COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

MISSION D'ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE DES LOIS DE FINANCEMENT
DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

COMPTE RENDU N° 7

Jeudi 12 mai 2005
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M.  Pierre Morange, coprésident

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Michel Morel, vice-président du conseil central d'administration de la Mutualité sociale agricole (MSA) et de M. Yves Humez, directeur général de la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA)

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- Audition de M. Gérard Quévillon, président du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance maladie et maternité des travailleurs non salariés des professions non agricoles (CANAM) et premier vice-président du conseil d'administration de la Caisse nationale de l'organisation autonome d'assurance vieillesse des travailleurs non salariés des professions industrielles et commerciales (ORGANIC), de M. Gérard Rouchy, président du conseil d'administration de la Caisse nationale de l'organisation autonome d'assurance vieillesse des travailleurs non salariés des professions artisanales (CANCAVA) et de M. Jacques Augustin, directeur général commun de la CANCAVA, de l'ORGANIC et de la CANAM

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- Audition de Mme Suzanne Belz, directrice générale de l'URSSAF de Paris et de la région parisienne, de Mme Geneviève Chabas, directrice de l'URSSAF des Bouches-du-Rhône, et de M. Pascal Émile, directeur de l'URSSAF de Tours

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La mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a d'abord entendu M. Michel Morel, vice-président du conseil central d'administration de la Mutualité sociale agricole (MSA) et M. Yves Humez, directeur général de la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA).

M. Pierre Morange, coprésident : J'ai le plaisir de souhaiter la bienvenue à M. Michel Morel, vice-président du conseil central d'administration de la Mutualité sociale agricole, et à M. Yves Humez, directeur général de la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Le champ d'étude de la mission est restreint à l'organisation des branches du régime général de la sécurité sociale, mais il nous a semblé intéressant, à titre de comparaison, de connaître le mode de gestion de la MSA. Dans ce cadre, je vous demanderai de décrire vos missions et les caractéristiques de votre organisation ; de dresser le bilan de la convention d'objectifs et de gestion (COG) 2002-2005 et de nous dire si des objectifs de productivité y figurent pour le contrôle médical ; de nous indiquer quelles orientations vous souhaitez donner à la prochaine COG ; de nous faire savoir enfin quels sont vos coûts de gestion.

M. Michel Morel : Comme vous le savez, la gestion de la MSA est très décentralisée. Et, tels M. Jourdain faisant de la prose, nous avons pratiqué la simplification administrative presque sans le savoir, en installant le guichet unique. La MSA couvre 7 % de la population française, mais le taux de couverture est nettement supérieur dans certains départements, où il s'établit dans une fourchette comprise entre 17 % et 25 % de la population. La Mutuelle, qui protège 4,1 millions de personnes, a versé 25,8 milliards d'euros de prestations en 2004 - 9,6 milliards pour les salariés et 16,2 milliards pour les exploitants - et elle est très attentive à ses coûts de gestion.

M. Pierre Morange, coprésident : Quels objectifs de productivité ont été retenus dans la COG ?

M. Yves Humez : Nous ne pouvons dresser qu'un bilan à mi-parcours. La COG a été élaborée sur la base d'un plan stratégique qui prévoyait la restructuration du réseau pour tenir compte à la fois d'une démographie agricole déclinante et des gains de productivité nécessaires, qui supposent des caisses d'une taille suffisante. C'est ainsi que de 74 entreprises en 2000 nous sommes passés à 58 caisses départementales ou pluri-départementales, soit par fusions, soit par fédérations de caisses avant fusion.

M. Pierre Morange, coprésident : Pourquoi avez-vous estimé nécessaire ce schéma intermédiaire ?

M. Yves Humez : Parce qu'il s'agit d'opérations complexes aussi bien sur le plan technique que sur le plan humain. Opter pour une fédération de caisses permet que les conseils d'administration considérés continuent d'exister et que les administrateurs se persuadent, à l'usage, de l'utilité d'une fusion qu'ils n'auraient pas nécessairement acceptée immédiatement. Il n'était pas possible de procéder à des fusions par la contrainte. Il fallait donc trouver les moyens de les faciliter.

M. Michel Morel : La MSA a toujours été très proche de ses adhérents et elle entend continuer de l'être. Il fallait donc concilier la constitution de caisses d'une taille suffisante et le maintien du contact sur le terrain.

M. Pierre Morange, coprésident : Quels objectifs de productivité souhaitez-vous fixer dans la prochaine COG ? Vous avez mentionné le guichet unique, dont je souligne la pertinence, et rappelé que votre gestion est décentralisée. Ces éléments ne sont-ils pas source de difficultés en matière de ressources humaines lorsque l'on entreprend de faire fusionner les caisses ? Par ailleurs, qu'en est-il de la gestion de votre parc informatique ? Envisagez-vous une rationalisation ?

M. Yves Humez : Nous avons estimé important de conserver des sites départementaux ou pluri-départementaux et nous avons privilégié la mobilité fonctionnelle plutôt que la mobilité géographique, si bien que les salariés n'ont pas eu à changer de lieu de travail. Pour ce qui est de l'informatique, nous avons régulièrement défini des schémas directeurs. Nous en sommes au troisième. Nous avons ainsi créé un centre de développement des logiciels et cinq centres d'exploitation. De plus, le basculement vers UNIX a été très rentable. L'ensemble de ces décisions nous a permis de réduire nos coûts informatiques, ce qui ne nous empêche évidemment pas de réfléchir à notre prochain schéma directeur. Il couvrira la période 2006-2010 et il sera axé sur la dématérialisation. Cette démarche, indispensable, s'engagera au moment où les départs à la retraite passeront de 400 à 700 par an. L'occasion nous sera ainsi donnée de revoir les emplois nécessaires, qui ne sont pas les mêmes qu'hier.

M. Pierre Morange, coprésident : Dans quelle proportion comptez-vous remplacer les départs à la retraite ?

M. Yves Humez : Notre perspective est d'en remplacer un sur deux.

M. Pierre Morange, coprésident : Cela vous paraît-il conciliable avec une gestion décentralisée ?

M. Yves Humez : Nous avons fort heureusement restructuré notre réseau quand il le fallait. En effet, dans les plus petites caisses, l'expertise est faible. Notre objectif est de parvenir à un réseau de quelque 40 entreprises en 2006. Tout en améliorant nos services de proximité par la création d'agences nous bénéficierons de l'expertise nécessaire dans des caisses de taille suffisante. Nous escomptons réduire ainsi nos effectifs de 10 % au cours des cinq prochaines années sans mettre en péril le service de proximité auquel nous tenons.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Pourriez-vous décrire une agence de proximité ?

M. Pierre Morange, coprésident : ...et nous dire l'incidence qu'aura sur vos coûts de gestion le remplacement d'un départ à la retraite sur deux?

M. Yves Humez : Toutes nos agences de proximité ne sont pas semblables, car nous souhaitons la configuration la mieux adaptée à chaque région, mais elles ont des caractéristiques communes en ce qu'il s'agit, dans tous les cas, d'endroits ouverts au public aux horaires de bureau habituels, et où les adhérents peuvent avoir la réponse à toutes les questions qu'ils se posent. Ces agences remplissent manifestement leur fonction partout où elles sont implantées. La restructuration a permis d'opérer des gains de gestion que nous avons ainsi réemployés.

M. Michel Morel : Il existe cinq de ces agences dans la Somme, ce qui correspond aux besoins de la population couverte. Les demandes des adhérents sont suivies au plus près, ce qui a une incidence favorable sur le service rendu et sur la qualité du traitement des dossiers.

M. Yves Humez : Une projection en euros constants permet d'estimer que nous pourrions passer d'une masse salariale de 588 millions à 544 millions dans cinq ans, soit une réduction de 7,5 %. Par ailleurs, nous avons couplé à nos cinq centres informatiques cinq centres d'édition. Cela nous permet, en nous pliant aux demandes de La Poste, de conserver des tarifs contractuels intéressants.

