Mercredi 16 novembre 2005

- Audition conjointe de fabricants de masques : M.Frédéric Biffaud, président de 3M Santé, M. Philippe Boele, directeur industriel de 3M France, M. Franck Ajuelos, conseiller scientifique de la gamme asepsie de 3M France, M. Roland Fangeat, président de Bacou-Dalloz Plaintel

(Compte rendu de la réunion du 16 novembre 2005)

Présidence de M. Jean-Marie LE GUEN, Président

M. le Président. Messieurs, je vous remercie d'avoir accepté de venir témoigner devant nous. La mission d'information a pour tâche d'évaluer la préparation de la France à une éventuelle pandémie, et donc de contrôler l'action du Gouvernement dans ce domaine, tout en assurant la transparence de l'information vis-à-vis de nos concitoyens.

Nous concentrons actuellement nos travaux sur l'analyse des dispositifs médicaux mis en place. Nous avons déjà entendu les représentants des laboratoires pharmaceutiques fabriquant des antiviraux grippaux, nous entendrons tout à l'heure les fabricants de vaccins. Nous vous interrogeons, vous, en tant que fabricants de masques. Pouvez-vous présenter vos produits, nous préciser vos capacités de production et les éventuelles difficultés que vous rencontrez ?

M. Roland FANGEAT : Je suis le président d'une petite société installée en Bretagne, à Plaintel. Nous sommes les seuls fabricants de masques en France. Notre spécialité n'est pas spécifiquement médicale : elle concerne la protection de l'homme au travail : les masques FFP 1, FFP 2 et FFP 3 que nous produisons sont régis par la directive européenne 89/686 sur les équipements de protection individuelle et la norme EN 149.

Notre société, qui appartient au groupe français Bacou-Dalloz, un des leaders mondiaux dans cette spécialité, emploie 120 personnes et sa capacité de production est de 30 à 40 millions de masques par an. Elle est plus particulièrement spécialisée dans la branche respiratoire.

M. Frédéric BIFFAUD. Je suis le directeur général des laboratoires 3 M Santé, qui font partie du groupe 3 M. Je suis venu accompagné du directeur industriel de 3 M France, M. Philippe Boele, qui supervise l'ensemble de nos unités de production, et de notre conseiller scientifique dans le domaine des masques de protection respiratoire, M. Franck Ajuelos.

Nous offrons aux professionnels de santé, hospitaliers et extra-hospitaliers, différentes sortes de produits dans le domaine du médicament et des dispositifs médicaux. Les masques que nous commercialisons dans le secteur hospitalier ont un statut de dispositif médical. Il s'agit des masques FFP 1, FFP 2 et FFP 3.

Nous n'avons pas d'unités de production en France. Nos unités de production se trouvent en Europe, aux États-Unis et dans d'autres secteurs du monde, notamment en Asie.

M. le Président : Avec quelle matière première travaillez-vous ?

M. Roland FANGEAT : Pour les masques FFP 1, FFP 2 et FFP 3, nous utilisons un matériau filtrant tel que le polyéthylène ou le polypropylène, qui subit un traitement électrostatique lui permettant d'attirer les charges. L'extérieur des masques peut être fait avec des matériaux de type polyester qui, une fois thermoformés, permettent d'obtenir des masques en forme de coquille - et non pas plats. Ces masques sont régis par la directive européenne 89/686 et la norme EN 149.

M. le Président : Avez-vous des difficultés pour vous procurer de la matière première ?

M. Roland FANGEAT. Des difficultés commencent à apparaître au niveau mondial. Les normes européennes fixent des exigences de qualité que des fabricants non européens ne sont pas tenus d'appliquer. Quand on n'est pas soi-même fabricant de ces matériaux de base, on risque de se heurter, à terme, à des problèmes d'approvisionnement. Si une crise se déclenchait et que tous les pays demandaient des masques, nous rencontrerions certainement des difficultés.

