Version PDF

DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 114

Réunion du mardi 15 février 2005 à 16 heures 15

Présidence de M. Pierre Lequiller, Président

Audition (ouverte à la presse) de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, sur les progrès de l'Europe de la défense

Le Président Pierre Lequiller a accueilli la ministre en la remerciant d'être venue présenter devant la Délégation les derniers développements en matière de défense européenne. Il a souligné que les membres de la Délégation pour l'Union européenne se rendaient compte que l'avenir de l'Europe se jouait pour une bonne part dans ce domaine. Parmi les sujets d'actualité susceptibles d'être évoqués, il a cité la possible évolution des relations transatlantiques en matière de défense ; les progrès opérationnels de la défense européenne, notamment l'installation de l'Agence européenne de défense ; la présence de troupes européennes sur différents théâtres d'opération, par exemple en Bosnie ; la possible levée de l'embargo sur les armes à destination de la Chine ; les coopérations structurées en matière de politique de défense européenne.

Il a estimé qu'une défense européenne commune était aussi un moyen d'avancer dans le sens d'une approche commune de la politique étrangère, ce qui pourrait être un enjeu du débat public qui s'ouvre avec la prochaine campagne référendaire.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, a proposé de faire le point sur les dernières évolutions de la défense européenne, à propos de laquelle elle avait déjà eu l'occasion de déclarer devant la Délégation qu'il ne s'agissait plus désormais d'une utopie, mais d'une réalité. Elle a estimé que l'année 2005 devrait confirmer cette analyse. La défense européenne continue en effet de faire des progrès dans le domaine opérationnel. Sur le terrain, des militaires arborent déjà le drapeau européen. En Afghanistan, le corps européen a assuré le commandement de la Force internationale d'assistance à la sécurité (Fias). Après une première opération limitée en Macédoine, la Bosnie constitue actuellement un cadre d'intervention plus large pour les troupes européennes. L'opération en Ituri (République démocratique du Congo) a enfin été couronnée de succès.

Des avancées institutionnelles ont également eu lieu. Une cellule européenne de planification et de commandement, civile et militaire, est en place. De nouveaux moyens opérationnels seront bientôt disponibles, grâce à la formation de groupements d'intervention rapides. Leur succès déborde même les prévisions, puisque chaque Etat s'est finalement engagé à participer aux treize groupements tactiques dont la création est prévue. Un groupement franco-britannique devrait être opérationnel dès 2005. Une gendarmerie européenne a été créée : le siège en est fixé à Vicenza près de Rome, elle est commandée par un général français et l'idée connaît, elle aussi, assez de succès pour que la Belgique et la Pologne, qui ne disposent pas pour l'instant de corps de gendarmerie, songent à en développer pour pouvoir participer.

Le comité directeur de l'Agence européenne de défense a déjà réuni une première fois l'ensemble des ministres de la défense. L'institution dispose désormais de son budget, son directeur a été nommé, ainsi que ses chefs de service. Il est évident que la défense européenne doit s'appuyer sur une industrie de l'armement qui trouve sa justification dans de grands programmes comme l'A400M pour le transport de troupes, le Tigre et le NH90 pour les hélicoptères ou même Galileo qui pourra être mis au service d'une utilisation militaire. Des programmes de recherche-développement fédèrent en outre un certain nombre de pays autour de matériels comme les démonstrateurs de drone.

Certes, la capacité industrielle européenne doit être regroupée pour que ces matériels soient concurrentiels. EADS, dans le domaine aéronautique, trace la voie de ce qui doit être possible également dans le secteur naval. Des rapprochements sont à l'œuvre, même s'ils n'ont pas été aussi rapides qu'il était souhaitable. HDW-Thyssen constitue désormais un interlocuteur unique outre-Rhin ; en France, DCN ouvre son capital, ce qui a le mérite de permettre également d'importantes possibilités d'alliance ; en Espagne et au Portugal, des révisions similaires sont en cours. Ces différentes évolutions laissent espérer d'ici trois ans des progrès dans le domaine naval au niveau européen.

Pour le secteur terrestre, la consolidation de GIAT Industries constitue une priorité. Des réorganisations sont en cours, accompagnées par le développement d'autres industries permettant d'éloigner différentes craintes au sujet de la possible disparition de certains sites.

