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DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 73

Réunion du mardi 3 février 2004 à 16 heures 15

Présidence de M. Pierre Lequiller, Président

I. Audition de Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies, sur la politique européenne de recherche (audition ouverte aux membres français du Parlement européen et à la presse)

Le Président Pierre Lequiller a accueilli Madame Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies, en soulignant le fort intérêt que porte la Délégation au domaine de la recherche. Il a rappelé que le rapport d'information de M. Daniel Garrigue avait mis en lumière l'« urgence du réveil » pour la recherche européenne. Le Président a fait écho à l'objectif fixé au Conseil européen de Lisbonne de faire de l'Europe l'« économie la plus compétitive du monde », ce qui implique un effort résolu en matière de recherche.

Il a interrogé la ministre sur l'objectif de 3 % du PIB pour la recherche - et la répartition de l'effort entre le public et le privé -, ainsi que sur la question de la mobilité des chercheurs et les moyens de faire face à « la fuite des cerveaux ».

La ministre a souligné l'importance majeure de la recherche pour l'avenir des économies européennes, pour la croissance et l'emploi. Elle a évoqué l'état actuel de la recherche en France et a estimé que celle-ci, depuis quelques années, avait du mal à se maintenir au premier plan de la recherche mondiale, notamment en termes de résultats. Beaucoup de facteurs concourent à cette situation, que le rapport d'information de M. Daniel Garrigue a notamment mis en lumière. L'état de la recherche est lié au niveau de l'ambition nationale que l'on se fixe en la matière. L'Europe, et la France, se sont engagées à atteindre l'objectif de 3 % du PIB pour la recherche en 2010, ce qui correspond à un effort considérable. Le ministère de la recherche et la communauté scientifique sont mobilisés. L'effort nécessaire concerne autant le secteur privé que le secteur public. L'objectif fixé à Lisbonne est de 1 % pour les financements publics et de 2 % pour les financements privés. A l'heure actuelle, la France se situe globalement à 2,2 % et l'Europe à 1,9 %.

La moyenne européenne recouvre des réalités nationales très disparates, l'effort de certains « petits » pays se situant d'ores et déjà au-dessus de 3 %. L'augmentation du financement européen est d'autant plus nécessaire que nos grands partenaires - notamment les Etats-Unis et le Japon - sont très fortement engagés dans ce domaine.

L'effort public est actuellement en France d'environ 0,85 %. Pour le porter à au moins 1 %, il convient tout d'abord d'être attentif à la restructuration de notre effort public de recherche et de veiller à un bon équilibre entre les grands programmes - par exemple dans les domaines de l'aéronautique ou du spatial - et les autres thématiques, par exemple les sciences du vivant ou les nanosciences. La politique de la recherche ne se résume pas à un financement public. Elle doit aussi s'attacher à rendre l'effort de recherche mieux coordonné et plus visible, notamment en favorisant le développement de pôles d'excellence associant recherche publique, universités et entreprises. Il convient en particulier de mieux valoriser ses résultats. L'effort de recherche doit également être soutenu par des incitations réglementaires et fiscales. La loi de finances pour 2004 a ainsi permis d'introduire une formule renforcée de crédit d'impôt recherche, de mettre en place un statut favorable pour la jeune entreprise innovante, de prévoir la création de fondations pour la recherche associant des financements publics et privés.

Des évolutions du système public sont nécessaires. La future loi d'orientation - et on peut l'espérer de programmation - pour la recherche, en fixera les nouvelles lignes. Certains pays européens se sont déjà engagés sur cette voie. La recherche publique en France présente des spécificités fortes qui doivent être soumises à l'examen.