M. le Président : Ce sont des produits issus de l'industrie chimique ?

M. Roland FANGEAT : Ce sont des produits non tissés, fabriqués schématiquement selon des méthodes papetières, ce qui permet d'aller très vite.

Par rapport aux besoins actuels du marché, la capacité de production est largement suffisante. Mais on peut prévoir qu'en période de crise, la demande mondiale serait multipliée au moins par dix et que des problèmes se poseraient.

M. le Président : Je voudrais savoir si vous vous contentez de mettre les masques en forme, ou si vous fabriquez vous-même la structure non tissée.

M. Roland FANGEAT : Nous fabriquons uniquement le masque, et achetons la matière première en Allemagne. Nous n'avons pas de fournisseur français.

M. Philippe BOELE : Ce n'est pas le cas de 3M, qui fabrique les fibres de base. Cette étape est intégrée au processus de fabrication des masques.

M. le Président : Parlez-nous des commandes que vous a passées le gouvernement français. Avez-vous assez de stocks de matière première pour les honorer ?

M. Roland FANGEAT : Pour l'instant, le gouvernement français a passé une première commande de 50 millions de masque. Je pense que les sociétés concernées n'auront pas de problème pour s'approvisionner en matière première. Mais en cas de pandémie, on passerait à 500 millions de masques, rien que pour la France. Comme cette pandémie touchera les autres pays, la quantité nécessaire au niveau mondial sera beaucoup plus importante.

M. Alain CLAEYS : On nous a dit que si la crise était avérée, les exportations depuis les pays producteurs, comme la Chine, se tariraient. Or, actuellement, nous sommes dépendants de ces exportations.

On nous a dit aussi qu'on était en train de réfléchir au moyen de produire en France 200 millions de masques. Où en est-on ? Qu'est-ce que cela suppose au niveau de l'outil de production ?

M. le Président : Prévoit-on de créer des machines à mettre en forme les masques ? S'intéresse-t-on également à la fourniture de matière première ?

M. Roland FANGEAT : Actuellement, Bacou-Dalloz Plaintel est le seul producteur sur le territoire français, avec 120 salariés et une production de 30 à 40 millions de masques par an.

Si une pandémie se déclarait aujourd'hui, il est évident que toutes les sociétés spécialisées du monde fabriqueraient d'abord pour les pays où elles sont implantées, et donc pas pour la France. Chaque pays devant se contenter de sa production nationale, le nôtre n'aurait pas les moyens de s'équiper. D'où une réflexion nécessaire sur l'implantation, en France, d'autres unités de fabrications.

M. le Président : C'est pourtant Bacou-Dalloz qui a été retenue dans le cadre de l'appel d'offres du gouvernement français.

M. Roland FANGEAT : La société Bacou-Dalloz a reçu la commande de 12 millions de masques, sur les 50 millions faisant l'objet de l'appel d'offres. Sept autres fabricants, qui ne sont pas français, ont été contactés. Nous n'avons pas remporté l'intégralité du contrat.

M. Alain CLAEYS : Aujourd'hui, en France, à combien d'unités s'élève la production ?

M. Roland FANGEAT : Nous pouvons fabriquer au maximum 30 à 40 millions de masques par an.

M. Marc JOULAUD : Exportez-vous ?

M. Roland FANGEAT : Oui.

M. Marc JOULAUD : Si on vous demande de produire davantage, êtes-vous à même de trouver la matière première nécessaire ?

M. Philippe BOELE : Il y a deux grandes étapes dans la production de masques : la fabrication des fibres extrudées d'une part, le formage de masque (configuration) d'autre part. Il se trouve que, sur le même site de production 3M en Angleterre, nous disposons des deux technologies. Si l'on veut disposer de capacités supplémentaires de formage de masques, il faut compter six à huit mois. Pour accroître les capacités de fabrication de fibres, ce qui nécessite de créer des équipements plus complexes et plus onéreux, il faut en compter dix-huit, en y incluant l'étape de qualification.

