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N° 1274

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 4 décembre 2003

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA DÉLÉGATION DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

POUR L'UNION EUROPÉENNE (1),

sur le service minimum dans les services publics en Europe,

ET PRÉSENTÉ

par M. Robert LECOU,

Député.

________________________________________________________________

(1) La composition de cette Délégation figure au verso de la présente page.

Travail et Emploi.

La Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Jean-Pierre Abelin, René André, Mme Elisabeth Guigou, M. Christian Philip, vice-présidents ; MM. François Guillaume, Jean-Claude Lefort, secrétaires ; MM. Alfred Almont, François Calvet, Mme Anne-Marie Comparini, MM. Bernard Deflesselles, Michel Delebarre, Bernard Derosier, Nicolas Dupont-Aignan, Jacques Floch, Pierre Forgues, Mme Arlette Franco, MM. Daniel Garrigue, Michel Herbillon, Marc Laffineur, Jérôme Lambert, Edouard Landrain, Robert Lecou, Pierre Lellouche, Guy Lengagne, Louis-Joseph Manscour, Thierry Mariani, Philippe Martin, Jacques Myard, Christian Paul, Didier Quentin, André Schneider, Jean-Marie Sermier, Mme Irène Tharin, MM. René-Paul Victoria, Gérard Voisin.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 7

I. SI L'ENSEMBLE DES PAYS EUROPEENS RECONNAIT LE DROIT DE GREVE, SEULE LA MOITIE D'ENTRE EUX PREVOIT DES DISPOSITIONS SPECIFIQUES SUR LE SERVICE MINIMUM 11

A. Une reconnaissance universelle du droit de grève 11

1) Un principe consacré dans l'ensemble de l'Union européenne 11

2) Des modalités diverses d'exercice 12

B. Des services minimums variables selon les pays, dont le bilan est globalement satisfaisant 15

1) L'Italie : un champ d'application large, garanti par une autorité indépendante 15

2) L'Espagne : un dispositif souple et efficace 19

3) Le Portugal : un régime évitant le blocage des services publics, mais dont l'efficacité doit être renforcée 22

4) La Grèce : un régime très encadré par le législateur 24

5) La Suède et la Finlande : le règne de la convention collective 27

6) La Belgique : un service minimum limité au secteur privé 29

7) Un dispositif très présent dans les pays candidats 31

8) Une réglementation qui n'est pas le propre de l'Europe 32

II. LES PAYS NE COMPORTANT PAS DE REGLEMENTATION PARTICULIERE SUR LE SERVICE MINIMUM NE SONT PAS EN GENERAL, COMPTE TENU DE LEUR LEGISLATION ET DE LA PLACE DU DIALOGUE SOCIAL, CONFRONTES A DES CONFLITS SOCIAUX IMPORTANTS 35

A. Une réglementation du droit de grève strictement encadrée 35

1) Un régime allemand rendant difficile le déclenchement de conflits collectifs 36

2) Un droit de grève réduit dans le secteur public en Autriche et au Danemark 37

3) Des conditions de grève strictes et un important pouvoir de réquisition au Royaume-Uni 38

4) Des limitations substantielles dans plusieurs pays candidats 40

5) Un « service maximum » aux Etats-Unis, au Japon et en Suisse 41

B. Un dialogue social fort 43

1) La cogestion allemande 43

2) Un mode de consultation des partenaires sociaux autrichiens bien établi 44

3) La tradition danoise de la concertation 45

4) Des conventions collectives néerlandaises évitant le recours à la grève 45

5) Le modèle luxembourgeois de la grève minimum 46

6) Le « partenariat social » irlandais 46

7) Un régime belge pragmatique, qui n'évite pas cependant certains conflits sociaux 47

III. LA FRANCE CORRESPOND, AU REGARD DE SES PARTENAIRES, A UN CAS PARTICULIER, QUI EXPLIQUE LE CARACTERE CONFLICTUEL DU SUJET ET POURRAIT JUSTIFIER UNE REFORME PROCHAINE 51

A. La singularité du cas français 51

1) Un droit de grève large 52

2) Des dispositions ne garantissant que partiellement la continuité du service public 53

3) Un dialogue social limité 55

B. Une forte conflictualité des rapports sociaux dans les services publics 58

1) Des conflits particulièrement nombreux dans le secteur public 58

2) Des grèves souvent paralysantes 64

3) Une situation qui ne satisfait personne 65

C. Les voies de réforme 66

1) S'en remettre aux partenaires sociaux 66

2) Définir un cadre législatif 67

3) Accorder au Gouvernement ou à une autorité indépendante un pouvoir de régulation 68

4) Favoriser les accords d'entreprise et les accords de branche 70

5) Le recours au référendum ? 70

6) Renforcer les procédures de prévention des conflits 71

CONCLUSION 73

TRAVAUX DE LA DELEGATION 75

ANNEXES 79

Annexe 1 : Liste des personnes entendues, rencontrées ou contactées par le rapporteur 81

Annexe 2 : Le service minimum dans les services publics en Europe et dans quelques autres pays industrialisés (tableau synthétique) 89

Annexe 3 : Un cas particulier d'application du service minimum en France : la santé publique 101

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

L'instauration d'un service minimum dans les services publics est devenue depuis quelques années en France l'objet d'une forte demande de l'opinion publique et des responsables politiques. Ainsi, selon un récent sondage de BVA, 81 % des Français y seraient favorables. Le Président de la République s'est, à plusieurs reprises, prononcé personnellement en faveur de cette réforme : il l'a d'ailleurs rappelé au cours de la campagne de la dernière élection présidentielle. Le Premier ministre, M. Jean-Pierre Raffarin, s'est lui-même exprimé dans ce sens lors de sa déclaration de politique générale du 3 juillet 2002. Et, du côté parlementaire, sept propositions de loi en faveur du service minimum ont été déposées à l'Assemblée nationale au cours de la seule législature actuelle.

Le sujet n'en est pas moins controversé. Certains syndicats ont manifesté jusqu'ici leur opposition. D'autres personnes ou organisations, tout en affirmant la nécessité d'un service minimum, suggèrent des solutions différentes, à l'image des multiples propositions de loi. Il est vrai que cette question touche à au moins trois principes essentiels, de valeur constitutionnelle. Le droit de grève, d'abord, remontant à 1864, qui est affirmé dans le préambule de la Constitution de 1946, et qui est un important symbole de conquête sociale et de progrès démocratique. La continuité des services publics, deuxièmement, qui est un principe général du droit de la République française, reconnu par le Conseil constitutionnel. Rappelons à cet égard que, au titre de l'article 5 de la Constitution, le Président de la République assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l'Etat. Enfin, de façon plus ponctuelle, le principe de la protection de la santé et de la sécurité des personnes et des biens, consacré par le Conseil constitutionnel en 1980. On pourrait aussi évoquer le droit au travail ou la liberté d'aller et venir, qui sont également des principes constitutionnels...

Il s'ensuit que si l'intérêt général impose de remédier à la multiplication des grèves qui se produisent depuis plusieurs années en France - et à la paralysie des services publics qui les accompagne - cela ne peut se faire sans une réflexion préalable approfondie et une concertation de l'ensemble des parties prenantes. C'est dans cet esprit que le ministre de l'Equipement, des Transports, du Tourisme et de la Mer, M. Gilles de Robien, a convié, au cours des derniers mois, des représentants syndicaux et des dirigeants d'entreprises des services de transport public à un « tour d'Europe » pour imaginer ensemble des voies d'amélioration. Le rapporteur les a d'ailleurs accompagnés à l'occasion de deux déplacements, à Madrid et à Berlin.

La première observation préalable que l'on peut faire est que la grève est avant tout un constat d'échec. Echec, d'abord, du dialogue social. Mais aussi échec pour les syndicats, qui n'ont pu satisfaire leurs revendications ; pour les employeurs, confrontés à d'importantes perturbations dans le fonctionnement de l'entreprise ; enfin, pour les usagers, qui sont partiellement ou totalement privés de l'accès au service public.

C'est la raison pour laquelle le service minimum doit, non pas être considéré comme une panacée, mais comme un moyen ultime de préserver la continuité des services publics lorsque tous les moyens du dialogue social ont échoué. C'est également pourquoi il doit être entendu comme un service garanti au plus haut niveau possible, tout en étant compatible avec l'exercice du droit de grève- seule démarche permettant la promotion d'un service public de qualité.

Deuxièmement, il convient de considérer l'ensemble des services essentiels, et non, seulement, ceux conjoncturellement confrontés à des difficultés, comme les transports ou l'Education nationale.

Enfin, troisième remarque préalable : la compétence limitée de l'Union européenne dans ce domaine. Certes, l'obligation d'assurer un service continu est présente dans certains textes communautaires, telle que la directive postale n° 97/67/CE du 15 décembre 1997, qui impose aux Etats membres d'assurer « une offre de services postaux (...) fournis de manière permanente ». Dans d'autres cas, la réglementation communautaire ne contient pas d'exigence de continuité, mais autorise explicitement les Etats membres à fixer cette obligation aux fournisseurs de services, comme le prévoit la directive 2003-54 CE du 26 juin 2003 sur l'électricité. Par ailleurs, la Commission européenne a lancé, avec son livre vert, un grand débat sur les services d'intérêt général - y compris les questions de continuité, de qualité du service et de protection des utilisateurs et des consommateurs. Le bon fonctionnement de ces services est, de fait, une condition de celui du marché intérieur européen.

Mais il appartient, en tout état de cause, en application du principe de subsidiarité, aux responsables nationaux, régionaux ou locaux - selon le secteur et l'architecture institutionnelle de l'Etat membre - de définir précisément les conditions d'application de ce principe de continuité, dans le respect du droit de grève des travailleurs. En effet, le traité instituant la Communauté européenne exclut explicitement, dans son article 137, le droit de grève des compétences de la Communauté européenne et, corollairement, les restrictions qui peuvent lui être apportées.

Le projet de Constitution élaboré par la Convention sur l'avenir de l'Europe ne modifie d'ailleurs pas cette disposition. La mise en place d'un service minimum relève donc intégralement de l'initiative individuelle de chaque Etat et des partenaires sociaux nationaux.

Dans ce contexte, il paraît particulièrement utile, avant de proposer toute réforme dans ce domaine, d'observer la manière dont les autres pays, et tout particulièrement ceux de l'Union européenne, ont concilié l'exercice du droit de grève et la continuité du service public. Et ce, d'autant que beaucoup de pays européens sont parfaitement parvenus à assurer cette conciliation.

Aussi, le rapporteur s'est-il informé auprès de tous nos postes diplomatiques dans les autres Etats de l'Union européenne, les pays candidats et certains pays industrialisés, ainsi qu'auprès des institutions communautaires. Il s'est également déplacé en Espagne, en Allemagne, en Italie et en Belgique, et a rencontré, à Bruxelles, les représentants des partenaires sociaux européens. Il a également entendu plusieurs directeurs d'entreprise, responsables syndicaux et représentants des usagers français.

Il ressort de ces travaux trois constats. D'abord, si l'ensemble des pays européens reconnaît le droit de grève, seule la moitié d'entre eux a recours à des dispositions particulières sur le service minimum. Deuxièmement, les pays ne comportant pas de réglementation spécifique en la matière ne sont en général pas confrontés à des conflits sociaux importants, soit parce que le droit de grève est strictement encadré, soit parce qu'ils bénéficient d'un dialogue social efficace. Enfin, la France fait figure, par comparaison, de cas exceptionnel, ce qui explique le caractère très conflictuel du sujet et pourrait justifier une réforme prochaine.

I. SI L'ENSEMBLE DES PAYS EUROPEENS RECONNAIT LE DROIT DE GREVE, SEULE LA MOITIE D'ENTRE EUX PREVOIT DES DISPOSITIONS SPECIFIQUES SUR LE SERVICE MINIMUM

A. Une reconnaissance universelle du droit de grève

Le droit de grève est reconnu dans tous les pays d'Europe - en particulier de l'Union européenne - au même titre que dans la quasi-totalité des démocraties. Cela étant, il repose, selon les Etats, sur des fondements juridiques divers et donne lieu à de multiples modalités d'exercice.

1) Un principe consacré dans l'ensemble de l'Union européenne

Si le droit de grève est exclu explicitement du traité instituant la Communauté européenne, il est cependant consacré par la Charte sociale européenne de 1961 élaborée par le Conseil de l'Europe, qui reconnaît « le droit des travailleurs et des employeurs à des actions collectives en cas de conflit d'intérêts, y compris le droit de grève » (article 6, § 4). La Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne de 2000 a elle-même repris cette formule dans son article 28, qui dispose que « les travailleurs et les employeurs, ou leurs organisations respectives, ont, conformément au droit communautaire et aux législations et pratiques nationales, le droit de négocier et de conclure des conventions collectives aux niveaux appropriés et de recourir, en cas de conflit d'intérêts, à des actions collectives pour la défense de leurs intérêts, y compris la grève ». Il convient de noter que cette Charte consacre en même temps le droit à une bonne administration (article 41), la liberté de circulation (article 45) et le droit au travail (article 15), qui doivent donc être conciliés avec le droit de grève.

Au-delà du droit européen, tous les Etats prévoient le droit de grève. La plupart des pays de l'Europe du Sud l'ont inscrit dans leur constitution, ou des textes de valeur constitutionnelle. C'est le cas en France, en Italie, en Espagne, au Portugal et en Grèce notamment. Il en est de même de la Suède. Dans d'autres Etats, cette reconnaissance est principalement jurisprudentielle, comme en Allemagne, en Belgique ou au Luxembourg. Enfin, dans certains Etats, la grève n'est pas réglementée : aux Pays-Bas, elle est seulement garantie et encadrée par la jurisprudence ; au Royaume-Uni, elle constitue une liberté bénéficiant d'une « immunité légale » ; en Autriche, elle peut même donner lieu théoriquement à des licenciements.

De cette diversité de fondements juridiques découlent des définitions plus ou moins précises. C'est ainsi que la loi et la jurisprudence ont encadré ce droit en France et en Italie, par exemple. Au Royaume-Uni et en Suède, c'est le concept plus large de conflit collectif qui est défini. En Allemagne, la grève doit principalement respecter trois principes généraux : la conformité à l'ordre social, le principe de proportionnalité et la règle de la loyauté.

2) Des modalités diverses d'exercice

Les modalités d'exercice de la grève divergent, selon les Etats, en fonction de différents critères.

La grève peut recouvrir, dans le secteur public, un champ d'application plus ou moins étendu. Certains Etats ne limitent son exercice que pour quelques secteurs ou quelques professions. C'est le cas en France pour les militaires, les policiers ou les magistrats de l'ordre judiciaire, de même que pour le contrôle de la navigation aérienne, les services de radio et de télévision, les centrales nucléaires ou les services de santé. C'est également le cas en Espagne pour les transports, les services sanitaires ou l'enseignement, ou en Grèce pour les magistrats et les corps de sécurité notamment. Dans d'autres pays, ce champ d'application est beaucoup plus limité. Ainsi, en Allemagne ou au Danemark, par exemple, les fonctionnaires n'ont pas le droit de grève, à la fois pour assurer la continuité du service public et comme contrepartie de la sécurité de l'emploi.

De même, les motifs de la grève peuvent être plus ou moins larges. Certains Etats n'admettent que les grèves justifiées par des revendications professionnelles. En Grande-Bretagne, par exemple, les conflits qui sont entièrement ou principalement de nature politique ne bénéficient pas de l'« immunité légale ». Quant au droit allemand, il exclut la possibilité d'une grève politique. Dans le même sens, en Espagne, l'article 11 du décret-loi royal du 4 mars 1977 considère illégales les grèves provoquées pour des motifs politiques ou ayant une finalité étrangère à l'intérêt professionnel des travailleurs. D'autres pays ont une approche plus ouverte. La Suède, par exemple, considère la grève politique légale dans la mesure où elle est de courte durée. En France, si la jurisprudence a qualifié les grèves politiques d'« illicites », elle a reconnu la possibilité de grèves mixtes, mêlant à la fois des motifs professionnels et politiques. Dans le même esprit, le droit italien distingue la grève « politico-économique » de la grève strictement politique. De manière générale, les pays européens reconnaissent les grèves à motif professionnel ou social, mais tendent à restreindre celles de nature politique. On note à cet égard que le problème des grèves politiques tend à se poser de façon plus marquée dans les Etats latins, où beaucoup d'organisations syndicales sont liées à des partis politiques contestataires.

Quant aux « grèves de solidarité » - consistant à cesser le travail en vue de soutenir une revendication professionnelle ou économique concernant des groupes autres que ceux qui sont en grève -, elles font également l'objet de réglementations diverses. Elles sont considérées comme illégales par le droit allemand, dans la mesure où elles ne concernent pas les partenaires à la négociation collective et où elles contreviennent à l'obligation de paix sociale. De même, au Royaume-Uni, ces grèves ne bénéficient pas de « l'immunité légale ». Par différence, en Espagne, les grèves de solidarité sont considérées comme de véritables grèves si elles sont motivées par un intérêt professionnel, même indirect, chez les grévistes solidaires. En Italie, les grèves de solidarité ne sont pas pénalement condamnées s'il existe une communauté d'intérêts suffisante entre les groupes de salariés grévistes. En France, le droit distingue deux types de grèves de solidarité : les grèves de solidarité « internes », qui sont admises si elles reposent sur une revendication d'ordre professionnel et collectif concernant l'ensemble du personnel ; les grèves de solidarité « externes », qui doivent non seulement respecter cette condition, mais aussi s'associer à une grève initiale légitime. S'agissant de la Suède, ces grèves doivent, pour être régulières, reposer sur une action légale.

Les conditions d'exercice de la grève répondent également à différents types de règles. Dans certains pays, comme la France ou l'Italie, un syndicat représentatif peut, à lui seul, décider de la grève. Dans d'autres pays, comme l'Allemagne ou le Danemark, les syndicats décidant la grève doivent représenter un certain pourcentage des salariés. Ainsi par exemple, en Allemagne, la grève doit généralement être décidée par 75 % des salariés pour être légale. De même, on note des dispositions différentes en termes de préavis. La plupart des Etats européens consacrent l'obligation de préavis, ce qui a pour effet d'exclure les « grèves surprises ». Cela étant, alors que le préavis est de cinq jours en France et au Portugal (dans certains cas), il est de sept jours au Royaume-Uni et en Suède et de dix jours en Italie et en Espagne dans le secteur public. Par ailleurs, certains Etats prévoient que les grèves doivent être proportionnées à leur objectif, comme c'est le cas en Allemagne ou en Italie.

Des distinctions apparaissent également dans les réglementations quant à la durée de la grève. Celle-ci peut être illimitée en France ou en Grèce par exemple, alors qu'elle est strictement limitée dans certains autres pays. Ainsi, en Italie, une grève ne peut être, le premier jour, que de quatre heures, puis seulement de vingt-quatre heures, après dépôt préalable d'un nouveau préavis de dix jours - cette même grève ne pouvant se reproduire une nouvelle fois que pendant encore vingt-quatre heures, au-delà d'un nouveau préavis de dix jours.

Il en est de même quant aux effets de la grève. Dans la plupart des Etats européens, celle-ci a pour conséquence de suspendre le contrat de travail, comme en France, en Italie, en Espagne, en Allemagne ou en Suède. Au Royaume-Uni ou au Danemark, prévaut au contraire le principe selon lequel la grève peut entraîner la rupture de ce contrat. Au Royaume-Uni, la principale limite apportée au pouvoir de l'employeur de rompre le contrat des salariés grévistes repose sur l'Employment Act de 1982 (section 9), qui dispose que, dans certaines conditions, l'employeur décidant de licencier un employé gréviste sera tenu de licencier l'ensemble des grévistes. Réciproquement, s'il décide de réintégrer un salarié qui a participé à la grève, il devra réintégrer tous les grévistes.

Enfin, la violation de la réglementation du droit de grève peut entraîner des sanctions disciplinaires, administratives, civiles ou pénales diverses selon les Etats, dont l'effet est d'ailleurs plus ou moins marqué en fonction des délais de jugement prévalant dans ces Etats.

B. Des services minimums variables selon les pays, dont le bilan est globalement satisfaisant

Sept Etats de l'Union européenne prévoient aujourd'hui un régime général du service minimum, et trois appliquent, dans ce domaine, des dispositions ponctuelles. Ces régimes recouvrent chacun des particularités, s'expliquant par l'histoire, les traditions et la culture propres à chaque pays. Ils correspondent pour la plupart à des Etats du Sud de l'Europe (Italie, Espagne, Portugal, Grèce), mais sont également présents dans deux pays scandinaves, la Suède et la Finlande, et partiellement en Belgique. En outre, le service minimum existe dans la moitié des pays candidats, ainsi que dans des Etats extérieurs à l'Europe.

1) L'Italie : un champ d'application large, garanti par une autorité indépendante

Si l'article 40 de la constitution italienne reconnaît le droit de grève, il dispose en même temps que ce droit s'exerce dans la limite des lois qui le réglementent. C'est dans ce cadre que la loi du 12 juin 1990 a instauré en Italie un service minimum. Ses insuffisances, liées au caractère peu dissuasif des sanctions, à l'exclusion des travailleurs indépendants du dispositif et à l'absence de mécanisme efficace de prévention des conflits, ont conduit à la compléter par la loi du 11 avril 2000, dont l'élaboration s'est accompagnée d'une large négociation avec les principales organisations syndicales. Cette dernière loi établit un équilibre entre le droit de grève et la continuité des services publics, comme le souligne son exposé des motifs, qui précise que « l'objet de la loi ne vise pas à supprimer à quiconque le droit de grève, mais à garantir le fonctionnement minimum des services publics essentiels ».

Ces « services publics essentiels » visent à assurer la jouissance des droits constitutionnellement garantis de la personne, à la vie, à la santé, à la liberté (de circuler et de communiquer notamment), à la sécurité, à l'assistance et à la sécurité sociale et à l'instruction. Ils couvrent un large spectre (Cf. encadré ci-après) :

Les « services publics essentiels » en Italie

- la santé ;
- l'hygiène publique ;
- la protection civile ;
- la collecte et le transfert des déchets ;
- certains services de douane ;
- l'approvisionnement en énergie et en biens de première nécessité ;
- la justice ;
- la protection de l'environnement ;
- les transports en commun (par autobus, autocar, métro, tramway, chemin de fer et avion) ;
- les transports maritimes (en ce qui concerne la desserte des îles) ;
- la sécurité sociale et l'assistance publique ;
- le crédit (concernant la fourniture de ce qui est nécessaire à la vie) ;
- l'instruction publique, de l'école maternelle à l'université (y compris les crèches) ;
- les postes et télécommunications ;
- l'information radiotélévisée publique.

