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DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 95

Réunion du mercredi 6 octobre 2004 à 16 heures 45

Présidence de M. Pierre Lequiller, Président

Audition de M. Jacques Barrot, Commissaire européen, sur la réforme de la politique régionale et la politique européenne des transports (audition ouverte à la presse)

Le Président Pierre Lequiller a remercié le Commissaire Jacques Barrot d'avoir accepté l'invitation de la Délégation. Il s'est déclaré très heureux d'accueillir un ancien collègue, désormais responsable de la politique régionale au sein de la Commission européenne, avant de devenir au début de mois de novembre commissaire aux Transports.

Le Commissaire Jacques Barrot s'est félicité qu'un dialogue puisse s'instaurer ainsi entre la Délégation pour l'Union européenne et les membres de la Commission, en souhaitant qu'il puisse se poursuivre et s'approfondir à l'avenir. Cette confrontation des points de vue traduit l'esprit de la nouvelle constitution, qui prévoit non seulement de mieux faire respecter le principe de subsidiarité, mais aussi de faire participer davantage les parlements nationaux à l'élaboration des orientations communautaires.

Dans le domaine de la politique régionale, le travail déjà engagé par M. Michel Barnier a été repris pour aboutir à la publication des cinq propositions présentées par la Commission : un règlement général, trois règlements particuliers à chaque fonds (Fonds européen de développement régional (FEDER), Fonds social et Fonds de cohésion) et un règlement proposant un nouvel instrument pour faciliter la coopération, notamment transfrontalière.

La convergence reste au cœur de la future politique régionale. Plus de 78 % des 336 milliards de crédits y seraient consacrés, en particulier dans les nouveaux Etats membres. En France, selon les dernières statistiques disponibles, les quatre départements d'outre-mer seraient concernés par ces programmes, la Martinique n'en bénéficiant toutefois que de justesse, son PIB par habitant se situant à la limite du seuil d'éligibilité. L'effet statistique de l'élargissement touchera d'autres régions, hors de France, pour lesquelles un traitement spécifique et approprié est proposé, y compris en matière d'aides d'Etat.

La compétitivité et l'emploi constituent le deuxième objectif du plan proposé. Les fonds structurels serviraient ainsi aux régions à renforcer leur compétitivité, dans l'esprit des stratégies définies à Lisbonne et à Göteborg en faveur de l'économie de la connaissance et du développement durable. Toutes les régions françaises pourraient bénéficier d'un programme particulier de compétitivité financé par le FEDER.

La coopération transfrontalière et transnationale constitue le troisième volet du plan proposé. Elle se développe déjà dans la programmation actuelle, mais la coordination est parfois difficile à établir au sein de cercles qui ne regroupent pas toujours les mêmes Etats. Tous les programmes interrégionaux peuvent passer désormais par un groupement européen de coopération transfrontalière, spécialement créé à cet effet, si les autorités nationales et régionales concernées en sont d'accord.

D'autres innovations sont à signaler. Le rôle des villes dans le développement régional sera valorisé, notamment des villes moyennes. En s'appuyant sur l'expérience acquise dans la conduite du programme URBAN, elles devraient pouvoir gérer leur propre programme urbain. Les zones rurales et de pêche continueront de recevoir des soutiens de la part du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER), et du Fonds européen pour la pêche (FEP), nouvellement créés. Ce financement n'entre cependant pas à proprement parler dans le cadre de la politique de cohésion, de sorte qu'il sera placé sous les responsabilités respectives de la Commissaire à l'Agriculture et du Commissaire à la Pêche.

Les sept régions ultrapériphériques parmi lesquelles les quatre départements français d'outre-mer bénéficieront, quant à elles, d'une allocation supplémentaire spécifique de 1,1 milliard d'euros. Enfin, les zones à handicap naturel et géographique comme les îles, les montagnes et les zones à faible et très faible densité de population recevront des soutiens versés à un coefficient plus élevé qu'ailleurs.