Mais la politique nationale de la recherche n'a de sens que s'il existe une politique européenne forte. Cette politique doit en particulier promouvoir la création de pôles d'excellence attractifs. Beaucoup d'efforts ont déjà été engagés, notamment par le 6ème programme-cadre qui a mis en œuvre de nouveaux instruments. Des « plateformes technologiques » sont en cours d'élaboration, notamment dans les domaines de l'hydrogène et des nanotechnologies. Il convient d'utiliser au mieux les compétences européennes existantes. Pour cela, il faut mobiliser davantage de financements, ce que permet notamment l'initiative européenne de croissance à laquelle la Banque européenne d'investissement est associée.

Au-delà du renforcement en termes quantitatifs de l'effort engagé, il vaut mieux coordonner les outils existants, s'agissant en particulier de la problématique de l'attractivité. Une récente réunion des ministres de la recherche des pays de l'OCDE a permis d'examiner deux thèmes importants : les rapports entre science et innovation et la question des ressources humaines. La mobilité internationale constitue en soi un facteur positif et un atout pour les jeunes chercheurs. Néanmoins, la « fuite des cerveaux » est un problème pour les pays européens. La France est relativement moins touchée par ce phénomène que d'autres pays de l'Union, notamment l'Allemagne ou le Royaume-Uni, qui ont déjà mis en place des politiques de soutien au retour. Au niveau européen, l'aide au retour est une priorité. De même, le soutien communautaire à la mobilité intra européenne constitue une politique importante. Les actions « Marie Curie » fonctionnent bien. Mais notre pays n'est actuellement pas le plus attractif pour les chercheurs qui se déplacent en Europe. Nous devons améliorer les conditions d'accueil des chercheurs européens, notamment les procédures administratives.

Une démarche de « benchmarking » doit être développée sur la base de l'examen des différentes politiques de recherche en Europe. Il faut créer l'espace européen de la formation, en particulier par l'harmonisation des diplômes. De même, il convient de rapprocher les statuts des chercheurs pour promouvoir un grand espace de circulation. L'Europe doit attirer les talents étrangers et l'excellence. Nous devons assurer aux chercheurs étrangers qu'ils auront la possibilité de développer leurs travaux en France et en Europe, dans des conditions de liberté et de responsabilité attractives. Un « portail européen » est en train de se mettre en place sur internet pour faciliter l'accès aux informations des jeunes chercheurs. La France a déjà, pour sa part, mis en place un portail de ce type pour informer les chercheurs travaillant aux Etats-Unis, sur toutes les possibilités de retour en France dans la recherche publique. L'accueil des chercheurs étrangers a été facilité par la mise en place de visas spécifiques. Les conditions de sécurité pour la recherche doivent être par ailleurs assurées.

Une coordination accrue, au niveau européen, des politiques nationales de la recherche constitue également une priorité. Cela doit impliquer non seulement la recherche compétitive, mais également la recherche fondamentale, pour laquelle il est nécessaire de promouvoir une politique « élitiste » soutenant les meilleures équipes. Il faut développer une culture de projet et de l'excellence, qui ne soit pas nécessairement liée directement à la compétitivité économique. Le Conseil « Compétitivité » de mars examinera le projet de « Conseil européen de la recherche » proposé par la communauté scientifique.

La recherche duale, civile et militaire, doit être aussi un axe important de la politique européenne de la recherche. Cette dualité, très développée aux Etats-Unis, représente potentiellement une dynamique considérable. Il s'agit en particulier de définir en amont des programmes communs. Cette priorité, dans laquelle la présidence grecque s'est beaucoup investie, avance « à petits pas ». En France, on progresse bien sur ce point et la collaboration se développe entre le ministère de la défense et le ministère de la recherche.

Dans le domaine spatial, la France est pilote au niveau européen. Elle a récemment proposé, dans le cadre des travaux de la Convention, de faire de l'espace une compétence partagée entre l'Union et les Etats membres. L'enjeu stratégique pour l'Europe est de conforter un accès indépendant à l'espace. L'engagement du programme Galileo, du GMES, et la poursuite des programmes de lanceurs, vont dans ce sens.

Le projet ITER de fusion thermonucléaire se fonde sur une compétence européenne forte développée depuis plus de quarante ans.