M. Pierre Morange, coprésident : À ce sujet, qui négocie les contrats ?

M. Yves Humez : Dans le cas de La Poste, il s'agit d'un contrat cadre qui a des déclinaisons locales. Les achats se font dans l'ensemble localement, mais nous avons constitué un GIE chargé de certains types d'achat.

M. Pierre Morange, coprésident : N'envisagez-vous pas de généraliser les achats en commun ?

M. Yves Humez : Nous les groupons aussi souvent que nécessaire.

M. Pierre Morange, coprésident : Comment s'explique la différence de réduction des coûts de gestion selon les caisses après les fusions ?

M. Yves Humez : D'une part, la diminution des coûts ne se fait pas sentir immédiatement après une fusion, d'autant qu'il n'y a eu aucun plan social. Beaucoup dépend aussi de la taille des caisses, du nombre d'entreprises fusionnées et de départements concernés.

M. Michel Morel : Nous souhaitons amener les conseils d'administration à se préoccuper des coûts de fonctionnement des caisses et nous leur fournissons des ratios à cet effet. Mais il s'agit d'entreprises de services qui, à ce titre, ont d'importants frais de personnel.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : À combien s'élèvent, en pourcentage, vos coûts de gestion ?

M. Yves Humez : À 4,1 % des prestations en moyenne. Nos allocations aux caisses sont fonction de leur volume d'activité et non de leurs besoins, si bien que ce qui est suffisant pour l'une peut ne pas l'être pour une autre. Il peut donc y avoir déficit. Dans ce cas, une recherche d'économies s'impose, qui incite dans un premier temps à la recherche d'économies de gestion, puis au rapprochement avec les caisses voisines. Ce mécanisme a été un puissant levier de restructuration.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Ainsi, certaines de vos caisses sont plus vertueuses que d'autres ?

M. Yves Humez : Oui.

M. Pierre Morange, coprésident : Quel est le champ de compétences de la caisse centrale dans un dispositif très décentralisé ?

M. Yves Humez : La MSA est une caisse centrale et non une caisse nationale. N'étant pas un établissement public, elle n'est, juridiquement parlant, que faiblement armée pour imposer des directives aux caisses départementales. Pourtant, nous avons réussi à nous restructurer, ce qui tend à démontrer qu'il n'est pas toujours besoin de grands pouvoirs pour faire avancer les choses. Il y a cinq ans, les administrateurs ont décidé que la restructuration était nécessaire. Il nous est ensuite revenu d'offrir aux caisses un appui méthodologique, et l'ensemble a produit des effets. Je suis persuadé que la coercition aurait été moins efficace.

M. Michel Morel : Il est exact que les caisses sont plus ou moins vertueuses. Comme vous l'a dit M. Yves Humez, nous avons peu de moyens juridiques, mais nous avons le souci constant de rappeler aux conseils d'administration qu'ils sont responsables de la gestion de leur caisse devant leurs membres. La persuasion a suffi à faire évoluer le réseau. Si on lui avait préféré la contrainte, je suis convaincu qu'on aurait assisté à une véritable débandade de gens démotivés. Nous nous devions de faire que les élus gardent des responsabilités.

M. Pierre Morange, coprésident : Je retiens que la caisse centrale a un pouvoir d'influence et un rôle de facilitateur. Pour ce qui est maintenant de la future COG, avez-vous décidé de mutualiser les services « invisibles » que sont les centres d'appels téléphoniques et les centres comptables et administratifs ? Quelles sont d'autre part vos relations avec votre tutelle ?

M. Yves Humez : La seule particularité de notre tutelle est qu'elle est exercée par le ministère de l'agriculture. Pour le reste, il s'agit d'un contrôle budgétaire classique. De par la population que nous couvrons, nos liens avec le ministère sont très étroits mais il nous faut, dans le même temps, traiter les problèmes généraux de la sécurité sociale. A ce sujet, la gestion du guichet unique est un peu complexe mais elle présente beaucoup d'avantages. En particulier, ce dispositif réduit notablement les coûts de gestion, puisque toutes les informations dont nous avons besoin sont disponibles au sein d'une seule base de données, ce qui évite d'avoir à les demander et à les saisir plusieurs fois. C'est d'autant plus appréciable que la MSA assure aussi le recouvrement pour l'UNEDIC, l'AGIRC, l'ARRCO, la complémentaire maladie et les associations de formation.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Vous êtes convaincu des avantages du guichet unique. Pensez-vous que ce dispositif puisse être transposé à d'autres régimes ?

M. Yves Humez : Le guichet unique est une manière d'apporter un service à laquelle je crois, et je constate avec satisfaction que d'autres régimes vont s'inspirer de notre modèle, notamment celui des artisans et des commerçants. Je ne sais si un tel dispositif peut être généralisé mais j'observe que lorsque l'on connaît bien une population et ses représentants, avec lesquels on entretient des liens permanents, une synergie se crée.

Pour ce qui est de la mutualisation des services, la restructuration en est une en soi. La création de cinq centres informatiques et de cinq centres d'édition en est une autre, et nous avons aussi créé l'équivalent du versement en un lieu unique (VLU). Comme je l'ai dit, notre réflexion porte à présent sur la dématérialisation car, s'il est nécessaire que nos adhérents puissent être reçus, la production peut se faire ailleurs. Un schéma directeur sera défini pour améliorer l'efficacité de notre dispositif.

S'agissant du contrôle médical, la MSA dispose de 250 médecins-conseils et de 300 médecins du travail. Ces derniers s'attachent à prévenir les accidents du travail et mettent l'accent sur la santé et la sécurité au travail. Nos médecins-conseils ont les missions traditionnellement dévolues aux médecins-conseils du régime général. Ils interviennent par ailleurs pour mettre au point et coordonner des projets d'ingénierie médico-sociale, comme ils l'ont fait lorsque nous avons expérimenté notre réseau de gérontologie. Il leur revient aussi de repérer les comportements de prescription aberrants et d'en alerter les auteurs.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Menez-vous une action de dépistage ?

M. Yves Humez : Oui. Des examens différents sont proposés selon les catégories d'âge considérées.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Quel est le coût moyen d'un examen de prévention ?

M. Yves Humez : Je vous le ferai savoir.

M. Jean Pierre Door, rapporteur : Votre politique gérontologique est exemplaire.

M. Yves Humez : Nous souhaitons l'étendre encore.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Comptez-vous créer des plates-formes téléphoniques ?

M. Yves Humez : Nous procédons à une expérimentation sur deux sites, car nous ne souhaitons pas généraliser un tel dispositif sans être certains de son utilité.

M. Michel Morel : Il faut savoir que la MSA compte dix élus dans chaque canton et que le téléphone sonne chez les présidents départementaux sans considération d'horaires.

M. Pierre Morange, coprésident : Le guichet unique sous-entend la polyvalence des compétences dans des métiers différents. Or, certaines des personnalités que nous avons entendues la tiennent pour inenvisageable. Comment l'avez-vous acquise ?

M. Yves Humez : Au cours de sa carrière, un agent peut se spécialiser successivement dans différents domaines. D'autre part, si la législation est complexe, tous les dossiers ne le sont pas, et 80 % d'entre-eux peuvent être traités sans anicroches. On ne peut tendre à la polyvalence absolue, mais une certaine flexibilité permet de s'ajuster aux besoins.

M. Pierre Morange, coprésident : Quelles réflexions vous inspire l'évolution démographique prévisible dans le secteur agricole ? Quelles sont vos perspectives d'équilibre entre recettes et dépenses ?

M. Yves Humez : La MSA est chargée de la gestion du régime de protection sociale des salariés d'une part, des exploitants d'autre part. A mon avis, l'équilibre du régime des salariés agricoles se maintiendra. En revanche, le nombre des 650 000 exploitants actuels diminuera, et l'on compte, à ce jour, deux millions de retraités.

