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DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 65

Réunion du mercredi 19 novembre 2003 à 16 heures 15

Présidence de M. Pierre Lequiller, Président

I. Examen du rapport d'information de M. Thierry Mariani sur la politique européenne d'immigration (réunion ouverte aux députés français du Parlement européen et à la presse)

M. Thierry Mariani, rapporteur, a rappelé que la politique d'immigration a cessé de relever de la compétence des seuls Etats membres depuis l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam, en 1999. L'Europe constitue dans ce domaine, comme dans celui du droit d'asile, à la fois une chance et une obligation. Une chance, parce qu'elle permet de confronter les pratiques nationales, et de sélectionner, sans a priori idéologique, les meilleures : celles qui permettent une immigration maîtrisée, dans le respect de nos valeurs communes. Une obligation, parce que dans un espace européen sans frontières, les disparités entre législations nationales entraînent des déplacements secondaires et le contrôle des frontières extérieures appelle une gestion commune.

La politique européenne d'immigration reste cependant méconnue. Les médias en donnent une image souvent déformée, et elle ne retient guère l'attention des parlementaires nationaux. La discussion du projet de loi sur la maîtrise de l'immigration a donné l'occasion de le constater : l'allongement de la durée de résidence requise pour l'obtention d'une carte de résident permanent, portée de trois à cinq ans, résulte de la directive relative au statut des résidents de longue durée. Elle a pourtant fait l'objet de longs débats en séance publique, alors que ces discussions auraient dû avoir lieu avant, en amont, au moment de la négociation de la directive. D'où l'urgence de se saisir de ces questions à ce stade, parce que l'immigration est un sujet qui doit être débattu publiquement, et que le parlement est l'enceinte naturelle de ce débat.

Cette « réappropriation » est d'autant plus importante que la politique européenne d'immigration va changer, dans quelque mois à peine, de dimension. Au 1er mai 2004, le passage à la majorité qualifiée deviendra possible, si tous les Etats membres l'acceptent. Ils le feront peut-être, pour anticiper l'extension de la majorité qualifiée prévue par le projet de Constitution européenne - s'il n'est pas modifié sur ce point par la CIG - et pour éviter que l'élargissement ne paralyse l'action de l'Union dans ce domaine. Cette extension de la majorité qualifiée constituera un changement radical. Les textes adoptés deviendront plus contraignants, chaque Etat membre ne pouvant plus configurer le texte de telle sorte qu'il n'entraîne aucune modification de son droit national, comme c'est le cas aujourd'hui. Ce passage à la majorité qualifiée est indispensable ; en son absence l'apparition d'un « noyau dur », constitué des Etats membres qui souhaitent coopérer davantage sur ces sujets (que la réunion qui s'est tenue à La Baule, les 19 et 20 octobre derniers, entre les ministres de l'intérieur français, italien, espagnol, britannique et allemand, semble préfigurer) est inévitable.

Les priorités de la politique européenne d'immigration ont été définies lors du Conseil européen de Tampere, en octobre 1999. Elles sont au nombre de trois :

- le traitement équitable des ressortissants de pays tiers, qui exige une politique plus énergique d'intégration ;

- la maîtrise des flux migratoires, avec une politique commune des visas, des mesures contre l'immigration clandestine, une coopération plus étroite en matière de contrôles aux frontières et une politique de retour ;

- le partenariat avec les pays d'origine, afin de réduire les facteurs d'incitation à l'émigration en favorisant le développement économique de ces pays.

L'action de l'Union en matière d'immigration repose sur cet équilibre, que l'on ne retrouve pourtant pas dans l'image que les médias en donnent. Elle est trop souvent résumée par l'image caricaturale d'une « Europe forteresse ». Les naufrages d'embarcations surchargées d'immigrés clandestins entretiennent ce mythe d'une Europe repliée sur elle-même et inhumaine. Cette impression, au-delà de ces événements dramatiques, ne correspond pas à la réalité.

L'Europe est aujourd'hui le premier continent d'immigration, avec 1,4 million d'entrées légales, contre 850 000 au Canada et aux Etats-Unis réunis. L'excédent migratoire est ainsi devenu, au cours des années quatre-vingt-dix, la première source d'augmentation de la population de l'Union. Ces chiffres témoignent d'une réalité que nul (ou presque) ne cherche plus, aujourd'hui, à contester : l'Europe a besoin de l'immigration - d'une immigration maîtrisée, voulue et non subie - pour faire face à des pénuries de main d'œuvre dans certains secteurs. Le Conseil économique et social, dans un rapport récent intitulé « Les défis de l'immigration future », préconise ainsi une augmentation du solde migratoire français de 10 000 personnes par an, à partir du solde initial d'environ 70 000 en 2002.

Cela ne signifie pas que les « migrations de remplacement » permettront, à elles seules, de répondre au défi constitué par le vieillissement de la population européenne : les immigrés vieillissent aussi, tout comme les nationaux. Ni que la priorité ne doit pas être accordée au relèvement du taux d'emploi des personnes en âge de travailler, notamment en luttant contre le chômage par une politique formation adaptée. Mais il ne fait guère de doute que les flux d'immigration vont continuer à s'accroître, et qu'ils seront plus que jamais nécessaires, à condition d'être maîtrisés et de s'accompagner d'une politique d'intégration efficace.

L'immigration légale et l'intégration constituent la première priorité de l'action de l'Union. Les travaux sur ce point ont progressé, et deux textes importants (sur lesquels la Délégation s'est prononcée les 27 avril 2000 et 28 mai 2003) ont été adoptés récemment. Il s'agit de la directive relative au droit au regroupement familial et de la directive sur le statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée.

Les autres textes en discussion sont moins avancés. La proposition de directive relative à l'entrée et au séjour à des fins d'emploi salarié ou d'exercice d'une activité indépendante a été déposée en juillet 2001. Les discussions sont bloquées, parce qu'elle suscite de très fortes réticences de la part des Etats membres. La plupart des délégations la jugent trop précise : elle détaille en effet la procédure d'accès au marché du travail, bien au-delà de l'affirmation des principes généraux qui, seuls, relèvent du niveau européen. La France considère que cette proposition est contraire au principe de subsidiarité, parce qu'elle conduirait à une politique d'immigration de travail gérée directement par Bruxelles. Le Conseil a demandé à la Commission d'opérer une refonte complète du texte. Une seconde mouture devrait être présentée en début de présidence irlandaise.