Comment sécuriser l'approvisionnement en fibres, l'élément déterminant ? Ma recommandation serait de focaliser le travail de réflexion en amont de la chaîne. Cela dit, nous n'avons pas été sollicités. Nous avons été consultés dans le cadre d'une mission interministérielle d'investigation et de préparation du plan « pandémie », nous avons reçu dans nos établissements deux représentants de l'administration, mais le débat a porté essentiellement sur la fin de la chaîne, c'est-à-dire sur le produit fini. Il faudrait donc réfléchir aussi avec les acteurs qui se trouvent en amont, notamment les chimistes qui fabriquent les polymères.

M. le Président : Cela me paraît, en effet, évident.

Si j'ai bien compris, Monsieur Fangeat, l'entreprise française Bacou-Dalloz configure le masque, sa production est de 40 millions par an mais le plan français porte sur 200 millions. C'est bien cela ?

M. Roland FANGEAT : Jusqu'à 200 millions, il n'y a pas de problèmes. Mais les chiffres qui ont été avancés sont encore plus élevés.

Mme Bérengère POLETTI : Au cours de l'audition précédente, nous avons appris qu'en 2006, on pourrait fabriquer 400 millions de masques filtrants en France.

M. le Président : Les contrats ont-ils été passés ?

M. Roland FANGEAT : Non.

M. le Président : Avez-vous acheté la matière première ?

M. Roland FANGEAT : Non.

M. le Président : Je reviens à 3 M producteur en Grande-Bretagne. Vous nous avez bien dit que, pour construire une ligne de configuration de masques, il faudrait six mois, et pour construire une ligne de fabrication de fibre, il en faudrait dix-huit.

M. Philippe BOELE : Nous le savons, car nous sommes en train d'en construire une en Asie.

M. le Président : Quelles sont, en Europe, les capacités de production de la matière première ? On sait que les masques seront la première et la plus facile des réponses apportées en cas de crise, laquelle risque de prendre très vite une dimension européenne, voire mondiale. Disposez-vous d'une certaine élasticité de production ?

M. Frédéric BIFFAUD : La réponse est non.

M. Roland FANGEAT : Dans un contexte où seule la France serait concernée, on arriverait à produire 200 ou 300 millions de masques. Dans un contexte différent, ce ne serait pas possible.

M. le Président : Parlons au moins de l'Europe. Aujourd'hui, vous n'êtes pas certains d'avoir la matière première pour répondre à la demande ?

M. Philippe BOELE : Le vrai débat devrait être interindustriel pour porter sur toute la chaîne d'approvisionnement si l'on veut répondre aux questions qui vont se poser et établir un plan.

M. le Président : Avez-vous été saisis par la Commission européenne ?

M. Philippe BOELE : Non.

M. Pierre HELLIER : Quelle matière première permet de fabriquer les fibres ?

M. Philippe BOELE : Au départ, le pétrole, bien sur, comme toutes les matières plastiques. Ensuite des étapes classiques de pétrochimie qui se concluent par l'obtention de monomères, type propylène ou éthylène.

M. Pierre HELLIER : Où ça ?

M. Philippe BOELE : En Allemagne, en France, classiquement.

Enfin, on transforme les produits obtenus en matière plastique après polymérisation. Ils prennent alors la forme de granulés.

M. Pierre HELLIER : Qui le fait ?

M. Philippe BOELE : Des chimistes, comme Total ou Rhodia.

Deux scénarios sont alors possibles. Soit le fabricant de masque s'adresse à un producteur de fibres, lesquelles se présentent alors sous forme de trames. C'est alors l'industrie textile qui entre en jeu, pour fabriquer la matière non tissée. Soit on dispose, comme 3M, d'un processus intégré.

M. le Président : L'industrie textile a-t-elle les moyens de produire la matière non tissée ?

M. Philippe BOELE : Oui.

M. le Président : Le problème n'est donc pas là. Il se trouve en amont, au niveau du produit chimique intermédiaire : c'est là qu'apparaît un goulet d'étranglement.