Les deux principales innovations de gestion porteront sur la simplification générale du système et sur la localisation des interventions. Un règlement d'exécution unique régira désormais tous les transferts, tandis que le zonage et ses découpages compliqués seront supprimés. Chaque région élaborera son propre programme, où les équipements envisagés devront servir moins à l'amélioration de la qualité de la vie qu'à l'accroissement de la compétitivité des territoires et à leur taux d'emploi. Pour atteindre ce dernier objectif, le Fonds social européen allouera en France des soutiens qui resteront gérés au niveau national.

Deux enjeux politiques se dégagent finalement de cet ensemble. D'abord, la politique régionale n'est pas possible sans les ressources nécessaires pour pourvoir à ses besoins. Certains pays, dont la France, se sont opposés à ce que le budget communautaire dépasse le seuil de 1 % du PIB européen, alors que la Commission voudrait obtenir qu'il en représente, en crédits de paiement, 1,14 %. De toute évidence, la politique proposée ne pourra être ambitieuse qu'à la condition que le budget général tende à se rapprocher de ce pourcentage. Deuxièmement, quelques Etats membres, par exemple l'Allemagne ou le Royaume-Uni, laissent poindre une certaine lassitude qui les pousse à envisager d'un œil critique le maintien d'une politique régionale européenne à l'Ouest. Selon eux, chaque Etat membre devrait être libre d'aider ses propres régions s'il le souhaite. C'est compter sans la double valeur ajoutée du financement européen, qui garantit d'une part une constance dans la poursuite des soutiens et se centre d'autre part sur des objectifs très ciblés. Aussi une renationalisation de la politique régionale serait-elle regrettable.

M. Jérôme Lambert, évoquant la suppression de la politique de zonage, s'est enquis des conditions de son remplacement et a souhaité savoir si désormais chaque région aurait une enveloppe pour élaborer des projets.

Constatant que la France était en matière de politique régionale en situation de contributrice et non de bénéficiaire, il s'est demandé s'il était de son intérêt qu'elle accroisse le montant de sa contribution.

Enfin, il a demandé au Commissaire quel était le montant attribué à la France au titre de l'objectif 2 et quel sera celui qui lui sera versé au titre de l'objectif 1 pour la période 2007/2013.

M. Edouard Landrain a constaté que pour l'opinion publique, la France contribuait beaucoup plus au budget communautaire qu'elle n'en bénéficiait, alors que la Grande-Bretagne se trouve dans une situation particulièrement favorable grâce à ce que l'on a appelé le « chèque britannique ». Il a dès lors souhaité savoir si, au sein de la Commission, il était envisagé de revoir ce statut particulier de la Grande-Bretagne qui n'est plus tolérable à ses yeux, ou si elle continuera à pouvoir prétendre détenir un brevet d'européanisme sérieux.

Evoquant l'objectif 2, il a rappelé que la politique de zonage avait pour effet d'exclure fréquemment les régions les plus performantes du bénéfice des aides, ce qui pouvait aboutir à la sous-utilisation des crédits par la France. Il a souhaité savoir si la suppression de la politique de zonage incitera la Commission à attribuer les aides sur la base de thèmes ou de projets.

En réponse aux intervenants, le Commissaire a apporté les précisions suivantes :

- le fait que la politique de zonage soit supprimée n'implique pas que les régions seront dispensées d'établir des priorités géographiques et thématiques. Mais plutôt qu'une vérification comptable qui prévalait dans le cadre de la politique de zonage, la Commission examinera si le programme présenté a bien tenu compte des priorités établies par la région et si ce programme est correctement ciblé. En application du principe de subsidiarité, il serait toutefois préférable que les régions puissent identifier elles-mêmes les faiblesses qu'elles corrigeront ;