La Présidence italienne a cependant abordé la question de l'immigration économique, sous l'angle des quotas. L'Italie a en effet proposé à ses partenaires, en septembre dernier, de mettre en place un système de quotas d'immigration légale, au niveau européen. Les quotas, fixés par chaque Etat membre, seraient additionnés et utilisés par l'Union dans les négociations sur la gestion des flux migratoires avec les pays d'origine et de transit. Ce système favoriserait, selon la Présidence italienne, soutenue par la Commission, la négociation d'accords de réadmission avec les pays tiers, qui avance très difficilement. Il s'agirait donc de quotas à la fois par nationalités et par catégories d'immigrants. Les Etats membres ont accueilli cette proposition avec une certaine réserve, à l'exception de l'Espagne et de l'Autriche. A ce stade, le Conseil a simplement accepté qu'une étude sur l'opportunité d'une telle politique de quotas soit confiée à la Commission européenne, sans préjudicier en rien de la décision finale. Cette étude, qui sera menée avec l'appui des Etats membres, devrait être rendue en avril 2004. Elle analysera les politiques de quotas menées par certains Etats membres et dans des pays tiers.

Le Président de la République a exprimé son opposition aux quotas, lors de la conférence de presse qui a suivi le Conseil européen de Thessalonique, en juin dernier. L'introduction de quotas soulèverait en effet des difficultés certaines. Des quotas par nationalités paraissent, en premier lieu, difficilement compatibles avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui exige un examen individuel. Plusieurs des experts auditionnés ont également souligné la rigidité des quotas, par rapport à des systèmes plus souples, telle que la levée de l'opposabilité de l'emploi par secteur professionnel, en fonction des besoins économiques et de manière pragmatique, avec des autorisations de travail attribuées sur des critères individuels. En France, par exemple, le ministère du travail permet aux entreprises, depuis l'été 1998, de recruter des informaticiens étrangers : cela s'est fait très simplement, par voie de circulaire invitant l'administration à ne plus opposer la situation de l'emploi aux demandes de recrutement. Le nombre d'informaticiens étrangers a ainsi doublé en un an. A l'inverse, le système des quotas politise l'immigration, dont les chiffres sont débattus et contestés avant même qu'un immigré n'ait franchi la frontière. Les systèmes de quotas favorisent, en outre, l'apparition d'une bureaucratie de l'immigration, chargée de répartir les quotas par région, département, etc., alors que ce sont aux entreprises de déterminer leurs besoins, et non à l'Etat. Les quotas par nationalités soulèveraient, enfin, de délicates questions diplomatiques, qui en rendent la gestion très difficile.

Ces inconvénients doivent être mis en rapport avec les avantages attendus de ce système. Il convient de souligner qu'il ne jouerait que sur une très faible proportion d'immigrants (entre 5 à 10 %), l'essentiel des flux étant constitué par les demandeurs d'asile et par le regroupement familial, qui ne seraient pas concernés. Sa portée resterait donc limitée, aussi bien en tant qu'élément de négociation avec les pays tiers que de gestion de l'immigration légale.

La proposition de directive relative à l'entrée et au séjour aux fins d'études, de formation professionnelle ou de volontariat, déposée par la Commission en octobre 2002, a pour objet d'harmoniser les conditions d'entrée et de séjour des étudiants, avec pour ambition de renforcer l'attractivité du système européen d'enseignement supérieur. Ce texte devrait être prochainement complété par une proposition de directive relative à l'entrée et au séjour des chercheurs, qui s'inscrira dans le cadre de la « stratégie de Lisbonne », visant à renforcer la compétitivité de l'économie européenne. Les organismes privés comme publics devraient être visés.

M. Thierry Mariani a indiqué que la lutte contre l'immigration clandestine constitue la deuxième priorité de la politique européenne d'immigration. Plusieurs textes importants ont déjà été adoptés. La directive relative aux amendes infligées aux transporteurs coupables d'un manquement à leur obligation de contrôle des documents de voyage, de même que la directive définissant l'aide à l'entrée, au transit et au séjour irréguliers, ont été transposées en droit français par la loi relative à la maîtrise de l'immigration.

La proposition de directive relative aux victimes de la traite des êtres humains vise à renforcer les instruments de lutte contre la traite des êtres humains et les filières de passeurs. Elle institue un titre de séjour de courte durée destiné aux victimes de l'aide à l'immigration illégale ou de la traite des êtres humains, pour les inciter à coopérer avec les autorités policières et judiciaires. Ce texte soulevait, pour la France et pour plusieurs autres Etats membres, plusieurs difficultés, en ce qui concerne le champ d'application de la proposition, (qui visait aussi bien les victimes de la traite des êtres humains que les personnes ayant eu recours à l'aide à l'immigration irrégulière, qui ne sont pas nécessairement des « victimes ») et la nature du titre de séjour (la Commission souhaite créer une nouvelle catégorie de titre de séjour, alors que la France ne veut pas remettre en cause le système mis en place par la loi sur la sécurité intérieure, qui prévoit la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour). Certaines délégations ont, en outre, remis en cause les droits accordés aux bénéficiaires de la directive, notamment en matière d'accès à l'emploi et à la formation professionnelle. La France a fait valoir, en sens inverse, que ces droits sont les gages d'une véritable réinsertion des victimes et permettent d'éviter qu'elles ne retombent dans les réseaux mafieux, et qu'il faut accorder aux victimes une contrepartie intéressante pour les inciter à coopérer.

Le Conseil est parvenu à un accord politique, en dépit de ces divergences, le 6 novembre dernier. L'application de la directive sera facultative en ce qui concerne les personnes ayant eu recours à des filières d'immigration clandestine, comme le demandait la France. Le terme « titre de séjour » reste employé par la directive, mais un considérant rappelle le caractère conditionnel et temporaire du droit au séjour accordé. Les Etats membres restent libres de déterminer les conditions dans lesquelles les bénéficiaires auront accès au marché du travail, à la formation professionnelle et à l'enseignement. La valeur ajoutée du texte est donc réduite, l'harmonisation apportée restant minimale en ce qui concerne les droits accordés aux bénéficiaires. La règle de l'unanimité ne permettait cependant pas d'aller plus loin, compte tenu de l'opposition de certains Etats membres.

La proposition de directive relative à l'obligation pour les transporteurs de communiquer les données relatives aux personnes transportées, déposée par l'Espagne, imposerait aux transporteurs de transmettre aux autorités de contrôle aux frontières, à la fin de l'embarquement, des informations relatives aux étrangers qu'ils vont transporter vers un Etat membre et de communiquer, à la demande des autorités compétentes, les renseignements relatifs aux étrangers qui ne sont pas repartis à la date prévue sur leur billet de voyage.

