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DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 88

Réunion du mardi 15 juin 2004 à 17 heures

Présidence de M. Pierre Lequiller, Président,
puis de M. Christian Philip, vice-président

I. Examen du rapport d'information de M. Edouard Landrain sur les réformes de l'assurance maladie en Europe

M. Edouard Landrain a indiqué que si la réforme de l'assurance maladie, pilier de notre protection sociale, suscitera encore sans doute bien des débats, une chose aujourd'hui était certaine et admise par tous : cette réforme est impérative et urgente. En effet, si notre couverture sociale dans le domaine de la santé est très protectrice, notre régime d'assurance maladie, par son coût et ses lourdeurs, conduit à une double impasse. Impasse financière, d'abord, puisque le déficit de la branche maladie s'élèvera à 13 milliards d'euros cette année et devrait s'alourdir, selon les prévisions, d'environ 3 milliards par an - pour atteindre, si rien n'est fait, près de 30 milliards en 2010 et 66 milliards en 2020. Impasse sanitaire et sociale, ensuite, car le régime actuel ne peut permettre, en l'état, de maintenir une offre de soins de qualité élevée pour tous.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a fait de cette réforme l'une de ses premières priorités. Un large processus de consultation a été engagé, relayé à l'Assemblée nationale par la mission d'information sur la problématique de l'assurance maladie présidée par M. Jean-Louis Debré, à laquelle le rapporteur a participé.

Cependant, un besoin d'information demeure. D'une part, parce que - les sondages en témoignent - beaucoup de nos concitoyens ignorent encore la réalité de la situation. D'autre part, dans la mesure où les réformes entreprises par nos partenaires européens sont peu connues. Comme l'ont montré les précédents rapports de la Délégation sur le service minimum dans les services publics et l'aménagement du temps de travail en Europe, l'observation des systèmes étrangers est utile à au moins deux égards. D'abord, pour mieux apprécier nos forces et nos faiblesses ; mais aussi et surtout, pour identifier, au travers des expériences étrangères, les bons et les mauvais remèdes. L'entreprise est d'autant plus justifiée en l'occurrence que peu d'études exhaustives actualisées existent en la matière.

Elle s'inscrit en outre dans l'esprit des traités et de la politique communautaires. Rappelons notamment qu'au titre de l'article 137, point 2, du traité instituant la Communauté européenne, le Conseil peut - ce qu'il fait en pratique - adopter des mesures destinées à « encourager la coopération entre les Etats membres par le biais d'initiatives visant à améliorer les connaissances, à développer les échanges d'informations et de meilleures pratiques ». D'ailleurs, constatant que la protection sociale représente un élément essentiel du modèle européen, la Commission européenne a proposé, dans une communication du 20 avril dernier, de favoriser « la définition d'un cadre commun permettant de soutenir les efforts nationaux de réforme et le développement des soins de santé (...) pris en charge par la protection sociale, grâce à l'application de la « méthode ouverte de coordination » ». Cette démarche rejoint le souhait exprimé par le Parlement européen en la matière.

Le rapporteur a précisé que, pour la rédaction de ce rapport, il a interrogé, par le biais d'un questionnaire, l'ensemble des postes diplomatiques et des missions économiques des Etats membres et de quelques autres pays industrialisés. Il s'est, en outre, rendu à Bruxelles, auprès des services de la Commission européenne, ainsi qu'en Allemagne, aux Pays-Bas, en Finlande et en Italie. Il a par ailleurs entendu plusieurs experts français, notamment dans le cadre de la mission d'information sur la problématique de l'assurance maladie.

Il ressort de ce travail que, si les défis de l'assurance maladie - définie comme tout régime de sécurité sociale de soins garanti par des institutions publiques - sont généralement communs à tous les pays (vieillissement de la population, maîtrise des dépenses, qualité et accès aux soins), les réformes auxquelles elle a donné lieu ne peuvent être comprises qu'en fonction des caractéristiques propres à chaque système de soins. Dès lors, on peut faire cinq constats principaux, concernant respectivement les systèmes publics nationaux de santé, les régimes libéraux, les modèles d'assurance de type bismarckien, les systèmes mixtes d'Europe du Sud et le cas de la France.

Premier constat : les systèmes publics nationaux de santé - financés par l'impôt et incarnés par des pays comme le Royaume Uni, la Suède, la Finlande ou le Danemark - tendent à être décentralisés et mis en concurrence. On observe également dans ces Etats une modernisation et une informatisation de la gestion, une responsabilisation financière des patients, l'amélioration de l'accès aux soins (pour réduire les listes d'attente) et l'accroissement de l'évaluation et du contrôle.

Ainsi, par exemple, en Finlande, le régime d'assurance maladie finlandais a fait l'objet d'une vaste réforme au début des années 1990, consistant à transférer la gestion et le financement des services publics sociaux et de santé (y compris hospitaliers) aux 446 municipalités. Aujourd'hui, le système d'assurance maladie finlandais est considéré comme le plus décentralisé au monde. Les municipalités assurent, à travers leurs 270 centres de santé locaux, de nombreuses prestations, telles que les consultations médicales, l'assistance médicale aux personnes âgées, les soins dentaires, ou la santé scolaire.

