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DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N° 158

Réunion du mardi 7 février 2006 à 16 heures 15

Présidence de M. Pierre Lequiller, Président

Audition de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères

Le Président Pierre Lequiller s'est déclaré heureux d'accueillir M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, à la Délégation pour évoquer les grands sujets d'actualité européens.

Après l'année 2005 marquée par une crise majeure de l'Union européenne, le Président Pierre Lequiller a considéré que l'accord budgétaire conclu en décembre dernier, et qui doit être encore adopté par le Parlement européen, devait permettre à l'Europe de repartir. Pour répondre aux attentes de nos concitoyens, il a estimé nécessaire de développer l'Europe concrète et l'Europe des projets.

Dans cet esprit, il a interrogé le ministre sur la politique énergétique européenne et lui a demandé si le Conseil européen des 23 et 24 mars 2006 comportera l'indispensable volet sur la politique extérieure de l'Union afin que la garantie d'approvisionnement énergétique soit reconnue comme un intérêt vital de l'Union et un objectif primordial de la PESC. Il l'a également interrogé sur le nécessaire développement d'un dialogue énergétique entre l'Union européenne et la Russie de sorte que la politique de voisinage de l'Union à l'Est soit complémentaire et non pas conflictuelle avec celle de la Russie.

Evoquant la « stratégie de Lisbonne », censée apporter des réponses concrètes aux préoccupations des citoyens, il a demandé au ministre de s'exprimer sur la mise en œuvre de la relance décidée il y a un an. Le Président Pierre Lequiller a notamment rappelé les enjeux européens en matière d'éducation et de culture, sur lesquels s'est exprimé le Premier ministre, M. Dominique de Villepin, lors de son récent déplacement à Berlin. Il s'est déclaré préoccupé par les faibles crédits alloués à ces politiques alors qu'Erasmus a fait bien plus pour l'identité européenne que nombre de politiques communes.

Evoquant enfin l'avenir du traité constitutionnel européen, le Président Pierre Lequiller a souhaité connaître l'analyse du ministre sur l'état d'avancement de la période de réflexion au sein de l'Union

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, s'est déclaré heureux de s'exprimer devant la Délégation, après une année 2005 difficile pour l'Union européenne. L'année 2006 s'annonce, à bien des égards, comme une année importante pour la poursuite de la construction européenne.

Après les difficiles négociations et, finalement, l'accord obtenu en décembre dernier sur le financement de l'Union pour la période 2007-2013, le temps est venu du débat sur l'avenir de l'Union. La France entend contribuer à tracer des perspectives pour refonder l'Europe et avancer, en particulier, sur le chemin de « l'Europe des projets ».

Rappelant que le Parlement européen avait rejeté, à ce stade, par son vote du 18 janvier dernier, l'accord de décembre sur les perspectives financières, il a indiqué que cette position était attendue, et qu'il revient désormais à la Commission, au Conseil et au Parlement européen de parvenir à un accord interinstitutionnel. Chacun en est conscient, l'accord de décembre repose sur un équilibre fragile et tout porte à croire que, dans le cadre des discussions qui vont se poursuivre entre les trois institutions, il sera difficile de s'en éloigner sensiblement.

Evoquant le débat sur l'avenir de l'Union, qui s'inscrit au cœur des priorités de la présidence autrichienne, le ministre a souligné l'importance qu'il y a à s'accorder sur une stratégie à mettre en œuvre sur les futurs élargissements.

La France souhaite en effet qu'un véritable débat s'engage sur la stratégie d'élargissement ; c'est ce message qui a été clairement défendu lors du Conseil de décembre dernier, à l'occasion de la discussion à Vingt-cinq sur la Macédoine/ARYM.

Le ministre a indiqué que la France avait demandé à la présidence autrichienne d'engager rapidement cette réflexion collective, en particulier sur le critère de la « capacité d'absorption » de l'Union, dont le Chancelier autrichien, M. Wolfgang Schüssel, a rappelé l'importance, lors de son intervention devant le Parlement européen. Le Premier ministre, M. Dominique de Villepin, en a fait lui aussi l'un des points importants de son discours prononcé à Salzbourg le 27 janvier 2006.

Pour réussir les futurs élargissements, le ministre a estimé qu'il était indispensable de progresser d'ici au mois de juin prochain sur la définition de ce critère, qui s'inscrit au cœur des questions posées par les opinions publiques.

Il ne s'agit pas de créer de faux obstacles aux futurs élargissements, mais au contraire de rendre ces derniers acceptables par les citoyens européens, qui sont plus que jamais préoccupés par les difficultés du fonctionnement de l'Europe à Vingt-cinq, comme la discussion sur le dossier de la TVA l'a montrée.

S'exprimant sur la question institutionnelle, le ministre a relevé que le Parlement européen avait estimé, lors de sa session de janvier dernier, qu'après l'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie, un nouvel élargissement sera « impossible sur la base du traité de Nice », rejoignant en cela les préoccupations françaises sur l'élargissement et la capacité d'absorption. Le Parlement européen a aussi exprimé son attachement au traité constitutionnel en refusant les propositions avancées par ses rapporteurs spéciaux pour engager une réflexion sur une possible révision de projet de Constitution. Sur ce point, le ministre a rappelé le contexte difficile puisque treize pays ont ratifié le traité, deux l'ont rejeté, et la plupart des autres Etats membres semblent peu disposés à engager la ratification.