M. Philippe BOELE : Il convient donc d'identifier ce goulet d'étranglement. Se situe-t-il au niveau de la fabrication du monomère, ou des granulés, les fameux polymères ? Aujourd'hui, je ne sais pas, mais je pense qu'il conviendrait de remonter la chaîne pour apprécier la situation.

M. le Président : Cela a-t-il été fait ?

M. Philippe BOELE : Je ne sais pas. En tout cas, nous n'avons pas été sollicités.

M. Pierre HELLIER : Qui faudrait-il solliciter ?

M. le Président : Toute la chaîne !

M. Philippe BOELE : Si j'avais un conseil à donner, il faudrait, je le redis, demander aux industriels qui fabriquent les produits finis d'organiser un travail d'investigation, en remontant toute la chaîne, pour déterminer les points de contrainte.

M. le Président : Nous nous plaçons ici dans un contexte de crise, avec une demande mondiale, ou du moins européenne. Quels sont aujourd'hui les contrats, juridiquement et financièrement opposables, qui ont été signés ?

M. Roland FANGEAT : L'information la plus fiable s'obtient auprès du ministère de la santé et de M. Gérard Dumont, haut fonctionnaire de défense qui sous-traite les achats au travers de l'UGAP1, laquelle a une vision exacte de toutes les commandes.

De mon point de vue, une première commande de 50 millions a été faite à six ou sept prestataires. Pour Bacou-Dalloz : 12 millions.

M. le Président : Qui sont les autres prestataires retenus ? Pas 3M, donc ?

M. Roland FANGEAT : Non, pas 3M. De mémoire, MacoPharma, un distributeur du Nord, spécialisé dans les produits médicaux, et aussi d'autres distributeurs et un fabricant anglais.

M. le Président : Quand cette commande arrivera-t-elle à échéance ?

M. Roland FANGEAT : Ces 50 premiers millions devront être livrés au plus tard fin novembre.

M. le Président : Ils sont destinés à un stockage hors crise, prépandémique ?.

M. Roland FANGEAT : En effet. Donc, Bacou-Dalloz a reçu commande de 12 millions de masques. Le projet initial était de stocker 200 millions de masques. D'autres commandes sont attendues, au fur et à mesure de l'arrivée des crédits. Certaines ont déjà été engagées. Nous en avons reçu une supplémentaire de 8 ou 10 millions, sachant que notre part totale sera de 48 millions.

M. le Président : Sous quels délais ?

M. Roland FANGEAT : Ils sont très courts, de l'ordre de quelques mois. L'objectif des 200 millions devrait être atteint au plus tard au mois d'avril prochain.

M. Alain CLAEYS : Parlez-nous des possibilités de développement d'unités de production en France.

M. Roland FANGEAT : En cas de pandémie, ces 200 millions de masques seraient insuffisants. Pour équiper le personnel médical, les pompiers, la police, la gendarmerie, on estime qu'il faudrait de 600 à 800 millions de masques. Pour de telles quantités, le ministère de la santé préconise de créer en France des outils de fabrication. Voilà pourquoi on nous a interrogés - comme MacoPharma et d'autres - sur les moyens de production supplémentaires que nous serions capables de mettre en place dans un délai de dix mois à un an.

Pour notre part, nous avons répondu que nous pourrions augmenter notre capacité de production à 180 millions de masques par an.

M. le Président. Etes-vous toujours le seul façonnier présent sur le territoire français ?

M. Roland FANGEAT : Actuellement, oui, nous restons les seuls. Mais plus tard, ce ne sera plus le cas, ce qui nous pose d'ailleurs un problème.

M. le Président : Un problème de concurrence ?

M. Roland FANGEAT : Non seulement de concurrence, mais de surcapacité de production.

M. le Président : Nous reviendrons sur le sujet. Revenons au délai de mise en place d'une nouvelle chaîne de production. Vous dites qu'il faut compter six mois.

M. Philippe BOELE : Pour 3M, il faut six mois pour mettre en place une ligne de formage, et un ou deux mois supplémentaires pour le processus de qualification.