L'augmentation nécessaire de l'effort financier européen en matière de recherche implique une grande vigilance quant à l'élaboration des prochaines perspectives financières. Il faut doter la recherche de moyens qui soient à la hauteur de l'ambition européenne dans ce domaine. La Commission européenne, et en particulier le commissaire Philippe Busquin, en ont fait une priorité politique majeure.

Après avoir salué l'intervention de la ministre déléguée, M. Daniel Garrigue, rapporteur, a indiqué qu'il ressortait de la comparaison de l'effort de recherche entre les Etats européens, que la France faisait partie des deux ou trois pays les mieux placés pour atteindre l'objectif de 3 % du PIB. Il ne faut donc pas, comme on le fait parfois, avoir une conception trop pessimiste de la situation de notre pays, même si celui-ci présente plusieurs faiblesses, tenant en particulier à des questions d'organisation, à l'insuffisance des appels à projet - qui permettent de favoriser l'émulation -, à la mobilité relativement limitée des chercheurs, et à une évaluation extérieure réduite.

Il a rappelé que les programmes de recherche européens, que ce soit dans le nucléaire, l'aérospatial ou l'aéronautique, constituent l'un des domaines où la construction communautaire a été la plus fructueuse. Cependant, la question se pose de savoir comment concilier l'approche intergouvernementale, fondée sur la théorie du juste retour, et l'approche communautaire, qui a le mérite d'associer tous les pays européens, mais a davantage de mal à s'affirmer.

Concernant le futur programme communautaire de recherche et développement, il a souligné que des plateformes technologiques sont en train de se mettre en place et que la dernière communication de la Commission accordait la priorité aux centres d'excellence (et non aux réseaux d'excellence) auxquels il est lui-même favorable. Cette communication a également mis l'accent sur la recherche fondamentale, au travers, notamment, de la création d'un futur Conseil européen de la recherche. S'agissant du financement, la proposition de la Commission vise à doubler les crédits du programme communautaire. Cela étant, la position de certains Etats, dont la France, tendant à limiter le budget communautaire à 1 % du PIB, rend difficile la satisfaction d'un tel objectif. M. Daniel Garrigue a demandé la position de la ministre à cet égard.

M. Michel Herbillon a insisté sur l'importance de la mobilité internationale des chercheurs, en particulier des jeunes. Il a estimé urgent de remédier à la fuite des cerveaux et de favoriser le retour des jeunes chercheurs en France, ainsi que d'attirer dans notre pays des chercheurs étrangers de talent. Il a demandé à la ministre quelles mesures concrètes elle entendait rapidement mettre en œuvre à cet effet. Quelle évaluation peut-on faire par ailleurs du système de recherche français par rapport aux pays étrangers ?

M. Jérôme Lambert s'est étonné que la France, dont la ministre a indiqué qu'elle menait en matière de recherche une politique dynamique, soit confrontée à des mouvements de protestation de chercheurs, alors que d'autres Etats, considérés comme moins bien lotis, ne connaissent pas de telles revendications. Par ailleurs, il a demandé s'il existait une position commune de la communauté scientifique européenne et, au-delà, des gouvernements européens, pour défendre le projet ITER et son implantation dans notre pays.

M. Edouard Landrain a rappelé que pour certains, la France ne manquait pas de chercheurs, mais de chercheurs qui trouvent : cette situation découle, selon eux, de notre système de recherche ainsi que de la place et du fonctionnement respectifs des secteurs public et privé. Il a souhaité connaître la position de la ministre sur ce point. Il s'est également demandé si, dans le cadre de la politique d'incitation au retour des chercheurs dans notre pays et de nos relations scientifiques internationales, l'utilisation de la langue française ne constituait pas un obstacle, la plupart des chercheurs employant prioritairement l'anglais.

