Mercredi 14 décembre 2005

- Audition de M. Allain BOUGRAIN-DUBOURG, président de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO)

(Compte rendu de la réunion du 14 décembre 2005)

Présidence de M. Jean-Marie LE GUEN, Président

M. le Président : Notre mission d'information travaille tout à la fois sur la pandémie grippale humaine et sur l'épizootie aviaire, les deux phénomènes étant intimement liés. Quelles appréciations pouvez-vous nous fournir sur cette affaire, particulièrement sous l'angle des oiseaux migrateurs ? L'audition précédente, celle de l'Office nationale de la chasse, a montré que l'idée que les migrateurs soient porteurs du virus était encore contestée dans le monde vétérinaire et dans les milieux de la chasse. Quel est votre point de vue sur la question ?

M. Allain BOUGRAIN-DUBOURG : Notre journal L'Oiseau Magazine consacre un dossier spécial sur la grippe aviaire ; je vous en ai apporté une maquette. Cet article synthétise notre position sur le sujet.

Entre le devoir de précaution élémentaire et la psychose hitchcockienne, la LPO a souhaité placer le curseur au niveau de la raison : on m'a récemment appelé de Bretagne pour me signaler une tourterelle turque - dûment identifiée par son collier - soupçonnée d'amener la grippe aviaire de Turquie, alors que les tourterelles turques vivent en France ! La grippe aviaire a donné lieu à une véritable psychose et, dès les premières informations, les oiseaux migrateurs ont été rendus responsables de la prolifération du H5N1 : en août 2005, c'étaient les oies à tête barrée - alors en pleine période de mue, donc incapables de migrer ; fin août, c'étaient trois mouettes infectées au nord d'Helsinki qui provoquaient un véritable drame... Bref, on a dit beaucoup de bêtises sur la responsabilité des oiseaux migrateurs.

Notre position est très claire, peut-être un peu normande : rien ne prouve que les oiseaux migrateurs soient responsables du développement du virus H5N1, mais rien n'interdit de le penser. C'est dire tout et son contraire, pensera-t-on ; ce n'est pas si simple. Car il y a plus dangereux que les mouvements des oiseaux migrateurs, à commencer par les trafics d'oiseaux qui, par définition, échappent à tout contrôle : cela représente 160 milliards de dollars au total, et concerne cinq millions d'oiseaux environ qui viennent clandestinement d'Asie du Sud-Est, d'Afrique ou d'Amérique du Sud, transportés dans des conditions extrêmes et vivant dans une promiscuité surréaliste, favorisant évidemment toutes les contaminations possibles. Ce trafic, en Europe, se concentre essentiellement sur Hambourg, Rotterdam, Bruxelles et Anvers. J'ai appris avec plaisir que l'Europe avait interdit le commerce de tous les animaux sauvages. Les douanes y sont particulièrement attentives, mais il faudra renforcer les contrôles, y compris sur les animaux d'élevage, car rien n'est plus simple que de changer des papiers.

M. le Président : Ces recommandations sont-elles bien appliquées dans les ports en question, de l'avis de vos correspondants locaux ?

M. Allain BOUGRAIN-DUBOURG : En théorie, oui. Il faut relever une réelle « maturité » de tout le secteur vétérinaire et un réel travail mené avec les muséums d'histoire naturelle et les associations de protection de la nature pour améliorer la formation des douaniers et intervenir au besoin. Ce qui n'a pas empêché, voilà seulement quelques mois, plusieurs centaines de vautours d'arriver en Italie... Quand bien même on parvient à démanteler des réseaux - ce qui tend à prouver notre efficacité - on ne sait jamais ce qui peut se passer par ailleurs.

M. Jean-Pierre DOOR, Rapporteur : Quels arguments plaident pour une réduction de la responsabilité attribuée aux oiseaux migrateurs, car on entend tout et son contraire ?