Cette proposition soulève des difficultés certaines : les personnes qui ne sont pas reparties peuvent avoir utilisé un autre moyen de transport ; le texte initial n'apportait pas de garanties suffisantes en matière de protection des données ; la France souhaiterait que seul le transport aérien soit visé, pour des raisons pratiques : l'inclusion du transport maritime ou ferroviaire conduirait à imposer ces obligations sur des liaisons intérieures à l'espace communautaire, pour lesquelles l'intérêt d'une telle obligation est limitée, les volumes de passagers très importants et les transporteurs moins bien équipés que les compagnies aériennes s'agissant de la gestion des informations relatives à leurs passagers. La France, soutenue par de nombreuses délégations, a obtenu l'insertion de dispositions assurant la protection des données personnelles. L'obligation de transmettre la liste des étrangers qui ne seraient pas repartis à la date prévue devrait également être supprimée. Deux difficultés subsistent cependant. La première a trait au champ d'application du texte, que la France souhaiterait limiter au transport aérien ; la deuxième concerne les personnes visées, le texte se référant désormais à la communication des listes de « passagers », sans se limiter aux ressortissants de pays tiers. Il convient, sur ce point, de respecter le principe de proportionnalité entre les contraintes imposées aux transporteurs et les finalités poursuivies.

Une politique d'immigration crédible requiert un éloignement effectif des personnes séjournant irrégulièrement sur le territoire des Etats membres. La Commission européenne a déposé un Livre vert sur ce sujet, en avril 2002, qui a été suivi par un plan d'action du Conseil, en novembre 2002. D'autres textes sont en cours de discussion. La proposition de décision sur la compensation des déséquilibres financiers résultant de la reconnaissance mutuelle des décisions d'éloignement vise à compléter la directive relative à la reconnaissance mutuelle des décisions d'éloignement des ressortissants de pays tiers, que la loi relative à la maîtrise de l'immigration a transposé en droit français. L'application de la directive du 28 mai 2001 peut en effet entraîner des déséquilibres financiers, lorsque les décisions d'éloignement ne peuvent être exécutées aux frais des ressortissants des pays tiers concernés. Cette proposition crée le mécanisme nécessaire à la compensation bilatérale de ces déséquilibres. Le principe retenu est que c'est à l'Etat membre d'émission de rembourser les frais réels encourus par l'Etat membre qui exécute la décision d'éloignement. Ce texte n'a pas soulevé de difficultés particulières, en dehors de quelques aspects d'ordre technique.

La France s'est également proposée d'être chef de file d'un projet visant à rationaliser les mesures d'éloignement au moyen de vols groupés. Des réunions d'experts ont été organisées et ont permis l'adoption d'« orientations communes sur les mesures de sécurité à prendre pour les opérations communes d'éloignement par voie aérienne ». Ces orientations communes visent à harmoniser les règles de sécurité à respecter lors de l'organisation conjointe de vols communautaires, dans le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il est ainsi précisé, par exemple, que les personnes renvoyées doivent être « dans un état de santé approprié », permettant un retour sans risque. Le document prévoit également qu'au moins un médecin devrait être présent lors du vol et encadre les mesures de coercition pouvant être utilisées. La France a déjà organisé, dans ce cadre, plusieurs éloignements en coopération, avec les Pays-Bas, le Royaume-Uni, l'Allemagne et l'Espagne.

Ce projet pilote français a été complété, en août 2003, par une initiative italienne visant à préciser les modalités d'organisation de vols communs par une décision du Conseil. Ce projet de décision invite simplement les Etats membres à coordonner leur action en la matière. Au cours des discussions, il a été proposé que les « orientations communes » précitées soient annexées au texte, sans acquérir pour autant une valeur contraignante. Le dernier Conseil « Justice et affaires intérieures » est parvenu à un accord politique sur ce texte.

La proposition de directive concernant l'assistance au transit à travers le territoire d'un ou de plusieurs Etats membres dans le cadre des mesures d'éloignement, déposée par la Présidence italienne, vient compléter la proposition allemande sur le transit par voie aérienne. Elle présente cependant un intérêt très limité pour la France : compte tenu de sa situation géographique, son assistance serait souvent sollicitée, alors qu'elle n'a pas besoin, pour sa part, d'avoir recours au transit par voie terrestre à travers le territoire d'autres Etats membres. Cette position, partagée par de nombreuses autres délégations, a conduit le Conseil à s'orienter vers l'adoption de simples conclusions, sans valeur contraignante, rendant cette proposition caduque.

Les accords de réadmission des personnes constituent l'un des axes de développement d'une politique extérieure dans le domaine de la justice et des affaires intérieures. Le Conseil européen a rappelé à plusieurs reprises la priorité que constituent ces accords. Onze mandats de négociation ont été confiés à la Commission. A ce jour, seuls quatre accords ont été signés, avec Hong Kong, Macao, le Sri Lanka et, le 5 novembre dernier, l'Albanie. Des difficultés sont apparues au sujet du partage des compétences entre les Etats membres et la Communauté : dès lors qu'un mandat de négociation a été donné à la Commission européenne, les Etats membres ne peuvent ni engager, ni poursuivre des négociations pour conclure des accords bilatéraux. Cette situation pose problème, compte tenu du peu de résultats obtenus jusqu'ici par la Commission. Certains Etats membres, la France et l'Allemagne en particulier, souhaiteraient pouvoir recouvrer leur compétence, au-delà d'un certain délai, si les négociations menées par la Commission n'ont pas abouti. La Commission européenne souligne, pour justifier la lenteur des négociations, que les mandats qui lui ont été confiés sont bien plus ambitieux que les accords bilatéraux conclus par les Etats membres. Ils incluent en effet également la réadmission des ressortissants de pays tiers, sans se limiter à leurs nationaux. La Commission demande donc qu'un lien soit établi entre ces négociations et d'autres dossiers, pour disposer d'un véritable « effet de levier communautaire » et de mesures incitatives. Certains Etats membres avaient également évoqué, lors de la préparation du Conseil européen de Séville, la mise en place de sanctions des pays tiers refusant de coopérer. La France, notamment, s'y était opposée. C'est dans ce contexte que s'inscrit la proposition de la Présidence italienne relative aux quotas.

Les Etats membres doivent renforcer leur coopération en ce qui concerne le contrôle des frontières extérieures, en particulier dans la perspective de l'élargissement, qui ne doit pas se traduire par une diminution de l'efficacité de ces contrôles.

L'introduction d'éléments d'identification biométriques dans les visas et les titres de séjour des ressortissants de pays tiers a pour objet de renforcer la sécurité de ces documents et de lutter contre leur falsification. Le ministre de l'Intérieur français a été très actif sur ce sujet, et une déclaration franco-allemande a été présentée en février 2003, sur l'utilisation de la biométrie. Ces efforts ont conduit la Commission européenne à déposer, en septembre dernier, deux propositions de règlement visant à introduire des éléments d'identification biométriques dans les visas et les titres de séjour (sous la forme d'une vignette). La Commission a retenu l'image de face (portrait électronique à haute résolution) en tant qu'élément biométrique principal, et l'empreinte digitale (deux doigts posés) comme second élément.