Dans tous ces domaines, l'opinion publique peut se rendre compte que les déclarations d'hier s'ancrent aujourd'hui dans la réalité. Peut-être le débat sur la ratification du projet de traité constitutionnel européen lui permettra-t-il d'en prendre conscience. Le texte consacre un volet important à la défense. Le devoir de solidarité en cas d'agression s'y trouve inscrit. Il consacre également l'existence de l'Agence européenne de défense ou la possibilité de coopérations structurées. Les coopérations d'envergure, y compris hors d'Europe, apparaissent en effet comme le seul moyen d'avancer dans de nombreux domaines. Ainsi, les ministres de la défense du dialogue 5+5 se sont récemment réunis sur une initiative française, en s'engageant à coopérer sur la lutte contre le terrorisme, l'immigration clandestine, les trafics de tous genres en Méditerranée. Il devrait être possible d'arriver à constituer ainsi une force de frappe efficace en unissant les forces.

A l'issue de l'exposé de la ministre, un débat s'est engagé.

M. Pierre Forgues, tout en prenant acte des progrès institutionnels réalisés par l'Europe de la défense, s'est déclaré préoccupé par la situation de l'industrie de l'armement terrestre. Alors que les syndicats de GIAT font état d'obstacles importants à d'éventuels rapprochements, il a interrogé la ministre sur l'avenir de l'industrie de l'armement terrestre en France et sur le poids économique de GIAT Industries vis-à-vis de ses partenaires européens.

La ministre a estimé que le principal handicap provient en réalité de la situation financière de GIAT. Or l'exercice de la souveraineté militaire de la France nécessite l'existence d'une industrie d'armement terrestre performante et justifie la restructuration engagée qui vise à réorienter les activités de GIAT d'une production intensive de chars lourds en surnombre sur le marché vers des commandes d'avenir créatrices d'emplois. GIAT dispose d'un réel savoir-faire qui en fera un acteur important d'un pôle européen d'armement terrestre pour atteindre une taille comparable à celle de ses partenaires allemand et britannique ; cela favorisera, le moment venu, les rapprochements nécessaires à l'instar de ce qui s'est produit dans le secteur de l'aéronautique entre EADS et Dassault. Des rapprochements vont également concerner l'industrie navale jusqu'en 2007-2008 et devraient toucher le domaine terrestre à partir de 2008.

M. Michel Herbillon a remercié la ministre pour avoir illustré de façon concrète la réalité de l'Europe de la défense, au-delà d'une dimension seulement institutionnelle. C'est un sujet qui concerne directement les citoyens et qui répond à une véritable attente. La création d'une force européenne de gendarmerie a même entraîné une application inversée du principe de subsidiarité puisque certains pays ont décidé de reconstituer une gendarmerie nationale pour participer à cette force européenne. Il a ensuite interrogé la ministre sur les sujets suivants :

- la mise en œuvre du programme de l'A400M et le respect des délais de livraison ;

- les sujets débattus lors de la réunion des ministres de la défense de l'OTAN qui s'est déroulée les 9 et 10 février à Nice, ainsi que l'évolution des relations transatlantiques ;

- l'accueil à Bruxelles de la proposition française visant à exclure les dépenses de défense du calcul du déficit public dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance ;

- la communication, par le ministère de la défense, d'une information objective, équilibrée et neutre sur le volet « défense » du traité constitutionnel européen.

Le Président Pierre Lequiller a ensuite interrogé la ministre sur l'installation et le fonctionnement du centre de planification autonome dont la création avait été décidée par le Conseil européen le 12 décembre 2003.

En réponse, la ministre a apporté les précisions suivantes :

- s'agissant de l'A400M, elle a confirmé le respect des coûts et des délais. Un tour de table a permis d'atteindre le nombre minimum de commandes nécessaires à la viabilité du programme que devraient d'ailleurs rejoindre des pays membres et non-membres de l'Union européenne. Les deux premiers exemplaires seront livrés en octobre 2009 ;

- la réunion de l'OTAN est la première de ce type à se tenir sur le territoire français. Ce symbole souligne la part importante que prend la France dans les activités de l'OTAN : deuxième contributeur de troupes, cinquième contributeur financier et responsable du commandement de l'opération en cours au Kosovo. Les participants ont réaffirmé la nécessité du maintien de troupes au Kosovo et l'importance des activités de renseignement, comme l'ont souligné les violences constatées en mars 2004. Quant à la situation en Afghanistan, l'extension du mandat de la Fias a été possible grâce aux moyens supplémentaires accordés par l'Espagne. Un rapprochement entre la Fias et les opérations de lutte contre le terrorisme (opération Enduring freedom) est possible et souhaitable. Pour autant, Enduring freedom et la Fias restent des missions différentes par leur nature et par leurs objectifs, et l'idée d'une fusion ou d'un commandement unique doit être écartée. La ministre a ensuite évoqué plus particulièrement l'action menée en ce qui concerne la lutte contre la drogue, indispensable pour assurer la stabilisation du pays. Le Président Hamid Karzaï a décidé de s'investir dans cette lutte ; la Fias soutient à cet effet les forces militaires et de police afghanes, et promeut la mise en œuvre d'une politique de remplacement des cultures pour répondre aux conséquences économiques qui en découlent ;