M. Allain BOUGRAIN-DUBOURG : On a rendu des oiseaux migrateurs responsables de l'infection de certaines zones avant de s'apercevoir que les oiseaux soupçonnés n'étaient pas référents : ou bien ils étaient en période de mue, donc ils ne volaient pas, ou bien ils allaient dans d'autres directions... Rien ne prouve que les migrateurs infectés l'aient été en transportant le virus : les zones où l'on a retrouvé le plus d'oiseaux morts coïncident avec celles où l'on trouve de fortes concentrations d'élevage. Ajoutons qu'un oiseau meurt au bout de trois jours, un canard en huit, quinze jours au grand maximum : dans tous les cas, ils sont dans l'incapacité de faire un vol migrateur de cinq à six mille kilomètres. Je parle évidemment du virus H5N1 hautement pathogène et non de virus « simples » dont les oiseaux sont fréquemment porteurs. On pourra me démontrer le contraire. Notre position est la suivante : on ne dit pas que les oiseaux migrateurs ne peuvent pas véhiculer le virus H5N1 ; mais si cela est arrivé, c'est dans des zones d'élevages concentrés ; au surplus, les oiseaux n'ont pas la capacité physiologique de se déplacer dès lors qu'ils sont infectés.

Sans doute avez-vous déjà abordé la question des migrations. Je sais que M. Jérôme Bignon est un éminent spécialiste des oiseaux migrateurs ! Pour faire simple, il y a trois zones ; tout part de l'extrême Nord, Asie centrale et Sibérie. De l'Asie centrale, les oiseaux descendent directement vers l'Asie du Sud-Est, voire vers l'Australie ; de la Sibérie, une voie descend vers l'Afrique de l'Est, enfin une autre passe plus à l'Ouest, vers Malte, survole la France, les oiseaux se retrouvant en Afrique de l'Ouest dans une zone allant du Sénégal à l'Éthiopie.

Or, compte tenu des conditions climatiques, les plans d'eau deviennent beaucoup plus limités que les années précédentes et donc, les concentrations plus importantes d'oiseaux pourraient favoriser les échanges potentiels, en admettant que le virus hautement pathogène touche ces oiseaux. Il y a toutefois une interrogation sur les conditions de vie du virus. Le virus apprécie d'ordinaire les eaux froides et douces alors que, dans ces zones, l'eau est généralement salée et chaude. Autrement dit, le milieu ne paraît pas a priori favorable au développement du virus hautement pathogène.

Se pose ensuite le problème du retour, lequel ne se produit pas au printemps, comme je l'ai entendu dire par le délégué interministériel en charge de ce dossier à l'émission « Mots croisés » : ainsi, les oiseaux comme les sarcelles d'été, canards pilets et autres reviennent dès la fin janvier, ou en février. C'est d'ailleurs ce qui est à l'origine des problèmes concernant la fixation des dates de fermeture de la chasse. C'est à ce moment-là qu'il pourrait y avoir un danger. On verra alors ce qui se passera. Mais entre-temps, dès lors que l'on n'exclue pas que les oiseaux migrateurs puissent être porteurs, il peut exister un risque potentiel lié aux vagues de froid, qui peuvent pousser des oiseaux des zones touchées à venir se réfugier chez nous, singulièrement dans les zones où il y a des plans d'eau, comme en Alsace - 110.000 canards -, en Camargue - 150.000 canards - et le grand Ouest - près de 200.000 anatidés. On a par exemple assisté à une concentration exceptionnelle de jaseurs boréaux au début de l'année, chassés par une vague de froid. Ce phénomène doit aussi être pris en compte.

Venons-en au dossier particulier des appelants.