Le fonds de financement des prestations sociales agricoles (FFIPSA) va être installé aujourd'hui même. La question posée est de savoir si l'effort contributif des cotisants de la MSA est comparable à celui des cotisants aux autres régimes. Si ce n'était pas le cas, une correction s'imposerait, mais s'il y a parité, ce qui est le cas, le déficit constaté s'explique par la situation démographique du régime. Dans ces conditions, il serait logique de mettre en œuvre le dispositif légal de compensation puisqu'il faudra bien, in fine, équilibrer le FFIPSA. En matière de protection sociale, la règle n'est-elle pas qu'à effort contributif équivalent, il doit y avoir prestations équivalentes ? Or, à un revenu agricole évalué à 6,6 milliards, il faut déjà rapporter une dépense de 6,2 milliards pour l'assurance maladie seulement. Des apports extérieurs sont donc nécessaires, ce qui signifie que la solidarité interprofessionnelle ou nationale doit s'exercer.

M. Michel Morel : L'effort contributif étant à parité, et l'agriculture française connaissant les mutations profondes que l'on sait, la question est de savoir si la communauté nationale veut faire preuve de solidarité envers une partie de sa population qui perd de ses actifs et envers des retraités qu'il faut soutenir.

Mme Cécile Gallez : Comment parvenez-vous à intervenir auprès des prescripteurs ? Qui se permet de dire à un médecin : « Vous prescrivez trop » ?

M. Yves Humez : Si un médecin-conseil constate qu'un mode de prescription s'écarte du comportement moyen, il en fait part, par lettre ou oralement, au médecin considéré. Généralement, cette observation suffit, car il s'agit le plus souvent de méconnaissance. C'est pourquoi des référentiels précis seraient nécessaires. Là encore, il ne s'agit pas de coercition, mais d'explications : la mise en évidence de pratiques prescriptives différentes suffit à faire corriger le tir.

M. Jacques Domergue : Avez-vous constaté un changement de comportement des assurés depuis la réforme de l'assurance maladie ? Avez-vous modifié vos contrôles ?

M. Yves Humez : Nous suivons la réforme, puisque nous sommes membres de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM). Il est un peu tôt pour dire si les comportements ont changé, mais nous avons mis au point un partenariat avec la Fédération des aînés ruraux pour diffuser des informations sur la bonne gestion du médicament. Pour ce qui est de l'évolution des dépenses, nous sommes en dessous de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) pour les dépenses de ville, mais cela a toujours été le cas, car nos assurés recourent moins aux spécialistes que les assurés du régime général.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Nous vous serions reconnaissants de nous faire parvenir vos suggestions et propositions éventuelles de simplifications réglementaires et administratives.

M. Yves Humez : Cela sera fait. Je ne saurais conclure sans rappeler que la MSA a mis au point le titre emploi simplifié agricole, grand élément de simplification. D'une manière générale, nous considérons que, si complexité il y a, elle doit rester dans les caisses mais que tout doit être simple pour nos assurés.

M. Pierre Morange, coprésident : Je vous remercie.

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La mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a ensuite entendu M. Gérard Quévillon, président du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance maladie et maternité des travailleurs non salariés des professions non agricoles (CANAM) et premier vice-président du conseil d'administration de la Caisse nationale de l'organisation autonome d'assurance vieillesse des travailleurs non salariés des professions industrielles et commerciales (ORGANIC), M. Gérard Rouchy, président du conseil d'administration de la Caisse nationale de l'organisation autonome d'assurance vieillesse des travailleurs non salariés des professions artisanales (CANCAVA) et M. Jacques Augustin, directeur général commun de la CANCAVA, de l'ORGANIC et de la CANAM.

M. Pierre Morange, coprésident : J'ai le plaisir d'accueillir M. Gérard Quévillon, président du conseil d'administration de la CANAM et premier vice-président du conseil d'administration de l'ORGANIC, M. Gérard Rouchy, président du conseil d'administration de la CANCAVA, et M. Jacques Augustin, directeur général commun de la CANCAVA, de l'ORGANIC et de la CANAM.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Vous avez la chance historique de fonder un nouveau régime : le régime social des indépendants (RSI), qui exercera la mission d'interlocuteur social unique pour le recouvrement des cotisations et des contributions sociales personnelles des travailleurs indépendants. L'ordonnance relative à la création, à titre transitoire, d'institutions communes aux régimes de sécurité sociale des travailleurs indépendants est parue le 31 mars dernier et, le 20 avril, est paru le décret d'application précisant la composition et le fonctionnement de l'instance nationale provisoire. Le RSI devrait fonctionner à partir du 1er janvier 2006. Vous êtes donc en train de négocier sur des thèmes délicats : le schéma d'implantation territoriale des futures caisses de base du nouveau régime, la fusion des trois caisses nationales actuelles, et les garanties sociales dont bénéficieront les agents. Dans ce contexte, pourriez-vous préciser les motivations qui ont conduit à la création d'un nouveau régime, dire quelles sont les principales difficultés rencontrées dans le processus de fusion et expliquer l'impact attendu de la réforme sur la qualité des services d'une part, sur les coûts de gestion d'autre part ?

M. Gérard Quévillon : Après que l'État a fait plusieurs tentatives visant à définir un interlocuteur unique pour nos trois réseaux dans le seul domaine du recouvrement des cotisations, nos trois conseils d'administrations ont eu le courage de décider une fusion destinée à procurer aux indépendants un régime social commun. Une des particularités de nos trois régimes est que nous avions décidé, dès leur création, que certaines prestations et certains services seraient rendus par des compagnies d'assurances privées ou des mutuelles. Il en résulte, pour le paiement des prestations maladie, un réseau de points d'accueil déjà constitué, qui subsistera dans le nouveau régime.

Les difficultés ont tenu à ce qu'il a fallu convaincre trois réseaux de travailler ensemble alors qu'ils avaient des cultures différentes. Tous, cependant, avaient à cœur le service à l'adhérent et le suivi des dossiers. Le souci commun est de savoir si la fusion permettra de maintenir et d'améliorer le service rendu. L'exercice est difficile, mais tous nos salariés sont motivés. La fusion améliorera progressivement le coût de gestion, mais dans une certaine proportion seulement car elle est prévue sans licenciements. Cependant, tous les départs à la retraite ne seront pas remplacés. Or, sur un effectif total, pour les trois régimes, de 5 600 employés, nous nous attendons à quelques 600 ou 700 départs, soit de 15 % à 17 % du personnel, d'ici 2008.

Notre souhait est d'améliorer le suivi social de nos adhérents tout en stabilisant les coûts de gestion.

M. Pierre Morange, coprésident : Quel sera le ratio de remplacement ?

M. Gérard Rouchy : Il est difficile de vous répondre car les besoins en personnel dépendront des décisions que prendra l'instance provisoire sur la localisation des caisses et des agences de proximité.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Vous devez bien avoir une petite idée.

M. Gérard Quévillon : On dénombre 95 sites pour les trois régimes confondus. Selon les premières projections, il serait possible de limiter le nouveau réseau, qui se substituerait aux implantations actuelles, à quelque 40 caisses. Nous n'en savons pas plus à ce jour.

M. Gérard Rouchy : L'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) a rendu un rapport à ce sujet, qui est sur le bureau du ministre. L'instance provisoire tranchera en fonction de ses conclusions.

M. Pierre Morange, coprésident : Quel sera le domaine de compétences de la structure centrale ? Quels seront vos liens avec l'URSSAF pour la collecte des cotisations ?

M. Gérard Quévillon : La partie la plus délicate de la fusion est la répartition entre le RSI et l'URSSAF. Nous avons obtenu du Gouvernement que la partie sociale des cotisations soit traitée par le RSI. La partie « encaissement » proprement dite fera l'objet d'une autre ordonnance, et nous n'avons pas encore négocié ce que nous étions prêts à accepter. En effet, si, dès l'origine, la branche « maladie » a délégué l'encaissement des cotisations aux organismes conventionnés, les caisses « vieillesse » régionales encaissaient directement.