La gestion des hôpitaux, qui relève également directement des municipalités et des districts, a été largement rationalisée au cours des dernières années : distinction entre les structures à caractère général et les établissements spécialisés ; adaptation de la carte hospitalière aux besoins ; application de méthodes de « management » privé, à des fins d'efficacité ; renforcement de l'autonomie de gestion dans le cadre d'une négociation annuelle sur les services et les prix avec les municipalités.

Parallèlement, cette réforme, en renforçant la contribution financière des usagers, a permis de mieux maîtriser les dépenses de santé. En effet, depuis 1993, les services des centres de santé sont payants, sauf pour les enfants de moins de quinze ans. Le patient a le choix entre un abonnement forfaitaire (de l'ordre de 22 euros par an), lui permettant de bénéficier de consultations gratuites, et le paiement de chaque consultation (à 11 euros), avec un plafond maximum de 33 euros (soit trois consultations). Les soins offerts par les centres privés - qui se développent - ne sont remboursés par la sécurité sociale qu'à hauteur d'environ un tiers. Quant aux hôpitaux, les soins y sont payants dans la limite de plafonds nationaux, qui sont notamment de 15 euros pour une consultation d'urgence, 22 euros pour une consultation de spécialiste, 27 euros pour le forfait hospitalier et 72 euros pour la chirurgie de jour. Enfin, les médicaments sont généralement remboursés à 50 % pour la part dépassant 8 ou 10 euros par médicament prescrit, ce taux de remboursement pouvant atteindre 75 ou 100 % pour les malades souffrant de pathologies chroniques.

Les centres de santé et les hôpitaux devront par ailleurs respecter des délais maximums pour l'accès à leurs services. Ces délais devraient être de trois jours au plus pour pouvoir consulter un médecin généraliste, de trois semaines pour un médecin spécialiste, et de trois à six mois pour des soins hospitaliers. Il est prévu, en outre, de généraliser le système de données informatiques actuel, qui permet à chaque médecin, dans chaque centre de soins, de consulter, sur son ordinateur, outre les bases de données nationales et internationales, les dossiers des malades. Ces dossiers comprennent le plus souvent les caractéristiques générales du patient, les prescriptions qui lui ont été attribuées et les examens médicaux, tels que les radiographies ou les électrocardiogrammes.

Le niveau relativement bas des dépenses de santé en Finlande s'explique largement par l'efficacité de ce système très décentralisé, sa modernisation et la responsabilisation financière des patients. En outre, le fait, pour un malade, de devoir passer par son médecin généraliste pour bénéficier de la consultation d'un spécialiste ou d'un service hospitalier, a tendu à réduire les dépenses occasionnées par les patients, d'autant que les médecins doivent suivre des règles générales de prescription visant à optimiser les dépenses.

Le bilan de la réforme finlandaise se révèle nettement positif, d'autant qu'il a suscité un large accord des forces politiques et de l'opinion publique. On note cependant deux inconvénients principaux : des différences de prestations significatives d'une région à une autre et la persistance de listes d'attente importantes pour certaines opérations chirurgicales non urgentes.

Deuxième constat : les régimes libéraux, illustrés principalement par les Etats-Unis et - de façon plus réglementée - par la Suisse et le Japon, témoignent d'une volonté de mieux réguler l'accès aux soins. Ces régimes, reposant largement sur l'assurance privée et caractérisés généralement par l'absence de protection publique universelle et obligatoire financée par la solidarité, ont conforté les principes sur lesquels ils reposent : liberté de l'offre et de la demande, responsabilisation financière des assurés, part importante accordée à la concurrence et à l'économie de marché. Parallèlement, ils ont cherché à améliorer le système de couverture publique à l'égard des personnes les plus fragiles, en particulier les personnes âgées. Des inégalités marquées subsistent néanmoins, notamment aux Etats-Unis. Les Pays-Bas et l'Irlande, bien que relevant traditionnellement d'autres régimes, tendent à se rapprocher de ce modèle.

Troisième constat : les régimes d'assurance de type bismarckien, reposant sur les cotisations sociales - que l'on trouve en Allemagne, aux Pays-Bas, en Autriche ou dans la plupart des pays d'Europe centrale - font une place croissante à la responsabilité financière des assurés, à la concurrence, à l'efficacité de gestion et au secteur privé

Ainsi, la réforme allemande tend-elle à accroître la contribution des assurés et à rationaliser les dépenses. L'augmentation de la contribution des malades se traduit par la hausse des trois principaux tickets modérateurs : s'agissant de la médecine de ville, un ticket modérateur de 10 euros par trimestre, dit aussi « taxe de consultation », a été instauré. Cette taxe doit être versée dès la première consultation et quel qu'en soit le nombre. Concernant les séjours hospitaliers, les patients doivent payer, depuis le 1er janvier 2004, un ticket modérateur de 10 euros par jour, au lieu de 9 euros auparavant, dans la limite de 14 jours par an. Pour les médicaments, le ticket modérateur est fixé à 10 % du coût des produits prescrits, avec une participation minimale de 5 euros et maximale de 10 euros. Il est parallèlement prévu deux autres mesures pour augmenter les recettes : une hausse de la fiscalité sur le tabac, consistant à valoriser le prix du paquet de cigarettes de 1 euro en trois étapes d'ici le 1er juin 2005 ; un accroissement de la cotisation des retraités en 2004, qui devrait passer de 50 % à 100 % du montant normal des cotisations.