Les conditions permettant de garantir ces services doivent être définies par les conventions collectives. Cela étant, plusieurs dispositions tendent à limiter le recours à la grève et, par conséquent, à l'instauration du service minimum : un préavis de dix jours précisant la durée, les modalités et les motifs de la grève ; des mécanismes de rapprochement et de conciliation préalables et postérieurs à toute déclaration de grève ; une limitation de la durée de la grève (à 4 heures, puis 24 heures) ; un intervalle minimum de dix jours au moins entre deux mouvements de grève affectant le même secteur ou le même bassin d'usagers.

A défaut d'accord sur le service minimum entre les partenaires sociaux, une commission de garantie définit ce service. Cette commission est composée de neuf membres nommés par le Président de la République, sur proposition conjointe des présidents des deux chambres, parmi les experts juridiques et les spécialistes des relations de travail. Ses décisions peuvent être contestées devant le tribunal du travail.

Cette commission a, en premier lieu, pour objet d'apprécier l'opportunité des prestations minimales définies par les conventions collectives et de formuler, au besoin, des prescriptions complémentaires. Dans le cas où les partenaires sociaux ne parviennent pas à définir ensemble un service minimum, la commission peut prendre un règlement provisoire garantissant le fonctionnement de certains services à certaines périodes. Sauf exception, les règlements provisoires ne peuvent prévoir de quota de service supérieur à 50 % du service normal, ni la réquisition de plus du tiers des travailleurs d'un secteur ou d'une entreprise.

La commission peut en outre rendre, à la demande des parties, un « jugement arbitral » sur l'interprétation des accords concernant le service minimum. Elle peut aussi, en cas de désaccord entre les syndicats sur ce point, demander l'organisation d'un référendum.

Cette instance peut, en troisième lieu, lorsque les prestations minimales fixées par les accords ou le règlement provisoire ne sont pas respectées, ouvrir une procédure de sanction, pouvant donner lieu à des pénalités dont le montant est compris entre 2 580 et 25 800 euros. De même peut-elle exiger de l'entreprise l'application du code de discipline à l'encontre des salariés en infraction.

La commission a, enfin, une mission de prévention des conflits. Elle peut notamment convoquer les parties pour proposer une médiation ou ordonner de différer la grève et de reprendre les négociations.

Parallèlement au pouvoir de régulation de la commission de garantie, l'administration publique dispose de moyens de réquisition. Ainsi, le Gouvernement, le préfet ou le président de la région doivent, dans leur champ territorial de compétences, convoquer les parties pour proposer une médiation lorsqu'une grève est considérée comme dangereuse pour l'ordre public. En cas d'échec de la médiation, ils peuvent réquisitionner tout ou partie du personnel ou différer la grève à une date ultérieure.

Il ressort de ce régime que le service minimum donne lieu à l'application de règles spécifiques à chaque secteur, adaptées en fonction de leurs particularités. Ainsi, dans le domaine des transports collectifs, par exemple, prévalent des dispositions particulières tendant à éviter de trop grandes gênes aux usagers. La grève n'est pas autorisée pendant les heures de pointe, soit entre 6/7 heures et 9/10 heures et entre 17 et 20 heures. Par ailleurs, elle ne peut intervenir pendant certaines périodes de l'année, correspondant notamment aux vacances scolaires et aux périodes d'élections (Cf. encadré ci-après). De plus, il n'est pas possible de cumuler deux grèves de transports, comme les transports ferroviaires et les transports aériens par exemple, ni de mener en même temps une grève locale et une grève nationale.

S'agissant des services éducatifs, les règles de service minimum garantissent aux parents d'élèves la prise en charge des enfants au moins jusqu'à l'âge de 10 ans, à la fois dans les crèches, les écoles primaires et les collèges. Un service minimum est également assuré afin de permettre le bon déroulement des examens et des concours.

Au-delà de cette réglementation, les principales centrales syndicales (CGIL, CISL, UIL) ont, depuis les années quatre-vingt, adopté des « codes éthiques » afin de limiter les gênes occasionnées aux usagers.

Le bilan de l'application du service minimum en Italie est, dans l'ensemble, jugé satisfaisant, dans la mesure où il concilie en général harmonieusement l'exercice du droit de grève et la préservation des services publics essentiels. Il a également l'avantage de limiter les conflits grâce à des procédures de prévention relativement efficaces.

Il n'en fait pas moins l'objet de critiques, en particulier de la part des représentants syndicaux, qui considèrent que les conditions de mise en œuvre de la grève sont pour l'heure trop complexes. Est invoquée notamment la nécessité d'attendre au moins dix jours de préavis avant de poursuivre une première grève, réglementairement limitée à 4 heures ; ou la possibilité, par ce biais, de permettre à un syndicat minoritaire d'empêcher un syndicat majoritaire de faire grève après lui sur le même sujet, avant l'expiration de ce délai
- qui, en pratique, est très supérieur à 10 jours.


Les périodes d'interdiction de la grève dans les transports collectifs en Italie

Les accords d'application des lois 146/90 et 83/2000 et les délibérations de la commission de garantie sur les prestations indispensables dans le secteur des transports doivent prévoir des périodes d'interdiction du droit de grève. Celles-ci sont les suivantes :

Tous modes
: 17 décembre au 7 janvier
Tous modes
: 5 jours avant et 5 jours après Pâques
Tous modes
: 27 juin au 4 juillet
Transport ferroviaire
: 27 juin au 3 septembre
Transport aérien
: 28 juillet au 3 août/10 août au 5 septembre
Autres modes
: 28 juillet au 3 août/10 août au 20 août /28 août
au 3 septembre
Tous modes nationaux
: 3 jours avant et 3 jours après les élections
Tous modes locaux
: 1 jour avant et 1 jour après les élections.

Le jour initial et le jour final sont inclus dans la période

Source : Ambassade de France en Italie, Mission économique.

2) L'Espagne : un dispositif souple et efficace

L'Espagne retient également, comme limite à l'exercice du droit de grève, la préservation des secteurs « essentiels ». La loi ne définit pas la liste de ces services, même si elle détermine les conditions générales du service minimum dans certains domaines, comme la fourniture d'électricité ou d'hydrocarbures. Il ressort néanmoins de la jurisprudence du tribunal constitutionnel espagnol et de différentes lois sectorielles que ces services concernent plusieurs domaines importants, tels que les transports, les services sanitaires ou l'enseignement (Cf. encadré ci-après).

Les principaux secteurs « essentiels » en Espagne

- les transports ;
- les services sanitaires, hospitaliers et d'assistance ;
- la fourniture énergétique ;
- l'approvisionnement et l'assainissement de l'eau ;
- le ramassage et le traitement des résidus solides ;
- les postes ;
- l'enseignement.

Si les représentants des salariés doivent normalement déposer un préavis de grève cinq jours avant le début de celle-ci, ce délai est porté à dix jours dans ces secteurs, afin de permettre aux entreprises et aux usagers de s'organiser en conséquence.

Cette convocation de grève doit être présentée au ministre du travail, qui doit l'autoriser. Celui-ci ne peut refuser cette autorisation que dans le cas flagrant d'illégalité des motifs de la grève. Pendant ce délai de 10 jours, direction d'entreprise et syndicats doivent continuer de négocier, soit pour annuler la grève, soit pour définir les conditions d'un service minimum.

S'ils ne parviennent pas à se mettre d'accord, le Gouvernement fixe, au travers d'un ou plusieurs arrêtés, les conditions du service minimum, qui seront obligatoirement exécutoires.

Les modalités du service minimum sont négociées au cas par cas lors de chaque mouvement de grève, avec pour objectif d'assurer la continuité des services publics. Ces modalités sont en général très détaillées, précisant les conditions applicables à chaque centre de travail, à chaque service, à chaque salarié, et pour chaque tranche horaire. Elles doivent cependant être inspirées par un équilibre entre les deux principes du droit de grève et du droit d'accès aux services essentiels. En cas de conflit, les parties peuvent demander l'arbitrage des tribunaux.

A titre d'exemple, pour les entreprises municipales de transport, de métro et d'autobus, les dispositions susceptibles d'être appliquées prévoient l'obligation de garantir le transport à 50 ou 60 % pendant les heures de pointe, et à 15 à 20 % en dehors de ces périodes.

Pour le transport ferroviaire, le service minimum, qui est assuré par un décret royal de 1980, prévoit que, lorsque des mouvements de grève sont annoncés au sein de la RENFE (société nationale de chemins de fer), la direction de l'entreprise demande au gouvernement de fixer les conditions du service minimum, qui devront être discutées avec le comité de grève. Ce service, sur les grandes lignes, doit notamment être garanti à raison d'un train dans la journée pour chaque destination donnée.

Concernant le transport aérien, le service minimum est déterminé par deux décrets du 16 novembre 1983 et du 25 mars 1985. Par ailleurs, les collectivités locales ont autorité, selon la nature du transport concerné, pour définir les règles de ce service.

Dans le secteur de l'énergie, il est prévu par la législation que les travailleurs ne pourront exercer leur droit de grève qu'en assurant le maintien des fournitures d'électricité, de gaz et de pétrole.

S'agissant des postes, la convention collective de Correos y Telegrafos SA prévoit une commission d'interprétation, de vigilance, de conciliation et d'application (CIVCA), composée de cinq représentants syndicaux et de cinq représentants de la société, qui a pour mission de limiter les conflits sociaux. En cas d'échec, le ministère du développement fixe les règles du service minimum, qui concernent la réglementation, l'aménagement, l'inspection, la gestion des dossiers sensibles, l'imposition de certaines sanctions, le contrôle de la qualité des services postaux, l'enregistrement des entreprises, la gestion et la résolution des réclamations des utilisateurs, ainsi que la gestion des taxes et de l'éventuel fonds de compensation du service postal universel.

La mission effectuée par le rapporteur en Espagne, aux côtés du ministre de l'Equipement, M. Gilles de Robien, a montré que le système espagnol est considéré par l'ensemble des parties concernées comme globalement positif. En effet, la combinaison de mécanismes de prévention et de règles de service minimum a permis d'éviter d'importants conflits sociaux, de même que la négociation de nombreuses conventions collectives dans les différentes branches de l'économie espagnole. L'intense dialogue social entre les partenaires sociaux l'explique aussi largement. Le rapporteur a particulièrement été frappé par l'extrême souci des représentants des organisations syndicales espagnoles d'éviter la grève - considérée comme un échec collectif - et de ménager les souhaits des usagers, dont la satisfaction conditionne le développement des entreprises et, par voie de conséquence, les rémunérations et les conditions de travail de tous les salariés.

Cependant, certaines critiques sont émises. En cas de conflit, les jugements des tribunaux sont souvent rendus trop tard (un ou deux ans après les faits), ce qui ne permet pas de donner une satisfaction immédiate et appropriée aux parties. En outre, l'administration publique, les entreprises et les syndicats estiment que le dialogue et la concertation pourraient être mieux encadrés. Enfin, on note encore quelques conflits importants dans le domaine des transports, en particulier les transports aériens.

3) Le Portugal : un régime évitant le blocage des services publics, mais dont l'efficacité doit être renforcée

La législation portugaise sur le droit de grève détermine plusieurs secteurs devant faire l'objet d'un service minimum en vue d'assurer à la population certains besoins essentiels (Cf. encadré ci-après) :

Les « besoins essentiels » au Portugal

- les postes et télécommunications ;
- les services médicaux, hospitaliers et pharmaceutiques ;
- la salubrité publique (y compris les pompes funèbres) ;
- les services des eaux ;
- l'énergie et les mines (y compris l'approvisionnement en carburant) ;
- les pompiers ;
- les entreprises de transport (y compris les ports, aéroports, chemins de fer et transports routiers de passagers, d'animaux et de denrées périssables, ainsi que des biens essentiels à l'économie nationale, incluant les services de chargement et de déchargement).

Les organisations syndicales souhaitant déclarer la grève doivent déposer un préavis de cinq ou dix jours ouvrables, selon les cas, et sont tenues de définir les conditions du service minimum. De même, elles sont également obligées de fournir, pendant la grève, des prestations nécessaires à la sécurité et à l'entretien des équipements et des installations. Ce service minimum doit être fixé par une convention collective ou par un accord avec les représentants des travailleurs.

A défaut d'accord après le dépôt du préavis de grève, le ministère de la sécurité sociale et du travail convoque les représentants des travailleurs et les employeurs en vue de déterminer les conditions de ce service minimum. En cas de nouveau désaccord jusqu'au cinquième jour précédant la grève, le ministère de la Sécurité sociale et du travail et le ministère de tutelle de l'entreprise ou de l'établissement concerné définissent, dans un arrêté conjoint, le contenu de ce service. Ils tiennent compte à cet effet des principes de nécessité, d'adéquation et de proportionnalité. Cet arrêté est alors immédiatement exécutoire et doit être affiché dans les locaux de l'entreprise ou de l'établissement.

Dans l'hypothèse où ces dispositions ne seraient pas appliquées, le gouvernement peut, au titre de la loi de réquisition civile du 20 novembre 1974, réquisitionner ou mobiliser le personnel nécessaire.

Cette législation a été récemment modifiée en vue de renforcer le service minimum. La loi du 27 avril 2003, qui définit le nouveau code du travail et est entré en vigueur depuis le 1er décembre 2003, prévoit quatre modifications principales :

- le préavis de grève devra être de cinq jours ouvrables (et non plus de cinq jours), et de dix jours ouvrables (et non plus dix jours), pour les services essentiels ;

- le service minimum pour la sécurité et l'entretien des équipements et installations sera mieux défini ;

- lors du dépôt de préavis, les représentants du personnel seront tenus d'évaluer l'impact des grèves envisagées sur le service rendu aux usagers. En cas d'absence de convention collective, ou d'accord avec des représentants du personnel, la définition du service minimum applicable sera confiée à un collège d'arbitrage ;

- enfin, les représentants des travailleurs ont obligation de désigner les personnes qui seront affectées au service minimum 48 heures avant le début de la période de grève. S'ils ne le font pas, il revient à l'employeur de les nommer.

Le bilan d'application de ce dispositif est mitigé. Le service minimum portugais a certes évité la paralysie des services publics, en particulier dans les transports collectifs. Cependant, selon la mission économique de l'Ambassade de France à Lisbonne, il n'atténue que modestement les inconvénients découlant de la grève. Cela explique en partie que les représentations syndicales ne soient pas convaincues de son efficacité. D'autant que ce service peut, selon elles, être contourné par les partenaires sociaux, soit par un retour à la table des négociations - pour la réalisation d'autres actions -, soit, en cas de blocage, par la mobilisation de moyens privés de remplacement tacitement acceptés par les syndicats. Enfin, la réquisition civile des travailleurs par l'Etat peut se substituer à ce service.

Cela dit, on peut penser que les modifications récemment apportées au régime en vigueur accroîtront son efficacité.

4) La Grèce : un régime très encadré par le législateur

En Grèce, les règles générales du service minimum sont fixées par la législation. Celle-ci prévoit que « la grève des salariés ayant une relation de travail de droit privé dans la fonction publique, les collectivités locales, les personnes morales de droit public, les entreprises de caractère public ou d'utilité collective dont le fonctionnement est d'importance vitale pour la satisfaction des besoins essentiels du corps social, est permise sous réserve » d'un service minimum(1). Cette disposition est également applicable aux fonctionnaires depuis 1994. Les services concernés par la loi recouvrent de nombreux domaines (Cf. encadré ci-après) :

Les services publics essentiels en Grèce

- les prestations de services sanitaires rendus par les établissements hospitaliers ;
- le filtrage et la distribution d'eau ;
- la production et la distribution de courant électrique ou de combustion de gaz, la production et le raffinage de pétrole brut ;
- le transport de personnes et de biens par voies terrestres, maritimes et aériennes ;
- les postes et télécommunications ;
- la radio et la télévision ;
- l'évacuation et l'enlèvement des eaux usées ;
- la collecte et le dépôt des ordures ;
- le déchargement et la mise en dépôt des marchandises dans les ports ;
- l'aviation civile ;
- la Banque de Grèce, ainsi que tout service chargé du paiement des rémunérations des personnels du secteur public.

Cette législation est complétée par des accords signés, chaque année, entre les organisations syndicales et la direction des entreprises sur le personnel de sécurité et ses obligations. Ce personnel peut s'élever entre 30 et 50 % des effectifs, en particulier dans les services médicaux et pour le transport des malades.

Lorsque la direction d'une entreprise n'est pas d'accord sur le nombre des salariés nécessaires ou si l'organisation syndicale ne présente pas de liste de personnel, contrairement à la demande de la direction, la commission de protection des cadres d'organisations syndicales peut prendre la décision dans la deuxième quinzaine du même mois (en cas d'urgence, cette décision revient à son président). De même, cette commission détermine, en cas de désaccord, les prestations et les services destinés à satisfaire les besoins sociaux essentiels.

Cette commission est composée du président du tribunal de première instance de la région, d'un représentant de la chambre de commerce et d'industrie - ou, à défaut, de l'association des commerçants - et d'un représentant des salariés, désigné par l'organisation syndicale la plus représentative. Elle adopte ses décisions à la majorité. Ces décisions peuvent être contestées devant une commission d'appel de trois membres, formée du plus ancien président du tribunal de première instance, du représentant de la chambre de commerce et d'industrie et d'un représentant des salariés.

Pendant la durée de la grève, la direction de l'entreprise ou l'organisation syndicale peuvent demander à cette commission la modification de la liste du personnel mobilisé ou des prestations fournies, en raison du contexte.

Il convient de noter que les entreprises récemment privatisées ne sont pas soumises au service minimum.

A titre d'exemple, la Fédération panhellénique des salariés des hôpitaux publics (POEDIN) a fixé pour 2003 le personnel nécessaire pour assurer un service minimum en cas de grève dans les hôpitaux. Ainsi, s'agissant, entre autres, du personnel infirmier, il est prévu de mobiliser une infirmière de garde pour chaque clinique, un infirmier de garde pour 120 malades, un infirmier et un brancardier de garde par bloc chirurgical, une infirmière pour les anesthésies, deux infirmières de garde dans les services d'urgence, et une infirmière et un infirmier de garde dans les services de consultations externes ou les services d'urgence des hôpitaux comprenant jusqu'à 300 lits.

Dans le domaine de la justice, si les magistrats n'ont pas le droit de grève, les autres agents en disposent, sous réserve de maintenir une personne par secteur dans les tribunaux (secteur des expropriations, secteurs des actions pénales, etc...).

Concernant les services municipaux de ramassage des ordures ménagères, le personnel nécessaire pour assurer le service minimum est désigné par chaque commune en accord avec le personnel municipal. Cela étant, le ramassage est effectué intégralement auprès des hôpitaux, des écoles, des hospices et des marchés de quartier, contrairement aux habitants qui ne disposent d'aucune garantie en la matière. S'agissant des transports en commun, un personnel de sécurité est, selon la législation, mobilisé par les organisations syndicales afin d'éviter les accidents. Mais ce personnel réquisitionné est exclusivement administratif. La conséquence est le blocage possible des bus et des métros. Des règles similaires, tendant à assurer les mesures de sécurité, sont appliquées pour les transports maritimes et pour les transports aériens. Dans ce dernier secteur, des vols sont cependant assurés selon des modalités complexes.

Des règles particulières s'appliquent également dans le domaine énergétique et pour les postes. Il est ainsi prévu, par exemple, en cas de grève, la présence de 15 % des facteurs à Athènes et Thessalonique, 8 % des facteurs dans les autres régions de Grèce, et entre 8 et 10 % pour les autres catégories de personnel. Les facteurs ainsi désignés doivent assurer le paiement des mandats aux personnes handicapées, la livraison du matériel pharmaceutique, des objets urgents, et le dépôt des actes judiciaires.

Il n'en est pas de même en revanche dans l'éducation nationale, qui ne connaît plus, selon les informations communiquées, de service minimum. En effet, si les professeurs devaient, jusqu'à la fin des années quatre-vingt, assurer 25 % du service, cela n'est plus le cas aujourd'hui.

Le service minimum en Grèce est donc plus ou moins étendu selon les secteurs. Cela explique qu'il n'évite que partiellement les désagréments causés aux usagers. D'ailleurs, l'opinion publique n'est pas satisfaite du régime actuel, en particulier de celui des transports collectifs, où le service minimum est peu appliqué, et dans les secteurs comme la collecte des ordures ménagères, où il reste très limité.

5) La Suède et la Finlande : le règne de la convention collective

Contrairement aux Etats du Sud de l'Union européenne, en Suède et en Finlande, un service minimum est, selon les informations communiquées, déterminé en pratique par les conventions collectives.

En Suède, le droit de grève n'est quasiment pas limité. Toutefois, dans le secteur public comme dans le secteur privé, les parties signataires aux conventions collectives ne peuvent engager des conflits du travail sur des questions traitées par ces conventions durant leur période de validité. Il s'agit de ce qu'on appelle « la trêve sociale obligatoire ».

Or, la majorité des conventions collectives contiennent des clauses d'interdiction de grève - ou d'autres formes de conflits du travail - susceptibles d'être « dommageables à la société », dans la mesure où elles seraient de nature à « générer des risques pour la vie des personnes ou engendrer des situations dangereuses pour la société ». Cela signifie, par exemple, que les organisations syndicales doivent éviter de déclencher des grèves de personnels liés à des activités de sécurité, tels que les ambulanciers ou les infirmières travaillant dans des services primordiaux.

En cas de désaccord entre les partenaires sociaux sur le fait de savoir si une grève pourrait être ou non « dommageable à la société », on recourt traditionnellement à des comités de conciliation (appelés « Arbetsmarknadsnännden » dans le secteur privé et « Centrala nännden » dans le secteur public). Ces comités, composés d'une dizaine de personnes provenant de différents syndicats et associations patronales, émettent une recommandation pour maintenir ou lever le préavis de grève.

Cela étant, on ne compte, depuis 1938, que quinze cas de conflits « dommageables à la société » traités par le comité Centrala nännden dans le secteur public et trois examinés par le comité Arbetsmarknadsnännden dans le secteur privé.

Par ailleurs, le Parlement suédois peut, pour ce type de conflit social, y mettre fin par le vote d'une loi.

En Finlande, le service minimum est également garanti, en général, par les conventions collectives, négociées chaque année ou tous les deux ans par les partenaires sociaux à l'échelle nationale ou dans les différentes branches. Les conventions couvrent environ 90 % des travailleurs et 80 % de la population active est syndiquée.

