Mercredi 25 janvier 2006

- Audition de M. Dominique BUSSEREAU, Ministre de l'agriculture et de la pêche

(Compte rendu de la réunion du 25 janvier 2006)

Présidence de M. Jean-Marie LE GUEN, Président

M. le Président : Monsieur le ministre, nous vous remercions d'être venu pour cette audition, ouverte à la presse.

M. Dominique BUSSEREAU : Sans vous retracer l'historique de l'influenza aviaire, je rappellerai seulement que la France s'emploie à appliquer strictement le principe de précaution, que vous avez voté et qui est dorénavant inscrit dans la Constitution. Aussi le Gouvernement a-t-il pris des mesures proportionnées à l'évolution de la situation sanitaire dans le monde et du risque estimé d'introduction du virus en France.

Je voudrais développer trois points : comment lutter contre l'introduction et la diffusion du virus en France ? Comment réagir s'il y avait apparition du virus ? Comment enfin soutenir les producteurs de volailles, qui souffrent à l'évidence des répercussions des mesures mises en place, mais également du déferlement médiatique auquel a donné lieu cette affaire ?

Pour lutter contre l'introduction et la diffusion de l'influenza aviaire sur le territoire français, nous avons décidé de mesures articulées autour de trois axes : l'interdiction d'importer des animaux et leurs produits en provenance des zones infectées ; la protection de nos élevages pour éviter le contact avec les oiseaux migrateurs et la diffusion du virus entre les élevages ; la mise en place d'un dispositif de surveillance, d'alerte et de réaction rapide.

Sitôt qu'un foyer est déclaré ou même suspecté dans le monde, il est interdit au niveau européen d'importer les oiseaux et leurs produits - plumes ou viandes - en provenance du pays touché. Ces interdictions ont concerné récemment la Turquie, la Roumanie, la Russie. Ce qui signifie que les services vétérinaires des postes d'inspection frontaliers sont en état d'alerte permanent. Depuis le début de l'année 2004, 130 000 contrôles ont été réalisés.

Les services des douanes ont également été alertés par mon collègue Jean-François Copé, ministre délégué au Budget et à la Réforme de l'Etat, afin de contrôler strictement les bagages des voyageurs en provenance des pays à risque - on y fait parfois des découvertes surprenantes !

Dès le mois d'août 2005, des recommandations ont été faites aux éleveurs pour leur demander d'éviter tout contact de leurs volailles avec les oiseaux sauvages. Un arrêté du 24 octobre 2005 leur a donné force réglementaire. Depuis cette date, sur l'ensemble du territoire national, l'abreuvement et l'alimentation des volailles à l'extérieur et l'utilisation des eaux de surface dans les élevages sont interdits. Dans des zones définies par l'AFSSA, dites à risque particulier, c'est-à-dire susceptibles d'accueillir des oiseaux migrateurs d'eau - estuaires, lacs, étangs -, ces mesures ont été renforcées par un confinement des volailles. Des mesures d'effet équivalent au confinement, quand on ne peut pas assurer complètement le confinement, mais qui évitent strictement le contact avec les oiseaux sauvages, sont possibles moyennant une visite vétérinaire préalable.

Depuis le 19 janvier, le confinement, initialement limité à vingt-six départements, a été étendu à cinquante-huit départements métropolitains. Pour éviter la diffusion du virus entre les élevages, les rassemblements d'oiseaux dans les marchés et les expositions ont également été interdits. En dehors des départements à risque, des dérogations peuvent être accordées au cas par cas par les préfets, sous des conditions sanitaires très strictes.

À ce jour, ces mesures ont bien été mises en place. Plus de 1 500 visites vétérinaires et plus de 600 contrôles de l'application du confinement ont été effectués. Voilà pour ce qui est des mesures de précaution.

L'alerte précoce et la réaction rapide sont essentielles : très contagieux entre les oiseaux, le virus impose de prendre le plus vite possible les mesures d'abattage pour éradiquer le foyer et stopper sa diffusion dans d'autres élevages.

L'alerte précoce repose d'abord sur une obligation de déclaration pour les éleveurs de tout signe clinique évocateur de l'influenza aviaire : cette maladie est réglementée et la non-déclaration est sanctionnée.

Elle repose également sur un programme de surveillance des oiseaux sauvages et domestiques, mis en place en France depuis 2000 et renforcé dès le mois d'août 2005. Il s'agit tout à la fois d'une surveillance active - des oiseaux sauvages sont capturés, des prélèvements sont analysés, et des élevages sont inspectés - et d'une surveillance passive : toute mortalité anormale d'oiseaux sauvages ou domestiques fait l'objet d'une enquête épidémiologique et d'analyses. En 2005, 1 500 oiseaux sauvages et plus de 1 200 élevages ont fait l'objet d'une surveillance sans que le virus H5N1 de souche asiatique n'ait été détecté.

Enfin, l'alerte précoce repose sur le réseau remarquable des services vétérinaires de l'Etat et des vétérinaires libéraux, qui constitue un maillage de plus de 12 000 personnes, extrêmement efficace, qui surveille et agit avec réactivité.