- il est vrai que la France fait partie des contributeurs nets, étant toutefois observé qu'en raison du principe de solidarité, les Etats les plus riches payent plus que les pays les plus pauvres. Le calcul des contributions des Etats membres est cependant faussé par la prise en compte du chèque britannique qu'il serait justifié de réexaminer, eu égard au fait notamment que le Royaume-Uni a défendu l'élargissement, tout en refusant que les dépenses corrélatives soient calculées selon une clé de répartition établie sur les réelles capacités contributives de chaque Etat membre ;

- la France est bénéficiaire au titre de la PAC et de la politique régionale. Elle a reçu pour les DOM et le Nord 4 milliards d'euros au titre de l'objectif 1 pour la période
2000-2006 ; 7 milliards d'euros pour l'objectif 2, dotation qui doit générer des investissements publics et privés d'un montant de 14 milliards d'euros ; 4,71 milliards d'euros pour l'objectif 3 ; 1 milliard d'euros au titre d'initiatives communautaires (URBAN 2, INTERREG3 et LEADER PLUS). La dotation que la France recevra au titre de l'objectif 2 pour la période 2007-2013 n'a pas encore été calculée, mais la France devrait être bien placée en raison des critères qui seront retenus, tels que la densité de la population ou le taux de chômage ;

- la question est de savoir si l'Union européenne doit être un simple marché ou une véritable union fondée sur le principe de solidarité, dont l'application ne bénéficie pas moins aux Etats contributeurs. Dans le cadre de la réalisation des projets financés par les Fonds structurels en faveur des régions et des pays les plus pauvres, le retour pour les Etats membres plus prospères en termes d'exportations pourraient aller jusqu'à 30% de la dépense totale. Par exemple, le financement d'infrastructures de transports en Pologne par l'Union est une opportunité pour les grandes sociétés françaises de ce secteur. L'exemple de l'Espagne est également typique puisque la France a pu bénéficier d'échanges avec cet Etat membre qui, à son tour, a pu se hisser à un niveau de développement nettement plus élevé grâce en partie à la politique de cohésion. Celle-ci - y compris l'objectif 2 - mérite d'être soutenue car elle permet à l'Europe d'atteindre un niveau de compétitivité dont profitent tous les Etats membres ;

- concernant les contributions nettes au budget, la Commission a commencé ses travaux sur un système de correction généralisée qui s'appliquerait à chacun des Etats membres. Selon la proposition de la Commission au Conseil pour la prochaine période, dans certaines hypothèses, celle de l'Allemagne peut passer de 0,54 % de son PIB à 0,49 %. Celle de la France, de 0,37 % à 0,34%. Le niveau de la contribution des Pays-Bas, à raison de 0,56 % du PIB, passerait à 0,50%. Par ailleurs, la contribution du Royaume-Uni passerait de 0,25 % à 0,46% si le système proposé par la Commission est mis en œuvre. La question de la réforme des modalités de contribution doit être séparée de celle du niveau des dépenses, tant il serait dommageable de procéder à des coupes claires dans les perspectives financières établies par la Commission, en raison des difficultés à trouver un accord sur le niveau de l'effort financier net de chacun ;

- s'agissant de l'objectif 2, les projets seront examinés par la Commissaire compétente, selon des critères qualitatifs, dans le respect du principe de subsidiarité et des choix des régions. La fragilité du territoire concerné par un projet, urbain ou rural, sera prise en compte.

Mme Anne-Marie Comparini a estimé que les efforts croissants de l'Union en matière de compétitivité et de croissance économique exigeaient, compte tenu de la diversité des domaines abordés, une amélioration des méthodes de gouvernance de la Commission et un renforcement de sa cohésion. La réflexion stratégique relève en effet d'une mission collective.

En ce qui concerne le niveau du prélèvement européen, elle a jugé que la nature des objectifs de l'Union, favoriser le développement des nouveaux Etats membres et faciliter la croissance des quinze pays plus anciens, imposait un effort substantiel, regrettant que l'économie européenne dépende actuellement d'une manière trop importante de la croissance américaine. Elle a souhaité par ailleurs connaître les actions qui seraient concernées par le plafonnement des perspectives financières à un niveau intermédiaire entre celui de 1% du PIB souhaité par certains Etats membres et celui de 1,14% actuellement sollicité.

