Mardi 13 décembre 2005

- Audition de Mme Barbara DUFOUR, spécialiste de la grippe aviaire à l'Ecole nationale vétérinaire de Maisons-Alfort

(Procès-verbal de la séance du 13 décembre 2005)

Présidence de M. Jean-Marie LE GUEN, Président

M. le Président : Notre mission d'information consacre l'essentiel de ses travaux au Plan de lutte contre la pandémie grippale, mais elle ne saurait, bien évidemment, ignorer la problématique de la grippe aviaire proprement dite. Elle est notamment préoccupée par le risque de progression géographique de l'épizootie dans le monde du fait des déplacements migratoires de millions d'oiseaux pendant l'hiver, vers les pays du sud. Nous ignorons pour le moment ce qui se passe exactement sur place, en Afrique, et nous nous interrogeons sur ce qui pourrait advenir au printemps, avec la vague des retours. Vous nous donnerez votre sentiment sur cette question. Vous nous direz, plus généralement, si vous estimez possible de maîtriser l'épizootie.

Mme Barbara DUFOUR : L'Asie du Sud-Est n'en est plus au stade de la menace, mais à celui de la catastrophe économique et humaine. En Europe, si des foyers de peste aviaire apparaissaient, il en serait sans doute de même. Ce serait sans doute quelque chose de très grave.

Je tiens d'abord à formuler des précisions d'ordre terminologique. L'expression « pandémie de grippe aviaire » est à éviter. Si le virus mute et s'adapte à l'homme, ce sera une pandémie de grippe humaine : les oiseaux n'auront plus rien à voir avec elle. Les suffixes « zootie » et « démie » doivent être respectivement réservés aux animaux et aux hommes : on ne peut parler aujourd'hui que de panzootie de grippe aviaire, d'épidémie asiatique très limitée de grippe aviaire, très faiblement transmissible à l'homme, et d'hypothèse de pandémie de grippe humaine.

On peut se féliciter que la France se soit préparée à ce risque pandémique, qui est permanent depuis des décennies et a encore de beaux jours devant lui. Mais il faut regretter l'utilisation de termes inappropriés, qui a créé une panique inutile parmi les consommateurs : la chute de la consommation de volailles n'a aucune raison objective. Il faut rassurer le consommateur : une pandémie peut arriver à n'importe quel moment avec ce virus H5N1, comme avec n'importe quel autre virus. Le monde des influenzas est très complexe et très divers. La menace plane en permanence au-dessus de nos têtes. Par exemple, du virus influenza faiblement pathogène a été détecté au Canada ; il peut devenir fortement pathogène à tout moment. Il n'y a donc pas matière à « surinquiéter » les citoyens, comme cela a été le cas ces derniers temps. Une pandémie se produira sans doute un jour mais personne n'est en mesure de prévoir ni quand, ni à partir de quel virus.

La seule cause d'inquiétude, c'est que l'épizootie actuelle en Asie du Sud-est a une ampleur et une durée jamais rencontrées jusqu'à présent. Pourquoi les mesures de lutte utilisées n'ont-elles pas eu l'efficacité attendue ? Quoique les organismes internationaux soient bien plus à même que moi d'analyser la situation, j'ai quelques éléments d'explication.

En Asie du Sud-Est, les modes de vie et d'élevage sont complètement différents de ce que nous connaissons chez nous. La densité humaine et animale est très élevée, sans commune mesure avec les campagnes européennes ; les gens élèvent beaucoup de volailles, animaux dont les protéines sont parmi les moins chères. Les modalités d'élevage n'ont pas grand-chose à voir avec ce que nous connaissons chez nous : certes, il existe des élevages industriels, mais il y a surtout beaucoup d'élevages familiaux en plein air, avec une très grande proximité des animaux entre eux et des hommes avec les animaux, notamment au Vietnam et en Thaïlande. Les mesures de stamping out - éradication de la maladie par une dépopulation des animaux malades et de ceux appartenant aux élevages des alentours et qui pourraient être contaminés - sont par conséquent beaucoup plus difficiles à appliquer, d'autant que les moyens humains et matériels sont nettement insuffisants dans ces pays. En outre, les petits éleveurs rechignent, légitimement, à abattre leur principal moyen de subsistance. Si le virus H5N1, hautement pathogène pour les volailles - la mortalité, dans les poulaillers, peut atteindre 80 à 90 % -, arrivait en France, les modalités de contrôle auraient une efficacité sans rapport avec celle des contrôles mis en oeuvre en Asie du Sud-Est, principalement pour des raisons liés aux moyens matériels et humains mobilisés. De surcroît, quand la concentration d'animaux est trop forte, la propagation du virus va plus vite que le stamping out. Même si cette méthode a été décriée, il faudrait sans doute recourir à la vaccination, au moins pour limiter les dégâts. Ce n'est pas une solution miracle mais, accompagnée de mesures d'abattage, elle devrait permettre à l'Asie du Sud-est de sortir de ses difficultés. C'est, toutefois, l'aide des pays développés qui devrait être déterminante.

