiellement porté sur la composition de la Commission et sur les règles de prise de décision du Conseil, les autres principales propositions de la Convention - notamment la présidence stable du Conseil - semblant à présent admises par tous les Etats membres. Le principe du resserrement de la composition de la Commission à partir de 2009, proposé par la Convention, n'est pas différent de ce qui a été prévu par le traité de Nice. La France a accepté l'idée d'une Commission de 30 membres dont la moitié seulement aurait le droit de vote au sein du Collège, la répartition entre les pays membres étant basée sur un système de rotation égalitaire. Une Commission trop nombreuse serait contraire à l'objectif d'efficacité.

Beaucoup de membres de la Conférence intergouvernementale font du maintien d'un commissaire par Etat membre une question de fierté nationale, indiquant qu'il serait pour eux politiquement très difficile d'expliquer à leurs concitoyens cet abandon de la représentation de leur pays au sein de la Commission.

En revanche, le système de double majorité au sein du Conseil semble assez largement bien reçu, même si les seuils de majorité font l'objet de discussions. L'Espagne et la Pologne restent néanmoins partisans du maintien des règles du traité de Nice. Le système de pondération contenu dans ce traité prévoit une quasi-parité entre les grands Etats, les petits Etats ayant, quant à eux, un poids sensiblement moindre dans la prise de décision. La Convention a prévu un système plus simple basé sur la majorité des Etats et sur leur poids démographique, ce qui permet de faciliter l'obtention d'une majorité et assure une meilleure lisibilité par les citoyens européens, qui comprennent aisément que l'Etat auquel ils appartiennent ait le poids qui correspond à son importance démographique relative. Les discussions actuelles montrent que l'on ne maintiendra pas le système du traité de Nice et que la double majorité peut être acceptée si d'autres éléments figurent « dans le paquet », et sans doute pas seulement une modification des représentations nationales au sein du Parlement européen.

S'agissant du ministre des affaires étrangères de l'Union, proposé à l'origine par le Président Jacques Chirac, son titre sera très probablement conservé, contrairement à la demande de certains Etats, dont le Royaume-Uni. Mais la France souhaite que le statut du ministre soit plus intergouvernemental, afin notamment qu'une plus grande liberté lui soit donnée sur le plan budgétaire, ce qui ne serait pas le cas s'il était soumis aux règles classiques de décision prévalant au sein du Collège des commissaires.

En ce qui concerne les modalités de révision constitutionnelle, le Gouvernement avait proposé, dans le cadre des débats de la Convention, des modalités plus souples, qui n'auraient pas exigé la ratification unanime des Etats, ce qui rejoint l'esprit des récentes propositions que la Commission a faites à ce sujet. Ces propositions ne semblent pas pour l'instant retenir l'attention des Etats, mais il serait possible d'imaginer que certaines dispositions - relatives par exemple à l'organisation du Conseil des ministres - ne soient pas intégrées à la Constitution, ce qui autoriserait des révisions plus souples, tout en maintenant le principe d'un vote unanime au sein du Conseil.

Tout en remerciant la ministre de ses explications, M. René André a exprimé sa lassitude et son pessimisme. Alors que tout le monde s'entend pour dire qu'il faut rendre l'Europe aux Européens, en faire une organisation plus compréhensible, plus citoyenne, comment réussir à faire comprendre à l'opinion les mécanismes qui sont aujourd'hui proposés ? L'attitude de certains pays adhérents, comme la Pologne, paraît en outre étonnante, eu égard notamment à leur degré d'impréparation face aux exigences de l'adhésion. Il paraît enfin difficile qu'après 2009, la France puisse avoir un commissaire sans droit de vote. Il convient de faciliter la mise en place d'un groupe pionnier d'Etats prêts à aller de l'avant pour construire l'Europe à un rythme que d'autres ne peuvent ou ne veulent soutenir. En définitive, l'avenir de l'Europe à vingt-cinq, tel qu'il se dessine aujourd'hui, ne peut que laisser sceptique.