Le choix de ce second élément n'était pas évident ; il existe en effet diverses techniques (empreintes digitales, iris de l'œil, géométrie palmaire, etc.), et les discussions sur ce sujet sont en cours dans plusieurs enceintes (Organisation de l'aviation civile internationale, G8, en plus de l'Union européenne). L'Allemagne était plutôt favorable à l'iris, tandis que la France privilégie l'empreinte digitale, parce qu'il s'agit d'une technique expérimentée, fiable, et qu'actuellement le brevet mondial pour la technique de l'iris est détenu par une société américaine. Ces deux propositions ramènent, en outre, de 2007 à 2005, la date butoir fixée pour la mise en œuvre de l'insertion de la photographie (ce qui nécessitera un effort important pour l'équipement des préfectures et des postes). Le choix de ces éléments biométriques est d'autant plus important que les mêmes seront vraisemblablement retenus, dans un souci de cohérence, pour le système d'information visas (VIS) qui devrait, à terme, être mis en place, et pour la sécurisation des passeports. Les enjeux industriels et financiers ne sont donc pas négligeables.

La France a également demandé que le compostage obligatoire des passeports lors du franchissement des frontières extérieures des Etats membres soit établi. C'est en effet le seul moyen de vérifier que les ressortissants de pays tiers non soumis à visa n'ont pas dépassé le délai de trois mois autorisé pour les séjours touristiques. La Commission européenne a répondu à cette demande en déposant, le 5 novembre, une proposition de règlement.

En application du « Plan pour la gestion intégrée des frontières extérieures des Etats membres de l'Union » approuvé par le Conseil en juin 2002, plusieurs centres opérationnels ou projets pilotes ont aussi été mis en place, pour renforcer le contrôle de nos frontières. Des projets pilotes, destinés à progresser vers une formation commune des garde frontières, ont aussi été créés. La multiplication de ces initiatives appelle une coordination accrue. C'est pour cette raison qu'une « Instance commune des praticiens des frontières extérieures » a été mise en place, qui a commencé à fonctionner à l'automne 2002. Le Conseil européen a appelé la création, proposée par la Commission, d'une structure communautaire chargée de renforcer la coopération opérationnelle dans ce domaine. La Commission a déposé, la semaine dernière, une proposition de règlement visant à créer cette « Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures ». Elle envisage une structure relativement légère d'une trentaine de personnes, avec un budget se montant à six millions d'euros en 2005 et dix millions en 2006.

Cette Agence aurait pour tâches principales : de coordonner la coopération opérationnelle entre Etats membres en matière de contrôle et de surveillance des frontières extérieures ; de prêter assistance aux Etats membres pour la formation de leurs gardes frontières nationaux, en fournissant une formation au niveau européen pour les formateurs de garde-frontières ; d'assister les Etats membres confrontés à une situation exigeant une assistance opérationnelle renforcée à leurs frontières extérieures, et de coordonner la coopération des Etats membres en matière d'éloignement. Les Etats membres seront tenus de soumettre à cette Agence leurs projets pilotes et leurs propositions d'opérations conjointes, pour évaluation et approbation. Le personnel de l'Agence ne sera doté d'aucun pouvoir répressif et n'effectuera donc pas lui-même de contrôles aux frontières extérieures. Un contrôle politique - et, en particulier, parlementaire - adéquat de cette Agence devra être mis en place, afin de tenir compte des spécificités du domaine concerné, tant du point de vue des responsabilités de la puissance publique que des libertés individuelles. Les compétences des Etats membres, notamment en matière d'éloignement et d'organisation d'opérations conjointes, devront également être préservées.

M. Thierry Mariani a précisé que la coopération avec les pays tiers constitue le troisième axe de la politique européenne d'immigration, dont le Conseil européen a souligné à plusieurs reprises l'importance. La Commission européenne a présenté une communication sur ce sujet en décembre 2002, dans laquelle elle préconise d'intégrer les questions liées aux migrations dans les relations de l'Union européenne avec les pays tiers. C'est dans ce cadre que s'inscrit la proposition de règlement établissant un programme d'assistance technique et financière en faveur des pays tiers dans le domaine de l'asile et de l'immigration. Ce texte établit un programme pluriannuel pour la période allant de 2004 à 2008, qui sera particulièrement destiné aux pays tiers qui travaillent activement à la préparation ou à la mise en œuvre d'un accord de réadmission avec la Communauté européenne.

Le projet de Constitution européenne permettra de renforcer la politique européenne d'immigration. Outre l'extension du vote à la majorité qualifiée, qui représenterait une avancée déterminante, il affirme un principe de solidarité et de partage équitable des responsabilités entre les Etats membres, y compris sur le plan financier. Une disposition nouvelle permettrait également la mise en place progressive d'un système commun de gestion des frontières extérieures, ce qui pourrait permettre la création, à terme, d'un « corps européen de garde frontières », souhaitée par certains Etats membres. Une compétence d'appui serait également conférée à l'Union en matière d'intégration, à l'exclusion de toute mesure d'harmonisation, conformément au principe de subsidiarité.

Au terme de son exposé, M. Thierry Mariani a présenté un projet de conclusions qu'il a proposé à la Délégation d'adopter.

M. Jérôme Lambert s'est interrogé sur l'utilité réelle de la mesure envisagée par l'Union, à la demande de la France, tendant au compostage obligatoire des passeports lors du franchissement des frontières extérieures des Etats membres. Il a souligné le risque que comportait une telle mesure d'aboutir à un résultat inverse à celui recherché, en incitant plutôt les personnes qui auraient dépassé le temps de séjour prévu à rester durablement sur le territoire de l'Union. Il a par ailleurs souhaité connaître la situation des autres pays de l'Union en ce qui concerne le taux de retour des immigrés clandestins. Il a émis des doutes quant à l'appréciation selon laquelle la proposition de directive relative à l'entrée et au séjour à des fins d'emploi salarié serait trop détaillée et, par conséquent, contraire au principe de subsidiarité.

Il s'est interrogé sur l'utilité et le caractère réaliste de la proposition de directive concernant l'obligation pour les transporteurs de communiquer les données relatives aux personnes transportées, même si son champ d'application était limité au transport aérien, comme le préconisent les conclusions proposées par le rapporteur.

Il a considéré que l'allongement de la durée de résidence requise pour l'obtention d'une carte de résident permanent, portée de trois à cinq ans par la loi sur la maîtrise de l'immigration, ne résultait pas de la directive relative au statut des résidents de longue durée, les Etats membres ayant toujours la possibilité de prévoir des dispositions plus favorables.

Le rapporteur a estimé qu'il convenait d'être effectivement attentif aux effets pervers que pouvait comporter l'obligation de compostage des passeports. En ce qui concerne la proposition de directive concernant l'obligation pour les transporteurs de communiquer les données relatives aux personnes transportées, il a précisé que l'obligation de transmettre la liste des personnes qui ne sont pas reparties à la date prévue a été supprimée.