Les déclarations de grève n'ont lieu habituellement qu'à l'expiration des conventions collectives, et servent, le plus souvent, comme moyen de pression sur l'employeur dans le cadre de la négociation sur leur renouvellement. En effet, les parties signataires d'une convention collective ne peuvent déclencher un conflit du travail relatif à cette convention tant que celle-ci est toujours en vigueur. A défaut, s'il y a violation de la « paix sociale », les organisations syndicales ou les employeurs (en cas de lock out) peuvent être condamnés à une amende.

Les conflits du travail sont généralement réglés par un système permanent d'arbitrage. En revanche, les conflits résultant de la violation des conventions collectives peuvent être soumis à la décision du tribunal du travail. Quant aux conflits du travail n'ayant pas de rapport avec des conventions collectives, ils relèvent des juridictions de droit commun.

A côté des conventions collectives, existent de façon ponctuelle des dispositions législatives destinées à assurer un service minimum dans certains secteurs. Ainsi, la loi du 27 août 2003 prévoit-elle que les compagnies productrices ou distributrices d'énergie doivent verser une compensation à tout utilisateur privé d'approvisionnement d'énergie pour une durée égale ou supérieure à 12 heures. Cette loi a été adoptée à la suite de plusieurs pannes de secteur dans le nord de la Finlande.

Le bilan du régime finlandais est jugé satisfaisant, ne serait-ce qu'en raison de la rareté des mouvements sociaux qui s'y font jour. Toutefois, cette paix sociale tient largement à la négociation régulière de conventions collectives, liée à la culture traditionnelle du consensus qui prévaut dans ce pays.

On relève néanmoins quelques grèves significatives au cours des dernières années, comme celle des employés au sol de la compagnie aérienne Finnair en juin 2003, ou celle des 3 300 employés des services de transports municipaux, qui ont provoqué à l'automne 1997, pendant six jours, les bouchons les plus importants de l'histoire de la Finlande. Il convient de noter que, cette dernière grève ayant été déclarée illégale, les syndicats impliqués ont dû, en application de la loi sur la médiation dans les conflits du travail, payer des amendes substantielles.

6) La Belgique : un service minimum limité au secteur privé

En Belgique, la loi du 19 août 1948 concernant les prestations d'intérêt commun en temps de paix prévoit que les commissions paritaires du secteur privé (comprenant des représentants des employeurs et des représentants syndicaux) doivent déterminer et délimiter les mesures, les prestations ou les services devant être assurés en cas d'arrêt collectif et volontaire du travail ou en cas de licenciement collectif de personnel, afin de satisfaire certains besoins vitaux, d'exécuter certains travaux urgents ou d'accomplir certaines tâches en cas de force majeure ou de nécessité imprévue.

Cette loi s'applique aux nombreuses entreprises privées remplissant une mission de service public, parmi lesquelles les entreprises de fourniture de gaz ou d'électricité, de distribution d'eau, d'entretien des centrales nucléaires, ainsi qu'une grande partie des services privés de santé, de transport, de nettoyage et de collecte des ordures ménagères notamment.

Dans le secteur public, au contraire, la prescription de prestations minimales est facultative, à la discrétion des partenaires sociaux(2).

Selon les différents interlocuteurs du rapporteur à Bruxelles, le déclenchement de grèves dans ces entreprises est relativement peu fréquent et, lorsqu'il se produit, donne lieu à la mise en œuvre, par les commissions paritaires de ces entreprises, de prestations minimales suffisantes, à la fois aux yeux des usagers, des entreprises et de l'administration.

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Par ailleurs, trois Etats de l'Union européenne appliquent, dans certains secteurs ponctuels, un service minimum. Tel est le cas en France, dans le domaine de la navigation aérienne, de la radio et de la télévision, du nucléaire ou des services de santé(3). Il en est de même en Irlande dans certains secteurs déterminés, tels que les hôpitaux, le contrôle de la navigation aérienne et la gendarmerie. Certaines catégories de personnel sont soumises à des contraintes de service minimum, négociées entre le patronat et les syndicats. Celles-ci peuvent faire l'objet d'un arbitrage rendu par le médiateur sur les conflits sociaux, la « Labor Relations Commission », et figurent dans un « Code of practice », qui s'apparente à un règlement intérieur négocié. Selon ce médiateur, l'obligation de service minimum ne peut être applicable que pour cinq motifs : la maintenance de l'outil de travail, l'hygiène ou la sécurité, le maintien des procédés spéciaux industriels en flux continu, les urgences et livraisons médicales et les services d'urgence à caractère humanitaire. Un service minimum pourrait également être mis en œuvre sous certaines conditions pour les forces armées, la police, la marine et les employés de maison et employés agricoles.

Enfin, aux Pays-Bas, on peut noter que le ministère des transports a signé un contrat de performance avec l'entreprise publique de transports collectifs NS Reizigers en janvier 2001, qui impose à celle-ci un ensemble de prestations de service minimal tout au long de l'année, qu'il y ait grève ou non. Après le mouvement de grève d'avril 2001 lancé par le syndicat des machinistes et des conducteurs hollandais (VVMC), le ministère des transports a imposé une amende de 11,8 millions d'euros à cette entreprise pour non-respect du contrat de performance : cette amende n'a jamais été payée.

7) Un dispositif très présent dans les pays candidats

Au-delà de l'Union européenne, de nombreux pays candidats appliquent un service minimum : six sur douze de manière générale et deux, la Slovénie et la Pologne, de façon ponctuelle.

Ainsi, en Hongrie la législation prévoit un service minimum notamment dans les transports publics, les télécommunications, l'électricité, l'eau et le gaz ; les grèves dans les services publics y sont d'ailleurs très rares. En Lettonie, la loi prévoit qu'un service minimum doit être assuré dans de nombreux secteurs, en particulier les transports collectifs, les services médicaux et paramédicaux, les services de production et d'approvisionnement d'énergie, les services de sécurité civile, l'approvisionnement en eau, la collecte des déchets et l'entretien des égouts.

Un service minimum est également prévu en Lituanie dans des secteurs similaires. Il en est de même à Malte dans les services vitaux fixés par la loi.

En Estonie, si la plupart des fonctionnaires n'ont pas le droit de grève, les employés des entreprises privées assumant des missions de service public en disposent, sous réserve que les activités assurant les besoins « primaires » de la population - dont la liste exhaustive est définie par le gouvernement - soient maintenues. En cas de grève, le niveau de ce service minimum est fixé par le médiateur du gouvernement.

En Roumanie, un service minimum - correspondant à au moins un tiers de l'activité normale - est appliqué en cas de grève dans les « services essentiels » dans le secteur public.

En Slovénie, si le droit de grève est autorisé dans le secteur public, parallèlement à la loi-cadre sur les fonctionnaires, prévalent des dispositions légales spécifiques applicables à la police, à l'armée, aux contrôleurs aériens, aux cours pénales, aux douaniers et à l'administration pénitentiaire. Dans ces derniers domaines, la réglementation prévoit que le service ne doit pas être mis en péril. Mais en pratique, dans ce pays où existe une tradition de consensus, les employés des services publics ne font grève qu'exceptionnellement. Ainsi, on a enregistré cette année une grève d'une durée de quelques heures, au sein d'une entreprise dont la direction avait tardé à régler les primes de vacances du mois de juin.

Enfin, en Pologne, le service minimum s'applique ponctuellement aux postes de travail, ou aux machines et installations pour lesquels l'arrêt de travail pourrait être dangereux pour la vie et la santé des personnes ou la sécurité de l'Etat. Cela étant, de nombreux fonctionnaires (douanes, gardes communaux, gardiens de prison, policiers...) n'ont pas le droit de grève.

8) Une réglementation qui n'est pas le propre de l'Europe

Le service minimum n'est cependant pas une spécificité de l'Europe, puisqu'il existe aussi notamment au Canada.

Dans ce pays, les services publics considérés comme « essentiels » à la santé ou à la sécurité publiques ne peuvent donner lieu à des grèves, ou du moins celles-ci doivent être restreintes et préserver leur bon fonctionnement. En outre, il existe une catégorie de personnels, qualifiée de « briseurs de grève », qui continue de travailler et remplace les grévistes en période de grève. Les conditions d'application du service minimum varient selon les provinces, 90 % des salariés relevant du droit provincial du travail.

Au Québec, le service minimum existe depuis près de quarante ans, et depuis plus de vingt ans, le Conseil des services essentiels, qui est un organisme juridictionnel ad hoc, en est le garant(4). Un service est considéré comme essentiel si son absence représente un danger pour la santé ou la sécurité de la population. Les services essentiels peuvent donc varier selon le type d'entreprise, la nature des services, le moment de la grève et la durée de celle-ci. Néanmoins, sont toujours jugés essentiels certains services municipaux tels que la fourniture d'eau potable, le traitement des eaux usées, l'enlèvement à une certaine fréquence des ordures ménagères, l'entretien sécuritaire des voies publiques, ainsi que les soins accordés dans les centres d'accueil et d'hébergement ou le transport par autobus, lorsque la grève peut provoquer un engorgement tel que les services d'urgence (police, pompiers, ambulances) ne peuvent circuler librement.

Les syndicats doivent négocier avec l'employeur les conditions d'application du service minimum. Cet accord est transmis au Conseil des services essentiels. Si les partenaires sociaux n'arrivent pas à se mettre d'accord, le syndicat est tenu de fournir sa liste des services essentiels au moins sept jours avant la grève. Le Conseil évalue alors le caractère suffisant des services proposés, les valide, ou, s'ils sont insuffisants, recommande des modifications, voire de surseoir à la grève et de refaire la liste. Il peut également saisir le ministre du travail en lui précisant l'existence d'une menace pour la santé et la sécurité, et le gouvernement peut, au vu de ces éléments, suspendre le droit de grève jusqu'à ce que les organisations syndicales aient démontré que les services publics seront maintenus de façon satisfaisante.

Un dispositif de réparation au profit des usagers est également prévu. Ainsi, par exemple, un syndicat de salariés de transport collectif ayant appelé à une grève illégale peut être tenu de verser une amende dont le produit est consacré à la construction d'un abri-bus. De même, des personnes ayant engagé une grève illégale peuvent se voir condamnées à des travaux d'intérêt général.

Inversement, une entreprise de transport ayant effectué un lock out illégal peut devoir offrir une journée gratuite de transport à la population pour la gêne ainsi occasionnée.

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En conclusion, on constate que les dispositifs de service minimum sont globalement très utiles, dans la mesure où ils permettent de concilier l'exercice du droit de grève et la continuité du service public, à la satisfaction, dans la plupart des cas, des salariés, des entreprises et des usagers. Par ailleurs, lorsqu'ils donnent lieu à critiques, c'est souvent soit parce qu'ils ne sont pas assez étendus - comme en Grèce, dans les transports collectifs ou la collecte des ordures ménagères, ou en Belgique, pour les entreprises publiques -, soit pour des raisons techniques qui ne remettent pas en cause le bien-fondé du service minimum.

II.

III. LES PAYS NE COMPORTANT PAS DE REGLEMENTATION PARTICULIERE SUR LE SERVICE MINIMUM NE SONT PAS EN GENERAL, COMPTE TENU DE LEUR LEGISLATION ET DE LA PLACE DU DIALOGUE SOCIAL, CONFRONTES A DES CONFLITS SOCIAUX IMPORTANTS

Les pays européens ne disposant pas de réglementation sur le service minimum ne connaissent pas, en général, de grèves importantes. Et ce, pour deux motifs principaux : soit parce que la grève est strictement réglementée - et donc difficile à mettre en œuvre -, soit parce que le dialogue social y est dense et continu - et permet, ce faisant, d'éviter les conflits.

A. Une réglementation du droit de grève strictement encadrée

La plupart des Etats connaissent des restrictions au droit de grève. Ainsi, en général, certaines professions, comme les militaires ou les magistrats, n'en disposent pas. Dans certains pays, le déclenchement d'une grève dans les services publics est soumis à un ensemble de conditions rigoureuses rendant son apparition improbable.

Quatre pays européens principaux retiennent à cet égard une réglementation particulièrement stricte : l'Allemagne, l'Autriche, le Danemark et la Grande-Bretagne. En outre, on relève des limitations substantielles au droit de grève dans plusieurs pays candidats et dans de grands pays industrialisés n'appartenant pas à l'Union européenne ou extérieurs à l'Europe.

1) Un régime allemand rendant difficile le déclenchement de conflits collectifs

La première restriction en Allemagne est que les fonctionnaires n'ont pas le droit de grève. L'article 33 de la Constitution dispose, en effet, que « l'exercice de la puissance publique doit être confiée à titre permanent à des membres de la fonction publique placés dans un rapport de service et de fidélité de droit public ».

Par ailleurs, la mise en œuvre d'une grève est soumise à plusieurs conditions :

l'appel à la grève doit d'abord être approuvé par une forte majorité qualifiée des salariés syndiqués, qui est en général de l'ordre de 75 % ;

- deuxièmement, ne sont autorisées que les grèves portant sur la négociation de conventions collectives (salaires, conditions de travail, formation...). Cela implique, d'une part, l'interdiction des grèves pour d'autres motifs, telles que les grèves politiques, de solidarité ou préventives, et, d'autre part, l'obligation d'attendre l'expiration de ces conventions - dont le délai est généralement de deux ans - au nom de la « paix sociale » ;

seuls les salariés syndiqués depuis au moins trois mois ont le droit de grève ;

les grèves doivent impérativement être précédées de négociations, dont la tenue exige généralement plusieurs semaines. Pendant cette période, seules des interruptions de travail dites « d'avertissement » (« Warnstreik »), limitées à quelques heures et, la plupart du temps, à une zone régionale déterminée, peuvent avoir lieu. En cas d'échec des négociations, les parties doivent en outre se soumettre à une procédure de médiation avant de recourir, le cas échéant, à une grève ;

- enfin, les syndicats sont tenus de payer à leurs membres grévistes une indemnité représentant environ les deux tiers des salaires retenus par les employeurs. Cette disposition les incite naturellement à éviter la grève, et dans le cas où elle devient inévitable, à en limiter au maximum la durée et la portée.

En conséquence, les grèves dans les services publics en Allemagne sont relativement sporadiques. Dans les transports urbains par exemple, le plus grand conflit rencontré depuis 1992 a été la grève nationale de mars 2003, à la Deutsche Bahn, équivalent allemand de la SNCF, qui s'est limitée à une interruption totale du trafic pendant 45 minutes !

Aussi, selon la mission économique de l'Ambassade de France à Berlin, aucun « souvenir de grève nationale paralysante n'est resté ancré dans les mémoires et n'a pu conduire le citoyen ou les élus à poser la question de la nécessité de garantir par la loi un service minimum dans les secteurs des transports collectifs, de l'énergie ou du service postal (...) ».

2) Un droit de grève réduit dans le secteur public en Autriche et au Danemark

En Autriche, les fonctionnaires sont également tenus juridiquement à une obligation de « fidélité » (« Treuepflicht ») envers l'administration, ainsi qu'à celle d'être présents dans le service (« Anwesenheitspflicht »). Si un fonctionnaire fait grève, non seulement il peut être privé de son salaire pour la durée de la grève, mais aussi encourir des sanctions disciplinaires. En théorie, ces sanctions peuvent aller jusqu'au licenciement.

S'agissant des autres agents du secteur public, il n'existe pas non plus de dispositions légales autorisant la grève. Le vide juridique existant en la matière n'empêche pas pour autant d'y avoir recours. Il est vrai cependant que la question ne se posait pas jusqu'à présent, puisque l'Autriche faisait partie des pays où le nombre de jours de grève était parmi les plus faibles d'Europe.

Cela étant, il convient de noter que dans le cadre des réformes en cours (retraites, politiques de l'emploi et des rémunérations...), plusieurs grèves ont eu lieu dernièrement (dans les transports publics en juin 2003 ou les transports aériens en octobre dernier), ou sont sur le point de se faire jour. Dans ce contexte, le gouvernement envisage, selon les informations communiquées, de réglementer le droit de grève.

Au Danemark, les fonctionnaires, qui représentent 20 % des salariés des services publics, ne disposent pas du droit de grève. Quant aux autres agents publics, grâce à l'application des conventions collectives et à un dialogue social intense, ils ne recourent guère à ce moyen pour faire valoir leurs revendications(5).

3) Des conditions de grève strictes et un important pouvoir de réquisition au Royaume-Uni

Le droit britannique en matière de grève est relativement contraignant. En effet, à la suite des longs conflits sociaux qui se sont produits dans ce pays dans les années soixante-dix, le gouvernement de Margaret Thatcher en a encadré l'exercice, notamment au travers de l'Employment Act de 1982. Le déclenchement de la grève est soumis à plusieurs conditions : les syndicats doivent envoyer au domicile des salariés un bulletin de vote financé par eux ; la décision de faire grève doit être adoptée à la majorité par un vote par correspondance et à bulletin secret ; le conflit ne peut concerner que des matières limitativement énumérées, telles que les conditions d'emploi, l'embauche, le licenciement, la répartition du travail, l'affiliation syndicale, les règles de discipline ou les procédures de consultation des salariés. En outre, les grèves de solidarité sont illégales et un maximum de sept personnes est exigé sur les piquets de grève afin de respecter le droit au travail des non-grévistes.

Cela explique en grande partie la diminution considérable du nombre de grèves enregistrée dans ce pays, qui a été divisé par dix par rapport à celui des années soixante-dix. D'autant qu'au titre d'un principe adopté par le Congrès des syndicats (TUC) à la fin des années soixante-dix, on ne peut déclencher de grève susceptible de mettre en danger la sécurité ou la santé de quiconque.

Il convient d'observer également que les services publics sont assumés au Royaume-Uni en grande partie par des entreprises privées. Il en est ainsi des entreprises de transport : c'est le cas notamment de la compagnie aérienne British Airways, des opérateurs ferroviaires de passagers - représentés par onze sociétés différentes -, des compagnies ferroviaires de fret ou des entreprises d'autobus. La multiplicité des entreprises privées limite, selon les informations communiquées, les possibilités de grève d'envergure nationale.

Ce contexte explique l'absence de service minimum en Grande-Bretagne, même si l'on note certaines mesures de prévoyance en cas de grève. La licence d'opération de l'opérateur postal national Royal Mail Group, par exemple, oblige celui-ci à soumettre au régulateur postal PostCom un plan (contingency plan) appliqué en cas de grève, d'urgence ou de sinistre. Ont été définis, dans ce cadre, avec le régulateur, un certain nombre de services devant être assurés en cas de grève, tels que le transport de fonds aux bureaux de poste, la distribution des chèques pour les allocations de chômage et de retraite et le service dit special delivery (distribution en 24 heures de 99,9 % des plis adressés au Royaume-Uni). Il n'est pas exclu, dans cette hypothèse, que les cadres du groupe soient amenés à assurer ces services si un nombre trop élevé de facteurs font grève.

Le service minimum a d'autant moins trouvé sa place au Royaume-Uni que le gouvernement dispose d'un important pouvoir de réquisition. L'Emergency Powers Act de 1920 l'autorise, en cas d'urgence - avec l'accord du Parlement pour une période supérieure à sept jours - à prendre des mesures pour garantir les besoins essentiels du pays. Ce dispositif n'a cependant été utilisé que douze fois depuis 1920, dans les cas de menace de grève de portée nationale (la dernière s'étant produite en 1974). Par ailleurs, l'Emergency Powers Act de 1964 confère au gouvernement le droit de déployer des troupes pour effectuer un travail urgent d'importance nationale. Ainsi, des unités de l'armée ont-elles été amenées à intervenir pour se substituer aux pompiers lors de leur grève de l'année passée, qui a duré plusieurs mois.

Un projet de loi, actuellement en cours d'élaboration, tend à actualiser le texte de 1920, considéré comme obsolète. Il devrait couvrir des services publics tels que la fourniture d'énergie, la distribution d'eau ou les communications, et servir, selon les informations communiquées, à « gérer les conséquences des grèves ».

4) Des limitations substantielles dans plusieurs pays candidats

En Estonie, une loi d'octobre 1999 interdit la grève dans les agences gouvernementales et à tous les corps d'Etat et des collectivités locales (Chancellerie d'Etat, ministères, administrations, inspections, agences d'Etat, fondations d'Etat, sociétés nationales et institutions publiques).

Si la République tchèque ne prévoit pas de dispositions spécifiques sur le service minimum, celui-ci est appliqué en pratique par les limitations apportées au droit de grève (droit de grève dénié à certaines professions, tels que les juges, les personnels de sécurité, les employés de centrales nucléaires ou les employés assurant la sécurité du trafic aérien ; interdiction de grève après déclenchement d'un état d'alerte ou en cas de catastrophe naturelle ; droit de grève limité pour les employés des établissements médicaux notamment, si elle met en danger la vie ou la santé des citoyens).

Quant à la Bulgarie, elle n'autorise pas la grève dans la fonction publique, ni dans les secteurs de l'électricité, des communications, de la santé ou de la justice. Toutefois, les fonctionnaires ont le droit de participer à des grèves en portant des symboles, des brassards ou des pancartes, mais ne doivent pas cesser leur activité.

En Pologne, le droit de grève est interdit à une grande partie des salariés du secteur public, en particulier les fonctionnaires faisant partie du « corps de la fonction civile », les fonctionnaires des douanes, le personnel de la Haute cour de contrôle, les gardes communaux, les gardiens de prisons, les gardes-frontières, les policiers et le personnel des tribunaux, notamment.

En Slovaquie, le droit de grève, garanti par la Constitution, est étroitement limité. Certaines professions n'en disposent pas, telles que les magistrats, les militaires ou les personnels de la navigation aérienne. De plus, la loi du 13 septembre 2001 prévoit que la grève n'est légale qu'en cas de constatation d'échec de négociations et qu'elle ne peut être déclenchée qu'avec l'approbation d'au moins la moitié du personnel. Enfin, le droit de grève est restreint en cas d'urgence, d'état de siège, ou de mise en danger de la vie et de la santé des citoyens. Le pays connaît d'ailleurs peu de grèves.

5) Un « service maximum » aux Etats-Unis, au Japon et en Suisse

· Aux Etats-Unis, prévaut ce qu'on pourrait appeler un « service maximum », les employés du secteur public n'ayant généralement pas le droit de grève. En effet, la grève n'est pas autorisée pour les agents du gouvernement fédéral, ni pour la majorité des agents des Etats, des comtés et des municipalités. En outre, existent, selon l'Ambassade de France à Washington, des procédures efficaces de médiation, de conciliation et d'arbitrage qui évitent, le plus souvent, aux salariés d'y avoir recours.