M. Daniel Garrigue a fait part de sa difficulté à comprendre comment se définiraient les différentes majorités. Il s'est également étonné de l'attitude des Espagnols, qui paraissent tenir pour acquis qu'ils se trouveront sur tous les sujets dans le camp de la minorité. Les données du débat sont aujourd'hui trop floues et il convient de voir plus clair dans ces problèmes d'une importance cruciale. Quant aux coopérations renforcées et structurées, les contours en paraissent encore imprécis, et la place incertaine, au regard tant de leur domaine d'intervention que des procédures à suivre. Destinées à surmonter les dissensions, les coopérations sont au contraire l'instrument qui doit permettre à l'Europe d'avancer. Ce sont au demeurant les mêmes qui refusent d'évoluer sur la majorité qualifiée et sur les coopérations renforcées, de sorte qu'il est bien difficile de comprendre où ils veulent aller. La rotation des commissaires, avec voix décisionnelle ou consultative, constitue enfin un enjeu important pour l'avenir. Ce point ne saurait être escamoté dans les débats et ne peut être tenu pour un simple terme d'échange dans la négociation.

M. Christian Philip, posant la question de l'attitude des autorités françaises, a rappelé que le premier ministre luxembourgeois avait vivement défendu la proposition de la Convention qui vise à constituer un collège de commissaires restreint, où tous les Etats membres ne seraient pas représentés. Il a ensuite demandé si les nouveaux Etats membres abordaient la Conférence intergouvernementale en se conduisant plutôt comme des observateurs ou des acteurs engagés.

A ces questions, la ministre a apporté les éléments de réponse suivants :

- tous les Etats sont fortement impliqués dans les travaux de la Conférence. Les nouveaux pays membres, longtemps accaparés par les négociations d'adhésion, sont désormais certains d'entrer dans l'Union le 1er mai 2004, de sorte qu'ils se consacrent désormais à plein temps à la discussion constitutionnelle. Ils ne souhaitent pas « détricoter » le texte, jugeant qu'il serait fâcheux de remettre en cause le consensus qui est apparu et de rompre une unité de vues qui n'était pas seulement une unité de façade. Ils ont en effet le souci de rendre viable le fonctionnement de l'Union européenne ;

- beaucoup reste à faire pour que les citoyens développent un sentiment d'appartenance à l'Union européenne et se rendent compte qu'«unie dans la diversité », l'Europe sera plus forte. Les discussions constitutionnelles ne doivent pas occulter la réalité économique : il convient de remédier à la fragmentation d'un marché qui n'est pas encore si unifié qu'on le croit et de relancer la croissance par un renforcement des règles d'harmonisation, mais aussi par le moyen d'une nouvelle gouvernance économique. L'Europe est en effet confrontée aux mêmes attentes et aux mêmes critiques que l'Etat-nation, même si elle apparaît comme moins personnalisée. Voilà l'esprit dans lequel les autorités françaises ont mené à bien la réforme du scrutin européen, afin que des élus plus proches du terrain puissent rendre des comptes et rétablir le lien de responsabilité nécessaire entre citoyens et représentants politiques. Une communication en Conseil des ministres est en préparation, visant à conforter les relais politiques par lesquels doit passer l'information locale sur l'Europe. Même s'ils ne rendent compte que d'un état de l'opinion éphémère et approximatif, les sondages donnent trois quarts des Français partisans d'une Constitution européenne, deux tiers voyant dans la construction communautaire un bienfait, alors même que, dans une conjoncture économique peu favorable, les réticences envers l'Europe sont traditionnellement plus fortes. Les inquiétudes qui s'expriment autour des délocalisations doivent trouver une réponse dans une politique nouvelle de développement des infrastructures et de la recherche. Si elle devait ne pas aboutir, ce ne serait pas un échec de la construction politique, mais une cause de détachement des citoyens ;