Il a indiqué que si l'allongement de trois à cinq ans de la durée de résidence requise pour l'obtention d'une carte de résident permanent ne résultait effectivement pas directement du texte de la directive relative au statut des résidents de longue durée, il n'en restait pas moins que cet allongement était indispensable pour la reconnaissance de la carte de résident dans les autres pays de l'Union.

Il a précisé que le taux de retour des immigrés clandestins n'était guère meilleur dans les autres pays de l'Union par rapport à ce qu'il est pour la France.

Il a enfin souligné qu'à partir du 1er mai 2004, la politique d'immigration allait changer de dimension, dans la mesure où elle pourra passer à la majorité qualifiée - si tous les Etats membres l'acceptent. Il a estimé que l'opinion française était peu consciente du caractère de plus en plus européen de la politique d'immigration et d'asile, alors même qu'il s'agit d'un domaine pour lequel la compétence de l'Union est récente et dont les résultats sont encourageants.

Le Président Pierre Lequiller a remercié le rapporteur pour la qualité et l'exhaustivité de son analyse. Il a indiqué que la règle de la majorité qualifiée pour les sujets relatifs au contrôle des frontières, à l'immigration et à l'asile, proposée par la Convention, faisait encore l'objet de discussions au sein de la Conférence intergouvernementale.

A l'issue de ce débat, la Délégation a approuvé la proposition de décision sur la compensation des déséquilibres financiers résultant de la reconnaissance mutuelle des décisions d'éloignement (E 2225), ainsi que la proposition de règlement établissant un programme d'assistance technique et financière en faveur des pays tiers dans le domaine de l'asile et des migrations (E 2323), et a adopté les conclusions suivantes :

La Délégation pour l'Union européenne,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition de directive relative à l'entrée et au séjour à des fins d'emploi salarié ou d'exercice d'une activité économique indépendante (COM (2001) 386 final / E 1813)

Vu la proposition de directive relative au titre de court séjour délivré aux ressortissants de pays tiers victimes de la traite des êtres humains ou ayant fait l'objet d'une aide à l'immigration clandestine et qui coopèrent avec les autorités compétentes (COM (2002) 71 final / E 1954),

Vu l'initiative du Royaume d'Espagne en vue de l'adoption de la directive du Conseil concernant l'obligation pour les transporteurs de communiquer les données relatives aux personnes transportées (7161/03/ E 2250),

Vu la proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1683/95 établissant un modèle type de visa et la proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1030/2002 établissant un modèle uniforme de titre de séjour pour les ressortissants de pays tiers (COM (2003) 558 final / E 2403)

I. EN CE QUI CONCERNE LA PROPOSITION DE DIRECTIVE RELATIVE À L'ENTRÉE ET AU SÉJOUR À DES FINS D'EMPLOI SALARIÉ OU D'EXERCICE D'UNE ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE INDÉPENDANTE :

1. Estime cette proposition de directive, trop détaillée, contraire au principe de subsidiarité, et souhaite le dépôt d'une proposition modifiée.

2. Considère que l'Union européenne aura besoin de l'immigration pour faire face aux pénuries de main d'œuvre rencontrées dans certains secteurs, la priorité devant cependant être accordée aux politiques visant à relever le taux d'emploi de la population en âge de travailler, notamment par une politique de formation adaptée.

3. Approuve le principe d'une étude visant à évaluer l'efficacité des politiques de quotas en matière d'immigration, sous réserve qu'elle ne préjuge pas de la décision finale sur l'utilisation éventuelle de tels quotas par l'Union européenne.

II. EN CE QUI CONCERNE LA PROPOSITION DE DIRECTIVE RELATIVE AU TITRE DE COURT SÉJOUR DÉLIVRÉ AUX RESSORTISSANTS DE PAYS TIERS VICTIMES DE LA TRAITE DES ÊTRES HUMAINS OU AYANT FAIT L'OBJET D'UNE AIDE À L'IMMIGRATION CLANDESTINE ET QUI COOPÈRENT AVEC LES AUTORITÉS COMPÉTENTES :

1. Se félicite que le champ d'application de la proposition de directive ait été limité aux victimes de la traite.

2. Regrette que les droits accordés aux bénéficiaires n'aient fait l'objet que d'une harmonisation réduite, les Etats membres restant libres de déterminer les conditions dans lesquelles ces victimes auront accès au marché de l'emploi, à la formation professionnelle et à l'éducation.

III. EN CE QUI CONCERNE LA PROPOSITION DE DIRECTIVE CONCERNANT L'OBLIGATION POUR LES TRANSPORTEURS DE COMMUNIQUER LES DONNÉES RELATIVES AUX PERSONNES TRANSPORTÉES :

1. Se réjouit que des dispositions garantissant la protection des données personnelles aient été incluses dans cette proposition.

2. Souhaite que le champ d'application de ce texte se limite au transport aérien et aux ressortissants de pays tiers, afin de respecter le principe de proportionnalité entre les contraintes imposées et les finalités poursuivies.

IV. EN CE QUI CONCERNE LES PROPOSITIONS DE RÈGLEMENT CONCERNANT L'INTRODUCTION D'ÉLÉMENTS D'IDENTIFICATION BIOMÉTRIQUES DANS LES VISAS ET LES TITRES DE SÉJOUR DES RESSORTISSANTS DE PAYS TIERS :

1. Se félicite du dépôt de ces propositions de règlement, qui renforceront l'efficacité de la lutte contre la fraude documentaire, et du choix des deux éléments d'identification biométriques retenus (l'image de face et les empreintes digitales).

II. Examen d'une proposition de résolution sur les propositions relatives à l'introduction de sanctions en cas d'infractions de pollution maritime (E 2244 et E 2291)

M. Didier Quentin, rapporteur, a rappelé que lors de la réunion de la Délégation du 13 novembre 2003, M. Guy Lengagne avait souligné les enjeux de la controverse sur la base juridique de la proposition de directive et fait part du souhait commun des deux rapporteurs de s'entretenir avec M. Dominique Bussereau, Secrétaire d'Etat aux transports et à la mer, avant que le groupe de travail du Conseil n'aborde, le 21 novembre 2003, l'examen de l'article 6 de la proposition de directive relatif à la définition des infractions et des sanctions. M. Didier Quentin a fait état de la réponse du Cabinet du Secrétaire d'Etat, selon laquelle le ministère de la justice et le ministère des affaires étrangères - et non le ministère de l'équipement - étant les chefs de file dans ce dossier des sanctions pénales, le Secrétaire d'Etat n'était donc pas le mieux placé pour répondre aux questions des rapporteurs. M. Didier Quentin a rappelé que cet entretien avait pour objet de permettre aux deux rapporteurs de la Délégation de vérifier si, dans la suite des discussions, la France entendait bien rester fidèle à la ligne très ferme définie par le Président de la République dès le lendemain de la catastrophe du Prestige.

