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DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 123

Réunion du mercredi 6 avril 2005 à 16 heures 15

Présidence de M. Pierre Lequiller, Président

Audition, ouverte à la presse, de M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, sur les perspectives financières 2007-2013

Après avoir considéré qu'il était important que la Délégation auditionne le ministre le plus rapidement possible après sa prise de fonction à Bercy, le Président Pierre Lequiller l'a interrogé sur l'état d'avancement des négociations sur les perspectives financières, ce sujet ayant fait, tout à l'heure, l'objet d'une question d'actualité à laquelle le Premier ministre a répondu.

En ce qui concerne l'enveloppe proposée pour les réseaux transeuropéens de transport et d'énergie, soit 22,7 milliards d'euros pour la période 2007-2013, il a souhaité connaître la position française vis-à-vis de cette enveloppe.

M. Thierre Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a affirmé qu'il était important pour tous les acteurs politiques de cette négociation, c'est-à-dire le Parlement et le Gouvernement, de jouer « collectif ». En effet, comme le Premier ministre l'a rappelé cet après-midi, les négociations sur les perspectives financières revêtent une importance cruciale pour la France.

Le ministre a précisé qu'il présenterait le cadre de ces négociations et la tactique adoptée par le Gouvernement, la perspective du prochain référendum sur le projet de traité constitutionnel accentuant le caractère très particulier des discussions en cours.

Après avoir souligné que cette audition par la Délégation était la première du genre pour lui, il a d'abord rendu hommage au travail du Parlement sur l'élaboration des prochaines perspectives financières. Il a déclaré que sa réflexion se nourrit des travaux du Parlement, plus particulièrement des propositions issues de la mission confiée par le Premier ministre à M. Marc Laffineur, ainsi qu'au sénateur Serge Vinçon, et de celle confiée par la Délégation à MM. René André et Marc Laffineur.

La qualité de ces contributions incite à la multiplication des échanges entre le Gouvernement et le Parlement sur un sujet aussi complexe et important pour l'avenir de l'Europe.

Abordant le premier point de son exposé, le ministre a présenté le contexte et les enjeux des négociations.

L'enjeu de la négociation consiste à donner à l'Europe un cadre budgétaire maîtrisé. Le Premier ministre l'a rappelé dans sa réponse aux questions d'actualité : à l'heure où la France doit respecter les règles européennes du jeu budgétaire, les institutions européennes doivent, en contrepartie, maîtriser leurs dépenses.

Cette stricte réciprocité des efforts impliquera, du côté européen, de hiérarchiser les moyens affectés aux politiques, un objectif d'autant plus prioritaire qu'à l'heure actuelle, le désordre règne dans ce domaine.

Parallèlement, l'Europe, avec ce cadre maîtrisé, doit se doter de moyens adaptés à son ambition politique. Le ministre a alors estimé que cette ambition peut se décliner en trois axes prioritaires.

Premièrement, la solidarité doit rester au cœur de la construction européenne. Elle doit impérativement s'exercer à l'égard des nouveaux Etats membres, afin de favoriser leur rattrapage économique et social. Car la dynamique qui a été si efficace pour l'Europe du Sud doit maintenant leur bénéficier.

Ainsi, la politique de cohésion doit exercer ses effets bénéfiques sur l'ensemble du territoire de l'Union. Cette ambition est noble : elle consiste à faire de l'harmonisation économique et sociale la base et le moteur de la construction européenne.

En outre, depuis le début des années 1990, l'Europe a établi avec les nouveaux entrants des relations commerciales ouvertes, qui sont bénéfiques pour nos entreprises et pour nos emplois. Dès lors que le jeu des localisations et des délocalisations s'exerce dans les deux sens, cette stimulation mutuelle peut jouer très avantageusement pour tous les pays.

Il reste que le maintien de l'objectif de cohésion aura un coût. Toutefois, cet effort pèsera sur un PIB qui, lui aussi, sera « élargi ». Aussi est-il tout à fait normal de vouloir redistribuer quand l'Europe, globalement, s'enrichit.