Plusieurs mesures visent parallèlement à diminuer les prestations : le déremboursement des médicaments non prescrits, considérés comme des produits « de confort » ; la suppression du remboursement de certaines prestations (fourniture de lunettes ou de lentilles de contact, allocations de décès, opérations de stérilisation sans nécessité médicale...), ainsi que des frais de prothèses dentaires à partir de 2005. En outre, les indemnités journalières de maladie ne seront plus prises en charge par le régime général d'assurance maladie à partir de 2007. Elles feront alors l'objet d'une assurance particulière contractée par les assurés auprès de leur caisse d'assurance maladie.

Enfin, la réforme comporte de multiples dispositions tendant à améliorer le fonctionnement du système de santé : le renforcement de l'autonomie de gestion confiée aux caisses ; la mise en place d'un institut chargé de mesurer et de contrôler la qualité des soins ; une incitation aux soins préventifs (les caisses pourront accorder un bonus aux assurés acceptant de se soumettre à certains types de contrôles) ; le développement du système du « médecin référent » ; l'accroissement de la lutte contre la fraude ; le remplacement de la carte à puce actuelle par la carte de santé électronique, qui contiendra à la fois les données personnelles du patient et les ordonnances du médecin ; l'obligation pour les médecins de se soumettre à une formation permanente dans leur domaine de spécialisation ; un renforcement de la protection des intérêts et des droits des patients ; le développement des génériques
- notamment en permettant aux pharmaciens de substituer ces produits aux médicaments prescrits et en les y incitant financièrement.

L'ensemble de ces mesures devrait, selon le gouvernement allemand, permettre de rapporter 9,9 milliards d'euros en 2004 et 23,1 milliards d'euros en 2007. Ces importantes économies auront trois objets principaux : remédier au déficit de l'assurance maladie, désendetter les caisses et diminuer les cotisations. La diminution des cotisations d'assurance maladie est motivée par la nécessité de réduire les charges sur les salaires et le coût global du travail, afin de renforcer la compétitivité de l'économie allemande et d'éviter les délocalisations d'entreprises et de personnels vers des pays à plus faible coût de main-d'œuvre. Si cette réforme devrait a priori remédier aux difficultés financières actuelles, pour la plupart des observateurs, elle se révèle cependant insuffisante pour améliorer l'efficacité globale du système. C'est pourquoi d'autres mesures sont actuellement à l'étude en Allemagne.

M. Edouard Landrain a également évoqué la réforme des Pays-Bas, qui tend à rendre le système néerlandais de plus en plus libéral. Ce régime, qui est mi-public, mi-privé, est confronté à deux défis principaux : un accroissement rapide des dépenses de l'assurance maladie et des files d'attente pour certains soins non urgents. Pour remédier à ces difficultés, le Gouvernement a, avec l'accord de la plus grande partie des forces politiques et syndicales, engagé deux grandes séries de réformes.

En premier lieu, un ensemble de mesures visant à maîtriser la dépense. Il s'agit notamment de responsabiliser les malades. A cet effet, certaines franchises ont été augmentées depuis le 1er janvier 2003 dans le cadre du régime AWBZ (gros risques non assurables sur le marché) : celle pour l'hospitalisation à domicile est passée de 4,60 euros à 11,80 euros par heure et celle pour le séjour dans une institution de soins a été accrue de 2 %. Le Gouvernement estime, en effet, que les patients ne sont pas assez sensibilisés au coût des dépenses qu'ils entraînent. Selon le ministre de la santé, M. Hoogervorst, le système s'apparenterait pour eux à « un supermarché sans caisse ». Aussi, est-il envisagé d'aller plus loin et de mettre en œuvre un système appelé « no claim » (non réclamation). Ce dernier consisterait à verser, à partir de 2005, une somme de 250 euros par an aux assurés qui ne déclareraient pas ou quasiment pas de frais de santé, afin de les dissuader de recourir à une consommation médicale excessive.

Il est prévu en outre de dérembourser un certain nombre de prestations - telles que la kinésithérapie ou les soins dentaires -, d'encourager la consommation de génériques - en offrant aux pharmaciens des facultés de substitution et en accroissant leurs marges sur la vente de ces produits - et de mettre en place un financement par pathologie. Celui-ci se combinera avec l'obligation existante de consulter un médecin référent avant d'avoir recours à un spécialiste pour être remboursé.

Le Gouvernement néerlandais a, en deuxième lieu, entrepris une refonte générale du système en vue de le simplifier et de le libéraliser. Le projet consiste à remplacer les différents régimes publics existants (AWBZ, ZFW, WTZ...) par un régime universel unique. Par ailleurs et surtout, le Gouvernement néerlandais a décidé, le 12 décembre 2003, que ce nouveau système d'assurance maladie aura un statut privé. Ce système garantira néanmoins la solidarité entre les assurés en imposant l'obligation pour les assureurs d'accepter tous les malades qui le souhaitent pour un même montant, sans distinction d'âge ou de situation de santé. Des « paquets » standards de prestations seront définis. Le financement sera assuré par des primes nominales fixes pour tous les assurés et des contributions des employeurs, proportionnelles aux revenus des salariés. De manière générale, le Gouvernement souhaite accroître la concurrence entre les acteurs du système de santé pour fournir un service au meilleur rapport qualité/coût. L'Etat reste responsable de la définition des garanties relatives à la qualité des soins, à leur accès et à leur coût, mais il tend à déléguer la gestion des dépenses de santé à des assureurs et des fournisseurs de soins privés.