Le caractère décentralisé du pays a donné naissance à une grande diversité de réglementations. Ainsi, par exemple, en Californie, six législations différentes relatives à la grève et à la médiation-arbitrage sont en vigueur, concernant respectivement les agents des administrations, les salariés et les agents de l'Etat, certains magistrats, les agents des écoles publiques, les agents des universités d'Etat et les pompiers. Dans l'Etat de Washington, sept législations prévalent.

Dans les cas où la grève est autorisée, elle est le plus souvent soumise à des conditions strictes de préavis et d'obligation de négociation et de médiation. Au niveau fédéral, le Federal mediation and conciliation service, qui est un organe indépendant de l'administration et des partenaires sociaux, parvient, la plupart du temps, par son action de médiation ou ses décisions d'arbitrage rendues à la demande de l'employeur et des syndicats, à résoudre les conflits avant le déclenchement d'une grève. Des instances analogues existent également dans beaucoup d'Etats.

Le système américain est donc conçu pour assurer un service maximum en permanence. Selon l'Ambassade de France à Washington, le seul exemple de disposition s'apparentant à une obligation de service minimum concerne les infirmières des hôpitaux publics du Montana, qui ne peuvent se mettre en grève qu'après un préavis de trente jours et à la condition qu'aucune grève n'affecte un autre établissement hospitalier public ou privé situé à moins de 150 miles.

Enfin, il convient de noter qu'au-delà de l'ensemble de ces dispositions, la mentalité américaine ne se prête pas particulièrement au recours à la grève. Celle-ci est généralement considérée par les responsables syndicaux comme un ultime recours, coûteux à la fois pour l'entreprise, les salariés et les usagers, et donc nuisible en termes de rémunération, d'emploi et de compétitivité de l'entreprise.

· Au Japon, le droit de grève est interdit aux fonctionnaires par la loi. Cette interdiction s'applique à tous les agents employés par l'Etat, régis par les règles de la fonction publique. Quant aux agents assumant une mission de service public, mais n'ayant pas la qualité de fonctionnaires, ils jouissent du droit de grève dans des conditions très précises. Il s'agit notamment de ceux des entreprises de chemins de fer, de télécommunications, d'électricité, de gaz et d'eau. Ils ne peuvent déclencher la grève qu'à l'initiative d'une organisation syndicale et qu'après l'approbation de la majorité des adhérents de celle-ci. De plus, la grève doit être fondée sur un motif légitime, ce qui exclut les conflits préventifs et de solidarité. Les moyens utilisés doivent enfin être licites et exclure la violence.

La loi dispose, en outre, que lorsqu'une organisation syndicale envisage de faire grève dans les secteurs d'activité jugés « d'intérêt général indispensable » (transports, courrier, eau, électricité, gaz, services médicaux et santé publique), elle doit en aviser préalablement par écrit - en respectant un préavis de dix jours - le conseil régional du travail et le ministre du travail ou le préfet.

Il en résulte, en pratique, un nombre de grèves limité, d'autant que la qualité du dialogue social, la tradition du consensus et un système de rémunération fondé sur l'ancienneté réduisent considérablement les risques de conflits.

· En Suisse, la grève est également soumise à des conditions relativement restrictives. Elle doit d'abord être déclarée par un syndicat et porter sur des conditions de travail entrant dans le cadre d'une convention collective. Celle-ci doit avoir expiré. Les grèves de solidarité ou les grèves politiques sont interdites. Tout déclenchement de grève doit être impérativement précédé de négociations avec l'employeur.

Par ailleurs, les conventions collectives des différentes entreprises publiques, telles que les chemins de fer fédéraux ou la poste suisse, interdisent en général le recours à la grève. Elles précisent le plus souvent que les parties contractuelles s'engagent à respecter la paix du travail pendant toute la durée d'application de la convention et à renoncer à toutes mesures susceptibles de perturber le travail, telles que les grèves, ou tout mouvement s'y apparentant. De plus, en cas de circonstances exceptionnelles, le gouvernement peut interdire ou limiter une grève. La loi sur le personnel de la Confédération du 24 mars 2000 dispose que si la sécurité de l'Etat, la sauvegarde des intérêts importants commandés par les relations extérieures, ou la garantie de l'approvisionnement du pays en biens et services vitaux l'exige, le Conseil fédéral peut limiter ou supprimer le droit de grève pour certaines catégories d'employés.

En pratique, les grèves dans le secteur public sont, en Suisse, quasiment inexistantes.

B. Un dialogue social fort

L'apparition de conflits sociaux est aussi largement limitée par l'intensité, la permanence et la qualité du dialogue entre les représentations syndicales et les directions d'entreprise. Sept pays en sont notamment l'illustration.

1) La cogestion allemande

En Allemagne, les principales décisions des entreprises sont souvent prises en accord avec les salariés. Cette situation découle de la représentation accordée aux organisations syndicales dans les organes de direction. Ainsi, les syndicats sont-ils représentés au conseil de surveillance des sociétés de capitaux de plus de 500 salariés, grâce au principe de codécision entre employeurs et employés (« Mitbestimmungsrecht »). Pour les entreprises ayant entre 500 et 2 000 employés, les représentants du personnel disposent d'un tiers des mandats du conseil de surveillance, et, dans les entreprises de plus de 2 000 salariés, de la moitié des mandats. Il convient de noter que, parmi les mandats détenus par les représentants du personnel, un quart à un tiers sont attribués aux syndicats. Quant aux membres des conseils d'établissement (« Betriebsrat »), ils sont des salariés délégués élus par le personnel. Un très grand nombre d'entre eux sont également membres d'un syndicat. Ainsi, dans les deux tiers des entreprises allemandes, la majorité du conseil d'établissement serait détenue par des salariés membres des syndicats. Or, le conseil d'établissement, qui est obligatoire dans toute entreprise comptant au moins cinq salariés, dispose de droits étendus, allant, selon les cas, de la simple information au conseil jusqu'à la codécision, pour ce qui concerne, par exemple, les décisions concernant le personnel.

Il s'ensuit que les représentations syndicales disposent, à travers de ces mécanismes de cogestion, de larges moyens d'infléchir le fonctionnement d'une entreprise et, par voie de conséquence, d'empêcher les conflits. La grève n'est plus, dans ces conditions, qu'un ultime recours. Cela explique par ailleurs l'encadrement strict du droit de grève, les salariés pouvant, au travers de ce système de cogestion, largement exprimer leur point de vue.

Le dialogue social est d'autant plus harmonieux que les syndicats appartiennent tous à la même confédération, la DGB, et peuvent ainsi fédérer leurs revendications.

Aussi, le nombre de grèves demeure-t-il limité et leur durée réduite.

2) Un mode de consultation des partenaires sociaux autrichiens bien établi

En Autriche, la qualité du dialogue social repose sur un processus régulier de consultation des partenaires sociaux. Ce processus a permis jusqu'à une période récente d'éviter les conflits sociaux, au point que l'Autriche était un des pays en Europe qui en connaissait le moins.

Cependant, comme on l'a vu, des grèves plus importantes se sont faites jour au cours des deux dernières années, dans le cadre de réformes structurelles proposées par le gouvernement. Cela pourrait conduire à modifier la nature du dialogue social et la réglementation applicable en la matière.

3) La tradition danoise de la concertation

Le Danemark est marqué par une longue tradition de concertation entre les partenaires sociaux sur les conditions salariales et de travail au travers des conventions collectives. Selon la mission économique de l'Ambassade de France à Copenhague, « les partenaires sociaux jouent un rôle central et pratiquent une concertation très positive sur le marché du travail qui est un des plus tranquilles du monde. Les partenaires sociaux ont une grande responsabilité en ce qui concerne la conclusion de conventions, et, bien que leurs intérêts puissent être perçus opposés, ils ont la tradition de se faire confiance et de dialoguer ».

La place du dialogue social est d'autant plus forte que les syndicats de salariés sont très représentatifs, le taux de syndicalisation avoisinant dans ce pays 80 %.

Les conventions collectives issues de ce dialogue régissent en général la plupart des éléments essentiels des conditions de travail, tels que le salaire minimum, le temps de travail ou le droit de grève. Il convient cependant de noter qu'il est arrivé, au cours des dernières années, que les partenaires sociaux ne soient pas parvenus à s'accorder au sujet d'une convention, en dépit même de l'assistance d'un médiateur public. Il est alors de coutume, dans ce cas-là, que le Parlement donne statut de loi à la motion de conciliation de ce médiateur.

4) Des conventions collectives néerlandaises évitant le recours à la grève

Aux Pays-Bas, les conventions collectives contiennent souvent une clause selon laquelle les syndicats s'engagent à renoncer à organiser des actions collectives pendant leur durée d'application. Même si cet engagement n'est pas toujours respecté en pratique, on observe que les jours de grève sont moins nombreux aux Pays-Bas que dans la plupart des pays européens. Ainsi, 16 mouvements de grève ont été, tous secteurs confondus, enregistrés en 2001.

Une particularité mérite d'être signalée : la loi postale néerlandaise (Postwet) dispose qu'en cas de circonstance exceptionnelle (grève, terrorisme ou catastrophe naturelle), le ministre de l'économie prend les décisions adéquates concernant le fonctionnement de la Poste. En cas de grève subite ou de circonstances exceptionnelles, un comité composé de représentants de la direction générale et des différents secteurs de la Poste est réuni et une activité minimale est, dans la mesure du possible, maintenue pour le courrier recommandé. Cela étant, la dernière grève de la Poste remonte à 1983 dans ce pays : encore n'a-t-elle mobilisé que moins d'une centaine de personnes pendant quelques jours et n'a-t-elle eu aucune répercussion sur le service du courrier...

On comprend, dans ces conditions, que la question du service minimum ne fasse pas l'objet d'un débat aux Pays-Bas.

5) Le modèle luxembourgeois de la grève minimum

La tradition du dialogue social prévaut traditionnellement au Luxembourg en cas de conflit. D'ailleurs, le déclenchement d'une grève ne peut se produire sans un certain nombre de procédures préalables tendant à l'éviter : des négociations entre les partenaires sociaux prévues par les conventions collectives et, en cas d'échec de ces négociations, un mécanisme de conciliation devant la commission de l'Office national de conciliation (ONC), présidée par le ministre du travail et composée de trois représentants du patronat et de trois représentants syndicaux.

Il en résulte que le pays est très peu confronté à des grèves.

6) Le « partenariat social » irlandais

Le dialogue social en Irlande a été largement intensifié depuis la mise en place du « partenariat social », parallèlement au plan national de sauvetage de l'économie lancé en 1987 à l'initiative de M. Bertie Ahern, actuel Premier ministre et alors ministre du travail. Ce « partenariat social » repose sur des négociations collectives qui se déroulent tous les trois ans et auxquelles le gouvernement ne participe en général qu'en phase finale pour débloquer les dossiers les plus délicats ou apporter certaines garanties de service public. Les derniers accords signés ont été le « Pacte pour la Prospérité et l'Equité » (2000-2002) et le « Soutien au Progrès » (2003-2005). Si ces accords, qui concernent les entreprises publiques comme les entreprises privées, ne prévoient pas de service garanti, il permettent largement de limiter les conflits collectifs. Et ce, d'autant que l'organisation d'une grève exige plusieurs conditions préalables, notamment l'accord d'une majorité des salariés par un vote secret.

Ainsi, vingt-six grèves seulement se sont produites en 2002 dans le pays, contre cent quatre-vingt douze en 1984, avant la mise en place du « partenariat social ». De même, le nombre de journées de travail perdues pour cause de grève, qui était en moyenne de 584 000 par an dans les années soixante-dix, et de 317 000 par an dans les années quatre-vingt, est passé à 215 000 en 1999 et à 21 000 en 2002.

7) Un régime belge pragmatique, qui n'évite pas cependant certains conflits sociaux

En l'absence de réglementation sur le droit de grève et le service minimum dans le secteur public, les partenaires sociaux s'accordent souvent en Belgique pour limiter, en cas de grève, les désagréments causés aux usagers. La seule exception est constituée par les services de police et par la radio télévision publique (RTBF), pour laquelle des prestations minimales sont fixées par décret (description détaillée du nombre d'émissions, en particulier des programmes d'information, ainsi que des fonctions « indispensables » en cas de grève).

S'agissant de la poste, c'est le statut syndical qui détermine les activités pour lesquelles des prestations minimales doivent être assurées en cas de grève : il s'agit en général de « besoins vitaux » ou de « travaux urgents », par référence à la loi du 19 août 1948 applicable au secteur privé. Dans les hôpitaux, les organisations syndicales et les autorités publiques veillent « d'un commun accord » à ce qu'un service minimum soit garanti. Dans le domaine des communications, chez Belgacom, le statut syndical prévoit une procédure permettant de déterminer le contenu d'un service minimum en cas de conflit collectif : la direction et les syndicats doivent se concerter afin de fixer la nature des prestations minimales garanties et les mesures de sécurité.

Concernant les transports publics, si aucun service minimum n'est prévu à la SNCB (société nationale des chemins de fer belge) - dont les agents sont publics - ni, en pratique, à la STIB (métro et tramway dans la région de Bruxelles-capitale) - dont les agents sont sous statut privé -, des accords sont conclus, en cas de grève, concernant des réparations urgentes ainsi que des mesures pour la protection du matériel. De même, des accords existent, par exemple, dans les ports, s'agissant des produits dangereux et périssables.

Les entretiens que le rapporteur a pu avoir lors de son déplacement à Bruxelles ont montré l'attention particulière des partenaires sociaux à limiter les grèves par le développement du dialogue et de la concertation et, lorsque les conflits sont inévitables, à gêner le moins possible l'usager - et à éviter, en tout cas, de lui causer un « dommage disproportionné ». Les représentations syndicales manifestent la conscience de leur responsabilité vis-à-vis de l'opinion publique. Il est d'ailleurs significatif que s'applique, dans les transports collectifs, le « sorry pass », permettant à toute personne titulaire d'un abonnement valable le jour de la grève de bénéficier d'un billet aller-retour gratuit dans toute la Belgique.

Cette situation, sans empêcher pour autant les grèves, en limite sensiblement le nombre. Ainsi, la dernière grande grève générale remonte à 1983. Dans l'éducation nationale, le dernier conflit collectif date de 1996. Concernant les transports collectifs, on enregistre en tout trois à quatre grèves d'une journée au cours des cinq dernières années à la SNCB.

La qualité du dialogue social belge est pour une grande part liée à la très forte syndicalisation des salariés, qui atteint 70 % en moyenne et plus de 85 % à la SNCB (où le front syndical est d'ailleurs uni).

Les perturbations économiques entraînées par les dernières grèves, notamment à la Poste ou dans les transports collectifs, ont néanmoins conduit des parlementaires - en particulier les deux parlementaires nationalistes flamands MM. Bourgeois et Pieters - à déposer une proposition de loi en faveur de l'instauration du service minimum dans le secteur public. M. Baudoin Velge, conseiller économique à la Fédération des entreprises de Belgique, y est également favorable, à la fois au titre de la continuité du service public et en raison du coût des conflits (le coût d'une grève à la SNCB est estimé en moyenne à 25 millions d'euros par jour). Cependant, le gouvernement y est opposé.

On peut, de fait, s'interroger sur l'opportunité d'une telle mesure en Belgique. Comme l'a dit l'un des dirigeants d'entreprise belges : « En Belgique, on n'a pas de service minimum parce qu'on n'en a pas besoin ». Il est vrai que la force des syndicats et la volonté de tous les partenaires concernés de privilégier le dialogue social permettent de limiter largement les cas de grève générale.

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* *

Dans les pays candidats, les réponses apportées au questionnaire du rapporteur montrent une intensification du dialogue social, qui ne s'est imposé, pour beaucoup d'entre eux, que de manière relativement récente. Cette évolution a permis, dans l'ensemble, de limiter les conflits collectifs.

On observe, par ailleurs, dans d'autres pays industrialisés, le rôle clé du dialogue social dans la prévention des conflits. C'est le cas notamment aux Etats-Unis, où existent, comme on l'a vu, des mécanismes efficaces de médiation et de conciliation. Il en est également ainsi au Japon et en Suisse, où règne la pratique du consensus.

IV. LA FRANCE CORRESPOND, AU REGARD DE SES PARTENAIRES, A UN CAS PARTICULIER, QUI EXPLIQUE LE CARACTERE CONFLICTUEL DU SUJET ET POURRAIT JUSTIFIER UNE REFORME PROCHAINE

La France constitue, par comparaison avec les autres pays européens, un cas singulier, où le service minimum est peu répandu et où, ni la loi ni le dialogue social ne permettent d'assurer pleinement la conciliation de l'exercice du droit de grève avec la continuité du service public.

Ainsi, selon Mme Odile Quintin, Directrice générale de la direction générale des affaires sociales de la Commission européenne, la France est, au regard de l'exercice de la grève, « l'un des seuls [pays membres de l'Union européenne] à se distinguer par l'absence de reconnaissance d'un principe de continuité des services publics ». De même, pour Mme Thérèse de Liedekerke, Directrice des affaires sociales de l'UNICE (Union des confédérations de l'industrie et des employeurs d'Europe), « la France est un des pays où les droits de l'usager sont les moins protégés ».

Cette situation explique dans une large mesure la forte conflictualité des rapports sociaux dans les services publics en France et appelle, en conséquence, une réforme pour y remédier.

A. La singularité du cas français

La particularité de la France tient à la combinaison de trois éléments principaux : un droit de grève large, une continuité du service public très partiellement garantie et un dialogue social limité.

1) Un droit de grève large

Le droit de grève, qui a une valeur constitutionnelle, connaît en France peu de restrictions. Seules quelques catégories de fonctionnaires, tels que les personnels de la police, les militaires et les magistrats de l'ordre judiciaire(6), ne peuvent en disposer. Par ailleurs, n'importe quelle organisation syndicale peut déclencher une grève, même si elle ne représente qu'une faible minorité des salariés.

Les grèves peuvent, en outre, être déclenchées pour des motifs très larges : les grèves ayant une portée politique, préventive ou de solidarité sont dans une large mesure tolérées en pratique, contrairement à d'autres pays, tels que l'Allemagne ou la Grande-Bretagne, où elles sont interdites.

Les obligations fixées par la loi du 31 juillet 1963 relative à certaines modalités de grève dans les services publics sont relativement limitées : préavis de cinq jours francs motivé (contre dix en Italie, en Espagne et au Portugal (dans les services essentiels) par exemple) et interdiction des grèves surprises et des grèves tournantes.

Enfin, les obligations de concertation entre les partenaires sociaux pour éviter le déclenchement de conflits collectifs paraissent réduites, par comparaison avec plusieurs autres pays européens - qu'il s'agisse des pays scandinaves, des pays anglo-saxons ou de certains Etats du sud comme l'Italie. En pratique, elles sont souvent insuffisantes, voire formelles, pendant la période de préavis.

2) Des dispositions ne garantissant que partiellement la continuité du service public

Le service minimum n'est en France réglementé que dans quatre domaines principaux.

· Dans les établissements et organismes de radiodiffusion et de télévision, la loi n° 79-634 du 26 juillet 1979 impose aux chaînes de télévision la diffusion de prestations minimales.

· S'agissant des établissements détenant des matières nucléaires, la loi n° 80-572 du 25 juillet 1980 sur la protection et le contrôle des matières nucléaires assure en pratique une continuité de service tant en termes d'entretien, de réparation que de fonctionnement, pour des raisons principalement liées à la sécurité.

· Par ailleurs, la loi n° 84-1286 du 31 décembre 1984 relative à l'exercice du droit de grève dans les services de navigation aérienne et son décret d'application de 1985(7) déterminent un service minimum pour le contrôle de la navigation aérienne.

Cette loi dispose qu'en cas de cessation concertée du travail dans les services de navigation aérienne, doivent être assurés en toute circonstance :

- la continuité de l'action gouvernementale et l'exécution des missions de la défense nationale ;

- la préservation des intérêts ou besoins vitaux de la France et le respect de ses engagements internationaux, notamment le droit de survol du territoire ;

- les missions nécessaires à la sauvegarde des personnes et des biens ;

- le maintien des liaisons destinées à éviter l'isolement de la Corse, des départements et territoires d'outre-mer et de la collectivité territoriale de Mayotte ;

- la sauvegarde des installations et du matériel de ces services.

En pratique, ce service minimum consiste à garantir la maintenance des survols internationaux - pour lesquels la France a, au même titre que ses voisins européens, des obligations au regard des règles internationales de la navigation aérienne civile - et assurer un minimum de vols au départ et à l'arrivée sur le territoire français.

Concrètement, si la question du service minimum ne se pose guère pour les centrales nucléaires et les services de radio et de télévision, elle est en revanche très présente dans le secteur de la navigation aérienne, où les grèves sont beaucoup plus fréquentes. Selon les informations communiquées au rapporteur, notamment par le ministère de l'Equipement, le bilan d'application du service minimum en matière de navigation aérienne est mitigé. Celui-ci a permis, de fait, de maintenir un minimum de vols au départ et à l'arrivée sur le territoire national, dans des conditions de sécurité satisfaisantes. Cependant, il est parfois contre-productif. En effet, il peut conduire à l'annulation d'un nombre de vols supérieur
- parfois même très supérieur - à celui nécessaire. Cette situation tient, d'une part, à la doctrine en vigueur à la direction générale de l'aviation civile - qui prescrit que le nombre de vols ne peut être supérieur à 15 ou 20 % du trafic normal(8) - et, d'autre part, à ce que le nombre de grévistes effectif peut être sensiblement inférieur à celui attendu au moment du dépôt de préavis (ceux-ci ne se déclarant qu'au dernier moment). Rien n'empêche d'ailleurs que les organisations syndicales n'annoncent, au moment du dépôt de préavis, une grève massive, puis que, après l'annulation des vols, cette grève soit peu suivie.

· Enfin, un ensemble de dispositions législatives et réglementaires permettent d'assurer des prestations minimales dans le domaine de la santé publique(9).

Dans les établissements publics de santé, le droit de grève doit être concilié avec le principe de continuité du service public (article L 6112-2 du code de la santé publique). Cette règle impose la mise en place d'un service minimum afin d'assurer les besoins essentiels, tels que les soins urgents. Elle permet aux directeurs d'établissement, sur la base de la jurisprudence « Dehaene »(10), de désigner par voie « d'assignation » les agents qui devront maintenir leur activité pendant la grève. Le nombre d'agents assignés ne doit cependant pas excéder, au titre de la jurisprudence(11), l'effectif nécessaire à assurer la sécurité des malades.