Dans ce contexte, M. Guy Lengagne et lui-même ont estimé utile de déposer une proposition de résolution, s'inscrivant dans le droit fil des propositions que la Délégation et l'Assemblée Nationale ont adoptées depuis la catastrophe du Prestige. Il a souligné que cette proposition de résolution maintenait la définition des infractions et celle des sanctions dans la directive, considérant que c'est seulement par cette voie que l'Europe pourrait défendre son espace maritime de façon aussi efficace que les Etats-Unis.

Le Président Pierre Lequiller a souligné que la proposition de résolution allait dans le sens des précédentes prises de position de la Délégation, et a noté qu'il appartiendra au rapporteur de la défendre devant la Commission des lois, qui devrait être saisie au fond.

Après les interventions du Président Pierre Lequiller, et de MM. Jérôme Lambert, Thierry Mariani, Robert Lecou, Edouard Landrain, la Délégation a adopté la proposition de résolution suivante :

« L'Assemblée nationale,

- Vu l'article 88-4 de la Constitution,

- Vu le traité instituant la Communauté européenne et notamment ses articles 80, paragraphe 2, et 174, paragraphe 2,

- Vu le traité sur l'Union européenne et notamment ses articles 29, 31 et 34, paragraphe 2, point b),

- Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la pollution causée par les navires et à l'introduction de sanctions, notamment pénales, en cas d'infractions de pollution (COM [2003] 92 final/E 2244),

- Vu la proposition de décision-cadre du Conseil visant le renforcement du cadre pénal pour la répression de la pollution causée par les navires (COM [2003] 227 final/E 2291),

I. SUR LA PROPOSITION DE DIRECTIVE

1. A l'article 3 relatif au champ d'application, souhaite que :

- au paragraphe premier, soit ajoutée la notion de zone de protection écologique ;

- au deuxième paragraphe, soient supprimées les références aux navires de guerre et aux navires de guerre auxiliaires.

2. A l'article 5 relatif à l'application en ce qui concerne les navires en transit, demande que les mesures administratives appropriées visées au deuxième alinéa puissent aller jusqu'à l'immobilisation du navire.

3. A l'article 6 relatif aux infractions pénales et sanctions, juge nécessaire d'ajouter l'interdiction temporaire ou permanente d'accès à tout port communautaire dans la liste des sanctions énumérées au cinquième paragraphe.

4. Demande aux autorités françaises de veiller à ce que la définition des infractions et des sanctions soit maintenue dans la proposition de directive et obtienne du Conseil l'adoption rapide de ce texte.

II. SUR LA PROPOSITION DE DECISION-CADRE

1. A l'article 2 relatif aux définitions, demande que soit inséré un alinéa précisant que les termes « navire étranger » s'appliquent à tout navire battant le pavillon d'un Etat non-membre de l'Union européenne.

2. A l'article 3 relatif aux modalités d'application des sanctions, estime souhaitable que le deuxième paragraphe soit remplacé par des dispositions prévoyant :

- d'une part, que chaque Etat membre prend les mesures nécessaires pour que les infractions visées à l'article 3 soient punissables d'un montant maximal ne pouvant être inférieur à 500 000 euros et que chaque Etat membre pourra porter ce montant à l'équivalent des deux-tiers de la valeur de la cargaison transportée ou du fret du navire qui est à l'origine de l'infraction ;

- d'autre part, que ces amendes peuvent être des amendes pénales ou des sanctions pécuniaires administratives pouvant faire l'objet d'un recours devant une juridiction ayant compétence, notamment en matière pénale. »

III. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Point A

Sur le rapport du Président Pierre Lequiller, la Délégation a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

Aucune observation n'ayant été formulée, la Délégation a approuvé les dix textes suivants :

¬ Agriculture

- proposition de décision du Conseil relative à la conclusion, au nom de la Communauté européenne, du traité international sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture (document E 2408) ;

- proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1453/2001 portant mesures spécifiques concernant certains produits agricoles en faveur des Açores et de Madère et abrogeant le règlement (CEE) n° 1600/92 (Poseima) en ce qui concerne l'application du prélèvement supplémentaire dans le secteur du lait et des produits laitiers dans les Açores (document E 2411) ;

- proposition de décision du Conseil définissant la position de la Communauté à l'égard de la prorogation de l'accord international de 1992 sur le sucre (document E 2427).

¬ Défense

- proposition de décision du Conseil créant un mécanisme pour le financement des coûts communs des opérations de l'Union européenne ayant des implications militaires ou dans le domaine de la défense - Athena (document E 2412).

¬ Justice et affaires intérieures

- projet d'accord entre la République de Colombie et l'Office européen de police Europol (document E 2402).

¬ Pêche

- proposition de règlement du Conseil relatif à la conclusion de l'accord sous forme d'échange de lettres relatif à la prorogation du protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues dans l'accord entre la Communauté économique européenne et la République de Côte d'Ivoire concernant la pêche au large de la Côte d'Ivoire, pour la période allant du 1er juillet 2003 au 30 juin 2004 (document E 2394) ;

- proposition de décision du Conseil relative à la signature au nom de la Communauté européenne, et à l'application provisoire de l'accord sous forme d'échange de lettres relatif à la prorogation du protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues dans l'accord entre la Communauté économique européenne et la République de Côte d'Ivoire concernant la pêche au large de la Côte d'Ivoire, pour la période allant du 1er juillet 2003 au 30 juin 2004 (document E 2395) ;

- proposition de règlement du Conseil concernant des mesures de gestion pour l'exploitation durable des ressources halieutiques en Méditerranée et modifiant les règlements (CE) n° 2847/93 et (CE) n° 973/2001 (document E 2404) ;

- proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 3069/95 établissant un programme pilote d'observation de la Communauté européenne applicable aux navires de pêche de la Communauté qui opèrent dans la zone de réglementation de l'Organisation des pêches de l'Atlantique du Nord-Ouest (document E 2410) ;

- Proposition de règlement du Conseil relatif à la conclusion de l'accord sous forme d'échange de lettres relatif à l'application provisoire des modifications au protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues dans l'accord entre la Communauté européenne et le gouvernement de la République de Guinée-Bissau concernant la pêche au large de la côte de Guinée-Bissau, pour la période allant du 16 juin 2001 au 15 juin 2006, ainsi qu'à la décision du Conseil du 26 février 2001 fixant les modalités d'octroi à la Guinée Bissau d'un appui financier dans le domaine des pêches (document E 2417).

