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DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 81

Réunion du mercredi 28 avril 2004 à 9 heures 45

Présidence de M. Pierre Lequiller, Président

I. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Point A

Sur le rapport du Président Pierre Lequiller, la Délégation a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

Aucune observation n'ayant été formulée, la Délégation a approuvé les dix textes suivants :

¬ Pêche

- proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord sous forme d'échange de lettres relatif à l'application provisoire du protocole fixant, pour la période du 3 décembre 2003 au 2 décembre 2007, les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues dans l'accord entre la Communauté économique européenne et le gouvernement de Maurice concernant la pêche dans les eaux de Maurice (document E 2560) ;

- proposition de règlement du Conseil relatif à la conclusion du protocole fixant, pour la période du 3 décembre 2003 au 2 décembre 2007, les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues dans l'accord entre la Communauté économique européenne et le gouvernement de Maurice concernant la pêche dans les eaux de Maurice (document E 2561) ;

- proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord sous forme d'échange de lettres relative à l'application provisoire du protocole fixant les possibilités de pêche thonière et la contrepartie financière prévues dans l'accord entre la Communauté économique européenne et la République démocratique de Madagascar concernant la pêche au large de Madagascar, pour la période allant du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2006 (document E 2562) ;

- proposition de règlement du Conseil relatif à la conclusion du protocole fixant les possibilités de pêche thonière et la contrepartie financière prévues dans l'accord entre la Communauté économique européenne et la République démocratique de Madagascar concernant la pêche au large de Madagascar, pour la période allant du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2006 (document E 2563).

¬ Politique industrielle

- livre blanc. Espace : une nouvelle frontière européenne pour une Union en expansion. Plan d'action pour la mise en œuvre d'une politique spatiale européenne (document E 2523).

¬ Questions fiscales

- proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la coopération administrative dans le domaine des droits d'accises. Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 77/799/CEE du Conseil concernant l'assistance mutuelle des autorités compétentes des Etats membres dans le domaine des impôts directs, de certains droits d'accises et des taxes sur les primes d'assurance et la directive 92/12/CEE du Conseil relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accises (document E 2477) ;

- proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2003/96/CE en ce qui concerne la possibilité pour certains Etats membres d'appliquer, à titre temporaire, aux produits énergétiques et à l'électricité, des niveaux réduits de taxation ou des exonérations (document E 2515) ;

- proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l'accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse prévoyant des mesures équivalentes à celles prévues dans la directive 2003/48/CE du Conseil du 3 juin 2003 sur l'imposition des revenus de l'épargne sous forme de paiements d'intérêts et du protocole d'accord qui l'accompagne (document E 2527) ;

- proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2003/96/EC en ce qui concerne la possibilité pour Chypre d'appliquer, à titre temporaire, aux produits énergétiques et à l'électricité, des niveaux réduits de taxation ou des exonérations (document E 2555).

¬ Transports

- proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 2320/2002 du Parlement européen et du Conseil relatif à l'instauration de règles communes dans le domaine de la sûreté de l'aviation civile (document E 2399).

Point B

¬ Commerce extérieur

- communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen et au Comité économique et social européen sur un environnement simple et sans support papier pour la douane et le commerce. Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen et au Comité économique et social européen sur le rôle de la douane dans la gestion intégrée des frontières extérieures. Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil établissant le code des douanes communautaire (document E 2368).

M. Daniel Garrigue a présenté les deux communications, qui préconisent l'harmonisation et la simplification des procédures douanières, ainsi que la systématisation du recours à la douane électronique. Quant à la proposition de règlement, elle vise à exiger que la déclaration sommaire ou la déclaration en douane soit produite 24 heures avant l'arrivée des marchandises, alors qu'à l'heure actuelle, ce document ne doit être fourni que lorsque les marchandises sont déposées en douane.

La proposition de la Commission constitue une réponse à la nouvelle politique douanière des Etats-Unis, l'administration de ce pays ayant adopté cette méthode après les attentats du 11 septembre 2001.

Toutefois, à l'exception du Royaume-Uni et des Pays-Bas, qui souhaiteraient que la notification soit effectuée avant le départ de la marchandise, tous les Etats membres ont émis des réserves sur la faisabilité de la mesure envisagée.

Ainsi, la France estimant que le délai de transmission de 24 heures avant l'arrivée des marchandises n'est pas réaliste, notamment pour les marchandises transportées par voie aérienne, considère qu'il serait préférable que la Commission réfléchisse à une modulation des délais selon le mode de transport.

