COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

MISSION D'ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE DES LOIS DE FINANCEMENT
DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

COMPTE RENDU N° 19

Mercredi 31 mai 2006
(Séance de 9 heures)

12/03/95

Présidence de M. Pierre Morange, coprésident

SOMMAIRE

 

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Auditions sur la tarification à l'activité dans les établissements de santé :

 

- M. Olivier Toma, président du Syndicat des cliniques spécialisées (SCS)

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- Mme Isabelle Millet-Caurier, chargée des missions d'appui et de coordination, responsable de la cellule politique sanitaire et sociale à la Fédération nationale de la Mutualité française (FNMF)

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La mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a d'abord entendu M. Olivier Toma, président du Syndicat des cliniques spécialisées (SCS).

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Bienvenue à l'Assemblée nationale. Je vous demanderai tout d'abord comment on vous avait présenté la tarification à l'activité dans les établissements de santé (T2A) et ce que vous en attendiez.

M. Olivier Toma : La T2A nous avait été présentée comme un système plus équitable pour le monde de l'hospitalisation en général et pour les cliniques en particulier puisque le Président de la République avait dit que les établissements seraient financés en fonction de tarifs établis sur la base des coûts de revient, sur les coûts de réalisation des actes, et qu'à terme il y aurait une rémunération identique pour l'hospitalisation publique et les cliniques privées.

Mais l'aventure a rapidement mal tourné, et j'imagine que je ne suis pas le premier à vous dire que la mise en place de la T2A a été totalement chaotique. Changer de tarification au mois de mars entraîne nombre de problèmes par la suite. Il est ainsi quasiment impossible de tenir des tableaux de bord comparés d'une année sur l'autre. J'ajoute que, contrairement à ce qui est dit, il n'y a absolument aucune concertation et que l'on apprend souvent du jour au lendemain ce qui doit être mis en œuvre. Ainsi, on nous a donné le 28 février 2005 les tarifs à appliquer le 1er mars ! On imagine comme il est facile de gérer une entreprise de la sorte... Cette année encore, on nous annonce 1 % de diminution de manière globale ce qui est totalement faux : c'est beaucoup plus que cela, car tout dépend du « mix » d'activités qu'on peut avoir. Je vous fournirai tous les chiffres à ce propos.

Le bilan montre donc un manque de pilotage et de concertation qui perdure. Vous trouverez un certain nombre d'exemples dans le document que je vous ai fourni. Ainsi, depuis le 15 mars 2006 et avec la nouvelle liste des groupes homogènes de séjour (GHS), certains petits actes de dermatologie ne peuvent plus être facturés en établissement privé. Les agences régionales de l'hospitalisation (ARH) nous disent qu'ils doivent être accomplis en cabinet, tandis que les dermatologues affirment qu'un risque septique et anesthésique l'empêche. Finalement, les actes sont bien accomplis en clinique, qui fournit le bloc opératoire et le personnel médical, mais sans aucune rémunération puisque l'établissement ne peut rien facturer. Et quand on s'adresse à la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) ou au ministère de la santé, ils bottent en touche ou ne répondent pas.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Pourrez-vous nous donner des chiffres très précis et nous indiquer quelles lésions ne peuvent plus être opérées ?

M. Olivier Toma : Je vous transmettrai les résultats de l'étude que nous avons réalisée à ce propos avec le syndicat des dermatologues.

Autre illustration caricaturale du manque de concertation : auparavant, lorsque le patient qui était sur la table d'opération devait subir un deuxième acte, il était possible de le facturer, divisé par deux ; aujourd'hui, c'est impossible, et tant pis si cela doit entraîner des comportements illogiques dans le monde médical. On nous parle de contrôle et de sanctions, mais il n'y aurait pas de dérapage si le système était bien fait au départ ! Voilà deux ans que nous demandons la reconnaissance du deuxième acte mais nous n'avons aucune réponse.

Autre exemple : si l'idée de rémunérer un acte au GHS par forfait est une bonne chose en soi, à laquelle nous ne sommes pas hostiles, on ne fait plus aujourd'hui la différence entre un accouchement avec et sans péridurale. On nous parle de « plan de prise en charge de la douleur » mais on refuse de reconnaître que le coût n'est pas du tout le même. La décision comptable stupide serait de renoncer à toute péridurale. Ce n'est évidemment pas la bonne, mais il est aberrant de ne pas pouvoir distinguer deux actes en fonction de leur qualité.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Vous mettez donc en évidence les actes pour lesquels la T2A est susceptible d'entraîner des situations contraires à l'intérêt du patient.

M. Olivier Toma : Absolument. Je peux vous donner l'exemple très simple de l'opération des varices : aujourd'hui si vous traitez les deux jambes, vous n'êtes payé que pour une. La mauvaise logique consiste alors à réhospitaliser, réanesthésier, réopérer...

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Et quand vous faites savoir cela, par exemple à la Mission T2A (MT2A), quelles sont les réactions ?

M. Olivier Toma : Les réactions sont toujours les mêmes depuis deux ans : on botte en touche en nous disant qu'on attend les résultats de l'étude nationale de coûts. Or cette étude a déjà beaucoup de plomb dans l'aile. L'établissement qui m'emploie y participe et je puis vous dire qu'il s'agit d'un travail énorme car passer à la comptabilité analytique sur des actes chirurgicaux est extrêmement complexe. On devait avoir les résultats en novembre 2005, puis en février 2006, puis en avril et on - « on », c'est-à-dire la Direction de l'hospitalisation et l'organisation des soins (DHOS) aussi bien que le cabinet INEUM Consulting, chargé de l'étude - nous dit maintenant qu'on ne les aura pas en 2006. Cela signifie que nous aurons peut-être en 2007 les résultats d'une étude basée sur les chiffres de 2004, ou au mieux de 2005.

On prétend que cela tient au fait que les cliniques n'ont pas fourni les éléments en temps et en heure, alors que je sais fort bien que nombre des établissements qui sont dans l'étude, dont le mien, ont donné tous les renseignements. Mais la méthode de recueil des données n'est pas au point et ils n'arrivent pas à s'en sortir. Pourtant, il existe d'autres études, avec des résultats sur l'ensemble des 750 groupes homogènes de malades (GHM), mais dont personne ne veut entendre parler. C'est le cas de celle qu'a réalisée le cabinet CTC Conseil, qui repose pourtant sur la méthodologie édictée par le ministère de la santé.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Que vous demande-t-on exactement : de fournir, sur une certaine durée, toutes les données dont vous disposez sur les actes accomplis dans des cliniques volontaires pour participer à l'étude ? Les informations sont-elles fournies sur papier ou par l'Internet ?

M. Olivier Toma : Les cliniques ont été choisies par la DHOS, même si certaines ont fait acte de candidature parce qu'elles disposaient déjà d'une comptabilité analytique.

S'agissant de données comptables établies souvent à partir des mêmes logiciels, elles peuvent aisément être transmises par l'Internet.

Sur un échantillon de 50 cliniques, peut-être 10 n'ont pas respecté les délais parce qu'il s'agit vraiment d'un exercice très lourd, mais le cabinet CTC est bien parvenu à mener une étude sur 100 établissements privés.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Cette étude a-t-elle été effectuée à votre demande ?

M. Olivier Toma : Non. Le cabinet CTC, qui a monté avec la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP) un Observatoire économique des cliniques, a demandé aux établissements qui y figurent s'ils souhaitaient aussi participer à une étude des coûts, sur la base de la méthodologie du ministère.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Lors de leur audition, les représentants de la FHP ne nous ont pas parlé de cette étude.