La voie est naturellement étroite pour la France : les Français se sont exprimé et leur vote s'impose. Mais force est de reconnaître qu'il serait tout aussi dangereux de ne rien faire.

C'est pour cette raison que le ministre a indiqué que le Président de la République avait suggéré de rechercher les améliorations possibles, en partant, naturellement, du cadre des traités existants. Plusieurs propositions ont été identifiées, s'agissant notamment d'une meilleure association des parlements nationaux au contrôle du principe de subsidiarité, d'un renforcement de la cohérence de l'action extérieure de l'Union, du développement d'une capacité européenne de réponse aux catastrophes naturelles ou encore des moyens à mettre en œuvre pour favoriser l'émergence d'une véritable défense européenne. Le ministre a également proposé de progresser dans le domaine de la coopération judiciaire et policière, estimant nécessaire de réfléchir, sur ce point, à la mise en place à Bruxelles d'un réseau permanent des représentants des Etats membres en matière de sécurité intérieure, ou encore d'envisager la mise en œuvre de la clause passerelle de l'article 42 du traité sur l'Union européenne, comme la Délégation pour l'Union européenne l'a elle-même suggéré.

Le ministre s'est par ailleurs déclaré convaincu qu'il est devenu aujourd'hui nécessaire de franchir de nouvelles étapes dans le domaine de la gouvernance économique et de la zone euro. Il est tout à fait possible, selon lui, de renforcer la dimension politique de la zone euro en bâtissant sur les disciplines et les solidarités monétaires entre les pays de la zone.

Il a souhaité le développement d'échanges au plus haut niveau sur la situation économique, dans le cadre d'un sommet informel des pays de la zone euro, à l'instar de ce que fait régulièrement le Président des Etats-Unis avec le Président de la Réserve fédérale. Un sommet de la sorte pourrait se prolonger ensuite par des réunions spécialisées au niveau ministériel, par exemple en matière sociale ou en matière d'emploi.

La zone euro est un « groupe pionnier » qui n'est pas contesté, et auquel beaucoup d'autres Etats membres entendent se joindre dès lors qu'ils rempliront les critères d'adhésion à l'euro. Il s'est de surcroît félicité que le Premier ministre luxembourgeois, M. Jean-Claude Juncker, en assure la présidence.

Plus largement, le ministre a affirmé l'engagement de la France en faveur d'une « Europe des projets ». Au contraire d'une politique des petits pas, il doit s'agir d'une véritable ambition propre à créer de nouvelles solidarités. Progresser à quelques-uns, initier des coopérations efficaces et opérationnelles, tout cela est de nature à ouvrir de nouveaux espaces pour l'ambition européenne.

A cet égard, le ministre a salué le travail préalable mené au niveau franco-allemand. Depuis l'entrée en fonction de Mme Angela Merkel et du nouveau gouvernement de coalition à Berlin, les rencontres se sont multipliées avec nos partenaires allemands et les deux gouvernements sont entrés dans la phase active de préparation du prochain Conseil des ministres franco-allemand qui se tiendra le 14 mars, avec pour principaux thèmes : la jeunesse et l'égalité des chances, la recherche et l'innovation ainsi que la coopération en matière industrielle et énergétique.

Le ministre a précisé que ce Conseil franco-allemand se tiendra quelques jours avant le Conseil européen de printemps des 23 et 24 mars. L'objectif vise ainsi à conforter des positions communes franco-allemandes, en particulier sur le dossier du projet de directive sur les services sur lequel le Parlement européen doit voter la semaine prochaine.

Mais ce Conseil franco-allemand sera aussi l'occasion d'avancer sur un certain nombre d'initiatives concrètes qui pourraient être engagées dans un cadre bilatéral, avant d'être ouvertes aux autres partenaires européens. Le ministre a rappelé le discours prononcé par le Premier ministre, M. Dominique de Villepin, à l'Université Humboldt, au cours duquel celui-ci a évoqué plusieurs sujets concernant notamment la recherche et l'innovation (le pôle technologique franco-allemand, les centres de recherche communs...), les échanges entre jeunes, la création d'une police européenne des frontières et le développement d'une capacité de lutte contre les pandémies animales (grippe aviaire).

Sur l'ensemble de ces sujets, les travaux sont en cours avec nos partenaires allemands.

Construire l'Europe des projets vise aussi à répondre aux interrogations croissantes des opinions publiques à l'égard des développements du projet européen. Nous ne pourrons pas convaincre les citoyens si nous ne démontrons pas le bien-fondé du projet européen dans leur vie quotidienne.

Plusieurs thèmes ont été identifiés à l'occasion du sommet informel d'Hampton Court fin octobre : la recherche et développement, l'enseignement supérieur, le défi démographique, l'énergie, les migrations, la sécurité.

S'agissant de la recherche, des crédits supplémentaires y sont consacrés (+ de 30 % dans les perspectives financières 2007-2013), mais il faut mettre en œuvre rapidement plusieurs projets concrets déjà décidés :

- la création d'un Comité européen de la recherche, chargé de sélectionner des projets sur la base de l'excellence scientifique ;

- les « initiatives technologiques communes », fondées sur le dialogue avec les milieux industriels ;

- la mise en place d'un mécanisme de partage du risque financier favorisant l'accès aux prêts de la Banque européenne d'investissement pour les projets de grande envergure.