M. Jacques Floch a indiqué qu'il souscrivait aux orientations présentées par le Commissaire s'agissant de la réforme et de la simplification des fonds structurels. La logique de projet présente un grand intérêt, notamment pour les équipements majeurs. L'obtention d'un financement communautaire valorise les opérations concernées.

Après avoir indiqué souscrire à la conception de l'Europe comme espace de solidarité permettant de favoriser le développement des territoires les moins développés, il a souhaité savoir si des critères permettraient d'opérer une péréquation entre les régions, rappelant que l'obtention des crédits dépendait également de leur capacité à présenter des dossiers, et que les régions riches ne sont pas les plus mal placées à cet égard. De même, certains projets antérieurement déclarés éligibles et situés dans les zones défavorisées localisées dans des régions riches auraient pu être réalisés dans le cadre d'une simple péréquation au sein des collectivités territoriales concernées.

Concluant son intervention, il a noté l'intérêt d'une réorientation des investissements étrangers vers des Etats européens plutôt que vers des pays situés hors d'Europe.

M. Christian Paul s'est intéressé aux tensions budgétaires, qu'il a estimées difficilement soutenables, entre les besoins financiers issus de l'élargissement et la limite fixée par les Chefs d'Etat et de Gouvernement, ainsi qu'aux conséquences de la réforme des procédures relatives aux fonds structurels sur les relations tripartites entre la Commission, les Etats membres et les collectivités territoriales, notamment les conseils régionaux, et aux modalités de détermination des enveloppes régionales.

Il a également demandé des précisions sur les incidences de la sanctuarisation des l'enveloppe prévue en faveur des régions ultrapériphériques, ainsi que sur les modalités d'une péréquation entre les territoires en France et dans les autres Etats membres.

M. Daniel Garrigue a considéré que la volonté de certains Etats membres de ne pas augmenter le ratio de la contribution budgétaire était compréhensible, notamment du fait du lancinant problème de la contribution britannique, même s'il est évident que des moyens supplémentaires devront être attribués à la construction européenne. Il a souhaité savoir si une différenciation des instruments employés dans les quinze anciens Etats membres et dans les dix nouveaux Etats adhérents était envisageable dans le domaine de la politique régionale. S'agissant du problème des délocalisations, qui soulève la question d'un éventuel dumping fiscal dans les dix nouveaux Etats membres, on peut se demander s'il n'est pas préférable, à la limite, que ces délocalisations aient lieu au sein de l'Union européenne plutôt que, par exemple, vers l'Asie.

M. Jérôme Lambert a demandé s'il n'était pas envisageable que la Commission s'oppose aux délocalisations à l'intérieur même de l'Union européenne.

En réponse aux différents intervenants, M. Jacques Barrot a précisé que :

- l'efficacité de l'action de la Commission impose obligatoirement une coordination entre les différents Commissaires, sans que cela puisse être qualifié de gouvernance économique. La qualité des programmes régionaux soumis à la Commission doit être jugée par plusieurs Commissaires, même s'il est évident que celui en charge de la politique régionale conserve le dernier mot ;

- la Commission ne souhaite pas entrer dans le jeu du marchandage de la marge d'augmentation du budget européen, car les Etats membres ne demanderaient pas mieux. La Commission a formulé des propositions sérieuses au regard desquelles les Etats doivent se décider, tout en étant en droit d'exiger que les sommes concernées soient gérées avec efficacité et rigueur ;

- les crédits accordés au titre des politiques régionales devront être ciblés sur les régions qui en ont le plus besoin et ce critère n'exclut pas les régions des quinze anciens Etats membres. Ce ciblage devra tenir compte particulièrement de la situation de l'emploi et de la fragilité des zones urbaines et rurales. Il est certain qu'un projet bénéficiant du label européen est valorisé et cela milite d'ailleurs pour le maintien de l'objectif 2 ;

