Mardi 2 mai 2006

- Audition de M. Robert NAMIAS, directeur de l'information à TF1, Mme Catherine PUISEUX et M. Bruno CORTES

(Compte rendu de la réunion du mardi 2 mai 2006)

Présidence de M. Jean-Marie LE GUEN, Président

M. le Président : Merci beaucoup d'avoir accepté de venir témoigner devant notre mission parlementaire de la façon dont une entreprise comme la vôtre réfléchit sur la problématique de la pandémie grippale.

Notre mission travaille depuis huit mois sur le sujet. Au cours du dernier trimestre 2005, nous avons plus particulièrement examiné les moyens médicaux disponibles pour faire face à un risque de pandémie ; nos travaux ont donné lieu à un premier rapport. Début 2006, nous nous sommes penchés sur la problématique de l'épizootie pour en faire le bilan tant au plan national qu'international. Nous abordons maintenant le troisième volet de notre travail : l'évaluation du plan pandémie du gouvernement. Nous souhaitons, aujourd'hui, voir comment serait gérée la communication de crise, en cas de pandémie.

Il semble, en effet, qu'au-delà de la crise sanitaire, nous nous trouverions, en cas de pandémie, devant une véritable crise politique. D'où l'importance de l'information et de la relation de confiance qui sera entretenue avec les citoyens. Il nous a paru intéressant de vous entendre, sachant que vous y travaillez vous-même depuis un moment et que vous n'avez sans doute pas terminé de vous y préparer. Je crois savoir, en effet, que votre entreprise est l'une des entreprises pilotes qui a été désignée pour se préparer, en interne, à la pandémie. Dès le mois de septembre, vous avez été amenés à parler, à l'antenne, de grippe aviaire et de pandémie. Nous aimerions donc connaître votre point de vue sur la problématique de l'information.

M. le Rapporteur : La semaine dernière, nous avons reçu un expert américain de la gestion de catastrophe. Il ressort de son audition qu'en période de crise, la gestion de la communication serait très difficile : selon lui, dès qu'une crise est entamée, la gestion de la communication et de l'information devient impossible car elle n'est plus acceptée par le public. Il nous paraît donc important d'anticiper ce problème, avant le déclenchement d'une éventuelle pandémie.

M. Robert NAMIAS : M. Le Guen l'a dit, une entreprise comme TF1 est dans une situation un peu particulière puisqu'elle est à la fois spectateur et acteur de la crise éventuelle. Nous courons en effet les mêmes risques que n'importe quelle entreprise. Et en même temps, nous avons pour métier de faire de l'information et du spectacle. Il est probable que les Français, malades ou non, seront invités à rester chez eux et regarderont, de ce fait, la télévision plus souvent qu'aujourd'hui. Quelles émissions diffuserons-nous ? Comment les fabriquera-t-on ? Seront-elles différentes de celles d'aujourd'hui ? Ces questions concernent aussi bien la direction des programmes que la direction générale de l'antenne.

Pour ce qui est spécifiquement de TF1, et non de LCI, nous serons certainement amenés à modifier notre réflexion sur l'information, sur le format des journaux et le rythme de l'information qu'on donnera. TF1 conservera-t-elle un grand journal à 13 heures et un grand journal à 20 heures ? Programmera-t-on d'autres rendez-vous d'information de manière provisoire, pendant X semaines ou X mois ? Que mettra-t-on dans ces journaux, comment seront-ils fabriqués ? Avec quels personnels ? De quoi va-t-on parler : uniquement de grippe aviaire, ou d'autre chose ? De l'actualité du moment ? En tout état de cause, en cas de pandémie en France ou en Europe, les informations sur la grippe aviaire prendront 90 ou 95 % de l'information, tant à la télévision qu'à la radio ou dans la presse écrite.

Le plus difficile est d'être à la fois sujet et objet dans cette affaire.  L'entreprise TF1 réfléchit depuis longtemps sur les risques à venir. Nous avons ainsi créé, à l'intérieur de l'entreprise, des structures quasi permanentes de gestion des risques de toute nature. Il y a quelques années, nous nous étions préoccupés d'une éventuelle crue décennale de la Seine. Si elle avait eu lieu, cela nous aurait amenés à gérer l'information de façon très différente. Matériellement, nous n'aurions d'ailleurs pas pu rester dans les locaux qui abritent le siège de TF1 à Boulogne-Billancourt. Tout cela pour dire que la gestion des risques fait partie de la culture de l'entreprise TF1.

Nous le faisons dans des conditions que nous avons décidées nous-mêmes, qui ne nous ont jamais été suggérées de l'extérieur - et certainement pas par les autorités gouvernementales. Nous sommes peut-être une entreprise pilote, mais nous ne sommes pas considérés comme une entreprise stratégique par le Gouvernement français, qui ne nous a associés à aucune réunion consacrée à la préparation d'une éventuelle pandémie. C'est nous qui nous sommes enquis des différents plans gouvernementaux. Il est, au demeurant, assez surprenant que le Gouvernement ne considère pas une chaîne d'information comme la nôtre -la première chaîne française en termes d'audience- comme une entreprise stratégique.