Les plans d'urgence contre l'influenza aviaire sont inscrits de longue date dans les actions du ministère. Des sessions de formation et des exercices de simulation sont régulièrement organisés pour assurer le maintien du caractère opérationnel des plans d'urgence. Un exercice de simulation régional a eu lieu en Bretagne en novembre 2005. Nous avons veillé à donner toutes les explications nécessaires pour ne pas affoler les populations. Quatre régions - Auvergne, Midi-Pyrénées, Pays de la Loire et Rhône-Alpes - et la moitié des départements sont programmés pour un exercice en 2006. Le prochain aura lieu en Auvergne au mois de mars.

Une formation accélérée des vétérinaires sanitaires à la détection de l'influenza aviaire est prévue au premier trimestre 2006 : quatre-vingts sessions seront organisées en France métropolitaine et dans les DOM-TOM. Enfin, un inspecteur vétérinaire a été spécialement affecté au suivi et à la préparation des plans d'urgence au sein de l'administration centrale du ministère de l'agriculture, en liaison avec le DILGA, le délégué interministériel à la lutte contre la grippe aviaire.

Ce dispositif est adapté à la menace actuelle, mais nous sommes prêts à aller au-delà. Afin de nous préparer au retour des oiseaux migrateurs en provenance d'Afrique au printemps, nous effectuons sur place des opérations de surveillance sanitaire. Une équipe du CIRAD est en train de prélever des oiseaux dans les principales zones de regroupement des migrateurs. J'ai demandé à Mme Alliot-Marie à pouvoir utiliser si nécessaire nos moyens aériens militaires pour rapatrier plus rapidement les échantillons en cas de besoin.

Si le virus apparaissait en France, nous serions en mesure de franchir de nouveaux paliers, à savoir le confinement généralisé des volailles sur l'ensemble du territoire national et éventuellement, si l'AFSSA le jugeait nécessaire, la vaccination des volailles élevées en plein air qui ne pourraient être confinées et seraient plus directement susceptibles d'être exposées.

Mais notre stratégie reste prioritairement fondée sur la surveillance, la détection précoce du virus et l'éradication dans les plus brefs délais d'un éventuel foyer. La vaccination est un niveau supplémentaire qui s'appliquerait aux animaux particulièrement exposés en cas de menace ou pour bloquer sa diffusion, par des vaccinations en anneau autour des zones infectées.

Un marché public a été lancé pour obtenir un stock d'urgence de 25 à 80 millions de doses de vaccin. Vingt millions de doses de vaccin seront disponibles d'ici à la fin février. Elles permettraient de vacciner, si nécessaire, en urgence, et après avis de l'AFSSA la totalité des volailles qui ne pourraient pas être confinées, en cas de menace au printemps.

En cas de foyer en France, toutes les dispositions ont été prises pour intervenir. La zone sera bloquée dans un rayon de dix kilomètres ; les animaux du foyer, et alentour si besoin est, seront abattus. Les services vétérinaires sont équipés du matériel d'abattage mais également des équipements de protection - combinaisons, masques - nécessaires à ce type d'opérations.

Des moyens financiers ont eux aussi été prévus. Le coût du programme de surveillance s'élève désormais à 1 million d'euros. Pour faire face à l'augmentation du nombre d'analyses, l'AFSSA bénéficiera d'un financement exceptionnel de 830.000 euros. Notre système informatique d'épidémio-surveillance a été conforté à hauteur de 250.000 euros en 2005 et s'est vu doter de 800.000 euros dans le budget 2006.

L'équipement des directions départementales des services vétérinaires a également été renforcé. 3 millions d'euros sont affectés à l'éradication d'éventuels foyers. 260.000 masques de protection ont d'ores et déjà été livrés à ces services.

Les mesures de protection dans les élevages sont accompagnées. L'État financera à hauteur de 45 euros les visites vétérinaires pour les élevages situés dans les départements à risque particulier et dans lesquels le confinement total est impossible. Un budget de 4 millions d'euros a été prévu à cet effet.

La menace de la grippe aviaire a eu un impact très fort sur la consommation de volailles et tous les parlementaires le savent bien. Le marché intérieur a été fortement perturbé avec une chute brutale de la consommation de viandes de volailles de plus de 20 %, dès la seconde quinzaine d'octobre. À partir de novembre, la consommation s'est stabilisée à un niveau inférieur de 15 % à la normale. L'écart s'était pratiquement résorbé au cours de la période des fêtes de fin d'année, où les ventes ont été correctes pour les volailles festives, alors même que le calendrier n'était pas favorable à la multiplication des repas de famille.

Malheureusement, au cours des deux premières semaines du mois de janvier 2006, la baisse de consommation de viandes de volailles a repris pour atteindre en moyenne 8 % dans les grandes et moyennes surfaces et 20 % sur le marché de Rungis, par rapport à 2005. La baisse de consommation des produits sous label s'est aggravée au cours de la seconde semaine du mois de janvier et atteint actuellement 20 %.

Or, vous le savez bien, la consommation de volailles ne présente aucun risque en France. L'infection par le virus H5N1 nécessite un contact étroit avec des oiseaux malades. Nos conditions de vie et d'élevage n'ont rien de similaire avec celles des pays d'Asie ou de la Turquie. Les volailles destinées à la consommation en France sont contrôlées et saines ; enfin, les importations en provenance des pays touchés sont interdites.