- la Pologne n'aborde pas l'entrée dans l'Union européenne de la même manière que l'Espagne, la Grèce ou le Portugal, dans les années quatre-vingt. Il faut comprendre ce décalage des mentalités, qui n'exclut pas au fond la fermeté sur les demandes formulées. Le 1er mai 2004 ne pourra pas représenter une rupture : le niveau de vie d'une population ou le système juridique d'un pays ne change pas en un jour. Il est nécessaire de se placer dans une perspective de long terme - au-delà du 1er mai 2004 - et les aides de pré-adhésion qui arrivent à échéance devraient être complétées par des mécanismes de post-jumelages. L'élargissement est un choix politique qui consiste à permettre aux anciens pays communistes de rejoindre l'Union européenne pour sceller la réunification d'un continent. Il y a cependant la possibilité de mettre en œuvre des clauses de sauvegarde avec certains nouveaux pays membres, notamment dans le domaine de la justice, afin, notamment, de ne pas soumettre les entreprises étrangères à un système juridictionnel encore largement perfectible ;

- s'agissant du débat sur la composition de la Commission, le gouvernement français appuie la proposition formulée par la Convention, tout en étant conscient des avantages et des limites de la réduction de l'effectif du Collège des commissaires. Le but poursuivi est bien celui de l'efficacité et la solution qui sera finalement retenue devra en tout état de cause se conformer au principe de la rotation égalitaire ;

- l'extension envisagée du champ des coopérations renforcées permet aux pays qui le souhaitent - le seuil minimum est fixé à un tiers des Etats membres - d'avancer plus rapidement dans l'intégration européenne sans en être empêchés par les autres ; le succès de l'euro illustre l'intérêt d'une telle démarche et de nombreux secteurs pourraient à l'avenir être concernés, tels que la coopération judiciaire et l'harmonisation des règles de preuve en matière pénale. Les coopérations renforcées devraient ainsi permettre de gérer, avec souplesse, l'hétérogénéité engendrée par l'élargissement. Le projet de traité constitutionnel autorise également les coopérations renforcées dans le domaine de la défense - dites structurées -, ce qui n'est actuellement pas autorisé. Il convient de souligner les avancées importantes réalisées cette année vers la constitution d'une Europe de la défense. L'accord de Berlin plus entre l'Union européenne et l'OTAN a permis à l'Europe d'intervenir seule en Macédoine et peut-être, à l'avenir, en Bosnie-Herzégovine. L'Europe de la défense a également pris corps de façon autonome en Afrique, par une intervention au Congo. La France a été particulièrement ambitieuse dans les propositions qu'elle a formulées au sein de la Convention en faveur de la création d'une agence de l'armement dotée des moyens de coordination et de développement d'un véritable programme de recherche ab initio. Ces propositions ont été retenues, même s'il est vrai qu'elles restent débattues, notamment par le Royaume-Uni.

M. Michel Herbillon a insisté sur l'indispensable effort de pédagogie qui doit se déployer dans le contexte actuel, marqué par trois événements majeurs : l'élargissement historique de l'Union, l'adoption d'une Constitution européenne et - élément plus conjoncturel - les élections européennes de juin prochain. Or l'Europe est trop souvent présentée de façon négative, et la situation économique actuelle accentue ce phénomène. Il est pourtant urgent de sortir l'Europe d'un débat d'experts que les citoyens doivent se réapproprier. Il a ainsi demandé des précisions à Mme Noëlle Lenoir sur le dispositif concret envisagé par le Gouvernement en matière d'information et de communication sur les questions européennes.