M. Olivier Toma : Elle confirme que la T2A n'est pas acceptable si elle n'est pas basée sur la réalité des coûts de revient. On a une base de tarifs qui repose sur une étude de coûts dans le secteur public - c'est très bien -, mais pas dans le secteur privé. Or, établir des tarifs sans tenir compte de la réalité des coûts, c'est une faute de gestion !

J'ai apporté les chiffres pour 20 GHM traceurs, c'est-à-dire pour des actes effectués en grande quantité. Nous avons intégré les honoraires des médecins, afin de pouvoir véritablement comparer les tarifs accordés au secteur public et au secteur privé. Le problème n'est pas l'échelle des tarifs mais le fait que, sur 20 actes, 14 sont rémunérés au-dessous de leur coût de réalisation.

Prenons l'exemple de l'accouchement, qui est un acte qui nous tient à cœur, puisque le secteur privé en réalise encore 250 000, soit plus de 30 % des naissances. Selon l'étude réalisée en novembre dernier à la demande du ministère de la santé par le cabinet INEUM, un accouchement normal par voie basse - soit 80 % de l'obstétrique française - qui respecte les normes, les textes et la qualité de la prestation, coûte aujourd'hui 2 300 euros à une clinique, hors honoraires. Ce coût intègre tout ce qui fait le compte d'exploitation d'un établissement de santé : la main-d'œuvre - qui représente environ la moitié des dépenses dans le secteur hospitalier - les médicaments, les consommables, l'hôtellerie pour une durée moyenne de séjour de 4,5 à 5 jours, et tout ce qui a trait au bâtiment. Or, en tant qu'établissement de santé, nous sommes payés 1 700 euros. Au vu de ces chiffres, le ministère nous a accordé ce que j'appellerai davantage une discussion qu'une véritable négociation, qui a abouti, après des mois de réunions, à l'annonce d'une revalorisation de 60 euros du GHS du nouveau-né.

Mais cela ne peut pas marcher ! En effet, si faute d'une rémunération suffisante des établissements privés ferment, cela entraîne un report vers les établissements publics ou le même acte est rémunéré 1 000 euros de plus. Prenons l'exemple de la ville de Béziers, où je travaille : mon établissement réalise 1 500 accouchements par an, et si nous fermons - car nous sommes dans une situation économique dramatique, au bord du dépôt de bilan -, les patientes iront à l'hôpital d'en face, pour un surcoût d'exploitation de 1,5 million d'euros par an, sans même parler du coût de la construction d'une trentaine de chambres et d'un nouveau bloc d'obstétrique.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Disposez-vous de comparaisons poste par poste entre le public et le privé ?

M. Olivier Toma : Nous pouvons vous dire exactement comment se décomposent les 2 300 euros dans le privé, mais absolument pas effectuer de comparaisons avec le public. Notre discours ne se veut pas polémique vis-à-vis de la rémunération de l'hôpital public et nous comprenons tout à fait qu'il puisse y avoir des rémunérations différentes. Le problème est que quand on nous parle de convergence, il faut converger vers le coût de réalisation de l'acte.

Nous sommes d'ailleurs de ce point de vue dans une relation conflictuelle avec le corps médical. Nous avons récemment écrit à la CNAMTS pour lui demander des précisions sur la part que représente la rémunération du praticien dans l'acte CCAM (Classification commune des actes médicaux) et dans le forfait GHS de l'établissement. Je vous lis sa réponse : « La répartition des charges entre les médecins et l'établissement relève exclusivement de la relation contractuelle entre le médecin et l'établissement (...) et ne modifie(nt) en rien la situation antérieure. Le coût de la pratique qui couvre les charges incombant en propre au praticien, directement ou indirectement, pour réaliser son activité a été évalué à partir des données observées. (...) Les coûts liés à l'introduction de nouvelles techniques seront dorénavant intégrés aux GHS ». Mais personne ne sait comment et nous pouvons vous dire que c'est même totalement faux ! Aucune nouvelle technique médicale, aucun nouveau procédé n'entraîne de réévaluation du GHS.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Pour la sécurité sociale, il y a facturation de 1 760 euros pour l'accouchement, plus le remboursement des honoraires des praticiens. Y a-t-il en plus un forfait de bloc opératoire ?

M. Olivier Toma : Les 1 760 euros représentent le forfait global sans rien de plus. Quant aux honoraires, en prenant en compte un taux de 100 % de péridurales, on arrive à 650 euros tout compris : médecin, gynécologue, anesthésiste, échographiste, pédiatre. Le coût global pour l'assurance maladie d'un accouchement réalisé dans le secteur privé est donc aujourd'hui de 2 410 euros. Le coût du même accouchement à l'hôpital public est de plus de 3 300 euros. Tout transfert de l'activité du premier vers le second entraînerait donc une forte augmentation des dépenses.

S'agissant de la prise en compte des nouvelles techniques médicales, on peut prendre l'exemple des implants multifocaux qui permettent, au moment de l'opération de la cataracte, de traiter aussi la presbytie. C'est une avancée extraordinaire, mais le GHS n'existe pas. Et quand vous vous tournez vers la CNAMTS ou vers la DHOS on vous répond « pour l'instant c'est comme ça ». L'implant pour la cataracte coûte entre 120 et 180 euros, inclus dans le GHS. L'implant multifocal coûte 400 euros.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : En ce qui concerne les dispositifs médicaux (DMI) implantables, quelle est la situation du public et du privé ?

M. Olivier Toma : Pour la partie facturée en T2A par l'hôpital public, une nouvelle liste de GHS a été édictée, dans laquelle sont inclus les dispositifs implantables.

Mais c'est aussi un domaine où l'on s'est moqué de nous. On nous a annoncé des augmentations tarifaires très importantes au 15 mars, par exemple de plus de 27 % pour l'opération du genou. Mais dans la mesure où on y inclut un dispositif implantable à hauteur de 716 euros, en réalité le GHS diminue de 24 % ! Quand on nous dit que les GHS ont été calculés sur des coûts moyens constatés, c'est complètement faux !

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : On nous a dit qu'il y avait de grandes différences de coûts entre les prothèses de hanche, sans que cela apparaisse justifié. En revanche, entre un dispositif implantable simple pour la cataracte et un autre qui traite en même temps la presbytie, on peut comprendre qu'il y ait un surcoût. J'aimerais connaître votre sentiment sur les écarts de prix pratiqués d'un établissement à l'autre.

M. Olivier Toma : Dans la mesure où les achats d'un millier d'établissements passent par deux centrales - CAPE et Club H - et où tout est négocié au niveau national pour l'ensemble de nos matériels, qu'il s'agisse d'une prothèse ou d'une chaise, il n'y a pas de tarifs différents selon les établissements.

Les chirurgiens font clairement la différence de qualité entre tel ou tel matériel. Mais d'autres facteurs peuvent intervenir. Par exemple, pour le traitement de la cataracte, des ophtalmologistes nous disent que poser un anneau intra-capsulaire en plus de l'implant garantit un bien meilleur résultat. Mais cela représente un surcoût de 182 euros, que l'on ne prend absolument pas en compte dans la fixation des tarifs. Pour ma part, je suis bien incapable de vous dire si le surcoût est justifié.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Avez-vous été associés au départ à la détermination des GHS ?