S'agissant des oiseaux migrateurs, il faut noter que les migrations sont achevées depuis un mois. La France n'est pas traversée par les courants migratoires asiatiques proprement dits, mais les oiseaux qui passent au-dessus de nous sur le chemin de l'Afrique risquent de rencontrer là-bas des congénères venus de zones infectées. Certains scientifiques craignent qu'au cours de ces contacts, possibles notamment sur les plans d'eau, ce virus hautement pathogène puisse être transmis, diffusé puis ramené dans notre hémisphère lors de la migration suivante. Le risque existe, irréfutablement, et sera mieux cerné lorsque nous saurons exactement ce qui se passe en Afrique, et pas seulement en Afrique de l'Est.

M. le Président : Autant que je sache, la polémique scientifique sur la transmission par les migrateurs est close.

Mme Barbara DUFOUR : Oui : les scientifiques estiment que les migrateurs peuvent transporter le virus pathogène. Mais les interrogations étaient légitimes, dans la mesure où l'on était confronté pour la première fois à ce type de virus. Il faut savoir qu'un oiseau est capable de parcourir des centaines, voire des milliers, de kilomètres en quelques jours : il peut arriver en Europe alors qu'il incube encore le virus, c'est-à-dire avant d'en mourir. Mais l'existence d'un risque ne signifie pas qu'il est élevé, ni faible d'ailleurs : tout est question de probabilités.

Je précise néanmoins que l'influenza aviaire n'est pas une infection pérenne, que ce virus n'est pas persistant : les animaux en meurent ou s'en débarrassent, par leur immunité, en fabriquant des anticorps. Des enquêtes anciennes sur des virus faiblement pathogènes ont bien montré que le taux d'infection des oiseaux migrateurs, en particulier des ansériformes, était très élevé dans le Nord et très faible dans le Sud, comme s'ils se débarrassaient du virus au cours de leur migration. Les virologistes ont émis plusieurs hypothèses, parmi lesquelles les deux suivantes : les virus se conservent mieux dans des eaux froides et douces que dans des eaux chaudes et salines ; les oiseaux naissent dans le Nord et sont donc immunologiquement plus costauds lorsqu'ils arrivent dans le Sud, car ils sont devenus adultes. Les mélanges entre oiseaux infectés et sains peuvent être directs ou intervenir par l'intermédiaire du milieu, ce qui n'est pas la même chose, car dans ce dernier cas, le risque est moins important. Si des oiseaux contaminés ont migré en afrique et qu'ils ont contaminé des oiseaux qui migrent en Europe, certains d'entre eux mourront en Afrique et il est possible qu'un petit nombre d'entre eux reviennent au printemps avec le virus. C'est possible, bien sûr, mais dans ce cas nous cumulons plusieurs probabilités et la probabilité finale que cela se produise n'est pas forcément très élevée.

Des programmes de surveillance solides ont été développé depuis quelques mois, en particulier sous l'égide de la FAO, l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture, et avec l'appui d'instituts de recherche comme le CIRAD, le Centre de coopération internationale en recherche agronomique. Leur objectif est d'aider les pays africains à assurer la surveillance active et passive, consistant à mesurer la mortalité et à capturer des individus pour effectuer des prélèvements virologiques et sérologiques. L'Afrique de l'Ouest et l'Afrique de l'Est sont donc un peu en alerte, et j'imagine qu'il en est de même pour l'Afrique australe. J'ignore quelle est la sensibilité des systèmes de surveillance de ces pays mais des réseaux de veille sanitaire comme PROMED, dans leurs dépêches, font régulièrement état d'analyses effectuées sur des oiseaux morts. Cela donne à penser qu'il existe une certaine vigilance en Afrique.

M. Pierre HELLIER : L'Afrique devrait non pas être « un peu en alerte » mais très en alerte, et l'absence d'information sur la mortalité des oiseaux est très inquiétante.

Je n'ai pas compris pourquoi le virus disparaît davantage au retour qu'à l'aller.

La vaccination comporte des risques, qui tiennent surtout à la dissimulation des porteurs sains.

C'est vrai que la crise actuelle a pour cause la grippe aviaire. Mais nous devons aussi envisager le risque de pandémie de grippe humaine, probabilité élevée selon l'OMS.

