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N° 3006

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 4 avril 2006

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA DÉLÉGATION DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

POUR L'UNION EUROPÉENNE (1),

sur la proposition de directive du Parlement européen
et du Conseil relative à l'harmonisation des dispositions des Etats membres en matière de crédit aux consommateurs (COM[2002] 443 final/E 2103)
,

ET PRÉSENTÉ

par M. Robert LECOU,

Député.

________________________________________________________________

(1) La composition de cette Délégation figure au verso de la présente page.

La Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Jean-Pierre Abelin, René André, Mme Elisabeth Guigou, M. Christian Philip, vice-présidents ; MM. François Guillaume, Jean-Claude Lefort, secrétaires ; MM. Alfred Almont, François Calvet, Mme Anne-Marie Comparini, MM. Bernard Deflesselles, Michel Delebarre, Bernard Derosier, Nicolas Dupont-Aignan, Jacques Floch, Pierre Forgues, Mme Arlette Franco, MM. Daniel Garrigue, Michel Herbillon, Marc Laffineur, Jérôme Lambert, Edouard Landrain, Robert Lecou, Pierre Lellouche, Guy Lengagne, Louis-Joseph Manscour, Thierry Mariani, Philippe-Armand Martin, Jacques Myard, Christian Paul, Didier Quentin, André Schneider, Jean-Marie Sermier, Mme Irène Tharin, MM. René-Paul Victoria, Gérard Voisin.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 5

I. LES ENJEUX DE LA RÉFORME : L'ACTUALISATION D'UN TEXTE ANCIEN POUR CONTRIBUER À L'ACHÈVEMENT DU MARCHÉ INTÉRIEUR, DANS UN DOMAINE OÙ LES PRATIQUES DES ÉTABLISSEMENTS PRÊTEURS COMME DES MÉNAGES EUROPÉENS SONT ASSEZ DIVERSES 9

A. La directive actuellement en vigueur, d'harmonisation minimale, a permis aux différents Etats membres de prévoir leurs propres dispositions, dès lors qu'elles sont plus favorables au consommateur 9

B. Le marché du crédit au consommateur reste donc un marché domestique, avec d'importantes différences selon les Etats membres 11

C. Le crédit aux particuliers s'est considérablement développé ces dernières années en Europe, mais reste marqué par de nombreuses particularités nationales dans l'approche qu'en ont les ménages 14

II. LA PROPOSITION INITIALE DE LA COMMISSION N'A PAS RECUEILLI L'ASSENTIMENT DU PARLEMENT EUROPÉEN, QUI L'A PROFONDÉMENT AMENDÉE EN PREMIÈRE LECTURE 21

A. La Commission a proposé une directive d'harmonisation maximale s'appliquant à un champ étendu 21

B. Au cours de sa première lecture, le Parlement européen a réduit l'ampleur de cette proposition de directive et a adopté le principe d'une harmonisation minimale 28

III. LA PROPOSITION RÉVISÉE, PUBLIÉE PAR LA COMMISSION LE 7 OCTOBRE 2005, REPOSE SUR LE PRINCIPE D'UNE HARMONISATION MAXIMALE MAIS CIBLÉE SUR UN CHAMP PLUS RESTREINT 31

A. La version consolidée proposée en octobre dernier est toujours d'harmonisation maximale, mais le champ couvert par ses dispositions est d'une moindre ampleur que celui de la proposition initiale 31

B. La proposition révisée appelle un certain nombre de clarifications ou de modifications pour un meilleur équilibre dans les relations entre prêteur et emprunteur 38

1) La nécessité de réaffirmer certains des grands principes de base de l'organisation et de la réglementation du crédit en France 39

2) Des aménagements de fond à prévoir notamment sur la faculté de rétractation, les crédits liés et les conditions d'un remboursement par anticipation du prêt 41

TRAVAUX DE LA DELEGATION 53

PROPOSITION DE RESOLUTION 55

ANNEXE : Liste des personnes entendues par le rapporteur 59

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le crédit à la consommation fait actuellement l'objet, au niveau européen, d'un encadrement juridique assez ancien, celui de la directive 87/102/CEE du Conseil, du 22 décembre 1986, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en la matière, deux fois modifiée.

Ce texte prévoit donc l'essentiel du socle de la protection de l'emprunteur, avec l'encadrement de l'information qui lui a été délivrée et de la publicité, les mentions dont la présence est obligatoire dans le contrat, ainsi que la surveillance des établissements ou intermédiaires de crédit.

Ses dispositions sont d'harmonisation minimale. Chaque Etat membre a ainsi toute latitude pour fixer, au-delà du cadre européen, celles qui lui sont propres, dès lors qu'elles sont plus protectrices pour le consommateur.

Les législations applicables d'un Etat membre à l'autre étant ainsi différentes, le secteur du crédit reste cloisonné et compartimenté au sein de l'Union européenne.

La réalisation progressive du marché intérieur repose donc plus sur la liberté d'établissement, grâce à la création sur place de filiales ou de succursales, et le rachat de banques locales, que sur l'exercice de la libre prestation de services dans les Etats membres autres que ceux où un tel établissement est implanté.

La concurrence ne peut en définitive qu'imparfaitement jouer puisque les crédits transfrontaliers restent exceptionnels.

Considérant pourtant que l'objectif de la réalisation du marché intérieur doit être poursuivi, et même atteint, dans ce domaine, la Commission européenne a proposé, en septembre 2002, de modifier ce texte au demeurant ancien, ainsi que de l'actualiser pour tenir compte, en outre, de l'évolution des techniques de prêts auxquelles recourent les établissements prêteurs.

Plus de trois ans après, cette initiative, qui relève de la procédure de codécision prévue à l'article 251 du traité instituant la Communauté européenne, n'a pas abouti.

Une telle situation s'explique d'abord par la complexité de la matière.

Il revient, en effet, au législateur, qu'il soit communautaire ou national, de déterminer l'équilibre entre l'intérêt du consommateur et celui du prêteur, banque ou établissement financier, sachant que chacun de ces acteurs doit être en mesure d'effectuer ses propres arbitrages dans les meilleures conditions possibles. Pour le consommateur, il s'agit de choisir entre, d'une part, la satisfaction d'acquérir un bien ou de bénéficier d'une prestation de service plus tôt qu'il ne pourrait le faire et, d'autre part, la charge des remboursements qui lui incomberont. L'établissement financier doit, quant à lui, procéder en permanence au bilan entre, d'une part, l'avantage d'une expansion de son activité et, d'autre part, le risque de devoir faire face à des impayés.

En outre, le crédit aux particuliers joue dans les économies contemporaines un rôle majeur, qui influence directement la consommation et, par voie de conséquence, la croissance. Une législation trop stricte peut provoquer un tarissement du crédit et une réduction du dynamisme économique. A l'opposé, une législation insuffisamment protectrice du consommateur entraîne un excès de crédit et un développement, préjudiciable, du surendettement.

Selon une étude de Mercer Oliver Wyman et de « l'European Credit Research Institue », Consumer Credit in Europe : riding the wave, novembre 2005, le crédit à la consommation atteignait 1.000 milliards d'euros, en Europe, à la fin de l'année 2004.

La lenteur du processus européen en cours tient également à la Commission, qui a prévu un texte particulièrement ambitieux, d'harmonisation maximale et portant sur un domaine très étendu. Son adoption en l'état n'aurait plus laissé aux Etats membres que des facultés d'intervention réduites ne concernant que des points très mineurs.

Transmise au Conseil de l'Union européenne le 18 septembre 2002, la proposition initiale de la Commission a fait l'objet d'une première lecture exceptionnellement dense, et longue, par le Parlement européen. Celle-ci ne s'est achevée qu'en avril 2004 et après l'adoption de 154 amendements, soit un nombre particulièrement élevé.

Ensuite, après plusieurs mois de réflexion, le 28 octobre 2004, la Commission européenne, encore présidée par M. Romano Prodi, a adopté une proposition modifiée intégrant 108 de ces 154 amendements, les reformulant parfois et ajoutant également de nouvelles dispositions.

Ce deuxième texte a servi de base à une nouvelle consultation des Etats membres et des différents acteurs intéressés, au cours de laquelle la nouvelle Commission, présidée par M. José Manuel Barroso, a pu poursuivre la réflexion.

Une proposition modifiée (le troisième texte de la Commission), publiée cette fois-ci sous la forme d'un texte consolidé adressé au Conseil le 7 octobre 2005, représente l'aboutissement de ce processus.

Fort différente de la proposition initiale, elle est certes moins ambitieuse, mais aussi plus réaliste quant à ses perspectives d'aboutir.

Si elle reste d'harmonisation maximale, elle ne porte plus que sur un champ assez réduit, qui concerne encore, toutefois, l'essentiel des éléments relatifs au crédit au consommateur.

Elle appelle par conséquent, à ce stade, de la part de la France un nombre relativement limité d'observations, même si celles-ci sont suffisamment substantielles pour permettre à la Délégation de ne l'approuver que sous réserve des modifications correspondantes.

I. LES ENJEUX DE LA RÉFORME : L'ACTUALISATION D'UN TEXTE ANCIEN POUR CONTRIBUER À L'ACHÈVEMENT DU MARCHÉ INTÉRIEUR, DANS UN DOMAINE OÙ LES PRATIQUES DES ÉTABLISSEMENTS PRÊTEURS COMME DES MÉNAGES EUROPÉENS SONT ASSEZ DIVERSES

A. La directive actuellement en vigueur, d'harmonisation minimale, a permis aux différents Etats membres de prévoir leurs propres dispositions, dès lors qu'elles sont plus favorables au consommateur

La directive 87/102/CEE du Conseil, du 22 décembre 1986, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de crédit à la consommation a été deux fois modifiée, par les directives 90/88/CEE du Conseil du 22 février 1990 et 98/7/CE du Parlement européen et du Conseil, qui n'ont procédé qu'à des ajustements.

Ce texte ancien ne comprend qu'un nombre limité de dispositions, mais qui portent sur l'essentiel de l'équilibre des relations entre le prêteur et son client, à savoir :

- une certaine transparence, avec l'obligation d'informer du consommateur, de manière à lui permettre de faire des comparaisons. Toute offre de crédit ou toute publicité en faveur du crédit à la consommation, doit mentionner le taux annuel effectif global (TAEG) à la charge du consommateur, dès lors que le coût du crédit est indiqué ;

- la sécurité juridique, avec l'exigence d'un contrat écrit, dont le consommateur doit recevoir un exemplaire, ainsi que la mention impérative, dans ce contrat, d'un certain nombre d'éléments : le TAEG, les conditions dans lesquelles ce dernier peut être modifié, les montants, la périodicité et le nombre de versements qui incombent au consommateur, ainsi que les autres conditions essentielles du contrat ;

- la responsabilité solidaire, à titre subsidiaire, du prêteur, avec la faculté, pour le consommateur qui n'a pas obtenu satisfaction dans le cadre de son recours contre le fournisseur du bien ou du prestataire de service concerné, d'exercer, sous certaines conditions, un recours à son encontre ;

- une surveillance par les Etats membres des établissements de crédit et des intermédiaires, selon les modalités de leur choix parmi plusieurs options.

Si ces règles portent sur un domaine relativement étroit, leur champ d'application est néanmoins large.

Il s'étend, en effet, en principe, à l'ensemble des contrats de crédit, et toutes les formes de crédit, que celui-ci soit consenti au consommateur sous la forme d'un délai de paiement, ou bien d'un prêt ou de toute autre facilité similaire.