M. Pierre Lellouche a considéré que ce qui importe, ce n'est pas le montant du budget de la recherche, mais la façon dont il est utilisé. Ainsi, les chercheurs américains sont évalués en permanence, et les entreprises sont proches des centres de recherche, ce qui n'est pas le cas en France. On ne peut également que déplorer les contraintes fiscales qui freinent le retour des chercheurs dans notre pays.

M. Alain Lamassoure, député européen, a estimé que pour définir les priorités du prochain programme-cadre pour la recherche, il faudra arbitrer entre les secteurs de recherche, entre les laboratoires, et entre les Etats. On ignore trop souvent que la recherche est un domaine dans lequel la France bénéficie de l'effort budgétaire européen.

Il s'est déclaré favorable à une coopération entre les parlementaires européens et le Gouvernement français pour faire prévaloir la conception « élitiste » mise en avant par la ministre pour développer la recherche fondamentale.

Il a évoqué le risque d'une compensation de la diminution des crédits de la politique de cohésion par une augmentation des crédits de recherche, comme l'a suggéré le commissaire Michel Barnier. Cette orientation aurait pour conséquence de subventionner en pure perte des petits laboratoires dans le seul but d'aider des régions défavorisées.

Il a déploré l'hémorragie des cerveaux européens. Les laboratoires américains attirent l'élite de la recherche mondiale. La France et l'Europe doivent donc se doter d'objectifs quantitatifs précis pour faire venir ou revenir des chercheurs en Europe.

Mme Marie-Hélène Descamps, députée européenne, a interrogé la ministre sur l'aide que les Etats européens apportaient à la France sur le projet ITER.

Mme Anne-Marie Schaffner, députée européenne, a souligné l'existence d'un hiatus, en France, entre la recherche publique et la recherche privée, entre le monde de l'entreprise et celui des universités.

Elle a rappelé le travail de la commission juridique du Parlement européen sur le brevet communautaire, qui permettrait de faciliter le retour sur investissement de la recherche privée. Or, ce dossier est actuellement bloqué pour des raisons procédurales. Il serait donc utile que le Conseil européen s'en saisisse et débloque la situation.

Mme Geneviève Fraisse, députée européenne, a rappelé sa double qualité de parlementaire européenne et de chercheuse au CNRS, soulignant les idées reçues qui courent sur ces deux univers. En qualité de rapporteur pour avis du Parlement européen sur le 6ème PCRD, elle a défendu un accroissement de l'effort de recherche sur les rapports entre les citoyens et la société. Elle s'est félicitée du fait que les sciences humaines sont devenues un objectif à part entière, et non plus seulement un moyen de la recherche, dans ce programme. Elle a interrogé la ministre sur les intentions de la France à cet égard.

Le Président Pierre Lequiller a estimé que la qualité des interventions reflétait l'intérêt porté par les parlementaires aux questions de recherche. Il s'est réjoui que plusieurs membres du Parlement européen soient intervenus dans le cadre de cette audition ouverte à la presse.

Il a indiqué par ailleurs que la Délégation s'est engagée en faveur d'une approche comparative des principaux dossiers d'actualité, afin de « dépassionner » certains débats qui agitent l'opinion publique française. Ainsi, M. Robert Lecou a présenté un rapport d'information sur le service minimum dans les services publics en Europe, qui a été abondamment cité dans la presse. Cette démarche sera amplifiée dans les mois à venir puisque la Délégation a confié à M. Edouard Landrain un rapport d'information sur les réformes de l'assurance maladie dans l'Union européenne, et à M. Michel Herbillon un rapport d'information sur l'enseignement supérieur en Europe.