Par ailleurs, une prochaine communication de la Commission doit permettre d'avancer sur le projet d'Institut européen de technologie qui aurait une triple vocation d'enseignement supérieur, de recherche et d'innovation technologique.

Lors du sommet d'Hampton Court, le Président de la République et M. Tony Blair ont insisté sur l'importance du sujet énergétique pour l'Europe. La crise du gaz entre la Russie et l'Ukraine le mois dernier a encore renforcé la priorité de ce sujet pour le Conseil européen de printemps des 23 et 24 mars 2006.

Il existe déjà une politique européenne de l'énergie avec :

- le marché intérieur, pour l'électricité et le gaz ;

- les stocks pétroliers stratégiques ;

- les nombreuses normes européennes sur l'environnement et l'efficacité énergétique ;

- et, enfin, le dialogue avec les pays tiers.

Mais le volet « sécurité d'approvisionnement énergétique » de cette politique est très insuffisant, comme l'a montré la crise de janvier dernier, et ce point dominera les débats de mars prochain, en particulier la question du gaz :

- la sécurité d'approvisionnement nécessite d'abord de faire le point des capacités énergétiques qui manquent en Europe. M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a présenté un mémorandum sur l'énergie, lors du dernier Conseil « Ecofin », qui propose de lancer une programmation pluriannuelle des investissements énergétiques en Europe ;

- la sécurité d'approvisionnement nécessite aussi plus de transparence entre Etats membres et avec la Commission : quel est l'état réel des stocks ? Quelles sont les prévisions de la demande à court et moyen terme ? Quelles sont les possibilités de fourniture entre Etats membres, en cas de nouvelles crises d'approvisionnement, par exemple pour le gaz ?

- la sécurité d'approvisionnement nécessite enfin un dialogue plus efficace et plus global de l'Union européenne avec nos principaux fournisseurs d'énergie, au premier rang desquels la Russie. Les questions énergétiques doivent être un sujet prioritaire des relations bilatérales UE/Russie. Des rencontres à haut niveau dans le format Commission, 25 Etats membres et représentants des compagnies européennes, d'une part, gouvernement et entreprises russes, d'autre part, permettraient d'aller dans le détail des problèmes que nous rencontrons.

Par ailleurs, l'Union européenne gagnerait à mener une action plus décidée en faveur des investissements européens de production et de transport dans le Caucase et en Asie centrale, ne serait-ce que pour éviter de s'enfermer dans un dialogue trop exclusif avec la Russie.

En outre, nous devons mieux évoquer ce sujet énergétique avec les pays d'Afrique du Nord ainsi qu'avec la Turquie, grand Etat de transit pour le pétrole et le gaz. Tout ceci doit se faire tout en préservant notre relation très proche avec la Norvège, qui est notre premier fournisseur, et en continuant notre dialogue avec l'Ukraine, qui reste essentiel, en particulier sur le transit et sur l'efficacité énergétique.

Enfin, le ministre a évoqué deux sujets d'actualité, la TVA et les travaux du Parlement européen sur une nouvelle directive sur les services.

Un accord a été entériné à Vienne, le 1er février dernier, sur le taux réduit de TVA pour le bâtiment. Cet accord permet aux neuf Etats membres de l'Union européenne qui le demandaient, dont la France, de pouvoir continuer d'appliquer jusqu'en 2010 des taux réduits sur des services dits à « haute intensité de main d'œuvre » pour lesquels ils bénéficiaient de dérogations depuis 1999.

Cet accord sur la prorogation jusqu'à fin 2010 du taux réduit de TVA sur les travaux et les services à la personne est une excellente nouvelle car c'est, en particulier, une mesure favorable à l'emploi. Elle est aussi la preuve que les Européens savent faire prévaloir l'intérêt général, dès lors que l'enjeu est décisif.

En ce qui concerne la restauration, le dossier n'est pas clos. La France a obtenu la réalisation d'une étude indépendante, qui devra être achevée à la mi-2007, sur les bénéfices du taux réduit de TVA applicable aux services fournis localement, y compris à la restauration, secteur qui est mentionné explicitement. Il faut espérer que les conclusions de ce rapport aideront à convaincre nos partenaires de faire jouer la subsidiarité, en particulier les Allemands qui ont dit non pour éviter une demande interne.

Enfin, en ce qui concerne les travaux du Parlement européen relatifs au projet de directive sur les services, il ne fait aucun doute que le texte sur lequel ont travaillé les commissions compétentes du Parlement européen n'a plus grand-chose à voir avec la directive Bolkestein. Certes, le vote en plénière du Parlement européen n'a pas encore eu lieu puisqu'il est prévu pour les 15 et 16 février prochains et il faut encore que ces avancées soient validées, puis reprises par la Commission. Mais, en l'état, le texte en discussion prévoit :

- la pleine préservation du droit social du pays d'accueil, en mettant un terme à la menace du « plombier polonais » ;

- la réduction du champ d'application de la directive avec l'exclusion, notamment, de la santé publique et privée, de l'audiovisuel, des notaires ;

- de nets progrès sur les services publics.

D'autres avancées sont encore nécessaires pour parvenir au point d'équilibre.

Il faudra donc continuer le travail de lobbying auprès des parlementaires européens et de sensibilisation de nos partenaires allemands à nos différentes demandes dans la perspective de l'adoption d'une position commune par le Conseil des ministres franco-allemand du 14 mars, comme l'ont souhaité le Président de la République et la Chancelière.