M. Jacques Myard a, pour sa part, condamné la fuite en avant que représente l'évolution actuelle de la construction européenne. Il a déploré la logorrhée législative des institutions communautaires, et a rappelé que M. Jacques Delors avait lui-même, en mars dernier lors de son audition par la Délégation, admis que l'acquis communautaire devrait être réduit de moitié. S'exprimant sur la politique européenne de défense, il a considéré que l'Union n'avait pas besoin d'un nouveau « machin » mais bien davantage d'une volonté politique claire, comme en témoigne le succès que viennent de remporter MM. Fischer, Straw et de Villepin lors de leur déplacement en Iran. S'agissant de la composition de la Commission, M. Jacques Myard a déclaré que priver les nouveaux Etats membres d'un commissaire serait une faute stratégique. L'important n'est pas la taille de la Commission mais l'étendue des pouvoirs conférés à son président. En règle générale, il faudrait s'en tenir au niveau d'un marché économique organisé tandis qu'une logique intergouvernementale devrait primer à l'échelon politique. L'idée d'un « super Etat » doit être abandonnée car elle conduit à une impasse.

M. Bernard Deflesselles a indiqué qu'il avait pu observer chez les parlementaires hongrois une attitude similaire à celle évoquée à l'égard des autorités polonaises. Il existe dans ces pays d'Europe centrale et orientale le sentiment que la construction européenne n'a pas été réalisée de manière efficace ces dernières décennies et que des leçons de savoir-faire peuvent donc être données aux Etats de l'Europe occidentale. Il serait souhaitable, par ailleurs, que la France explicite clairement sa position sur les futures attributions du ministre des affaires étrangères de l'Union. De même, des précisions devraient être apportées sur le devenir de la proposition visant à transformer le forum euroméditerranéen en assemblée interparlementaire.

M. Jean-Claude Lefort a estimé que les débats engagés au sein de la Conférence intergouvernementale pouvaient susciter des interrogations à plusieurs niveaux.

Pour un simple citoyen, les questions institutionnelles et procédurales manquent de sens et les débats menés ne semblent pas concerner les questions touchant à la vie quotidienne.

Pour un politologue, il apparaît que l'on ne prend pas assez en compte la montée des extrémismes, illustrée par les récentes élections en Autriche, aux Pays-Bas, en Italie et en Suisse. Ce dernier pays n'est certes pas membre de l'Union européenne, mais la campagne électorale a été marquée notamment par la question d'une éventuelle adhésion.

Pour un démocrate, le caractère quasiment irréversible de la Constitution en voie d'élaboration, compte tenu de la lourdeur de la procédure de révision, ne peut manquer d'être une source de questionnements.

Enfin, pour un progressiste, la constitutionnalisation de l'objectif tendant à l'institution d'une économie de marché, fondée sur une concurrence non faussée, donne à craindre pour le maintien des services publics à la française.

M. Pierre Forgues a indiqué que, s'il ressentait également un besoin de sens et de définition d'objectifs, il ne se désintéressait pas pour autant des questions institutionnelles, car ces dernières ne sont pas neutres pour la détermination des objectifs. Il est incontestable que l'Europe demeurera longtemps encore une fédération d'Etats et il est donc absurde de s'opposer à la volonté d'instituer un représentant pour chaque Etat membre au sein de la Commission. S'agissant de la définition des majorités, il ne faut pas perdre de vue que les décisions doivent être mûrement réfléchies et qu'il importe surtout de pouvoir poursuivre la construction européenne. Dès lors, le système de la double majorité qualifiée apparaît acceptable.

Il est évident aujourd'hui que l'Europe des citoyens reste à faire, puisque ces derniers voient surtout dans la construction communautaire une menace pour leur identité. Afin de lutter contre ce sentiment, il serait souhaitable de soumettre le projet de Constitution à référendum, afin qu'un véritable débat soit mené sur les objectifs de l'Union européenne. A cet égard, le projet constitutionnel laisse ouverte la question du plurilinguisme. Pour faire acte de pédagogie auprès de la population, des éléments de réponse plus précis devraient être élaborés.