En réponse aux différents intervenants, la ministre a apporté les précisions suivantes :

- s'agissant de la « fuite des cerveaux », il s'agit d'un problème important, qui appelle la mise en œuvre de politiques offensives pour favoriser le retour des chercheurs. En France, un premier mécanisme a été mis en place en 2004 pour les jeunes effectuant de la recherche à l'étranger. Cette action volontariste doit concerner tous les acteurs, à l'image des mesures adoptées en faveur des senior researchers ;

- en ce qui concerne l'évaluation chiffrée de ce phénomène, celle-ci s'avère très difficile. En outre, une approche purement quantitative est insuffisante ; il convient en effet de développer une appréciation plus qualitative, ce qui a été demandé à l'Académie des technologies. Celle-ci a été chargée de déterminer la « perte réelle » induite par la « fuite des cerveaux », car un départ à l'étranger n'équivaut pas toujours à une perte sèche : cela dépend des conditions. Ainsi, des chercheurs travaillant à l'extérieur peuvent préparer l'implantation d'entreprises françaises. Dans ce cas de figure, la « fuite des cerveaux » est profitable à la France. Ce n'est pas le cas des personnes qui partent pour créer de la richesse pour le compte d'entreprises et de laboratoires étrangers ;

- il est indéniable que les conditions matérielles de travail aux Etats-Unis exercent un fort attrait sur les jeunes chercheurs. Toutefois, depuis quelques années, les Etats-Unis, à leur tour, connaissent une fuite des jeunes cerveaux venus travailler chez eux et qui retournent dans leur pays d'origine. C'est là un phénomène particulièrement frappant, qui concerne notamment les jeunes chercheurs asiatiques. Leur réaction face à cette situation est d'ailleurs très intéressante : ils ne cherchent pas à retenir, à tout prix, ces chercheurs, mais essaient plutôt de promouvoir des flux équilibrés entre les départs et les retours ;

- l'autre grand atout du modèle américain est la confiance donnée aux jeunes chercheurs. Ces derniers apprécient fortement les responsabilités et l'autonomie qui s'attachent à cette confiance. Aussi, cette culture de la confiance doit-elle être développée en France, un objectif qui, à l'heure actuelle, se heurte à des difficultés organisationnelles. En effet, l'autonomie et la confiance ne peuvent s'épanouir que dans un cadre favorisant une culture de projet, qui repose par ailleurs sur des systèmes d'évaluation performants. Or, le système universitaire et les grands organismes de recherche français se caractérisent par l'importance des structures et de la hiérarchie, qui ne favorisent pas cette culture. Ainsi, il n'est pas rare qu'un jeune chercheur travaille dix ans sur le même projet sous la direction d'un même chercheur. Il nous faut donc développer cette culture, tout en rappelant aux jeunes chercheurs les contreparties qu'elle impose, à savoir la définition d'objectifs précis et l'acceptation de l'évaluation, à des fins d'adaptation du projet de recherche ;

- le salaire des chercheurs doit être revalorisé en France. C'est pourquoi les formes contractuelles de valorisation des rémunérations doivent être davantage reconnues et encouragées. De même, certaines procédures doivent être simplifiées, comme le montre l'exemple des bourses Marie Curie : les chercheurs français qui en bénéficient perçoivent un montant inférieur à celui reçu par leurs homologues étrangers, en raison des complexités administratives. Cette situation doit évoluer ;

- les centres d'excellence doivent être développés, afin de renforcer l'attractivité du territoire national. Mais la démarche doit être globale : ces pôles doivent se constituer au niveau régional, européen et international. La visibilité de certaines de nos unités de recherche doit être, par ailleurs, renforcée, car malgré la grande qualité de leur travail, ces derniers, sont ignorés par les centres d'excellence situés en Chine ou en Corée ;

- s'agissant des mouvements des chercheurs qui défendent leurs moyens budgétaires, le problème est pris au sérieux par le Gouvernement, qui est fortement mobilisé sur cette question. L'Italie et l'Allemagne connaissent, elles aussi, des difficultés, liées à la nécessité de transformer un cadre de recherche ancien, dans un contexte de restriction budgétaire. Les pays européens doivent ainsi faire évoluer, ensemble, leur système de recherche, avec des moyens limités. En ce qui concerne le budget consacré à la recherche française, tout est mis en œuvre pour que la partie correspondante au redéploiement des crédits et celle affectée aux nouvelles dépenses dégagent les moyens adaptés. De plus, les politiques de recherche menées par les différents ministères doivent être mieux coordonnées ; c'est là le rôle du comité interministériel de la recherche. La réponse qui doit être apportée aux problèmes actuels nécessite une réflexion au niveau politique ;