Quatrième constat : les systèmes mixtes d'Europe du Sud (Italie, Espagne, Portugal, Grèce) sont marqués par une volonté de décentralisation, de responsabilisation et de libéralisation. En effet, les réformes engagées par les systèmes mixtes d'Europe du Sud sont dans l'ensemble caractérisées par la décentralisation des décisions, la responsabilisation financière des assurés et des prestataires, et la part importante accordée aux entreprises et méthodes de « management » du secteur privé.

Ainsi, en Italie, par exemple, deux grandes séries de réformes sont intervenues pendant les quinze dernières années : au cours de la décennie 1990, puis en août 2001, lors de la signature du dernier accord Etat-régions. Toutes deux ont eu pour axe majeur la régionalisation. A la veille des années 1990, le système italien était marqué par des déficits récurrents, de l'ordre de 1 % du PIB. Cette situation tenait à la déresponsabilisation des régions - pourtant principales gestionnaires du système de santé - au profit de l'Etat, qui fixait les cotisations des assurés et les dotations budgétaires de ces collectivités, et comblait systématiquement les déficits de celles-ci. Pour y remédier, pleine compétence financière et juridique a été donnée aux régions. Cela a conduit parallèlement à les responsabiliser, de même que les patients et les principaux acteurs du système de santé. Les réformes des années 1990 ont eu essentiellement trois objets : accroître la part des recettes propres des régions, étendre leurs compétences, baisser les prix des médicaments et augmenter le ticket modérateur. Ces mesures ont permis de diminuer les dépenses publiques de santé de 6,3 à 5,7 % du PIB entre 1990 et 1999.

L'accord Etat-régions d'août 2001 a conduit à responsabiliser davantage les acteurs. Trois principaux types de mesures ont été prises : l'Etat s'est engagé à combler les déficits des régions pour la dernière fois, moyennant un accroissement des transferts budgétaires et du prélèvement régional sur la TVA jusqu'à 6 % du PIB ; les régions sont devenues les seules responsables de l'équilibre budgétaire et ont reçu en conséquence une compétence législative exclusive en matière sanitaire ; de nouvelles dispositions tendant à maîtriser les dépenses pharmaceutiques ont été adoptées (baisse de 5 % du prix des médicaments, révision de la liste des médicaments remboursés, développement des génériques).

Cette responsabilisation des acteurs a porté ses fruits. Les régions ont commencé à mettre en œuvre des mesures complémentaires à celles prises par le Gouvernement concernant les dépenses pharmaceutiques, notamment en réintroduisant des tickets modérateurs. En conséquence, ces dépenses ont tendu à diminuer. Plusieurs régions ont, en outre, entrepris de rationaliser la gestion hospitalière. Dans l'ensemble, le déficit s'est, selon les informations communiquées par notre mission économique de Rome, contracté de 0,7 % à 0,25 % du PIB de 2001 à 2002. On relève cependant encore plusieurs inconvénients : la difficulté de concilier la décentralisation et un traitement égal de tous les citoyens sur l'ensemble du territoire italien, un mécanisme de péréquation entre les régions insuffisant et la persistance de certaines listes d'attente.

Cinquième constat : dans ce contexte, la France - qui s'apparente à un régime d'assurance de type bismarckien - se caractérise par une bonne couverture sociale, mais aussi par un surcoût et des lacunes, qui appellent de profondes adaptations.

M. Edouard Landrain a rappelé que le système de santé français comportait, par rapport à la moyenne des autres pays développés, deux avantages principaux : une couverture sociale étendue et une situation sanitaire globalement satisfaisante.

Cependant, le régime français d'assurance maladie est un des plus coûteux du monde. Le niveau des dépenses publiques de santé l'atteste largement : avec 7,4 % du PIB en 2002, il est le quatrième plus élevé de l'OCDE, après l'Allemagne (8,6 %), l'Islande (8,3 %) et la Suède (7,9 %). Le niveau des dépenses totales, qui englobe les dépenses d'assurance privée, fait aussi partie des scores les plus hauts de l'OCDE, avec 9,7 % du PIB en 2002, après les Etats-Unis (14,6 %), la Suisse (11,2 %), l'Allemagne (10,9 %) et l'Islande (9,9 %). On estime, en outre, que la France se situe au premier rang mondial en volume de consommation de médicaments par habitant.

Or, plusieurs pays offrent des prestations de santé de qualité comparables, voire parfois meilleures, à un coût nettement inférieur (1 à 2 points de PIB en moins). C'est le cas, par exemple, de la Finlande, avec un niveau de dépenses publiques de santé de 5,5 % du PIB, et de dépenses totales de 7,3 % du PIB, ou de l'Autriche (avec des taux respectivement de 5,4 % et 7,7 %), de l'Espagne (5,4 % et 7,6 %), de l'Irlande (5,5 % et 7,3 %), ou de l'Italie (6,4 % et 8,5 %). D'ailleurs, la dérive des dépenses de santé en France par rapport à la moyenne européenne est particulièrement marquée.

Ce surcoût - ainsi que les éventuelles carences sanitaires du système - sont liés à plusieurs faiblesses structurelles : un système centralisé et complexe, source de lourdeurs et de paralysies ; une responsabilisation insuffisante des assurés (la participation financière des assurés français au coût des soins est une des plus faibles des pays développés) ; une régulation de l'offre de soins limitée (diffusion et application limitées de références ou bonnes pratiques médicales, absence de médecin référent ...) ; une mise en concurrence des établissements de soins relativement réduite ; des risques de fraude trop nombreux ; et le besoin d'une évaluation indépendante au cœur de la décision.