Elle a obtenu de la Commission des modifications permettant d'appliquer de manière réaliste l'obligation de déclaration avant l'arrivée des marchandises :

- la suppression du délai de 24 heures, la durée de ce délai devant être définie ultérieurement dans le cadre de la procédure de comitologie ;

- la création d'un label de sûreté pour les opérateurs agréés qui en font la demande et qui exempteraient les marchandises exportées à des pays tiers de certains contrôles ;

- la réalisation des contrôles de sûreté aux points d'entrée ou de sortie du territoire, et non, comme le proposait la Commission européenne, au point de dédouanement. Si le schéma initialement envisagé par la Commission avait été retenu, l'obligation d'effectuer un contrôle de sûreté au point de dédouanement aurait imposé un surcoût notable aux entreprises françaises, qui assurent déjà, grâce au recours fréquent aux procédures simplifiées, 40 % des opérations de dédouanement.

Sur la proposition du rapporteur, la Délégation a approuvé la proposition de règlement et pris acte des deux communications de la Commission.

¬ Consommation

- proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant les directives 84/450/CEE, 97/7/CE et 98/27/CE (directive sur les pratiques commerciales déloyales) (document E 2339).

M. Daniel Garrigue a précisé que ce texte tend à harmoniser les législations nationales des Etats membres en matière de lutte contre les pratiques commerciales déloyales, en vue de garantir un niveau élevé de protection des intérêts économiques des consommateurs et de conforter leur confiance dans le marché intérieur.

La proposition de directive concerne les seules relations entre les professionnels et les consommateurs et fixe le principe d'une interdiction générale des pratiques commerciales déloyales à l'égard des consommateurs. Elle prohibe aussi les actions trompeuses consistant à entraîner le consommateur « moyen » (au sens de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes), ainsi que les pratiques commerciales agressives.

La proposition prévoit, en outre, que les Etats membres veillent à ce qu'existent des moyens adéquats et efficaces de lutte contre les pratiques commerciales déloyales.

Une liste « noire » de pratiques commerciales déloyales prohibées est par ailleurs annexée à la proposition de directive.

Enfin, une clause dite de « marché intérieur » dispose que, pour le domaine concerné par la directive, les professionnels doivent uniquement se conformer aux dispositions nationales applicables dans l'Etat membre où ils sont établis.

A ce sujet, plusieurs Etats membres (la France, l'Allemagne, la Finlande, le Danemark et l'Autriche) se sont prononcés pour la suppression de cette clause au regard des risques de distorsions de concurrence, d'insécurité juridique et de moindre protection des consommateurs que cette clause est susceptible d'engendrer.

D'autre part, le Gouvernement vient de saisir le Conseil d'Etat sur la question de savoir si, dans l'hypothèse où l'application du principe du pays d'origine couvrirait directement ou indirectement la loi pénale, cette application ne serait pas contraire à la Constitution au regard des principes d'égalité devant la loi et de légalité des peines.

La Délégation a approuvé la proposition d'acte, en apportant son soutien à la position du Gouvernement concernant la clause dite de marché intérieur.

¬ Environnement

- proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive établissant un système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre dans la Communauté, au titre des mécanismes de projet du protocole de Kyoto (document E 2358).

M. Bernard Deflesselles a rappelé qu'après l'adoption du protocole de Kyoto en 1997, l'Union européenne avait adopté en 2003 une directive établissant un système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre au sein de la Communauté. Cette directive n'autorise pas les entrepreneurs européens à se prévaloir des crédits résultant de deux mécanismes institués par le protocole de Kyoto, à savoir ceux issus des projets de « mise en œuvre conjointe » (MOC), qui doivent être réalisés dans les pays à économie de transition, et ceux issus des « mécanismes de développement propre » (MBP), mis en œuvre dans les pays en développement.

La présente proposition de directive a donc pour objet d'établir une liaison entre ces dispositifs prévus par le protocole de Kyoto et le système communautaire d'échange de quotas. Elle a donné lieu à de nombreuses réunions communautaires, qui ont permis de mettre à jour des difficultés tenant au plafonnement de l'utilisation des crédits et à l'exclusion de certains types de projet.