M. Olivier Toma : Pas du tout. Dans la mesure où notre syndicat n'est pas reconnu par la FHP, le ministère est ravi d'une situation qui nous empêche de faire des vagues... Non seulement nous ne sommes pas associés, mais on ne tient absolument pas compte des études que nous produisons. Or il est grave de prétendre que le secteur privé se désengage de l'obstétrique, alors que c'est l'État qui nous prive des moyens de continuer à faire un travail de bonne qualité, ce qui va à l'encontre d'une bonne économie de la santé publique.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Où en êtes-vous du processus de mise aux normes dans le cadre du plan périnatalité, qui pèse lourdement sur les comptes d'un certain nombre de cliniques ?

M. Olivier Toma : La plupart des établissements sont aujourd'hui aux normes. Hélas dirais-je, car la Cour des comptes a considéré ces normes comme peu réalistes, l'État n'ayant pas les moyens de les appliquer. En effet, l'État nous impose des normes en matériel, personnel, dispositifs médicaux tout en fixant un tarif à un niveau bien inférieur. C'est totalement incohérent !

L'an dernier, on a annoncé un plan périnatalité de 270 millions d'euros précisément pour la mise aux normes des établissements, publics et privés. Nous avons donc fait auprès de chaque agence régionale de l'hospitalisation des demandes au prorata de l'activité des établissements. Mais on nous a partout répondu que la totalité de l'enveloppe disponible avait été attribuée au secteur public pour sa mise en conformité. Outre le problème financier, à l'heure où l'on nous parle de partenariat, de coopération public-privé, où on nous dit que les professionnels de santé devraient travailler main dans la main, comment cela serait-il possible lorsque des établissements concurrents sont rémunérés 1 000 euros de plus par accouchement, qu'ils perçoivent des subventions dans le cadre du plan périnatalité et qu'ils sont les grands bénéficiaires des missions d'intérêt général (MIG), puisque, sur les 4,671 milliards d'euros attribués l'an dernier, les établissements privés n'ont reçu que 14 millions. Cela signifie qu'alors que nous assurons la moitié des soins MCO (médecin-chirurgie-obstétrique, dont 30 % pour cette dernière) dans notre pays, nous ne nous voyons affecter que 2 % des MIG. Et on nous annonce cette année une diminution de 1 % des GHS et une augmentation des MIG de 12 %...

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Le secteur public justifie cela par le fait que c'est lui qui supporte l'enseignement, qui participe à la recherche, qui accueille les publics très défavorisés. Qu'avez-vous à répondre ?

M. Olivier Toma : S'agissant des publics défavorisés, nous traitons les gens exactement de la même façon que l'hôpital public : quand quelqu'un vient pour se faire opérer ou pour accoucher, nous ne lui demandons pas s'il a une carte Visa Premier ou s'il est au RMI... 46 % des bénéficiaires de la couverture maladie universelle (CMU) sont traités dans le secteur privé.

S'agissant de la formation, il ne faut pas oublier que les établissements privés accueillent en stage les infirmières des instituts de formation en soins infirmiers (IFSI). Une clinique de 100 lits assure ainsi 14 000 heures de formation des élèves infirmiers, sans compter le temps que leur consacrent le ou la chef de service et les autres infirmiers. Si le secteur privé renonce demain à ces stages, plus un seul IFSI ne fonctionnera.

Nombre de choses qui font partie du cœur des MIG sont faites dans le secteur privé. Pourtant, j'attends encore la réponse aux demandes de MIG que mon établissement a déposées l'an dernier. Nous sommes pourtant plutôt cohérents dans notre démarche globale puisque l'établissement est accrédité et certifié, mais on ne nous répond pas.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Nous sommes contraints par le temps. Aussi, je vous propose de parler maintenant de l'indice santé que vous proposez de créer. Nous en viendrons ensuite au pilotage, en particulier à vos relations avec les ARH.

M. Olivier Toma : Nous proposons en effet la création d'un indice santé, qui s'appuierait sur une liste de GHS basée sur les coûts et qui tiendrait compte de l'évolution annuelle des charges. J'ai apporté un certain nombre de chiffres quant à l'augmentation des charges de nos comptes d'exploitation en 2005 et en 2006 : fioul respectivement + 39 % et + 23 % ; gaz + 3 % et + 8 % ; eau + 5 % et + 17 % ; déchets 0 et + 33 % en raison de l'obligation pour les centrales de traitement des déchets contaminés de se mettre aux normes européennes ; oxygène + 7 % et + 7 % ; produits frais en cuisine + 15 % en 2006 ; responsabilité civile + 40 % en 2005 et + 40 % en 2006 ; ensemble des contrats de maintenance + 3 % et + 3 % ; maintenance des ascenseurs + 7 % et + 7 %.

Et je ne compte ni l'impact des 35 heures ni celui de cette très belle idée qu'est la journée de solidarité, qui nous impose depuis le 1er juillet 2004 une surtaxe de 0,30 % de la masse salariale, alors que nous avons toujours travaillé le lundi de Pentecôte. Quand on sait que la masse salariale représente au minimum la moitié de nos dépenses, on mesure l'importance de cette charge. J'ajoute qu'au 1er janvier 2006, la cotisation vieillesse a augmenté de 0,20 %.

Nous assistons donc à une forte augmentation de nos charges, la plupart du temps sans que nous puissions négocier avec des fournisseurs en situation de monopole. Et on voit le risque qu'il y aurait à fonder les tarifs sur une étude des coûts réalisée en 2004. C'est pourquoi nous souhaitons inventer un système qui fasse évoluer les tarifs en fonction notamment de l'évolution des charges, mais aussi bien sûr des techniques.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Je vous propose donc d'en venir au pilotage. Comment recueille-t-on les données ? Comment les établissements les communiquent-elles à la CNAMTS et à la DHOS ?

M. Olivier Toma : La CNAMTS dispose des factures et, dans la mesure où nous sommes à 100 % de T2A, elle sait exactement combien d'actes a effectués un établissement donné et quelle est la répartition entre les 750 GHS.

M. Pierre Morange, coprésident : Avez-vous le sentiment que la maîtrise de la codification des actes suivant la nouvelle nomenclature est parfaitement assurée ? Car nous avons cru comprendre, au cours d'auditions précédentes, que tel n'était pas tout à fait le cas dans certains établissements du secteur public. Cette impression est-elle partagée dans le secteur privé ? Cela a-t-il une incidence sur le fonctionnement de vos établissements ?

M. Olivier Toma : Au départ on a fait n'importe quoi : quand on vous annonce le 28 février vos nouveaux tarifs pour le 1er mars... ! Les conditions de facturation ne sont plus du tous les mêmes qu'auparavant : il a fallu mettre des secrétaires dans les blocs opératoires pour saisir immédiatement la totalité des actes réalisés. Mais cela n'a pas modifié en profondeur l'organisation des établissements dans la mesure où nous étions déjà payés à l'acte, et au bout de deux ans les choses fonctionnent correctement. Bien évidemment, nous cherchons la meilleure codification pour éviter de perdre des sommes trop importantes sur certains actes.

M. Pierre Morange, coprésident : On a fait état à plusieurs reprises devant nous de problèmes liés à la collecte des informations, que cela tienne à la nouvelle nomenclature ou à un système informatique peu opérationnel ou vieillissant dans le parc hospitalier public. Êtes-vous confrontés aux mêmes difficultés ?