Le nombre et l'ampleur de ces handicaps ou insuffisances appellent à l'évidence de profondes adaptations de notre système de santé. S'il n'appartient pas à la Délégation d'en proposer le contenu, on peut néanmoins retenir des expériences étrangères un certain nombre d'orientations ou de mesures utiles qui sont détaillées dans le rapport.

En conclusion, le rapporteur a indiqué que les pays européens (et développés en général) étaient tous confrontés peu ou prou au même défi : maîtriser les dépenses de santé - dans un contexte marqué par le vieillissement démographique et le coût élevé de certaines nouvelles techniques médicales - tout en garantissant un bon accès aux soins et la qualité de ceux-ci. Ces pays ont répondu à ces défis par un ensemble de réformes, recoupant cinq principales tendances : la décentralisation de la gestion et des financements dans le cadre de règles et objectifs définis par l'Etat ; la mise en concurrence régulée des prestataires de santé ; la responsabilisation des acteurs (hôpitaux, professionnels de santé, patients ...) ; la modernisation de la gestion, notamment par des méthodes de « management » performantes, la rationalisation de l'organisation des réseaux de soins et le développement des nouvelles technologies de l'information ; et le renforcement de l'évaluation et du contrôle par des organismes indépendants.

Il a ajouté que la France - dont le système est encore très centralisé, où la mise en concurrence et la responsabilisation des acteurs sont limitées et où l'efficacité de gestion et le mécanisme d'évaluation demeurent insuffisants - gagnerait à s'inspirer des meilleures pratiques instaurées à l'étranger. Selon lui, au vu des expériences étrangères, cette réforme peut et doit se faire dans la durée à coût constant - sans prélèvement supplémentaire. Par ailleurs, l'assainissement de notre assurance maladie ne saurait se limiter à des mesures ponctuelles, mais impose aussi de profondes modifications de structure.

Cela n'est possible à ses yeux qu'à une condition : le courage politique. Le courage de faire passer l'intérêt général - l'avenir de notre système de santé, facteur clé de notre épanouissement et de notre prospérité - avant les intérêts catégoriels ou partisans. Cela vaut pour l'ensemble des parties prenantes, qu'il s'agisse des assurés - qui sont à 62 % favorables à une grande réforme de l'assurance maladie et à 81% prêts à réduire leur consommation de soins et de médicaments -, mais aussi des partenaires sociaux, des caisses, des administrations, des professionnels de santé, et, bien entendu, des partis et des responsables politiques. Les accords globaux auxquels sont parvenus des pays comme l'Allemagne, les Pays-Bas ou la Finlande, et l'esprit de responsabilité collective qui s'y est exprimé, sont à cet égard des exemples à méditer.

Le Président Pierre Lequiller a souligné l'intérêt d'une étude sur les sujets de société à partir des exemples européens. Des solutions qui semblent au premier abord entachées d'idéologie apparaissent en définitive transposables. Le rapport, particulièrement complet, devrait ainsi être porté à l'attention de l'ensemble des députés.

Après avoir souligné combien le sujet de l'assurance maladie était d'actualité, puisqu'il allait faire l'objet d'un débat parlementaire dans les prochains jours, M. Jérôme Lambert a fait part de ses réserves quant aux analyses et propositions du rapporteur s'agissant de la France. Le niveau le plus élevé des dépenses de santé est aux Etats-Unis, pays où le système libéral est l'un des plus accomplis au monde. Une telle situation ne saurait être imputée au hasard. Le rendement de la santé peut en effet être apprécié selon deux points de vue. D'une part, celui du patient ou du citoyen, dont les conditions de vie s'améliorent. Aucune économie n'est alors envisageable, la vie étant considérée comme n'ayant pas de prix. D'autre part, du point de vue des bénéfices des entreprises qui interviennent dans le domaine de la santé. Ceux-ci peuvent alimenter des spéculations aux enjeux importants mais purement financiers, et n'être pas utilisés pour la création d'emplois. Dans un tel contexte, il importe de ne pas pénaliser le patient par des prélèvements supplémentaires. S'agissant par ailleurs de la lutte contre la fraude, il a demandé quelles étaient les mesures prévues à l'étranger.

M. Bernard Derosier a salué l'intérêt du rapport, mais a fait part de ses réserves sur les analyses du rapporteur. Il a ensuite demandé des éléments sur les modalités de gestion des systèmes d'assurance maladie. Le schéma paritaire en vigueur en France n'est pas pleinement satisfaisant. Le droit de regard du Parlement se limite aux lois de financement de la sécurité sociale. Certaines solutions ne peuvent-elles pas être inspirées de l'exemple des pays scandinaves ? S'agissant du financement, les exemples étrangers montrent l'importance du financement par l'impôt.

M. Guy Lengagne a évoqué l'hypothèse d'une affectation au financement de l'assurance maladie des taxes sur le tabac et sur l'alcool.

Mme Anne-Marie Comparini, après avoir souligné la qualité du rapport, s'est déclarée étonnée par le nombre des systèmes décentralisés de gestion de l'assurance maladie dans les Etats de l'Union européenne. Elle a interrogé le rapporteur sur l'existence de mécanismes centraux de compensation en cas de disparités entre collectivités territoriales. Par ailleurs, les systèmes de protection sociale financés par les salaires ont été créés dans le contexte de l'après-guerre ; le vieillissement de la population que l'Europe connaît aujourd'hui impose des adaptations.