- en dehors des opérations extérieures, le financement de l'OTAN a été évoqué. Des demandes de contributions plus importantes ont été formulées, ce qui est normal si l'on entend agir davantage, mais en contradiction avec le souhait que chaque pays augmente ses capacités. Un arbitrage doit être opéré entre ces deux objectifs, et un accord a été enregistré sur la nécessité de doter les opérations extérieures d'un financement distinct des capacités, à l'instar des usages français ;

- en ce qui concerne les forces de sécurité irakiennes, l'Alliance atlantique s'est rapprochée de la position de la France, qui est favorable à une formation mais en dehors de l'Irak. La France instruira ainsi des gendarmes irakiens pour partie au Proche Orient, sans doute au Qatar, et pour partie sur le territoire national. La formation en Irak même a été reportée par l'OTAN ;

- le centre de planification autonome n'a pas été évoqué lors de la réunion, ce qui démontre que cette perspective est désormais acceptée par tous, car ce centre répond à un besoin réel et est indispensable à une défense européenne opérationnelle. D'une manière générale, la défense européenne est moins perçue comme une menace par l'OTAN, car il a été compris qu'elle pouvait être complémentaire de l'Alliance atlantique. Il y a en effet une réelle identité de la défense européenne. La défense européenne se caractérise par sa très grande réactivité : la force d'intervention très rapide de 1 500 hommes est plus vite opérationnelle - il lui faut moins de quinze jours - que celle de l'OTAN, qui peut projeter plus d'hommes et de matériels, mais moins rapidement - un délai compris entre quinze jours et deux mois est nécessaire. Elle se distingue également de l'OTAN par la durée des opérations menées, qui doit être bien délimitée et relativement courte, alors que l'Alliance peut conduire des opérations dont la durée n'est pas connue à l'avance et qui requièrent un mécanisme bien rodé de relèves. Les militaires européens ont en outre un savoir-faire avec les populations locales que d'autres n'ont pas. Dans les années qui viennent, nous assisterons sans doute à une multiplication des crises, en Afrique, en Asie centrale et dans le monde arabe. Les Européens ne seront donc pas de trop pour faire face à ces crises ;

- l'un des points faibles de la défense européenne est la modeste contribution de certains pays. Trois Etats membres seulement consacrent 2 % de leur PIB à la défense, et beaucoup se situent aux alentours de 1 % ou moins. Si l'on souhaite réaliser les investissements nécessaires pour pouvoir intervenir en cas de crise, il faut un effort supplémentaire. Le pacte de stabilité et de croissance est utilisé par certains pour justifier la faiblesse de leurs dépenses militaires. La Commission européenne a compris que le fonctionnement actuel du pacte est trop rigide, et les discussions en cours devraient conduire à un assouplissement, qui devrait prendre en compte la contribution des dépenses militaires aux objectifs de la stratégie de Lisbonne ;

- il faut insister sur les apports de la Constitution européenne en matière de sécurité. Le ministère de la défense n'interviendra pas en tant que tel lors de la campagne référendaire, mais la ministre le fera, pour expliquer pourquoi une défense européenne est nécessaire et comment la Constitution conforte cette volonté de faire de l'Europe un lieu de paix et de prospérité. Le but de la construction européenne est d'assurer la paix et la stabilité sur notre continent et de les exporter, parce que les crises internationales ont des conséquences pour nous tous.

M. Jérôme Lambert, tout en convenant de l'importance et de l'utilité du rôle joué par l'OTAN, a toutefois fait part de son doute quant à l'opportunité de son renforcement - à l'heure où l'Europe de la défense et de l'armement s'efforce de s'affirmer - devant l'influence que continuent d'exercer les Etats-Unis en Europe, comme l'a illustré l'achat par la Pologne de F16 américains. Il a, dès lors, considéré qu'il fallait, selon lui, se départir de tout angélisme face à ces ambiguïtés.