Des règles similaires s'appliquent pour les établissements privés de santé assurant une mission de service public (articles L 6161-6 et L 6161-9 du code de la santé publique).

En cas de carence des directeurs d'établissement, les préfets peuvent exercer leur pouvoir général de réquisition(12).

Enfin, les médecins ont pour obligation, en application du code de déontologie médicale, de participer au service de garde de jour et de nuit. En outre, ils sont tenus de déférer aux réquisitions de l'autorité publique sous peine d'amende, qu'ils exercent leur activité à titre libéral ou en tant que médecin hospitalier (article L 4163-7 du code de la santé publique).

Cela étant, il convient de souligner, dans ce domaine, le sens de la responsabilité généralement manifesté par les personnels médicaux pour éviter que l'expression de leurs revendications ne nuise aux intérêts des malades.

3) Un dialogue social limité

Le caractère relativement limité du dialogue social - par comparaison avec les autres pays européens - tient à une multiplicité de facteurs, à la fois historiques, culturels, sociologiques et politiques. Parmi eux, quatre ont un rôle particulièrement important.

En premier lieu, les organisations syndicales sont affaiblies par un taux de représentativité bas. Ainsi, le taux de syndicalisation en France est-il, avec 8 %, l'un des plus faibles d'Europe (Cf. graphique 1 ci-après).

Graphique 1 : Taux de syndicalisation dans les principaux pays developpes

Source : OCDE

Il est significatif que ce taux soit très nettement inférieur à celui des grands autres pays européens, tels que l'Allemagne (30 %), l'Italie (35 %) ou le Royaume-Uni (40 %), sans parler des pays scandinaves, qui atteignent des taux de l'ordre de 70 % et plus. En outre, il est sensiblement plus faible que celui d'autres grands pays industrialisés non européens, tels que les Etats-Unis (18 %) ou le Japon (25 %). Cette faible représentativité confère naturellement aux organisations syndicales une force et une légitimité moindres vis-à-vis des directions d'entreprises et de l'Etat. Et ce, même si le taux de syndicalisation dans le secteur public est plus élevé que la moyenne et si l'on observe un taux de participation aux élections professionnelles plus important.

En deuxième lieu, les syndicats ont en France des missions plus réduites que dans d'autres pays européens. Ainsi, par exemple, en Belgique, ceux-ci jouent un rôle particulièrement important de conseil juridique et de gestion des indemnités de chômage. De même, en Allemagne, ils participent largement, par le système de la cogestion, à la marche de l'entreprise.

Troisièmement, la tradition étatique et centralisée de la France tend historiquement à limiter le recours à la voie contractuelle, comme, par exemple, dans les pays scandinaves, les Etats anglo-saxons, ou en Italie et en Espagne. De même, ne favorise-t-elle pas toujours une prise de décision décentralisée, permettant de répondre au plus près aux préoccupations des salariés et des unités locales de production.

Enfin, la comparaison avec les autres pays industrialisés atteste des mécanismes de concertation et de prévention des conflits - au moyen de procédés tels que la médiation, la conciliation ou l'arbitrage - relativement moins présents en pratique. Le recours à la grève préventive dans notre pays en témoigne. Cela est d'autant plus regrettable que, au vu des entretiens que le rapporteur a pu avoir, les directions d'entreprise comme les organisations syndicales souhaiteraient pouvoir davantage y recourir.

Il convient à cet égard de saluer certaines initiatives visant à instaurer ou renforcer ce type de dispositif. Ainsi, le protocole signé en 1996 entre la direction de la RATP et la plupart des organisations syndicales - puis renouvelé en 2001 avec l'accord de tous les syndicats - a-t-il conforté le dialogue social et mis en place un procédé d'« alarme sociale », qui a permis de limiter sensiblement les conflits. Ce protocole stipule notamment que « La grève est un droit constitutionnel. Dans cet esprit, les organisations syndicales conviennent de privilégier les formes d'appel à la grève capables de concilier la volonté des agents de manifester leur désaccord avec le souci de respecter les voyageurs et les valeurs fondamentales du service public.

La grève constitue un échec du dialogue social. Les partenaires sociaux doivent rechercher les moyens de rendre les conflits moins nombreux en répondant à l'aspiration des salariés et en observant une procédure d'anticipation des conflits (...) (article 15) ».

Selon la RATP, ce procédé aurait divisé par trois le nombre de préavis, par cinq le taux de participation aux grèves, et réduit à deux en sept ans le nombre de journées d'immobilisation totale du trafic.

La direction de la SNCF a, de son côté, signé en septembre dernier avec trois organisations syndicales minoritaires (UNSA, CGC, SNCS) un « protocole d'accord sur la prévention des conflits et sur le dialogue social », qui instaure un service « prévisible ». Le dispositif prévoit concrètement que, quelques jours avant le début de la grève, la direction établit un plan de transport, qu'elle communique pour avis aux organisations syndicales. Ce plan est, après d'éventuels ajustements, publié à 16 heures au plus tard la veille de la grève : il indique les trains qui seront assurés. Cependant, ce dispositif n'a pas encore démontré son efficacité.

Par ailleurs, selon les informations communiquées, un « consensus » existe depuis plus de quinze ans à EDF en cas de grève, pour assurer le droit à l'électricité à tous les abonnés et éviter les coupures aux clients.

B. Une forte conflictualité des rapports sociaux dans les services publics

La conflictualité des rapports sociaux dans les services publics tient à la fois au nombre de grèves qui s'y produisent, à leur caractère paralysant et au fait qu'elles conduisent finalement à frustrer toutes les parties concernées.

1) Des conflits particulièrement nombreux dans le secteur public

Le nombre de conflits sociaux en France, tous secteurs confondus, est particulièrement important. Selon l'Observatoire européen des relations industrielles, il s'élèverait pour 2001 à 1 089 cas - soit le nombre le plus élevé parmi les pays étudiés -, contre 683 en Italie, 729 en Espagne et 194 au Royaume-Uni (Cf. tableau 1).

Tableau 1 : Nombre de conflits sociaux, 1998-2002

 

1998

1999

2000

2001

2002 (chiffres partiels seulement - voir notes)

Autriche

0

0

2

0

3

Belgique

485

64

75

135

sd

Danemark

1257

1079

1081

954

sd

Finlande

98

65

86

84

sd

France

1307

1398

1563

1089

sd

Grèce

38

15*

sd

sd

23

Irlande

34

32

39

26

26

Italie

1103

753

964

683

485

Luxembourg

2

0

1

0

1

Pays-Bas

22

24

23

16

sd

Norvège

36

15

29

3

sd

Pologne

37

920

44

11

sd

Portugal

227

200

250

sd

sd

Slovaquie

sd

0

0

0

0

Espagne

618

739

727

729

sd

Suède

13

10

2

20

12

Royaume-Uni

166

205

212

194

151

* cinq premiers mois de l'année seulement.

· Autriche : les statistiques de 2002 sont des estimations.

· Grèce : les statistiques de 2002 concernent les six premiers mois de l'année seulement.

· Irlande : les statistiques de 2002 concernent les neuf premiers mois de l'année.

· Italie : le chiffre de 2002 concerne les dix premiers mois de l'année seulement.

· Royaume-Uni : les statistiques de 2002 sont provisoires pour les neuf premiers mois de l'année seulement.

Voir aussi notes du tableau 2 ci-après.

Source : Observatoire européen des relations industrielles (OERI).

Cela étant, il convient de relativiser ces données, dans la mesure où elles résultent de modes de comptabilisation différents selon les pays, où elles concernent tous les secteurs (sans isoler les services publics ou les services essentiels), et où elles comprennent à la fois les petits conflits mobilisant peu de grévistes pour une durée limitée et les grandes grèves nationales. De même, mêlent-elles les grèves gênantes pour l'usager du service public et celles qui ne le sont pas. Par ailleurs, il y a eu lieu de considérer ces résultats en proportion de la population active de chacun de ces pays.

Les statistiques en termes de journées de travail perdues liées à des actions syndicales conduisent à des conclusions similaires. Ce nombre s'élève en France à 703 586 en 2001, contre 525 000 au Royaume-Uni et 27 000 en Allemagne (Cf. tableau 2 ci-après).

Tableau 2 : Journees de travail perdues suite a des actions syndicales, 1998-2002

 

1998

1999

2000

2001

2002 (chiffres partiels seulement - voir notes)

Autriche

0

0

2 947

0

10 000-20 000

Belgique

87 435

26 382

25 482

142 617

sd

Danemark

3 173 000

91 800

124 800

59 500

sd

Finlande

133 203

18 953

253 838

60 645

sd

France

353 176

573 561

809 860

703 586

sd

Allemagne

16 000

79 000

11 000

27 000

sd

Grèce

189 400

5 700*

sd

sd

102 100

Hongrie

3 911

176 300

636 267

11 676

sd

Irlande

37 374

215 587

97 046

114 613

17 902

Italie

580 429

909 143

884 143

878 286

4 066 143

Luxembourg

19 860

0

2 000

0

500

Pays-Bas

33 200

75 800

9 400

45 100

sd

Norvège

286 407

7 148

496 568

619

sd

Pologne

42 741

106 893

74 266

4 200

sd

Portugal

94 755

67 480

40 545

sd

sd

Slovaquie

sd

0

0

0

0

Espagne

1 263 500

1 477 500

3 577 300

1 917 000

sd

Suède

1 677

78 735

272

11 098

838

Royaume-Uni

282 000

242 000

499 000

525 000

892 800

* cinq premiers mois de l'année seulement.

· Autriche : statistiques de la Fédération des syndicats autrichiens (Österreichischer Gewerkschaftsbund, ÖGB) et la Chambre des travailleurs (Arbeiterkammer) ; les statistiques 2002 sont des estimations.

· Belgique : statistiques de l'Institut national de statistique / Nationaal Instituut voor de Statistiek, INS/NIS, basées sur les données de l'Office national de sécurité sociale/Rijksdienst voor Sociale Zekerheid, ONSS/RSZ pour les journées non travaillées par des travailleurs soumis aux cotisations de sécurité sociale, en raison de grèves et de lock-outs.

· Danemark : statistiques de l'Office danois de la statistique concernant tous les conflits.

· Finlande : données provenant des statistiques sur les conflits du travail de l'Office finlandais de la statistique.

· France : statistiques de la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) du ministère de l'Emploi et des antennes régionales du travail.

· Grèce : les statistiques du ministère du travail correspondent à un nombre d'heures perdues et non un nombre de jours. 1 515 347 en 1998, 45 618 en 1999 (cinq premiers mois) et 816 913 en 2002 (six premiers mois) ; les statistiques figurant dans le tableau sont une estimation basée sur un postulat de huit heures de travail par jour ; selon le ministère, l'absence de données ou leur disponibilité pour certaines années est due à des problèmes de collecte rencontrés par les inspections du travail au niveau local et à un manque de personnel.

· Irlande : statistiques de l'Office central de la statistique (Central Statistical Office) ; les données pour 2002 concernent les neuf premiers mois de l'année.

· Italie : statistiques de l'Institut national de la statistique (Istituto Nazionale di Statistica, Istat) ; les statistiques pour 2002 concernent les dix premiers mois de l'année ; les statistiques pertinentes de l'Istat portent sur un nombre d'heures perdues et les chiffres figurant dans le tableau sont une estimation basée sur un postulat de sept heures de travail par jour ; ces données comprennent les conflits « liés à la relation de travail » et les conflits « indépendants de la relation de travail » (par exemple des grèves politiques).

· Luxembourg : ces statistiques sont des estimations.

· Pays-Bas : statistiques de l'Office central de la statistique (Centraal Bureau voor de Statistiek, CBS).

· Norvège : statistiques de l'Office norvégien de la statistique.

· Pologne : statistiques de l'Office central de la statistique (GUS), portant sur les journées de travail non travaillées pour participation à une grève.

· Portugal : statistiques du Département des statistiques du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle du ministère du travail et de la solidarité (Departamento de Estatistica do Trabalho, Emprego e Formaçao Profissional, DETEFP).

· Espagne : statistiques de l'Institut national de la statistique (Instituto Nacional de Estadistica, INE).

· Suède : statistiques de l'Office national de conciliation (Medlingsintitutet).

· Royaume-Uni : les statistiques de l'Office national de la statistique (Office for National Statistics, ONS) concernent le nombre de journées de travail perdues en raison des arrêts de travail pendant la période ; les chiffres de 2002 sont provisoires pour les neuf premiers mois de l'année seulement.

Source : Observatoire européen des relations industrielles (OERI).

On observe cependant que, selon ce critère et sous les mêmes réserves que celles évoquées plus haut, ce nombre est plus élevé dans deux pays, l'Espagne (1 917 000 journées perdues) et l'Italie (878 286 journées perdues).

Si l'on considère le nombre de journées de travail perdues liées à des actions syndicales en proportion du nombre de salariés, les résultats affichés en France se situent, en revanche, seulement dans la moyenne haute des pays européens. Ainsi, ce nombre s'élève-t-il à 34 journées pour 1 000 salariés en 2001, alors que plusieurs autres pays enregistrent des résultats supérieurs, en particulier l'Espagne (151), l'Irlande (81,5) et l'Italie (40,6) (Cf. tableau 3 ci-après)

Tableau 3 : Journées de travail perdues suite a des actions syndicales pour 1 000 SALARIES, 1998-2002

 

1998

1999

2000

2001

2002 (chiffres partiels seulement - voir notes)

Autriche

0

0

0,9

0

sd

Belgique

25.5

7.7

7.4

41.7

sd

Danemark

1 281.5

37.1

50.4

24.0

sd

Finlande

60.0

8.0

109.0

26.0

sd

France

23.0

38.0

54.0

34.0

sd

Allemagne

0.6

2.6

0.4

0.9

sd

Grèce

80.3

5.8*

sd

sd

86.6*

Hongrie

1.1

46.3

195.5

3.5

sd

Irlande

26.6

153.3

69.0

81.5

17.0*

Italie

28.2

43.6

41.7

40.6

185.3

Luxembourg

86.3

0

8.7

0

2.2

Pays-Bas

4.7

10.6

1.3

6.3

sd

Norvège

183.8

3.4

263.6

0.3

sd

Pologne

6.4

17.3

26.0

sd

sd

Portugal

26.1

18.6

11.2

sd

sd

Slovaquie

sd

0

0

0

0

Espagne

119.4

129.6

292.5

151.0

sd

Suède

0.5

21.5

0.1

3.0

0.2

Royaume-Uni

11.0

10.0

20.0

20.0

45.0*

* cinq premiers mois de l'année seulement.

Les statistiques pour la Belgique, le Danemark, la Grèce, l'Irlande, les Pays-Bas, le Portugal et la Suède sont des estimations brutes calculées en divisant le nombre total de journées de travail perdues par le nombre de salariés (tel qu'établi dans l'enquête sur les forces de travail d'Eurostat de 2001).

· France : les statistiques représentent le nombre de jours de grève pour 1 000 salariés, à partir des données de l'UNEDIC sur la force de travail pour l'année précédente.

· Grèce : les chiffres de 1999 et 2002 sont des extrapolations des statistiques pour les cinq premiers et les six premiers mois de l'année respectivement.

· Irlande : le chiffre de 2002 est une extrapolation du chiffre pour les neuf premiers mois de l'année seulement.

· Italie : le chiffre de 2002 concerne les dix premiers mois de l'année seulement.

· Espagne : les statistiques de l'INE concernent seulement les journées de travail perdues en raison des conflits liés à la négociation collective ; les données du tableau sont des estimations de l'ensemble des journées perdues.

· Royaume-Uni : le chiffre de 2002 est une extrapolation du chiffre provisoire pour les neuf premiers mois de l'année seulement..

Source : Observatoire européen des relations industrielles (OERI).

Il convient de noter cependant que les données élevées enregistrées pour le Danemark ne sont pas significatives, dans la mesure où elles sont liées au nombre de grèves exceptionnelles survenues en 1998, au moment de la négociation de conventions collectives. Il en est de même pour la Belgique, qui affiche avant 2001 un score inférieur à 26 journées de travail perdues.

Par ailleurs, les mêmes réserves méthodologiques que celles précédemment évoquées doivent également être faites pour ces données.

Au-delà de ce haut niveau général de conflits sociaux dans notre pays, un fait mérite particulièrement d'être souligné : ceux-ci sont proportionnellement beaucoup plus nombreux dans le secteur public. Ainsi, on relève 1 115 331 jours de grève dans la fonction publique en 2001 contre 691 914 dans les entreprises privées et publiques nationalisées, soit 62 % du total pour 10 à 15 %(13) de l'ensemble des salariés (Cf. tableau 4).

Tableau 4 : Les grèves* dans la fonction publique et les entreprises

Années

« Fonction publique** »
(1)

Entreprises privées et publiques nationalisées

(2)

Total
(1) + (2)

Secteur privé et nationalisé par rapport au total
(en %)

1982

126 000

2 372 200

2 453 200

95

1983

333 000

1 483 500

1 816 500

82

1984

974 900

1 357 000

2 331 900

58

1985

341 000

884 900

1 225 900

72

1986

853 000

1 041 500

1 894 500

55

1987

784 900

969 000

1 753 900

55

1988

686 000

1 242 200

1 928 200

64

1989

2 322 000

904 400

3 226 400

28

1990

573 900

693 700

1 267 600

55

1991

239 000

665 500

904 500

74

1992

218 000

490 500

708 500

69

1993

388 500

533 200

921 700

58

1994

226 600

521 000

747 600

70

1995

3 762 700

2 120 500

5 883 200

36

1996

685 916

447 775

1 133 691

39

1997

382 916

455 099

838 015

54

1998

683 584

353 176

1 036 760

34

1999

751 868

573 561

1 325 429

43

2000

1 650 338

809 860

2 460 198

33

2001

1 115 331

691 914

1 807 245

38

* : En nombre de journées individuelles non travaillées (JINT), pour les conflits localisés et généralisés.

** : Il s'agit des journées individuelles non travaillées dans la fonction publique d'Etat. Ces données incluent en général France-Télécom et la Poste, sauf pour 1996, 1998 et 1999. Pour 2000 et 2001, la Poste est incluse mais pas France-Télécom.

Ces données ne comprennent pas les grèves de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière (les chiffres de 1988 ne comprennent donc pas les grèves des infirmières, ceux de 1997 la grève des internes, ceux de 1999 la grève des médecins hospitaliers (d'urgence).

Source : DARES, DGAFP.

Il est significatif que, depuis 1995, à l'exception de l'année 1997, la part des grèves dans la fonction publique a toujours été supérieure à celle intervenue dans les entreprises. Encore, la fonction publique ne couvre-t-elle que partiellement les services publics, qui sont également assumés par les entreprises publiques (Poste, SNCF, France-Télécom, Air France, RATP...) et une partie des entreprises privées(14). De plus, ces données ne comprennent pas les grèves de la fonction publique territoriale, ni de la fonction publique hospitalière (grèves des infirmières, des internes ou des médecins hospitaliers, notamment).

La France apparaît donc dans une situation particulièrement paradoxale : le nombre de conflits sociaux y est nettement plus élevé dans le secteur public, là où précisément la continuité du service constitue une exigence prioritaire et concerne, en général, des prestations essentielles.

2) Des grèves souvent paralysantes

Chacun a le souvenir de la paralysie des transports collectifs occasionnée en France par les grèves des ces dernières années, en particulier celles de 1995 et du printemps 2003. Cette paralysie a été d'autant plus préjudiciable qu'elle s'est accompagnée d'un ralentissement général de l'activité économique nationale et des autres services publics, une grande partie de la population active n'ayant pu normalement se déplacer.

Cette situation est une véritable exception française. Les déplacements et les entretiens du rapporteur l'ont en effet amené à constater que des grèves de cette ampleur sont excessivement rares dans la plupart des autres pays européens. Il convient de rappeler, à titre d'exemple, qu'en Allemagne, la grève la plus longue dans les transports urbains depuis 1992 a duré trois quarts d'heure, qu'en Italie la réglementation limite la durée de la grève à quatre, puis à vingt-quatre heures (avec, entre les deux, un délai minimal de préavis de dix jours si ces grèves portent sur le même sujet), et qu'en Belgique, les transports ferroviaires ont été partiellement immobilisés pour seulement quatre jours au cours des cinq dernières années.

3) Une situation qui ne satisfait personne

Cette situation est frustrante pour l'ensemble des parties concernées. D'abord, pour les entreprises, pour lesquelles les grèves entraînent un coût substantiel et, parfois, une réduction de la clientèle. Ainsi, la SNCF évalue-t-elle le coût des grèves du printemps dernier à plus de 250 millions d'euros. Ces effets sont d'autant plus préjudiciables aux entreprises dont l'activité est ralentie, interrompue, voire définitivement arrêtée, alors qu'elles ne sont pas concernées directement par les conflits.

Cet état de fait est également extrêmement nuisible aux usagers. Les entretiens du rapporteur avec, notamment, les représentants de l'Association d'entraide des usagers de l'administration (ADUA) et de Contribuables associés l'attestent. Le fait que 81 % des Français soient favorables à l'instauration d'un service minimum dans les services publics en témoigne également. Cet avis transcende d'ailleurs les clivages professionnels ou politiques, puisque 77 % des salariés du secteur public s'expriment dans ce sens (contre 85 % dans le secteur privé), de même que 77 % des sympathisants de gauche (contre 85 % des sympathisants de droite)(15). Il convient de noter à cet égard qu'en cas de conflit, ce sont souvent les salariés les plus démunis ou les plus modestes qui subissent en première ligne les inconvénients de la grève, leurs moyens ne leur permettant pas de trouver des solutions alternatives.

L'Etat est également largement perdant, puisqu'il n'est plus en mesure, lorsque les grèves sont paralysantes, d'assurer la continuité du service public. Cette situation présente à l'évidence des risques, tant en termes d'image des institutions républicaines à l'égard du citoyen, que de sécurité - dans un contexte marqué par le regain des actions terroristes.

Elle mécontente aussi les syndicats, comme l'ont montré les nombreux entretiens que le rapporteur a eus avec plusieurs de leurs représentants. En effet, ces grèves ne leur permettent pas toujours, loin s'en faut, de voir aboutir leurs revendications ; elles entraînent pour eux des pertes substantielles de salaires ; elles contribuent enfin à ternir l'image des organisations syndicales, dont la représentativité est déjà faible.