M. Gérard Rouchy : L'intitulé du nouveau régime dit à lui seul notre volonté de simplification. En fusionnant deux caisses « retraite » et une caisse « maladie », on parviendra à rationaliser les coûts et à faciliter la compréhension du dispositif par les assurés, qui appréhenderont mieux à quoi servent leurs cotisations. Nous avons bâti la protection sociale des indépendants étape par étape alors qu'artisans et commerçants étaient, au départ, hostiles à une telle construction. Le schéma initial, c'était qu'à la retraite, on vendait la boutique. En dépit de mouvements, poujadistes et autres, très contestataires, nous avons réussi à faire que le taux de recouvrement soit actuellement de 97,59 %, ce qui n'est pas rien. Nous souhaitons améliorer encore l'acceptation des cotisations en créant des organismes de proximité capables d'accompagner les adhérents tout au long de leur exercice professionnel en leur offrant une couverture sociale efficace.

Il a beaucoup été dit que les pensions de retraite des artisans sont basses. Pourtant, nous sommes alignés sur le régime général depuis 1978 et, depuis la création d'un régime complémentaire, le taux de pension des artisans est identique à celui des salariés. Dans tout ce processus, nous avons servi de facilitateurs. Il reviendra au RSI de simplifier encore ce qui peut l'être. Pour autant, il faut conserver un réseau de proximité.

M. Pierre Morange, coprésident : Le RSI étant dans sa phase de préfiguration, je comprends votre prudence. Il n'empêche : quel schéma de gouvernance envisagez-vous ? Quelles seront les compétences de la structure centrale ? Qui décidera de la gestion des ressources humaines et particulièrement du taux de remplacement des départs à la retraite ? Quel est l'état de votre parc informatique ? Qui décidera de la politique d'achats ?

M. Gérard Rouchy : Chaque régime avait établi son schéma directeur informatique, mais les dispositifs ne sont pas compatibles. Toutefois, un GIE informatique a été constitué entre l'ORGANIC et la CANCAVA. Il servira de base de travail pour le RSI.

M. Pierre Morange, coprésident : J'ai cru comprendre en filigrane que vous vous êtes donné la MSA pour modèle. Or, la MSA s'est dotée du système UNIX. Comptez-vous faire de même ? Avez-vous déjà un calendrier de standardisation informatique ? Quel sera, dans l'architecture générale du futur régime, le schéma de gestion des ressources humaines ?

M. Jacques Augustin : Comme vous l'avez rappelé, nous sommes dans la phase de préfiguration. A l'avenir, le RSI se composera d'une structure centrale et d'un réseau de caisses regroupées. Le principe est que les caisses bénéficieront d'une autonomie régionale assez large mais que tout ce qui est structurant demeurera national. Ce sera le cas, notamment, du dialogue social, de l'informatisation et des finances. Nous recherchons ainsi un équilibre tel que nous ne privions pas les caisses régionales de l'autonomie à laquelle elles ont droit puisqu'elles ont des administrateurs élus. Mais nous en sommes encore au stade de la négociation.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Avez-vous déjà une idée de ce que seront les structures de proximité si le nombre de vos caisses est réduit à une quarantaine ?

M. Jacques Augustin : Par « proximité », il faut entendre facilité d'accès aux informations et qualité du service rendu. Or, il existe plusieurs écoles. On peut en effet concevoir des réseaux très dispersés dans les régions avec des caisses qui ont des antennes et qui assurent des permanences, mais l'on peut privilégier un autre mode de fonctionnement, avec des caisses professionnelles qui centralisent tout à Paris mais disposent d'une plate-forme téléphonique très efficace. Il y a donc plusieurs manières d'assurer la proximité. Là encore, tout dépendra des décisions qui seront prises en matière d'implantation territoriale.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Qu'en sera-t-il du contrôle médical ?

M. Gérard Quévillon : Je soulignerai tout d'abord que le taux d'augmentation des dépenses de santé est, pour ce qui nous concerne, un peu inférieur à celui du régime général. Il n'empêche que des contrôles seront nécessaires en plus grand nombre. Actuellement, ils ont lieu sur pièces, beaucoup par téléphone et un peu sur place. Dans ce cas, désormais, le médecin se déplace et convoque les assurés d'un même canton. C'est un grand progrès, car de ce fait, les adhérents perdent moins de temps. Nous disposons de cent médecins contrôleurs, dont les missions sont celles des médecins contrôleurs du régime général. La particularité de leur statut est qu'ils dépendent à la fois d'une direction nationale et du directeur régional.

M. Jacques Domergue : Je ne doute pas que votre volonté de simplification ira au-delà de la simplification du libellé du régime. Étant moi-même issu d'une famille de commerçants, je crois pouvoir dire qu'améliorer le service rendu doit consister à simplifier le dispositif. Commerçants, artisans et travailleurs indépendants sont beaucoup plus informatisés que ne le sont les agriculteurs ; de ce fait, l'amélioration du service rendu passera sans doute par l'informatique et le téléphone plutôt que par le contact physique. Pour ce qui est du contrôle médical, on considère parfois que les travailleurs indépendants retravaillent plus vite que les salariés du régime général après un arrêt maladie. Est-ce là ce qui explique le faible nombre de vos médecins contrôleurs ?

M. Gérard Quévillon : Lorsque nous avons créé les indemnités journalières, elles étaient limitées à 90 jours. A présent, nos adhérents disposent d'un crédit de 360 jours indemnisés sur trois ans. Dans les premiers temps, le dispositif était mal connu et, de plus, la tradition n'était pas de s'arrêter dans les professions considérées. Mais une nouvelle génération arrive et beaucoup de ces plus jeunes indépendants ont eu l'habitude du salariat. De ce fait, on constate une augmentation importante du volume d'indemnités journalières versées depuis 12 à 18 mois. La question est de savoir si le versement d'indemnités journalières doit imposer, de manière concomitante, la fermeture du commerce ou de l'entreprise. Mais l'on ne peut dépêcher la gendarmerie ou un médecin conseil vérifier qu'un magasin est bel et bien fermé. De surcroît, un commerçant ou un artisan, même malade, peut se trouver sur son lieu de travail par défaut. Tout cela doit être clarifié. En l'état, il est impossible d'affirmer que pour bénéficier d'indemnités journalières, il faut fermer la boutique, surtout lorsque le travailleur indépendant travaille avec son conjoint.

M. Jacques Domergue : On peut considérer que, si l'assuré travaille seul et qu'il est malade, la boutique doit être fermée. Mais s'il travaille avec son conjoint, il peut y avoir cumul entre indemnités journalières et travail.

M. Gérard Quévillon : Les choses sont encore plus compliquées, car il peut aussi y avoir des remplaçants. Nos médecins s'intéressent surtout aux petits arrêts de travail répétés, ceux qui coûtent le plus cher.

M. Pierre Morange, coprésident : Quelles seront les relations du RSI avec les mutuelles et les sociétés d'assurance ?

M. Gérard Quévillon : Les organismes conventionnés continueront de régler les prestations pour nos assurés, artisans, commerçants et travailleurs indépendants. Je souligne que les professions libérales ne participeront au RSI que pour les prestations maladie.

M. Pierre Morange, coprésident : Comment se fait la répartition entre mutuelles et sociétés d'assurance ?

M. Gérard Quévillon : Par moitié. Quoiqu'il en soit, cela n'a pas d'incidence sur le coût de gestion. Pour ce qui est des sociétés d'assurance, plusieurs réseaux antérieurement indépendants sont à présent regroupés au sein de RAM-GAMEX. Mais RAM est le seul organisme conventionné pour les DOM.

M. Pierre Morange, coprésident : Ces conventionnements peuvent-ils être remis en cause dans le cadre européen, par une obligation d'appels d'offre ?

M. Gérard Quévillon : Un agrément est nécessaire, qui suppose de répondre à un cahier des charges très fourni.

M. Gérard Rouchy : Aujourd'hui, ces organismes sont conventionnés avec la CANAM. Un nouveau conventionnement devra avoir lieu avec le RSI.