Pour aider nos éleveurs à surmonter leurs difficultés, des mesures de soutien ont été prises en concertation avec les professionnels de la filière. Une campagne d'information sur l'influenza aviaire, d'un coût de 1,3 million d'euros, financée par les crédits de mon ministère, a été lancée dès le 23 novembre dernier et a permis d'infléchir la baisse de consommation de viande de volailles durant la période des fêtes de fin d'année. Comme cette baisse a repris, j'ai décidé de débloquer 1 million d'euros supplémentaire pour une nouvelle campagne de communication. À ma demande, des instructions ont été données par mon collègue du budget afin que des reports d'échéances d'impôts et de taxes soient mis en œuvre pour toutes les entreprises de la filière : accouveurs, transformateurs, marchés et abatteurs. Avec Jean-Louis Borloo et Gérard Larcher, nous avons mis au point un dispositif de financement des indemnités de chômage technique qui pourrait intervenir dans les entreprises de la filière dans les prochains jours. J'ai demandé aux caisses locales de la MSA que des reports de cotisations sociales patronales des entreprises de transformation et personnelles des éleveurs soient accordés ; mon collègue Xavier Bertrand a effectué la même démarche pour les entreprises sous régime industriel.

Au niveau européen, je suis régulièrement intervenu au Conseil des ministres de l'agriculture pour que les subventions communautaires à l'exportation de viandes de volailles soient augmentées et permettent un déstockage des volailles aujourd'hui congelées. La Commission européenne a répondu favorablement à cette demande le 18 janvier dernier. Une mesure d'aide au confinement à hauteur de 5 millions d'euros a également été décidée.

Dans le cas où un foyer d'influenza aviaire surviendrait au sein de l'Union européenne, des mesures économiques seraient mises en œuvre pour compenser les pertes des éleveurs résultant de l'abattage des volailles contaminées, ainsi que des mesures de soutien au marché de la viande de volailles - campagnes d'information, stockage privé, cassage d'œufs, etc. -, ce qui n'est pas le cas actuellement.

Tel est, en conclusion, l'état des lieux des mesures prises par les pouvoirs publics. Nous avons tout lieu d'être fiers de notre système sanitaire, qui repose sur un modèle original alliant l'État et ses services, les vétérinaires privés et les éleveurs. Il a déjà fait la preuve de son efficacité lors de l'apparition de foyers de fièvre aphteuse en 2001, par exemple. Face à la menace de la grippe aviaire, la priorité est de lutter contre la maladie animale elle-même ; à cet effet, notre système sanitaire vétérinaire a été renforcé et mobilisé. Mais il est également impératif d'aller lutter contre l'influenza aviaire à l'étranger. C'est le sens de la proposition faite par le Premier Ministre à Mme Merkel la semaine dernière à Berlin d'une force d'intervention rapide européenne qui permettrait d'envoyer rapidement dans les pays touchés des équipes multi-disciplinaires d'experts. Cette idée a été reprise par nos amis allemands et une proposition conjointe a été formulée au Conseil des Ministres de l'agriculture européens du 23 janvier. Elle semble avoir reçu un accueil favorable, sans avoir pour autant encore donné lieu à des dispositions pratiques.

M. Jean-Pierre DOOR, Rapporteur : J'ai bien noté qu'il sera éventuellement possible de vacciner rapidement les volailles dès l'instant où une alerte pourrait être constatée. La la filière avicole a souffert de la campagne médiatique des premiers mois. Vous avez évoqué avant-hier, avec le président de la FNSEA, le déblocage d'une enveloppe de 6 millions d'euros. Comment sera-t-elle répartie ?

Beaucoup d'agriculteurs s'interrogent sur l'application des mesures d'interdiction applicables au prochain Salon de l'agriculture au mois de mars. Dès lors que les volailles sont surveillées, connues, contrôlées par les services vétérinaires, cette interdiction est-elle véritablement légitime ? Ne va-t-on pas un peu trop loin ? Vous connaissez l'attachement de tous les Français à ce salon, véritable ferme au centre de Paris.

Si le confinement est relativement facile à mettre en œuvre dans les élevages d'une certaine importance, équipés pour nourrir les volailles à l'intérieur, il n'en est pas de même pour les exploitations plus petites. Ce confinement va-t-il perdurer, alors que les Pays-Bas ont pour leur part levé, sinon adouci les mesures de confinement. Là encore, n'allons-nous pas trop loin ? Ce sont les questions qui nous sont posées.