La solidarité doit aussi s'exercer vis-à-vis des agriculteurs, sur le fondement d'une PAC pérennisée jusqu'en 2013 par les accords de Bruxelles d'octobre 2002 et la réforme de Luxembourg de juin 2003.

Deuxièmement, l'Europe politique qu'il faut construire doit aussi accorder une priorité à la croissance.

En mars dernier, le Conseil européen a réformé le pacte de stabilité et de croissance, tout en révisant la stratégie dite de Lisbonne. Ces développements doivent encourager les Etats membres à stimuler la croissance et l'emploi, qui toutes deux conditionnent le maintien du modèle social européen.

Parallèlement, sans être la clé de l'avenir de l'Union, l'argent européen pourra jouer un véritable rôle de catalyseur, à la condition d'être intelligemment utilisé.

Troisièmement, l'Europe doit accorder la plus grande importance à l'affirmation de son rôle dans le monde. Dans cette perspective, le G8, actuellement sous présidence anglaise, devrait placer l'Afrique au centre de ses priorités, dans le prolongement des propositions du Président de la République. De même, l'engagement de la communauté internationale en faveur de l'aide publique au développement doit être relancé. Enfin, les dispositifs d'aide extérieure de l'Union doivent être réformés, afin d'en améliorer l'efficacité, ce qui implique, notamment, la budgétisation du fonds européen de développement.

Le ministre a alors abordé, le deuxième point de son exposé, les motivations de la position française.

Tous ces défis peuvent être relevés en dépensant moins que le propose la Commission. C'est pourquoi la France, avec cinq autres pays contributeurs nets, a proposé que le budget européen soit contenu en dessous de 1 % du revenu national brut de l'Union, soit 815 milliards d'euros en crédits d'engagement au prix de 2004 pour l'ensemble de la période 2007-2013.

Le ministre a insisté sur le fait que la position française n'a pas pour objectif caché de « rogner » les ailes au projet européen et de le priver des moyens de son développement. Celle-ci n'a qu'un but : réussir le pari d'une Europe politique, qui puisse agir comme telle, en utilisant les moyens les plus qualifiés.

Il a rappelé par ailleurs que la position de négociation sur le 1 % permet une progression du budget européen de près de 50 milliards d'euros supplémentaires par rapport à la période 2000-2006, soit l'équivalent du produit annuel de l'impôt sur le revenu, avant de souligner, une fois encore, que maîtriser la dépense pour la rendre plus efficace revient à traduire au niveau européen les engagements pris sur le plan national.

La France a donc tenu, par la voix du Président de la République, à rappeler la nécessité d'une discipline budgétaire. L'enjeu est d'autant plus important que la proposition de la Commission entraînerait, à horizon 2013, une hausse de l'ordre de 5 milliards d'euros de la contribution française, et à augmenter ainsi d'un tiers un prélèvement européen qui déjà atteindra, en 2005, environ 16,6 milliards d'euros.

Mais le principe de réalité commence à s'imposer aux négociateurs : ainsi, il est apparu, au cours des premières discussions, qu'une large majorité d'Etats membres a considéré que les propositions de la Commission sont beaucoup trop élevées.

Le ministre a donc estimé que la proposition de la Commission est très loin du point d'équilibre de la négociation et ne peut paraître une base réaliste pour trouver un accord.

La seconde pierre angulaire de la position française concerne le respect plein et entier des engagements pris par le Conseil européen à Bruxelles et à Copenhague en matière de PAC.

L'analyse selon laquelle la PAC coûterait trop cher ne résiste pas à un examen approfondi. De plus, la PAC d'aujourd'hui ne ressemble en rien à sa première construction : elle a été réformée en juin 2003 pour définir un nouvel équilibre entre les aspirations des agriculteurs et celles de la société. Le cadre mis en place renforce la qualité et la sécurité de l'alimentation, tout en encourageant le respect de l'environnement. Surtout, il convient de ne pas oublier que tout étant devenue plus vertueuse, la PAC représente un effort budgétaire qui n'est pas très éloigné de celui constaté aux Etats-Unis.