M. Pierre Morange, coprésident : Quels sont les objectifs de la prochaine COG ?

M. Jacques Augustin : À ce jour, les COG des trois régimes ont été convenablement respectées. Pour la COG à venir, nous n'en sommes qu'à l'analyse préliminaire, puisque le RSI est encore en cours de constitution. L'année 2006 sera donc une année entre parenthèses, avec un budget reconduit au prorata.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Nous vous serions reconnaissants de nous transmettre vos éventuelles propositions de simplification législatives et réglementaires.

M. Gérard Quévillon : On nous a fait travailler sur ce sujet il y a quelques années, et nous nous étions accordés sur douze mesures de simplification administrative que nous ne voyons pas appliquer. Il était par exemple prévu qu'à partir du 1er janvier 2006 nos adhérents ne recevraient plus qu'un seul appel de cotisations. Nous espérons que cela se fera, mais nous sommes inquiets de ce que nous entendons dire à ce sujet et nous constatons que les imprimés nécessaires n'existent toujours pas. Que l'on commence donc par appliquer les dispositions retenues et voulues, et passons ensuite à un autre chantier.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Le projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises ne prévoit-il rien à ce sujet ?

M. Jacques Augustin : A ma connaissance, ce texte ne dit rien de la périodicité ni du mode de calcul des cotisations appelées. Mais cela pourrait faire l'objet d'amendements. On m'a signalé que la direction de la sécurité sociale exige, pour le suivi de la réforme de l'assurance maladie, la collation de 180 indicateurs. Ne pourrait-on simplifier ?

M. Pierre Morange, coprésident : Y aura-t-il des échanges de bonnes pratiques entre le RSI et les branches du régime général ?

M. Gérard Quévillon : Bien sûr. Et nos trois régimes, qui appartiennent à l'UNCAM, suivent déjà la réforme avec attention.

M. Gérard Rouchy : Je ne doute pas que la restructuration de nos trois réseaux suscite beaucoup d'émoi, et les élus que vous êtes ne doivent pas manquer de sollicitations tendant au maintien de telle ou telle caisse. Si, donc, je devais formuler un vœu, ce serait que le législateur nous laisse aller au bout de notre idée. S'agissant des arrêts maladie, le projet de loi en faveur des PME prévoit un statut du conjoint qui permettra de régler bien des choses.

M. Pierre Morange, coprésident : Messieurs, je vous remercie.

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La mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a enfin entendu Mme Suzanne Belz, directrice générale de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Paris et de la région parisienne, Mme Geneviève Chabas, directrice de l'URSSAF des Bouches-du-Rhône, et M. Pascal Émile, directeur de l'URSSAF de Tours.

M. Pierre Morange, coprésident : Nous avons le plaisir d'accueillir Mme Suzanne Belz, directrice générale de l'URSSAF de Paris et de la région parisienne, Mme Geneviève Chabas, directrice de l'URSSAF des Bouches-du-Rhône, et M. Pascal Émile, directeur de l'URSSAF de Tours. Je donne tout de suite la parole au rapporteur afin qu'il pose ses premières questions.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : L'objet de notre mission d'évaluation et de contrôle est d'examiner l'organisation et le coût de gestion des branches de la sécurité sociale. Nous souhaitons savoir comment fonctionne la direction générale du réseau, comment elle mutualise les bonnes pratiques, comment on peut optimiser l'implantation territoriale des URSSAF de manière à mettre notamment en commun les ressources consacrées à l'accueil et au conseil. On entend souvent des critiques sur la mauvaise accessibilité téléphonique des URSSAF. Comment résoudre ce problème ? Par des plateformes ? Des centres d'appel ?

Par ailleurs, l'ACOSS négocie actuellement une nouvelle COG. Il serait bon que nous ayons des échos du terrain sur ce que vous souhaitez y mettre et sur la façon dont vous évaluez la précédente.

Mme Suzanne Belz : L'URSSAF de Paris a une certaine spécificité : c'est la seule URSSAF régionale de France, elle couvre tous les départements de l'Île-de-France à l'exception, due à des raisons historiques, de la Seine-et-Marne. Elle compte un million de cotisants, recouvre 53 milliards d'euros de cotisations chaque année et emploie 3 000 salariés.

Qu'avons-nous fait ces dernières années face aux problèmes de coûts, de productivité, de qualité du service rendu ? Nous sommes partis du principe que nous devions rester une union régionale, car d'une part la dimension régionale a du sens, et elle permet, ce qui est très important, d'assurer l'égalité de traitement des cotisants sur l'ensemble du territoire de la région. J'entends par là une même interprétation de la réglementation, une même politique de gestion du risque et donc de délais, une même politique de remise de majorations de retard, et une même politique de contrôle. Il y a donc un seul conseil d'administration, une seule commission de recours amiable et une seule direction générale.

Mais cela ne suffit pas. Il fallait aussi gérer la question de la proximité avec nos cotisants et avec nos partenaires, en nous implantant physiquement dans les sept départements de notre ressort. Nous avons donc, au cours des trois dernières années, déplacé 3 000 personnes en région parisienne, ce qui montre qu'on peut moderniser le service public dès lors qu'on en a la volonté et qu'on arrive à négocier. Au 13 décembre 2004, toutes les directions départementales étaient implantées là où sont nos cotisants et nos partenaires : à Saint-Quentin-en-Yvelines dans les Yvelines, à Evry dans l'Essonne, à Nanterre dans les Hauts-de-Seine, à Créteil dans le Val-de-Marne, à Cergy dans le Val-d'Oise, les quatre directions de Paris étant regroupées deux à deux à La Villette et à la ZAC Rive Gauche.

Troisième élément : l'URSSAF régionale est fortement mutualisée, ce qui entraîne des coûts moindres. La trésorerie est unique pour les dix directions départementales de recouvrement, ce qui nous donne de la force dans la négociation avec les banques, et nous permet d'obtenir les meilleures conditions possibles. Nous avons aussi mutualisé les encaissements et le traitement des bordereaux récapitulatifs, car tout le monde n'est pas encore passé à la dématérialisation : c'est un choix laissé aux entreprises. Nous avons également, bien sûr, mutualisé les achats et marchés. Il y aura donc d'importantes économies d'échelle dans la COG 2006-2011.

Alors même qu'il a fallu déplacer 3 000 personnes, que l'URSSAF de Paris est fortement syndicalisée, qu'elle se trouvait dans un immeuble de grande hauteur près de la mairie de Montreuil et de la Bourse du Travail, la déconcentration, il faut le souligner, s'est faite sans mouvement de grève, même s'il y a eu des moments difficiles, grâce au fait que nous avons pu expliquer aux uns et aux autres l'intérêt qu'ils pouvaient y trouver.

M. Pierre Morange, coprésident : Vous avez donc délocalisé 3 000 personnes ?

Mme Suzanne Belz : Oui. Nous avons fait remplir des fiches de vœux, avec trois vœux classés par ordre de préférence. Les personnels ont eu un comportement individuel, et non pas un comportement collectif, comme le voulait la CGT. Quand 3 000 personnes travaillent dans un immeuble de grande hauteur, il suffit de mettre des affiches dans les ascenseurs...

M. Pierre Morange, coprésident : Une délocalisation, donc, fondée sur le principe du volontariat ?

Mme Suzanne Belz : Nous avons eu cette chance que 88 % des premiers vœux ont pu être satisfaits. Ensuite, ont été pris en compte des critères médicaux, sociaux, etc. En général, les gens se sont rapprochés de leurs lieux de vie, certains ont déménagé. Ce grand mouvement de personnels a entraîné une très forte chute des arrêts de travail de courte durée.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : De combien ?

Mme Suzanne Belz : De deux points. Nous étions à 4 %. Quand les gens, notamment les femmes qui ont des enfants, font deux heures de trajet dans chaque sens entre leur domicile et leur lieu de travail, ils se mettent facilement en arrêt de travail.