Le Parlement européen a examiné ce texte en séance plénière le 20 avril 2004. Il a assoupli les règles de plafonnement en prévoyant que le recours aux crédits liés aux deux mécanismes institués par le protocole de Kyoto ne devrait pas concerner plus de 50 % des efforts de réduction des gaz à effet de serre réalisés dans les Etats membres. En revanche, en ce qui concerne le champ des projets concernés, le texte adopté par le Parlement européen ne satisfait pas les autorités françaises car il exclut l'obtention de crédits liés aux installations nucléaires et aux projets de reboisement. En outre, s'il admet les crédits résultant de la construction de centrales hydroélectriques, il se réfère aux lignes directrices de la commission mondiale des barrages, que la France juge peu pertinentes.

Dès lors, M. Bernard Deflesselles a proposé à la Délégation d'approuver la proposition de directive sous réserve que soient prises en compte les positions françaises relatives à l'absence de plafonnement et à l'extension du champ des projets concernés.

M. Pierre Forgues a estimé que la technicité du sujet rendait difficile sa compréhension et a souhaité disposer de plus de temps pour examiner le contenu de ce texte.

Sur proposition du Président Pierre Lequiller, la Délégation a décidé de reporter sa décision sur la présente proposition de directive à une prochaine réunion.

¬ Espace de liberté, de sécurité et de justice

proposition de règlement du Conseil établissant l'obligation pour les autorités compétentes des Etats membres de procéder au compostage systématique des documents de voyage des ressortissants de pays tiers au moment du franchissement des frontières extérieures des Etats membres, et modifiant à cette fin la convention d'application de l'accord de Schengen et le manuel commun (document E 2463).

M. Christian Philip a précisé que cette proposition de règlement, qui répond à une demande française, vise à renforcer les contrôles aux frontières extérieures de l'Union et la lutte contre l'immigration clandestine, par la mise en place d'un compostage systématique des passeports lors du franchissement des frontières. Il convient de rappeler, en effet, que les ressortissants des pays tiers à l'espace Schengen disposent d'un droit de séjour d'une durée maximale de trois mois et que le contrôle du point de départ de ce délai peut être effectué grâce à l'apposition de cachets sur les documents de voyage de ces ressortissants au moment de leur entrée dans cet espace. Or, les pratiques des Etats membres apparaissent divergentes et ces cachets ne sont pas toujours apposés.

La présente proposition oblige donc les Etats à procéder au compostage systématique des documents de voyage des ressortissants des pays tiers et à instituer une présomption d'irrégularité du séjour en cas d'absence du cachet d'entrée. Des assouplissements pourront être introduits en raison de circonstances exceptionnelles et imprévues, notamment une intensité du trafic telle qu'elle rendrait excessifs les délais d'attente.

L'Allemagne et la Suède ont émis quelques réserves à l'encontre de ce texte car ces deux pays considèrent qu'il soulève des problèmes de compatibilité avec leur droit pénal national. D'autres délégations ont signalé qu'il impliquerait d'importants efforts logistiques. Néanmoins, ces contraintes n'apparaissent pas excessives au regard du renforcement de l'efficacité de la lutte contre l'immigration clandestine.

M. Jérôme Lambert a demandé si ce texte ne conduirait pas à rétablir de nombreux postes fixes de contrôle aux frontières des Etats membres.

M. Christian Philip a précisé que seules les frontières extérieures de l'Union seraient concernées et que cela impliquerait certainement des moyens supplémentaires pour les polices des frontières.

M. Jérôme Lambert a souhaité obtenir des explications complémentaires sur le lien entre le compostage des documents de voyage et la régularité du séjour.

M. Christian Philip a rappelé que les ressortissants des pays tiers disposent d'un droit de séjour de trois mois et que la régularité de ce dernier n'est donc pas apprécié au moment du franchissement de la frontière. En outre, la proposition de règlement prévoit que la régularité du séjour peut être établi par d'autres preuves que l'apposition du cachet.

La Délégation a décidé d'approuver la présente proposition de règlement.

¬ Questions fiscales

- proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2003/49/CE en ce qui concerne la faculté pour certains Etats membres d'appliquer des périodes de transition pour l'application d'un régime fiscal commun applicable aux paiements d'intérêts et de redevances effectués entres des sociétés associées d'Etats membres différents (document E 2574).

Sur la proposition du Président Pierre Lequiller, la Délégation a approuvé ce projet de texte.