Mme Angela Merkel a souhaité réfléchir à des moyens acceptables pour supprimer divers obstacles à la libre circulation des services, notamment pour les nouveaux Etats membres, tout en refusant la méthode proposée initialement par la Commission.

La France a une démarche assumée et responsable et n'oublie pas qu'elle est le deuxième exportateur mondial de services : nos entreprises ont d'énormes intérêts à défendre en Europe dans ce secteur, et notre pays entend bien agir pour les faire prévaloir.

A l'issue de l'exposé du ministre, M. Pierre Lellouche a déclaré que l'affaire du taux réduit de TVA sur la restauration montrait la nécessité d'associer les parlements nationaux à la relance de l'Europe. En sa qualité d'auteur d'une proposition de résolution sur le sujet, il a rappelé que l'article 93 du traité instituant la Communauté européenne était parfaitement limpide et n'exigeait une harmonisation fiscale qu'en cas de risque de distorsion de concurrence sur le marché unique. Ce n'est pas plus le cas pour le bâtiment que pour la restauration à laquelle s'appliquent huit taux différents en Europe et deux taux en France, sans qu'on ait pu constater une incidence sur la fréquentation. La directive de 1977 est donc contraire au Traité.

Une autre hérésie concerne l'imposition des investissements, du capital et des entreprises qui amène les nouveaux Etats membres à pratiquer le dumping fiscal pour attirer les investissements. Quand la libre circulation des capitaux est perturbée par des pratiques contraires au Traité, les Etats membres ne disent rien, et quand les décisions relèvent du domaine de la subsidiarité, les Etats membres se retranchent les uns derrière les autres parce que les gouvernements obéissent à des enjeux politiques de court terme.

Or, il faut simplement dire le droit et l'Assemblée nationale est souveraine dans ce domaine. La décision doit être assortie d'une négociation sur le nombre d'emplois. A cet égard, il faut rappeler que la baisse du taux de TVA dans le secteur du bâtiment a entraîné la création de 60 000 emplois nouveaux et l'afflux de 500 millions d'euros de recettes fiscales et sociales supplémentaires chaque année. Les électeurs ne comprennent pas cette décision de rejet du taux réduit de TVA pour la restauration qui est à la fois anti-économique et anti-européenne. Il est de la responsabilité du Gouvernement, qui dit le vrai dans certains domaines comme les nouveaux contrats de travail pour améliorer l'emploi, de régler enfin cette question.

La deuxième question de M. Pierre Lellouche a porté sur l'affaire actuelle des caricatures, qui concerne la liberté d'expression et le domaine du sacré. Il a jugé ce débat dangereux et a dénoncé l'absence de solidarité européenne notamment avec le Danemark, pays dont des ambassades ont été brûlées sans que cela suscite de manifestation de solidarité des autres Etats européens.

Alors que des Etats membres de l'Union et avec lesquels, par ailleurs, la France est liée par des accords de sécurité, sont victimes d'agressions, la France n'a émis aucune protestation. De plus, ont été publiées dans la presse, notamment britannique, les photos de panneaux publicitaires d'une grande société française dans le domaine de la distribution, Carrefour, affichés en Egypte et proclamant la « solidarité [de cette société] avec les peuples arabes offensés » et le fait qu'aucun produit danois n'était vendu dans ses magasins. M. Pierre Lellouche a interrogé le ministre sur la légalité de ces pratiques, insistant sur leur caractère choquant.

Enfin, M. Pierre Lellouche a évoqué les propos récents de la chancelière allemande sur la politique de l'Allemagne concernant l'OTAN, relevant combien ce discours diffère de celui tenu par son prédécesseur, M. Gerhard Schröder, qui concevait les relations transatlantiques comme les relations entre les Etats-Unis et l'Union européenne, indépendamment de l'OTAN. M. Pierre Lellouche a interrogé le ministre sur les conséquences de ce changement de discours.

M. Nicolas Dupont-Aignan, après avoir indiqué qu'il adhérait aux propos de M. Pierre Lellouche concernant la TVA, a évoqué les propos du ministre sur l'« Europe des projets ». Il a regretté l'ambiguïté de la position du gouvernement français suite au référendum. Il est bon de parler d'« Europe des projets » car cela répond au message des Français, mais il faut tenir compte de la teneur exacte du message envoyé par le peuple français et le peuple néerlandais. Certes, les hommes politiques, de droite comme de gauche, en ont pris acte de façon formelle, mais leurs actes ont ensuite contredit leurs paroles, qu'il s'agisse :

- de la décision du 3 octobre 2005 sur l'ouverture des négociations d'adhésion avec la Turquie - alors que tous les sondages révèlent l'inquiétude liée à un élargissement non maîtrisé,

- de la décision du Conseil sur la TVA,

- des travaux sur la directive Bolkestein, sur lesquels M. Nicolas Dupont-Aignan s'est déclaré moins optimiste que le ministre, appelant le gouvernement français à faire preuve de fermeté car les conséquences de cette directive seraient dramatiques, étant donné les différences existantes en termes de coûts, d'exigences de diplômes... ;

- enfin, du projet de Constitution : y a-t-il vraiment un partenariat franco-allemand sur ce sujet, alors que Mme Angela Merkel s'est déclarée favorable au maintien de la Constitution telle qu'elle est ? N'a-t-elle pas ainsi écarté toute prise en compte de l'expression du peuple français souverain ? M. Nicolas Dupont-Aignan a indiqué qu'avec plusieurs de ses collègues du groupe UMP, il allait déposer une proposition de loi constitutionnelle visant à abroger la loi constitutionnelle du 1er mars 2005.