- les tensions constatées sur la question de l'augmentation du budget européen sont en grande partie imputables au défaut d'une clé de répartition équitable des contributions ;

- le fonds social européen devra accompagner les efforts touchant à l'employabilité des populations, condition indispensable pour assurer l'efficacité des crédits de reconversion industrielle dans certaines régions ;

- les régions n'ont pas à craindre une perte d'influence et, au contraire, le rôle des responsables régionaux devrait être accru dans la conception des programmes ;

- une « sanctuarisation » a effectivement pu être réalisée pour les aides aux régions ultrapériphériques. Les DOM français pourront bénéficier à la fois de crédits au titre de l'objectif de convergence et au titre de l'enveloppe spécifique ;

- il n'appartient pas à la Commission d'assurer une péréquation des aides entre les différentes régions d'un Etat membre, puisque juridiquement la répartition des aides de la politique régionale doit se faire au niveau national. Toutefois, la Commission continuera de formuler des recommandations sur la répartition entre les différentes régions ;

- en ce qui concerne les délocalisations, la Commission a déjà proposé qu'une entreprise ayant bénéficié d'une aide communautaire devra la rembourser si elle délocalise ses activités dans les sept années qui suivent, ce qui constitue un frein significatif. Par ailleurs, la Commission recommande aux Etats susceptibles d'accueillir ces entreprises délocalisées de ne pas leur accorder une aide communautaire. La question du dumping fiscal a déjà donné lieu à des débats au sein de la Commission, mais il importe de souligner que juridiquement, on ne peut lier la politique régionale à la politique d'harmonisation fiscale, cette dernière exigeant l'unanimité. Par ailleurs, il convient de rappeler, comme le font certains Commissaires des nouveaux Etats membres, que ces Etats bénéficient bien moins des investissements étrangers que certains autres pays de l'Union européenne. A titre d'exemple, ces investissements s'élèvent à 2,5 milliards de dollars en République tchèque, contre 47 milliards de dollars en France. La Commission doit donc se limiter à la formulation de règles d'éthique, n'empêchant pas le développement économique des nouveaux adhérents ;

- il ne faut pas que les nouveaux Etats membres donnent l'impression d'encourager les délocalisations, mais les autres Etats ne doivent pas non plus les soupçonner ou les accuser sans justification ;

- une étude récente a montré que la fiscalité n'est pas un critère essentiel dans le choix d'une implantation d'entreprise. Bien entendu, une plus grande harmonisation fiscale et sociale au sein de l'Union européenne demeure souhaitable.

Abordant ensuite le dossier des transports, M. Jacques Barrot a souligné qu'il s'agissait d'un secteur important et concret. Trois politiques ont toujours été au cœur de l'Union européenne : la concurrence, l'agriculture et les transports. Le Commissaire européen chargé des transports exerce quatre compétences communautaires :

- proposer des règlements et des directives, en veillant à la transposition et à l'application des directives existantes. Ainsi, la Commission a pour objectif de faire adopter le troisième paquet ferroviaire ;

- assurer, grâce à son pouvoir arbitral, le respect des règles de la concurrence dans le domaine des transports ;

- gérer l'un des principaux budgets de l'Union européenne. Ainsi, 20 milliards d'euros sont prévus pour les réseaux transeuropéens ;

- négocier au nom de l'Union européenne, par exemple avec les Etats-Unis dans le domaine de la réglementation aérienne, ou avec la Russie en matière de sécurité maritime.

Le Commissaire Jacques Barrot a également appelé l'attention sur l'importance du programme Galileo (navigation par satellite), qu'il a jugé supérieur au GPS américain.

Il a souligné que le secteur des transports représente 10 millions d'emplois dans l'Union européenne, et qu'il concourt à la compétitivité et à la mobilité. Il a souhaité une valorisation du transport ferroviaire, regrettant par exemple qu'il faille changer de nombreuses fois de locomotive pour aller de Varsovie à Tallinn.