M. Olivier Toma : Pour l'instant, cela fonctionne très bien. Dans la mesure où, pour être payés, nous devons être capables de facturer rapidement, nos fournisseurs informatiques se sont mobilisés comme l'ensemble de la profession. Nous avons pris au début deux à trois mois de retard de facturation, qui ont failli conduire mon établissement à cesser son activité. Mais nous avons embauché du personnel et tout est rentré dans l'ordre. Le problème auquel nous sommes confrontés, et que j'ai déjà évoqué, est plutôt de savoir ce qu'on met dans un GHS.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Vous avez des établissements sur l'ensemble du territoire, qui relèvent tous de la T2A. S'agissant du pilotage régional, quelles sont vos relations avec les ARH ? Observez-vous des différences entre les régions ?

M. Olivier Toma : Il y a 22 directeurs ou directrices d'ARH et donc, bien évidemment, des approches différentes. Mais, même si chacun gère sa région comme il le souhaite, ils sont sous l'autorité du ministère et contraints par les budgets alloués à chaque spécialité. Dans ces conditions, on peut tenir toutes les réunions que l'on veut sur les coûts dans les régions, au bout d'un moment la seule solution est de faire remonter la demande à Paris.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Êtes-vous favorable à un renforcement du rôle des ARH, notamment en ce qui concerne la tarification et les crédits ou préférez-vous un traitement national ?

M. Olivier Toma : Si l'on renforce les ARH, il faut que ce soit dans le cadre d'une politique nationale de santé publique connue de tous. Ce n'est pas le cas aujourd'hui : il n'y a pas de logique entre la politique annoncée et la réalité du terrain. Quand nous menons un travail d'éducation à la santé, quand nous engageons des actions destinées à améliorer la santé publique, on ne nous répond jamais.

Ainsi, dans les trois régions pilotes pour le dépistage précoce de la surdité du nouveau-né, on constate que l'appareillage donne d'excellents résultats. En Languedoc-Roussillon, nous nous sommes engagés dans cette voie cette année et, grâce à ce dépistage, 10 enfants sur 1 500 naissances vont pouvoir être appareillés et retrouver ainsi une audition totale. Ce n'est pas rien, ni pour la qualité de leur vie à venir, ni en termes d'économies de dépenses de santé ! Or il n'y a aucune prise en charge de ce dépistage.

Donc, donner des responsabilités aux régions, oui, mais dans une transparence parfaite. Or, quand on nous dit que le plan périnatalité est doté mais que les ARH ne peuvent rien nous donner parce qu'elles ont tout distribué au secteur public, c'est regrettable et cela braque les acteurs sur le terrain. J'ai appris hier qu'en Languedoc-Roussillon, en plus de rémunérations à l'acte importantes, 21 millions d'euros de MIG avaient déjà été distribués au secteur public. Pourquoi ? Comment ? Qui a donné les ordres ?

SCS a écrit en recommandé aux 22 ARH pour leur demander la répartition des MIG entre le public et le privé, nous n'avons reçu que deux réponses. Personne ne serait capable de nous dire comment, à qui et sur quels sujets ont été distribués l'an dernier les 4,671 milliards de MIG ?

Je vais vous donner une illustration concrète de nos relations avec la tutelle : j'ai reçu le 15 août dernier un courrier de l'ARH me donnant jusqu'au 30 août pour renvoyer mon dossier de demande de MIG. Même si demander cela à cette date revient à se moquer du monde, nous nous sommes exécutés : j'attends toujours la réponse !

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Avez-vous des propositions à faire en vue de la simplification du système ?

M. Olivier Toma : Le système de tarification à l'activité n'est pas compliqué et il fonctionne.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : La mission conjointe de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l'Inspection générale des finances (IGF) a quand même parlé de « sur-raffinement de la tarification ». Pour vous, ce n'est pas un problème ?

M. Olivier Toma : Non. Désormais, la tarification à l'activité est acquise. Bien sûr, le système n'est pas parfait : en raison d'un bug informatique sur la rémunération de l'orthopédie, pendant tout le mois d'août dernier nous n'avons plus été payés pour les prothèses de hanche.

Simplifier le système consisterait à nous donner la possibilité de disposer d'une vision à moyen terme. Aujourd'hui, nous pilotons des bateaux sans aucune visibilité : comment préparer un plan d'investissement dans ces conditions ? D'autant que je vous ai montré à quel point les charges augmentaient et que nous savons bien que dans la santé les investissements sont lourds, qu'ils soient immobiliers ou matériels.

On parle beaucoup de subventions, maintenant du plan « Hôpital 2012 ». Une nouvelle commission de l'investissement va être créée. Mais si un acte coûte 1 000 euros à réaliser, que ce soit dans le secteur public ou privé, il faut qu'il soit payé 1 000 euros, alors qu'aujourd'hui il est payé entre 500 et 3 000 euros par l'assurance maladie. Et on continue dans cette logique.

Au lieu de s'engager dans la seule voie qui permettrait de réaliser des économies de santé publique en laissant les établissements réaliser des actes s'ils ont de la demande et s'ils sont efficients et en les rémunérant pour cela, on est en train de faire exactement l'inverse dans le cadre des schémas régionaux d'organisation sanitaire (SROS), en fixant des quotas par l'intermédiaire de ce nouveau « machin » que sont les objectifs quantifiés de l'offre de soins (OQOS). Cela empêche tout développement d'un établissement : si vous embauchez aujourd'hui un jeune chirurgien, il ne pourra pas s'associer demain puisque vous serez contraint par votre quota, avec des sanctions en cas de dépassement. C'est un système soviétique ! Cela va aller à l'encontre des économies de santé : on va m'empêcher de pratiquer des accouchements à 2 300 euros pour qu'ils aient lieu en face à 3 400 euros ! Continuons de la sorte et les dépenses d'assurance maladie vont exploser !

Si je prends position auprès de l'ARH pour créer un service de soins palliatifs car je suis dans la seule région où il n'en existe aucun, le dossier que je déposerai au comité régional d'organisation sanitaire (CROS) fera l'objet d'une étude administrative, mais d'aucun examen médico-économique. C'est n'importe quoi ! Quand on crée un service il faut bien tenir compte du critère économique : si en répondant aux normes de qualité pour l'accréditation je suis plus économique qu'un autre établissement, je ne vois pas pourquoi on favoriserait ce dernier.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Vous êtes donc pour une convergence vers le plus efficient et non vers la moyenne.

M. Olivier Toma : Je suis dans une logique de convergence vers le coût. Car l'efficience telle qu'elle est présentée dans le rapport de l'IGAS est celle des établissements qui perdent de l'argent. Si l'efficience consiste à payer l'accouchement 2 300 euros, surtout pas ! Il ne faut ni emmener l'hôpital à ce niveau-là, ni nous fixer pour objectif de continuer à perdre autant d'argent.

Je reviens donc à l'idée qu'il faut soit « booster » l'étude nationale de coûts, soit en réaliser une autre, soit prendre celle de CTC Conseil qui existe. Mais continuer à ne pas tenir compte de ces coûts, c'est aller droit dans le mur et y rester car quand on ferme une structure, il n'est vraiment pas évident de la recréer.

L'étude FHP est celle qui a été réalisée par INEUM selon la méthodologie du ministère. Elle ne sort pas pour de fausses raisons et je crois en fait que personne n'a intérêt à ce qu'elle sorte. Mais il existe aussi cette étude réalisée par CTC Conseil sur 100 établissements, selon la même méthodologie. Je ferai en sorte qu'elle vous soit transmise rapidement.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Faute de temps, nous nous voyons contraints de clôre cette audition. Il me restait un certain nombre de questions à vous poser et je me propose de le vous les faire parvenir par écrit afin que vous répondiez de même.