M. Bernard Deflesselles a relevé que le ministre avait présenté ce que la France peut faire et ce qu'elle propose : une « Europe des projets ». Le Gouvernement semble s'arc-bouter sur cette idée. Or il faut avancer sur le sujet des institutions, même s'il est douloureux. Il faut faire des propositions dans ce domaine d'ici le Sommet européen de juin 2006. M. Bernard Deflesselles a fait remarquer que, dans le cadre de la Délégation, lui-même et ses collègues rencontrent leurs homologues des Etats membres ainsi que ceux qui vont assurer bientôt la présidence de l'Union et que ceux-ci les interrogent sur ce sujet. Que propose la France en matière institutionnelle ?

En réponse aux intervenants, le ministre a apporté les éléments de précision suivants :

- il est regrettable qu'un Etat membre puisse décider, seul, de réduire à zéro son taux d'impôt sur les sociétés quand un autre ne peut disposer de cette liberté à l'égard de la TVA. Même si cette situation n'est pas normale, les règles en vigueur doivent être respectées et la négociation menée à Vingt-cinq, avec la Commission. Par ailleurs, l'Allemagne a défini sa position à partir de sa propre situation budgétaire : il y a là un engagement que la nouvelle Chancelière doit respecter. Il reste que la question de l'harmonisation fiscale est essentielle ; c'est pourquoi la France et l'Europe devront saisir l'opportunité que constitue le débat qu'organisera, en avril, la présidence autrichienne, sur la subsidiarité ;

- la France a condamné les attaques commises à Damas contre des bâtiments officiels danois, suédois et norvégiens, à la suite de la publication de caricatures sur la religion musulmane. Elle a également apporté son assistance, sur place, au consulat danois de Beyrouth, après que celui-ci ait été la victime de tels actes. Ceux-ci sont condamnables : la liberté d'expression constitue un droit absolu, que d'ailleurs aucun gouvernement en Europe n'a tenté de censurer, même lorsque ces caricatures ont été réimprimées. Toutefois, chacun doit faire preuve de responsabilité et ne pas donner du « grain à moudre » à ceux qui, dans certains milieux islamistes, veulent déclencher une guerre de civilisation. Ce jugement est d'ailleurs partagé par d'autres responsables en Europe. S'agissant du boycott de produits danois par des distributeurs français implantés au Moyen-Orient, cette attitude est condamnable ;

- le discours récent de la Chancelière, Mme Angela Merkel, sur l'OTAN s'inscrit dans le débat, plus large, sur l'avenir de cette alliance. Il convient de rappeler, à ce sujet, que, déjà, le Chancelier Schröder, avait souhaité faire de l'OTAN le « lieu de réflexion et de débat sur toutes les crises ». Au-delà du rappel de ces éléments de contexte, tous les Etats membres, et la France en premier, doivent se poser la vraie question de principe qui est au cœur de ce débat : quelle doit être la place, en Europe, de la politique de défense commune ? Cette question en appelle d'autres, plus pratiques, mais qui découlent de cette interrogation fondamentale : comment l'Europe, en tant que telle, peut mener des actions au Darfour ; comment agir en véritables Européens au Kosovo, dans les Balkans ou en Afghanistan ? La France doit parler de cela avec le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne et d'autres Etats membres. Cela est d'autant plus nécessaire que le débat risque de se faire sans les Européens. Ainsi, Mme Condoleeza Rice, la Secrétaire du Département d'Etat américain, a fait part de son souhait que l'OTAN intègre dans ses compétences l'humanitaire, un mélange des genres qui doit être écarté ;

- aller dans le sens d'une Europe des projets n'est pas aller contre les citoyens. Au contraire, l'Europe doit débattre des grands choix scientifiques qui feront d'elle un acteur mondial incontournable, à l'instar des Etats-Unis qui ont décidé d'investir 100 milliards d'euros dans les biotechnologies et les nanotechnologies ;

- la négociation avec la Turquie s'ouvre chapitre par chapitre. En outre, la récente visite effectuée par le Ministre dans ce pays lui a permis d'insister auprès de ses autorités sur l'importance que la France accorde au respect des droits de l'homme, la liberté de culte et l'égalité entre les hommes et les femmes. Bref, cette négociation se fait par étapes et avec la plus grande vigilance possible. De plus, la négociation est menée entre la Turquie et chacun des Etats membres, dont un, la France, soumettra au référendum le traité d'adhésion ;

- la proposition de loi constitutionnelle évoquée par M. Nicolas Dupont-Aignan relève de sa responsabilité ;

- la France doit faire des propositions institutionnelles pour relancer la construction européenne, et elle le fera lors du Conseil européen de juin prochain. A cet égard, l'Allemagne a clairement indiqué que le traité constitutionnel, qu'elle a approuvé, doit être appliqué dans sa totalité. Par ailleurs, ce texte ayant souffert d'un manque de pédagogie, il n'est pas impossible de revenir sur certains sujets dans un avenir proche. Il reste à déterminer « qui » portera ces sujets et « comment », en prenant l'exemple du ministre des affaires étrangères de l'Union, une avancée particulièrement souhaitable.