M. le Président : Très bien ! Parce que jusqu'à présent, vous dites à peu près la même chose que les chasseurs...

M. Allain BOUGRAIN-DUBOURG : Il nous arrive de parler le même langage, mais il n'est pas toujours entendu par les élus !

Rappelons, pour commencer, qu'hormis quelques cas en Italie, aucun autre pays d'Europe n'utilise d'appelants. Cette singularité typiquement française est très récente : l'usage des appelants s'est peu à peu développé pour se normaliser seulement à la fin des années 1980. L'utilisation d'appelants indigènes était à l'époque interdite, jusqu'à ce qu'une série d'arrêtés ministériels ne libéralise peu à peu l'emploi d'oiseaux appelants non seulement indigènes, mais éventuellement exotiques, sur l'ensemble du territoire. La LPO et l'AFSSA avaient, sans obtenir gain de cause, mis en garde le Gouvernement contre les dangers de cette dérive et cette libéralisation, notamment lors de la parution des arrêtés de novembre 2003 et de juin 2005. « Ce projet d'arrêté », écrivait à l'époque l'AFSSA, « ne prévoit aucune obligation concernant l'état sanitaire des appelants vivants. Pourtant, ces derniers peuvent représenter un danger particulier nettement plus important que les oiseaux sauvages libres... Etant manipulés, mis en nature au contact d'oiseaux sauvages, repris, puis remis en élevage, ils cumulent tous les facteurs de risques. » L'AFSSA proposait de mettre en place un système de marquage individuel et permanent, et d'organiser une consultation des différents ministères intéressés. Ces recommandations, appuyées par les associations de protection de la nature, n'ont pas été entendues. Aujourd'hui, probablement plus de 1.500.000 appelants sont utilisés en France, que l'on peut transporter et échanger à sa guise, nonobstant quelques recommandations de la direction de la nature et des paysages, jamais suivies d'effets. Il n'y a aucune obligation : il n'est qu'à lire les petites annonces pour se rendre compte de l'ampleur surréaliste des échanges - et des ventes, car il y a du business derrière - auxquels peuvent donner lieu les appelants, du Nord au Sud. Pour toutes ces raisons, nous souhaitons que la peste aviaire soit l'occasion de revisiter la réglementation relative aux appelants, particulièrement sur le choix des oiseaux. Une dizaine d'appelants par chasseur ou par installation devraient suffire, alors qu'il y en a près d'une centaine, en se limitant à la seule espèce du canard colvert afin de réduire le risque de pollution génétique. Il ne faudrait pas utiliser d'espèces en mauvais état de conservation ; or tous les gibiers peuvent servir d'appelants. D'autres mesures sont nécessaires : assortir la détention d'appelants d'une déclaration annuelle obligatoire, instaurer un dispositif de marquage individuel des oiseaux, et enfin, intégrer les élevages d'appelants dans les dispositifs de veille sanitaire. Il faudrait donc rationaliser ce dossier « appelants ».

M. le Rapporteur : Que pensez-vous de la décision d'interdire les canards appelants ?

M. Allain BOUGRAIN-DUBOURG : J'y suis tout à fait favorable, par simple mesure de précaution. Si certains parlementaires se sont prononcés pour l'arrêt de la chasse, ce n'est pas la position de la LPO. Nous n'aimons guère voir tuer des oiseaux, mais nous sommes des gens raisonnables. En revanche, nous sommes pour l'interdiction des appelants.

M. le Rapporteur : Certains de nos interlocuteurs ont fait valoir le rôle que pourraient jouer les appelants comme oiseaux sentinelles.

M. Allain BOUGRAIN-DUBOURG : Soyons sérieux, c'est du Raboliot ! Nous avons sur nos plans d'eau des biologistes, y compris des chasseurs de très haut niveau, des agents de l'ONCFS ; on n'a pas besoin d'y mettre un canard accroché à une ficelle pour voir si le virus va s'y installer ! S'il y a des cas avérés, on les verra. Les conclusions émises lors des réunions avec les ministères concernés nous paraissent raisonnables : évitons la psychose ; si peste aviaire il doit y avoir, on a tout lieu de croire qu'elle se manifestera prioritairement dans les élevages et non dans la faune sauvage. Et si, par malheur, des mortalités anormalement élevées devaient être détectées, les directions des services vétérinaires comme les chasseurs en seraient immédiatement avisés par le circuit que vous connaissez. Mais imaginer que les appelants puissent nous aider à savoir si la peste aviaire débarque en France est parfaitement grotesque.

Enfin, si un cas était avéré dans une zone contaminée, on abattrait les oiseaux dans un rayon de trois kilomètres. La LPO rappelle qu'il existe une réglementation sur la condition animale et que les éventuels abattages devront s'effectuer dignement et dans le respect, si l'on peut dire, du bien-être animal, et non de la façon dont cela s'est fait dans certains pays.

M. le Président : Vous n'êtes pas favorable aux appelants et vous prônez une forme de régulation de leur usage. Dans le même temps, vous jugez improbable l'hypothèse d'un rôle des migrateurs. Logiquement, vous devriez être pour la levée de l'interdiction de leur utilisation...

M. Allain BOUGRAIN-DUBOURG : Je n'ai jamais dit que je ne croyais pas à l'hypothèse des oiseaux migrateurs, mais seulement que l'on en fait une psychose alors que l'essentiel du dossier se situe ailleurs. J'ai par ailleurs indiqué que la LPO était consciente de l'obligation de précaution ; c'est dans cet esprit que je juge l'appelant indésirable.