Merci pour votre exposé très complet ainsi que pour les documents que vous nous avez remis, qui stimuleront encore notre réflexion.

M. Olivier Toma : Un dernier mot pour déplorer qu'il n'y ait pas d'indice qualitatif dans la fixation des tarifs. Quand on demande au président de la Haute Autorité de santé si l'on pourrait allouer des ressources en fonction de la qualité de l'établissement, il répond : « Pour l'instant on ne le fait pas, on fait même l'inverse : celui qui est le plus mauvais est celui qui reçoit le plus d'argent pour être mis au niveau des autres »... Or c'est une erreur majeure car cela tire le système vers le bas.

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La mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a ensuite entendu Mme Isabelle Millet-Caurier, chargée des missions d'appui et de coordination, responsable de la cellule politique sanitaire et sociale à la Fédération nationale de la Mutualité française (FNMF), accompagnée par M. Mathieu Cousineau, responsable du département information de santé et analyse de santé à la direction des garanties mutualistes et de l'assurance santé de la FNMF, et Mme Jacqueline Hubert, directrice de la clinique mutualiste Jules Verne à Nantes.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Je vous souhaite la bienvenue à l'Assemblée nationale.

Je vous propose que nous envisagions la tarification à l'activité (T2A) des établissements de santé sous l'angle de la Mutualité française, d'une part en tant que partenaire du ministère de la santé, d'autre part en tant que gestionnaire d'établissements.

J'aimerais tout d'abord savoir si vous avez été associés à la mise en oeuvre de la T2A.

Mme Isabelle Millet-Caurier : Je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de M. Daniel Lenoir, directeur général de la FNMF, qui ne peut malheureusement participer à cette audition.

Vous connaissez l'attachement de la Mutualité française à la qualité du système de santé. Ce sera d'ailleurs un des sujets essentiels de notre congrès qui se tiendra la semaine prochaine à Lyon avec pour thème central le parcours de santé mutualiste, dont l'objectif prioritaire est la recherche de la qualité du système de santé et de la prise en charge de ses usagers.

Dans le champ de l'hospitalisation, un établissement est de qualité s'il satisfait le besoin de ses clients et de ses utilisateurs, en respectant les normes de sécurité, d'efficacité et d'efficience. Et quand on parle d'efficience, on a bien sûr immédiatement à l'esprit la notion de bonne utilisation des moyens.

Dans ce contexte, la T2A est bien évidemment un sujet important d'observation et, sous certains aspects, de préoccupation pour la Mutualité.

Avons-nous été associés à sa mise en place ? Oui, en partie. La Mutualité française a pris publiquement position en faveur de la mise en œuvre de ce dispositif, au regard de son principe d'adaptation des moyens à l'activité et de son objectif de plus d'équité et d'efficience du système. La Mutualité française est donc clairement favorable à la T2A et à l'évolution des modalités de financement liée au nouveau dispositif.

Pour autant nous avons, comme d'autres acteurs du système, observé les risques de dérive du dispositif, sur lesquels nous sommes vigilants : risque de dérive inflationniste liée à la progression de l'activité, qui peut être combattu par l'amélioration qualitative et quantitative du codage des actes ; risque de sélection.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Des informations à ce propos sont-elles déjà remontées jusqu'à vous ?

Mme Isabelle Millet-Caurier : Nous avons trop peu de recul pour le dire. Nous observons certaines évolutions, en particulier en ce qui concerne la cotation d'un certain nombre d'actes et de séjours, mais il serait prématuré de conclure à un lien avec une approche sélective de la clientèle.

Il existe également un risque que l'on cherche à limiter les coûts en réduisant la durée des séjours. Mais là aussi, nous manquons de recul pour parler de sorties précoces.

L'ensemble de ces risques peut avoir un impact sur la qualité des soins, qu'il faudra évaluer avant d'envisager éventuellement une régulation du système.

Comme vous l'avez proposé, je suggère que nous abordions à la fois le point de vue de la Mutualité française en tant qu'assurance maladie complémentaire et gestionnaire du premier réseau d'établissements de santé.

En tant qu'assureur complémentaire, nous pouvons d'ores et déjà formuler quelques remarques sur le système d'information relatif à la facturation. Dans les relations entre mutuelles et cliniques privées sous objectif quantifié national (OQN), nous disposons d'un bordereau de facturation qui est encore sous forme papier. La T2A a simplement conduit à faire évoluer ce bordereau, mais pas la nature de ces relations. Nous travaillons à une dématérialisation des flux avec ces établissements, car le système papier n'est satisfaisant, ni pour les couvertures complémentaires, ni pour les établissements. La dématérialisation permettrait d'accélérer la liquidation des prestations, au bénéfice des établissements, et d'améliorer la fiabilité.

Quelle que soit la forme du support de transmission, nous pointons les limites de l'exercice : nous ne disposons aujourd'hui, en tant que couverture complémentaire, que d'une information limitée, certes codée mais qui ne nous permet pas d'aller vers la politique de gestion du risque que nous appelons de nos vœux. Pour que l'assurance maladie complémentaire puisse réellement jouer son rôle dans le système de santé, il faudrait que nous ayons accès à une information plus détaillée, bien évidemment dans le respect de la confidentialité des informations de nature médicale, qui ne sont destinées qu'à l'assurance maladie obligatoire.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : À qui confiez-vous un éventuel contrôle ? Comment les choses se passent-elles en cas de contestation ?

M. Mathieu Cousineau : En ce qui concerne la facturation, dans le système actuel nous demandons à l'établissement de reproduire les éléments qu'il transmet à l'assurance maladie obligatoire. Le contrôle est donc opéré par cette dernière.

Mme Isabelle Millet-Caurier : En ce qui concerne les établissements qui ne sont pas régulés dans le cadre de l'OQN, c'est-à-dire qui étaient auparavant sous dotation globale, nous n'avons pas aujourd'hui de support de facturation. La facturation n'est donc pas standardisée : chaque établissement adresse le support de facturation à la couverture complémentaire des patients qu'il accueille. Là aussi nous recherchons une évolution vers des échanges électroniques, à partir d'une forme existante, toujours dans l'objectif d'améliorer la fiabilité de la transmission et d'accélérer la liquidation.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Les représentants des établissements privés nous ont dit que, compte tenu des conséquences que cela avait sur le paiement, ils avaient été extrêmement réactifs et qu'ils disposaient aujourd'hui d'un système informatique efficace. Partagez-vous ce sentiment ?

Mme Isabelle Millet-Caurier : Tant du côté des établissements et des fédérations, que nous avons rencontrés et avec lesquels nous avons passé accord, que du côté de la Mutualité, nous sommes prêts à avancer rapidement vers la dématérialisation des flux avec les établissements privés. Nous sommes plus en retard avec les établissements publics. Certes, nous avons eu un écho favorable de la Direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (DHOS) sur le principe, mais l'actualité hospitalière est chargée et diverse et la dématérialisation paraît importante mais peut-être pas prioritaire dans les préoccupations du ministère. Je pense que nous allons y arriver, mais il reste encore à faire.