Le Président Pierre Lequiller a souligné que les débats au sein de la Conférence intergouvernementale étaient forcément techniques puisqu'ils ont trait aux questions institutionnelles. Il ne faut pas négliger d'ailleurs l'importance de ces questions pour la construction européenne.

La ministre a apporté les éléments de réponse suivants :

- il ne faut pas oublier que la construction européenne a permis de mettre fin aux comportements belliqueux que nos vieilles nations ont adoptés durant des siècles. Les institutions mises en place ne sont pas parfaites, mais on a certainement évité bien des difficultés, si l'on observe ce qui s'est passé dans les Balkans. Un édifice d'unité dans la diversité a été bâti, permettant de lutter contre les forces antidémocratiques qui se situent à l'échelon mondial. La France est d'ailleurs particulièrement active sur les questions tenant à la justice et aux affaires intérieures, à l'immigration illégale et à la politique de défense, car il est évident qu'on ne peut pas avoir la même efficacité dans un espace regroupant 60 millions d'habitants que dans une zone de 500 millions d'habitants ;

- la construction européenne demeure attractive pour de nombreux Etats, alors même que les obligations tenant à l'ouverture des marchés ou à la participation à des politiques communes sont particulièrement exigeantes ;

- les citoyens français n'ont pas la même approche de l'Europe que les Espagnols, par exemple, car pour ces derniers, l'adhésion à l'Union européenne a été concomitante au rattrapage économique et à l'accès à la démocratie. Les bienfaits de la construction européenne sont donc moins visibles dans notre pays, même s'il ne faut pas perdre de vue que notre agriculture doit beaucoup à l'Europe et que, grâce à cette dernière, la reconversion des industries du charbon et de l'acier a pu être effectuée de manière convenable ;

- nous devrons expliquer aux Français le sens profond de la future Constitution européenne. Cette Constitution met en avant les principes de l'Europe sociale, auxquels la France tient particulièrement, c'est-à-dire l'économie sociale de marché, l'objectif d'un haut niveau d'emploi et la référence aux services d'intérêt économique général (transports ferroviaires, électricité, poste et télécommunications), qui sont essentiels à la population, quel que soit leur mode de gestion ;

- de nombreuses rencontres avec des jeunes Français, notamment dans un cadre scolaire et universitaire, témoignent à la fois de leurs interrogations mais également de leur attrait pour la construction européenne ;

- les enjeux institutionnels sont importants, car il est naturel que les Etats cherchent à défendre leurs intérêts nationaux, mais il faut souligner que, pour la première fois, l'Europe a ouvert un débat sur ses valeurs, ses frontières, son modèle social, son modèle de croissance. Sur tous ces sujets, l'engagement européen de la France s'est très clairement manifesté lors des travaux de la Convention, qui a constitué une véritable leçon de pédagogie sur l'Europe ;

- la Pologne, comme la plupart des autres nouveaux Etats membres de l'Union européenne, compte beaucoup sur la France, dont l'image et l'identité sont très fortes dans les pays d'Europe de l'Est. Nous avons la responsabilité de leur expliquer le fonctionnement de l'Union européenne, qui n'est pas seulement un guichet à subventions. A cet égard, la diplomatie parlementaire joue un rôle très utile dans les PECO, en constituant des réseaux qui renforcent l'influence de la France ;

- la France souhaite que le futur ministre des affaires étrangères de l'Union européenne soit le vice-président de la Commission européenne et dispose d'une réelle prééminence. Il devra être assisté d'un véritable service diplomatique constitué de diplomates des différents Etats membres ;

- le forum d'Antalia sur Euromed a pris en compte les demandes de la France : la création d'une assemblée interparlementaire, d'une filiale de la BEI et d'une fondation du dialogue des cultures et des civilisations. L'assemblée interparlementaire devrait voir le jour assez rapidement. Ainsi, le dialogue euroméditerranéen progresse malgré le blocage du processus de Barcelone entraîné par le conflit au Proche Orient.