- en ce qui concerne ITER, les ministres européens de la recherche ont récemment donné aux Etats-Unis, au Japon et à la Corée les informations que ces pays ont demandées. Par ailleurs, l'ensemble des Etats membres sont mobilisés pour trouver une solution, qui devra être adoptée par consensus. D'ores et déjà, l'Europe a fait preuve de son unité en choisissant, à l'unanimité, le site de Cadarache. Pour aboutir à une décision finale qui soit adoptée par consensus, il faut maintenant que chaque partie parvienne à trouver toute sa place dans le projet. Certains Etats membres perçoivent le caractère stratégique de l'affaire, quand d'autres sont plus attentifs au coût que représente l'opération. La discussion entre les Etats membres doit donc se poursuivre pour parvenir à une solution acceptable par tous ;

- le fait que la politique européenne de recherche relève à la fois du niveau gouvernemental et du niveau communautaire ne constitue pas en soi un problème. Ces deux niveaux donnent à l'Europe une flexibilité dont elle ne doit pas se priver. A titre d'exemple, dans le domaine spatial, l'Agence spatiale européenne, d'une part, et les Etats membres, d'autre part, tentent d'élaborer un cadre de travail commun. La souplesse des structures et des politiques est un atout pour l'Europe : le « joint undertaking » du programme Galileo souligne tout l'intérêt des démarches qui combinent différentes approches. Pour ITER, ces précédents sont intéressants, car le projet implique de concilier des contributions variées et différentes catégories de partenaires ;

- le brevet communautaire est un dossier qui paraît toujours sur le point d'aboutir, quoique la décision soit en suspens depuis des mois. Il est bon de relancer le débat pour éviter son enlisement. D'une manière générale, l'Union européenne n'aborde pas ces sujets du simple point de vue de la propriété intellectuelle ou de la valorisation de la recherche. Elle intègre aussi à sa réflexion la nécessité de mettre les connaissances acquises à la disposition de tous, y compris des pays en développement. Cela doit rester un trait distinctif de son approche ;

- pour faire les choix qui s'imposent entre les programmes et les unités de recherche, les réunions de travail déjà tenues offrent l'exemple d'un mode de fonctionnement approprié. En définissant des plateformes communes, elles rendent l'Europe plus forte pour s'exprimer sur la scène internationale, comme elle l'a montré récemment, en matière de politique spatiale, à propos de l'Observatoire de la Terre. Si une plateforme similaire pouvait être adoptée dans le domaine de l'hydrogène, le poids de l'Europe dans la discussion internationale s'en trouverait également renforcé. C'est pourquoi elle doit pouvoir s'engager sur tous les sujets, ce qui n'oblige pas du reste tous les États membres à être parties à tous les programmes ;

- les relations entre les universités et les petites et moyennes entreprises laissent particulièrement à désirer, puisqu'elles ne représentent que 20 % du partenariat développé entre le secteur privé et les établissements supérieurs ; les compétences scientifiques et l'initiative privée doivent entrer dans des relations plus étroites ;

- les sciences humaines et sociales sont, elles aussi, concernées par la politique européenne de la recherche, au même titre que les sciences « dures ». Les notions de projet et d'excellence sont aussi conçues pour ces disciplines. La communauté des chercheurs qui s'y adonne fait partie intégrante de la communauté scientifique, dont elle représente une part importante et très diverse. Peut-être est-elle encore quelquefois victime de ses préventions à l'endroit du monde économique. Elle apporte cependant des réponses à l'attitude ambivalente de la société en face des scientifiques, dont on attend trop souvent des vérités définitives qu'ils ne possèdent pas. Des programmes comme « Citoyens et gouvernance » ou « Sciences et société » remplissent à cet égard une fonction essentielle ;