M. Dominique BUSSEREAU : S'agissant du confinement, nous allons effectivement très loin dans l'application du principe de précaution. Nos amis allemands ont confiné, puis « déconfiné » avant d'envisager de « reconfiner » totalement fin février... Si, pour notre part, nous avons étendu le confinement, c'est non seulement à cause des événements de Turquie, mais également pour préparer nos éleveurs au retour des oiseaux migrateurs à partir de février et les inciter à réfléchir à leurs modes de fonctionnement. Cela dit, préfets et DDSV ont reçu des instructions pour appliquer cet arrêté avec intelligence, sans brutalité, en étudiant les situations au cas par cas, en discutant avec la filière dans le cadre des comités de suivi ; un observatoire départemental de suivi des mesures et de l'état des filières a même été mis en place dans l'Yonne. Nous sommes conscients des difficultés qui en découlent pour les éleveurs, d'autant que la volaille élevée en plein air est chez nous symbole de qualité. Reste que cette décision a été prise par le Premier ministre et le Gouvernement, et nous sommes au maximum du principe de précaution ; nous l'adapterons naturellement en fonction des avis de l'AFSSA, des décisions de l'Union européenne et de l'évolution de la menace éventuelle. Nous essayerons d'agir de façon raisonnable et intelligente. La filière elle-même, bien qu'elle souffre de la situation, joue le jeu et est sérieuse : elle n'a aucun intérêt à voir démolir son instrument de travail.

S'agissant du Salon de l'agriculture, nous avons vu ce qui s'est produit lors de la Grüne Woche, son équivalent allemand : les mesures décidées au dernier moment ont eu le pire effet, déstabilisant une manifestation qui, pour la première fois, a vu diminuer le nombre de ses visiteurs - mais peut-être était-ce également dû au froid exceptionnel qui sévit à Berlin. Aussi, les organisateurs du Salon de Paris ont-ils préféré prendre leurs dispositions suffisamment en amont pour laisser à tout un chacun le temps de s'organiser. Nous ne sommes plus qu'à un mois de l'ouverture et il aurait été extraordinairement compliqué de gérer des oiseaux venant, qui d'un département où le confinement est de règle, qui d'un département où il ne l'est pas, qui de pays étrangers, etc., sans parler des très nombreux visiteurs dont beaucoup viennent du monde entier. Aussi, après avoir pris l'avis des autorités sanitaires de la ville de Paris et de la préfecture de police, les organisateurs du salon, sans me consulter, ont pris leurs responsabilités comme des grands et décidé d'appliquer une mesure d'interdiction en compensant l'absence des oiseaux, toujours très appréciés, par un plus grand nombre d'autres animaux. Cela n'empêchera pas la filière d'être présente dans les stands avec ses produits, ses documentations, ses vidéos, même si les poulets et les canards sont plus agréables à regarder, en particulier pour les enfants !

S'agissant des mesures que nous mettons au point avec la filière - une nouvelle réunion aura lieu aujourd'hui même -, 1 million d'euros sur les 6 millions d'euros annoncés financeront des spots radio d'information sur la qualité de la volaille française, ainsi que le document que je vous ai fait distribuer. Il sera diffusé à 8 millions d'exemplaires auprès des familles, des associations de consommateurs, mais également des hôpitaux, médecins, collectivités territoriales, auprès de tous ceux qui ont un rôle de « faiseur d'opinions » dans ce pays. Du côté des mesures de soutien aux éleveurs, nous envisageons une aide directe aux producteurs de poulets standard et label, pour un montant total de 4 millions d'euros, gérée par les préfets dans chaque département et plafonnée à 3.000 euros par exploitation, conformément aux nouvelles règles européennes. Parallèlement, une enveloppe de 500.000 euros est prévue au titre d'une aide directe aux éleveurs des volailles dites « démarrées », particulièrement affectés par la fermeture des marchés en ville, et une autre de même montant pour les entreprises d'accouvage. Les modalités de gestion sont en cours de discussion avec la profession. Si, pour les filières, la gestion de ces aides peut se concevoir au niveau national, c'est au niveau des départements que nous les gérerons le plus efficacement : les élus, les préfets et les vétérinaires connaissent bien le terrain, et les élevages sont connus. L'objectif est de les débloquer le plus vite possible afin de soulager les trésoreries en difficulté.

M. Pierre HELLIER : Nous pouvons faire confiance à nos éleveurs et à nos filières pour mettre en œuvre le principe de précaution : la preuve en a été faite lors des épisodes de fièvre aphteuse et d'ESB. Leurs souffrances ont à cet égard quelque chose d'injuste, d'autant que les volailles sous label souffrent plus que les autres. Pouvez-vous l'expliquer ?

Vous nous avez confirmé que le CIRAD est sur place et opérationnel pour assurer la surveillance des oiseaux migrateurs en Afrique, là où le risque au retour peut être important. Les mesures de confinement sont certes contraignantes, mais il n'y a rien de pire, psychologiquement, que de mettre une mesure en place pour la lever ensuite et finalement la remettre en place... Nos filières avicoles sont capables de faire face à une crise avec l'aide des services vétérinaires et de personnels performants. Nous ne sommes pas dans le cas de figure d'une contamination interhumaine qui aurait tout lieu de nous inquiéter ; je crois même qu'elle pourrait survenir en France sans aucune contamination animale. Reste que notre filière agricole souffre beaucoup et que les mesures que vous venez d'annoncer ne compenseront pas pour autant toutes ses difficultés.

M. Dominique BUSSEREAU : Si les volailles sous label souffrent davantage que les autres, c'est tout simplement parce que les gens savent qu'elles sont élevées à l'air libre : elles sont donc les premières concernées par le confinement - et exposées au battage médiatique.