Par ailleurs, le compromis budgétaire sur la PAC négocié par la France et l'Allemagne a permis le déblocage, fin 2002, des négociations d'élargissement. Dans ces conditions, remettre en cause l'accord de Bruxelles, que ce soit par la proposition d'un cofinancement des aides directes, comme le suggère le député européen Reimer Böge, ou par le refus de relever les plafonds à concurrence des dépenses prévues pour l'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie, empêcherait tout accord global sur les perspectives financières.

L'engagement du Président de la République et du Gouvernement pour défendre les accords de 2002 et 2003 est donc total. Le ministre a jugé d'ailleurs rassurant, le fait que, contrairement à la situation prévalant il y a sept ans, les négociateurs commencent leur travail en partant d'une base négociée par les chefs d'Etat et de Gouvernement.

La troisième pierre angulaire de la position française est le souhait d'un financement équitable et transparent du budget, en particulier de la charge budgétaire liée à l'élargissement.

De ce souhait, découlent trois conséquences.

Tout d'abord, le chèque britannique ne se justifie plus. Si Mme Thatcher a réussi un « beau tour », les conditions qui prévalaient en 1984 ont changé, que ce soit la place de l'agriculture dans le budget européen ou le retard économique du Royaume-Uni.

Il n'est plus concevable qu'un pays soit exonéré de son devoir de solidarité vis-à-vis des dix nouveaux Etats membres. La France, à cet égard, contribue actuellement à hauteur de 30 % au financement du chèque britannique. C'est la raison pour laquelle le Président de la République plaide, avec une fermeté certaine, en faveur du réexamen de ce système.

Par ailleurs, l'introduction d'un mécanisme de correction généralisée, qui appliquerait le principe du chèque britannique aux principaux contributeurs nets n'est pas acceptable. L'analyse du Président Jean-Claude Junker, selon laquelle on ne corrige pas une erreur en la généralisant, est partagée par plusieurs de nos partenaires, notamment l'Allemagne.

La dernière conséquence est qu'un accord intérimaire sur les dépenses pour quelques années, même assorti d'une clause de rendez-vous, ne présenterait pas les garanties suffisantes dont la France a besoin.

Au total, ces pré-conditions posées, les Etats membres doivent avoir le courage de poser la question des ressources propres du budget européen.

Venant au troisième point de son exposé, le ministre a présenté les résultats obtenus dans les négociations et la justification de la ligne du 1 %.

A ses yeux, le premier bilan des discussions plaide en faveur de la position de négociation du Gouvernement. En effet, cette position va, compte tenu de ce qui peut être observé, permettre de nouer des alliances et des dynamiques utiles pour l'avenir. Cette stratégie, qui a fait la preuve de son efficacité à l'occasion de la réforme du pacte de stabilité, permettra sans doute d'obtenir d'autres résultats. Car en ce qui concerne le Pacte, le lien franco-allemand a impulsé le changement d'attitude de l'Italie, puis œuvré en faveur de la neutralisation de l'Autriche et des Pays-Bas

D'ores et déjà, l'accord avec les cinq autres pays sur le 1 % s'est accompagné de la pleine reconnaissance des accords de Bruxelles sur la PAC, ce qui a par ailleurs conduit nos partenaires britanniques, néerlandais et suédois à une certaine retenue vis-à-vis de la PAC.

De même, la proposition italienne de cofinancement des aides directes de la PAC n'a reçu qu'un faible écho, alors que cette position a été, par le passé, défendue par tous les partenaires de la France au sein du groupe des six.

Toutefois, la sanctuarisation de la PAC restant fragile, l'objectif prioritaire de la France, sur cette question, est qu'elle ne devienne pas une ligne de partage des positions des Etats membres.

La cohésion du groupe des six a permis également de faire évoluer le débat sur les perspectives financières.

A l'heure actuelle, les Etats membres ne se positionnent plus pour ou contre la proposition de la Commission, mais estiment tous que son projet doit être revu à la baisse : le caractère irréaliste de ce dernier fait désormais consensus. Le groupe des six aura donc fait sortir la Commission du bois, en l'obligeant à abandonner sa position tactique.

Le ministre a alors considéré que l'Europe se fera, quelle que soit l'issue du référendum. Le choix des Français est un choix souverain, qu'il conviendra de respecter. Cependant, plus ce choix sera conforme à l'intérêt européen de la France, plus cette dernière sera forte en Europe. Dans le cas contraire, il est à craindre que la voix de la France ne se fera pas aussi bien entendre.