Dans nos centres de soins, nous sommes en contact direct avec les oiseaux. Qu'avons-nous fait depuis cet automne ? Nous avons demandé de réduire le nombre de manipulateurs des oiseaux en soins - un ou deux au lieu de huit à dix, afin de limiter les risques - de renforcer les mesures de protections sanitaires usuelles - port de gants, lavage des mains - et, pour tous les personnels en contact avec les oiseaux, de se faire vacciner contre la grippe saisonnière. On sait très bien que cela n'a aucun rapport, mais cela fait partie des mesures de précaution élémentaires que nous imposons. Nous nous sommes également interrogés sur la poursuite du baguage ; il est établi que cette opération ne présente aucun danger pour le bagueur dans la mesure où il ne travaille pas en zone confinée. Il faut, en revanche, se laver les mains entre chaque manipulation pour éviter toute transmission d'un éventuel virus pathogène d'un oiseau à l'autre. Pour schématiser, nous sommes dans un état d'esprit de rigueur et de précaution tout en appelant à cesser de tirer - si je puis dire ! - sur les oiseaux. Enfin, si un cas de grippe aviaire survenait en France - ce qui pourrait se produire - il est évident que nous souhaiterions l'interdiction totale de la chasse aux oiseaux, afin d'empêcher que les tirs ne dispersent les oiseaux au risque de favoriser la dissémination du virus. Il faudrait que le virus reste concentré sur une zone.

M. le Rapporteur : Pensez-vous pouvoir obtenir un consensus ou des attitudes communes avec l'Office national de la chasse et les fédérations ? Face à un problème aussi grave, pouvons-nous espérer voir les différents acteurs s'entendre pour travailler ensemble, ou à tout le moins côte à côte, au lieu de persister dans les contentieux ou les contradictions ?

M. Allain BOUGRAIN-DUBOURG : Je le souhaite de tout cœur. Nous avons toujours été des gens de dialogue et d'ouverture. On ne peut pas faire avancer une idée en enfonçant une porte fermée. Nous avons pu nous rencontrer entre gens responsables au conservatoire du littoral...

M. Jérôme BIGNON : C'est vrai.

M. Allain BOUGRAIN-DUBOURG : ...et aborder avec Jérôme Bignon, par exemple, des dossiers épineux en essayant de trouver des solutions constructives et durables. Je n'aime pas le fait que l'on puisse retirer la vie pour le plaisir, mais j'admets que cela existe et je souhaite que cela se fasse dans les conditions les plus responsables possible. C'est notre état d'esprit. Taxer la LPO d'anti-chasse me paraît d'autant plus malhonnête que je paie très cher de ne pas l'être davantage : bon nombre de nos adhérents appellent à une position plus radicale. Mais nous sommes des utilisateurs communs du milieu naturel et de la faune ; nous avons tout intérêt à nous retrouver pour préserver prioritairement les espaces et les espèces. Oui, je souhaite dialoguer et parvenir à un accord. C'est moi qui, au nom de Birdlife International, ai signé avec la FACE, l'association des chasseurs européens, une convention internationale qui développait une série d'approches communes, sur la directive « oiseaux » notamment. Un seul pays d'Europe a refusé de signer cette convention : la France. Tout est dit...

Mme Geneviève GAILLARD : De possibles cas d'influenza aviaire auraient été suspectés dans le delta du Danube, région que vous connaissez bien, qui accueille de très fortes concentrations d'oiseaux migrateurs. Avez-vous, au plan international, des réseaux qui permettraient de mettre en place un dispositif d'alerte et de lutte, afin d'écarter tout risque d'épizootie dans les pays d'Asie comme dans les pays africains et européens ?

M. Allain BOUGRAIN-DUBOURG : Birdlife International a pris le dossier en main, mais nous apportons notre contribution chaque fois que nous le pouvons. Le delta du Danube est l'une des zones au monde où la biodiversité est la plus riche, mais il n'est que de voir l'équipement des gardes et des naturalistes pour comprendre que les moyens manquent. Nous sommes précisément en train de mettre en œuvre une stratégie de coopération pour aider à une présence naturaliste plus rationnelle et plus fonctionnelle, y compris au regard de la peste aviaire. La Banque mondiale a débloqué la semaine dernière, à Genève, des budgets non négligeables pour créer un réseau vétérinaire dans les pays pauvres, et c'est une bonne chose. Cela prouve que, dès lors qu'un danger pourrait les affecter, les pays riches trouvent toujours les moyens d'équiper les pays pauvres... Mais lorsqu'il s'agit de criquets, il n'y a toujours pas d'argent alors que l'on sait comment faire -la France est sûrement un pays qui s'est le plus investi. Cela en dit long sur nos relations Nord-Sud...