Enfin, la Délégation a pris acte de l'accord tacite de l'Assemblée nationale, en vertu d'une procédure mise en œuvre en 2000, dont a fait l'objet le texte suivant :

- lettre de la Commission européenne du 17 mai 2004 relative à une demande de dérogation présentée par l'Autriche en application de l'article 27 de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1977 en matière de TVA (document E 2545).

II. Audition de M. Andreas Khol, Président du Conseil national autrichien

Le Président Pierre Lequiller, après avoir souhaité la bienvenue au Président Andreas Khol, a présenté le rôle de la Délégation pour l'Union européenne. La Délégation, qui n'a pas le statut de commission permanente en raison de la limitation constitutionnelle de leur nombre à six, est chargée de l'examen des propositions d'actes de l'Union comportant des dispositions de nature législative. Elle se réunit, à cette fin, au moins une fois par semaine. Les résolutions européennes adoptées par l'Assemblée nationale ne lient pas le gouvernement français, le Parlement ne disposant pas de la possibilité d'adopter des mandats de négociation impératifs. En pratique, l'exécutif tient cependant le plus grand compte des avis ainsi exprimés. La Délégation contribue, d'une manière générale, à renforcer la place de l'Europe à l'Assemblée nationale, avec la mise en place d'une séance mensuelle de questions au gouvernement consacrée aux thèmes européens, l'organisation d'un débat sur l'avenir de l'Europe avec le président de la Convention, M. Valéry Giscard d'Estaing, ou la création d'une antenne de l'Assemblée nationale à Bruxelles.

La Délégation joue également un rôle important dans le développement des relations interparlementaires, comme en témoignent les missions effectuées par quinze de ses membres dans le cadre du suivi de la Conférence intergouvernementale. L'Assemblée nationale était représentée à la Convention par deux membres de la Délégation : son président, en tant que membre titulaire, et M. Jacques Floch, comme suppléant. La Délégation a ainsi été pleinement associée à l'élaboration du projet de Constitution européenne, et elle devrait se voir confier un rôle clé dans le suivi du respect du contrôle de subsidiarité et la mise en œuvre du droit d'alerte précoce.

Le Président a souligné que cette rencontre a lieu à un moment capital pour l'Europe. Elle intervient à la veille de l'élargissement, le 1er mai 2004 et qui a été approuvé à l'Assemblée nationale à une écrasante majorité. Cet élargissement sera suivi, le 13 juin prochain, par les élections européennes, qui seront sans doute marquées en France par une participation plus forte des citoyens que lors des précédents scrutins européens, le débat commençant à s'animer.

Après avoir remercié le Président Pierre Lequiller de son accueil, le Président Andreas Khol s'est déclaré très intéressé par le fonctionnement de la Délégation. Il a précisé que si la commission principale chargée au Conseil national autrichien des affaires européennes - dont il est le Président - a, en droit, davantage de pouvoirs, le dispositif parlementaire français en la matière était en pratique plus sage. En effet, le Gouvernement autrichien est tenu de respecter les décisions de cette commission, sauf raisons particulières dûment justifiées, mais comme il détient la majorité au sein de cette commission et qu'il ne souhaite pas être contraint par ses positions, celle-ci exprime rarement des désaccords. Lorsque c'est le cas, comme par exemple sur un texte portant sur le transport des animaux, cela a conduit à ce qu'un compromis moins bon soit finalement accepté.

Il a expliqué que si le droit communautaire primaire et les questions les plus importantes relevaient de cette commission principale, le droit communautaire dérivé, constitué principalement par les directives, est du ressort d'une sous-commission des affaires européennes, où tous les partis sont représentés et peuvent faire part de leur position. Cette commission reçoit régulièrement de nombreux avis, qu'elle tend à prendre en compte. Cependant, siégeant toutes les six ou huit semaines, elle ne peut se livrer, comme la Délégation, à un examen systématique des propositions de directives, mais seulement se saisir de textes soulevant des problèmes particuliers. Il a précisé que des systèmes comparables existaient dans les nouveaux Etats membres et que le Conseil national autrichien avait organisé plusieurs rencontres avec les parlements slovène, slovaque, tchèque et hongrois notamment, pour développer la coopération interparlementaire, en particulier dans le domaine du respect de la subsidiarité. Il a invité la Délégation a une rencontre similaire sur ce thème.

Le Président Pierre Lequiller s'est dit vivement intéressé par une telle rencontre et a suggéré de favoriser la communication mutuelle des avis rendus par les commissions parlementaires chargées des affaires européennes sur les projets d'actes communautaires.