Le ministre a insisté sur le fait que cette négociation, qui présente autant d'enjeux, ne peut être gérée comme une négociation courte. La dimension tactique prend donc toute sa place.

Une concession affichée trop tôt est immédiatement engrangée et déplace le curseur sans retour possible. D'autre part, il est encore trop tôt pour savoir si les lignes bougeront dans les semaines qui viennent, car cela dépendra de la perception de chaque Etat membre quant à la possibilité de conclure un accord en juin.

Enfin, la ligne du 1 % est le meilleur moyen d'éviter l'introduction d'un mécanisme de correction généralisée. Plus la dépense communautaire, et donc la contribution de l'ensemble des « gros contributeurs nets » est maîtrisée, moins le maintien ou la mise en place de dispositifs de correction apparaîtra comme indispensable. A l'inverse, une telle garantie risquerait de peu bénéficier à la France, qui est un contributeur net de second rang et est assurée d'être le principal financeur d'un tel mécanisme.

Abordant le dernier point de son exposé, le ministre a présenté les prochaines étapes des négociations.

La présidence souhaite conclure un accord en juin prochain, en profitant de la dynamique créée par le succès de la réforme du pacte de stabilité et de croissance. Mais il reste encore trop d'incertitudes dans les paramètres de la négociation pour prédire les chances d'un accord à cette échéance. Une chose est sûre toutefois : la France sera d'autant plus écoutée dans ces négociations que la victoire du oui au référendum aura été plus nette.

La présidence prépare le Conseil européen de juin sur la base d'une « boîte de négociations », sensée constituer l'ossature des futures conclusions du Conseil européen. Cependant, il est manifeste que tous les sujets sensibles resteront sur la table jusqu'au dernier moment.

La position de la France découle de ce calendrier et de ces incertitudes quant à la possibilité d'un accord dès juin 2005.

Quoi qu'il en soit, la France maintient la ligne du 1 %. Deuxièmement, la discussion de fond sur le volet de dépenses doit être engagée, afin de sortir de la logique de la Commission selon laquelle un bon budget est un budget dont toutes les rubriques progressent uniformément.

Cela implique de réfléchir à la politique de cohésion ou aux domaines pour lesquels la Commission propose des augmentations spectaculaires, comme le doublement des dépenses de recherche ou la multiplication par sept des dépenses relatives aux infrastructures de transport. On voit bien que l'effet d'affichage est privilégié par rapport à la substance.

Or, la démarche des Etats membres doit être réaliste, c'est-à-dire compatible avec l'efficacité économique et les capacités d'absorption réelles des Etats membres.

En conclusion, M. Thierry Breton a déclaré que la France abordait la suite des discussions dans un état d'esprit résolument positif, tout en affirmant que le contenu de l'accord devra primer sur le respect du calendrier.

M. René André, rapporteur, a estimé que le plafond proposé par la Commission à 1,14 % permettrait difficilement de préserver la PAC, les fonds structurels, de financer la recherche ou la stratégie de Lisbonne. Or, il apparaît également souhaitable, selon lui, de prévoir une ligne budgétaire pour la politique de la défense, ce qui permettrait de réduire l'effort de la France en ce domaine et de faciliter les négociations avec la Grande-Bretagne sur la diminution de son « chèque ».

Evoquant les négociations à venir, il a jugé nécessaire de travailler avec l'Allemagne et a souligné la vive inquiétude de l'Espagne quant aux conséquences de la diminution des fonds structurels, assimilée dans ce pays à ce qu'il a appelé un « effet guillotine ».

En conclusion, il a insisté sur la nécessité de préserver la PAC et d'approfondir la construction européenne.