M. Pierre Morange, coprésident : Ce n'est pas spécifique à l'URSSAF. Beaucoup de salariés sont dans cette situation.

Mme Suzanne Belz : J'ai été en province, et la région parisienne a deux spécificités : c'est que le logement y est plus cher et que les trajets y sont plus longs.

M. Pierre Morange, coprésident : Certes, mais c'est vrai pour tous les gens qui vivent et travaillent en région parisienne.

Mme Suzanne Belz : Oui.

M. Pierre Morange, coprésident : Les arrêts de courte durée, donc, ont diminué de moitié ? Quelle est leur durée moyenne ?

Mme Suzanne Belz : Les arrêts de courte durée sont ceux de moins de trois mois, les autres sont des arrêts de longue durée.

M. Pierre Morange, coprésident : Mais quelle est leur durée moyenne ?

Mme Suzanne Belz : Je n'ai pas les chiffres, mais il y a beaucoup d'arrêts de très courte durée, de moins de trois jours, qui ne donnent pas lieu à indemnités journalières compte tenu du délai de carence. Il faut dire que nous avons également renforcé les contrôles. Mais les absences de longue durée restent très importantes : de l'ordre de 10 %, ce qui est considérable. Cela inclut les congés parentaux, sabbatiques, pour création d'entreprise... Ce sont des absences non rémunérées, mais que l'on ne peut pas remplacer parce que la convention collective prévoit que le salarié garde son poste. Et si l'on ajoute à cela l'impact des 35 heures, c'est assez difficile à gérer.

Reste que nous avons bénéficié de la baisse des arrêts de travail de courte durée et récupéré ce que nous avions perdu en productivité avec les 35 heures et on a supprimé les emplois non remplacés, soit 140 postes, l'équivalent de ce qui nous avait été attribué au moment du passage aux 35 heures.

M. Pierre Morange, coprésident : Et le contact téléphonique ?

Mme Suzanne Belz : Vous avez tout à fait raison d'en parler, car cela a très longtemps été le point noir. Nous ne prenions que à 8 ou 9 % des communications, ce qui était tout à fait scandaleux de la part d'un service public.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : C'est-à-dire que 90 % des appels n'aboutissaient pas ?

Mme Suzanne Belz : Absolument.

M. Pierre Morange, coprésident : C'est le souvenir que j'en ai comme praticien libéral !

Mme Suzanne Belz : Je suis arrivée en 1995, et nous avons cherché la meilleure solution. La seule qui marche, c'est la plate-forme téléphonique, qui est totalement opérationnelle depuis le 18 avril dernier. Nous prenons désormais 95 % des communications, et répondons immédiatement à 81 ou 82 % des questions posées. Le problème du téléphone est enfin réglé, et nous y sommes arrivés en redéployant du personnel. Il y a 120 personnes, dont beaucoup ont été recrutées pour remplacer des départs. Il y a beaucoup de turn-over, mais ça marche bien, et quand l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) nous a demandé d'élargir nos horaires, nous avons pu le faire. Quand un téléopérateur ne peut pas répondre lui-même à la question posée, il fait une fiche dématérialisée, qui arrive sur le micro-ordinateur de la personne compétente, laquelle a 48 heures pour répondre. Nous faisons, bien entendu, le suivi du rappel, qui se fait dans de bonnes conditions.

Il y avait un autre sujet catastrophique, c'est l'accueil physique. Quand je suis arrivée, il y avait, pour un million de cotisants, un seul centre, à Montreuil. Le délai d'attente moyen aux guichets était de 5 heures, et encore n'était-on pas sûr de voir son problème traité. Aujourd'hui, il y a des centres d'accueil dans chaque département, et le délai moyen d'attente est de dix à douze minutes. Un service public peut parfaitement se moderniser. Il faut y mettre du temps, beaucoup communiquer. On peut ainsi améliorer la qualité du service rendu et la productivité. La mutualisation permet aussi de réaliser des gains de productivité supplémentaires.

M. Pierre Morange, coprésident : Le problème de l'accueil téléphonique est-il réglé dans tous les départements ?

Mme Suzanne Belz : Oui, car nous avons un numéro de téléphone unique, qui aboutit à notre plateforme. Ensuite, s'il y a un contentieux ou un problème de délai de paiement à traiter, l'usager accède à son gestionnaire de compte ou au rédacteur compétent au moyen d'un numéro de sélection directe à l'arrivée, mais la plateforme a permis de réduire très fortement la pression téléphonique sur ces personnels. Il ne reste plus que 20 % d'appels à traiter en départemental.

M. Pierre Morange, coprésident : Dans les Yvelines, en tout cas, l'URSSAF n'est même pas contactable téléphoniquement. Il n'y a même pas de numéro de téléphone.

Mme Suzanne Belz : Non, car c'est le même numéro pour les sept départements : c'est le 08 2001 10 10, qui aboutit à une plateforme qui est physique, qui n'est pas virtuelle. Lorsqu'il y a un problème de contentieux un peu fin ou de mise à jour du compte, une correspondance est adressée qui sort d'une bibliothèque type, avec le nom et le numéro de la ligne directe du gestionnaire. Qu'il y ait encore des ajustements à faire dans les Yvelines, où les personnels ont migré au cours du dernier trimestre 2004, c'est possible, mais je crois vraiment que nous avons tout ce qu'il faut pour régler ce problème.

M. Pierre Morange, coprésident : Nous avons bien compris votre souci de mutualisation, mais avez-vous pu mesurer précisément les économies réalisées ? Selon nos informations, les coûts ne sont pas les mêmes d'un endroit à l'autre. L'URSSAF de Paris, par exemple, emploie 2 850 équivalents temps plein, soit 20 % des effectifs de la branche recouvrement, pour gérer 790 000 comptes cotisants, soit 13 % seulement du total. La moyenne nationale est de 360 comptes actifs par équivalent temps plein, contre 273 à Paris. Le coût de gestion d'un compte à Paris est supérieur de 46,5 % à la moyenne nationale, elle-même tirée vers le haut par la région parisienne. Si l'on ramenait le coût parisien à la moyenne nationale, l'économie réalisée serait de l'ordre de 57 millions d'euros.

Mme Suzanne Belz : Les chiffres que vous citez englobent le centre informatique, le centre national de validation, le centre national de formation professionnelle, ainsi que le centre du titre emploi-entreprise, dont les budgets doivent être sortis du coût total.

Je suis par ailleurs surprise du chiffre que vous donnez pour le nombre des comptes cotisants, car nous sommes en réalité très proches du million.

M. Pierre Morange, coprésident : C'est le chiffre de l'ACOSS.

Mme Suzanne Belz : Je ne sais pas comment ils sont parvenus à ce chiffre de 700 000. Je serais très étonnée d'avoir perdu 200 000 comptes sans m'en apercevoir...

S'agissant des coûts, nous sommes dans une phase transitoire. Nous restons avec des services mutualisés dans notre immeuble de grande hauteur, dont le coût, très important, se cumule avec celui des immeubles loués en région parisienne.

M. Pierre Morange, coprésident : Quel intérêt y a-t-il à le conserver après la délocalisation ?

Mme Suzanne Belz : Il y reste près d'un millier de personnes : la direction générale, le service de pilotage, tous les services mutualisés dont je vous ai parlé, parmi lesquels la direction des affaires juridiques, que tous les ministères consultent. Bien entendu, nous sommes en négociation pour vendre la tour, qui devrait être libérée fin 2005 ou au premier trimestre 2006. J'avais fait beaucoup de choses dans ma vie, mais je ne m'étais jamais occupée à vendre une tour. C'est très difficile, on y arrivera, mais certainement pas au prix estimé par l'administration des Domaines. La mairie de Montreuil est très présente dans la négociation, car la tour est pour elle un élément essentiel du redémarrage du cœur de ville. Nous avons des acheteurs potentiels très sérieux, le chiffre le plus bas qui nous ait été proposé est de 15 millions d'euros et le plus élevé de 22 millions. Nous avons eu des propositions à 22 millions, soit le montant de l'estimation par les Domaines, mais le maire de Montreuil ne veut pas voir débarquer les fonds de pension américains, non plus que les Chinois. Il y a une pression très forte de la mairie, nous ne sommes pas seuls en cause. Nous avons décidé, avec M. Louis-Charles Viossat, directeur de l'ACOSS, de faire le point d'ici la fin du mois de juin, sur les différentes propositions que nous avons, celle de BNP-Paribas, bientôt celle de la Société générale...