M. Michel Delebarre s'est interrogé sur les méthodes qui seront utilisées pour apporter la démonstration de l'utilité, voire du besoin et de l'envie, de la démarche européenne auprès des citoyens. A titre d'exemple, le processus de Lisbonne illustre à quel point l'Europe peut être « géniale » pour vendre des concepts incompréhensibles. Comment fera-t-on pour que ce processus intelligent puisse « emballer » la population ? Une piste, évoquée lors d'une rencontre entre parlementaires nationaux et européens, organisée à Bruxelles sur le sujet, consiste à impliquer, de manière étroite, les assemblées à la mise en œuvre des plans nationaux déclinant la stratégie de Lisbonne. Cette méthode, qui devrait associer également les collectivités locales, premières concernées par la « déclinaison » des engagements de Lisbonne, permettrait de donner un véritable élan à un projet en panne, quand bien même vingt cinq programmes nationaux ne sauraient être la panacée pour une démarche se voulant résolument européenne.

M. Michel Delebarre a également jugé que la France se doit, dans le but d'œuvrer au rapprochement l'Union avec les citoyens, de porter de grands projets transeuropéens, même si ceux-ci ne la concernent pas directement. Puis il a déploré l'habitude prise par la Commission de « remettre sur le feu des plats dont personne ne veut ». L'exemple de la proposition sur la libéralisation des services portuaires est particulièrement probant. Il convient donc de faire en sorte que la directive Bolkestein subisse une période de jachère forcée, avant que ne soit adoptée une autre initiative dans ce domaine. Les modifications, même substantielles, ne peuvent conférer de légitimité à un texte profondément contesté. Dans ces conditions, M. Michel Delebarre a souhaité que le Parlement européen, à l'instar de son vote sur la directive « portuaire », fasse de même avec la directive « services ».

M. Michel Delebarre a alors abordé l'offre publique d'achat annoncée du groupe Mittal Steel sur Arcelor pour regretter l'absence d'une stratégie cohérente permettant de donner une dimension authentiquement européenne à la politique sidérurgique. Il a déclaré ne pas vouloir citer le nom de la commissaire européenne s'étant précipitée auprès des médias pour contester tout ce qui pourrait sembler de près ou de loin à la constitution de champions européens dans le domaine de l'industrie, un propos aberrant à ses yeux. Bref, la France ne peut accepter une telle OPA ; l'opinion publique ne pouvant, de son côté, la comprendre. Les Etats membres doivent construire un géant européen de l'acier ou bien, alors, l'Europe se trouvera piégée par ses propres traîtrises. Il faut remédier à cette insuffisance industrielle, sous peine de voir bientôt un grand secteur tomber dans les mains d'un seule famille, qui aurait alors mieux réussi que le Comité des forges d'antan. Si ce scénario devait voir le jour, l'opinion publique aurait alors beaucoup de mal à accepter une telle impuissance de l'Europe.

M. Michel Herbillon a souhaité obtenir des précisions supplémentaires concernant les critères qui seront appliqués aux futurs élargissements, en particulier au sujet de la capacité d'absorption de l'Union européenne. Il s'est félicité que le Gouvernement français ait pour priorité une Europe des projets, concrète, car nos concitoyens ont souvent le sentiment que l'Europe est trop lointaine et technocratique. Des projets européens concernant la vie quotidienne des Français sont bienvenus. Il semble cependant difficile de faire avancer cette Europe concrète dans la situation paradoxale dans laquelle se trouve l'Union actuellement, à la suite des rejets français et néerlandais. Les première et deuxième parties du traité constitutionnel n'étaient pas contestées, alors que la troisième partie l'était, et finalement le vote négatif a conduit à conserver la troisième partie, qui figure dans les traités actuels, sans avoir les deux premières. L'opinion publique constate que l'on parle de partenariat franco-allemand, mais que c'est l'Allemagne qui s'est opposée à la demande française d'instaurer un taux réduit dans le secteur de la restauration. Les négociations avec la Turquie ont, en outre, commencé. M. Michel Herbillon a interrogé le ministre des affaires étrangères sur les propositions que la France entend présenter en matière institutionnelle, pour faire avancer l'Europe des projets et améliorer le processus de décision. Il a également souhaité savoir ce qu'il adviendrait des taux réduits de TVA après l'échéance de 2010.

M. Jérôme Lambert s'est étonné que la seule décision positive dont le Gouvernement français puisse faire état au sujet de la TVA soit la rédaction d'une étude par la Commission pour la mi-2007. Une telle étude aurait dû être réalisée depuis longtemps, compte tenu des débats soulevés régulièrement par cette question. Si 68 % des Français pensent que l'euro n'a pas produit d'effets positifs, c'est parce que la politique économique et sociale engendrée par la Banque centrale européenne est perçue avec hostilité. C'est cette politique économique et sociale qui a été rejetée le 29 mai 2005 par les Français. Il ne faut pas seulement mieux expliquer l'Europe, mais comprendre et répondre aux aspirations de nos concitoyens. Ceux-ci attendent, par exemple, une autre politique européenne en ce qui concerne les offres publiques d'achat (OPA). Le principe du pays d'origine figurant dans le projet de directive sur les services continue de soulever de nombreuses difficultés, en dépit des modifications apportées par le Parlement européen. La France est compétitive aujourd'hui dans le secteur des services, mais cette position pourrait être remise en cause si nos entreprises devaient affronter la concurrence d'entreprises soumises à des règles différentes. Les directives sur le temps de travail et sur les organismes génétiquement modifiés (OGM) soulèvent, elles aussi, de sérieuses questions. L'Europe ne répond pas aux préoccupations de nos concitoyens sur ces sujets.