Mais l'étape qui se trouve en amont, comme je l'ai déjà expliqué, est bien plus longue, parce que l'équipement est beaucoup plus compliqué. Pour les procédés qui sont les nôtres, il faut compter dix-huit mois.

M. Roland FANGEAT : Au niveau mondial, il y a un numéro 1, à savoir 3 M, mais il n'y a pas de numéro 2. Nous sommes très loin derrière, même si, au niveau local, nous représentons quelque chose.

L'intégration de la production, chez 3 M, est un schéma unique.

M. Philippe BOELE : Pour autant, ce n'est pas le schéma le plus simple ni le plus économique.

M. le Président : Quelle est votre situation aux États-Unis ? Êtes-vous en état de satisfaire la demande américaine ?

M. Philippe BOELE : Aujourd'hui, oui. Mais, jour après jour, la situation évolue. Bien qu'il n'y ait pas de pandémie avérée, la demande ne fait que croître, parce que les administrations s'engagent dans un processus de stockage.

M. Roland FANGEAT : En cas de pandémie, personne, pas même 3 M, ne pourra couvrir les besoins.

M. Philippe BOELE : L'administration américaine a prévenu clairement qu'elle « nationaliserait », ou du moins qu'elle réquisitionnerait les unités existantes.

M. Frank AJUELOS : Pour faire face à ce problème de capacité de production, on peut songer à faire porter à tout le monde un masque de type chirurgical, ce qui réduirait le nombre de masques de protection respiratoire nécessaire.

M. le Président : Parlez-nous de la production de cet autre masque.

M. Frank AJUELOS : Pour le moment, il n'y a aucun problème.

M. le Président : Et en cas de pandémie ? On nous a dit qu'on envisageait de mettre au point des kits à distribuer à l'ensemble de la population.

M. Frank AJUELOS : Ce sont des masques bien différents. Nous avons été consultés à propos de masques chirurgicaux, ou médicaux, et de masques respiratoires, comme les FFP 2, en emballage individuel.

M. le Président : Combien coûte un masque chirurgical ?

M. Frank AJUELOS : 4 ou 5 centimes d'euro.

M. le Président : En période de pandémie, pourrez-vous en assurer la production ?

M. Frank AJUELOS : Nous sommes capables d'augmenter considérablement nos volumes, voire de les doubler, mais seulement si la demande existe : nous ne fabriquons pas seulement pour fabriquer...

M. le Président : Mais un doublement des volumes ne serait pas à la hauteur du problème !

M. Frank AJUELOS : En effet. Il faudrait remettre en place des lignes de production.

M. Philippe BOELE : Il faudrait réfléchir en termes de « productivité » : un processus permettant de fabriquer 5 millions de masques par an sera peut-être moins intéressant qu'un autre procédé, certes plus cher en investissements, mais qui permettrait de fabriquer 40 millions de masques. Il faut évaluer le risque financier qu'on veut prendre.

M. Franck AJUELOS : La réponse varie avec chaque protection.

M. Gérard DUBRAC : Quelle est l'efficacité de ces masques ?

M. Franck AJUELOS : Leur efficacité est différente. C'est aux experts de préciser la protection qu'il faut exiger. S'agissant des masques de protection respiratoire, la norme exigée est un taux de protection respiratoire de 92 % pour le FFP 2, 98 % pour le FFP 3. S'agissant des masques chirurgicaux ou médicaux, l'exigence porte sur l'efficacité de filtration bactérienne. La première indication des masques médicaux est de protéger un environnement et un patient, tandis que celle des masques de protection respiratoire est de protéger le porteur. Dans un milieu hospitalier, on doit imaginer qu'il faut à la fois protéger le soignant et le patient.

M. Gérard DUBRAC : Qu'impose la norme EN 149 ?

M. Roland FANGEAT : Les taux qui viennent d'être cités. Globalement, un masque FFP 2 diminue la concentration par dix.

M. Franck AJUELOS : Aujourd'hui, je ne suis pas certain que les masques FFP 2 aient la capacité de filtration définie dans le registre des dispositifs médicaux.