C'est, au fond, l'intérêt général du pays dans son ensemble qui en pâtit. D'abord, sur le plan économique, du fait du ralentissement de l'activité, dans une conjoncture de croissance qui n'est, au surplus, guère favorable. Deuxièmement, en menaçant la cohésion sociale et en créant des crispations entre les partenaires sociaux. Troisièmement, sur le plan culturel, en donnant une image négative de la France à l'étranger. Du point de vue politique aussi, l'exaspération des usagers pouvant conduire à accroître l'abstentionnisme électoral ou la part des votes extrémistes ou contestataires. Enfin, vis-à-vis de l'environnement, la paralysie des transports se traduit dans les villes par des phénomènes de pollution record.

C. Les voies de réforme

Cette situation appelle - au-delà de toutes les mesures qui pourraient être proposées pour améliorer le dialogue social - l'instauration, en France, d'un service garanti.

L'observation des régimes étrangers et les entretiens qu'a eus le rapporteur avec les représentants du Gouvernement, des entreprises, des syndicats et des usagers, conduisent à envisager, à titre de contribution au débat, six principales voies de réforme, dont plusieurs peuvent d'ailleurs être combinées.

1) S'en remettre aux partenaires sociaux

Une première voie consiste à laisser entièrement aux partenaires sociaux le soin de déterminer les conditions permettant d'assurer le service garanti. Cette solution a l'avantage de la souplesse, dans la mesure où ceux-ci sont les mieux placés, branche par branche, secteur par secteur, entreprise par entreprise, pour définir les modalités de ce service. A l'évidence, celui-ci ne peut être le même pour le maintien de la fourniture d'électricité - qui peut être assurée avec des effectifs limités -, l'entretien des centrales nucléaires et le contrôle de la navigation aérienne - soumis à des contraintes techniques spécifiques -, ou les transports urbains, où le service garanti impose le maintien en activité d'une grande partie du personnel et des trains.

Cela étant, rien ne garantit, dans cette hypothèse, que les partenaires sociaux parviendront à se mettre d'accord. Les inconvénients des grèves en l'absence d'un service garanti sont connus depuis longtemps, les partenaires sociaux en sont pleinement conscients, et pourtant, force est de constater qu'ils ne sont guère parvenus jusqu'ici à l'assurer.

C'est la raison pour laquelle il paraît nécessaire de définir un cadre législatif préalable les y incitant.

2) Définir un cadre législatif

L'intervention d'une loi pour instaurer le service garanti semble indispensable à plusieurs titres.

D'abord parce que, selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, seule la loi peut limiter l'exercice du droit de grève, qui a une valeur constitutionnelle(16). Le préambule de la Constitution de 1946 prévoit, en effet, que « le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ». A défaut d'intervention législative, on peut penser que d'éventuels accords entre les partenaires sociaux sur le service garanti pourraient être contestés en justice et déclarés illégaux.

Deuxièmement, le service garanti n'est nécessaire que dans les services publics essentiels, dont il appartient au législateur, comme en Italie, en Grèce ou au Portugal, de définir la liste.

Troisièmement, l'intervention du législateur permettrait de donner un délai de négociation aux partenaires sociaux pour les contraindre à trouver un accord, faute de quoi il reviendrait à l'Etat, comme c'est le cas en Italie, en Espagne ou au Portugal, d'assurer la continuité des services publics essentiels.

Enfin, la loi permettrait de renforcer les mécanismes de prévention des conflits, en particulier la médiation, la conciliation et l'arbitrage, qui sont encore insuffisants dans notre pays et que les partenaires sociaux appellent en général de leurs vœux.

Il ne paraît pas opportun, en revanche, que le législateur définisse les conditions précises du service garanti en fonction des secteurs. Cela risquerait de constituer un carcan trop contraignant, difficilement adaptable à l'évolution des besoins et mal accepté par les partenaires sociaux.

3) Accorder au Gouvernement ou à une autorité indépendante un pouvoir de régulation

Parmi les nombreuses propositions de loi déposées à l'Assemblée nationale sur le service minimum ou garanti, plusieurs tendent à confier, sous certaines conditions, une compétence au pouvoir réglementaire pour définir ce service.

Ainsi, la proposition de loi présentée par MM. Dominique Bussereau, José Rossi, Jean-Louis Debré et Philippe Douste-Blasy en 1999(17), prévoit-elle - parallèlement à des dispositions d'amélioration du dialogue social et d'encadrement des conditions de déclenchement de la grève (décision à la majorité des voix, par vote à bulletin secret) - que dans les entreprises n'ayant pas négocié de convention visant à instaurer un service minimum dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la loi, les modalités de mise en œuvre de ce service sont fixées par décret, après avis des partenaires sociaux. De façon plus succincte, la proposition de loi présentée notamment par M. Jean-Michel Bertrand(18) en juin 2003, établit qu'en cas de grève dans les services publics, des décrets en Conseil d'Etat déterminent les modalités d'application d'un service garanti en fonction de la nature du service public et des catégories de personnels devant l'assurer. De même, la proposition de loi présentée par M. Jacques Kossowski en juillet dernier(19) - et signée par 310 autres députés - dispose que les grèves dans les services publics de transport en commun ne peuvent avoir lieu qu'entre 10 heures et 17 heures, en renvoyant à un décret en Conseil d'Etat le soin de déterminer les modalités d'application de cette disposition. Toujours dans le domaine des transports, la proposition de loi déposée en novembre dernier par M. Christian Blanc(20) fixe des règles générales de service minimum pour chaque type de transport (comme la garantie du maintien du service pour les transports urbains pendant deux périodes de trois heures, en début et en fin de journée), de même qu'un délai de six mois accordé aux partenaires sociaux pour conclure un accord permettant d'assurer la continuité du service public, à défaut duquel le préfet de région ou, au niveau national, le ministre des transports, déterminerait par arrêté les modalités de continuité du service.

En fait, trois options principales sont envisageables.

La première consiste à confier au Gouvernement la mission de déterminer les conditions du service garanti. Cette solution présente deux inconvénients : d'une part, elle est moins souple qu'une définition sous forme d'accord entre les partenaires sociaux ; d'autre part, elle limite leur capacité de décision en la matière, alors qu'ils sont les principales parties concernées et qu'ils connaissent le mieux les contraintes des services.

La deuxième tend à n'accorder ce rôle au pouvoir réglementaire qu'en cas de carence des partenaires sociaux à se mettre d'accord, dans un certain délai que pourrait fixer le législateur. Le délai de six mois proposé par M. Christian Blanc paraît, à cet égard, raisonnable. C'est le modèle qui prévaut, par exemple, en Espagne ou au Portugal.

Troisième option : conférer à une autorité administrative indépendante le soin de définir les conditions du service garanti, après avis des partenaires sociaux, dans les cas où ceux-ci ne parviendraient pas à se mettre d'accord dans le même délai. Ce modèle, qui s'apparente au système en vigueur en Italie, présente plusieurs avantages : l'indépendance et, par voie de conséquence, l'impartialité et la légitimité de l'instance de décision (l'Etat étant partie prenante s'agissant des services ou des entreprises placés sous son autorité) ; la possibilité pouvant être offerte à cet organisme de favoriser la conciliation entre les partenaires sociaux en vue d'éviter un conflit collectif ; enfin, permettre à cette instance d'avoir une légitimité démocratique renforcée, ses membres pouvant être désignés, comme la Commission de garantie italienne, par le Parlement ou, selon le modèle du Conseil constitutionnel, un tiers par le Président de la République, un tiers par le Président du Sénat et un tiers par le Président de l'Assemblée nationale.

Si cette dernière hypothèse devait être retenue, il serait nécessaire de veiller cependant à ce que la création de cette autorité ne s'accompagne pas d'une réglementation trop bureaucratique et d'un coût trop élevé pour le contribuable.

4) Favoriser les accords d'entreprise et les accords de branche

Le recours aux accords de branche ou d'entreprise paraît hautement souhaitable si l'on veut que les conditions du service garanti soient adaptées au mieux aux contraintes de chaque secteur et pleinement prises en compte par les entreprises et les salariés chargés de les appliquer.

Ces accords permettraient en outre de définir des moyens de prévention des conflits adaptés en fonction des professions et des entreprises. Ils pourraient également définir des règles supplémentaires tendant à limiter les gênes occasionnées aux usagers - telles que la publication 24 ou 48 heures à l'avance des conditions d'organisation du service garanti - ou bien un code de bonne conduite visant à établir, au préalable, la liste des personnels et des moyens mobilisés pour assurer ce service.

5) Le recours au référendum ?

On peut également imaginer de recourir, en cas de grève, au référendum pour déterminer l'application ou non d'un service garanti. Ce référendum peut être envisagé à l'échelle nationale pour approuver le principe de l'instauration du service garanti dans notre pays. Il peut l'être également à l'échelle régionale, voire d'un secteur professionnel ou des entreprises.

Cette option ne paraît pas cependant adaptée. S'agissant du référendum national, on sait d'ores et déjà que le projet requiert l'approbation d'une très large majorité de Français. Quant aux référendums régionaux, sectoriels ou d'entreprises, ils pourraient introduire des inégalités injustifiées entre les citoyens, constituer un coût préjudiciable, et poseraient de nombreux problèmes techniques d'organisation.

6) Renforcer les procédures de prévention des conflits

L'instauration du service garanti devrait s'accompagner d'un renforcement des procédures de prévention des conflits. En effet, la grève constitue un échec des négociations entre les partenaires sociaux, qu'il faut avant tout essayer d'éviter : elle ne devrait être conçue que comme un ultime recours. La loi pourrait donc fixer, à côté de l'instauration d'un service garanti, l'obligation pour les partenaires sociaux de s'accorder sur la mise en œuvre de dispositifs de concertation, d'alerte, de médiation, de conciliation ou d'arbitrage au sein de l'entreprise. Elle pourrait également prévoir, en guise de recours supplémentaire, les conditions d'une médiation extérieure à l'entreprise, conduite par une instance indépendante, ainsi que la possibilité de recourir à l'arbitrage de l'autorité administrative indépendante - qui pourrait être créée pour définir les conditions du service garanti à défaut d'un accord entre les partenaires sociaux.

L'observation des systèmes étrangers conduit également à s'interroger sur l'opportunité d'encadrer davantage par la loi les conditions de déclenchement de la grève, une fois épuisées toutes les procédures de prévention des conflits. Les questions relatives aux règles de décision (nécessité éventuelle de recueillir l'approbation préalable d'un certain pourcentage de salariés, application du vote à bulletin secret...) mériteraient d'être débattues. Il en est de même notamment de celles touchant au préavis (conditions de dépôts successifs, avec ou sans application préalable...), aux règles de retenue sur salaires (généralisation éventuelle de la règle du trentième indivisible, modalités d'application de celle-ci...) et à l'information du public (publication au préalable des modalités du service garanti).

Au-delà, la réduction des conflits sociaux passe par un développement d'ensemble du dialogue social. C'est ce à quoi s'emploie aujourd'hui le Gouvernement, notamment au travers du projet de loi relatif à la formation tout au long de la vie et au dialogue social. Quel que soit l'avis que l'on porte sur le contenu de ce texte, on ne peut que saluer et encourager cette démarche.

CONCLUSION

En conclusion, le service minimum, qui existe dans environ la moitié des pays européens, constitue dans l'ensemble un moyen efficace pour garantir la continuité des services publics en cas de grève. Il n'est d'ailleurs pas l'apanage de l'Europe.

Cependant, il faut le considérer comme un ultime recours ; le mieux étant, dans tous les cas, d'éviter la grève. Aussi, les autres pays européens ont-ils - comme d'autres grands pays industrialisés tels que les Etats-Unis ou le Japon - soit encadré strictement son exercice, soit adopté un mode de dialogue social efficient.

Par comparaison, la France fait figure d'exception. Elle est le seul pays de l'Union européenne qui, tout en n'ayant pas instauré un régime général de service garanti, ne peut se prévaloir d'une réglementation de la grève ou d'un dialogue social permettant d'éviter les conflits. La conséquence : des grèves nombreuses, longues et paralysantes et, corollairement, une difficulté structurelle à réformer l'Etat.

Le rapporteur estime que l'intérêt général - comme d'ailleurs celui des entreprises, des usagers et des salariés - commande, dans ce contexte, l'instauration d'un service garanti dans notre pays. Et ce, sans remettre en question naturellement le principe du droit de grève, ni sans exclure non plus un renforcement des moyens de prévention des conflits ou d'amélioration du dialogue social.

L'adoption d'une loi lui paraît à cet égard nécessaire. D'abord, pour en affirmer le principe, ce que seul le législateur est a priori habilité à faire. Mais aussi pour fixer la liste des services essentiels auxquels le service garanti a vocation à s'appliquer et inciter les partenaires sociaux à en définir les modalités d'application.

La loi pourrait également prévoir qu'à défaut d'accord entre les partenaires sociaux au bout d'un délai de six mois, il appartiendrait à une autorité indépendante - éventuellement nommée par le Parlement - de déterminer, après avis de ceux-ci, les règles du service garanti dans le ou les secteurs concernés. Cette solution semble apporter les meilleures conditions d'impartialité et de légitimité. D'autant que cette autorité pourrait jouer, en plus, un rôle de médiation, voire d'arbitrage, pour prévenir les conflits.

Indispensable, urgente, cette loi n'en devrait pas moins, pour avoir toute l'efficacité attendue, s'accompagner d'une large consultation des partenaires sociaux.

{texte de la conclusion...}

TRAVAUX DE LA DELEGATION

La Délégation s'est réunie, le jeudi 4 décembre 2003, sous la présidence de M. Pierre Lequiller, Président, pour examiner le présent rapport d'information.

L'exposé du rapporteur a été suivi d'un débat.

Le Président Pierre Lequiller a salué le travail exhaustif effectué par le rapporteur, dont le champ d'application très large fournit de précieux éléments de comparaison et permettra de préparer le débat - en séance publique - du mardi 9 décembre 2003 sur la conciliation de la continuité du service public et du droit de grève dans les transports. Il a fait part de son accord sur les conclusions du rapporteur selon lesquelles un équilibre devait être établi entre le maintien du droit de grève et la nécessité de renforcer les mécanismes de prévention des conflits, au moyen d'une intensification du dialogue social. Il s'est également déclaré favorable à l'institution d'un service garanti, qui laisse par ailleurs toute sa place à la concertation avec les partenaires sociaux. Notant que plus de 80 % des usagers sont d'accord pour que soit assurée la continuité du service public - même s'ils sont parallèlement très attachés au respect du droit de grève -, il a souligné que l'instauration d'une réglementation équilibrée en France était justifiée par la nécessité de prévenir les désagréments insupportables dont souffrent les usagers en cas de paralysie totale des transports.

M. Jérôme Lambert a considéré que le rapport de M. Robert Lecou et le débat en séance publique du mardi 9 décembre 2003 s'inscrivaient dans un contexte dans lequel le Gouvernement faisait peser sur les fonctionnaires une politique de réduction des effectifs, de diminution de leur pouvoir d'achat et de réforme de leurs retraites. Tout en saluant la qualité du rapport - qu'il a jugé intéressant du fait des informations qu'il comporte - et en approuvant le recours à la notion de service garanti (plutôt que celle de service minimum), il s'est toutefois déclaré sceptique, et même opposé aux propositions formulées par le rapporteur. Il a souligné que lorsque les agents des services publics font grève, et bien qu'ils entravent le fonctionnement de services nationaux ou locaux, ils peuvent néanmoins avoir des revendications légitimes qu'ils jugent mal prises en compte. En second lieu, il s'est élevé contre l'invocation par le rapporteur des exemples étrangers - tels que l'Allemagne -, présentés comme des références, dont la France devrait nécessairement s'inspirer. Il a fait observer que si, en Allemagne, le principe de cogestion était appliqué dans les entreprises, il voyait mal comment un tel mécanisme pourrait être étendu à l'ensemble des services publics. En conclusion, M. Jérôme Lambert a déclaré que, bien qu'il s'oppose aux propositions du rapporteur - qui s'inscrivent, selon lui, dans la logique de la majorité dont ce dernier est membre -, il ne votera pas contre la publication du rapport.

M. Michel Herbillon s'est félicité que, malgré des divergences inévitables, un consensus se soit dégagé en faveur de la publication d'un rapport de grande qualité, qui pourra nourrir le débat prévu en séance publique la semaine prochaine. Les tableaux comparatifs offrent une vue complète et exhaustive de la question et font ressortir la singularité du cas français. Indépendamment des sensibilités politiques, il apparaît aujourd'hui que la situation actuelle ne peut plus durer, parce qu'elle fait se cumuler tous les inconvénients : un dialogue social en panne, des millions de journées de travail perdues, des mécanismes de prévention des conflits qui restent inopérants, une image de la France qui se dégrade auprès de ses partenaires européens. Les salariés les plus modestes sont les premières victimes de cette situation, notamment lors des grèves de transport. Le rapport présenté a le mérite de ne pas réduire une question complexe à quelques aphorismes rapides, mais de proposer au contraire une solution équilibrée où l'instauration d'un service garanti va de pair avec la promotion du dialogue social et la prévention des conflits.

M. Jean-Marie Sermier a jugé que le travail du rapporteur était très instructif et faisait bien apparaître la situation particulière de la France par rapport à ses partenaires. Le thème du rapport a longtemps constitué un sujet tabou, mais il fait aujourd'hui l'objet d'un débat qui ne reproduit pas les fractures politiques traditionnelles. Il a demandé au rapporteur pourquoi il n'avait pas reçu tous les syndicats.

M. Jacques Myard a approuvé l'esprit du document, avant de rappeler qu'il était très attaché au service public, qui constitue à ses yeux une colonne vertébrale pour la société. Par essence, il ne saurait être susceptible de s'arrêter, de sorte qu'il convient de trouver des moyens de résoudre les éventuels conflits sociaux. EDF offre à cet égard un exemple encourageant de conciliation réussie entre la continuité du service public et l'exercice du droit de grève. Celui-ci est un droit constitutionnel, mais son exercice doit être organisé dans un cadre qui respecte la finalité du service public.

En réponse, M. Robert Lecou, rapporteur, a voulu exprimer sa sérénité et son optimisme, en soulignant que les sondages d'opinion cités dans le rapport montraient que le soutien à un service garanti transcendait les clivages partisans. Loin de tout esprit d'exclusive, il a rencontré à Bruxelles la Confédération européenne des syndicats pour mieux connaître la position de ceux-ci dans l'ensemble des pays de l'Union européenne. Il a estimé qu'une réforme devrait s'inspirer de la comparaison entre les systèmes étrangers, d'autant que la France souffre d'une image inquiétante en Europe dans ce domaine. Elaboré dans cet esprit, le rapport est le fruit d'une démarche personnelle qui voudrait favoriser l'accord entre les partenaires sociaux, qui sont les plus qualifiés pour définir ensemble, secteur par secteur, le contenu du service garanti. Au demeurant, la Constitution impose l'intervention du législateur pour réglementer l'exercice du droit de grève, de sorte que les orientations générales ne peuvent être fixées hors du champ législatif.

Le Président Pierre Lequiller a estimé qu'aucun système étranger n'est totalement transposable, mais que l'idée inspirée du système italien, dans lequel une commission indépendante veille à la définition des règles du service garanti en cas d'échec des partenaires sociaux à se mettre d'accord, est intéressante.

M. Jérôme Lambert a évoqué le cas des entreprises privées qui sont en charge d'une délégation de service public. Parfois, la grève reste pour les salariés l'arme ultime pour défendre leurs revendications : il serait difficilement envisageable de leur en interdire l'exercice, comme aux policiers et aux militaires.

Le rapporteur a souligné que telle n'était pas son intention. L'intervention législative doit au contraire favoriser le développement du dialogue social. Par ailleurs, les garanties apportées à l'usager constituent un préalable indispensable à la promotion du service public, comme la politique de développement des transports en commun.

M. Michel Herbillon a souligné qu'en arrivant à une solution équilibrée, le législateur prouverait que la réforme de l'Etat n'est pas seulement de l'ordre du discours, mais une réalité concrète qui répond aux attentes des citoyens et peut améliorer leur vie quotidienne.

M. Jacques Myard a estimé qu'il fallait trouver le moyen de renforcer au préalable le dialogue social, sans quoi il serait difficile de garantir la continuité du service public. Dans cette perspective, l'Inspection du travail pourrait sans doute réorienter une partie de ses activités vers la médiation.

A la suite de ce débat, la Délégation a autorisé, à l'unanimité, la publication du rapport d'information.

ANNEXES

Annexe 1 :
Liste des personnes entendues, rencontrées
ou contactées par le rapporteurAnnexe-1

EN ALLEMAGNE

- M. BAUER, Vice-Président, Membre du Directoire de Stuttgarter Straßenbahn et membre de l'UITP, Fédération des entreprises de transport ;

- M. Georg BECK, Vice-Président de GDL (Gewerkschaft Deutscher Lokomotivführer) (principal syndicat des conducteurs de locomotive) ;

- M. Bernard CHENEVEZ, Conseiller spécial équipement, transports, logement, Ambassade de France en Allemagne ;

- M. Armin DUTTINE, Bureau Politique des transports de TRANSNET (principal syndicat des cheminots) ;

- M. Erhard GEYER, Président de DBB (Beamtenbund und Tarifunion) (syndicat du service public) ;

- M. Jan KAHMANN, Membre du directoire et responsable de la direction des transports de VER.DI (Vereinte Dienstleistungsgewerkschaft e.V.) (syndicat des salariés du secteur des services, en particulier du transport urbain et péri-urbain) ;

- M. Michael KLEIN, Porte-parole de TRANSNET (principal syndicat des cheminots) ;

- M. Dieter KOWALSKY, Vice-Président de GDL (Gewerkschaft Deutscher Lokomotivführer) (principal syndicat des conducteurs de locomotive) ;

- M. Stefan HEIMLICH, Responsable du bureau des transports urbains et ferroviaires de VER.DI (Vereinte Dienstleistungsgewerkschaft e.V.) (syndicat des salariés du secteur des services, en particulier du transport urbain et péri-urbain) ;

- M. Claude MARTIN, Ambassadeur de France en Allemagne ;

- Mme Claudia MENNE, Service des Affaires internationales de TRANSNET (principal syndicat des cheminots) ;

- M. Alexis MERKLING, Attaché Transport-Infrastructures-Equipement, Mission économique, Ambassade de France en Allemagne ;

- M. MÖRL, Président de la Fédération des entreprises de transport par autocar ;

- M. Jürgen NIEMANN, Directeur de DB Akademie, Deutsche Bahn AG (DB) ;

- Mme Inge RASCHKE, Assistante personnelle de M. Von Arnim, Président du directoire de la Régie municipale des transports de Berlin ;

- Mme Regina RUSCH-ZIEMBA, Vice-Présidente de TRANSNET (principal syndicat des cheminots) ;

- M. Manfred SCHELL, Président de GDL (Gewerkschaft Deutscher Lokomotivführer) (principal syndicat des conducteurs de locomotive) ;

- M. Uwe STINDT, Président du Syndicat intercommunal des transports ;

- M. Manfred STOLPE, Ministre allemand des transports ;

- M. Bernd TÖRKEL, Sous-directeur de la politique des transports et des relations internationales au Ministère fédéral des transports ;

- M. Andreas VON ARNIM, Président du directoire de la Régie municipale des transports de Berlin ;

- M. Torsten WESTPHAL, Secrétaire général Région Berlin de TRANSNET (principal syndicat des cheminots) ;

- M. André WICHMANN, Bureau Organisation politique de TRANSNET (principal syndicat des cheminots) ;

- M. Thorsten WILLHARDT, Chef du bureau de la mobilité urbaine et régionale au Ministère fédéral des transports ;

- Mme Petra WINKLER-MAITRE, Déléguée aux relations franco-allemandes au Ministère fédéral des transports.