En sont toutefois exclus un certain nombre de contrats soit en raison du montant sur lequel ils portent (les contrats conclus pour des sommes modestes, de moins de 200 euros, ou au contraire pour de fortes sommes, plus de 20.000 euros), soit en raison des conditions de leur remboursement (soit que sa durée soit faible, inférieure à trois mois, soit que le nombre d'échéances soit réduit, quatre échéances au maximum pour douze mois), soit en raison de leur objet : tel est le cas des contrats relatifs à des immeubles, qu'il s'agisse de leur acquisition ou de leur rénovation, ainsi que des contrats de location sans transfert de propriété in fine au locataire ou encore des crédits gratuits qui ne donnent pas lieu à la perception d'intérêts.

B. Le marché du crédit au consommateur reste donc un marché domestique, avec d'importantes différences selon les Etats membres

A l'appui de son initiative, la Commission invoque deux motifs.

Le premier est d'ordre technique et n'appelle pas d'observation particulière. Les évolutions du volume et de la nature des crédits à la consommation comme des modalités suivant lesquelles ceux-ci sont délivrés imposent des aménagements au texte actuel. Comme chacun peut le constater, les pratiques publicitaires ont été profondément transformées en 20 ans. Le démarchage par courrier des éventuels clients a connu une expansion très forte ; le développement des cartes de paiement permettant l'accès au crédit également.

Le deuxième élément est d'un autre ordre et relève d'une logique d'achèvement du marché intérieur similaire à celle qui a prévalu pour la directive « services ».

La compétence des Etats membres s'étant exercée, les marchés restent nationaux et cloisonnés, marqués par de nombreuses spécificités. Dans l'introduction de son projet initial de directive, celui de 2002, la Commission relève que les Etats membres ont adopté leur propres dispositions soit parce qu'ils ont estimé insuffisamment protectrices les mesures communautaires, soit également pour tenir compte des évolutions déjà mentionnées.

Trois éléments donnent une illustration particulièrement éclairante de cette situation.

Le premier est le « petit crédit » aux personnes peu solvables.

Celui-ci s'est beaucoup développé au Royaume-Uni sous la forme de prêts de montants assez peu élevés et portant sur des durées très brèves, mais avec des taux très élevés, compte tenu de la prime de risque calculée par les établissements prêteurs. Ces taux sont très au-delà du niveau du taux de l'usure en France. Ils permettent aux personnes jugées peu solvables d'accéder au crédit, mais le taux de défaut n'est pas négligeable. Ces pratiques reposent sur le principe d'un coût du crédit d'autant plus élevé que les personnes sont modestes.

Selon le rapport établi par l'Observatoire de l'épargne européenne pour le Comité consultatif du secteur financier, intitulé « L'endettement des ménages européens » (août 2005), par MM. Didier Davydoff et Grégoire Naacke, « un grand nombre de Britanniques empruntent de très petites sommes à des prêteurs sur gages, des prêteurs à domicile, des prêteurs « jours de paie ». Ces derniers délivrent des prêts de faibles montants, sur une durée très courte, dont chacun est garanti par un chèque dont la date est celle du prochain jour de paie.

Le second exemple relève de la technique financière et concerne le crédit à la consommation hypothécaire(1).

Celui-ci est également fort développé au Royaume-Uni, alors qu'il n'existe pas dans certains pays.

En France, l'ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006 relative aux sûretés a créé le crédit hypothécaire rechargeable, pour financer au fur et à mesure du remboursement d'un prêt immobilier soit de nouveaux investissements immobiliers, soit des dépenses de consommation.

Le troisième élément concerne les personnes susceptibles de délivrer des prêts à titre professionnel.

La législation française réserve cette faculté aux seuls établissements de crédit, banques et établissements financiers, lesquels doivent nécessairement être des personnes morales. Cela exclut les personnes physiques.

A l'opposé, certains Etats membres, tels que le Royaume-Uni et la Grèce, permettent l'exercice de l'activité de prêteur aux personnes physiques.

Par ailleurs, d'une manière plus générale, le niveau de protection varie selon les Etats membres.

Dans l'ensemble, c'est la Belgique qui est jugée comme l'Etat membre le plus protecteur pour le consommateur qui finance ses achats à crédit.

Sa législation prévoit notamment l'interdiction de négocier des contrats de crédit en dehors des établissements commerciaux, ce qui interdit le démarchage, le principe de l'information préalable avant toute conclusion d'un contrat, un fichier positif recensant les personnes ayant déjà contracté un prêt à la consommation, une liste très complète des informations obligatoirement mentionnées dans les contrats de crédit et de sûreté, ainsi qu'un droit de « renonciation » pendant un délai de 7 jours ouvrables.

La France dispose, quant à elle, d'un niveau satisfaisant avec un socle spécifique constitué, notamment :

- d'une information très complète du consommateur avant et pendant la conclusion du contrat ;

- du délai de rétractation, et donc de réflexion de 7 jours après l'acceptation d'une offre de prêt, qui peut cependant être réduit à 3 jours en cas de prêt lié à l'acquisition d'un bien dont le consommateur demande la livraison rapide ;

- de l'interdiction de demander, pour le prêteur, une indemnité en cas de remboursement anticipé par l'emprunteur ;

- de l'interdiction du prêt par les personnes physiques, cet élément ne figurant pas dans le code de la consommation, mais relevant des règles générales sur les établissements de crédit insérées dans le code monétaire et financier, lesquels sont nécessairement des personnes morales.

L'enjeu d'un décloisonnement du crédit aux particuliers, qui se traduirait par le développement du crédit transfrontalier, est donc in fine double.

Pour les établissements prêteurs, il s'agit de réduire les coûts administratifs et de rendre plus aisé le crédit transfrontalier.

Pour les particuliers, on estime généralement que l'accroissement de la concurrence résultant de la possibilité de bénéficier de prestations délivrées en dehors de leur territoire de résidence et une plus grande fluidité du marché, devraient permettre de réduire le coût du crédit à la consommation, et de diminuer le taux effectif de l'emprunt, dans une proportion toutefois très difficile à établir par avance.

C. Le crédit aux particuliers s'est considérablement développé ces dernières années en Europe, mais reste marqué par de nombreuses particularités nationales dans l'approche qu'en ont les ménages

¬ Comparaisons européennes

Le bulletin de la Banque de France du mois de décembre 2005 (n° 144) comprend des éléments de comparaisons européennes sur l'endettement des ménages, d'une manière générale, endettement immobilier et crédit à la consommation. Seuls ont toutefois été étudiés les quinze anciens Etats membres de l'Union européenne.

Le premier constat est celui d'une forte augmentation de l'ensemble des crédits aux particuliers, lesquels représentent dorénavant 80 % du revenu des ménages, contre 65 % moins de dix ans auparavant, sur la période 1995-1997.

L'endettement par habitant est particulièrement élevé aux Pays-Bas, à raison de 200 % du revenu disponible brut des ménages en 2003, au Royaume-Uni, où il est maintenant proche de 160 %, ainsi qu'au Portugal (111,3 %).

Les montants de dettes confirment ces éléments, à raison de 39.800 euros par habitant en 2004 au Danemark, 32.800 euros aux Pays-Bas, 25.900 au Royaume-Uni, 22.700 euros en Irlande. Les montants les plus faibles parmi les quinze anciens Etats membres sont recensés pour l'Italie (6.600 euros) et la Grèce (4.600 euros). Avec un endettement des ménages de 11.150 euros en 2004 par habitant, soit 60,2 % du revenu disponible brut en 2003 et 62 % en 2005, la France se trouve dans une situation intermédiaire.

Le deuxième constat est que si le recours à la dette reste, pour les foyers européens, principalement motivé par l'acquisition d'un logement, le crédit à la consommation n'est pas résiduel. Le crédit à l'habitat ne représentait en effet que 61 % de l'encours total des crédits aux ménages européens en 2004 et le crédit à la consommation s'établissait à 14,4 % de leur endettement total en moyenne (une partie importante des crédits est dans certains pays comme l'Espagne ou le Royaume-Uni, destinée à l'acquisition de placements financiers). En France, à l'automne 2005, le crédit à la consommation représentait 17,7 % du total du crédit, contre 70 % pour le crédit immobilier. Les montants par habitant ont été récapitulés dans le rapport précité, établi par l'Observatoire de l'épargne européenne pour le Comité consultatif du secteur financier, et intitulé « L'endettement des ménages européens », août 2005, de MM. Didier Davydoff et Grégoire Naacke.

Endettement par habitant au titre du crédit à la consommation à la fin 2004
(en euros par habitant)

 

2003

2004

Royaume-Uni

4 208

4 733

Irlande

3 941

4 696

Autriche

2 532

2 914

Allemagne

2 798

2 869

Luxembourg

2 356

2 469

France

1 897

1 967

Grèce

1 124

1 539

Finlande

1 403

1 538

Espagne

1 327

1 445

Pays-Bas(1)

1 257

1 357

Belgique

1 320

1 356

Italie

864

992

Portugal

830

861

Ensemble

2 178

2 359

(1) Octobre 2004
Prévisions Eurostat pour la population à fin 2004

Source : Comptes nationaux, Banque de France - DESM et calculs OEE - Observateur Cetelem.

Le troisième constat est que le crédit à la consommation a beaucoup progressé ces dernières années.

Avec un taux de croissance de 4,2 % en 2002, 2,5 % en 2003 et de 8,7 % en 2004, il a augmenté plus vite que les revenus.

La France n'est pas restée à l'écart de ce mouvement, à raison d'une progression de 5,1 % en 2003 et 4,2 % en 2004. Pour 2005, les tendances sont encore positives.

Il faut y voir, pour partie au moins, la conséquence des faibles taux d'intérêt actuels qui permettent d'emprunter des montants plus importants avec un même revenu.

Le dernier constat, fondé sur le rapprochement d'études qui ne concernent toutefois que les quatre plus grands Etats membres de l'Union, est celui d'une très grande diversité d'approche du crédit à la consommation selon les pays.

Si le crédit à la consommation est banalisé au Royaume-Uni, où près de la moitié des ménages y ont recours (49,3 %), il concerne une bien moindre proportion des ménages en France (27,7 %), mais surtout en Allemagne (15,8 %) et en Italie (10,1 %).

Pour leur part, les auteurs de l'étude précitée de Mercer Oliver Wyman et de l'« European Credit Research Institute », Consumer Credit in Europe : riding the wave, novembre 2005, distinguent dans l'ensemble de l'Europe, trois groupes de pays :

- ceux où la croissance du crédit est très forte : la Grèce, la Hongrie, la République tchèque notamment ;

- les pays où le marché est arrivé à maturité, le crédit étant largement diffusé, mais où la croissance reste néanmoins vigoureuse : Royaume-Uni, Norvège, Suède notamment ;

- les pays où la croissance est plus faible, même si le marché n'est pas encore mature : Allemagne, Autriche, Belgique, France et Pays-Bas.

La population de certains Etats membres reste donc sur le principe plus réticente que celle d'autres pays, au crédit à la consommation.

S'agissant de l'âge des demandeurs, l'étude de la Banque de France observe un recours au crédit à la consommation est le plus important entre 35 et 45 ans en Allemagne et en France et, d'une manière plus générale, que les taux de recours les plus élevés concernent les personnes entre 25 et 55 ans. Ces éléments sont cependant moins marqués en France qu'en Allemagne.

En Italie et surtout au Royaume-Uni, en revanche, ce sont les moins de 25 ans qui en sont les plus gros utilisateurs du crédit à la consommation, avec des taux de détention de 19,5 % et 72,1 % respectivement.