M. le Président : Je ne comprends pas très bien. Vous nous dites que la norme impose, pour les FFP 2, une efficacité de 92 %. Qu'est-ce donc que cette norme de filtration bactérienne ?

M. Franck AJUELOS : Le masque respiratoire est censé purifier l'air que vous respirez, tandis que le masque chirurgical filtre celui que vous rejetez.

M. François GUILLAUME : En cas de pandémie, si j'ai bien compris, nous sommes incapables de répondre à une demande de masques destinés à protéger ceux qui les portent. Pourquoi ne pas multiplier le nombre de masques destinés à protéger les autres, d'autant que cela semble plus facile à réaliser ? Supposons que tout le monde porte un masque chirurgical. Cela garantirait malgré tout une certaine protection collective.

M. Pierre HELLIER : Pour le moment, avez-vous anticipé les commandes de matière première servant à la fabrication des fibres ?

M. Philippe BOELE : Non.

M. Pierre HELLIER. Aura-t-on suffisamment de matière première ?

M. Philippe BOELE : La sécurisation de la chaîne ne m'apparaît pas évidente aujourd'hui.

M. le Président : N'y a-t-il pas eu de réunion au niveau européen pour essayer de mettre en commun des moyens industriels et de voir si l'on peut, à un certain moment, commencer à fabriquer un minimum de matière première ?

Que ce soit suffisant ou pas, c'est un autre débat. Savoir si on doit mettre en place de nouvelles chaînes de production et comment on pourrait les financer, c'est encore un autre débat. Mais il faudrait au moins réfléchir au plan européen et se mettre d'accord sur la production de matière première. La France, qui n'en possède pas, ne saurait avoir une position isolée.

M. Roland FANGEAT : Les Français sont les premiers à avoir posé des questions en ce domaine - depuis mai ou juin 2004.

M. le Président : Il n'empêche que le sujet est bien du ressort de l'Europe.

M. Pierre HELLIER : Tout à l'heure, j'ai évoqué la question de la protection du professionnel de santé par rapport au malade. Ne pensez-vous pas que les malades devraient porter des FFP 2 ?

M. Frédéric BIFFAUD : Nous avons été interpellés sur ce sujet et nous avons rencontré les représentants de l'AFSSAPS2. Le débat a porté sur le type de recommandations à faire et sur le type de produits à mettre à disposition en fonction des situations.

En temps de crise, il faut raisonner en termes de priorités de situation. C'est ainsi que nous avons établi un tableau : quel type de produits, pour quel type de situation, pour quel type de professionnel ? Il est évident que le professionnel de santé devra être tout particulièrement protégé.

M. Roland FANGEAT : Par définition, le malade est déjà malade. Inutile de lui mettre un masque de protection FFP2. En revanche, imaginer qu'on puisse protéger des gens avec un masque chirurgical plutôt qu'avec un FFP2 me semble constituer un raccourci hasardeux.

Je voudrais revenir sur un sujet que nous n'avons pas développé : que se passera-t-il dans deux ou trois ans, quand nous aurons une capacité de production de 200 millions, alors que le marché n'absorbera plus que 60 millions ?

M. le Président : C'est un vrai problème, mais nous n'avons pas le temps de le traiter maintenant. Si vous avez des suggestions à faire, faites-le par écrit... Je pense que l'État devrait intervenir directement pour acheter des chaînes de production et prendre le risque de les détruire ensuite, ou de les retransformer.

M. Roland FANGEAT : C'est ce que j'avais proposé il y a un an, mais je n'ai pas été suivi. L'État devrait s'équiper, quitte à ce que les industriels l'aident pour la mise en place des moyens de production et pour la maintenance. Ensuite, ce serait à l'État de réguler le système, car les industriels en seraient incapables.

M. le Président : Je vous remercie.

1 Union des groupements d'achats publics

2 Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé


© Assemblée nationale