EN BELGIQUE

- Mme Maria Héléna ANDRE, Secrétaire générale adjointe de la CES (Confédération européenne des syndicats) ;

- M. Pierre BIZET, Conseiller Commercial à la Mission économique, Ambassade de France en Belgique ;

- S. Exc. Mme Joëlle BOURGOIS, Ambassadrice de France en Belgique ;

- M. Henri DELSAUX, Conseiller, Services Télécommunications et transports de la Fédération des Entreprises de Belgique ;

- Mme Christine FOUCART, Premier Secrétaire à l'Ambassade de France à Bruxelles ;

- M. Jean-Marc JEANFILS, Médiateur francophone de la SNCB (Société nationale des chemins de fer belges) ;

- M. Jacky LEROY, Directeur général de la Direction générale Organisation (ministère chargé de la fonction publique) ;

- Mme Thérèse de LIEDEKERKE, Directrice des affaires sociales de l'UNICE (Union des confédérations de l'industrie et des employeurs d'Europe) ;

- M. Bruno NECKEBROECK, Conseiller adjoint, Direction générale Organisation (ministère chargé de la fonction publique) ;

- Mme Inge REICHERT, Directrice, CEEP (Centre européen des entreprises à participation publique et des entreprises d'intérêt économique général) ;

- Mme Valeria RONZITTI, Conseiller pour les affaires sociales, CEEP (Centre européen des entreprises à participation publique et des entreprises d'intérêt économique général).

EN ESPAGNE

- M. CASCOS, ministre des transports espagnol ;

- M. José Javier CUBILLO, Secrétaire général de la Fédération UGT des Transports ;

- M. Julian JIMENEZ, Secrétaire général de la Fédération Communication et transports ;

- M. Adolfo MENENDEZ-MENENDEZ, Sous-Secrétaire aux transports espagnol ;

- M. Pierre MICHAUX, Conseiller équipement et transports à l'Ambassade de France en Espagne ;

- M. Olivier SCHRAMECK, Ambassadeur de France en Espagne.

EN ITALIE

- M. BESSARD, Chef de l'Unité des infrastructures de transports, Mission économique, Ambassade de France à Rome ;

- M. Sergio BETTI, Secrétaire confédéral, CISL ;

- M. Gilles BRIATTA, Ministre conseiller, Ambassade de France à Rome ;

- M. Santo DI SANTO, Délégué chargé des affaires juridiques pour les transports, FILT-CGIL ;

- S. Exc. M. Loïc HENNEKINNE, Ambassadeur de France en Italie ;

- M. Jean LAPEYRE, Conseiller social, Ambassade de France à Rome ;

- M. Giovanni LUCIANO, Délégué chargé des transports ferroviaires, FIT-CISL ;

- M. MARTONE, Président de la Commission de garantie de l'application de la loi sur les grèves dans les services publics essentiels ;

- M. Renato MATTEUCCI, Délégué de la CGIL, chargé des affaires juridiques ;

- M. MORESE, Président de Trambus Rome et ancien Secrétaire d'Etat au Travail ;

- M. Uriel PARVEX, Délégué de l'UIL ;

- M. Eros PIZZI, Délégué, chargé des affaires juridiques, CISL ;

- Mme Nicoletta ROCCHI, Secrétaire confédéral de la CGIL.

EN FRANCE

- M. Bernard AUBIN, Délégué de la CFTC (SNCF) ;

- M. Jean-Pierre BAHR, Président de l'Association des usagers de l'administration (ADUA) ;

- M. Dominique BAUDIS, Président du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) ;

- Mme Anne BOLOT-GITTLER, Directrice-adjointe au cabinet du Ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées ;

- M. Marc CAGNARD, Attaché commercial (DREE) ;

- M. Jean CHAGNY, Délégué de la CGC (RATP) ;

- M. Jean-Denis COMBREXELLE, Directeur des relations du travail (ministère des Affaires sociales)

- Mme Guénola du COUEDIC, Conseillère technique chargée de la presse, du ministre de l'Equipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer ;

- M. Edouard COUTY, Directeur de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (ministère de la Santé) ;

- M. François DECOSTER, Conseiller diplomatique du ministre de l'Equipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer ;

- M. François DELEMOTTE, Conseiller technique au cabinet du Secrétaire d'Etat aux Transports et à la mer ;

- M. Jean-Paul DELEVOYE, Ministre de la Fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire ;

- M. Jacques DURON, Secrétaire général adjoint de l'UNSA (Union nationale des syndicats autonomes) (SNCF) ;

- M. Didier EYSSARTIER, Conseiller technique de M. Jean-François MATTEI, ministre de la Santé, de la famille et des personnes handicapées ;

- M. François FILLON, Ministre des Affaires sociales, du travail et de la solidarité ;

- M. Marc FOUCAULT, Conseiller auprès du ministre de l'Equipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer ;

- M. Serge FRUHAUF, Délégué de la CFDT (RATP) ;

- M. Louis GALLOIS, Président directeur général de la SNCF ;

- Mme Anne-Marie IDRAC, Présidente directrice générale de la RATP ;

- M. Pierre IZARD, Directeur des ressources humaines de la SNCF ;

- M. Jean-Pierre JEANNE, Secrétaire fédéral de la CGC (SNCF) ;

- M. William LA ROCCA, Délégué de la Fédération générale autonome des agents de conduite de la SNCF (FGAAC) ;

- M. Christophe LEKIEFFRE, Délégué général de Contribuables associés ;

- M. André LE LAN, Vice-Président de l'Association d'entraide des usagers de l'administration (ADUA) ;

- M. Thierry LEROY, Délégué de la CFTC (RATP) ;

- M. Olivier LE VAN, Délégué Indépendants (RATP) ;

- M. François LOOS, Ministre délégué au Commerce extérieur ;

- M. Philippe MALER, Adjoint au Directeur des transports terrestres, ministère de l'Equipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer ;

- M. Jean-Yves MAREAU, Direction de la SNCF ;

- M. Jean-François MATTEI, Ministre de la Santé, de la famille et des personnes handicapées ;

- M. René PETIT, Président de la Fédération nationale des transporteurs routiers ;

- M. Gilles de ROBIEN, Ministre de l'Equipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer ;

- M. François ROUSSELY, Président d'EDF ;

- M. François RUBICHON, Directeur-adjoint du cabinet du ministre de l'Equipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer ;

- M. Patrick ST GES, Délégué de l'UNSA (Union nationale des syndicats autonomes) (RATP) ;

- M. Francis SCOTTO D'ANIELLO, Délégué de la CGC (RATP) ;

- Mme Josette THEOPHILE, Directrice générale adjointe de la RATP ;

- Mme Benoîte TAFFIN, Porte-parole de Contribuables associés ;

- M. Etienne THIRIFAYS, Délégué de la CFDT (RATP) ;

- M. Thierry VERNIER, Délégué du SNCS (Syndicat national des cadres supérieurs de la SNCF) ;

- M. Jean-Pierre VIGOUROUX, Délégué de FO (RATP) ;

- M. Stéphane VOLANT, Conseiller du Président de la SNCF ;

- M. Jean WIELAND, Délégué de la SNCS (Syndicat national des cadres supérieurs de la SNCF).

AUTRES PERSONNALITES

- S. Exc. M. Régis de BELENET, Ambassadeur de France au Danemark ;

- S. Exc. M. Gabriel de BELLESCIZE, Ambassadeur de France en Irlande ;

- M. BRIESCH, Président du Comité économique et social européen ;

- M. Fritz BOLKESTEIN, Commissaire européen, chargé du marché intérieur, de la fiscalité et de l'union douanière ;

- M. Willy BUSCHAK, Directeur de la Fondation pour l'amélioration des conditions de vie et de travail ;

- S. Exc. Monsieur Alain CATTA, Ambassadeur de France en Autriche ;

- S. Exc. M. Patrick CHRISMANT, Ambassadeur de France à Malte ;

- S. Exc. M. Dominique de COMBLES de NAYVES, Ambassadeur de France en Hongrie ;

- M. Joao CRAVINHO, Président du Centre européen des entreprises à participation publique et des entreprises d'intérêt économique général ;

- S. Exc. M. Jacques DEPAIGNE, Ambassadeur de France à Chypre ;

- S. Exc. M. Bruno DELAYE, Ambassadeur de France en Grèce ;

- Mme Anna DIAMANTOPOULOU, Commissaire européenne, chargée de l'emploi et des affaires sociales ;

- S. Exc. M. Gérard ERRERA, Ambassadeur de France en Grande-Bretagne ;

- S. Exc. M. Philippe ETIENNE, Ambassadeur de France en Roumanie ;

- S. Exc. M. Bernard FAUBOURNET DE MONTFERRAND, Ambassadeur de France au Japon ;

- S. Exc. M. Michel FOUCHER, Ambassadeur de France en Lettonie ;

- S. Exc. M. Pierre GARRIGUE-GUYONNAUD, Ambassadeur de France au Luxembourg ;

- S. Exc. M. Patrick GAUTRAT, Ambassadeur de France en Pologne ;

- S. Exc. Mme Anne GAZEAU-SECRET, Ambassadrice de France aux Pays-Bas ;

- S. Exc. Mme Dominique GAZUY, Ambassadrice de France en Slovénie ;

- S. Exc. Mme Chantal de GHAISNE de BOURMON, Ambassadrice de France en Estonie ;

- S. Exc. M. Philippe GUELLUY, Ambassadeur de France au Canada ;

- S. Exc. M. Jean-Bernard HARTH, Ambassadeur de France en Lituanie ;

- S. Exc. M. Denis DELBOURG, Ambassadeur de France en Suède ;

- S. Exc. M. Jean-Loup KUHN-DELFORGE, Ambassadeur de France en Bulgarie ;

- S. Exc. M. Daniel LEQUERTIER, Ambassadeur de France au Portugal ;

- S. Exc. M. Jean-David LEVITTE, Ambassadeur de France aux Etats-Unis ;

- M. Erkki LIIKANEN, Commissaire européen, chargé des entreprises et de la société de l'information ;

- M. John MONKS, Secrétaire général de la Confédération européenne des syndicats (CES) ;

- M. Mario MONTI, Commissaire européen, chargé de la concurrence ;

- M. Pierre MORAILLON, Directeur de la Direction des relations économiques extérieures (DREE), ministère de l'Economie, des finances et de l'industrie ;

- Mme Loyola de PALACIO, Commissaire européenne, chargée de l'énergie et des transports ;

- Mme Odile QUINTIN, Directrice générale de l'Emploi et des affaires Sociales, Commission européenne ;

- S. Exc. M. Jacques RUMMELHARDT, Ambassadeur de France en Suisse ;

- M. Jurge STRUBE, Président de l'Union des Confédérations de l'industrie et des employeurs d'Europe (UNICE) ;

- S. Exc. M. Jean-Jacques SUBRENAT, Ambassadeur de France en Finlande ;

- S. Exc. M. Georges VAUGIER, Ambassadeur de France en Slovaquie ;

- S. Exc. M. Joël de ZORZI, Ambassadeur de France en République tchèque.

Annexe 2 :
Le service minimum dans les services publics en Europe et dans quelques autres pays industrialisés
(tableau synthétique)
(21)

 

Le droit de grève est-il autorisé ?

Le service public est-il garanti ?

Si oui, dans quels secteurs ?

Quels sont les fondements juridiques du service public garanti ?

Quel en est le contenu et la portée ?

Le service minimum est-il appliqué ?

Quel est le bilan de son application ?

Quelle est la position de l'opinion publique sur son fonctionnement ?

Existe-t-il des sanctions à l'égard des contrevenants ?

Sont-elles appliquées ?

Est-il envisagé de modifier la législation ? Comment ?

I. ETATS MEMBRES DE L'UNION EUROPEENNE

Allemagne

Le concept de secteur public n'existe pas; entreprises publiques emploient fonctionnaires et salariés de droit privé; les fonctionnaires ne bénéficient pas du DDG (contrairement aux salariés de droit privé, sous réserve de ne pas léser les intérêts vitaux...) ; grève licite que si provoquée par un syndicat et si elle vise la conclusion d'une convention collective; négociation doit se dérouler dans toute sa profondeur avant qu'un conflit se traduise par une grève, une fois que les procédures d'arbitrage ont échoué et après préavis de longue durée

Non, rarement de mouvement de grève paralysant

SO

Absence de dispositions légales. Jurisprudence a codifié l'exercice du DDG; fort pouvoir de négociation des syndicats

SO

SO

SO

SO

SO

Non

Autriche

Non. Pas de dispositions légales autorisant les mesures de grève; absence de jurisprudence; forte concertation; peu de grèves in fine, sauf depuis peu .

Non

SO

SO

SO

Négociations spécifiques entre les partenaires au conflit

SO

SO

SO

Discussions portent sur le DDG et non sur le service minimum

Belgique

Cessation collective du travail n'est pas un délit ; question de la réglementation du DDG et de la réquisition régulièrement posée

Oui dans les entreprises privées, notamment celles remplissant une mission de service public

Dispositions particulières dans statut RTBF, Poste et Police + hôpitaux, mais rien dans les transports publics

Il n'existe pas de dispositif législatif ou réglementaire régissant le service minimum. Dans la pratique, services publics se réfèrent à une loi applicable au secteur privé

SO

Oui, dans les cas où il est prévu

Satisfaisant dans l'ensemble, sauf que ne s'applique qu'au secteur privé et n'empêche pas les perturbations dans les services publics

SO

SO

Débat lancé

Les pays disposant d'un régime général de service minimum sont en grisé.

SO : sans objet.

DDG : droit de grève.

 

Le droit de grève est-il autorisé ?

Le service public est-il garanti ?

Si oui, dans quels secteurs ?

Quels sont les fondements juridiques du service public garanti ?

Quel en est le contenu et la portée ?

Le service minimum est-il appliqué ?

Quel est le bilan de son application ?

Quelle est la position de l'opinion publique sur son fonctionnement ?

Existe-t-il des sanctions à l'égard des contrevenants ?

Sont-elles appliquées ?

Est-il envisagé de modifier la législation ? Comment ?

Danemark

Fonctionnaires ne disposent pas du DDG contrairement aux agents publics contractuels ; longue tradition de conventions collectives/concertation positive ("modèle danois")

Aucune réglementation organisant le service minimum

SO

SO

SO

SO

SO

Aucun débat

SO

Non; intérêt croissant du modèle danois en Europe

Espagne

Oui, indifféremment pour le public et le privé

Oui, une législation permet au gouvernement, quand grève décidée dans des entreprises assurant un service public, de prendre des mesures pour assurer le fonctionnement des services (si pas d'accord entre partenaires sociaux sur un service minimum)

Pas de liste exhaustive mais nombreux secteurs concernés

Différents décrets et lois

Modalités du service minimum négociées au cas par cas. Si pas d'accord conclu, il appartient à l'administration responsable d'édicter un ou plusieurs arrêtés pour déterminer conditions des services minimums qui seront d'exécution obligatoire

Oui

Plutôt positif

 

Peuvent aller jusqu'au licenciement

Non

Finlande

Oui; grèves préventives ou de solidarité autorisées

Oui (mouvements sociaux toutefois rares, consensus prévaut)

Nombreux secteurs

Conventions collectives; Loi dans certains secteurs (l'énergie notamment)

Remplacement des personnes notamment

Oui

SO

Oui

Sanctions d'ordre financier

Non

Les pays disposant d'un régime général de service minimum sont en grisé.

SO : sans objet.

DDG : droit de grève.

 

Le droit de grève est-il autorisé ?

Le service public est-il garanti ?

Si oui, dans quels secteurs ?

Quels sont les fondements juridiques du service public garanti ?

Quel en est le contenu et la portée ?

Le service minimum est-il appliqué ?

Quel est le bilan de son application ?

Quelle est la position de l'opinion publique sur son fonctionnement ?

Existe-t-il des sanctions à l'égard des contrevenants ?

Sont-elles appliquées ?

Est-il envisagé de modifier la législation ? Comment ?

France

Oui (droit de valeur constitutionnelle)

Non à quelques rares exceptions (radio et télévision, navigation aérienne, nucléaire, santé)

Voir réponse précédente

La loi (avec mesures réglementaires d'application)

Maintien en activité d'une partie des services

Oui

Correct, mais champ d'application réduit

Le champ d'application est jugé très insuffisant

Sanctions administratives, civiles ou pénales

Oui.

Nombreuses propositions de loi déposées

Royaume-Uni

Oui mais contraignant + importance du rôle du secteur privé dans la fourniture de services publics limite les possibilités de grève d'envergure nationale

Pas de dispositions légales mais loi de 1920 (notamment) permettant au gouvernement de prendre des mesures spécifiques en cas de crise

SO

Pas de dispositions légales

SO

SO

SO

SO

SO

Projet de loi visant à mettre à jour la loi de 1920

Grèce

Oui, conditions d'exercice de ce droit prévues pour le secteur public

Oui (mais entreprises publiques récemment privatisées pas astreintes au service minimum)

Nombreux secteurs

La loi principalement

Liste de personnes devant assurer le service minimum est établie tous les ans

Mitigé. Oui là où les syndicats ne sont pas puissants. Moins vrai là où syndicats très puissants

Mitigé (champ d'application limité dans certains secteurs
- transports notamment -, d'où désagréments partiellement évités aux usagers)

Insatisfaite (voir question précédente)

Licenciement, rare in fine

Non

Les pays disposant d'un régime général de service minimum sont en grisé.

SO : sans objet.

DDG : droit de grève.

 

Le droit de grève est-il autorisé ?

Le service public est-il garanti ?

Si oui, dans quels secteurs ?

Quels sont les fondements juridiques du service public garanti ?

Quel en est le contenu et la portée ?

Le service minimum est-il appliqué ?

Quel est le bilan de son application ?

Quelle est la position de l'opinion publique sur son fonctionnement ?

Existe-t-il des sanctions à l'égard des contrevenants ?

Sont-elles appliquées ?

Est-il envisagé de modifier la législation ? Comment ?

Irlande

Oui (public et privé, qui ne sont d'ailleurs pas distingués) sous réserve que la liberté d'aller et venir ne soit pas affectée... ;
idem pour grève préventive ou de solidarité

Notion qui semble étrangère à l'Irlande (très forte baisse des mouvements de grève depuis 15 ans) sauf certains secteurs ou contraintes de type service minimum (5 motifs)

Liste non formalisée. Au cas par cas

Pas de norme générale ni de concept global du service minimum. Code of Practice dans quelques secteurs, résultant d'une négociation syndicats-patronat (= règlement intérieur négocié)

Au cas par cas

Oui

Difficile à dire, le champ d'application du service minimum étant à la fois non défini et restreint

Insatisfaite

Variables selon les codes of practices (disciplinaires, financières). Prononcées qu'après décision du tribunal compétent. Mais très rare in fine. Surtout concertation

Non

Italie

Oui

Oui

Nombreux secteurs

Lois de 1990 et 2000 + conventions collectives

Institution d'une Commission de garantie chargée d'assurer l'application des règles relatives au service minimum

Oui

Positif

Satisfaite

Nombreuses

Non

Les pays disposant d'un régime général de service minimum sont en grisé.

SO : sans objet.

DDG : droit de grève.

 

Le droit de grève est-il autorisé ?

Le service public est-il garanti ?

Si oui, dans quels secteurs ?

Quels sont les fondements juridiques du service public garanti ?

Quel en est le contenu et la portée ?

Le service minimum est-il appliqué ?

Quel est le bilan de son application ?

Quelle est la position de l'opinion publique sur son fonctionnement ?

Existe-t-il des sanctions à l'égard des contrevenants ?

Sont-elles appliquées ?

Est-il envisagé de modifier la législation ? Comment ?

Luxembourg

Oui. Il est interdit à certaines catégories de fonctionnaires de se mettre en grève (notamment magistrats, chefs d'établissements d'enseignement et adjoints, personnel des administrations judiciaires et pénitentiaires, personnel médical et paramédical des services de garde, membres de la force publique ). Pour les autres, c'est possible en cas d'échec de la conciliation; les grèves préventives ne sont pas autorisées

Non, ce concept ne figure dans aucun texte. Il existe de fait un service minimum dans les domaines cités en question 1. Luxembourg n'a pas été confronté à des grèves, le processus de conciliation ayant donné satisfaction

SO

SO

SO

SO

(de toute façon, pas de grèves)

SO

Aucune réaction

SO

Non

Pays-Bas

DDG non réglementé mais la jurisprudence le reconnaît (recours à la grève très encadré et faible)

Non sauf contrat de performance entre l'Etat et NS Reizigers imposant des prestations de service minimales tout au long de l'année

SO

Pas de dispositif législatif ou réglementaire régissant le service minimum

SO

SO

SO

SO

SO

Non

Portugal

Oui

Oui

Nombreux secteurs

Loi

Définition propre à chaque secteur, fixée par les partenaires sociaux ou, à défaut, par le Gouvernement.

oui

Mitigé (évite la paralysie des services publics, mais n'empêche pas les perturbations)

Mitigée (voir question précédente)

Amendes

Nouveau code du travail applicable au 1/12/2003 (rationalisation des conditions de la grève et du service minimum)

Les pays disposant d'un régime général de service minimum sont en grisé.

SO : sans objet.

DDG : droit de grève.

 

Le droit de grève est-il autorisé ?

Le service public est-il garanti ?

Si oui, dans quels secteurs ?

Quels sont les fondements juridiques du service public garanti ?

Quel en est le contenu et la portée ?