Le ministre a fait remarquer que sur les projets cités par M. René André, les priorités n'avaient pas été clairement identifiées en vue d'un arbitrage. Il a donc souhaité, avec le Gouvernement, que la définition des projets soit hiérarchisée. Evoquant la question de l'Europe de la défense, il a relevé qu'en ce domaine il n'existait toujours pas de consensus, tout en comprenant la proposition défendue par M. René André. Le ministre a rappelé que la France avait suggéré que, dans le cadre de l'aménagement du pacte de stabilité, ne soient pas prises en compte les dépenses consacrées à la recherche y compris la recherche militaire, ni celles en matière de solidarité extérieure - c'est-à-dire celles engagées pour faire face à des tragédies militaires, climatiques ou aux interventions sur des théâtres d'opérations extérieures dans le cadre d'un mandat de l'ONU. Il a estimé que la conclusion d'un accord au mois de juin lui paraissait un objectif ambitieux, lequel nécessitera, en tout état de cause, beaucoup de discussions.

M. Philippe Martin, constatant que le budget pourrait être plafonné à 1 %, a souhaité savoir quelles seraient les réactions des autorités françaises face à la proposition du Premier ministre belge, qui souhaite fixer à 16 % des crédits d'engagement et à 18 % des dépenses le montant du budget de la recherche-développement.

Le ministre a marqué son accord pour un tel objectif, déclarant que la France avec 2 % du PIB consacré à la recherche-développement se disqualifiait. La recherche est une véritable priorité sur laquelle les Etats membres devraient tomber d'accord et, à cet effet, se donner les moyens pour accroître les dépenses et pas seulement celles consacrées à la recherche publique. Il s'agit également de faciliter les allers-retours entre les secteur public et privé et de donner des perspectives aux jeunes chercheurs. Pour ce qui est de la France, ce sont les objectifs que le projet de loi sur la recherche veut poursuivre, conformément à la volonté clairement exprimée par le Gouvernement. Mais il importe aussi d'inciter les entreprises à réinvestir une partie de leurs bénéfices dans le domaine de la recherche ou dans des entreprises innovantes. A l'échelle de l'Europe, il est nécessaire que de grands projets soient de nouveau définis car, depuis le programme Eurêka qui a permis d'irriguer la recherche européenne en particulier dans le domaine des semi-conducteurs, les grands projets font défaut. Le ministre a estimé qu'il serait nécessaire de définir au moins dix grands projets en vue de restructurer la recherche européenne.

M. Bernard Deflesselles, tout en notant que la France s'engage dans une négociation délicate, a déclaré qu'une Europe de la défense devait exister afin de permettre l'apparition d'une Europe politique. Soulignant les difficultés auxquelles se heurte la construction d'une Europe de la défense, il a rappelé que d'après le rapport qu'il a remis à la commission de la défense sur les industries de défense européennes, 99 % des capitaux s'investissant dans l'Union européenne provenaient des Etats-Unis. En outre, seulement six Etats membres ont un budget militaire significatif, ce qui imposera de convaincre les autres d'accroître leur effort dans le domaine de la recherche militaire. Evoquant le cas de la France, M. Bernard Deflesselles a relevé que la recherche militaire irriguait la recherche civile et que le budget de la défense à travers la loi de programmation militaire permettait à l'Etat d'être le premier investisseur en France. Il a également fait valoir que le fait que l'Agence européenne de défense tienne ses missions des Etats membres pourrait inciter ces derniers à augmenter les crédits. Evoquant la situation de la Grande-Bretagne, M. Bernard Deflesselles a considéré que la France devrait négocier avec elle compte tenu du fait que son budget en matière de défense est le plus important de l'Union européenne. En revanche, M. Bernard Deflesselles a craint que la situation de contributeur net du Royaume-Uni ne soit de nature à compliquer la discussion sur la diminution de son « chèque ».

M. Jacques Myard a approuvé la proposition française visant à plafonner les dépenses européennes à 1 % du revenu national brut de l'Union, mais a estimé que cette position sera difficile à tenir, compte tenu de l'impact de l'élargissement, de l'essor des politiques de coopération tous azimuts et de la faiblesse de certains pays de la zone euro, la Grèce en particulier. Il s'est interrogé sur l'efficacité du budget européen, qui opère un véritable « saupoudrage » à travers une kyrielle d'actions, notamment en matière d'action extérieure. Il faut mener de grandes politiques au niveau européen, mais d'une autre nature que les politiques actuelles. En ce qui concerne les fonds structurels, une telle usine à gaz n'est pas nécessaire. Le pacte de stabilité et de croissance continue de prévoir que les sanctions applicables à un Etat membre pourront prendre la forme d'amendes allant jusqu'à 0,5 % du PIB de l'Etat concerné, ce qui aura un effet déflationniste important.