Le Président Andreas Khol a souligné que l'existence d'un réseau électronique entre les parlements pourrait être utile à cet effet et précisé que cette future rencontre pourrait avoir lieu avec des délégations parlementaires de pays limitrophes de l'Autriche.

S'agissant du projet de Constitution européenne, il a estimé souhaitable de l'adopter en mai, avant les élections européennes. Il a salué, à cet égard, l'initiative de la Présidence irlandaise, consistant à faire examiner par une commission ad hoc les propositions de modifications suggérées par les Etats membres - sur des questions telles que la protection des minorités ou les services d'intérêt général - et la quatrième partie du projet, qui n'a guère été discutée par la Convention. Il a indiqué qu'il s'était rendu récemment en Pologne et s'est montré confiant sur la position future de ce pays, en particulier sur la question de la double majorité. Il a estimé que, s'agissant du nombre de commissaires, la période de transition proposée était acceptable. Il a considéré en revanche que le recours au référendum pour l'adoption du projet de Constitution n'était pas opportun et souhaité que la France n'y ait pas recours : on peut craindre que si, en Grande-Bretagne par exemple, ce référendum est organisé, tous les mécontents risquent par principe de voter contre et, ce faisant, de faire échouer l'adoption de ce projet essentiel. Concernant le respect du principe de subsidiarité, qui est fondamental, le Conseil national autrichien procédera à un examen attentif. Il conviendra, à cet égard, de mettre en place un dispositif rapide (le Parlement ne disposant que de six semaines pour faire connaître sa position), permettant de réunir l'accord d'au moins un tiers des parlements nationaux.

Après avoir redit sa joie d'accueillir un ami de la France qui avait conservé la présidence du groupe d'amitié parlementaire France-Autriche après son élection à la présidence du Conseil national, Le Président Pierre Lequiller a d'abord exprimé son engagement personnel total en faveur du projet de Constitution européenne. Ce texte est une étape fondamentale pour le progrès de l'Union européenne et tout ce qui a été discuté à la Convention l'a été de manière approfondie. Le blocage de la Pologne et de l'Espagne sur les règles de vote remettait en cause des mois de travail intense sur l'ensemble des questions longuement débattues et il est heureux qu'il soit en voie d'être levé. Il n'est en effet que temps de passer à une Europe fonctionnant à la majorité qualifiée, après l'attentat de Madrid
- attentat contre l'Europe - et il ne faut pas reculer sur les progrès en matière de sécurité ni bloquer l'Europe en restant à l'unanimité. La règle de la double majorité pourrait peut-être être complétée par un mécanisme exceptionnel dans le cas où un intérêt national d'un Etat membre est en jeu, comme l'a proposé le Président Valéry Giscard d'Estaing, de manière à lever les réticences des derniers opposants à ce progrès indispensable.

Sur la composition de la Commission, il a rappelé que l'ancien Premier ministre d'Irlande et conventionnel, M. John Bruton, observait que la règle d'un représentant par Etat membre introduisait de l'intergouvernemental dans la Commission et affaiblissait son pouvoir et son autonomie, au détriment des Etats membres dans le cadre d'un système communautaire compensant les écarts de puissance par une égalité des droits entre tous les membres. Cet argument paradoxal est peut-être difficile à expliquer aux nouveaux entrants à faible population, mais il est tiré de cinquante ans de pratique communautaire et il est juste. Dans l'histoire de l'Union européenne, nombreux ont d'ailleurs été les Présidents de commission issus d'Etats membres à faible population et les candidats qui se profilent pour la future Présidence ne dérogent pas à ces précédents. S'il est tout à fait légitime de prévoir un représentant par Etat pendant une période transitoire, pérenniser une Commission pléthorique serait un recul.

Après s'être associé aux paroles de bienvenue du Président à un ami de la France qui est accueilli par des amis de l'Autriche siégeant sur tous les bancs de la Délégation, M. Jérôme Lambert a déclaré comprendre que le Parlement autrichien n'utilise la possibilité juridique du mandat impératif qu'avec prudence pour laisser une marge de négociation au Gouvernement dans les délibérations au Conseil de l'Union. Par ailleurs, le développement de la coopération entre les parlements nationaux et leurs commissions des affaires européennes ne peut que recueillir un accord unanime, même si les modalités des échanges de vue sur les sujets et les textes européens mériteraient d'être précisées.