Point B

¬ Commerce extérieur

Sur le rapport du Président Pierre Lequiller, la Délégation a examiné la proposition de règlement du Conseil prorogeant jusqu'au 31 décembre 2005 l'application du règlement (CE) nº 2501/2001, portant application d'un schéma de préférences tarifaires généralisées pour la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2004 et modifiant ledit règlement (document E 2434).

Le règlement portant application du schéma de préférences généralisées (SPG) accordées aux pays en développement expire le 31 décembre 2004.

Comme il est difficile de concevoir un nouvel SPG sans connaître les résultats du cycle de Doha, qui ne sera très probablement pas terminé avant cette date, la Commission européenne propose :

- de prolonger le régime actuel du SPG pour la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2005 ;

- de modifier ce régime pour que les pays en développement qui représentent moins de 1 % des importations SPG puissent conserver leurs préférences année après année ;

- d'ajuster les conditions d'application du SPG dit «social», afin d'accorder des préférences supplémentaires aux bénéficiaires faisant des progrès dans l'incorporation et l'application des normes fondamentales de l'Organisation internationale du travail (OIT).

Cette proposition est soutenue par tous les Etats membres. Son volet « social » suscite toutefois des réserves, car la Commission propose d'assouplir les conditions d'application des préférences supplémentaires attachées au respect des droits fondamentaux des travailleurs. Elle prévoit d'en faire bénéficier un pays en développement dès lors qu'il est « engagé de façon significative et progressive dans un processus d'incorporation et d'application de l'essentiel » des conventions fondamentales de l'OIT. A la suite des discussions intervenues au sein du groupe de travail « SPG » du Conseil, une rédaction recueillant l'accord des Etats membres et de la Commission, a été retenue le 18 novembre 2003 : elle prévoit que le SPG social serait accordé à tout pays dont la législation nationale incorpore la « substance » des conventions fondamentales de l'OIT et qui s'engage « de manière claire et significative » à les appliquer, en tenant compte des évaluations réalisées par l'OIT.

Ce texte devant être adopté le 8 décembre prochain, le Président Pierre Lequiller a proposé que la Délégation approuve la proposition de règlement telle que modifiée par les travaux du groupe de travail « SPG » du Conseil.

M. Jérôme Lambert a déclaré qu'il s'opposerait à l'approbation de ce texte, même modifié. Ce dernier tend en effet à accorder des concessions à des pays dont la législation peut incorporer de manière satisfaisante les conventions de l'OIT, mais qui, dans la pratique, peuvent les appliquer de manière plus ou moins rigoureuse. Les bons textes ne suffisent pas ; la pratique doit suivre, surtout lorsque la protection des droits fondamentaux des travailleurs est en cause.

A l'issue de ce débat, la Délégation a approuvé la proposition de règlement dans la rédaction retenue le 18 novembre 2003 par le groupe de travail « SPG » du Conseil.

La Délégation a ensuite examiné la proposition de règlement du Conseil instituant des droits de douane supplémentaires sur les importations de certains produits originaires des Etats-Unis d'Amérique (document E 2439).

Le Président Pierre Lequiller a indiqué que la présente proposition de règlement vise à instituer, suite à une autorisation donnée par l'OMC, des contre-mesures, sous la forme d'une hausse de droits de douane sur certains produits, à l'encontre des Etats-Unis, qui ont été condamnés à deux reprises par l'Organe de règlement des différends de l'Organisation pour avoir maintenu un système de subventions aux exportations contraire aux accords de Marrakech.

Cette initiative s'inscrit dans le cadre de l'affaire des Foreign Sales Corporations (FSCs), régime fiscal permettant aux entreprises américaines d'échapper en partie à l'impôt sur leurs opérations d'exportation.

Les FSCs étaient, jusqu'à leur première condamnation par l'OMC, des sociétés écrans, filiales de sociétés américaines implantées dans des paradis fiscaux comme la Barbade, qui bénéficiaient à environ un quart des exportations américaines et auxquelles 5 000 entreprises avaient eu recours, dont Kodak, Microsoft, General Motors, Caterpillar, Chrysler, Exxon et Boeing. Une grande partie des exportations américaines de céréales et de soja transitaient également par ce canal.

Dans son rapport d'octobre 1999, l'ORD a estimé que les FSCs étaient une subvention illicite à l'exportation, tant au regard de l'accord sur les subventions qu'à celui de l'accord sur l'agriculture.

Afin de se conformer à la décision du panel, le Président Bill Clinton a signé, le 15 novembre 2000, la loi abrogeant les FSCs (ETI Act), qui cependant ne modifiait pas la substance du régime de subventions à l'exportation, si bien que le 17 novembre 2000, l'Union européenne a demandé la constitution d'un nouveau panel et, dans le même temps, présenté une demande l'autorisant à appliquer des mesures de rétorsion pour un montant de 4 milliards de dollars.

L'ORD ayant accédé à ces demandes en août 2002, la Commission a publié une liste indicative de ces produits, dont une version définitive a reçu, le 7 mai 2003, l'aval de l'Organe de règlement des différends.

La proposition vise à instaurer les mesures de rétorsion de manière prudente. Celles-ci représenteraient un montant de 290 millions d'euros en 2004 et 614 millions en 2005 et consisteraient, à partir du 1er mars 2004, en un droit supplémentaire de 5 %, porté graduellement à 17 % en mars 2005. Les produits visés comprennent notamment machines et appareils mécaniques, les jouets, les vêtements, les produits laitiers, les viandes, les légumes, les oléagineux, les fruits ou noix et les articles en métal.

Les parlementaires républicains et démocrates du Congrès, pressés par le temps, s'accordent désormais sur le caractère impératif d'une réforme fiscale, mais divergent sur sa portée.

Après que M. Jérôme Lambert ait déclaré que l'Europe ne doit pas relâcher la pression dans ce dossier, la Délégation, sur la proposition du Président Pierre Lequiller, a approuvé la proposition de règlement.

¬ Questions budgétaires

- avant-projet de budget rectificatif n° 7 au budget 2003 - Etat général des recettes - Etat des recettes et des dépenses par section - Section III - Commission (document E 2224-7).

Le Président Pierre Lequiller a présenté les propositions de la Commission, qui consistent à annuler 5 milliards d'euros de crédits de paiement inscrits au budget 2003. Ces crédits devaient permettre de clôturer les programmes 1994-1999 des fonds structurels et d'apurer ainsi le lourd « reste à liquider » de cette période. Le budget communautaire descendra à 0,9 % du PIB de l'Union européenne. Cette mesure permettra de diminuer les contributions des Etats membres. La France est favorable à ce projet de budget rectificatif qui lui restitue 838 millions d'euros sur sa contribution au budget européen pour 2003. Ce remboursement a d'ailleurs déjà été pris en compte dans les prévisions budgétaires du ministère des finances pour 2004.

La Délégation a approuvé ce texte.