M. Jacques Floch a souhaité beaucoup de courage au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie au cours de cette négociation sur les perspectives financières 2007-2013, en particulier en ce qui concerne la remise en cause du « chèque britannique ». Il a rappelé que des élections législatives sont en effet prévues le 5 mai prochain au Royaume-Uni, et il a mis en doute la volonté de la droite française, qui souhaite la victoire du Premier ministre actuel, de porter atteinte à la popularité de M. Tony Blair en obtenant une diminution du « rabais britannique ». Cette correction budgétaire apparaît injustifiée à beaucoup d'Européens, compte tenu de l'augmentation du PIB du Royaume-Uni, et il faudra y mettre un terme. Ces fonds doivent bénéficier aux nouveaux Etats membres, dont les besoins sont importants. Il a souhaité savoir quelles perspectives le gouvernement français pourrait dessiner pour l'Europe à partir de sa proposition de plafonner les dépenses européennes à 1 % du revenu national brut de l'Union.

M. Daniel Garrigue a souligné l'aspect théorique de ce débat, les négociations de cet ordre se terminant généralement « à l'arraché ». Il a souligné que le plafonnement des dépenses européennes à 1 % du revenu national brut de l'Union conduirait à une augmentation du budget de près de 50 milliards d'euros par rapport à la période 2000-2006, et a souhaité savoir si ce plafond de 1 % a déjà été dépassé lors des perspectives financières actuelles. L'Europe n'agit de toute façon pas qu'à travers ses dépenses budgétaires, elle avance aussi grâce à des coopérations intergouvernementales et en coordonnant l'action des Etats membres.

M. Robert Lecou a indiqué qu'il a participé, le 5 avril 2005, à une réunion interparlementaire organisée par le Parlement européen à Bruxelles sur les perspectives financières, et il a souligné la nécessité de défendre une position cohérente sur ce sujet. Le budget européen a surtout été consacré, jusqu'ici, à la politique agricole et aux fonds structurels. Or certaines régions françaises n'ont pas su utiliser ces fonds, alors qu'ils sont essentiels pour certaines d'entre elles, en particulier les régions en reconversion économique bénéficiaires de l'objectif 2. Il s'est également inquiété que des crédits soient prévus pour la Croatie et la Turquie.

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a remercié les intervenants pour leurs encouragements et a apporté les éléments de réponse suivants :

- la France ne mènera pas cette négociation seule. Plusieurs de nos partenaires partagent notre vision, en particulier les cinq autres contributeurs nets (Allemagne, Autriche, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède), ayant signé la lettre du 15 décembre 2003. Le dialogue sera poursuivi avec eux, pour défendre une position commune au cours des négociations ;

- d'autres Etats se servent de leurs industries de défense pour soutenir, directement ou indirectement, leur politique de recherche et développement. La défense européenne est en marche, et beaucoup de progrès ont été accomplis, grâce à l'axe franco-britannique et à l'axe franco-allemand. La France joue donc un rôle central. La révision du pacte de stabilité et de croissance est un premier pas dans la bonne direction. Il faudra aussi développer des coopérations intergouvernementales et entre les entreprises concernées, qui le font déjà pour atteindre une taille mondiale sur un socle européen. La nationalité des actionnaires pèse peu dans leurs choix, mais il est important que les entreprises de défense conservent une identité européenne ;

- la négociation des nouvelles perspectives financières est le bon moment pour discuter du « chèque britannique », en ayant une vision plus dynamique de cette question ;

- les fonds structurels fonctionnent bien dans certaines régions, même si des économies pourraient être réalisées, en ciblant des projets plus spécifiques ;

- les crédits relatifs à la Croatie et à la Turquie sont des crédits de pré-adhésion. Les négociations d'adhésion dureront, pour certaines, dix, quinze ou vingt ans peut-être, et elles ne signifient pas que ces Etats adhéreront à l'Union.