M. Daniel Garrigue, après avoir souligné l'importance de la dérive des dépenses de santé en France, a interrogé le rapporteur sur la situation dans les Etats de l'Union européenne.

M. Guy Lengagne, se référant à l'existence d'un débat en France, a interrogé le rapporteur sur le prix de la consultation médicale dans les Etats membres.

Le rapporteur a apporté les éléments de réponse suivants :

-  la lutte contre la fraude a été particulièrement intensifiée en Allemagne. Une cellule de détection de la fraude doit être instituée dans chaque union de médecins conventionnés ainsi que dans les caisses d'assurance maladie. L'expérience montre que les systèmes informatiques qui préservent l'anonymat peuvent parfois conduire à des pratiques de fraudes ;

- le rapport n'aborde pas la question des modalités de gestion des systèmes d'assurance maladie d'une manière systématique et exhaustive. Sur un plan très général, deux principes prédominent en Europe : un financement par l'impôt et une gestion décentralisée. Un tel dispositif semble plus favorable aux économies. En Allemagne, la gestion des caisses d'assurance maladie est assurée par les Länder. En Italie, cette responsabilité incombe aux régions. Par ailleurs, le contrôle des organismes est effectué dans certains pays par des autorités indépendantes. Aux Pays-Bas, les programmes des partis politiques en matière d'assurance maladie font l'objet, six mois avant les élections, d'une évaluation indépendante dont les conclusions sont rendues publiques. Les possibilités de leur mise en œuvre sont ainsi mesurées ;

- ses travaux antérieurs l'ont conduit à proposer l'affectation d'une taxe sur les cigarettes, à taux très faible, au financement du sport ;

- il existe dans les systèmes décentralisés des mécanismes de compensation par l'Etat des inégalités entre collectivités. L'Etat doit donner les grandes orientations, avoir une vision globale, tandis que la gestion quotidienne doit relever des collectivités territoriales. Cette démarche permet de réaliser des économies et d'accomplir un travail en profondeur ;

- le phénomène de dérive des dépenses de santé est général et s'explique par le vieillissement de la population. La France connaît cependant une hausse nettement supérieure à la moyenne européenne. Elle doit donc fournir un effort plus intense que les autres ;

- concernant le prix de la consultation médicale, on peut citer l'exemple de l'Allemagne, où chaque patient doit verser dix euros par trimestre en médecine de ville et dix euros par jour à l'hôpital. A cet égard, le rapport souligne la nécessaire responsabilisation des patients.

En conclusion, le rapporteur a estimé que les différences culturelles entre les Etats de l'Union européenne rendent improbable une harmonisation des systèmes d'assurance maladie.

Le Président Pierre Lequiller a remercié le rapporteur et émis le souhait que le rapport soit utilisé lors du débat en France. Il a souligné l'intérêt de cette démarche comparative, qui introduit une dimension européenne dans les grandes discussions nationales.

A l'issue de ce débat, la Délégation a autorisé la publication du rapport d'information.

II. Communication de M. Thierry Mariani sur le contrôle des frontières extérieures de l'Europe réunifiée

M. Thierry Mariani a rappelé que cette mission s'inscrit dans la continuité du rapport de la Délégation sur l'Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des Etats membres de l'Union européenne. Il a indiqué qu'elle lui a permis de mesurer, sur le terrain, l'efficacité des contrôles aux frontières en Pologne et en Ukraine. Cette frontière a été choisie pour cette mission parce qu'elle est l'une des plus difficiles à contrôler. La Pologne a en effet la frontière extérieure terrestre la plus longue des nouveaux Etats membres, sur laquelle le trafic des passagers est important et dont la plus grande partie, située en zone rurale ou forestière, a été tracée au cordeau, sans l'appui d'une frontière naturelle.

En dépit des efforts importants réalisés par la Pologne, avec le soutien de l'Union européenne, pour renforcer le contrôle de ses frontières, la situation reste préoccupante.

La Pologne a été confrontée à des changements géostratégiques majeurs, depuis 1989. Ces bouleversements, suivis par son adhésion à l'Union européenne, ont conduit les autorités polonaises à réformer le contrôle de ses frontières, qui était jusque là surtout assuré par les troupes du Pacte de Varsovie. La garde frontière polonaise a été progressivement démilitarisée et transformée en force de police. Elle a reçu de nouvelles compétences de police judiciaire (écoutes téléphoniques, possibilité d'effectuer des livraisons surveillées, etc.) pouvant être exercées sur l'ensemble du territoire. Sa structure a également été modifiée, avec la fusion des directions des passages frontaliers et de la protection de la frontière verte. Le nombre des unités de protection de la frontière (chargées de protéger la frontière verte, c'est-à-dire les zones situées entre les postes frontières) sur la frontière orientale a été augmenté, avec la création de 21 nouvelles unités. Ces créations ont permis de réduire le kilométrage surveillé par chaque poste, qui est passé de 100 km à 23 km en moyenne. Un effort de rénovation des postes frontières actuels a également été engagé.