- lettre rectificative n°2 à l'avant projet de budget pour l'exercice 2004. Volume 1. Etat général des recettes. Volume 4. Etat des recettes et des dépenses par section. Section III. Commission (document E 2423).

Le Président Pierre Lequiller a exposé les raisons pour lesquelles la lettre rectificative prévoit une baisse de plus d'un milliard d'euros des dépenses au titre de la politique agricole commune (PAC) pour 2004. Des économies seront réalisées à cause de la canicule de l'été dernier qui a entraîné une chute importante de 18 millions de tonnes de la production céréalière de l'Union européenne, ce qui représente une réduction de 741 millions d'euros des dépenses nécessaires dans ce secteur (étant données les quantités plus faibles à l'exportation et la réduction des stocks d'intervention). De même, pour tenir compte des fortes chaleurs, la Commission avait accepté d'anticiper le versement de certaines aides directes dans le secteur de l'élevage, et ces aides ont été imputées sur le budget 2003. Cette lettre rectificative actualise aussi les dépenses en matière d'accords internationaux de pêche. Le gouvernement français appuie la proposition d'augmentation des crédits en faveur du secteur laitier, mais aurait souhaité que les crédits du secteur porcin ne soient pas diminués. Il est également regrettable de ne pas avoir pu obtenir un million d'euros supplémentaire en faveur du secteur de la pêche dans l'île de la Réunion.

M. Jérôme Lambert a estimé que les éleveurs ne comprendraient pas une diminution des crédits en 2004.

Après un débat auquel ont participé M. Thierry Mariani et M. Jean-Marie Sermier, la Délégation a décidé, sur proposition du Président Pierre Lequiller, de s'opposer à la lettre rectificative n° 2, en l'état des informations dont elle dispose.

- lettre rectificative n°3 à l'avant projet de budget 2004 - Volume 1 Etat général des recettes et dépenses par section - Section I - Parlement Section II - Conseil Section III - Commission Section IV - Cour de justice Section V - Cour des comptes Section VI - Comité économique et social Section VII - Comité des régions Section VIII - Partie A - Médiateur européen Section VIII - Partie B - Contrôleur européen de la protection des données (document E 2428).

Le Président Pierre Lequiller a souligné que cette lettre rectificative permettrait de créer une nouvelle ligne budgétaire visant à inscrire dans l'avant-projet de budget pour 2004 des recettes correspondant à un nouveau prélèvement sur les rémunérations des fonctionnaires des Communautés européennes.

La Délégation a approuvé ce texte.

¬ Sécurité alimentaire

- proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relative aux contrôles officiels des aliments pour animaux et des denrées alimentaires (document E 2221).

Le Président Pierre Lequiller a indiqué que la Commission poursuit, depuis quelques années, une révision approfondie des principes généraux qui gouvernent le droit alimentaire au sein de la Communauté. La présente proposition vise ainsi à prévoir comment les règles générales sur les contrôles officiels doivent être interprétées et appliquées.

La proposition prévoyait initialement d'imposer aux Etats qu'ils prennent des sanctions de nature pénale contre ceux qui se rendraient coupables d'infractions graves à la législation alimentaire, présentées sous forme d'une liste positive. Les autorités françaises ont fait observer, à l'unisson de la quasi-totalité des délégations, qu'il dépend des Etats membres de décider si une sanction doit revêtir un caractère pénal ou seulement administratif, conformément au principe de subsidiarité.

Le texte en discussion défend une approche nouvelle où les différents contrôles nationaux se combineraient pour permettre un suivi intégré de toutes les questions qui regardent l'alimentation animale et humaine. Cela implique que la Commission fixe des lignes de conduite générale, que les Etats membres élaborent des plans de contrôle pluriannuel, dont la Commission évalue finalement le déroulement, avant de proposer les adaptations nécessaires.

Les deux principaux points de discussion sont le financement des contrôles et la nature des sanctions que les Etats membres auront la charge de prendre.

Certains se sont inquiétés des coûts induits par les opérations de contrôle, voulant éviter que la charge en retombe sur les professionnels et pèse sur leurs positions concurrentielles. En l'état actuel des négociations, seuls les contrôles vétérinaires devraient être soumis à redevance obligatoire, les Etats restant libres d'imposer le paiement par les entreprises, notamment en cas de contrôle répété pour cause de contravention initialement constatée. Cette position de compromis recueille l'approbation des autorités françaises.

La plupart des Etats membres ont d'autre part élevé des objections contre l'idée que le règlement pourrait leur imposer de prendre des sanctions de nature pénale à l'endroit des contrevenants. Ils paraissent avoir obtenu gain de cause, puisque le texte ne devrait en définitive mentionner que la nécessité de « sanctions », sans prévoir leur nature.

Même si le contenu détaillé peut en paraître relativement technique, l'ensemble du texte revêt une réelle importance politique, parce qu'il touche directement au domaine de la santé publique.

La Délégation a approuvé la proposition de règlement.

¬ Transports

- proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CEE) n° 95/93 du Conseil, du 18 janvier 1993, fixant des règles communes en ce qui concerne l'attribution des créneaux horaires dans les aéroports de la Communauté (document E 1774).

Présentant la proposition de règlement, M. Thierry Mariani a indiqué que les très nombreuses modifications substantielles introduites par la Commission dans le régime d'attribution des créneaux horaires allaient au-delà de simples considérations techniques et qu'en renforçant la réglementation sur l'attribution des créneaux horaires, cette proposition influait considérablement sur la concurrence entre compagnies aériennes communautaires et entre ces dernières et celles des pays tiers. Il a indiqué que, dès le début des discussions, de nombreuses délégations dont celle de la France, avaient estimé, comme la profession, que la proposition allait au-delà de la simple révision technique attendue, notamment en ce qui concerne la redéfinition du nouvel arrivant et la reprogrammation des créneaux relevant des droits acquis. Il a par ailleurs précisé que les autorités françaises étaient très attachées à la démarche adoptée conduisant à une révision technique du règlement sur les points faisant l'objet d'un large consensus et avaient estimé que le principe même d'une éventuelle révision en profondeur du règlement basée sur l'introduction de mécanismes de marché ne s'imposait pas d'emblée et ne pourrait être envisagée que sur la base d'études d'impact très approfondies. M. Thierry Mariani s'est félicité que la Commission ait été convaincue par cette thèse, partagée par d'autres Etats membres, ce qui a permis de débloquer les discussions et d'envisager, comme le souhaite la Présidence italienne, la conclusion d'un accord politique lors du Conseil Transports du 4 décembre 2003.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la Délégation a approuvé la proposition de règlement.

IV. Nomination d'un rapporteur d'information

La Délégation a désigné M. Jean-Marie Sermier rapporteur d'information sur la réforme des organisations communes de marché des secteurs du coton, de l'huile d'olive, du tabac et du houblon.