Mme Anne-Marie Comparini a souhaité savoir quel rôle l'Union européenne entend jouer au Proche-Orient, dans le cadre du processus de paix entre Israéliens et Palestiniens.

M. Robert Lecou a déclaré que de grands sujets comme le réchauffement de la planète, l'environnement, les bios et les nanotechnologies, la défense, justifiaient certainement l'engagement de la France en faveur de l'Europe des projets, mais qu'il était difficile de susciter l'engagement du peuple français quand, par exemple, les viticulteurs se voient submergés par des importations de vins fabriqués selon des pratiques douteuses ou quand une promesse concernant l'emploi comme la TVA à 5,5 % n'est pas honorée. Le rejet de cette mesure crée une situation impossible dont il faut sortir dans le cadre de la subsidiarité, afin de relancer l'emploi et d'améliorer la justice fiscale dans notre pays qui applique deux taux de TVA au même secteur.

M. Jean-Claude Lefort a déclaré qu'il fallait refonder l'Europe. Le préalable absolu est que les tenants du oui « digèrent » le rejet du projet de Traité constitutionnel par le peuple français. La Constitution française comporte d'ailleurs une disposition inadaptée à la situation créée par ce rejet. Il ne faut pas dire que seule la troisième partie du projet de Traité a été sanctionnée et qu'on peut remettre en chantier les autres dispositions : ce serait une lourde faute.

Il faut également arrêter de donner l'impression que la zone euro n'est pas gouvernée politiquement à cause du rejet du Traité, alors que c'était une réalité que reproduisait le Traité avec la place qu'il accordait à la Banque centrale européenne.

Il faut stopper l'examen de la directive Bolkestein qui a été lourdement condamnée par le peuple parce qu'il attend que le projet européen propose une harmonisation par le haut.

Après s'être exprimé en faveur de l'adhésion de la Turquie pour des raisons stratégiques, M. Jean-Claude Lefort s'est déclaré complètement hostile à la poursuite des négociations avec ce pays tant qu'il occupera 37 % du territoire de l'île de Chypre et qu'il ne reconnaîtra pas la République de Chypre.

Enfin, si l'avènement du parti islamiste au pouvoir en Palestine ne soulève pas la sympathie d'un grand nombre, il faut tout faire pour s'attaquer au terreau de la pauvreté sur lequel il a prospéré et éviter que le Hamas entraîne la population palestinienne dans une direction que personne ne souhaite.

M. Thierry Mariani a fait remarquer que sur la T.V.A à 5,5 %, le coût en termes de crédibilité pour la majorité en France est très élevé.

Il a souhaité évoquer les prochaines élections au Belarus. La politique européenne envers ce pays est une politique d'isolement, d'absence de relations. Elle n'a eu aucun résultat, comme le montre l'issue probable de ces élections. Quand une politique a été menée pendant dix ans et qu'elle a prouvé son échec, n'est-il pas temps d'en changer ?

M. Didier Quentin a relevé que dans le traité constitutionnel, un élément semblait satisfaire presque tout le monde : le renforcement du rôle des parlements nationaux dans l'application du principe de subsidiarité. Il a cité le rapport d'information qu'il a présenté, avec M. Jérôme Lambert, sur ce sujet devant la Délégation. Peut-on réactiver cette solution ?

M. Didier Quentin a ensuite demandé au ministre d'évoquer le problème du défi démographique, et de revenir sur la distinction qu'il a semblé vouloir établir entre la publication des dessins contestés il y a quatre mois et leur nouvelle publication aujourd'hui, qui serait une provocation.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, a indiqué que si la stratégie de Lisbonne est effectivement incompréhensible, son suivi est national, et que chaque pays a intérêt à adhérer à ce processus, y compris au niveau local. Prenant l'exemple de l'agglomération qu'il préside, il a souligné qu'il faut expliquer l'intérêt de l'agenda de Lisbonne dans les communes, les régions, les communautés d'agglomération. S'agissant des « grands projets », il a considéré qu'ils font partie de ce qui marque le plus le passage au pouvoir des responsables politiques, au plan local, national et communautaire, et qu'ils permettent de fédérer les populations.

S'agissant du projet de la directive Bolkestein, il n'y a que deux solutions :

- dire « non » et tout bloquer, que ce soit au niveau du Parlement européen ou du Conseil,

- ou bien, et c'est la position du gouvernement français, dire qu'on la rejette sauf si en sont exclus les secteurs cruciaux (la culture, la santé) et si le droit social national est préservé.

Le ministre a évoqué l'influence préservée de la France dans le monde et a appelé à une vraie ambition européenne : il est contradictoire de dire que l'on veut mener une grande politique industrielle européenne, et refuser l'ouverture dans le domaine des services qui est indispensable pour bâtir un secteur européen fort. Il est donc nécessaire d'opérer un changement de culture.