Les effectifs des gardes frontières étaient insuffisants. Ils sont renforcés, avec un recrutement de 1325 agents par an de 2003 à 2006, soit une augmentation totale de 5 300 personnes. Le recours aux conscrits est progressivement supprimé, afin de professionnaliser la garde-frontière, qui comporte cependant encore de nombreux appelés (près de 2 500, sur un total d'environ 12 000 gardes frontières).

L'aide reçue de l'Union européenne a également permis l'achat d'un matériel sophistiqué, tels que des caméras de détection thermiques, scanners, lunettes portatives à visée nocturne, endoscopes, 4X4, quads, motos tout terrain, motoneiges, etc. Des vedettes rapides, des avions de patrouilles et des hélicoptères seront achetés prochainement pour le contrôle des frontières maritimes. La garde frontière polonaise devrait en effet recevoir 70 % des 89 millions d'euros alloués à la Pologne au titre des « facilités Schengen » pour la période 2004-2006.

La lutte contre la corruption a été intensifiée, avec la création d'un corps d'inspection (une « police des polices »), aux compétences étendues. La coopération avec les autorités des Etats voisins, sur la frontière orientale (Bélarus, Russie et Ukraine), s'est renforcée. Elle est meilleure avec les autorités biélorusses et russes qu'avec l'Ukraine.

Ces efforts justifient, selon les autorités polonaises, que le siège de l'Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures de l'Union soit situé à Varsovie. D'autres nouveaux Etats membres sont cependant également candidats (l'Estonie, la Hongrie, Malte et la Slovénie), et le Président de la République, M. Jacques Chirac, a apporté son soutien à Budapest lors de sa visite officielle en Hongrie, les 23 et 24 février derniers.

La situation reste cependant préoccupante. Certains des éléments positifs avancés doivent en effet être relativisés. Les augmentations d'effectifs annoncées par les autorités polonaises (+ 5 300), par exemple, ne prennent pas en compte le remplacement des conscrits (2 500 actuellement) et des départs (retraites, démissions, etc.). Elles sont donc sensiblement moins élevées que le chiffre annoncé. Selon certains experts, il manquerait environ 5 000 personnes pour assurer une présence efficace sur la « frontière verte » orientale. Le redéploiement des effectifs vers la frontière orientale progresse en outre difficilement, alors que la frontière occidentale avec l'Allemagne est appelée à devenir une frontière intérieure.

Les fonds accordés par l'Union européenne ont permis des achats de matériels sophistiqués, mais ils ne permettront pas de financer leurs coûts de fonctionnement et de maintenance. Le contingentement du carburant, par exemple, a pour conséquence que certains des véhicules tout terrain achetés parcourent à peine 2 000 km par mois, soit moins de 70 km par jour (soit une patrouille aller-retour). Le remplacement de certaines pièces des caméras thermiques, particulièrement onéreuses, ne pourra également qu'être difficilement assuré. D'une manière générale, il ne semble exister aucune vision budgétaire des coûts de fonctionnement et de maintenance de ces matériels. La méthodologie des contrôles pose également problème, les procédures répondant davantage à un objectif de quantité que de qualité. L'examen des titres et documents présentés par les voyageurs est systématique, mais ne suit pas une véritable logique d'analyse de risque, indispensable pour assurer un contrôle efficace. La coordination entre la garde-frontière, la douane et la police reste aussi à perfectionner.

Le trafic illégal de cigarettes et d'alcool est florissant sur la frontière orientale. Chaque jour, des milliers de personnes en provenance d'Ukraine et de l'enclave russe de Kaliningrad, appelées « tchelnokis » (« fourmis »), font la navette entre ces pays et la Pologne, chargées de cartouches de cigarettes et d'alcools. Selon certaines estimations, environ 90 % des franchissements de la frontière avec la Russie seraient liés à ce trafic.

La corruption des fonctionnaires des douanes et de la garde frontière est loin d'avoir disparu, en dépit des efforts des autorités polonaises. Le statut peu protecteur des douaniers et des gardes frontières, combiné à la faiblesse de leur traitement mensuel (entre 350 et 400 euros), contribuent à la persistance de ces phénomènes.

La coopération avec les autorités ukrainiennes est difficile, notamment parce que le contrôle aux frontières et la lutte contre l'immigration clandestine y relèvent de la compétence de nombreux services. Les autorités ukrainiennes craignent qu'à la suite de l'élargissement, l'immigration clandestine en transit ne se transforme en immigration installée en Ukraine, bloquée par les frontières plus étanches de l'Union. Elles « jalousent » l'aide apportée aux nouveaux Etats membres en matière de contrôle aux frontières, même si, dans le domaine de la justice et des affaires intérieures, l'Ukraine devrait recevoir entre 50 et 60 millions d'euros pour le contrôle de sa frontière occidentale, dans le cadre du programme indicatif national 2004-2006.

Les contrôles aux frontières n'ont pas brutalement disparu le 1er mai 2004. Les Dix ne font pas encore partie de l'espace Schengen. Les frontières intérieures sont donc maintenues avec ces Etats, et le seront jusqu'à ce que les évaluations effectuées prouvent qu'ils contrôlent efficacement leurs frontières extérieures. Ce n'est donc que dans quelques années - il s'écoula huit ans entre la signature de la Convention Schengen par la Grèce et la levée du contrôle de ses frontières intérieures - que ces Etats pourront entrer dans l'espace Schengen.