Evoquant ensuite l'attitude de l'Europe à la suite du tsunami qui a frappé l'Asie de Sud et du Sud-Est, il a constaté que, si la France - comme d'autres Etats membres - avait engagé des moyens militaires, en revanche, l'action de l'Union européenne avait reçu très peu d'écho faute de réelle coordination.

La ministre a apporté les réponses suivantes :

- en ce qui concerne l'opportunité d'un renforcement de l'OTAN, il importe de se rappeler que le fait d'avoir institué des rencontres entre la Russie et l'OTAN avait été de nature à enlever à cette dernière sa raison d'être. Or, le choix - décidé à l'unanimité des membres de l'OTAN - d'envoyer des troupes en Afghanistan a contribué à sa survie, en montrant qu'il était de l'intérêt de l'organisation d'intervenir sur un théâtre extérieur, parce que cette région constitue un foyer du terrorisme et une source de retombées négatives pour l'Union. En outre, cette intervention a révélé le renforcement du poids de l'Europe au sein de l'OTAN, grâce à sa participation unifiée et majoritaire à la force militaire. Dans ce contexte, l'exemple polonais confirme la nécessité de construire l'Europe de la défense. Le choix effectué par la Pologne il y a deux ans doit, en effet, être replacé dans le contexte géopolitique qui existait alors, puisque la Pologne continuait de percevoir un danger russe et s'était, en conséquence, tournée vers les Etats-Unis et l'OTAN qui, à ses yeux, étaient les seuls capables d'assurer sa défense. Aujourd'hui, on peut penser que la Pologne achèterait des avions européens parce que l'Europe de la défense existe et qu'elle demande à y participer, comme l'illustrent d'ailleurs sa présence active au sein de l'Agence européenne de défense et son souhait d'être incluse dans les groupements tactiques de 1 500 hommes. Il importe d'encourager cette évolution de la Pologne, également perceptible dans des Etats tels que la Hongrie, la Slovaquie et la Bulgarie. De façon générale, l'objectif consiste à accroître le poids de l'Union européenne au sein de l'OTAN afin d'inciter cette dernière à acheter du matériel européen ;

- la réaction de l'Union européenne à la suite du tsunami a été très rapide. Le soir même, le ministère de la défense a mis ses moyens à la disposition du ministère des affaires étrangères, alors chargé de la coordination, tandis que dès le lendemain, un gros porteur a été appareillé et a emporté à son bord des équipes médicales et l'équipe d'identification de la gendarmerie. En outre, des hélicoptères ont été envoyés dans les régions concernées. D'autres Etats membres comme l'Allemagne ou la Belgique ont également réagi. On peut certes regretter que la coordination - assurée par la Commission - ait été très tardive, mais il apparaît que l'armée, qui aurait pu en être un vecteur efficace, n'a pas joué le rôle qui aurait dû lui être dévolu. C'est d'ailleurs pourquoi le Président de la République a demandé que soit constituée une force d'intervention rapide humanitaire sur le modèle de celle qui existe dans le domaine militaire. Il est à espérer qu'une telle structure soit mise en place et échappe à toute lourdeur bureaucratique.

M. Didier Quentin, évoquant le lancement, à la fin de l'année 2004, du satellite Helios 2, grâce aux efforts conjugués de la France et de certains de ses partenaires comme l'Espagne, y a vu une occasion pour l'Europe de renforcer ses capacités d'analyse du renseignement et ses moyens d'observation. Il a souhaité savoir dans quelles conditions la France entendait favoriser les programmes permettant à l'Europe d'accroître son influence dans le domaine de l'observation par satellite.

Abordant ensuite le cas des autres pays qui, aux yeux de la ministre, pourraient constituer des foyers de crise, M. Didier Quentin a noté que des tensions persistantes subsistaient entre la Lettonie et la Russie au sujet des cérémonies de la commémoration de la fin de la seconde guerre mondiale, qui auront lieu au mois de mai prochain. Il a souhaité connaître la position de la ministre sur cette question ainsi que sur les moyens de renforcer la sécurité du transport maritime en Mer baltique, d'où viennent plusieurs navires insuffisamment contrôlés.