Mme Geneviève GAILLARD : Toutes les mesures de précaution sont prises et nos réseaux vétérinaires sont très actifs et très présents. Ils ont déjà fait leurs preuves dans le passé face à d'autres maladies très contagieuses et particulièrement meurtrières. Mais la grippe aviaire, avec d'autres virus, existe depuis des années et nous n'en parlions pas autant. L'influenza aviaire à H5N1 me paraît avoir toutes les chances de ne pas être anéantie dans les semaines qui viennent, et les oiseaux migrateurs pas davantage. Autrement dit, nous risquons d'être confrontés à la même problématique l'année prochaine, et de même l'année d'après... Il faut donc que nous nous focalisions sur l'éradication des foyers de grippe aviaire dans le monde, mais également que nous préparions nos éleveurs à l'idée qu'ils devront rester soumis au principe de précaution pour les années à venir. Le ministère dispose-t-il d'éléments de prospective qui lui permettraient de se faire une idée de ce délai, aussi hypothétique soit-il ? Travaillez-vous là-dessus dans le cadre d'une cellule de prévision, au besoin en liaison avec d'autres ministères ? Informez-vous les éleveurs et les agriculteurs de la durée possible de cette épizootie, pendant laquelle il faudra continuer à prendre toutes précautions ? Enfin, prévoyez-vous, en liaison avec le ministère de la santé, de prévenir les Français que le risque de pandémie pourra durer des années, pendant lesquelles il faudra rester vigilant ?

M. le Président : Cette question est en effet essentielle. Le risque de pandémie est là et n'est pas près, en effet, de disparaître. Le problème est de savoir ce que sera le scénario de l'épizootie. Jean-Pierre Door et moi-même revenons d'Asie du Sud-Est, et l'on a vu des situations présentant des caractéristiques différentes. La Thaïlande fait figure de modèle : le virus est partout, mais immédiatement et efficacement combattu, très vite et très fort : a priori, l'épizootie paraît maîtrisée et les reprises sont de plus en plus faibles, avec de moins en moins de conséquences. C'est le modèle stabilisé. Le Vietnam a, quant à lui, pris conscience de la situation : son gouvernement tient des discours vertueux et commence à appliquer une véritable politique, mais la réalité sur le terrain reste difficile. Troisième cas, la Chine. Elle aussi reconnaît la situation, mais pas totalement, et présente de sérieuses lacunes en matière d'information : dans certaines provinces, des cas humains mortels ont été déclarés, mais aucun cas animal, ce qui est bizarre ! Dans de telles conditions, quels peuvent être les scénarios de la vie du virus, sachant que son extinction n'est pas envisageable du jour au lendemain, en tous cas pas par une mesure sanitaire ?

M. Dominique BUSSEREAU : Mme Gaillard et votre président ont posé la bonne question. Je me souviens qu'au moment de l'épisode du SRAS, qui lui aussi avait provoqué un grand émoi médiatique, j'étais allé en Chine avec Jean-Pierre Raffarin, alors Premier Ministre. Pékin était devenu une ville vide et morte ; les Chinois avaient mis en place une remarquable organisation avec des gardiens d'immeubles, mais j'ai souvent pu constater de profondes lacunes à côté d'une débauche de précautions. Dans de telles circonstances, les réactions sont souvent exacerbées ; il faut savoir raison garder et se méfier des emballements en période de risque pandémique.

La prévision est très difficile ; il faut que nous mettions en place le système. Nous le pourrons d'autant plus facilement qu'au printemps prochain, nous disposerons d'un certain recul, avec le retour des oiseaux migrateurs et les conséquences qu'il aura eues ou qu'il n'aura pas eues - ce que j'espère de tout cœur. L'idée d'une cellule de prévision, bâtie autour de l'AFSSA, par exemple, me paraît excellente. Je proposerai de la mettre en œuvre. Nous bénéficierons également du retour d'expériences sur l'adaptation des mesures décidées dans certains pays, en Turquie par exemple, où, après un moment d'affolement, les choses ont été reprises en main, y compris sur le plan sanitaire. Sachant que nous avons un maillage efficace et que nous avons su faire face à certaines maladies - nous avons su maîtriser et éradiquer immédiatement un début d'épidémie de Newcastle dans un élevage de canards en Vendée l'année dernière -, le retour d'expériences de ce printemps nous permettra d'avoir une bonne vision pour les années à venir d'un phénomène qui, effectivement, ne disparaîtra pas du jour au lendemain, quels que soient les progrès dans la lutte sur le terrain. Je retiens en tout cas votre excellente suggestion de mettre en place un double dispositif, sous la forme d'un instrument de veille et de prévision vétérinaire, mais également d'un instrument de prévision économique, au vu des données vétérinaires, à mettre en place avec la filière.