S'agissant du pilotage de la réforme et du système, nous sommes l'un des partenaires de l'Union nationale des organismes complémentaires d'assurance maladie (UNOCAM) et nous avons à cœur d'être plus largement associés à l'évaluation et à l'amélioration du dispositif T2A. Pour cela, nous souhaitons vivement être intégrés dans les instances de pilotage et d'évaluation au niveau ministériel et devenir membre du Conseil de l'hospitalisation. Pour l'instant, nous n'avons malheureusement pas été entendus par le ministère et par la DHOS.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Avez-vous observé d'autres difficultés d'application, comme le « sur raffinement » dont parle l'inspection conjointe de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l'Inspection générale des finances (IGF) ?

Mme Isabelle Millet-Caurier : Je l'ai dit, nous n'avons que peu de recul sur un certain nombre d'effets systèmes. Nous mesurons toutefois, dès à présent, des évolutions en matière de tarification et de financement. Mais nous ne sommes pas capables de vous dire aujourd'hui si ce sont des effets ponctuels ou plus pérennes. Des établissements publics ou privés sous dotation globale ont déjà fait évoluer leur prix de journée du fait de leurs propres modalités d'évolution de tarification. La quote-part T2A, la quote-part dotation globale et la présentation de budgets en équilibre les ont amenés à revoir à la hausse les prix de journée qui sont parfois encore utilisées dans les établissements comme base de calcul des tickets modérateurs. Cela a un effet d'augmentation des dépenses des couvertures complémentaires qui prennent en charge le ticket modérateur. Nous ne sommes pas capables aujourd'hui de le mesurer globalement, mais le ticket modérateur, comme les 18 euros, auront à terme un impact sur les dépenses des couvertures complémentaires.

Mme Jacqueline Hubert : Je dirige la clinique mutualiste Jules Verne à Nantes, établissement de 300 lits - 250 en chirurgie et 50 en maternité - qui présente la particularité d'être né de la fusion de deux cliniques mutualistes et de deux cliniques ex-OQN. Cela signifie qu'au sein de la même entité, j'ai deux modes de financement : la T2A des établissements privés participant au service public hospitalier (PSPH) et la T2A des ex-OQN.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Quelles sont les difficultés que vous avez ressenties pour la mise en place de la T2A dans la partie PSPH ?

Mme Jacqueline Hubert : Elles tiennent essentiellement aux grands changements dans la tarification, qui sont très rapides et peu annoncés. Depuis le 1er janvier 2006, nous sommes soumis à l'état prévisionnel des recettes et des dépenses (EPRD). Les textes sont sortis très tardivement, les tarifs en mars et nous n'avons pas encore de retour quant aux EPRD que nous avions présentés à nos instances fin mars suite aux premières notifications de dotation annuelle complémentaire par les agences régionales de l'hospitalisation (ARH) : la fin juin approche et nous n'avons toujours pas de budget...

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Vous n'étiez pas établissement expérimentateur ?

Mme Jacqueline Hubert : Non.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Quand avez-vous commencé à mettre en place la T2A ?

Mme Jacqueline Hubert : Notre établissement n'a que dix-huit mois d'existence, mais la mise en place date du 1er janvier 2004 pour tous les établissements PSPH.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : On nous a dit que des tarifs avaient été modifiés le 28 février pour une application le 1er mars, vous le confirmez ?

Mme Jacqueline Hubert : Tout à fait.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Du point de vue du fonctionnement, des médecins et des partenaires de l'établissement, la T2A a-t-elle été une révolution culturelle ? A-t-il fallu improviser ou bien avez-vous eu le temps de faire une formation et de sensibiliser votre personnel à ce nouveau mode de financement ?

Mme Jacqueline Hubert : On est un peu dans l'improvisation depuis le 1er janvier 2004, les textes sortent très tardivement et tout ceci nécessite bien une révolution culturelle. Nous travaillons avec des médecins salariés qui ne comprennent pas toujours l'intérêt du codage, ce qui défavorise les établissements. Dans les établissements ex-OQN, les médecins sont très sensibles au codage car leur rémunération y est liée, mais pour notre part nous subissons des retards et des mauvais codages. Nous devons donc mener un travail d'information sur le terrain. La communication sur l'EPRD a été très difficile dans la mesure où nous n'avons eu que très tardivement confirmation de leur mise en place. Or tout dépend des recettes que nous encaissons. Beaucoup d'établissements ont présenté des EPRD en déficit, les ARH vont-elles être capables d'élaborer des plans de redressement ? Et que se passera-t-il en fin d'année si les déficits sont confirmés ?

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Tous vos médecins sont salariés ?

Mme Jacqueline Hubert : Tous les médecins du côté PSPH.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Cela concerne le secteur à but non lucratif. Dans l'autre partie, comparable au secteur privé, les choses sont-elles plus faciles ?

Mme Jacqueline Hubert : Il s'agit en effet d'une clinique privée, avec des chirurgiens rémunérés à l'acte. Les choses sont donc infiniment plus simples : pour moi qui viens du public, passer dans le privé ex-OQN entièrement rémunéré à l'activité est extrêmement aisé puisque, lorsqu'on met en place une nouvelle activité, on est capable de prévoir le chiffre d'affaires donc d'engager les moyens correspondants. Le secteur PSPH est beaucoup plus compliqué dans la mesure où nous n'avons su qu'au dernier moment, avec la publication de la loi de financement, que le taux était fixé à 35 %, alors que nous espérions qu'il serait plus élevé. 65 % proviennent donc toujours de la dotation annuelle complémentaire, ce qui signifie qu'à chaque fois que nous voulons mettre en œuvre ou développer une activité, nous sommes dépendants des crédits de l'ARH, alors que les agences ont des moyens extrêmement limités. On a donc d'un côté un secteur qui peut se développer dans la mesure où il est facile d'anticiper le chiffre d'affaires, de l'autre côté c'est beaucoup plus difficile.

Ainsi, si je veux développer une activité de procréation médicalement assistée, je dépends totalement de crédits de l'ARH - qui n'arrivent pas -, alors qu'une clinique privée totalement à but lucratif peut le faire très aisément. Cela crée des déséquilibres entre les secteurs.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Je suppose que la maternité est dans la partie PSPH, avec un tarif fixé par l'ARH ?

Mme Jacqueline Hubert : Absolument. Nous encaissons 35 % du séjour. Cette année les tarifs sont intéressants et nous sommes plutôt gagnants.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Nous aimerions que vous nous transmettiez des renseignements plus précis sur les tarifs, en particulier pour un accouchement par voie basse sans complication. En effet, nous avons reçu tout à l'heure un représentant des cliniques privées qui font encore l'obstétrique, qui s'est inquiété de la différence entre ce qu'il estime être le coût de l'accouchement dans ces établissements et celui qui est pratiqué dans les hôpitaux publics. Nous souhaitons donc pouvoir faire nous-mêmes la comparaison.

Pour vous, qui travaillez avec les deux types d'établissements et d'organisations, qu'est-ce qui justifie les différences de coût entre le public et le privé ?

Mme Jacqueline Hubert : C'est un terrain extrêmement sensible. D'ailleurs, peut-on vraiment dire qu'il y a des différences ? L'étude nationale des coûts prévoit des échelles différentes pour le public et pour le privé. Pour les ex-OQN, les honoraires sont à part des tarifs, tandis que le GHS qu'encaisse la clinique PSPH tout est compris, honoraires inclus. Les choses ne me paraissent donc pas comparables.