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Nous allons maintenant nous tourner vers Marseille. J'ai les mêmes questions que tout à l'heure, sur les coûts de gestion, sur le service rendu, sur le téléphone, sur la mutualisation des moyens et des bonnes pratique.

Mme Geneviève Chabas : Notre problème, que ce soit à Marseille ou dans le reste de la France, est un peu inverse. Il ne s'agit pas, comme à Paris, de déconcentrer un organisme que sa taille éloignait des usagers, mais de rapprocher des organismes actuellement séparés. Il ne s'agit même pas de dire s'il faut recentraliser ou non au niveau régional. L'organisation géographique n'est pas une fin en soi, mais un moyen d'arriver à des objectifs, et ces objectifs doivent être clairs et priorisés : le service à l'usager, l'abaissement des coûts, le recouvrement effectif des cotisations, condition sine qua non du versement des prestations. Il ne faudrait pas qu'une recentralisation mal pensée ait pour effet d'éloigner les usagers. Le service public est un enjeu primordial, la baisse des coûts aussi, mais à Marseille les coûts ne cessent de baisser, bien plus vite que la moyenne nationale - il faut dire qu'ils en avaient besoin ! On ne fera pas l'économie d'une étude approfondie, car on ne peut pas se contenter de partir de l'idée que, par définition, il y aura des économies d'échelle.

Si l'on prend l'exemple du chèque emploi service, il a réussi dans la mesure où il est moins coûteux que la gestion des comptes par les organismes, mais la Cour des comptes, qui a évalué cette différence de coût, a indiqué, tout en soulignant qu'il ne s'agissait que d'une estimation, que le nombre des comptes géré dans les URSSAF était connu quoique sous-évalué, tandis que celui du chèque emploi service était surévalué, du fait qu'on sort du dispositif comme on veut, ce qui répond d'ailleurs à la volonté de simplification qui a présidé à sa création. Je ne sais pas exactement comment est géré le chèque emploi service, mais si l'on n'envoie plus de titre pendant un ou deux ans, je ne crois pas qu'on sorte des fichiers pour autant, alors que l'URSSAF vous taxe d'office si vous ne renvoyez pas votre déclaration trimestrielle. Avant de généraliser, donc, il faut étudier les choses.

M. Pierre Morange, coprésident : Vous avez dit que vous aviez fait des économies de gestion au-delà de la moyenne nationale. De combien, et quels sont les objectifs que vous vous fixez ? Qu'est-ce qui vous a amenée à changer la politique de cette caisse dont vous connaissez bien l'histoire, puisque vous la dirigez depuis vingt-cinq ans ? Et quelles méthodes avez-vous utilisées ?

Mme Geneviève Chabas : Nous avons des coûts importants dans les Bouches-du-Rhône parce que la situation économique y est très difficile : le chômage y est supérieur de cinq points à la moyenne nationale. Autre exemple : quand nous nous comparons à la caisse de Lyon, qui est la plus proche de la nôtre, nous avons 9 % de comptes en plus, mais moitié plus de comptes débiteurs, ce qui signifie trois fois plus de mises en demeure et d'avis amiables à envoyer, de coups de téléphone à passer, de demandes de délai à examiner, etc. Or ce poids n'est pas pris en compte dans les calculs de l'ACOSS, pour qui un compte est un compte.

M. Pierre Morange, coprésident : Compte tenu de cette situation sociale très dégradée, qui n'est pas vraiment nouvelle, avez-vous tout de même pu trouver des marges de manœuvre ?

Mme Geneviève Chabas : Je me suis très fortement investie dans les nouvelles technologies : la lecture automatique des documents, leur gestion informatisée, les échanges de données informatisées, que l'URSSAF de Marseille a été la deuxième à mettre en place après celle de Saint-Etienne. Tout cela a permis des gains de productivité très importants, notamment grâce à la lecture automatique.

M. Pierre Morange, coprésident : De combien ? Et en combien de temps ?

Mme Geneviève Chabas : La lecture automatique des documents est en place depuis sept ou huit ans. L'échange de données informatisées n'a pas donné de gains de productivité encore, mais une entreprise obtient son numéro SIRET en moins de huit jours, au lieu de trois semaines ou un mois auparavant. Il y a donc un gain en termes de qualité de service, de délai de traitement, un gain aussi en nombre de postes. Nous avons supprimé, ces dernières années, 47 postes administratifs.

M. Pierre Morange, coprésident : Sur combien ?

Mme Geneviève Chabas : Nous sommes actuellement à 462, nous étions à 442 lorsqu'il y a eu la RTT, qui s'est accompagnée d'une compensation - partielle, j'y insiste - des effectifs. Nous avons eu 20 postes de plus, mais en réalité cela faisait moins d'heures de travail, et mieux vaut calculer la productivité en fonction du nombre d'heures de travail que du nombre de postes. Mais même en rapportant le nombres de points activité au nombre d'équivalents temps plein, nous sommes passés de 2 900 en 2000 à 3 300 en 2004, ce qui n'est tout de même pas mal.

M. Pierre Morange, coprésident : Mais les 35 heures ont été appliquées dans toute la France, et la situation sociale du département n'est pas nouvelle. En cinq ans, quel a été le pourcentage d'amélioration des coûts de gestion ?

Mme Geneviève Chabas : Le calcul fait par la caisse nationale, sans tenir compte des heures perdues, est celui que je viens de vous donner : nous sommes passés de 2 900 à 3 300. Si vous prenez le nombre de comptes par équivalent temps plein, on passe de 293 à 310, soit bien plus que la moyenne nationale, ce qui est normal car il y a eu rattrapage. Nous avons supprimé 47 postes, mais cela ne ressort pas des chiffres nationaux, car le calcul des points activité a changé depuis.

M. Pierre Morange, coprésident : Pouvons-nous avoir ces éléments en pourcentage ?

Mme Geneviève Chabas : Je pourrai vous les communiquer.

Mme Suzanne Belz : Il y a une autre approche possible : c'est le coût d'encaissement d'un euro. Là, les marges sont extrêmement fortes, car si l'on répartit la France en quatre quartiles, le premier est à 0,29 %, le deuxième à 0,45 %, le troisième à 0,55 %, le dernier à 0,67 %. Je fais partie des gens qui pensent qu'il faut trouver une taille critique pour les URSSAF. Actuellement, certaines ont 35 salariés, d'autres 3 000. Je ne crois pas qu'aucun de ces deux extrêmes soit souhaitable, et je ne vois pas comment nous pourrons éviter, au cours de la période 2006-2011, d'aborder la question de la restructuration du réseau. L'URSSAF de Paris l'a fait d'une certaine façon, en prenant le dossier à l'envers, d'autres le prendront dans l'autre sens. Cela ne veut pas dire qu'il faille déplacer tout le monde, sûrement pas, car la proximité est une bonne chose, et il ne s'agit pas de semer la pagaille ni l'inquiétude, mais il faut tout de même un peu plus de cohérence, ainsi qu'une meilleure égalité de traitement entre les cotisants. Quand je vois que la Seine-Maritime compte trois URSSAF - celle de Rouen, celle du Havre et celle de Dieppe -, cela veut dire trois politiques de contrôle, trois politiques de délais, trois politiques de majorations de retard. Ce n'est pas une bonne chose.

M. Pierre Morange, coprésident : Nous comprenons bien cette réflexion, mais il faut distinguer entre les services qui supposent un contact direct avec l'usager et ceux qui peuvent être mutualisés sans dommage, par exemple au niveau régional.