M. le Président : Je ne vais pas toujours défendre le Gouvernement français,...

M. le Rapporteur : Cela arrive !

M. le Président : ...mais les mesures qu'il a prises visent également à défendre les pays du Sud et surtout leurs élevages, afin de préserver leurs approvisionnements protéiques.

M. Allain BOUGRAIN-DUBOURG : Je parlais de la Banque mondiale et de l'attitude européenne. J'adore faire cocorico : de la part d'un ami des oiseaux, cela ne surprendra pas !

M. Jérôme BIGNON : Je veux témoigner de la volonté constante d'Allain Bougrain-Dubourg de trouver des solutions et d'éviter que les rapports entre chasseurs et conservateurs ne tournent à l'affrontement judiciaire. Le chemin est long et compliqué, y compris pour les gens de bonne volonté. Il ne faut pas désespérer, mais bien poursuivre le débat et le faire évoluer culturellement. Allain Bougrain-Dubourg a maintes fois prouvé sa volonté dans ce domaine, fût-ce au détriment parfois de certains de ses amis, comme il l'a souligné.

Cette crise peut être l'occasion d'une réflexion de fond sur les conditions d'emploi des appelants, aussi bien pendant la crise actuelle que lorsque cette affaire sera résolue. Sans doute certaines pratiques ne sont-elles pas des plus vertueuses et certaines précautions sanitaires pas toujours respectées. Il y va de la protection des chasseurs eux-mêmes mais également et surtout de la préservation de la biodiversité : je suis sensible au risque de pollution génétique et j'ai le sentiment que certains chasseurs seraient prêts à faire ce pas et y réfléchir.

J'aimerais avoir des informations sur le comportement des oiseaux malades. J'ai entendu dire qu'ils sortaient du groupe ou, plutôt, que celui-ci avait tendance à les écarter pour se protéger, comme on le faisait autrefois pour les lépreux. On ne trouve donc pas les oiseaux malades dans le groupe. Comment peut-on les observer dans ces conditions, dans la mesure où par définition, ils sont perdus dans un univers plus vaste ?

M. Allain BOUGRAIN-DUBOURG : Cela ne se passe pas exactement ainsi. Lorsque des milliers d'oiseaux sont au sol, vous ne verrez pas les oiseaux malades, noyés dans la masse. Mais s'il y a un envol, ils resteront au sol et, comme n'importe quel animal fragile, chercheront à se dissimuler dans des buissons, des trous, etc. C'est là qu'on les retrouvera. Ce faisant, ils se seront naturellement séparés de la bande, mais je ne pense pas que les oiseaux agissent comme les dauphins, qui n'hésitent pas à éloigner un congénère malade : les « dauphins ambassadeurs » sont fréquemment des animaux atteints de pathologies ou de vieillesse et donc exclus du groupe. Il en va tout autant pour un oiseau blessé par un chasseur : il reste au sol. Les oiseaux se cachent pour mourir...

M. le Président : Avez-vous des relais en Afrique ?

M. Allain BOUGRAIN-DUBOURG : Oui, grâce notamment aux scientifiques du Muséum d'histoire naturelle. Nous avons également des correspondants, les naturalistes du Niger, du Sénégal, mais leurs moyens sont si maigres qu'il nous faut les aider un peu... Force est de constater que nous ne disposons pas d'un tissu de naturalistes capable de détecter immédiatement un cas hautement pathogène sur tel plan d'eau.

M. Jérôme BIGNON : L'initiative prise par les chasseurs de l'OMPO - Oiseaux Migrateurs du Paléarctique Occidental - vous paraît-elle intéressante ? Peut-on imaginer voir l'OMPO et la LPO travailler ensemble à un renforcement des moyens d'observation des pays du Sud, en coopération avec le Muséum, l'IRD et les organisations locales ?

M. Allain BOUGRAIN-DUBOURG : Nous y sommes très favorables.

M. Jérôme BIGNON : Peut-on imaginer...

M. Allain BOUGRAIN-DUBOURG : Une rencontre sur ce sujet ? Bien sûr, aussi bien pour une analyse des dossiers que la mise au point de protocoles et même, éventuellement, d'actions sur le terrain, en fonction de nos moyens.

M. le Président : Monsieur, nous vous remercions.


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