M. François GUILLAUME : Très concrètement, certains éleveurs, qui commercialisent des volailles vivantes sur les marchés, comme des poules prêtes à pondre, sont frappés de plein fouet par l'interdiction totale des rassemblements d'oiseaux. Cette disposition ne pourrait-elle pas être assouplie moyennant certaines précautions ? On ne trouve guère qu'un ou deux vendeurs de volailles vivantes sur nos marchés de campagne, qui n'ont rien à voir avec ceux d'Asie du Sud-Est. Les oiseaux pourraient, par exemple, être maintenus dans des caisses laissées dans les camions, tout en restant visibles par l'acheteur, les bêtes achetées étant directement enfermées dans des boîtes en cartons, sans autre contact avec l'extérieur que les trous de ventilation... Et si, d'aventure, il y avait plusieurs vendeurs de volailles vivantes, on pourrait les obliger à respecter une distance de sécurité.

Ce problème se pose dès maintenant : ces ventes ne durent que deux ou trois mois dans l'année. La saison se terminant en juillet, il n'est pas question d'attendre mai ou juin pour donner une réponse. La question est de savoir si l'on peut mettre les élevages en production aujourd'hui afin d'être prêt au moment des ventes ; si celles-ci ne sont pas possibles, c'est maintenant qu'il faut le dire, et prévoir immédiatement une indemnisation fondée sur le revenu attendu des volailles, qui ne serait pas grevé par des coûts de production. J'ai d'ores et déjà alerté votre directeur des services vétérinaires dans les mêmes termes, afin que vous soyez à même de prendre rapidement une décision.

M. Dominique BUSSEREAU : C'est une bonne suggestion, que je vais étudier.

M. Marc LE FUR : Je craignais un battage médiatique autour de l'exercice qui a eu lieu en novembre à Kergloff. O,r nos services ont démontré leur capacité de réaction et nos éleveurs leur professionnalisme, tant et si bien que le retentissement médiatique a finalement été positif. Nous avons souvent peur des médias, parfois avec raison; mais cette fois-là, pour le coup, cela a bien marché, ils auront été utiles.

Je ne voudrais surtout pas que l'on distingue entre le problème sanitaire et l'indemnisation économique : l'indemnisation est à fins sanitaires. Les éleveurs ne seront mobilisés dans l'éventuelle lutte sanitaire que pour autant qu'ils seront assurés d'être indemnisés. Nous avons pu le vérifier avec l'ESB. C'est parce que les éleveurs savaient qu'ils seraient indemnisés que les déclarations ont été satisfaisantes. Il ne s'agit pas de faire plaisir aux éleveurs ni même de compenser : l'indemnisation fait partie intégrante du combat sanitaire. C'est ce qui justifie l'indemnisation.

J'ai déjà eu l'occasion, monsieur le ministre, de discuter avec vos collaborateurs du problème spécifique des poulets démarrés. Je vous remercie d'envisager une enveloppe spécifique, mais à l'évidence, cette filière ne peut plus rien vendre après avoir perdu son seul réseau de vente, en l'occurrence les marchés.

Enfin, nos bâtiments d'élevage n'ont jamais été conçus pour le confinement. Nous allons devoir les clore alors qu'ils sont normalement laissés ouverts afin que la volaille puisse circuler. Cela n'a rien de dramatique si cela ne dure qu'un temps ; mais cela le deviendra si cette période se prolonge, ne serait-ce qu'à cause des déjections qui s'accumuleront dans les bâtiments. Nous ne tiendrons pas très longtemps, sauf à totalement réorganiser la conception de nos filières conçues pour les volailles en plein air.

M. Dominique BUSSEREAU : Je fais miennes vos remarques sur l'exercice de novembre dernier et sa médiatisation. Si le confinement devait durer, nous devrions naturellement nous adapter à cette nouvelle situation. Sur l'indemnisation, nous attendrons les propositions de l'inter-profession. Si l'apparition de foyers devait nécessiter des abattages, ceux-ci seraient évidemment co-financés par l'Europe.

Cela dit, le confinement n'interdit pas une certaine souplesse. Dans la Bresse, nous avons autorisé les volailles à sortir le matin. On peut faire confiance à l'intelligence des acteurs de terrain pour trouver des solutions adaptées. Un confinement ad vitam aeternam changerait évidemment tout, remettrait en cause les labels et les appellations d'origine contrôlée et exigerait des investissements très lourds pour réorganiser le fonctionnement de la filière de manière plus pérenne. Le confinement peut effectivement entraîner une mortalité du fait de l'entassement des oiseaux, de l'accumulation des déjections et du stress, empêchant d'atteindre le même niveau de qualité.

M. Yannick FAVENNEC : La Mayenne, qui a déjà beaucoup souffert il y a cinq ans avec la fièvre aphteuse - le foyer était dans ma circonscription - vient de se voir appliquer les mesures de confinement. N'aurait-il pas été plus sage d'annoncer le confinement de l'ensemble des départements sensibles en une seule fois, sachant que la répétition de ce genre d'annonce se traduit immédiatement par une baisse de la consommation de volailles et des conséquences sur l'ensemble de la filière ? Une troisième série de mesures sont-elles en préparation ? Quand cela s'arrêtera-t-il ? Toute communication sur ce sujet a des conséquences immédiates sur la consommation.