A l'opposé de la pyramide des âges, cet indicateur reste beaucoup plus élevé au Royaume-Uni entre 55 et 65 ans, à raison de 44 %, que dans les trois autres pays étudiés, à raison de 12,5 % en Allemagne, 24,9 % en France et 9,4 % en Italie.

Enfin, au Royaume-Uni comme en France et en Allemagne, c'est dans la tranche de revenus nets mensuels compris entre 3.000 euros et 4.000 euros que le crédit à la consommation est le plus fréquent. Ainsi, celui-ci concerne surtout la partie aisée des ménages ayant des revenus intermédiaires.

A l'opposé, confortant ce qui a été précédemment indiqué sur le développement du petit crédit en faveur des ménages modestes au Royaume-Uni, 30 % des ménages britanniques ayant un revenu mensuel de moins de 1.000 euros ont contracté un crédit à la consommation, contre 15 % des ménages français et moins de 10 % des foyers allemands.

¬ Précisions sur le crédit à la consommation en France

Le rapport établi par le BIPE et présenté par M. André Babeau pour le Comité consultatif du secteur financier, La demande des ménages en matière de crédit à la consommation et les ajustements nécessaires pour y répondre (janvier 2006), donne plusieurs éléments sur le crédit à la consommation en France.

D'une part, celui-ci était constitué à la fin de l'année 2004, de prêts personnels à hauteur de 47,4 %, de prêts affectés spécifiquement à un achat pour 18,9 %, de prêts renouvelables pour 23,1 %, de locations avec option d'achat pour 2,3 %, d'avances en compte débiteur pour 5 % et d'autres crédits de trésorerie pour 3,3 %.

D'autre part, selon ces mêmes données relatives à la fin de l'année 2004, la destination des crédits est, pour l'essentiel, l'acquisition d'un véhicule, automobile ou moto (57 % du total), puis l'équipement de la maison (30 %), l'équipement ou la dépense de loisir (5,6 %), la consommation courante ou le paiement d'une facture exceptionnelle (20,7 %).

Enfin, le tableau suivant, présenté dans l'édition du journal Le Monde des 22 et 23 janvier 2006, donne un échantillon du niveau des taux actuellement pratiqués par quelques établissements, en France.

Seize établissements financiers engagés dans une lutte acharnée
¬ taux de crédit à la consommation (TEG annuel)* hors assurance facultative, janvier 2006

 

Crédit renouvelable

Taux de découvert autorisé

Crédit personnel

Taux promotionnels
Disponibles en janvier

 

Taux

Carte et cotisations annuelles

BNP PARIBAS

de 12,14 % à 19,67 %

Carte Visa Provisio . 23 €

inclus dans TEG

14,40 %

De 3,82 % à 7,88 %

Crédit perso : pour un emprunt de 6 000 € sur 24 mois, le taux est de 3,30 % (exemple)

Crédit auto : 12 000 € sur 48 mois à 4,45 % et 16 000 € sur 60 mois à 4,95 %
+ chèque carburant de 100 €

LCL (ex-CREDIT LYONNAIS)

de 10,41 % à 16,20 %

Carte Visa Libre cours : 16 €

De 9,90 % à 16,06 %

De 2,80 % à 5,80 %

Crédit perso : jusqu'à 21 500 € sur 12 à 36 mois, de 3,90 % à 5,90 %

 

SOCIETE GENERALE

De 12,50 % à 15,80 %

Carte Visa Alterna : 22 €

17,35 %

De 3,30 % à 6,70 %

Crédit perso : à partir de 5 500 € sur 12 mois, 3,3 %

 

CREDIT AGRICOLE
ILE-DE-FRANCE

De 11,74 % à 16,20 %

Carte Visa Open : 15 €

13,54 %

De 4,72 % à 7,85 %

Non

 

CAISSE D'EPARGNE
ILE-DE-FRANCE

De 13,88 % à 16,18 %

Carte Visa Teoz : 16 €

12,50 %

De 5,58 % à 7,01 %

Non

- 19 -

CREDIT MUTUELLE
ILE-DE-FRANCE

De 9,90 % à 11,90 %

Carte Préférence : 9,09

17,39 %

7,90 %

Crédit chauffage renouvelable jusqu'à 2 000 € sur 12 mois, 3,90 %

 

BRED

De 11,35 % à 14,74 %

Carte Champ libre : gratuite

15,70 %

De 3,76 % à 5,22 %

Crédit perso : de 1 000 € à 21 500 € sur 6 à 24 mois,
à partir de 3,32 %

 

CETELEM

De 11,11 % à 19,64 %

Carte Visa (Cetelem) : 19 €

 

De 2,9 % à 7,89 %

Crédit perso : de 4 000 € à 21 500 € sur 12 mois : 2,9 %

 

SOFINCO

De 10,90 % à 16,58 %

Carte visa Sofinco : 19 €

 

De 2,9 % à 7 %

Crédit perso : de 7 500 € à 21 500 € sur 12 à 36 mois, 3,90 % +

Crédit automobile : à partir de 1 500 € de 12 à 72 mois, de 2,9 % à 7,89 %

COFINOGA

16,76 %

Carte Confiance : 24 €

 

De 2,99 % à 7,80 %

Pas de frais de dossier si souscription sur Cofinoga.fr

Crédit renouvelable : jusqu'à 21 500 € sur 6 mois, 2,99 % et après TEG* à 16,76 %

COFIDIS

De 17,37 % à 19,67 %

Carte visa Cofidis : 24

 

De 4,84 % à 7,83 %

Crédit perso : de 8 000 € à 21 500 € sur 12 mois, 4,90 %

Crédit renouvelable : report de remboursement de 2 mois

BANQUE CASINO

16,90 %

Carte Visa Gestion Libre : 24 €

 

De 3,8 % à 6,9 %

Crédit perso : de 6 000 € à 38 000 sur 12 mois, 2,50 %

Crédit renouvelable : TEG* de 6 % pendant 6 mois pour les contrats souscrits avant le 31 janvier 2006

             

FINAREF

15,97 %

Carte visa Challenger : 24 €

 

De 6,60% à 7,89 %

Crédit perso : 6 000 € et plus sur 4 à 12 mois, de 3,98% à 4,73 %

Crédit renouvelable : report de remboursement de 90 jours

BANQUE ACCORD
(Groupe AUCHAN)

De 11,34 % à 15,90 %

Carte Visa Accord : 25 €

 

De 4,90 % à 7,80 %

Crédit perso : 3 000 € à 21 000 de 12 à 60 mois, de 4,90 % à 7,90 %

Crédit renouvelable la première mensualité offerte

CARREFOUR FINANCES

De 11,63 % à 17,16 %

Carte Pass Visa : 25 €

 

De 3,7 % à 7,88 %

Crédit perso : de 5 000 € à 38 000 € sur 12 mois, 2,90 %

Crédit auto : de 5 000 € à 38 000 € de 12 à 84 mois, de 2,90 % à 6,90 %

MEDIATIS

17,36 %

Carte Medistis : 24 €

 

De 3,7 % à 7,88 %

Crédit renouvelable : report de mensualité gratuit pendant
3 mois

 

Source : Sociétés et Testé pour vous (www.testepourvous.com) janvier 2006 * TEG : taux effectif global

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II. LA PROPOSITION INITIALE DE LA COMMISSION N'A PAS RECUEILLI L'ASSENTIMENT DU PARLEMENT EUROPÉEN, QUI L'A PROFONDÉMENT AMENDÉE EN PREMIÈRE LECTURE

A. La Commission a proposé une directive d'harmonisation maximale s'appliquant à un champ étendu

¬ Une directive d'harmonisation maximale

Sur le plan de la méthode, la Commission n'a pas souhaité prévoir un règlement, considérant qu'un tel vecteur engendrerait dans les différents Etats membres d'importantes difficultés, en se substituant directement au droit qui y est actuellement applicable.

Toutefois, afin d'éviter ce qu'elle a considéré comme la faiblesse d'une directive d'harmonisation minimale qui avait permis le développement de droits nationaux très divers au-delà des normes qu'elle prescrivait, favorisant comme on l'a vu le cloisonnement du marché, elle a prévu une directive d'harmonisation maximale dont les dispositions ont un caractère impératif.

¬ Un champ d'application particulièrement étendu

Pour sa proposition initiale, la Commission a prévu un champ d'application particulièrement étendu, plus large que celui de 1987, qui couvre l'ensemble des crédits offerts « au consommateur », et non le crédit « à la consommation », de manière à viser l'ensemble des crédits offerts aux particuliers à l'exception des crédits immobiliers(2).

La Commission a constaté que l'ensemble des quinze Etats membres en 2002 avait été au-delà du schéma de 1987.

Elle donc prévu des exceptions très peu nombreuses, ne concernant que les prêts immobiliers, les facilités de paiement inférieures à trois mois et remboursables en une seule fois, ainsi que les crédits ou avances consentis occasionnellement par un employeur à son salarié.

Par ailleurs, la Commission a suggéré d'inclure, dans le nouveau dispositif, les cautions, de telle sorte que les personnes qui s'engagent dans de telles garanties bénéficient des mêmes informations et protections que les consommateurs auxquelles elles sont conduites, le cas échéant, à se substituer.

¬ Le renforcement très substantiel de l'encadrement au niveau européen de l'information du consommateur

Un encadrement renforcé de la publicité, de l'offre de prêt et du contenu du contrat

_ En ce qui concerne la publicité, le projet initial de la Commission a prévu de compléter les dispositions de la directive 84/450/CEE sur la publicité trompeuse, par une obligation de délivrer une information claire et précise et de respecter les principes de la loyauté des transactions commerciales. La règle actuelle d'une mention du TAEG, c'est-à-dire du taux d'intérêt que devra effectivement acquitter le consommateur, toutes les charges comprises, a naturellement été confirmée.

La Commission a proposé de la compléter par celle du taux débiteur ainsi que du taux total prêteur (TTP), c'est-à-dire des sommes que le prêteur réclame pour le service qu'il délivre (intérêts, frais de dossier, frais de gestion, frais d'assurance, si celle-ci est obligatoire, notamment) exprimées en pourcentage annuel du montant total du crédit selon les mêmes modalités que le TAEG. La principale différence entre le TAEG et le TTP porte sur les frais d'assurance optionnelle, ainsi que sur les éventuels frais de notaire, d'enregistrement ou de sûreté.

Cette approche autour de trois taux a été appréciée avec une certaine sévérité, car jugée propre à introduire la confusion dans l'esprit du particulier concerné.

_ S'agissant des relations engagées entre l'organisme prêteur et le consommateur dans la perspective d'un éventuel crédit, la Commission a suggéré de poser, dans le même esprit, le principe d'une information réciproque et complète et d'exiger une obligation de conseil.

Dans ce cadre, le consommateur aurait eu l'obligation de répondre aux demandes du prêteur, dès lors qu'il s'agit de renseignements adéquats et pertinents, et qui ne sont pas excessifs au regard de l'objet pour lequel ils sont collectés et traités.