Mme Barbara DUFOUR : S'agissant du retour migratoire, je n'ai formulé que des hypothèses, construites à partir de l'observation de virus faiblement pathogènes : les oiseaux sont probablement infectés dans le Nord et se débarrassent probablement le plus souvent du virus dans le Sud, où l'environnement lui est moins favorable, ou avant d'y arriver.

Tous les hivers, en France, 2 000 à 3 000 personnes meurent de la grippe ; c'est une réalité. Si une pandémie survient, des millions de décès risquent d'être décomptés, mais ce n'est qu'une probabilité, un scénario.

M. Pierre HELLIER : Sauf que nous avons, au cours des années, fabriqué des anticorps contre la grippe classique.

Mme Barbara DUFOUR : Si le virus H5N1 ou un autre se réassortissait et s'adaptait parfaitement à l'homme, le nombre de morts serait beaucoup plus élevé, je suis d'accord, mais nous parlons là au conditionnel. Pardonnez-moi mais, étant épidémiologiste, j'accorde une grande importance aux probabilités !

Pour identifier une population vaccinée, il faut utiliser un vaccin différent du virus qui circule. Il est possible de recourir à un vaccin, comprenant l'hémagglutinine impliquée, c'est-à-dire la partie pathogène du virus, en l'occurrence H5, associée à une neuraminidase différente de celle du virus circulant, par exemple N2. Ce vaccin protégerait efficacement, tout en étant distinct du H5N1. De surcroît, la grippe aviaire n'est pas une et indivisible : les oiseaux sont aussi divers que les mammifères. Un vaccin peut donc être adapté au poulet et à la dinde mais pas au canard et à l'oie.

M. Jean-Pierre DOOR, Rapporteur : Pourrions-nous avoir la liste des espèces de volatiles porteurs et non porteurs ?

Mme Barbara DUFOUR. Les ornithologues connaissent très bien cela. Un rapport récent de l'AFSSA, l'Agence de sécurité sanitaire des aliments, dresse la liste des espèces domestiques et sauvages réceptives et/ou sensibles au virus. De mémoire, la plupart des animaux de basse-cour, à savoir les poules, les pintades et les dindes, sont extrêmement sensibles au virus. Le canard, l'oie et l'autruche sont réceptifs, c'est-à-dire capables de multiplier le virus, mais moins sensibles, c'est-à-dire peu touchés par les signes cliniques. Toutefois, eu égard à la situation actuelle, les éleveurs de canard doivent s'alarmer de signes cliniques ou d'une morbidité inhabituels. Compte tenu de la médiatisation du problème, si un foyer éclatait dans un élevage français, il serait détecté extrêmement rapidement. Quant aux pigeons, très nombreux en ville, ils ne sont pratiquement pas réceptifs au virus influenza aviaire et, quand celui-ci parvient à les atteindre, ils développent très peu de signes cliniques.

M. le Président : Connaissez-vous les mécanismes biologiques qui conduisent à ces différences ?

Mme Barbara DUFOUR : Des scientifiques travaillent sur le sujet depuis des années, mais bien des inconnues demeurent. L'influenza aviaire est un monde à lui seul, avec seize hémagglutinines, neuf neuraminidases et toutes les combinaisons possibles, faiblement ou hautement pathogènes selon les cas.

M. le Rapporteur : Et que pouvez-vous nous dire sur la faune sauvage, sur des espèces comme les perdreaux, les perdrix ou les faisans ?

Mme Barbara DUFOUR : Il faut distinguer faune sauvage migratrice et faune autochtone. Des travaux démontrent que des virus faiblement pathogènes peuvent circuler entre plusieurs espèces. On retrouve ponctuellement des influenzas aviaires faiblement pathogènes parmi les petits oiseaux, comme les moineaux ou les passereaux, sur une proportion très faible d'individus, mais il n'est pas impossible qu'ils jouent un rôle dans la diffusion de ces virus dans les élevages ; nous manquons d'informations sur ce point. Le H5N1 constitue certes une menace mais pas plus que les autres influenzas aviaires qui planent quotidiennement au-dessus de nos têtes : la prochaine menace sera peut-être un H7, qui s'implantera brutalement chez nous. Cette remarque ne vise pas à vous inquiéter mais au contraire à vous rassurer.

M. Pierre HELLIER : Mais le H5N1, quand il contamine l'homme, en tue un sur deux ; l'idéal serait donc qu'il n'y ait plus d'animaux malades.