Vous parliez par ailleurs de sélection de clientèle. Bien sûr, je souhaite connaître mes coûts et développer la comptabilité analytique, et je devrais bientôt être en mesure de le faire. Nous avons en effet besoin de savoir sur quels séjours nous gagnons et sur quels séjours nous perdons : nous ne pouvons pas être perdants pour toute une filière de soins. Mais je crois vraiment que les établissements mutualistes sont attachés à accueillir tous les patients et refusent toute idée de sélection.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Dans ces conditions, comment, arriver à la convergence ?

Mme Jacqueline Hubert : Il faut arriver à une convergence de tarifs. Pour le vivre depuis six mois au sein de la clinique, je trouve qu'il est beaucoup plus facile de développer une activité et de motiver les médecins dans un secteur ex-OQN où l'on peut vraiment prendre des mesures, tandis que du côté PSPH on est freiné par l'obligation d'attendre que les moyens soient débloqués par l'ARH. Pourtant, nous sommes quand même sur la même enveloppe de l'assurance maladie ! Mais force est de constater que nous marchons à des rythmes extrêmement différents.

M. Pierre-Louis Fagniez : Quand on vous écoute, on voit bien que vous êtes issue du public et que vous travaillez avec des gens qui ont des cultures complètement différentes, mais aussi avec des abondements budgétaires de nature différente. Mais à vous entendre, on a l'impression qu'on n'arrivera jamais à la convergence, ne serait-ce que parce qu'on veut faire converger des personnels qui ne codent pas de la même façon. Et vous avez l'air de nous dire que le paiement à l'acte reste fondamental si l'on veut faire une très bonne gestion. Vous nous expliquez aussi que la comptabilité analytique fait défaut dans les hôpitaux.

Pensez-vous qu'on va s'en sortir en voulant rapprocher deux mondes qui resteront totalement différents et dont on va maintenir la distinction, ne serait-ce que par la tarification à l'acte ? Vous l'aurez compris, il s'agit d'une question politique, très importante pour nous.

Mme Jacqueline Hubert : Nous avons en effet deux types de médecins, les uns rémunérés à l'acte, les autres salariés. Dans ma clinique, après dix-huit mois de fonctionnement, je ne suis pas certaine d'être parvenue à insuffler une culture d'établissement, mais les choses se font, ce ne sont pas deux mondes qui ne communiquent pas : nous avons ce soir une commission médicale commune et nous arrivons à faire travailler les gens des deux types d'établissements sur les mêmes thèmes et à les rapprocher. Je pense qu'une partie de la rémunération des médecins doit être liée à l'intéressement et au développement d'activités.

Par ailleurs, je suis persuadée que, grâce à une politique de terrain et à de bonnes explications, on amènera les médecins PSPH à coder. Pour ma part, je vais régulièrement voir les médecins, avec nos spécialistes du département d'informatique médicale (DIM), pour leur expliquer l'intérêt du codage, et comment il faut coder, pour leur donner des outils. Pour cela, il est important que nous disposions de matériels spécialisés là où se font les actes, dans les blocs opératoires, dans les consultations.

Le problème est que nous avons à chaque fois peu de temps pour anticiper les réformes et j'avoue que communiquer sur la logique inversée de l'EPRD, qui veut qu'on établisse les dépenses en fonction des recettes, constitue quand même une révolution culturelle.

M. Pierre-Louis Fagniez : Vous avez, au sein d'un ensemble particulier mais qui a la même philosophie générale, deux groupes différents de praticiens. Le problème est de savoir comment se rapprocher de l'hospitalisation publique au travers des Missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (MIGAC), qui ne pourront jamais être exactement les mêmes. D'ailleurs elles n'auront pas chez vous le même impact puisque vous n'allez pas faire des MIGAC différentes pour les PSPH et pour les autres.

Mme Jacqueline Hubert : Si. Mais pour l'instant, nous avons très peu de MIGAC.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Je propose que nous voyions les MIGAC sous l'angle national, avec l'avis de la Mutualité française, avant d'en venir à l'application sur le terrain.

Mme Isabelle Millet-Caurier : Je souhaite revenir un instant sur le paiement à l'acte des professionnels de santé. Dans le cadre de la réflexion en cours sur la mise en place du parcours de santé mutualiste, indépendamment de l'offre qui y est liée, nous touchons du doigt la limite de ce paiement à l'acte et nous voyons que la réflexion sur l'évolution des modalités de financement est peut-être à resituer dans une approche plus globale.

Nous allons devoir trouver collectivement des solutions au problème de la démographie médicale : certes, il va falloir faire travailler ensemble des professionnels de santé issus d'entités juridiques différentes et avec des modes de fonctionnement différents, mais les coopérations et les rapprochements vont s'imposer puisque la démographie médicale nous obligera à trouver des moyens pour fédérer les structures et les professionnels.

Nous sommes encore dans une période charnière compliquée où nous nous demandons comment converger avec la T2A. Mais le contexte va nous amener à accélérer la réflexion parce que les rapprochements vont pousser à la convergence. Je pense donc que les solutions vont être assez rapidement étudiées et mises en œuvre et que le paiement à l'acte va évoluer. C'est une forte demande de la Mutualité, qui rejoint là l'assurance maladie obligatoire.

J'en viens aux MIGAC. Je crois qu'on a bien compris aujourd'hui leur raison d'être qui est liée aux missions spécifiques de certains établissements. Qu'il s'agisse des populations prises en charge, des missions assumées par les établissements, des normes techniques de fonctionnement, des positionnements dans la planification sanitaire, les établissements de santé assurent un service rendu à la population de plus en plus comparable. Donner à certains un financement spécifique impose que nous soyons tous très au clair sur cette spécificité. Tel ne nous semble pas le cas aujourd'hui, faute d'une vraie lisibilité des MIGAC.

Si l'on prend l'exemple de la recherche, la Fondation de l'avenir, rattachée à la Mutualité française, a recensé dans le mouvement mutualiste un grand nombre de projets de recherche et d'expérimentation en santé qui ne sont pas reconnus en tant que tels parce qu'ils sont assurés par des établissements qui n'ont pas le statut public mais celui de PSPH. De ce fait, bien qu'impliqués dans des dispositifs innovants, ils n'ont pas accès aux MIGAC. Cela montre qu'il faut bien davantage expliquer à quoi servent ces dernières.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : J'allais vous interroger sur l'augmentation importante des enveloppes de MIGAC, apparemment vous n'en avez pas profité...

Mme Isabelle Millet-Caurier : Très peu. Je pourrai vous faire savoir plus précisément sur quels éléments.

Mme Jacqueline Hubert : Nous en avons un peu bénéficié pour l'aide à l'investissement.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : S'agissant de l'enseignement, j'imagine que vos établissements sont des lieux d'accueil pour les infirmières, les étudiants et les internes.

J'ose espérer par ailleurs, s'agissant de l'accueil des publics en difficulté, que la Mutualité se garde de toute pratique sélective.

Mme Isabelle Millet-Caurier : Il est évident que notre mouvement voit le parcours de santé mutualiste comme un facteur de lutte contre l'inégalité d'accès aux soins. Nous essayons, au travers de l'offre mais aussi des garanties et des couvertures que nous assurons, de favoriser l'égal accès aux soins : nous n'avons donc pas de sélection de clientèle au sein de nos établissements.

Mme Jacqueline Hubert : Je confirme que les MIGAC sont distribuées avec parcimonie. Il est compliqué de les obtenir, car cela suppose une comptabilité analytique très détaillée, qui permet par exemple d'identifier clairement les réseaux, la prévention, l'éducation. La clinique Jules Verne reçoit ainsi des MIGAC au titre de l'enseignement. Je demande aussi une aide à l'investissement, que je n'ai pas obtenue à ce jour.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Comment pourrions-nous proposer d'équilibrer le système de financement entre l'activité, les prestations supplémentaires, les dispositifs, les MIGAC ? Avez-vous des idées à ce propos, en particulier sur le rôle des ARH.