M. Dominique BUSSEREAU : J'en conviens tout à fait. Nous agissons en fonction des éléments que nous communique l'AFSSA sur les zones à risque et nous adaptons nos décisions en conséquence. C'est pourquoi nous décidons au fur et à mesure. Ce n'est certes pas l'idéal en termes de communication, mais je préfère ne pas confiner tout en même temps, même si les poulets de Loué ne se voient pas appliquer la même règle selon qu'ils sont élevés dans la Sarthe ou dans la Mayenne... Les élus de la Sarthe affirment que le confinement en Mayenne fait peur aux Sarthois, et les élus de la Mayenne me demandent pourquoi le confinement n'est pas obligatoire dans la Sarthe ! Il est vrai que chaque fois que l'on parle et on agit, on crée des répercussions médiatiques. Il reste qu'il est du devoir des pouvoirs publics d'adapter la riposte à l'évaluation de la menace. Nous avons la chance d'avoir une agence d'expertise indépendante qui donne ses avis ; mieux vaut suivre ses préconisations sur les zones à risque, dans la mesure où elle affine en permanence ses cartes, par exemple, la zone à l'est du Rhône en remontant vers la Saône-et-Loire n'était pas prise en compte.

M. Roland CHASSAIN : Ma circonscription de député maire correspond à toute la Camargue. Quels moyens de surveillance a-t-on mis en place sur ce vaste territoire ? Je voudrais aussi dire que l'information doit être faite avec prudence. En effet, nous vivons à 95 % du tourisme. Après les moustiques, les inondations, il ne faudrait pas que demain la grippe aviaire fasse fuir nos visiteurs... Ajoutons, en troisième lieu, que les chasseurs de gibier d'eau m'interpellent tous les jours à propos de leurs appelants. Pourquoi les avoir confinés alors qu'ils vivent toujours dehors et que le gibier, lui, vole où il veut sur notre territoire ?

M. Dominique BUSSEREAU : Sur les moyens de surveillance en Camargue, où nous agissons en collaboration avec l'Institut Pasteur, je transmettrai les éléments précis au secrétariat de la mission. Le confinement des appelants a été décidé par la ministre de l'écologie sur la base d'une décision communautaire interdisant l'utilisation de ces oiseaux dans les zones à risque. Élu d'une région d'estuaire, je sais le peu de bien que pensent les chasseurs de cette décision... Je ne peux que mettre nos vétérinaires à sa disposition pour lui permettre au besoin d'apporter des ajustements techniques.

M. le Président : Nous avons eu quelques problèmes de communication avec les chasseurs, venus nous expliquer qu'ils se sentaient frustrés dans la pratique de leur loisir... Rappelons que ce qui est d'abord en jeu, avant même la santé humaine, c'est l'économie de nos régions agricoles et des centaines de milliers d'emplois. Il serait bon d'apprendre à hiérarchiser les priorités... Le loisir est parfaitement respectable, mais l'activité économique et la santé humaine ne semblaient pas être leurs préoccupations premières. Vous pouvez être assuré du soutien de la représentation nationale, monsieur le Ministre. Il faut maintenir des priorités et des choix de société évidents ; certaines interpellations n'ont pas lieu d'être. On peut certes discuter sur des choix techniques, mais s'agissant des choix politiques, ils ne sont pas discutables.

M. Marc JOULAUD : Chaque annonce d'une extension du confinement est l'occasion d'un nouveau déchaînement médiatique, à tel point que les éleveurs non encore concernés en viennent à souhaiter un confinement général... Au moins n'auront-ils pas à gérer une nouvelle annonce, systématiquement comprise par l'opinion comme une nouvelle aggravation du risque ou une extension géographique du phénomène. Leur raisonnement est le suivant : autant confiner tout de suite, d'autant que les préfets ont une certaine latitude pour organiser la mesure sur le terrain. Pourquoi ne pas aller tout de suite plus loin dans le confinement, ce qui, d'une certaine façon, répondrait aux aspirations de la filière ?

M. le Président : Je ne suis qu'un élu urbain, mais je croyais qu'il existait une représentation syndicale agricole pour discuter de ces choses-là... Si le ministre avait décidé de confiner partout et tout de suite, j'ai idée qu'on lui aurait reproché d'aller un peu trop loin !

M. Marc JOULAUD : La filière de Loué, bien connue, souhaite aujourd'hui le confinement ; on le lui a refusé. Les conséquences se font sentir sur toute la filière agroalimentaire, quoique la volaille transformée soit moins touchée, contrairement à la volaille entière et particulièrement les labels, ce qui montre le caractère irrationnel de tout cela. Dans la région Pays-de-Loire, plusieurs centaines d'emplois dans la transformation et l'abattage sont concernés et le mouvement n'a fait que s'accentuer tout au long de 2005. Consciente de ce que le phénomène ne s'arrêtera pas dans les mois à venir, la filière mettra en place courant 2006 un accompagnement pour réduire de 10 à 15 % le nombre de bâtiments d'élevage, afin de limiter la production. Il va falloir apprendre à vivre avec ce risque, même si la menace d'épizootie en France est très faible. Le ministère de l'agriculture envisage-t-il d'accompagner cette réduction de voilure dans les bâtiments d'élevage, particulièrement du côté des éleveurs les plus âgés ?