Mme Barbara DUFOUR : Les virus influenzas sont des maladies zoonotiques, ce n'est pas une nouveauté. Pour se débarrasser du virus qui frappe en ce moment, je ne vois qu'un moyen : aider les pays d'Asie du Sud-Est à mener une politique de lutte efficace, ce qui suppose des bras, de l'argent et de l'organisation.

M. le Président : Êtes-vous sûrs que cela suffise ? Peut-être faut-il aussi un peu de « neuramidinase politique » !

Mme Barbara DUFOUR : Je ne parlerai pas de la Chine, qui n'est guère transparente, mais je ne suis pas sûr que le Vietnam et la Thaïlande manquent de bonne volonté, et de transparence.

M. le Président : La Thaïlande a atteint un bon niveau de développement. C'est l'un des principaux exportateurs de poulets, avec deux grands groupes. Pourtant...

Mme Barbara DUFOUR : La Thaïlande est le pays qui a le plus intérêt à retrouver son statut indemne rapidement, pour les motifs économiques que vous venez d'évoquer mais aussi pour l'alimentation de sa population. Il ne retrouve pas son statut indemne, tout simplement parce qu'il n'y arrive pas.

M. le Président : C'est une question politique !

Mme Barbara DUFOUR : C'est un problème humain ; l'élevage thaïlandais est très traditionnel.

M. le Président : Je ne dis pas cela par manque de générosité, mais je m'interroge sur la faisabilité des mesures que vous préconisez. Voyez la Thaïlande :son niveau de développement économique, son potentiel médical et biologique, mais aussi l'existence de structures étatiques, en ont fait une plate-forme d'intervention médicale. Et pourtant, elle ne s'en sort pas. Ne soyons pas trop naïfs : nous savons qu'au Vietnam ou au Cambodge, de l'argent ne parvient pas à destination et qu'il serait difficile d'intervenir efficacement en Indonésie, pays à densité agricole très forte.

Mme Barbara DUFOUR : Vous me posez une question politique à laquelle je ne suis pas bien préparée à répondre ! Il ne faut pas tomber dans le manichéisme primaire. Éradiquer l'influenza aviaire coûterait de toute façon très cher.

M. Pierre HELLIER : On nous a parlé de 300 millions de dollars.

M. le Rapporteur : Et même de 500 millions !

Mme Barbara DUFOUR : Le problème de l'organisation est donc essentiel. Dans les pays du Sud comme l'Inde, où les hautes technologies se sont développées, la structure du monde rural reste très traditionnel, avec de nombreux paysans dans la misère : si vous venez chez quelqu'un pour détruire ses animaux sans l'indemniser, il va en cacher, mettez-vous à sa place !

M. le Président : Entre le paysan et la capitale, il y a des intermédiaires. Et donner de l'argent aux producteurs n'est pas toujours bien vu par le pouvoir étatique.

M. le Rapporteur : Quelle est la situation vétérinaire dans ces pays ?

Mme Barbara DUFOUR : Les services vétérinaires existent mais ne disposent pas de moyens sur le terrain ; leur structure pyramidale ne repose pas sur grand-chose. L'éducation et la formation au des éleveurs ne sont pas non plus au même niveau qu'en France.

M. le Président : Estimez-vous qu'une action forte au Cambodge et au Laos serait une bonne stratégie ou, au contraire, que la proximité avec le Vietnam ou la Chine poserait un problème ? La sauvegarde vis-à-vis du H5N1 serait-elle efficace sans traiter l'ensemble de la région ?

Mme Barbara DUFOUR : Oui. De toute façon, pour mener à bien l'éradication, il faudra bien partir de quelque part. Mais l'importance des flux d'oiseaux migrateurs et la libre circulation des volailles commercialisées posent un sérieux problème. Un pays situé dans une zone infectée peut néanmoins rester relativement sain, l'exemple de Hong Kong le prouve. L'enjeu consiste à s'appuyer sur des structures de terrain, afin de convaincre les éleveurs d'adhérer à ces mesures pour que leurs volailles cessent de mourir. En 2003, alors que les Pays-Bas et la Belgique étaient touchés par une très grosse épizootie, la France est restée indemne. Le virus, contrairement à celui de la fièvre aphteuse, ne se transmet pas par le vent sur des dizaines de kilomètres ; il passe par les oiseaux, ce qui nécessite des mesures de biosécurité, d'enfermement des volailles et de surveillance, voire d'élimination, de migrateurs. Le résultat passe par une volonté réelle d'aboutir mais aussi par une prise de conscience sanitaire à tous les niveaux y compris celui des éleveurs.

