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mis en distribution

le 1er mars 2004

   

N° 1462

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 25 février 2004

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 1999/62/CE relative à la taxation des poids lourds pour l'utilisation de certaines infrastructures
(COM [2003] 448 final / E 2351)

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement)

PRÉSENTÉE,

en application de l'article 151-1 du Règlement,

par M. Christian PHILIP

Rapporteur de la Délégation

pour l'Union européenne,

Député.

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Voir le numéro : 1461.

EXPOSE DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Sur la longue route que doit encore parcourir l'Union européenne pour parvenir à une véritable politique commune des transports, la présente proposition de directive est peut-être appelée à marquer un tournant.

Par ce texte, la Commission européenne entend autoriser les Etats membres - qui le souhaiteraient - à instaurer un péage kilométrique sur les poids lourds empruntant les autoroutes et les routes du réseau transeuropéen de transport, dont la longueur est de 60 000 kilomètres.

Cette proposition de directive vise un double objectif. Il s'agit d'abord de prévenir le risque d'une fragmentation accrue du marché intérieur. En effet, le système actuel de tarification résultant de la directive 1999/62/CE du 17 juin 1999 repose sur la coexistence de trois régimes : celui des autoroutes à péage, tel qu'il est pratiqué principalement en France, en Espagne et en Italie ; celui du droit d'usage, encore appelé Eurovignette, redevance payée par les poids lourds dans la limite d'un plafond généralement à l'année, dans six Etats membres (Allemagne, Belgique, Danemark, Luxembourg, Pays-Bas et Suède) ; celui de la gratuité, comme c'est le cas des autoroutes non concédées en France.

Or, en vue notamment de pouvoir financer un important programme d'infrastructures, l'Allemagne a décidé, par une loi du 12 avril 2002, d'instaurer un péage kilométrique sur les poids lourds roulant sur les autoroutes. Son entrée en vigueur avait été fixée initialement au 30 août 2003, mais par suite de difficultés techniques, elle a été reportée. Le 17 février 2004, le Gouvernement fédéral a décidé de rompre la marché avec le consortium Toll Collect - composé de Deutsche Telekom et Daimler-Chrysler - ce qui reporte l'entrée en vigueur de la taxe à une date indéterminée.

L'exemple de l'Allemagne a été suivi par l'Autriche, qui prélève, depuis le 1er janvier 2004, un péage sur les poids lourds. Un péage sera également mis en place d'ici à 2006 en Grande-Bretagne.

En France, bien que l'idée de s'inspirer du système allemand ait été largement évoquée lors du débat à l'Assemblée nationale sur les grands projets d'infrastructure, le 20 mai 2003, le Comité Interministériel pour l'Aménagement et le Développement du Territoire du 18 décembre 2003 ne l'a toutefois pas expressément reprise pour l'immédiat.

Dans ce contexte, pour éviter que ces initiatives nationales ne débouchent sur des pratiques discriminatoires à l'encontre des Etats périphériques, la proposition de directive préconise l'instauration d'un cadre commun destiné à fournir la base de calcul aux péages moyens pondérés.

Le second objectif poursuivi par la Commission consiste à doter les Etats membres d'un instrument de financement des infrastructures dans une perspective intermodale. A cette fin, la proposition de directive met en place un système de tarification modulaire. Elle impartit aux Etats d'affecter les recettes de la tarification au secteur des transports et de créer une autorité indépendante de supervision des infrastructures.

Ce dispositif pose, à nos yeux, trois questions.

La première réside dans la controverse qui persiste sur sa base juridique. Certains Etats membres estiment que - comme c'est le cas du texte actuel - la proposition de directive devrait, du fait du volet fiscal qu'elle comporte, être fondée sur deux bases juridiques : d'une part, l'article 71, paragraphe premier, du Traité, qui permet au Conseil à la majorité qualifiée et selon la procédure de codécision avec le Parlement européen, de prendre diverses mesures en matière de transports. D'autre part, l'article 93 du Traité, aux termes duquel le Conseil, statuant à l'unanimité, sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen et du Comité économique et social, arrête des dispositions touchant à l'harmonisation de certaines législations fiscales. Pour sa part, le service juridique du Conseil a confirmé récemment que la seule base juridique pertinente de la proposition de directive était l'article 71 du Traité et que l'article 93 n'avait été ajouté, dans la directive actuelle, que parce qu'y figurait un régime d'encadrement de la taxe sur les véhicules qui n'est pas touché - ou de façon très accessoire - par la proposition de directive.