- au sujet de l'innovation en entreprise, un projet de loi séparé n'a pas été possible, mais la loi de finances 2004 contient d'importantes dispositions relatives au crédit d'impôt recherche ou au statut de la jeune entreprise innovante. Cependant, un travail pédagogique s'impose encore : des maisons de l'entrepreunariat sont ouvertes dans les universités, tandis qu'un colloque doit bientôt avoir lieu à la Sorbonne au sujet des brevets et de la valorisation de la recherche.

M. Christian Cabal, rapporteur spécial de la commission des finances sur les crédits de la recherche, s'est demandé s'il ne conviendrait pas d'exclure les investissements en recherche et développement dans le calcul du déficit de 3 % du PIB autorisé par le pacte de stabilité et de croissance.

A ce propos, M. Alain Lamassoure a évoqué l'existence d'une disposition constitutionnelle allemande qui défend à l'Etat de réaliser un déficit de fonctionnement. L'emprunt est réservé pour financer les dépenses d'investissement ; il ne peut servir à payer les traitements des fonctionnaires, ce qui serait inconsidéré. Ce principe devrait inviter à la réflexion dans notre pays où la pratique budgétaire serait inconstitutionnelle, si pareille disposition s'appliquait.

Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée, a rappelé qu'un projet de loi d'orientation de la recherche était en préparation, en souhaitant que les parlementaires français, nationaux mais aussi européens, puissent s'associer à son élaboration.

II. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Point A

Sur le rapport du Président Pierre Lequiller, la Délégation a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

Aucune observation n'ayant été formulée, la Délégation a approuvé les quatre textes suivants :

¬ Commerce extérieur

- proposition de règlement du Conseil portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires communautaires autonomes pour certains produits de la pêche pour la période 2004-2006 (document E 2498).

¬  Energie

- proposition de décision du Conseil concernant l'adoption d'un programme supplémentaire de recherche à mettre en œuvre par le Centre commun de recherche pour le compte de la Communauté européenne de l'énergie atomique (document E 2474).

¬ Pêche

- proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord sous forme d'échange de lettres relatif à l'application provisoire du protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues dans l'accord entre la Communauté économique européenne et le gouvernement de la République de Guinée concernant la pêche au large de la côte guinéenne, pour la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2008 (document E 2471).

¬ Questions fiscales

- proposition de décision du Conseil relative au régime de l'octroi de mer dans les départements français d'outre-mer et prorogeant la décision 89/688/CEE (document E 2476).

Point B

Sur le rapport du Président Pierre Lequiller, la Délégation a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

Aucune observation n'ayant été formulée, la Délégation a approuvé les trois textes suivants :

¬ PESC et relations extérieures

- proposition de décision du Conseil accordant une aide macro-financière à l'Albanie et abrogeant la décision 1999/282/CE (document E 2500).

Dans ce texte, la Commission propose de fournir à l'Albanie une aide macro-financière plafonnée à 25 millions d'euros, dont 16 millions sous forme de don et 9 millions sous forme de prêt.

- projet de position commune du Conseil modifiant et prorogeant la position commune 2002/145/PESC concernant des mesures restrictives à l'encontre du Zimbabwe (document E 2503 ) ;

- proposition de règlement du Conseil imposant certaines mesures restrictives à l'encontre du Zimbabwe.

Ces mesures restrictives, qui concernent l'embargo sur les armes et les équipements susceptibles de servir à la répression interne, sont prises en raison des graves violations des droits de l'homme et de la liberté d'opinion, d'association et de réunion pacifique commises dans ce pays.

III. Désignation d'un rapporteur d'information

La Délégation a désigné M. Edouard Landrain, rapporteur d'information sur l'aménagement du temps de travail en Europe.