M. le Président : Recommanderiez-vous que la France mène une action bilatérale, insérée dans une stratégie mondiale ?

Mme Barbara DUFOUR : Absolument, et cela existe déjà : des agents du CIRAD et de l'IRD, l'Institut de recherche pour le développement, travaillent sur place, en particulier au Vietnam. Cette démarche mériterait d'être amplifiée.

M. Pierre HELLIER : Comment faire pour savoir ce qui se passe réellement en Afrique ? Des équipes travaillent-elles aussi sur place ?

Mme Barbara DUFOUR : Oui. Leurs dispositifs de surveillance, mis en œuvre avec la collaboration des autorités locales, commencent à obtenir des résultats. Ils n'ont pas relevé de phénomènes alarmants mais la surveillance ne fait que commencer, et l'hiver aussi.

M. le Rapporteur : Le virus H5N1 a-t-il été identifié en Afrique ?

M. le Président : Au Zimbabwe.

Mme Barbara DUFOUR : Mais des investigations de laboratoire plus poussées sont nécessaires pour savoir s'il s'agit du clone Z asiatique. De toute façon, si l'on cherche le virus influenza aviaire partout, on en trouvera partout ! Mais est-ce le virus asiatique, c'est une autre question.

Si une pandémie doit éclater, il est très probable qu'elle ne se déclenchera pas en France mais beaucoup plus logiquement en Asie du Sud-Est. Je souhaite donc faire passer un autre message. Si le virus influenza aviaire clone Z est implanté en Afrique, s'il revient au printemps et si des foyers infectieux apparaissent, les représentants du peuple pourraient-ils contribuer à dédramatiser cette épizootie auprès des consommateurs ? Il serait en effet terrible que le consommateur considère que la viande de poulet n'est plus consommable. Cela m'afflige beaucoup.

M. le Président : Je prends acte de votre appel, mais je souhaite aussi vous en adresser un. Il ne faut pas que le monde vétérinaire traite cette question dans un esprit de compétition avec le monde de la santé publique humaine. Sous-estimer la pandémie humaine pour défendre la problématique grippe aviaire est une mauvaise attaque en termes de communication. Le monde vétérinaire a des choses à dire, y compris sur le terrain humanitaire et économique. Aider ces pays à retrouver leur production protéique est légitime, mais cela n'impose pas de sous-estimer le risque de pandémie humaine pour faire passer le message.

Les 500 millions de dollars dont vous avez parlé sont de l'ordre du possible, l'argent est disponible, mais tout le monde doit tirer dans le même sens plutôt que de jouer la concurrence. L'assurance maladie représente un budget de 130 milliards d'euros par an. Le président Bush lui-même a parlé de 8 à 9 milliards de dollars. Il faut avoir des discussions réalistes, fraternelles et franches avec ces pays, y compris sur le plan des moyens humains que nous sommes prêts à mettre à leur disposition. La France dépensera 500 millions de dollars rien que pour son plan de lutte contre la pandémie grippale ; celui-ci est justifié mais nous pouvons trouver autant d'argent pour la santé animale.

M. le Rapporteur : Surtout au niveau européen.

M. le Président : La sauvegarde de l'équilibre protéique en Asie du Sud-Est est une question géopolitique fondamentale. En Chine, ce sera particulièrement compliqué, pour plusieurs raisons, à commencer par celle du coût, mais l'objectif n'est pas inatteignable.

Mme Catherine GÉNISSON : Les modalités des interventions ne sont pas évidentes

M. Pierre HELLIER : Nous faisons confiance à nos éleveurs pour fournir des produits de qualité. Élu du département où sont élevées les volailles de Loué, je puis vous assurer que les contrôles sont draconiens. Mais peu importe l'endroit où commencera la pandémie car, avec les modes de transports modernes, la diffusion sera très rapide. Il faudrait effectivement ne plus employer l'expression « grippe aviaire » pour parler de la pandémie mais elle est maintenant consacrée.

Mme Barbara DUFOUR : Je le dis aussi à l'intention des journalistes.

Si cette épidémie de grippe aviaire permet de nous préparer à une situation future qui arrivera un jour ou l'autre, nous aurons tous gagné notre temps. Ce qui me préoccupe, c'est la « surinquiétude » de l'opinion publique, qui se traduit par une baisse très importante de la consommation de volailles.

M. Pierre HELLIER : Baisse qui est particulièrement injustifiée puisque les éleveurs accomplissent des efforts de sécurisation inimaginables, depuis le grain jusqu'à l'assiette - il s'agit d'ailleurs aussi pour eux de se protéger. Par ailleurs, il faut absolument se donner les moyens d'agir à l'étranger afin de supprimer le risque de pandémie.

M. le Président : Madame, je vous remercie.


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