S'agissant du prêteur, l'obligation prévue était de deux ordres. D'une part, l'offre de crédit devait mentionner l'ensemble les éléments caractéristiques du contrat, notamment ceux qui sont relatifs aux paiements à effectuer, avec notamment, ce qui n'est pas actuellement le cas, le détail de l'échéancier des paiements, le montant et le niveau des différents frais ainsi que le détail du coût du crédit. En ce qui concerne ce dernier, la mention du taux annuel effectif global débiteur, déjà prévu par le dispositif de 1987, devait être complétée par celle du taux total prêteur¸ comme pour les publicités. D'autre part, la Commission a proposé d'établir une nouvelle obligation de conseil, selon laquelle il incombait au prêteur de mettre le consommateur en mesure d'opérer le choix le plus adapté parmi les différents types de prêts disponibles auprès de lui. Etait ainsi prévu que le prêteur indique au consommateur « les avantages et, le cas échéant, les inconvénients » des crédits qu'il peut proposer. Ce conseil devait notamment tenir compte des capacités de remboursement du particulier.

S'agissant enfin des informations obligatoires à mentionner dans le cadre du contrat de crédit ou de sûreté, la proposition initiale de la Commission a suggéré de les renforcer, avec des informations similaires, ainsi que, pour les contrats de sûreté, la mention du montant garanti et les frais dus en cas d'inexécution.

_ Une harmonisation de l'assiette du taux annuel effectif global (TAEG), et non plus du seul mode de calcul

La Commission a proposé de compléter l'actuelle définition du TAEG, afin qu'elle inclut l'ensemble des coûts que le consommateur est tenu de payer, au prêteur, à l'intermédiaire de crédit ou à toute autre tierce personne, de manière à opérer une standardisation complète de son calcul. Cette harmonisation de l'assiette parachève donc celle de la technique mathématique de calcul, qui existe déjà.

La prise en compte des nouvelles technologies pour le support du contrat

La proposition initiale de la directive a prévu que le contrat de crédit puisse être établi non seulement sur support papier, mais également sur tout autre support durable, ce qui permet de prendre en compte les évolutions techniques.

¬ La définition d'un cadre européen strict pour l'exercice de l'activité de prêteur

Le deuxième point sur lequel la Commission a proposé de renforcer les normes européennes est celui des conditions de l'activité de prêteur. Cinq mesures ont été prévues à cet effet.

L'immatriculation obligatoire et un contrôle étroit des prêteurs et intermédiaires de crédit

Dans son projet initial, la Commission a proposé de renforcer notablement la surveillance des organismes de prêt et des établissements de crédit, en supprimant les possibilités de choix actuellement laissées aux Etats membres entre l'agrément préalable, le contrôle par une institution ou un organisme officiel ou bien la simple création d'une instance régulatrice chargée notamment d'examiner les plaintes des consommateurs ou de délivrer des informations sur le crédit à la consommation.

Elle a souhaité rendre cumulative ces trois options, instaurant en fait une immatriculation obligatoire des prêteurs, ainsi que des intermédiaires de crédit auprès d'une instance officielle qui en organise le contrôle et veille notamment au respect des prescriptions communautaires par les professionnels, de même qu'une assimilation des vendeurs travaillant sans le contrôle direct d'un prêteur, à des intermédiaires de crédit, de manière à en surveiller l'activité.

La création de la notion de "prêt responsable", nouvelle obligation s'imposant aux organismes de crédit

Souhaitant prévoir, pour l'ensemble des Etats membres, des obligations de prudence et de gestion avisée selon le principe du « bon prêteur » et afin de prévenir les situations de surendettement, la Commission a proposé de mentionner dans la directive la notion de « prêt responsable », selon laquelle le prêteur serait réputé avoir estimé préalablement, selon tout moyen à sa disposition, que le consommateur est raisonnablement à même de respecter les obligations du contrat. Cette obligation de moyens porte notamment sur la consultation de bases de données. Il ne s'agit pas d'une obligation de résultat, mais la responsabilité contractuelle du prêteur serait engagée, en cas de défaillance, le cas échéant.

L'obligation de créer dans chaque Etat membre une base centralisée de données et la protection des données communiquées par le consommateur

En complément de la notion de « prêt responsable », la Commission a initialement suggéré la mise en place, dans chaque pays, d'une base de données permettant de connaître la situation d'endettement d'un particulier, avec obligation pour le prêteur de la consulter et une protection des données, de manière à ce que celles-ci ne soient utilisées à des fins étrangères au contrôle du crédit, notamment commerciales ou de marketing.

Le principal enjeu d'une telle base, qui peut également prendre la forme d'un réseau de bases de données, est son contenu concret.

La Commission a souhaité ne rendre obligatoire que les bases de type négatif, qui n'enregistrent que les seuls incidents de paiement.

Toutefois, elle a proposé d'inciter les Etats membres à aller au-delà en créant des bases de type positif, intégrant l'ensemble des engagements de crédit conclus par un consommateur.

L'interdiction du démarchage en matière de crédit à la consommation

La Commission a prévu d'interdire tout démarchage portant sur les différents crédits, en prohibant la négociation des contrats de crédits ou de sûreté en dehors des établissements commerciaux, s'inspirant en cela de la réglementation belge.

La responsabilité solidaire des fournisseurs (prêteurs et vendeurs) en cas d'achat à crédit d'un bien

La Commission a proposé d'aller au-delà de l'actuelle responsabilité subsidiaire, où le consommateur peut dans certaines conditions réclamer paiement au prêteur si sa réclamation contre le vendeur est fondée. Elle a suggéré d'établir en définitive une mesure qu'elle avait déjà envisagée lors de la préparation de la directive de 1987 : celle d'une responsabilité solidaire, pleine et automatique, entre le prêteur et le vendeur du bien ou le prestataire de service concerné, qu'il s'agisse d'un crédit affecté stricto sensu ou, plus généralement, d'un prêt dont la finalité consiste à financer l'acquisition d'un bien ou la fourniture d'un service. La solidarité entre le prêteur et le vendeur jouerait à chaque fois que le vendeur serait intervenu dans l'ouverture de crédit.

L'argument invoqué pour justifier une telle mesure, qui reprend un concept de la Common law, est celui de l'existence de liens entre le prêteur et le fournisseur, lesquels donnent au premier des moyens d'action spécifique dont ne dispose pas le second.

En France, un semblable lien n'existe que pour les prêts expressément affectés à l'acquisition d'un bien. Dans ce cas, l'offre de crédit mentionne le bien financé.

¬ Un renforcement de l'encadrement des liens contractuels entre le prêteur et le consommateur

_ Un délai de 14 jours différent du dispositif de rétractation de 7 jours prévu par la France

La Commission a initialement proposé un délai de rétractation, sans obligation d'invoquer un motif, d'une durée de 14 jours, reprenant en cela la règle fixée par la directive 2002/65/CE sur la commercialisation à distance de services financiers.

Comme l'a rappelé l'exposé des motifs, ce délai est actuellement plus faible dans certains Etats membres, notamment la France, où il est de 7 jours ou même de 3 jours lorsque le crédit est affecté à l'acquisition d'un bien déterminé et que le consommateur accepte cette réduction du délai.

Ce délai de 14 jours a toutefois été conçu d'une manière différente de celui actuellement connu par le droit français, à deux points de vue :

- d'une part, il s'agit d'un droit de rétractation au sens strict du terme, qui permet à l'emprunteur de renoncer à un financement dont il a déjà bénéficié, alors que le droit français prévoit un délai de rétractation durant lequel les obligations des parties sont suspendues et avant l'expiration duquel le consommateur qui emprunte ne peut, par conséquent, prendre possession des fonds ;

- d'autre part, le consommateur ne serait tenu de renvoyer les biens reçus que dans l'hypothèse où leur mise à disposition serait régie par le contrat de crédit. En l'absence de clause résolutoire, la distinction de droit entre le contrat de crédit et le contrat d'achat conduirait donc à l'obligation pour le consommateur d'honorer ce dernier et, par conséquent, de trouver immédiatement un nouveau crédit s'il ne dispose pas des sommes nécessaires, ce qui est le cas le plus probable. En pratique, le dispositif proposé par la Commission ne prévoit pas l'interdépendance des contrats et s'analyse comme un droit au refinancement, et non un droit de rétractation permettant de se délier simultanément des deux contrats.

La suppression de l'absence de pénalité en cas de remboursement anticipé, par la mise en place d'un droit à indemnité en faveur du prêteur

Dans le cadre d'une disposition complexe, la Commission a initialement proposé de :

- confirmer le droit du consommateur de rembourser sa dette d'une manière anticipée, partiellement ou en totalité ;

- prévoir, d'une manière générale, le principe d'une indemnité pour remboursement anticipé, dès lors que celle-ci est objective, équitable et calculée sur la base de principes actuariels.

Une telle disposition irait à l'encontre du droit français, puisque la perception d'une telle indemnité est actuellement interdite.

¬ La fixation au niveau communautaire de règles relatives à des questions non encore abordées

Au-delà des dispositions qui viennent d'être présentées, la proposition initiale de la Commission s'est également attachée à régler des questions affectant certes le crédit au consommateur, mais portant cependant sur des aspects moins centraux du dossier.

Il s'agit notamment de la couverture des contrats de sûreté, des procédures de recouvrement (recouvrement, mise en demeure et exigibilité, reprise de biens notamment), ainsi que de la charge de la preuve.

B. Au cours de sa première lecture, le Parlement européen a réduit l'ampleur de cette proposition de directive et a adopté le principe d'une harmonisation minimale

En adoptant quelque 154 amendements en avril 2004 (le vote est intervenu le 19 avril), après un délai particulièrement long, le Parlement européen, sur le rapport de M. Joachim Würmeling (PPE, Allemagne), a profondément modifié le texte proposé par la Commission. Les aménagements apportés sont cependant d'importance variable.

Sur le fond, les principaux d'entre eux ont porté sur les points suivants.

Une harmonisation minimale et non plus maximale

Le Parlement européen a amoindri la portée du texte en souhaitant qu'il soit d'harmonisation minimale, ce qui laisserait aux Etats membres la faculté de maintenir ou d'adopter dans le futur des dispositions qui seraient plus favorables que celles en vigueur au niveau européen, sauf pour l'offre de crédit où l'information devrait être uniformisée dans l'ensemble des 25 Etats membres et pour la détermination de l'assiette du TAEG (sachant, comme on l'a vu, que la méthode de calcul est déjà harmonisée).

L'atténuation de la portée de plusieurs des dispositions

Le Parlement européen a par ailleurs procédé à plusieurs ajustements qui, dans l'ensemble, ont réduit la portée du texte originel de la Commission, avec :

- l'extension du champ des contrats exclus du dispositif. Ont notamment été visés : les contrats de plus de 100.000 euros et de moins de 500 euros (200 euros actuellement) ; les crédits à la consommation garantis par une hypothèque ; les contrats de location et de crédit bail ; les crédits privés ; les crédits octroyés par les employeurs à titre de prestation accessoire ; les avances en compte courant ou en compte débiteur si le montant total du crédit doit être remboursé dans un délai de trois mois ou sur demande ;

- l'allègement des règles de contrôle des intermédiaires de crédit ;

- la réduction des règles prévues en matière de publicité et d'informations délivrées à l'emprunteur ;

- l'adjonction au principe du prêt responsable, de celui du « consommateur adulte ». Ce dernier serait tenu de fournir à l'organisme de crédit les éléments sur sa solvabilité avant la fourniture du contrat ;

- la limitation des règles relatives aux bases de données centralisées à la seule obligation, pour les Etats membres, de garantir un égal accès aux différentes bases existantes, de manière à ce qu'en cas de crédit transfrontalier, les prêteurs établis dans d'autres Etats membres soient dans la même situation que ceux implantés sur le territoire national ;

- un ajustement de l'assiette du TAEG ;

- la réduction de 14 jours à 7 jours du délai de rétractation du consommateur ;

- l'aménagement du régime des contrats de crédit liés à des contrats d'achat de biens, en lieu et place du système de responsabilité solidaire automatique proposé par la Commission sur le modèle du droit anglais.