M. Dominique BUSSEREAU : Vous avez parfaitement raison de poser cette question, mais c'est à la profession de nous dire ce qu'elle souhaite, et les avis sur le confinement sont pour le moins divergents entre les différents acteurs de la filière. Je suis très sensible au sort du poulet de Loué ; j'ai, comme certains d'entre vous, assisté au rassemblement au Mans de milliers de sociétaires, et la qualité de l'organisation de cette filière est à tous égards remarquable. Cette activité est pratiquée tantôt à plein temps, tantôt à titre de complément de revenu. Il est clair que si la menace perdure, nous devrons prendre des mesures structurelles. Mais annoncer d'ores et déjà une « réduction de voilure » serait psychologiquement du plus mauvais effet car cela laisserait entendre que la menace serait pérenne. Prévoyons des scénarios, discutons-en avec les professionnels, mais attendons le moment venu pour prendre des décisions. N'envisageons pas tout de suite un scénario qui montre que nous sommes alarmistes ad vitam aeternam.

M. Gabriel BIANCHERI : Sans être alarmiste, j'ai toutes raisons de penser, comme ma consœur Mme Gaillard, que le virus est là pour quelques années, et que, par voie de conséquence, le risque d'une pandémie humaine, par mutagénèse ou recombinaison, reste prégnant. Il risque donc d'y avoir une paralysie de la filière avicole et des aléas, trimestre après trimestre. Dans l'hypothèse où l'on aurait quelques années devant nous, la vaccination animale ne pourrait-elle pas être utilisée comme une arme de prévention, à plus forte raison si l'on parvient à mettre au point des vaccins par voie orale, et ne pas réserver cette vaccination aux cas d'urgence ?

M. Dominique BUSSEREAU : Pour l'instant, il n'est prévu de faire appel à la vaccination que si la situation sanitaire venait à déraper et que l'on rentrait dans une situation endémique. Tel n'est pas le cas en France et l'AFSSA ne la recommande donc pas. Nous ne pourrions le faire qu'en cas de menace grave ou si la situation devenait réellement épizootique. Mais si la vaccination a l'avantage de protéger les animaux, elle a l'inconvénient de masquer la diffusion du virus ; ce sont autant de paramètres qu'il faut intégrer dans la réflexion, tout comme la question de savoir s'il faut une ou deux injections. Les Chinois ont, par exemple, engagé une campagne de vaccination massive. Pour l'instant, gardons-la comme arme immédiate en cas de problème ; dans le cadre de la réflexion à terme, je serai très preneur d'un travail en commun avec l'INRA, les services sanitaires et autres partenaires afin de savoir s'il est possible d'envisager un jour une vaccination préventive à l'image de la vaccination humaine. Mais ce que l'on nous dit de l'état actuel de la science, c'est que cela n'est ni souhaitable ni possible.

M. le Rapporteur : La France dispose-t-elle des stocks nécessaires pour vacciner ses volailles au besoin ?

M. Dominique BUSSEREAU : Nous avons acheté plus de vingt millions de doses qui seront disponibles d'ici à la mi-février, dans l'hypothèse d'une vaccination d'urgence. Précisons qu'il en coûterait 30 millions d'euros s'il fallait vacciner 80 millions de volailles pendant six mois... Sans compter l'impact énorme sur les exportations : il faut savoir que la filière rapporte 1,3 milliard d'euros par an ; or, dès l'instant où nous vaccinerions, nous ne pourrions plus exporter. On imagine les conséquences sur le plan économique !

M. François GUILLAUME : Le confinement ne s'adresse pas de la même façon à tous les élevages : si les canards et assimilés doivent impérativement sortir dehors pendant une période de leur existence, il existe de nombreux élevages de poulets de chair ou de poules pondeuses où les animaux restent enfermés toute leur vie. Dès lors, la vaccination pourrait être envisagée comme une obligation pour les oiseaux allant pâturer ; par contre, elle ne serait pas nécessaire pour les animaux qui ne sortent jamais. Les stocks, la dépense et la charge en seraient réduits d'autant - surtout que, tant que nous n'aurons pas de vaccin buvable, l'opération sur des bandes de milliers de volailles reste des plus sportives, et souvent délicate.

M. Dominique BUSSEREAU : Nous sommes bien d'accord. Si l'on venait à trouver en France des oiseaux migrateurs infestés ou si des foyers apparaissaient dans des pays limitrophes, nous avons prévu de ne vacciner que les volailles qui ne pourraient être confinées, en commençant par les canards - 20 millions d'animaux - et en poursuivant avec les volailles pour un total estimé à 80 millions. Notre premier stock de 20 millions de doses pourra être complété à tout moment.

M. le Président : Les œufs ont-ils été touchés par la baisse des ventes ?

M. Dominique BUSSEREAU : Un peu, mais rien de significatif - ce qui montre bien à quel point tout cela est lié à des facteurs d'ordre psychologique. Il en est à peu près de même dans les autres pays européens.

M. Gérard CHARASSE : J'ai cru entendre parler d'un exercice en Auvergne...

M. Dominique BUSSEREAU : En effet. Je vous communiquerai la date lorsque je viendrai vous voir, dans huit jours.

M. Gérard CHARASSE : Notre filière avicole est particulièrement importante.

M. le Président : Monsieur le ministre, nous vous remercions.


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