La ministre a apporté les réponses suivantes :

- les moyens satellitaires constituent un instrument permettant à l'Etat d'exercer sa souveraineté et de lui garantir l'autonomie de décision et d'information. Il est dès lors regrettable que le lancement d'Helios 2 soit passé inaperçu à la fin de l'an dernier, d'autant que cette opération illustre les possibilités offertes par la coopération entre les Etats membres, la Grèce ayant d'ailleurs décidé d'y adhérer, à hauteur de 2,5 % du capital. Ce programme sera poursuivi à travers le lancement du satellite Syracuse 3 dans quelques semaines. En tout état de cause, il est indispensable que la France promeuve une véritable politique spatiale européenne, l'étude effectuée par un groupe présidé par M. Bujon de l'Etang à ce sujet ayant pour but de convaincre les partenaires de la France de confier la mise en œuvre d'une telle politique à l'Agence européenne de défense ;

- s'agissant des nouveaux pays, il y a lieu de relever de leur part une « décontraction » accrue face à la Russie, même si, en ce qui concerne les Etats baltes, une certaine crispation demeure perceptible. Cet état de fait a été l'objet de conversations entre le ministre français des affaires étrangères, la ministre de la défense et le président Vladimir Poutine. Ce dernier a convenu qu'il existe une réelle défiance réciproque, liée notamment à la situation des Russes restés dans les pays baltes. Le président Vladimir Poutine est néanmoins désireux d'accomplir un geste à l'occasion de la commémoration de la fin de la seconde guerre mondiale, en y associant les présidents des trois Etats baltes. En outre, un texte sur les frontières de la Russie avec ces Etats baltes pourrait être signé.

Pour ce qui est de la sécurité du transport maritime, le ministère de la défense joue un rôle important dans la lutte contre des pollutions marines.

M. Jacques Floch a estimé que l'articulation entre la défense européenne et l'OTAN constituera l'un des enjeux déterminant le vote des citoyens français pour le référendum à venir sur le traité constitutionnel.

Certains n'hésitent pas à affirmer que ce projet organise la mise sous tutelle de la défense européenne par l'OTAN. Dans ces conditions, il serait souhaitable que le ministère de la défense publie un mémorandum démontrant clairement la réalité de l'autonomie de la défense européenne. Cette clarification est absolument nécessaire, dans un contexte où un événement comme l'achat par la Pologne d'avions américains est utilisé, par les détracteurs du traité constitutionnel, comme un argument illustrant l'inexistence de la défense européenne. Il est donc temps que le ministère précise le rôle que l'on veut faire jouer à la défense européenne. Dans le cas contraire, des questionnements et de faux débats resurgiront, risquant d'induire en erreur les citoyens au moment du vote sur le référendum.

M. Jacques Floch a ensuite abordé les célébrations marquant, cette année, la commémoration de la fin de la Seconde Guerre mondiale, une des « guerres tribales européennes », pour insister sur l'importance qu'a eu la construction de l'Union dans la mise en place d'un espace de paix, de sécurité et de liberté, rassemblant le continent. A cet égard, il a fait part de son étonnement face à une déclaration de M. Jacques Myard, tendant à indiquer que seule la renonciation, par l'Allemagne, du totalitarisme avait permis de construire l'Europe. Ces propos pour le moins surprenants ne doivent pas faire oublier cette vérité qu'il convient de rappeler encore et toujours : ce sont les Européens eux-mêmes qui, au lendemain de la guerre, ont pris en mains leur destinée et ont décidé, ensemble, de construire cet espace commun de paix.

Le Président Pierre Lequiller a alors souhaité qu'à l'occasion de la campagne référendaire, les ministres utilisent les séances de questions d'actualité pour illustrer la dimension européenne de leur travail.

La ministre a estimé qu'en France, une tradition bien établie faisait que, souvent, les éléments négatifs étaient davantage mis en valeur que les éléments positifs. Or les Français ont de nombreuses raisons d'être fiers des réalisations obtenues par l'Europe de la défense. Celle-ci a permis la construction d'avions gros porteurs, de satellites et a contribué au succès d'Ariane.

S'agissant de l'articulation entre l'Europe de la défense et l'OTAN, la première entité constitue une réalité à part entière, vivant sa propre existence aux côtés de l'Alliance atlantique. L'Europe de la défense n'a pas à souffrir d'un quelconque complexe par rapport à l'OTAN. Ainsi, le poids de cette nouvelle identité européenne de défense se manifeste, par exemple, par la création de forces de réaction très rapides. Ces dernières constituent une avancée capitale, car en facilitant une prise de décision rapide, elles mettront l'Europe en position de décider si, oui ou non, telle mission doit être confiée à des forces européennes ou à l'OTAN. L'Europe dispose désormais de la capacité de choisir : ce nouveau pouvoir, qui est réel, doit être mis en avant auprès des citoyens.