Mme Geneviève Chabas : Notre coût d'encaissement est de 0,35 %, ce qui est excellent, et notre budget de fonctionnement hors personnel est, en euros constants, inférieur de 33 % à ce qu'il était il y a vingt ans.

S'agissant du téléphone, dont je n'ai pas encore parlé mais que je tenais à aborder car c'est très important, nous avons depuis quatre ans une plateforme qui nous a permis de faire passer le taux d'appels pris de 62 %, ce qui était très mauvais, à plus de 92 % aujourd'hui. Les cotisants le remarquent et nous le disent.

M. Pierre Morange, coprésident : Je donne maintenant la parole à M. Pascal Émile, directeur de l'URSSAF de Tours.

M. Pascal Émile : Je suis en place à l'URSSAF de Tours depuis 2004 seulement, ce qui ne m'empêche pas d'avoir un regard sur les dix dernières années. C'est une URSSAF de taille moyenne, où l'approche est forcément différente, et le fait régional prend toute son importance en matière de collaboration au sein d'un même réseau.

Y a-t-il eu une évolution de la productivité ? Le très faible taux de « reste à recouvrer » en fin d'année, qui a été divisé par deux en dix ans, s'explique par le fait que le recouvrement s'est professionnalisé : qu'il s'agisse de la simplification des procédures de déclaration ou de celles de recouvrement - amiable ou forcé -, des investissements très lourds ont été faits. Les gains de productivité ont été investis dans des opérations qui ont automatisé le traitement et qui, surtout, ont permis au métier de gestionnaire de comptes cotisants d'évoluer vers des missions de vérification et de contrôle, ce qui se retrouve aujourd'hui dans les résultats de la branche.

Parallèlement, les effectifs ont été simplement maintenus, malgré la réduction du temps de travail. Au total, les coûts de gestion, rapportés au point d'activité, ont été maîtrisés sur l'ensemble de la période, et les gains de productivité réinvestis dans une professionnalisation du recouvrement et dans un renforcement de la relation de service au cotisant.

A Tours, la plateforme téléphonique locale existe depuis cinq ans, et le taux de décroché est de 94 ou 95 %. Profitant de l'expérience que nous avions acquise, les autres URSSAF de la région Centre nous ont rejoints, et la plateforme est désormais ouverte à tous les usagers de la région, depuis le 1er avril dernier, de 8 heures à 18 heures 30, à coût constant pour l'ensemble des URSSAF, qui nous ont rétrocédé une partie de leur dotation pour développer ce nouveau service.

M. Pierre Morange, coprésident : Vous ont-ils rétrocédé du personnel ou le budget correspondant ?

M. Pascal Émile : Le budget, ce qui a permis d'embaucher des téléconseillers formés à répondre à des demandes simples, lesquelles représentent 80 % de l'ensemble, et à répercuter les questions plus complexes aux différentes URSSAF. De nombreux autres sujets sont à l'étude, comme le partage de certaines fonctions comme les encaissements ou le traitement des déclarations uniques d'embauche, ou encore de certaines fonctions support comme les achats. Tout cela devrait se retrouver dans la prochaine COG.

S'agissant de la relation aux cotisants, si l'accueil n'est plus un problème, la mission de conseil aux entreprises s'est beaucoup développée, leur demande de sécurité juridique étant de plus en plus sophistiquée. Sur quelque 50 000 comptes cotisants, nous avons 400 rendez-vous par an avec des entreprises en difficulté et accordons environ 85 % des moratoires de paiement demandés, ce qui contribue in fine à l'efficacité du recouvrement.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : Vous êtes une caisse de taille moyenne, et les conditions économiques moyennes de la région - que je connais bien - ne sont pas trop mauvaises. N'est-ce pas l'un des facteurs qui influent sur le coût de gestion des dossiers ?

M. Pascal Émile : Absolument. Dans un bassin économique comme celui de Chartres, par exemple où les difficultés économiques sont plus grandes, le coût de gestion est plus élevé.

M. Pierre Morange, coprésident : Si l'on observe l'évolution du coût de gestion d'un compte, on se rend compte que votre écart par rapport à la moyenne nationale s'est quelque peu effrité ces dernières années. Pourquoi ?

D'autre part, où en est votre parc informatique, notamment pour ce qui est de l'interopérabilité et de la dématérialisation des données ?

M. Pascal Émile : Le coût de gestion s'est un peu dégradé, c'est vrai, mais l'ACOSS a fait le calcul toutes charges confondues. Or, l'URSSAF de Tours s'est vu confier deux missions nationales importantes, dont l'une est l'élaboration d'un logiciel pour la gestion de l'ensemble du personnel de la branche. Une fois corrigé de ces éléments, le coût de gestion est stable sur l'ensemble de la période.

S'agissant de l'informatique, nous avons automatisé au maximum les tâches de gestion, et nous encaissons aujourd'hui 80 % de nos recettes sous forme dématérialisée. Cela étant, nous avons encore besoin d'investir, car le système est très orienté vers la production et pas assez vers le client, vers l'interface du cotisant. La télédéclaration donne encore lieu, parfois, à des incidents.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur : J'ai une question qui s'adresse à tous les trois. On a parlé à plusieurs reprises de la taille des URSSAF, du nombre de cotisants. Quelle serait, selon vous, l'implantation qui permettrait la plus grande optimisation des coûts de gestion ?

Mme Suzanne Belz : On ne peut pas prendre la question de cette façon-là. Tout le monde est d'accord pour que ce soit l'URSSAF du voisin qui disparaisse, mais quand il s'agit de la sienne... La question est de savoir quel système de gouvernance régionale mettre en place pour améliorer la cohérence, l'égalité de traitement, la mutualisation. Cela passe par des discussions avec les politiques, c'est-à-dire avec vous, et avec les partenaires sociaux. Le MEDEF et la CGPME viennent de revenir dans les URSSAF : c'est un élément qui compte. Les voies de passage sont certes un peu étroites, mais on a bien réussi à faire fonctionner des centres de traitement informatique régionaux ou interrégionaux, on peut trouver des solutions dans d'autres domaines aussi. Nous avons avec l'ACOSS une COG régionale, que nous déclinons par branche et par direction départementale. On ne peut pas demander le même effort, s'agissant du « reste à recouvrer » à la Seine-Saint-Denis et aux Hauts-de-Seine, où ce « reste à recouvrer » est très bas.

Mme Geneviève Chabas : Cela rejoint ce que je disais tout à l'heure : l'organisation n'est pas une fin en soi, le problème est de savoir quels objectifs sont prioritaires. Si le coût vient en premier, il faudra limiter sur certains points le service. Une taille optimale normalisée n'est pas un objectif en soi. Pour moi, l'objectif, c'est ce que nous avons à faire : recouvrer les cotisations et améliorer le service. Diminuer les coûts aussi, bien sûr, mais nos coûts diminuent déjà. Cela ne veut pas dire qu'on ne peut pas les diminuer encore par une nouvelle organisation, mais cela exige beaucoup de prudence.

M. Pascal Émile : La question du réseau est fortement posée. Vous me permettrez de ne pas me prononcer, sinon pour dire que l'important est d'avoir, au cours des prochaines années, de la lisibilité sur la taille optimale des caisses. Cela dit, méfions-nous des effets de mode. L'informatisation nous permet à la fois d'être très présents sur le territoire et de rationaliser beaucoup de tâches, notamment celles qui relèvent du « back-office », c'est-à-dire du traitement de masse, en les concentrant sur un certain nombre de points du territoire.

Mme Geneviève Chabas : Étant également directrice du centre informatique interrégional pour PACA, Languedoc-Roussillon et la Corse, je précise que nous avons un centre d'achats commun, qui permet à nos quinze URSSAF de bénéficier de coûts d'approvisionnement plus bas, sans leur imposer tel ou tel matériel. C'est une formule que l'on peut développer, car elle pose peu de problèmes politiques et permet beaucoup d'économies.

M. Pierre Morange, coprésident : Mesdames, monsieur, je vous remercie.

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