III. LA PROPOSITION RÉVISÉE, PUBLIÉE PAR LA COMMISSION LE 7 OCTOBRE 2005, REPOSE SUR LE PRINCIPE D'UNE HARMONISATION MAXIMALE MAIS CIBLÉE SUR UN CHAMP PLUS RESTREINT

Plusieurs mois après la première lecture par le Parlement européen, en octobre 2004, la Commission alors présidée par M. Romano Prodi, en fin de mandat, a fait connaître sa position sur la plus grande partie des amendements adoptés par le Parlement européen. Quarante-quatre amendements ont été jugés acceptables par la Commission. Un nombre voisin a été considéré comme pouvant l'être sous réserve d'une nouvelle formulation.

En dépit de l'absence de version consolidée, qui laissait planer l'incertitude sur les termes exacts du débat, cette initiative a mis l'accent sur le choix du mode d'harmonisation, minimal ou maximal.

L'idée d'une harmonisation optimale s'est alors peu à peu dégagée autour de l'articulation entre le maintien du principe de l'harmonisation maximale, mais sur un champ plus réduit et donc moins ambitieux.

La notion d'harmonisation maximale ciblée lui a été ensuite substituée.

A. La version consolidée proposée en octobre dernier est toujours d'harmonisation maximale, mais le champ couvert par ses dispositions est d'une moindre ampleur que celui de la proposition initiale

Sur le plan formel, la proposition révisée a un mérite essentiel. Sa rédaction est plus simple que la version initiale, ce qui en rend la lecture d'autant plus aisée. Un tel avantage n'est pas mince pour un texte qui a vocation à concerner quelque 450 millions de consommateurs.

Un texte d'harmonisation maximale ciblée

La Commission n'a pas suivi le Parlement européen en revenant à l'hypothèse d'une harmonisation maximale qui seule peut, selon elle, garantir la fluidité du marché intérieur.

Il s'agit cependant comme on l'a vu d'une harmonisation ciblée, utilisée pour la première fois, et qui fait donc l'objet d'une certaine expérimentation sur ce texte.

Trois types de dispositions seront donc applicables en la matière : les dispositions d'harmonisation maximale ; les dispositions couvertes par la reconnaissance mutuelle, soit dans le cadre de la liberté d'établissement, soit dans le cadre de la libre prestation de services ; celles relevant du seul niveau des Etats membres.

Un recentrage des dispositions harmonisées qui laisse de côté certaines questions, mais permettra tout autant à certains Etats membres de faire avancer plus aisément, le cas échéant, dans le cadre de leur droit national les règles de protection des consommateurs

Par rapport à la version initiale proposée par la Commission, la le version révisée offre un dispositif resserré sur le cœur des rapports entre l'emprunteur et le prêteur.

Elle aborde encore la publicité, les informations précontractuelles, les obligations réciproques du prêteur et du consommateur avant la conclusion du contrat, les mentions obligatoires des contrats, le coût du prêt et ses différentes composantes, l'accès aux bases de données sur les incidents de paiement liés à des crédits, le droit de rétractation, les contrats de crédits liés à des contrats d'achat, ainsi que les modalités de remboursement anticipé.

Ont donc été retirés un certain nombre d'éléments qui relèveront de la compétence des Etats membres, notamment la question du démarchage et les procédures de recouvrement et d'éventuelles reprises des biens.

Il n'est pas toujours aisé d'apprécier le bilan de ces exclusions : elles ne signifient pas nécessairement sur le fond l'absence de protection du consommateur, car dans les domaines qui ne sont pas couverts par une disposition communautaire, c'est le droit national qui s'applique.

Pour certains organismes représentant les consommateurs, une telle situation permettra au droit de la consommation de progresser plus aisément, grâce à certains Etats « leaders », plutôt qu'un texte d'harmonisation maximale très étendu qui aurait imposé à chaque nouvelle étape d'être validée directement au niveau des 25 et bientôt 27 Etats membres.

Par ailleurs, les chances d'adoption d'un texte communautaire sont d'autant plus grandes que son champ est réduit.

Un champ d'application clarifié et un régime simplifié pour certains contrats

Le champ d'application de la future directive fait l'objet d'aménagements notables, au-delà des aménagements techniques qui portent sur des catégories de prêts très spécifiques tels que les contrats de crédit qui résultent d'une décision d'un tribunal ou de toute autre autorité légale.

Trois clarifications essentielles sont en effet prévues.

En premier lieu, la nouvelle proposition circonscrit l'application de ses dispositions aux contrats les plus courants, en prévoyant un plafond de 50.000 euros. Ce montant peut certes paraître important, mais il permet d'inclure certains biens de consommation coûteux et qui ne concernent pas nécessairement une clientèle des plus aisées, tels que les camping-cars.

En deuxième lieu, elle exclut l'ensemble des contrats de sûreté, notamment les cautions et les crédits hypothécaires, ce qui est maintenant plus justifiable dans la mesure où ce domaine devrait faire l'objet d'une initiative communautaire à la suite de la consultation lancée en juillet dernier dans le cadre du Livre vert sur le crédit hypothécaire, mais sous réserve, comme on le verra par la suite, d'une coordination.

En troisième lieu, un régime spécifique, plus léger que le régime de droit commun, est prévu s'agissant des petits contrats, portant sur des sommes inférieures à 300 euros (même si sur le fond, une telle exclusion peut être légitimement contestée, comme on le verra), des prêts accordés par des coopératives de crédits ainsi que des facilités de découvert.

Ainsi que l'a précisé la Commission lors de la réunion du groupe de travail sur la directive, le droit national continuera à s'appliquer aux contrats ainsi exclus.

- L'amélioration du régime des informations communiquées au consommateur et le maintien de l'harmonisation de l'assiette de calcul du taux annuel effectif global du crédit (TAEG)

C'est sur les informations délivrées au consommateur que les effets de la clarification rédactionnelle opérée par la nouvelle Commission sont les plus perceptibles.

Sur la publicité, le nouveau texte exige la mention obligatoire des informations de base. Celles-ci sont précisément définies comme le montant total du crédit, le taux annuel effectif global (TAEG), la durée du contrat de crédit, le montant, le nombre et la périodicité des paiements à effectuer (cette notion étant plus large que celle de remboursement), ainsi que l'ensemble des types de frais liés au contrat de crédit. De même, l'identité du prêteur et le coût de l'assurance obligatoire doivent être indiqués.

Par ailleurs, comme la version originelle, la version révisée prévoit l'achèvement de normalisation du TAEG, dont l'assiette sera harmonisée avec intégration de l'ensemble des coût directs et indirects liés à l'opération de crédit, selon d'ailleurs les demandes de la France.

En définitive, il s'agit d'un dispositif assez proche de celui actuellement en vigueur en France.

On observera la disparition de toute référence au taux total prêteur (TTP), ce qui constitue une amélioration d'autant plus remarquable que dès lors qu'il est correctement défini et que ses modalités de calcul sont normalisées, le seul TAEG suffit.

Ajouter une notion supplémentaire dans un domaine perçu comme déjà suffisamment complexe n'était pas indispensable, dès lors que le consommateur est informé de l'essentiel, à savoir le montant de sa dette et selon quel échéancier il doit l'acquitter et le taux d'intérêt effectif qui lui est appliqué, calculé selon des modalités normalisées.

Une démarche similaire de présentation systématique et détaillée a été appliquée aux règles régissant les informations précontractuelles, c'est-à-dire les obligations du prêteur envers le consommateur préalablement à la conclusion du contrat.

Le nouveau texte est en outre plus précis puisque des dispositions adaptées sont prévues pour les contrats de crédit spécifiques, qu'il s'agisse des facilités de découvert ainsi que, comme on l'a vu, aux contrats spécifiques faisant l'objet d'obligations allégées.

Par symétrie, les mêmes principes ont prévalu pour la réécriture des dispositions relatives aux informations contractuelles c'est-à-dire aux mentions devant obligatoirement figurer au contrat de prêt.

On soulignera également que la réécriture a profondément amélioré la disposition sur la mention obligatoire des modes de résolution extrajudiciaire des litiges, ce qui consacre ainsi le rôle de la médiation.

¬ Un dispositif plus pragmatique s'agissant des bases de données

Avec la création d'une base de données centralisée de type négatif recensant les incidents de paiement des emprunteurs et des garants, et la faculté de la transformer en base positive, comme c'est le cas en Belgique, recensant l'ensemble des personnes ayant conclu un contrat de prêt et de sûreté, la Commission s'était, comme on l'a vu, placée dans une perspective éminemment ambitieuse. Outre qu'il pose un problème de confidentialité tant l'accès à son contenu doit être large, un tel fichier positif n'est utile que s'il est fiable. Certaines associations de consommateurs étaient très réservées sur son contenu, notamment parce qu'elles craignaient une utilisation commerciale de ses accès.

Même la simple création d'une base centralisée exigeait de certains Etats membres une importante mise à niveau.

Pour ce qui est de la France, on rappellera que l'article L. 333-4 du code monétaire et financier prévoit déjà un fichier national recensant les informations sur les incidents de paiement (FICP) caractérisés liés aux crédits accordés aux personnes physiques pour des besoins non professionnels. Ce fichier des incidents de paiement est géré par la Banque de France.

La proposition révisée apparaît donc plus pragmatique en exigeant plus de chaque Etat membre qu'il garantisse l'absence de discrimination dans l'accès aux bases de données situées sur son territoire, pour les prêteurs relevant de la juridiction des autres Etats membres.

Elle est également plus satisfaisante en permettant au consommateur de connaître gratuitement, sans frais, les résultats de cette consultation (on peut d'ailleurs considérer que cette communication pourrait intervenir de droit).

Elle n'interdit pas la création d'une base positive dans les Etats membres qui le souhaitent.

Telle est d'ailleurs l'une des pistes envisagées par le rapport précité établi par le BIPE et présenté par M. André Babeau pour le Comité consultatif du secteur financier, La demande des ménages en matière de crédit à la consommation et les ajustements nécessaires pour y répondre (janvier 2006).

¬ La clarification du rôle de conseil du prêteur

La proposition révisée conserve le principe du « prêt responsable », mais en réduit le contenu, ce qui circonscrit ainsi les obligations qui incomberont au prêteur et à l'emprunteur dans le cadre de la conclusion d'un contrat.

A l'obligation de tenter de déterminer le type de crédit le plus adapté au consommateur, sont substitués plusieurs éléments, plus concrets, dont la mise en œuvre est dans l'ensemble plus aisée.

Il s'agit, en effet, de :

- l'évaluation de la solvabilité de l'emprunteur à partir des seules informations précises fournies par ce dernier et, au besoin, en consultant la base de données appropriée ;

- l'obligation de mettre à jour ces éléments avant toute augmentation significative du montant du crédit, lorsque le contrat permet une telle opération ;

- une obligation d'assistance du prêteur ou de l'intermédiaire de crédit définie comme la fourniture des informations permettant à l'emprunteur d'estimer « si le contrat est adapté à ses besoins et à sa situation financière ».

La disposition prévoit aussi la mention d'une présentation des « avantages et inconvénients » du produit proposé. Cette mention mérite-t-elle d'être conservée, dans la mesure où il peut sembler plus approprié de mentionner uniquement une proposition « adaptée » ou non à la situation du débiteur ?