S'agissant de la publication éventuelle d'un mémorandum sur l'autonomie de la défense européenne, la ministre a indiqué qu'un tel document pouvait être remis à chacun des parlementaires, à charge pour eux de le diffuser plus largement.

M. Jacques Floch a rappelé que, lors des débats concernant la défense européenne à la Convention, un véritable consensus s'est dégagé sur l'avenir de ce volet de la construction de l'Union, rassemblant les grandes forces politiques, ainsi que l'ensemble des participants à cette assemblée. Ce consensus a ensuite été traduit dans le texte du traité constitutionnel, issu des travaux de la CIG, ce qui doit être souligné auprès des citoyens européens.

En réponse, la ministre a rappelé qu'à côté des possibilités ouvertes par le texte du traité, il existe désormais une pratique de la défense commune, qui donne à l'Europe une identité concrète et nouvelle.

En ce qui concerne la mise en valeur d'une « mémoire européenne » de la guerre et de la paix, la participation de nombreux jeunes aux commémorations des derniers mois constitue un signe encourageant. Toutefois, l'implication des jeunes à l'entretien de cette mémoire vive doit être renforcée. Dans ce sens, une piste intéressante consisterait à publier des manuels scolaires communs, une proposition avancée par la ministre il y a plusieurs années.

Mme Anne-Marie Comparini a considéré que les derniers développements de l'Europe de la défense ne pouvaient, en aucune façon, être présentés comme une mise sous tutelle de cette dernière par l'OTAN. Avec ses nouvelles capacités de déploiement et leur rapidité, l'Europe apporte ainsi la preuve qu'elle sera, dans un avenir proche, capable de se défendre elle-même. Cette perspective prometteuse doit être mise en valeur, car elle est importante pour les citoyens.

Par ailleurs, les Etats-Unis pouvant être amenés à se désintéresser un jour de l'Europe, voire à retirer leurs dernières troupes, ces perspectives ne peuvent qu'inciter les Européens à prendre en mains leur avenir. La période récente ne peut donc être présentée comme la traduction d'un renforcement de l'OTAN : l'Europe de la défense a connu en effet une véritable montée en puissance, qui lui a permis d'atteindre un point d'équilibre avec l'Alliance atlantique.

La ministre a considéré que l'Europe de la défense a aussi progressé en relevant le défi commun qu'est la lutte contre le terrorisme. Ce dernier constitue une menace pour toute la communauté internationale, qui impose à chacun de s'organiser dans le cadre européen, dans celui de l'OTAN et, au-delà, au sein de cercles plus informels tel que le dialogue 5+5. Mais en dehors du cas particulier du terrorisme, l'Europe sera naturellement amenée à se défendre par ses propres moyens, une fois la politique étrangère et de sécurité commune mise en place. La crise des Balkans aurait dû constituer la première occasion d'une riposte européenne coordonnée, mais celle-ci n'a pas eu lieu en raison des divisions existant entre les Etats membres.

Par ailleurs, la ministre a jugé que la capacité de l'Europe à se défendre découle des obligations assumées dans le cadre de l'OTAN. En effet, l'OTAN, ne se résume pas à la défense de l'Europe par les Etats-Unis et le Canada : elle constitue aussi un cadre d'organisation de la défense des Etats-Unis par l'Europe, point qui ne doit pas être oublié. Le traité de l'Atlantique Nord l'affirme clairement : la solidarité joue dans les deux sens, ce qui au final implique l'existence d'une Europe de la défense en mesure de faire face à ses responsabilités.

S'agissant des évolutions de l'Alliance atlantique, ses membres ont décidé d'étendre sa zone d'action, dès lors qu'ils ont un intérêt à agir en dehors de celle-ci. Cette évolution donnera à chaque pilier de la défense du continent européen une plus grande liberté d'action car, dans certains cas, l'Europe devra agir seule, alors que dans d'autres, elle devra recourir aux moyens de l'OTAN.

M. Jacques Myard ayant rappelé que la solidarité inscrite dans le traité de l'Atlantique Nord a été mise en œuvre en Afghanistan en raison de l'attaque portée sur le territoire américain, la ministre a indiqué que la première riposte s'est faite dans le cadre de l'opération Enduring freedom, l'OTAN intervenant seulement dans un deuxième temps pour stabiliser ce pays.