M. Jérôme Lambert a alors interrogé le Commissaire sur le fonctionnement de la Commission à la suite de l'arrivée des représentants des nouveaux Etats membres.

Le Commissaire Jacques Barrot lui a répondu qu'une Commission composée de trente, et même de vingt-cinq membres, était peut-être un peu nombreuse, mais que cela ne lui était pas apparu comme un handicap dans la mesure où la discipline collégiale fonctionne pleinement et où les Commissaires désignés par les dix nouveaux Etats membres sont de très grande qualité. Il a indiqué par ailleurs que le Président Barroso avait pris l'heureuse initiative de regrouper tous les Commissaires dans les mêmes locaux.

Abordant la question de l'ouverture des négociations avec la Turquie, débattue aujourd'hui même par le Collège, le Commissaire européen a estimé que le rapport préparé par son collègue, M. Günter Verheuguen, est objectif, soulignant aussi bien les réels progrès accomplis par ce pays que les insuffisances préoccupantes qui subsistent dans le domaine des droits de l'homme et, plus généralement, du respect des critères de Copenhague.

La recommandation contenue dans ce document préconise l'ouverture des négociations d'adhésion, malgré les lacunes constatées. Cette négociation doit toutefois se dérouler dans un cadre très particulier, dont la conception a donné lieu à un important travail collégial de la part de la Commission.

A cet égard, le Commissaire européen a indiqué que ce processus ne se déroulerait pas selon des modalités automatiques, qui aboutiraient ainsi à un résultat joué d'avance. Il résulte du dispositif proposé par la Commission que cette négociation, si elle commençait, serait un processus ouvert, donc sans issue prédéterminée.

Le Commissaire européen a particulièrement insisté sur le fait que cette négociation se déroulerait dans le cadre intergouvernemental, fonctionnant selon la règle de l'unanimité, aussi bien à l'ouverture qu'à la fermeture des négociations, ce qui apporte toutes les garanties recherchées.

En outre, la Commission européenne s'est prononcée en faveur d'un monitoring permanent, qui porterait aussi bien sur l'adoption de la législation que sur son application concrète. Le Commissaire européen a lui-même soutenu une proposition visant à publier, dès décembre 2005, un premier rapport de suivi sur l'application effective des réformes adoptées.

Le processus doit être par ailleurs éclairé par des études détaillées portant sur l'impact de l'adhésion de la Turquie sur les politiques communes, idée avancée par le Commissaire européen et son collègue M. Pascal Lamy.

S'agissant du problème chypriote, la Commission aurait souhaité pouvoir faire l'économie d'une situation dans laquelle les négociations pourraient s'ouvrir sans qu'un Etat candidat n'ait reconnu clairement l'existence d'un Etat membre à part entière.

Au total, la Commission s'est acquittée de la mission confiée par le Conseil, en soumettant à ce dernier une recommandation favorable, mais assortie d'un cadre de négociations précis et spécifique.

Après que M. Jacques Floch ait demandé si le Commissaire européen est favorable à une adhésion de la Turquie, ce dernier a d'abord fait part de son étonnement face à un processus engagé par des chefs d'Etat et de Gouvernement qui excluait toute autre alternative que l'adhésion ou le refus, sans envisager d'autres options d'ancrage de ce pays à l'Union européenne. Cette dernière démarche aurait été préférable, mais tel n'a pas été le choix des dirigeants européens, ce qu'il faut rappeler. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la Commission s'est acquittée de son mandat, en répondant à la question qui lui était posée par le Conseil, sans proposer d'autres solutions. Or, si la Commission avait dit « non », l'Europe aurait envoyé un signal extrêmement négatif, notamment en raison de la situation internationale actuelle et de la perception qu'en aurait eu le monde musulman. C'est pourquoi elle a préféré opter pour un « oui, peut-être ».