Enfin, le texte prévoit explicitement que chaque Etat membre pourra adapter au besoin tant les modalités de sa délivrance que son ampleur, en fonction du contexte dans lequel le contrat est offert.

¬ L'allégement du régime des prêteurs et intermédiaires de crédit, selon un dispositif qui n'appelle que deux modifications d'ordre technique

En imposant l'enregistrement de toutes les personnes concourant à l'octroi d'un crédit à la consommation, ce qui aurait de fait conduit à l'enregistrement de plusieurs centaines de milliers de vendeurs pouvant à un moment ou à un autre de leur activité évoquer la possibilité de financer un achat à crédit, sans pour autant être en mesure de peser sur une éventuelle décision d'attribution de refus, le projet initial de la Commission prévoyait une obligation très substantielle.

La proposition révisée n'impose plus que deux éléments :

- d'une part, désigner un organisme de contrôle extérieur aux prêteurs ou prévoir une réglementation ;

- d'autre part, l'encadrement de la manière dont les intermédiaires de crédit peuvent faire de la publicité et des conditions dans lesquelles ils peuvent être conduits à percevoir une rémunération de la part du consommateur.

N'imposant que peu de modifications à l'actuel droit de la consommation français, ce dispositif est donc acceptable.

Il doit cependant faire l'objet de deux perfectionnements d'ordre technique pour être pleinement opératoire.

D'une part, la rédaction actuellement proposée, qui prévoit une alternative entre une réglementation et une instance de contrôle, doit être rectifiée. Les deux termes sont de toute évidence complémentaires et non exclusifs l'un de l'autre.

D'autre part, l'importante question des garanties financières destinées à permettre au client de recouvrer les fonds qu'ils ont versés à un intermédiaire qui a fait faillite doit être abordée dans la directive. Aucun marché transfrontalier ne pourra sereinement se développer tant qu'une telle garantie ne sera pas généralisée.

B. La proposition révisée appelle un certain nombre de clarifications ou de modifications pour un meilleur équilibre dans les relations entre prêteur et emprunteur

S'agissant de la France, on peut considérer qu'un équilibre est globalement atteint avec les dispositions actuellement applicables.

Les professionnels insistent, en effet, sur le fait que le taux de défaillance est de l'ordre de 2 à 3 %, sur l'ensemble des crédits contractés, ce qui reste assez faible.

Si pour sa part le Bulletin mensuel de la Banque de France (n° 144) fait part d'une augmentation de 30 % du nombre de dossiers de surendettement entre 2002 et 2004. C'est en partie la conséquence de la forte expansion du crédit ces dernières années.

A l'origine de cet équilibre global, on peut identifier plusieurs éléments.

L'un d'entre eux, le régime du surendettement, n'est pas abordé par la directive.

Tel n'est pas en revanche le cas des autres, à savoir le délai de rétractation de 7 jours et la souplesse du régime des remboursements anticipés pour lesquels il convient alors de prévoir les aménagements en conséquence.

La proposition de directive est par ailleurs l'occasion de rappeler l'importance de quelques principes de base de l'organisation et du régime du crédit en France.

1) La nécessité de réaffirmer certains des grands principes de base de l'organisation et de la réglementation du crédit en France

Même s'ils ne sont pas évoqués par la proposition de directive, deux grands éléments de l'architecture du crédit en France doivent être réaffirmés : d'une part, le monopole des établissements de crédit ; d'autre part, le système du plafonnement de taux, c'est-à-dire de l'usure.

¬ Maintenir la faculté pour les Etats membres, comme le fait actuellement la France, de réserver, pour des raisons prudentielles évidentes, aux établissements de crédit, personnes morales, la faculté de délivrer des prêts

La définition du prêteur telle que la retiennent la version initiale comme la version révisée de la Commission, vise non seulement les personnes morales mais également les personnes physiques.

Bien qu'il s'agisse d'une définition classique au niveau européen, il convient d'éviter qu'elle puisse aboutir à une remise en cause de la délivrance des prêts par les seuls établissements de crédit, qui sont nécessairement des personnes morales, en France, telle qu'elle est prévue par les articles L. 511-1 et suivants du code monétaire et financier.

Un tel monopole est pleinement justifié pour des motifs prudentiels, c'est-à-dire pour des raisons de sécurité financière. L'agrément garantit que les conditions d'accès à la profession, qui relèvent de l'ordre public économique, sont bien remplies.

Il s'impose également pour assurer la protection des consommateurs. Il est plus aisé de faire respecter de telles règles par un secteur ainsi structuré que par un secteur atomisé.

En outre, il serait préjudiciable pour l'Europe qu'elle soit à l'origine de ce qui ne manquerait pas d'être perçu comme une régression : le rétablissement de l'usurier, personnage que la littérature du XIXe siècle, notamment Balzac, a rarement présenté sous un jour favorable. Il ne faut toutefois pas méconnaître que certains Etats membres, tels que le Royaume-Uni, mais pas seulement, connaissent encore le prêteur personne physique.

Par conséquent, il convient de limiter la faculté d'exercice des personnes physiques aux seuls Etats membres qui la permettent et pour les seuls prêts délivrés sur leur territoire. Naturellement, les prêts ainsi consentis le seraient selon les règles de la nouvelle directive, faute de quoi on créerait des risques de distorsion de concurrence sur le territoire des Etats membres concernés.

¬ Préserver la possibilité d'un mécanisme de plafonnement des taux

Une deuxième spécificité de l'équilibre actuellement défini par le droit français est le régime du taux d'usure.

L'article L.313-3 du code de la consommation dispose, en effet, que "constitue un prêt usuraire tout prêt conventionnel consenti à un taux effectif global qui excède, au moment où il est consenti, de plus du tiers, le taux effectif moyen pratiqué au cours du trimestre précédent par les établissements de crédit pour des opérations de même nature comportant des risques analogues".

Pour déterminer le niveau de ce plafonnement au niveau moyen des taux pratiqués par la profession majoré d'un tiers, la Banque de France collecte auprès d'un large échantillon d'établissements de crédit les taux effectifs pratiqués pour plusieurs catégories de prêts.

Ces taux moyens ainsi établis, augmentés d'un tiers comme on l'a vu, donnent les seuils de l'usure correspondants. Ces seuils sont publiés sous la forme d'un avis au Journal officiel, à la fin de chaque trimestre, pour le trimestre suivant.

En l'état, le dispositif de la proposition révisée n'aborde pas cette question.

Néanmoins, il n'est pas inutile de rappeler, à ce stade du débat, l'importance qu'attache la France à un système de plafonnement des taux, si cette question venait à être évoquée à l'occasion de l'examen d'une proposition de position commune.

Le rapport précité réalisé par le BIPE et présenté par M. André Babeau pour le Comité consultatif du secteur financier, La demande des ménages en matière de crédit à la consommation et les ajustements nécessaires pour y répondre (janvier 2006), propose par ailleurs des pistes pour d'éventuels ajustements au dispositif actuel, notamment ses modalités de calcul.

2) Des aménagements de fond à prévoir notamment sur la faculté de rétractation, les crédits liés et les conditions d'un remboursement par anticipation du prêt

¬ Apporter les indispensables clarifications techniques sur certains points

Lors des auditions auxquelles il a procédé, le rapporteur a pu se rendre compte que certaines dispositions n'étaient pas exemptes d'ambiguïté tant pour les représentants des associations de consommateur que pour les professionnels auxquelles elles s'adresseront.

Il n'appartient pas à la Délégation d'en faire le recensement, dès lorsqu'il s'agit parfois de précisions techniques ou rédactionnelles, qui exigent au demeurant un important travail de coordination entre les différentes versions linguistiques, qu'il s'agisse par exemple du champ d'application exact de la notion d'intermédiaire de crédit, qui ne doit pas être trop extensive afin de ne pas concerner un trop grand nombre de personnes, ou encore, par exemple également, de l'obligation d'un réexamen de la situation de l'emprunteur en cas d'augmentation du montant total du crédit en cours de contrat. Pour cette disposition, on peut préférer que le caractère significatif du rehaussement soit apprécié par rapport au montant effectivement prêté plutôt qu'au montant théoriquement consenti.

En définitive, comme il s'agit d'un texte profondément remanié, la lecture au Parlement européen, sur la base de la position commune du Conseil, pourrait s'apparenter à une nouvelle « première lecture ».

A cet égard, la question de la pertinence d'une exclusion des modalités de recouvrement du champ de la directive pourrait être réexaminée.

¬ Rétablir une cohérence en excluant clairement les crédits immobiliers non garantis par une hypothèque et prévoir une articulation avec le futur régime des crédits à la consommation hypothécaire ou assortis de sûretés

Pour réglementer les différentes catégories de crédits, dans un but de protection du consommateur et dans un esprit d'équilibre entre les intérêts de l'emprunteur et ceux du prêteur, deux approches sont envisageables :

- la première repose sur la distinction entre les différents prêts selon leur objet : crédit immobilier, crédit à la consommation, notamment ;

- la deuxième, purement juridique, est fondée sur le type de garantie dont fait l'objet le prêt : hypothèque ; cautionnement ; absence de garantie.

La première approche est indéniablement la plus logique, puisqu'elle permet de prévoir des règles unifiées pour un même type de crédit, et, par conséquent, met le particulier en mesure de faire des comparaisons valables entre les différentes offres qui lui sont faites.

Tel n'est pas cependant le choix de la Commission qui a préféré retenir l'approche juridique de la sûreté, indépendamment de l'objet du prêt et donc d'éléments aussi essentiels que son montant et sa durée.

Aussi la proposition révisée appelle-t-elle deux corrections de fond.

La première porte sur le dispositif et plus précisément sur l'article 2 relatif au champ d'application.

En l'état, sa rédaction intègre dans le champ de la directive le crédit immobilier dès lors qu'il n'est pas garanti par une hypothèque.

Elle ne peut être maintenue tant elle méconnaît la nature du crédit immobilier, et l'unité du régime qui doit à la base lui être applicable, ainsi que et la diversité des garanties dont il peut faire l'objet, notamment en France où le cautionnement par des institutions financières est assez développé.

La deuxième correction concerne l'exposé des motifs, dans la mesure où, par souci de cohérence, une certaine articulation sera nécessaire avec les règles communautaires sur le crédit hypothécaire. Celle-ci pourrait intervenir dans le futur sur le crédit à la consommation assorti d'une sûreté, à la suite du Livre vert récemment diffusé sur ce sujet par la Commission.

Si tel n'est pas le cas, le crédit à la consommation obéira à des règles trop différentes selon le type de garantie prévue. Ses modalités seront donc incompréhensibles pour le particulier. Le marché du crédit sera alors cloisonné, non plus entre les différents Etats membres, mais entre les différentes catégories de produits à l'intérieur de ces mêmes Etats membres.

Tel sera notamment le cas si les règles applicables aux cautions ne font pas l'objet d'une coordination claire entre les deux dispositifs.

A défaut de vigilance sur ces points, les objectifs poursuivis par la Commission, conformément au traité instituant la Communauté européenne, pourraient ne pas être atteints.

¬ Offrir un même niveau de protection au consommateur pour les crédits inférieurs à 300 euros, les autorisations de découvert et les contrats de crédit avec réserve d'argent (revolving)

Certaines exceptions prévues par la proposition modifiée apparaissent peu opportunes, au regard de l'impératif de la protection des consommateurs.

Le texte organise ainsi un régime dérogatoire pour les crédits d'un montant inférieur à 300 euros, comme on l'a vu, en allégeant ou en excluant les obligations relatives à l'information, à la rétractation, aux transactions liées et au remboursement anticipé.