- la France a émis des réserves sur le projet de la directive « portuaire » dès le départ. La Commission n'a pas indiqué de manière claire ses intentions quant aux objectifs de ce projet. En outre, l'étude d'impact annoncée pour la fin 2005 n'a toujours pas été communiquée aux Etats membres. La discussion de la proposition de la Commission doit déboucher sur des simplifications et des améliorations. A cet égard, le commissaire européen en charge des transports, M. Jacques Barrot, a indiqué qu'il consulterait le collège des commissaires pour tirer les enseignements du vote de rejet du texte par le Parlement européen ;

- au-delà des critères d'adhésion de Copenhague, il convient de réfléchir sur l'examen d'un autre critère, celui de la capacité d'absorption de l'Union. Certes, celui-ci est difficile à définir, mais ce travail doit être mené, ne serait-ce que pour redonner aux citoyens confiance dans les vertus de l'élargissement. A ce sujet, un rapport, bientôt publié, indique que les anciens Etats membres ont bien plus tiré avantage de l'entrée des dix nouveaux Etats membres que l'inverse ;

- en ce qui concerne le domaine des institutions, les opinions publiques n'éprouvent pas un intérêt majeur pour cette question. Il reste que l'Union à Vingt-cinq a de réelles difficultés à décider de manière efficace et que, d'autre part, les institutions européennes ne peuvent ignorer le résultat négatif de deux référendums organisés sur l'approbation du traité constitutionnel. Dès lors, la question des conditions permettant à l'Europe d'avancer est posée. Une première réponse réside dans l'affirmation, rappelée par la France, qu'il ne pourra y avoir de nouvel élargissement après l'entrée de la Roumanie et de la Bulgarie, sans que l'Europe ne se soit dotée au préalable d'institutions plus efficaces. Une seconde réponse peut être apportée par des avancées concrètes décidées à traité constant, concernant, par exemple, le contrôle de la subsidiarité par les parlements nationaux, le renforcement de la gouvernance de la zone euro, le développement des moyens d'action du Haut Représentant de la PESC et l'adoption de mesures tendant vers plus d'efficacité dans les domaines de la justice et de la sécurité intérieure ;

- tout n'est pas joué en ce qui concerne la TVA sur la restauration. Il convient de rappeler que la France a su gagner deux combats importants, l'un sur la TVA à taux réduit pour le livre, l'autre sur la TVA à taux réduit pour le bâtiment. D'ailleurs, s'agissant de la TVA pour la restauration, la plupart des Etats membres s'étaient mis d'accord, sauf l'Allemagne. D'autre part, la France doit se préparer à l'échéance de la mi 2007, au cours de laquelle sera présentée une évaluation des effets de la TVA à taux réduit, au niveau européen. Ce rendez-vous doit lui permettre de débattre de la subsidiarité pour les prestations à caractère local ;

- l'enjeu, pour la France, des négociations concernant le projet de directive relative au temps de travail, est de diminuer le dumping social pratiqué par certains Etats membres. La difficulté principale est liée à l'« opt out » qui permettrait aux Etats membres de continuer à déroger à la durée maximale de 48 heures. Cette possibilité a surtout été utilisée par le Royaume-Uni, qui exige son maintien. Cette question n'a donc pas d'incidence interne directe. L'objectif poursuivi par la France, ainsi que par le Parlement européen, est de renforcer la protection des travailleurs chez nos partenaires, et d'affirmer ainsi le modèle social européen ;

- l'Union européenne a obtenu un succès important dans le cadre du processus de paix israélo-palestinien, en étant choisie pour assurer une mission d'assistance frontalière au point de passage de Rafah. L'Union est ainsi présente sur le terrain. Dès que le nouveau gouvernement palestinien aura été nommé par le président de l'Autorité palestinienne, M. Mahmoud Abbas, l'Union s'impliquera en faveur de la construction du port de Gaza. C'est un projet important car il faut assurer le développement économique des territoires palestiniens et faire diminuer le chômage à Gaza et en Cisjordanie, pour favoriser le processus de paix. L'Union européenne doit exiger du Hamas qu'il renonce à la violence, qu'il reconnaisse Israël ainsi que les accords d'Oslo, tout en affirmant sa volonté d'apporter son aide économique à l'Autorité palestinienne. Il faut continuer à soutenir l'Autorité palestinienne présidée par M. Mahmoud Abbas.

- une monnaie unique implique que des orientations de politique économique soient définies pour la zone euro. Il faut des orientations communes en matière de recherche et d'éducation, par exemple ;

- sur la proposition de la France, les ministres des affaires étrangères des Vingt-cinq ont exigé que la Turquie reconnaisse Chypre, et adopté une clause de rendez-vous à ce sujet en 2006 ;

- en ce qui concerne la Biélorussie, le ministre des affaires étrangères a rappelé avoir reçu le candidat unique de l'opposition biélorusse, M. Alexandre Milinkievitch, le 9 janvier 2006 et cette rencontre a été médiatisée ;

- enfin, en ce qui concerne la démographie, le terme de politique familiale n'a pas la même signification dans tous les Etats membres. C'est un sujet sensible en Allemagne, par exemple. Une politique familiale européenne est cependant indispensable. L'accueil des étudiants étrangers dans les universités américaines est un facteur qui renforce l'influence des Etats-Unis. L'Union européenne doit accueillir, elle aussi, les meilleurs étudiants étrangers. Elle ne doit pas avoir peur d'une immigration choisie qui constitue une option raisonnable.