Mme Isabelle Millet-Caurier : Le dispositif T2A ne pourra être vécu de façon isolée. Pour équilibrer le système, il faut prendre en compte l'ensemble des volets, c'est-à-dire non seulement les modalités de financement, mais aussi la régulation régionale de la planification sanitaire et les schémas de troisième génération, ainsi que la négociation des contrats et la définition des objectifs par les établissements. La difficulté est aujourd'hui de combiner ces trois éléments afin de répondre à votre question.

On vit l'évolution de la tarification à travers les orientations nationales de l'assurance maladie ; on vit l'évolution de l'offre et de la planification à travers les schémas et les agences ; on vit la contractualisation également à travers les agences. Notre souhait est d'avoir plus de liens entre ces trois composantes, au sein des agences régionales de santé ou des missions régionales, afin de mieux adapter les moyens aux objectifs donnés aux établissements.

Mme Jacqueline Hubert : De façon très concrète, je pense que, pour harmoniser cet ensemble, il faut que nous ayons très rapidement des deux côtés une tarification identique et complète, afin de régler le problème des honoraires médicaux. Car on prend aujourd'hui le très grand risque de voir toute l'activité chirurgicale partir dans le secteur privé, qui peut beaucoup plus facilement développer ses activités. La convergence des tarifs est donc bien une priorité.

Je pense également que les ARH doivent répartir les MIGAC en fonction des missions et qu'elles doivent avoir une certaine latitude dans leur distribution, afin par exemple de pouvoir soutenir un établissement au titre de l'isolement géographique, en équilibrant son budget.

M. Pierre-Louis Fagniez : On sait qu'aujourd'hui 60 % de la chirurgie est faite dans le privé et on peut tout à fait imaginer que cette part augmente. Mais au-delà de la facilité pour les établissements privés de développer leur activité, ne pensez-vous pas que les universitaires, dans les CHU, ne sont finalement pas trop mécontents de ne garder que la chirurgie « noble » ? Jamais la chirurgie de transplantation ou de réanimation n'ira dans les cliniques : pratiquer une greffe de foie, c'est quand même mieux que d'opérer dix hernies... N'y a-t-il pas de facto un partage dangereux pour l'équilibre des soins en France et une responsabilité des professeurs des CHU, qui abandonneraient d'eux-mêmes l'activité dont le privé s'emparerait, et donc l'enseignement de cette chirurgie ?

Mme Jacqueline Hubert : Je connais bien le sujet, car mon passé en CHU est récent, et je sortirai un peu, dans ma réponse, de mon rôle de responsable d'un établissement mutualiste.

Je crois que les hospitaliers universitaires sont attachés à la mission d'enseignement. Et si l'enseignement dont nos médecins ont besoin doit y être dispensé, il faut bien que l'on pratique l'ensemble de la chirurgie dans les CHU. Ce sont des lieux d'excellence, dans lesquels on fait de la médecine qu'on ne fait pas ailleurs. Il serait dommage de détruire cette médecine d'excellence qui, une fois banalisée, passe très facilement dans nos établissements. Mais une greffe en hématologie sur un enfant ne se fera pas en PSPH parce que c'est trop onéreux. Or y renoncer serait très grave.

Mme Isabelle Millet-Caurier : Du point de vue national, la position de la Mutualité française est que le système ne sera de qualité que si toutes ses composantes sont elles-mêmes de qualité. Il serait illusoire d'imaginer que l'un des secteurs va reprendre la totalité de l'activité au détriment de l'autre. Si l'un des maillons, qu'il s'agisse du public, du PSPH ou du privé lucratif, est trop faible ou n'a plus les moyens d'assumer ses missions, c'est l'équilibre général du système qui est menacé.

Dans la mise en place du parcours de santé mutualiste, dont l'hôpital est une composante importante, nous voulons que le patient ait accès à des soins de qualité, où qu'il se trouve sur le territoire. Cela peut impliquer, au regard de sa pathologie - rare, chronique ou compliquée - qu'il aille vers une structure d'excellence de type universitaire, mais nous devons aussi veiller à ce que le maillage du territoire se fasse aussi avec les institutions de qualité, qu'elles soient publiques, privées ou PSPH.

Claude Évin a récemment déclaré que le transfert de la chirurgie à l'hospitalisation privée aurait à terme un effet de déséquilibre très fort, que le secteur privé lui-même regretterait. Pour notre part nous affirmons, je le répète, que le système sera de qualité si l'ensemble de ses composantes est de qualité, et que tout déséquilibre serait dramatique pour la prise en charge des patients.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Certains de vos établissements ont-ils souffert de la mise en place de la T2A ? Si tel est le cas, que faites-vous pour les accompagner ?

Mme Isabelle Millet-Caurier : La Mutualité française a dans son réseau des établissements ex OQN, et d'autres ex dotation globale qui voient donc une montée en charge progressive de la T2A - 35 % cette année et éventuellement 50 % l'an prochain. Certains, dont le déficit menace même la pérennité - je pourrai vous fournir des éléments chiffrés puisque le dossier a été adressé au cabinet du ministre - seraient dans une situation financière beaucoup plus équilibrée s'ils étaient passés immédiatement en totalité à la T2A.

La Fédération accompagne ces établissements en jouant un rôle de relais avec les ARH, dans la mesure où la réponse passe par la négociation de contrats de retour à l'équilibre avec les agences.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Tout ceci a-t-il déjà entraîné des modifications de la carte sanitaire, des décloisonnements entre les secteurs, des nouveaux partenariats ou est-il trop tôt pour le dire ?

Mme Isabelle Millet-Caurier : La T2A arrive dans une histoire qui a commencé avant elle. Ce n'est pas la Mutualité française qui gère les établissements, mais des mutuelles, nationales ou locales, ou bien des groupements mutualistes, et cet ensemble forme aujourd'hui le premier réseau d'établissements de santé. Nous avons donc eu besoin de réfléchir au rapprochement de ces structures et à la fédération des moyens, afin de gagner en pertinence et en qualité de prise en charge des patients. C'est la réflexion que nous conduisons actuellement, dont la presse s'est récemment fait l'écho, autour de la constitution d'un réseau d'établissements mutualistes, afin de consolider sur l'ensemble du territoire une offre indispensable pour mener à bien le parcours de santé mutualiste.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Madame Hubert, vous avez participé, j'imagine, à l'élaboration du SROS 3 des Pays-de-la-Loire. Avez-vous un mot à nous dire à ce propos ?

Mme Jacqueline Hubert : En ce qui concerne les SROS, notre inquiétude porte sur les objectifs quantifiés. Il ne faudrait quand même pas que ce système nuise aux établissements : les malades sont là, on ne va pas les chasser ! Réduire l'activité peut être très pénalisant pour les établissements.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur : Nous devons malheureusement interrompre cette audition, mais n'hésitez pas à nous faire parvenir tout complément d'information que vous jugeriez utile sur les thèmes que nous avons abordés ce matin. Nous sommes en particulier preneurs de tout ce qui a trait à l'expérience concrète de Mme Jacqueline Hubert, dont la clinique présente la particularité d'associer les deux types d'établissements.

Merci à tous.

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