Il paraît cependant nécessaire, afin de protéger les personnes qui contractent ces crédits de faibles montants alors qu'elles sont dans une situation financière difficile, de ne pas prévoir de régime spécifique.

Une remarque similaire peut être faite s'agissant des autorisations de découverts, qui, dès lors qu'elles répondent à la définition d'une opération de crédit en droit français, ne doivent pas connaître de régime particulier.

Par ailleurs, la proposition de directive ne fixe pas, semble-t-il, de durée légale pour les crédits « revolving », mettant une réserve d'argent à la disposition de l'emprunteur, et exige le respect d'un préavis de trois mois par l'emprunteur avant la résiliation du contrat conclu pour une durée indéterminée.

Il paraît au contraire opportun d'encadrer ce crédit renouvelable, ce qu'a d'ailleurs récemment fait le législateur, en France, en permettant au consommateur de résilier à tout moment les contrats correspondants, alors qu'ils ne peuvent déjà être conclus que pour une durée d'un an renouvelable (loi n° 2005-67 du 28 janvier 2005), tendant à conforter la confiance et la protection du consommateur.

¬ Préciser les règles relatives au droit de rétractation, ainsi qu'à la mise à disposition des biens en cas de crédit affecté

Du point de vue français, la question la plus difficile parmi celles abordées par la proposition de directive est celle du délai de réflexion ou, en d'autres termes, de la faculté de rétractation.

Conformément aux dispositions du code de la consommation, dont des extraits figurent dans l'encadré ci-joint, il est actuellement prévu en France un délai de rétractation de sept jours durant lequel le consommateur peut revenir sur son engagement.

Pendant ce délai, le contrat n'a pas d'effet puisque la mise à disposition des fonds ni aucun paiement ne peut intervenir.

En cas de crédit lié, c'est-à-dire de crédit affecté à l'achat d'un bien, aucune livraison n'est non plus obligatoire de la part du vendeur.

La seule exception à ce principe est celle de la livraison immédiate du bien, à la demande de l'acheteur.

Dans ce cas, le délai de rétractation expire à la livraison du bien, sans pouvoir être inférieur à trois jours ni naturellement excéder sept jours.


Extraits du code de la consommation français

Article L. 311-15
Lorsque l'offre préalable ne comporte aucune clause selon laquelle le prêteur se réserve le droit d'agréer la personne de l'emprunteur, le contrat devient parfait dès l'acceptation de l'offre préalable par l'emprunteur. Toutefois, l'emprunteur peut, dans un délai de sept jours à compter de son acceptation de l'offre, revenir sur son engagement. Pour permettre l'exercice de cette faculté de rétractation, un formulaire détachable est joint à l'offre préalable. L'exercice par l'emprunteur de sa faculté de rétractation ne peut donner lieu à enregistrement sur un fichier.

Article L. 311-16

Lorsque l'offre préalable stipule que le prêteur se réserve le droit d'agréer la personne de l'emprunteur, le contrat accepté par l'emprunteur ne devient parfait qu'à la double condition que, dans ce même délai de sept jours, ledit emprunteur n'ait pas usé de la faculté de rétractation visée à l'article L. 311-15 et que le prêteur ait fait connaître à l'emprunteur sa décision d'accorder le crédit. L'agrément de la personne de l'emprunteur est réputé refusé si, à l'expiration de ce délai, la décision d'accorder le crédit n'a pas été portée à la connaissance de l'intéressé. L'agrément de la personne de l'emprunteur parvenu à sa connaissance après l'expiration de ce délai reste néanmoins valable si celui-ci entend toujours bénéficier du crédit.

Article L. 311-17

Tant que l'opération n'est pas définitivement conclue, aucun paiement, sous quelque forme et à quelque titre que ce soit, ne peut être fait par le prêteur à l'emprunteur ou pour le compte de celui-ci, ni par l'emprunteur au prêteur. Pendant ce même délai, l'emprunteur ne peut non plus faire, au titre de l'opération en cause, aucun dépôt au profit du prêteur ou pour le compte de celui-ci. Si une autorisation du prélèvement sur son compte bancaire ou postal est signée par l'emprunteur, sa validité et sa prise d'effet sont subordonnées à celles du contrat de crédit.

Article L. 311-24

Tant que le prêteur ne l'a pas avisé de l'octroi du crédit, et tant que l'emprunteur peut exercer sa faculté de rétractation, le vendeur n'est pas tenu d'accomplir son obligation de livraison ou de fourniture. Toutefois, lorsque par une demande expresse rédigée, datée et signée de sa main même, l'acheteur sollicite la livraison ou la fourniture immédiate du bien ou de la prestation de services, le délai de rétractation ouvert à l'emprunteur par les articles L. 311-15 à L. 311-17 expire à la date de la livraison ou de la fourniture, sans pouvoir ni excéder sept jours ni être inférieur à trois jours. Toute livraison ou fourniture anticipée est à la charge du vendeur qui en supporte tous les frais et risques.

En prévoyant un droit de rétractation de quatorze jours, délai pendant lequel les fonds sont mis à la disposition du consommateur, la proposition révisée, de même d'ailleurs que la version originelle, esquisse donc un dispositif tout autre.

Celui-ci manque de précision, laissant plusieurs questions sans réponse, même si la Commission a indiqué qu'il ne fallait naturellement pas tenir compte d'une erreur matérielle qui serait corrigée.

Son dispositif pose en fait, sur le fond, trois problèmes.

Le premier est celui du délai. La Commission invoque que le délai de 14 jours est harmonisé, puisque c'est le même que celui prévu par la directive 2002/65/CE sur la commercialisation à distance des services financiers. Cet argument est cependant loin d'emporter la conviction dès lors que la directive 97/7/CE sur la protection des consommateurs en matière de contrats à distance prévoit, elle, un délai de rétractation d'au moins 7 jours.

Le deuxième est celui de la mise à disposition des fonds avant l'expiration du délai. Dès lors que le consommateur aura perçu les fonds, sa renonciation au contrat de prêt pourra poser dans certains cas des problèmes de recouvrement au prêteur.

Le troisième est celui où le consommateur sollicite de lui-même la livraison rapide du bien.

Avec un délai irréductible de 14 jours, il sera difficile pour un vendeur d'envisager de livrer un client en raison, d'une part, du risque précité de défaut de paiement s'il exerce son droit de rétractation et, d'autre part, des difficultés inhérentes à la reprise du bien, qui ne sera pas nécessairement aisée. Le bien aura en tout état de cause perdu une partie de sa valeur. Ce risque est d'autant plus grand que le texte proposé est muet sur la validité du contrat d'achat en cas de renonciation au contrat de crédit, alors qu'il prévoit l'hypothèse inverse.

Par ailleurs, le consommateur risque de renoncer de fait à son droit de rétractation, une fois qu'il aura pris possession du bien. Il risque de se retrouver « piégé ».

En définitive, si l'on comprend bien le souci de la Commission de prévoir un cadre suffisamment général pour s'appliquer à des systèmes juridiques assez variés, le dispositif tel qu'il est esquissé conduirait le consommateur français à « troquer » un allongement de 7 jours de son délai de réflexion, qui passerait à 14 jours, tout en perdant de fait les moyens de l'utiliser.

Une telle évolution est délicate.

Il apparaît donc nécessaire de prévoir un système plus flexible qui permette au droit national, notamment en cas de transactions liées, de fixer des délais inférieurs de manière à conserver sans difficulté les équilibres actuels comme de prévoir la résolution des deux contrats en cas de crédit lié.

¬ Maintenir l'hypothèse d'une gratuité du remboursement anticipé

Actuellement, l'article L. 311-29 du code de la consommation autorise l'emprunteur à rembourser de son propre chef, par anticipation, tout ou partie du crédit qui lui a été consenti, dès lors que la somme concernée est au moins égale à un montant fixé par décret (21.500 euros).

Il précise explicitement que ce remboursement intervient « sans indemnité ».

C'est incontestablement l'un des éléments essentiels de l'équilibre actuel.

D'une part, il permet au particulier qui est en mesure de se désendetter plus tôt qu'il ne l'avait prévu, de ne pas avoir le sentiment d'être sanctionné, et l'autorise ainsi à sortir plus aisément d'une situation qui est parfois vécue comme délicate.

D'autre part, il représente un important élément d'arbitrage et, par conséquent, de mise en concurrence des différents prêteurs entre eux. Il ne fait donc pas obstacle, bien au contraire, à l'objectif de fluidité du marché intérieur du crédit tant recherché par la Commission.

Enfin, même s'il ne s'agit pas d'une sanction dans l'esprit de la Commission européenne, puisque l'objectif est uniquement de prendre en compte le coût actuariel des pertes de recettes du prêteur, on peut considérer que la mesure est en fait sans objet. D'une part, les établissements prêteurs recourent pour une grande part à la titrisation de leurs créances. D'autre part, dans la majorité des cas où il n'y a pas titrisation, les fonds ainsi libérés trouveront aisément et rapidement un nouvel emploi compte tenu de la progression continue du marché du crédit.

La Finlande, de même que la France, autorisent cette faculté de remboursement anticipé sans frais.

A l'opposé, il ne faut pas non plus méconnaître que certains Etats membres prévoient déjà une telle indemnité et qu'elle fait partie de l'équilibre économique des contrats conclus selon leurs règles.

Une rédaction plus souple permettant aux Etats membres d'éviter d'avoir à mettre en œuvre une réforme aussi significative, dans un sens ou dans l'autre, à l'entrée en vigueur de la directive doit donc être envisagée face à la diversité des situations en vigueur dans l'Union.

Le principe d'une indemnité qui pourrait être nulle a même été avancé lors des discussions au sein du comité consultatif du secteur financier, selon les éléments communiqués au rapporteur.

¬ Clarifier la portée du principe de la reconnaissance mutuelle pour éviter l'hétérogénéité de la législation applicable au cœur du contrat

L'architecture de l'harmonisation envisagée par la Commission pour ce texte est, comme on l'a vu, à la fois simple et complexe.

Elle est simple, car il s'agit d'une harmonisation maximale, qui ne laisse aux Etats membres aucune latitude pour prendre des dispositions d'une teneur différente de celles fixées.

Cependant, elle est tout autant complexe, car elle prévoit un mécanisme de reconnaissance mutuelle, c'est-à-dire d'application d'un mécanisme similaire à celui du principe du pays d'origine, pour les opérateurs d'un autre Etat membre dans les matières suivantes :

- les informations précontractuelles ;

- le droit de rétractation ;

- les crédits affectés, avec notamment les éléments sur la responsabilité solidaire du prêteur et du vendeur, vis-à-vis de l'acheteur au titre du bien vendu ;

- les modalités de remboursement anticipé ;

- l'information en cas de dépassement du crédit ;

- le régime régissant les activités de prêteur et d'intermédiaire de crédits, et leurs obligations. 

A priori, dès lors qu'il y a une harmonisation préalable et maximale qui impose aux Etats membres de prévoir des législations très comparables, ce qui n'était pas le cas pour la directive « services », le principe de la reconnaissance mutuelle ne pose pas de difficulté majeure.

En pratique, en revanche, son application peut conduire à un « tronçonnage » de la loi applicable au contrat et par conséquent à des situations assez inextricables : on ne voit donc pas quel bénéfice pourrait en être tiré pour les relations prêteur-emprunteur.