L'Union européenne contribue activement à renforcer l'efficacité de ces contrôles. Elle a accordé aux nouveaux Etats membres une aide d'un milliard d'euros, pour renforcer leur infrastructure et leurs équipements. La création de l'Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures, qui devrait être effective au 1er janvier 2005, s'inscrit dans cette action. Ces efforts devront être poursuivis. La situation constatée à la frontière polono-ukrainienne confirme en effet le diagnostic de la Commission européenne dans son dernier rapport global de suivi des préparatifs menées par la Pologne en vue de son adhésion (novembre 2003), selon lequel « la Pologne va devoir consentir des efforts considérables, après l'adhésion, afin de préparer l'abolition des frontières intérieures ».

M. Christian Philip, évoquant les difficultés pour assurer un contrôle efficace, a interrogé le rapporteur sur le projet de création d'un corps de gardes-frontières européen. Quelle est la position de la Pologne sur ce projet ?

Le rapporteur lui a répondu que la Pologne n'est pas favorable à la communautarisation des gardes-frontières. Par contre, les Polonais acceptent de bénéficier d'aides de l'Union européenne pour équiper les postes de contrôle. Si de petits trafics douaniers sont observés aux postes frontières de la Pologne, il semble qu'ils ne portent pas de préjudice aux intérêts de la France, les marques de cigarettes concernées n'étant pas disponibles dans notre pays.

Mme Anne-Marie Comparini a souhaité savoir si l'Union européenne entendait mettre en place une structure de conseil pour permettre aux nouveaux Etats membres de l'Union de respecter les règles de contrôle aux frontières.

Le rapporteur lui a rappelé les efforts de la Commission dans ce domaine ainsi que la création prochaine, en 2005, de l'Agence européenne de contrôle aux frontières, dont les moyens seront néanmoins limités. Il a souligné que les nouveaux Etats membres de l'Union européenne devaient effectuer des progrès considérables en quelques mois, alors que les anciens Etats membres avaient pu accomplir le même effort en plusieurs années. Il a estimé que les autorités polonaises avaient à cœur de sanctionner très sévèrement les douaniers indélicats. Une augmentation sensible de leurs salaires serait toutefois souhaitable.

M. Edouard Landrain a interrogé le rapporteur sur d'éventuels trafics de drogue, notamment en provenance d'Afghanistan.

Le rapporteur a estimé que de tels trafics étaient fort probables, même si une seule affaire a été révélée. Il a également fait part des intentions du gouvernement polonais de détruire toutes les cigarettes de contrebande saisies par les douaniers, alors qu'une partie d'entre elles est actuellement revendue.

III. Communication de M. Christian Philip sur les travaux de la XXXIème COSAC à Dublin

Le Président Christian Philip a rendu compte des travaux de la XXXIe COSAC, qui s'est déroulée à Dublin les 19 et 20 mai 2004 sous présidence irlandaise de l'Union européenne, et au cours de laquelle il a représenté, avec son collègue M. Marc Laffineur, la Délégation pour l'Union européenne.

Les sujets abordés ont concerné :

- le projet de Constitution européenne et le vœu émis par la COSAC que le texte adopté par le Conseil européen soit le plus proche possible du projet élaboré par la Convention ;

- la lutte contre le terrorisme, avec une intervention de M. Gijs de Vries, coordinateur de l'Union européenne. Dans ce domaine, la COSAC a souhaité être régulièrement tenue informée des progrès réalisés par l'Union ;

- le contrôle parlementaire sur les affaires européennes dans les différents pays membres, notamment dans la perspective d'une adoption prochaine de la Constitution européenne. Un débat plus approfondi sur la mise en œuvre du contrôle du principe de subsidiarité et les modalités de coordination interparlementaire devrait être organisé lors de la prochaine COSAC d'automne, sous présidence néerlandaise ;

- la mise en œuvre de l'agenda de Lisbonne et la compétitivité de l'Europe dans le contexte de la mondialisation ;

- le rôle de la Cour des comptes européenne dans la mise en œuvre du budget de l'Union ;

- la participation des assemblées législatives régionales au sein de la COSAC : la délégation française (Assemblée nationale et Sénat) n'y est pas favorable, dans la mesure où le Comité des régions est le lieu de représentation des assemblées régionales. En outre, une telle modification de la composition de la COSAC - d'ailleurs soutenue par les délégations hostiles à un renforcement de la COSAC - aurait pour effet de diluer la représentation des parlements nationaux ;

- le régime linguistique des réunions de la COSAC : si le français n'est pas menacé, force est de constater que les documents font l'objet d'une traduction souvent tardive.

En conclusion, le Président Christian Philip a estimé que la COSAC restait un lieu privilégié de rencontres et d'échanges entre parlementaires nationaux, autour de thèmes qui devraient à l'avenir concerner plus encore directement le rôle des parlements nationaux dans l'Union européenne tels que, par exemple, le contrôle du principe de subsidiarité.

IV. Nomination de rapporteurs

Sur proposition du Président Pierre Lequiller, la Délégation a nommé les quatre rapporteurs suivants :

Mme Anne-Marie Comparini, sur la proposition de directive relative aux services dans le marché intérieur ;

M. Daniel Garrigue, sur la modernisation du cadre réglementaire des produits chimiques dans l'Union européenne dit système Reach ;

M. Christian Philip, sur le Livre vert sur le rapprochement, la reconnaissance mutuelle et l'exécution des sanctions pénales dans l'Union européenne ;

- M. Jean-Marie Sermier, sur la réforme de l'organisation commune du marché du sucre.