Il a marqué son hésitation personnelle sur la question du référendum pour l'adoption du projet de traité constitutionnel, dont on mesure les dangers particulièrement après le choix du Premier ministre britannique d'y recourir. Mais comment dire en démocratie que soumettre la décision au peuple est un risque qu'on ne peut pas prendre ? Le Président François Mitterrand avait pris ce risque pour la ratification du traité de Maastricht, mais ce choix exigerait assurément au préalable un travail d'explication approfondi auprès des citoyens.

M. Christian Philip a rappelé les préoccupations de la Délégation et du Gouvernement pour améliorer les délais de transposition des directives en France et demandé si le Comité du Nationalrat avait institué une procédure de vérification de la transposition des directives en Autriche.

M. Jean-Pierre Abelin a déclaré que, lors des prochaines élections au Parlement européen, des citoyens allaient débattre en particulier du périmètre de l'Europe future et a demandé au Président Andreas Khol son sentiment sur l'adhésion de la Turquie et sur les déclarations du Président Silvio Berlusconi et d'autres dirigeants européens en faveur d'un élargissement de l'Union européenne à d'autres pays encore plus éloignés.

Le Président Andreas Khol a fourni les réponses suivantes :

- la coopération entre parlements nationaux sur les textes européens pourrait reposer sur une consultation par internet dans le cadre du système IPEX, mais la difficulté est de parvenir à rallier un nombre suffisant de parlements à une position dans un délai, prévu par la procédure d'alerte au titre de la subsidiarité, limité à six semaines ;

- il est effectivement difficile de dire aux peuples que la Constitution européenne est importante et qu'ils ne seront pas appelés à se prononcer, mais la démocratie représentative préconisée par Montesquieu est une formule sage toujours d'actualité, compte tenu notamment de l'expérience des référendums locaux ou régionaux en Autriche souvent détournés en vote de confiance ou de défiance au Gouvernement. Le Président Andreas Khol a conclu en proposant un référendum européen dans lequel la majorité décide, comme manière d'affirmer un non dissimulé en oui à une procédure de toute façon constitutionnellement impossible en Allemagne ;

- la transposition des directives se heurte en Autriche à des difficultés d'application par les neuf länder, mais le contrôle du Gouvernement lui a permis de combler en partie son retard. Le point essentiel est cependant de renforcer la procédure d'examen parlementaire, moins en aval de la décision du Conseil de l'Union qu'il est difficile de modifier, mais en amont avant l'adoption de la directive par le Conseil ;

- le périmètre de l'Europe future et l'ouverture des négociations avec la Turquie sont en fait la seule question qui sera discutée lors de ces élections européennes. Tous les pays de l'Union ont une approche mitigée sur ce sujet. Une décision de principe sur les critères d'adhésion a été prise avant que l'Autriche entre dans l'Union, au Conseil européen de Copenhague en 1993, mais maintenant qu'il faut se prononcer sur une nouvelle étape, l'Autriche suit avec intérêt la proposition du Président de l'UMP, M. Alain Juppé, ainsi que la position assez favorable du ministre des Affaires étrangères, M. Michel Barnier. Il faudra examiner d'abord ce que cela coûtera et vérifier si les peuples sont prêts. Un référendum sur le traité constitutionnel les amènerait à se prononcer sur la candidature de la Turquie et de la Croatie. L'Autriche est en faveur de l'ouverture de négociations avec la Croatie qui est mûre pour s'y engager. L'ouverture des négociations avec la Turquie exige d'examiner les faits et non l'idéologie. La Constitution ne comporte pas de référence à Dieu ni aux racines chrétiennes, amendement qui avait son soutien en sa qualité de démocrate chrétien, mais compte tenu de l'opposition exprimée par la France, il est difficile de revenir dessus et l'approche du dossier turc reste donc ouverte sur ce plan.

L'Autriche est favorable à l'élargissement, avec ses préoccupations mais sa joie encore plus grande. L'Union va toutefois se réveiller le 2 mai avec un coût qu'elle n'a pas complètement prévu. L'Autriche a signé la lettre des Six et considère qu'un budget de l'Union fixé à 1 % de son PIB doit suffire compte tenu de la progression annuelle de ce PIB. Sinon, l'Union devra prélever un impôt européen, par exemple sur le kérosène, pour financer des dépenses supplémentaires sans augmenter la contribution nationale de chaque Etat membre.