Le service minimum est-il appliqué ?

Quel est le bilan de son application ?

Quelle est la position de l'opinion publique sur son fonctionnement ?

Existe-t-il des sanctions à l'égard des contrevenants ?

Sont-elles appliquées ?

Est-il envisagé de modifier la législation ? Comment ?

Suède

Oui, peu contraignant

Non en théorie. Cependant, en pratique, la plupart des conventions collectives comprennent des clauses d'interdiction de grèves qui pourraient être dommageables à la société

Pas précisé mais, a priori, secteurs essentiels

Pas de texte, mais conventions collectives

Pas de dispositions générales

Pas de problème d'application mentionné

SO

 

Droit commun

Non

II. PAYS CANDIDATS

Bulgarie

Droit de grève autorisé, y compris pour fonctionnaires; Cf. article 50 de la Constitution; grèves préventives + solidarité autorisées; modalités précisées

Pas sous la forme d'un service minimum. Mais service public garanti dans la mesure où grève non autorisée dans secteurs de l'électricité, des communications, santé, défense, intérieur, etc... Fonctionnaires n'ont par ailleurs pas le droit d'interrompre leurs fonctions

Voir question précédente

2 lois

Voir question 2

Oui

Difficile à dire; peu de grèves

Rien de particulier du fait de peu de précédents

Sanctions prévues par code du travail

Oui, projet de loi en préparation (alignement sur le droit communautaire notamment)

Chypre

Oui sauf dans armée et police (constitution)

Non ; grèves très rares

SO

SO

SO

SO

SO

SO

SO

Non

Les pays disposant d'un régime général de service minimum sont en grisé.

SO : sans objet.

DDG : droit de grève.

 

Le droit de grève est-il autorisé ?

Le service public est-il garanti ?

Si oui, dans quels secteurs ?

Quels sont les fondements juridiques du service public garanti ?

Quel en est le contenu et la portée ?

Le service minimum est-il appliqué ?

Quel est le bilan de son application ?

Quelle est la position de l'opinion publique sur son fonctionnement ?

Existe-t-il des sanctions à l'égard des contrevenants ?

Sont-elles appliquées ?

Est-il envisagé de modifier la législation ? Comment ?

Estonie

Grève interdite dans fonction publique. Autorisée dans le privé

Oui, dans des conditions particulières

Correspondant aux besoins « primaires » de la population

Liste des activités relatives aux besoins « primaires » établie par le Gouvernement

Contenu fixé par les partenaires sociaux ou, à défaut, par le Médiateur du Gouvernement

SO

SO

Grève = notion nouvelle

SO

Pas à ce stade. Eventuellement à terme avec entrée dans UE

Hongrie

Autorisée sauf services judiciaires, forces armées et services de sécurité/grèves préventives ou de solidarité interdites

Oui

Services publics (transports, électricité, eau, gaz, télécoms)

Loi de 1989

Pas clairement définis dans la mesure où négociation préalable au cas par cas

Oui

Oui, mais difficile à dire car peu de grèves

Oui, car peu de grèves et bon fonctionnement du service public

Peu in fine

Non

Lettonie

Oui, DDG reconnu (pas de distinction entre public et privé)

Oui

Nombreux secteurs

Loi de 1998

Peu d'éléments

Oui

Bonne même si peu de recul

Peu de réactions

Sanctions disciplinaires voire financières

Non

Lituanie

Oui sauf affaires intérieures, défense nationale, services centralisés (électricité, chauffage, gaz), urgences médicales

Oui

Secteurs cités précédemment

Article du code civil

Peu d'éléments (subvenir aux besoins vitaux de la communauté, notamment)

Oui, mais peu de grèves à ce stade

Pas de grèves importantes

Peu de réactions car peu de grèves importantes

Un cadre législatif envisage des sanctions

Non

Malte

Oui

Oui

Nombreux secteurs

Loi de 2002 (précise les conditions d'exercice du droit de grève et réglemente le service minimum dans certains secteurs)

Pas de critères très précis (secteurs vitaux de l'économie)

Oui, mais cas d'application très rares

Trop tôt pour le dire

Plutôt positive sur cette disposition

Licenciement (pas de cas concret cependant)

Non

Les pays disposant d'un régime général de service minimum sont en grisé.

SO : sans objet.

DDG : droit de grève.

 

Le droit de grève est-il autorisé ?

Le service public est-il garanti ?

Si oui, dans quels secteurs ?

Quels sont les fondements juridiques du service public garanti ?

Quel en est le contenu et la portée ?

Le service minimum est-il appliqué ?

Quel est le bilan de son application ?

Quelle est la position de l'opinion publique sur son fonctionnement ?

Existe-t-il des sanctions à l'égard des contrevenants ?

Sont-elles appliquées ?

Est-il envisagé de modifier la législation ? Comment ?

Pologne

DDG interdit aux fonctionnaires publics (notamment gardiens de prisons, policiers, gardes-frontières) sauf dans les établissements qui adoptent des modes de fonctionnement du privé et qui ne font pas partie de l'administration publique (Cf. SNCF locale, compagnies publiques de transport urbain)/DDG encadré, recours à la médiation nécessaire

Non sauf organes cités plus haut et sauf si l'arrêt de travail est dangereux pour la vie et la santé des personnes, et la sécurité de l'Etat

Voir questions précédentes

Pas de dispositif législatif

SO

Pas d'obligation, étant entendu que pas de législation. Les rares grèves ne suffisent pas à créer une jurisprudence. Un cas toutefois de service minimum assuré suite à grève de la SNCF locale

Bon dans le cas en question

Plutôt positive

SO

Non

République tchèque

Oui (mais encadré), sauf dans certains domaines (centrales nucléaires, fonctionnement des gazoducs et oléoducs, juges, agents des forces de sécurité, employés qui assurent le trafic aérien)

Non, sous réserve des limitations apportées au droit de grève (interdiction pour certaines professions ou dans certaines circonstances)

Voir précédemment

Notion n'existe pas. Cependant loi sur les négociations collectives de 1991 déclare illégale toute grève dans trois cas de figure distincts.

SO

SO

SO

Grèves plutôt rares. Acteurs privilégient la concertation

Responsabilité civile et pénale

Non (nouveau code civil s'agissant du droit de grève)

Les pays disposant d'un régime général de service minimum sont en grisé.

SO : sans objet.

DDG : droit de grève.

 

Le droit de grève est-il autorisé ?

Le service public est-il garanti ?

Si oui, dans quels secteurs ?

Quels sont les fondements juridiques du service public garanti ?

Quel en est le contenu et la portée ?

Le service minimum est-il appliqué ?

Quel est le bilan de son application ?

Quelle est la position de l'opinion publique sur son fonctionnement ?

Existe-t-il des sanctions à l'égard des contrevenants ?

Sont-elles appliquées ?

Est-il envisagé de modifier la législation ? Comment ?

Roumanie

Oui dans la fonction publique mais sous condition que services essentiels assurés/grèves préventives autorisées

Oui, de fait puisque quasiment pas d'arrêt de travail. Système conçu pour assurer un service maximum en permanence

Unités sanitaires et d'assistance sociale, télécoms, radio et TV publique, transports en commun, approvisionnement énergétique, etc.

Article 66 de la Loi de 1999

Au moins un tiers de l'activité doit être maintenu

Mitigé

Mitigé, mais grèves plutôt rares

Indifférente

Aucune prévue par la loi (le non respect a pu conduire à des licenciements)

Non

Slovaquie

Oui, mais contraignant; grèves de solidarité autorisées

Non (peu de grèves par ailleurs)

SO

SO

SO

SO

SO

SO

SO

Non

Slovénie

Oui mais contraignant et sous condition de ne pas mettre le service en péril

Oui, dans la mesure où la réglementation prévoit que le service public ne doit pas être mis en péril dans certains secteurs

Police, armée, contrôleurs aériens, cours pénales, douaniers, administration pénitentiaire

Pas de texte régissant en tant que tel le service minimum mais loi cadre + directives et ordonnances précisant les conditions de non mise en péril du service

Voir question précédente

Difficile à dire car peu de grèves

Idem

Opinion en accord avec les dispositions existantes

 

Non

Les pays disposant d'un régime général de service minimum sont en grisé.

SO : sans objet.

DDG : droit de grève.

 

Le droit de grève est-il autorisé ?

Le service public est-il garanti ?

Si oui, dans quels secteurs ?

Quels sont les fondements juridiques du service public garanti ?

Quel en est le contenu et la portée ?

Le service minimum est-il appliqué ?

Quel est le bilan de son application ?

Quelle est la position de l'opinion publique sur son fonctionnement ?

Existe-t-il des sanctions à l'égard des contrevenants ?

Sont-elles appliquées ?

Est-il envisagé de modifier la législation ? Comment ?

III. AUTRES PAYS INDUSTRIALISES

Canada

Oui, DDG est autorisé mais dépend de la province dans laquelle on se trouve et de l'appartenance aux services essentiels (certaines catégories sont interdites de grève (personnel de santé)), ainsi que de certaines conditions propres aux procédures de règlement des différends dans la fonction publique; la grève est par ailleurs très encadrée

Oui (au Québec notamment)

Nombreux secteurs

Lois provinciales principalement

Interdiction de faire grève dans certaines conditions pour assurer la permanence des services essentiels

Oui

Pas de difficulté particulière

Plutôt bonne (sauf frange politique et syndicale marquée)

Amendes, réduction du traitement, perte d'ancienneté

Non

Etats-Unis

Grève non autorisée pour agents du gouvernement fédéral ni pour majorité des agents des Etats, Comtés et municipalités; procédures efficaces en matière de concertation

Notion de service minimum n'ayant pas de sens dans ce pays. Système conçu pour assurer un service maximum en permanence

SO

SO

SO

SO

SO

SO

SO

SO

Japon

Non, pour les fonctionnaires.

Oui, dans des conditions précises pour les autres agents assurant une mission de service public.

Non

SO

SO

SO

SO

SO

SO

SO

Non

Suisse

Oui

Non sauf si circonstances exceptionnelles

SO

Pas de texte

SO

SO

SO

SO

SO

Non

Les pays disposant d'un régime général de service minimum sont en grisé.

SO : sans objet.

DDG : droit de grève.

Annexe 3 :
Un cas particulier d'application du service minimum en France : la santé publique
(22)

Compétences

 

Etablissement public de santé

Etablissement privé de santé
assurant une mission de service public
(art. L6112-6 et L6112-9 du code de la santé publique)

Autre établissement privé de santé
(art. L.6114-3 du code de la santé publique)

Principes applicables

Deux principes doivent être conciliés :
- le droit de grève (Préambule de la Constitution de 1946 ; statut général des fonctionnaires art. 10 Titre I et Code du travail art. L.521-2) ;
- le principe de continuité du service public hospitalier (L.6112-2 du code de la santé publique).

Par ailleurs, le principe général d'assistance à personne en danger s'applique aussi bien au directeur qu'aux grévistes qui, à défaut, s'exposent aux sanctions de l'article 223-6 du code pénal.

Deux principes doivent être conciliés :
- le droit de grève (Préambule de la Constitution de 1946 ; statut général des fonctionnaires art. 10 Titre I et Code du travail art. L.521-2) ;
- le principe de continuité du service public hospitalier (L.6112-2 du code de la santé publique).

Par ailleurs, le principe général d'assistance à personne en danger s'applique aussi bien au directeur qu'aux grévistes qui, à défaut, s'exposent aux sanctions de l'article 223-6 du code pénal.

Le seul principe applicable est le droit de grève (Préambule de la Constitution de 1946 ; code du travail L.521-1). En effet, aucun texte législatif ou réglementaire n'impose la continuité du service dans ces établissements.

Par ailleurs, le principe général d'assistance à personne en danger s'applique aussi bien au directeur qu'aux grévistes qui, à défaut, s'exposent aux sanctions de l'article 223-6 du code pénal.

Compétences du directeur de l'établissement

Il doit mettre en place un service minimum.

Il procède par assignation des personnels nécessaires à assurer la continuité du service.

Le nombre des agents assignés ne doit pas excéder l'effectif nécessaire à assurer la sécurité des malades (CE 7 janvier 1967 « CHR d'Orléans » et CE 30 novembre 1998 « Rosenblatt »).

Il doit mettre en place un service minimum.

Il procède par assignation des personnels nécessaires à assurer la continuité du service.

Le nombre des agents assignés ne doit pas excéder l'effectif nécessaire à assurer la sécurité des malades (CE 7 janvier 1967 « CHR d'Orléans » et CE 30 novembre 1998 « Rosenblatt »).

Il doit, au titre de sa responsabilité civile et pénale, engager des négociations avec les salariés grévistes sur la mise en place d'un service minimum limité à dispenser des soins indispensables à la sécurité des patients présents.

En cas d'échec, il doit organiser le transfert et l'accueil des patients dans les autres établissements de la région.

Si tous les patients ne peuvent être transférés ou accueillis, il peut saisir en référé le président du TGI compétent en vue de la mise en place du service minimum.

Compétence du Président du tribunal de grande instance

   

Le Président du TGI peut, par ordonnance de référé, assigner les salariés grévistes à reprendre leur activité lorsque un risque grave pèse sur la sécurité des patients présents dans l'établissement.

Il n'a pas vocation à assigner des salariés à assurer un service minimum permettant l'accueil de nouveaux patients.

Compétences

 

Etablissement public de santé

Etablissement privé de santé
assurant une mission de service public
(art. L6112-6 et L6112-9 du code de la santé publique)

Autre établissement privé de santé
(art. L.6114-3 du code de la santé publique)

Compétence du Préfet

Le préfet n'a pas de compétence directe en matière de réquisition des personnels grévistes, cette compétence étant dévolue au directeur de l'établissement.

Ce n'est qu'en cas de carence du directeur qu'il peut exercer son pouvoir général de réquisition (loi du 28 février 1950, qui transpose la loi du 11 juillet 1938 en temps de paix, complétée par l'ordonnance du 7 janvier 1959 et plus particulièrement son article 45).

En vertu d'une jurisprudence constante du Conseil d'Etat, trois circonstances doivent être réunies pour que le recours à la réquisition soit jugé légal (voir notamment CE sect. 24 février 1961 « Isnardon ») :

- l'existence d'un risque grave pour la santé publique ;

- l'impossibilité pour l'administration de faire face à ce risque en utilisant d'autres moyens ;

- l'existence d'une situation d'urgence.

Le préfet n'a pas de compétence directe en matière de réquisition des personnels grévistes, cette compétence étant dévolue au directeur de l'établissement.

Ce n'est qu'en cas de carence du directeur qu'il peut exercer son pouvoir général de réquisition (loi du 28 février 1950, qui transpose la loi du 11 juillet 1938 en temps de paix, complétée par l'ordonnance du 7 janvier 1959 et plus particulièrement son article 45).

En vertu d'une jurisprudence constante du Conseil d'Etat, trois circonstances doivent être réunies pour que le recours à la réquisition soit jugé légal (voir notamment CE sect. 24 février 1961 « Isnardon ») :

- l'existence d'un risque grave pour la santé publique ;

- l'impossibilité pour l'administration de faire face à ce risque en utilisant d'autres moyens ;

- l'existence d'une situation d'urgence.

Le recours à la réquisition des salariés grévistes d'un établissement de santé n'assurant pas une mission de service public est susceptible de porter atteinte au droit de grève que ni la Constitution, ni la loi n'ont prévu de limiter. Il expose le préfet qui l'exerce à des recours contentieux immédiats (référé liberté devant le juge administratif ou référé pour voie de fait devant le juge judiciaire).

Il ne peut donc s'envisager que dans des cas d'extrême urgence lorsque toutes les solutions alternatives, notamment dans le service public, ont été épuisées.

Pour les médecins libéraux qui exercent dans ces établissements, dans la mesure où le droit de grève n'a pas vocation à les protéger au même titre que les salariés, la réquisition est possible. De plus, en vertu du code déontologie médicale, ils sont soumis au devoir de participer au service de garde de jour et de nuit et, en vertu de l'article L.4163-7 du code de la santé publique, ils sont tenus de déférer aux réquisitions de l'autorité publique sous peine d'amende.

Responsabilité des grévistes

En cas de refus de déférer à l'assignation du directeur ou à la réquisition du préfet, ils s'exposent à une sanction disciplinaire qui peut aller jusqu'à la révocation.

Dans tous les cas, ils s'exposent aux sanctions prévues à l'article 223-6 du code pénal (non assistance à personne en danger).

Ils s'exposent aux sanctions prévues à l'article 223-6 du code pénal (non assistance à personne en danger). En cas de refus de déférer à l'assignation du directeur ou à la réquisition du préfet, ils s'exposent à la rupture de leur contrat de travail pour faute lourde en cas d'incident de nature à justifier l'application de l'article 223-6 du code pénal.

Ils s'exposent aux sanctions prévues à l'article 223-6 du code pénal (non assistance à personne en danger.)

Compétences

 

Etablissement public de santé

Etablissement privé de santé
assurant une mission de service public
(art. L6112-6 et L6112-9 du code de la santé publique)

Autre établissement privé de santé
(art. L.6114-3 du code de la santé publique)

Responsabilité du directeur de l'établissement

En cas d'assignation : la décision du directeur est susceptible de recours. Les grévistes peuvent en effet saisir le juge judiciaire par la voie de l'exception d'illégalité pour contester la légalité de la réquisition. Toutefois, le juge se contente d'exercer un contrôle de régularité formelle.

En revanche, le juge administratif saisi par la voie du recours pour excès de pouvoir exerce son contrôle sur les appréciations faites par le directeur.

En cas d'inaction : outre d'éventuelles sanctions disciplinaires, il s'expose aux sanctions prévues à l'article 223-6 du code pénal (non assistance à personne en danger).

En cas d'assignation : la décision du directeur est susceptible de recours. Les grévistes peuvent en effet saisir le juge judiciaire par la voie de l'exception d'illégalité pour contester la légalité de la réquisition. Toutefois, le juge se contente d'exercer un contrôle de régularité formelle.

En revanche, le juge administratif saisi par la voie du recours pour excès de pouvoir exerce son contrôle sur les appréciations faites par le directeur.

En cas d'inaction : la carence du directeur expose l'établissement à la rupture de son contrat de concession ou de son admission à participer au service public et, le cas échéant, à une suspension de son autorisation de fonctionner.

Dans tous les cas, il s'expose aux sanctions prévues à l'article 223-6 du code pénal (non assistance à personne en danger).

Il s'expose aux sanctions prévues à l'article 223-6 du code pénal (non assistance à personne en danger).

Responsabilité du Préfet

En cas de réquisition, les grévistes peuvent saisir le juge judiciaire par la voie de l'exception d'illégalité pour contester la légalité de la réquisition. Toutefois, le juge se contente d'exercer un contrôle de régularité formelle.

En revanche, le juge administratif saisi par la voie du recours pour excès de pouvoir exerce son contrôle sur les appréciations faites par le préfet.

En cas d'inaction, il s'expose aux sanctions prévues à l'article 223-6 du code pénal (non assistance à personne en danger).

Les grévistes peuvent saisir le juge judiciaire par la voie de l'exception d'illégalité pour contester la légalité de la réquisition. Toutefois, le juge se contente d'exercer un contrôle de régularité formelle.

En revanche, le juge administratif saisi par la voie du recours pour excès de pouvoir exerce son contrôle sur les appréciations faites par le préfet.

En cas d'inaction, il s'expose aux sanctions prévues à l'article 223-6 du code pénal (non assistance à personne en danger).

En cas de réquisition, les grévistes peuvent saisir le juge judiciaire par la voie de l'exception d'illégalité pour contester la légalité de la réquisition. Toutefois, le juge se contente d'exercer un contrôle de régularité formelle.

En revanche, le juge administratif saisi par la voie du recours pour excès de pouvoir exerce son contrôle sur les appréciations faites par le préfet.

En cas d'inaction, il s'expose aux sanctions prévues à l'article 223-6 du code pénal (non assistance à personne en danger).

Source : Direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (ministère de la santé, de la famille et des personnes handicapées).

1 () La grève est cependant interdite aux magistrats et personnels de sécurité.

2 () Voir plus loin II B 7).

3 () Voir plus loin III A 2).

4 () Ce conseil est composé de huit personnes (un président, deux syndicalistes, deux représentants des employeurs, trois représentants des milieux socio-économiques).

5 () Voir plus loin II B 3).

6 () Cf., pour ces trois catégories, respectivement, loi du 28 septembre 1948, loi du 13 juillet 1972 et ordonnance du 22 septembre 1958 (article 10). Sont également privés de ce droit, selon les informations communiquées, les fonctionnaires des compagnies républicaines de sécurité (loi du 17 décembre 1947), les personnels des services extérieurs de l'administration pénitentiaire (ordonnance du 5 août 1958) et ceux des transmissions du ministère de l'Intérieur (loi du 31 juillet 1968).

7 () Décret n° 85-1332 du 17 décembre 1985 modifié relatif à l'exercice du droit de grève dans les services de navigation aérienne.

8 () Il s'agit des vols au départ et à l'arrivée sur le territoire français.

9 () Cf. résumé des dispositions applicables à l'annexe 3 du présent rapport.

10 () Arrêt « Dehaene » du Conseil d'Etat du 7 juin 1950.

11 () CE 7 janvier 1967 « CHR Orléans » et CE 30 novembre 1998 « Rosenblatt ».

12 () Cf. loi du 28 février 1950 et ordonnance du 7 janvier 1959.

13 () Compte tenu de ce que ces données ne concernent que la fonction publique de l'Etat (10 % environ des salariés) et, selon les années, la Poste et France-Télécom.

14 () Aucune statistique précise distinguant les grèves dans les services publics en France et dans les autres pays européens n'est, selon les informations communiquées, disponible à ce jour, ce qui est regrettable. Une telle statistique devrait être régulièrement établie et publiée, ne serait-ce que pour la France, dans la mesure où il s'agit de services publics et où ceux-ci sont astreints à une exigence particulière de continuité.

15 () Sondage BVA des 2 et 3 mai 2003.

16 () Cf. notamment décisions du Conseil constitutionnel n° 79-105 DC du 25 juillet 1979 et n° 80-117 DC du 22 juillet 1980.

17 () N° 1404.

18 () N° 973.

19 () N° 110.

20 () N° 1230.

21 () Le tableau résume les réponses apportées au questionnaire du rapporteur, notamment celles des missions économiques à l'étranger et de la Direction des relations économiques extérieures (DREE) du ministère de l'Economie, des finances et de l'industrie.

22 () Tableau résumant les dispositions applicables en la matière.

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