Ainsi, selon les informations communiquées au rapporteur, en soumettant certaines règles du contrat de crédit à la consommation au droit d'origine du prêteur, la reconnaissance mutuelle soumet à deux voire trois lois différentes un même contrat. Ainsi, pour un contrat de crédit à la consommation conclu entre un emprunteur domicilié en France et une banque anglaise, la directive conduirait à appliquer deux lois : la question de la publicité serait ainsi soumise à la loi française, celles de l'information précontractuelle et de l'obligation de conseil à la loi anglaise, celle de l'information et des obligations contractuelles à la loi française, celles du droit de rétractation ou du remboursement anticipé à la loi anglaise et la responsabilité sera pour partie soumise au droit français et pour partie au droit anglais.

En outre, se pose la question du respect du principe d'application territoriale de la loi pénale nationale et celle du contrôle d'un droit étranger par l'autorité nationale compétente.

La loi applicable sera donc, en l'absence de modification de la proposition de directive, celle de l'Etat du prêteur pour des dispositions aussi importantes que le droit de rétractation, les crédits liés et les modalités de remboursement anticipé.

Il apparaît donc indispensable d'amender sur ce point la proposition de directive et de prévoir une réduction du champ d'application du principe de la reconnaissance mutuelle au strict nécessaire.

De ce point de vue, les relations précontractuelles ou contractuelles entre le consommateur et le prêteur doivent en être exclues et relever du droit du pays du consommateur, selon ce que prévoit d'ailleurs la convention de Rome de 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, qui affirme le principe de la primauté des dispositions en vigueur dans le pays où le consommateur a sa résidence habituelle, en l'absence de disposition contraire prévue par le contrat.

Convention de Rome sur la loi applicable aux obligations contractuelles (extrait)

Article 5 : Contrats conclus par les consommateurs

1. Le présent article s'applique aux contrats ayant pour objet la fourniture d'objets mobiliers corporels ou de services à une personne, le consommateur, pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, ainsi qu'aux contrats destinés au financement d'une telle fourniture.

2. Nonobstant les dispositions de l'article 3, le choix par les parties de la loi applicable ne peut avoir pour résultat de priver le consommateur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi du pays dans lequel il a sa résidence habituelle :

- si la conclusion du contrat a été précédée dans ce pays d'une proposition spécialement faite ou d'une publicité, et si le consommateur a accompli dans ce pays les actes nécessaires à la conclusion du contrat, ou

- si le cocontractant du consommateur ou son représentant a reçu la commande du consommateur dans ce pays, ou

- si le contrat est une vente de marchandises et que le consommateur se soit rendu de ce pays dans un pays étranger et y ait passé la commande, à la condition que le voyage ait été organisé par le vendeur dans le but d'inciter le consommateur à conclure une vente.

3. Nonobstant les dispositions de l'article 4 et à défaut de choix exercé conformément à l'article 3, ces contrats sont régis par la loi du pays dans lequel le consommateur a sa résidence habituelle, s'ils sont intervenus dans les circonstances décrites au paragraphe 2 du présent article.

4. Le présent article ne s'applique pas :

a) au contrat de transport ;


b) au contrat de fourniture de services lorsque les services dus au consommateur doivent être fournis exclusivement dans un pays autre que celui dans lequel il a sa résidence habituelle.

5. Nonobstant les dispositions du paragraphe 4, le présent article s'applique au contrat offrant pour un prix global des prestations combinées de transport et de logement.

Consciente de ce problème, la Commission a d'ailleurs reconnu que la solution qu'elle proposait conduirait dans certains cas à des schémas différents de ceux de cette même convention de Rome, mais a estimé dans l'exposé des motifs de la proposition révisée que l'objectif d'achèvement du marché intérieur primait et que le prêteur et le consommateur pourraient en tout état de cause déterminer contractuellement la loi applicable.

Un tel argument ne paraît pas recevable à deux titres :

- d'une part, il est difficilement concevable de créer ainsi autant de régimes différents de détermination de la loi applicable aux contrats transfrontaliers. C'est aller à l'encontre de l'intérêt du consommateur, qui doit jouir d'une grande sécurité juridique, comme de celui des Etats, qui doivent éviter que leurs juridictions ne soient saisies en nombre d'affaires aussi complexes ;

- d'autre part, c'est risquer de porter une nouvelle fois atteinte à la légitimité de l'Europe en rendant pour le citoyen comme pour le professionnel son droit encore plus hermétique qu'il ne l'est déjà.

TRAVAUX DE LA DELEGATION

La Délégation s'est réunie le 4 avril 2006, sous la présidence du Président Pierre Lequiller, Président, pour examiner le présent rapport d'information.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

M. François Guillaume a souhaité obtenir des précisions concernant plusieurs points de la proposition de résolution, au regard des dispositions de la proposition de directive et du droit des Etats membres. Il a interrogé le rapporteur sur ce que propose la Commission et ce que prévoient les Etats membres au sujet du plafonnement des taux de crédits consentis aux particuliers.

Le rapporteur a précisé qu'il était préférable de prévoir explicitement la faculté, pour les Etats membres qui en disposent - comme la France -, de conserver un dispositif de plafonnement des taux. Il n'est pas souhaitable que la situation de certains pays, tels le Royaume-Uni, où il n'existe pas de plafonnement, soit généralisée.

M. François Guillaume a interrogé le rapporteur sur la volonté de réserver la faculté de délivrer des crédits, à titre professionnel ou commercial, aux seules personnes morales à l'exclusion des personnes physiques. Il a estimé qu'une extension aux personnes physiques pourrait renforcer la concurrence, qui apparaît insuffisante dans ce secteur.

Le rapporteur a indiqué que la tradition française exclut les personnes physiques de ce type d'activité, tandis que d'autres pays, comme le Royaume-Uni, l'autorisent. Il s'agit de préserver cette exclusion, plus conforme à notre culture en la matière. La proposition de directive, si elle est adoptée, permettra par ailleurs de renforcer la concurrence dans ce secteur.

M. François Guillaume a suggéré que la possibilité d'être dispensé de toute indemnité en cas de remboursement anticipé devrait être étendue à toute forme de crédit.

Le rapporteur a indiqué que cela conduirait à élargir le champ d'application du texte, qui ne vise que le crédit aux consommateurs.

Le Président Pierre Lequiller a félicité le rapporteur pour la qualité de son travail.

A l'issue de ce débat, la Délégation a approuvé la proposition de résolution dont le texte figure ci-après.

PROPOSITION DE RESOLUTION

L'Assemblée nationale,


Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l'harmonisation des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de crédit aux consommateurs (COM [2002] 443 final/n° E 2103),

Vu la proposition modifiée de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux contrats de crédit aux consommateurs modifiant la directive 93/13/CE du Conseil (COM [2005] 483 final),

Considérant que l'objectif de l'achèvement du marché intérieur pour le crédit aux particuliers, notamment le crédit à la consommation, doit être atteint, dès lors qu'il permet, entre autres, aux établissements prêteurs d'exercer leur activité sur un marché plus large et au consommateur de bénéficier d'offres plus avantageuses grâce à une gamme plus étendue de produits, qu'il peut comparer ;

Estimant qu'avec un champ d'intervention plus restreint que ce qu'aurait exigé une pleine harmonisation des droits des consommateurs, de manière à faciliter l'obtention d'une position commune au Conseil, la proposition modifiée représente une meilleure base de négociation et permettra, en outre, aux Etats membres d'apporter, le cas échéant, des améliorations à la protection du consommateur dans les domaines qui ne seront pas couverts ;
Observant de plus que son dispositif, plus clair, comprend des dispositions essentielles et dans l'ensemble adaptées notamment sur la publicité, l'information précontractuelle, l'accès aux bases de données, les informations contractuelles, les informations sur le taux débiteur et l'harmonisation de l'assiette du taux annuel effectif global (TAEG) ;

1. Insiste néanmoins sur l'intérêt pour les Etats membres de pouvoir conserver un dispositif de plafonnement des taux des crédits consentis aux particuliers tel que celui actuellement en vigueur en France ;

2. Considère également que les Etats membres doivent pouvoir réserver la faculté de délivrer des crédits, dans le cadre de l'exercice de leurs activités commerciales ou professionnelles, aux seuls établissements constitués sous la forme de personnes morales, à l'exclusion des personnes physiques ;

3. Juge nécessaire de garantir au consommateur un haut niveau de protection en intégrant dans le régime de droit commun les contrats de prêts inférieurs à 300 euros notamment, ainsi qu'en prévoyant les conditions de résiliation des contrats de mise à disposition d'une réserve d'argent (« revolving ») ;

4. Estime, par ailleurs, que les règles régissant l'ensemble des crédits à la consommation doivent faire l'objet d'une mise en cohérence, indépendamment des garanties dont ces crédits sont le cas échéant assortis, de manière à permettre au consommateur d'arbitrer en toute clarté entre les différents types d'offres qui lui sont faites ;

5. Demande que le consommateur dispose d'un véritable délai de réflexion durant lequel le contrat de prêt ne fait l'objet d'aucun début d'exécution, estimant qu'un équilibre est actuellement atteint en France avec un délai de 7 jours qui peut être réduit à 3 jours en cas de demande de livraison rapide des biens par l'acquéreur, et souhaite qu'en cas de contrat de crédit lié à un contrat d'achat, la rupture de l'un des contrats puisse toujours entraîner celle de l'autre ;

6. Considère, en outre, que le consommateur doit pouvoir être dispensé de toute indemnité en cas de remboursement anticipé, dans les Etats membres où les dispositions nationales le prévoient ou le prévoiraient ;

7. Affirme, enfin, son attachement à l'unité du droit applicable au contrat et demande par conséquent que le principe de la reconnaissance mutuelle ne s'applique pas aux dispositions régissant les relations entre un particulier et un prêteur.

ANNEXE :
Liste des personnes entendues par le rapporteur

¬ A BRUXELLES

- M. Markos Kyprianou, commissaire européen à la santé et à la protection des consommateurs.

¬ A PARIS

- Mme Ariane Obolensky, directrice générale de la Fédération bancaire française ;

- M. Jean-Claude Nasse, délégué général de l'Association française des sociétés financières ;

- Mme Reine-Claude Mader, présidente de la CLCV, consommation, logement, cadre de vie ;

- M. Nicolas Revenu, Union nationale des associations familiales ;

- M. Laurent Courtade, Association française des usagers des banques (AFUB) ;

- M. François Labrunie, Union des familles laïques (UFAL) ;

- Mme Nicole Perez, administratrice nationale, UFC Que choisir ?

- Mme Nelly Mignotte, Comité des constructeurs français d'automobiles ;

- M. Bernard Fitoussi, Credipar ;

- M. Christian Gaudin, directeur, Renault crédit international (RCI) ;

- Mme Louise d'Harcourt, Renault ;

- M. Hervé Pichon, Peugeot.

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Annexe-1

1 () Il s'agit d'un crédit à la consommation garanti par une hypothèque, qui se greffe sur un prêt immobilier plus ancien. Les prêts correspondants sont octroyés pour l'acquisition de biens de consommation, au fur et à mesure que les particuliers remboursent leur logement. Le montant susceptible d'être emprunté se reconstitue au fur et à mesure des remboursements du bien immobilier à l'origine du prêt, qui reste toujours grevé d'une hypothèque, et des prêts à la consommation déjà contractés. Il peut également être réévalué si la valeur du bien immobilier augmente.

2 () Aucune harmonisation n'est intervenue au niveau communautaire pour les crédits immobiliers. La Commission a pris une initiative dans ce domaine, avec le Livre vert sur le crédit hypothécaire, publié le 19 juillet 2005.

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