La deuxième tient à ce que, faute de prendre en compte l'intégralité des coûts externes - c'est-à-dire les coûts des diverses nuisances causées par les poids lourds - la démarche proposée par la Commission est en retrait par rapport aux objectifs affichés par son Livre Blanc de 2001 - La politique européenne des transports à l'horizon 2010 : l'heure des choix.

Enfin, l'Annexe III contenant la méthode de calcul des péages suscite, à l'heure actuelle, l'hostilité d'une majorité des Etats membres. Ceux qui - tels que l'Espagne, la France et l'Italie - sont dotés d'un système d'autoroutes concédées souhaiteraient que cette Annexe ne soit pas applicable aux concessions existantes et futures. Quant aux Etats de transit - Allemagne, Autriche, France, auxquelles s'est joint le Royaume-Uni - ils reprochent à l'Annexe III d'être un cadre trop rigide, qui ne tient pas suffisamment compte des particularités nationales.

Devant l'ampleur des besoins de financement des infrastructures - évalués par la Commission européenne à 600 milliards d'euros - il importe de surmonter cette opposition entre Etats périphériques et Etats de transit. La directive est en effet nécessaire dans son principe comme l'affectation du produit de la taxe. Il importe tout autant de faire en sorte que les modalités de la taxation ne pénalisent pas à l'excès les entreprises du transport routier tout en incitant à un certain report modal nécessaire au nom de l'intérêt général.

Pour parvenir à élaborer un dispositif qui s'inscrive mieux dans la logique d'une politique commune des transports, il vous est proposé d'adopter la proposition de résolution ci-après :

PROPOSITION DE RESOLUTION

Article unique

L'Assemblée nationale,

- Vu l'article 88-4 de la Constitution,

- Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 1999/62/CE relative à la taxation des poids lourds pour l'utilisation de certaines infrastructures (COM [2003] 448 final, document E 2351),

1. Estime nécessaire de retenir la base juridique fondée sur l'article 71, paragraphe premier, du Traité, proposée par la Commission européenne ;

2. Juge souhaitable d'améliorer le dispositif proposé par la Commission et, en conséquence :

a) d'assouplir les modalités de la modulation tarifaire :

· en fixant à 150 % du montant des éléments servant de base de calcul aux péages moyens pondérés le plafond dans la limite duquel ces derniers peuvent varier ;

· en portant à 50 % le montant de la majoration applicable aux péages perçus dans les zones particulièrement sensibles, ce surpéage étant calculé sur la base du plafond de 150 % susmentionné ;

· en autorisant les financements croisés des infrastructures se situant dans le même corridor ou dans la même zone de transport ;

b) d'assurer la compatibilité entre le régime des concessions et la proposition de directive :

· en portant de 15 à 30 ans la durée minimum d'amortissement autorisée ;

· en incluant la rémunération du capital investi dans les coûts d'investissement ;

c) de supprimer l'obligation impartie aux Etats membres d'instituer une autorité indépendante de supervision des infrastructures, pour ne pas multiplier les institutions et afin de respecter le principe de subsidiarité.

3. Demande que les modalités retenues permettent une tarification plus efficace aux plans environnemental et économique :

a) en prenant en compte intégralement les coûts liés aux accidents, à la pollution atmosphérique, au bruit et à la congestion ;

b) en étendant le champ d'application de la proposition de directive aux véhicules légers et aux déplacements urbains ;

c) en maintenant l'obligation pour les Etats membres d'affecter les recettes de la tarification au secteur des transports ;

d) en veillant à assurer de façon concertée l'interopérabilité des systèmes de télépéage routier.

4. Demande aux autorités françaises de saisir la Commission européenne d'un mémorandum soulignant la nécessité d'envisager
- en sus du produit de la taxe envisagée -l'émission d'un emprunt européen en vue de satisfaire aux besoins de financement des infrastructures.

5. Déplore que les conditions dans lesquelles se sont déroulées les discussions de la proposition de directive n'aient pas été pleinement conformes aux dispositions du règlement n° 1/58 du 15 avril 1958 portant fixation du régime linguistique de la Communauté européenne, ni aux principes affirmés par la résolution de l'Assemblée nationale du 6 janvier 2004 sur la diversité linguistique dans l'Union européenne.

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