M. le Président : Cela vous rassure, vous inquiète ou vous laisse indifférent ?

M. Robert NAMIAS : Cela nous est indifférent. Cela nous rassure, également, parce que cela nous permet de travailler avec une totale liberté. Mais je ne peux qu'être inquiet que le Gouvernement ne se préoccupe pas de ce que fera ou dira TF1, qui se propose d'être un relais de l'information de service public.

M. le Président : Vous ne seriez pas choqué que nous soyons nous-mêmes inquiets ?

M. Robert NAMIAS : Pas du tout. Il est surprenant que le Gouvernement n'ait pas demandé quoi que ce soit à un média qui s'adresse à 10 millions de Français tous les soirs et à 8 millions à 13 heures, pour faire passer certaines informations de santé publique. Nous trouverions une telle demande très légitime.

Cela dit, nous ferons ce que nous avons à faire. Nous le ferons d'abord en interne, pour protéger notre personnel et lui permettre de faire son travail d'information.

Mme Catherine PUISEUX : Notre structure de gestion des risques a maintenant cinq ans, comme c'est le cas pour la plupart des grandes entreprises françaises. Nous avons engagé notre réflexion au début des années 2000, et après septembre 2001, nous sommes allés à marche forcée.

Notre premier grand plan de gestion des risques concernait le risque de crue de la Seine. Il portait essentiellement sur les dégâts aux bâtiments et au matériel. Il consistait surtout à déplacer des activités sur des sites externes. Pour la grippe aviaire, nous sommes amenés à élaborer un plan d'une nature différente, dans la mesure où le risque concerne les hommes. C'est pourquoi, depuis le début de cette année, nous mettons au point une nouvelle version du plan de continuité de TF1, totalement différente de la première.

Nous nous sommes fondés sur les statistiques du plan français, mais pas uniquement. Car le plan français n'est guère axé vers la continuité des entreprises : il est essentiellement tourné vers les personnels de santé et le grand public. Nous nous en sentons assez absents. Sans doute est-ce un problème de calendrier. En attendant, je me suis référée à des éléments très concrets mis à la disposition de leurs entreprises par les Gouvernements canadien et néo-zélandais.

Je confirme l'absence de contacts avec le Gouvernement, qu'évoquait M. Robert NAMIAS. Elle est regrettable car elle ôte de la pertinence à notre plan. Nous sommes en effet dépendants des grands opérateurs comme Télédiffusion de France ou Électricité de France. Sans validation ni assurance de continuité de la part de ces opérateurs, nous ne pourrions pas faire grand-chose...

Peut-être n'avons-nous pas trouvé les bons interlocuteurs. J'ai, moi aussi, entendu parler, dès le mois de janvier, du fait que TF1 était identifiée comme une entreprise pilote, mais cela ne s'est pas vérifié par la suite. Je suis allée voir la DDM, la direction des médias, où l'on nous a dit que nos activités n'étaient pas classées Défense, qu'il existait sans doute des documents que nous n'avions pas le droit de voir, mais que ce droit nous serait certainement accordé plus tard.

M. Bruno CORTÈS : J'ai participé à cette réunion avec la DDM, qui dépend du Premier ministre. Le Gouvernement semble considérer qu'il suffit qu'une des entreprises publiques de communication, que ce soit Radio France, France 2 ou France 3, soit en mesure de relayer a minima son message pour que la continuité de la communication en matière de santé publique soit garantie. La notion d'audience n'est pas prise en compte. Le seul souci du Gouvernement est de pouvoir disposer d'un vecteur de communication en cas de crise.

M. le Rapporteur : Avez-vous fait connaître votre point de vue au Gouvernement ?

M. Bruno CORTÈS : Oui. Si nous sommes une entreprise importante, nous devons être reconnus comme entreprise stratégique. Il faut alors qu'on nous donne les moyens de fonctionner normalement - moyens de se déplacer, d'avoir accès à des systèmes fiables de transmission, de protéger nos personnels en priorité. Il faut d'ailleurs noter que le groupe Bouygues comporte des activités qui, elles, ont été reconnues comme stratégiques, que ce soit la SAUR pour la distribution de l'eau ou Bouygues Télécom pour ses réseaux de communication. Notre activité télévisuelle n'a pas été prise en compte.

Mme Catherine PUISEUX : J'ai demandé au SGDN que nous puissions participer aux exercices nationaux. Je n'ai pas eu de réponse. J'ai également assisté à la conférence de presse donnée lundi dernier par le ministre de la santé, relative au lancement de la campagne de communication sur la grippe aviaire. J'ai eu l'occasion de poser la question qui me tenait à cœur, à savoir : est-ce que la continuité des médias pour relayer une communication de cette ampleur peut intéresser le ministère ? On m'a répondu qu'en termes de calendrier, cela viendrait certainement. La délégation interministérielle à la lutte contre la grippe aviaire (DILGA) m'a ensuite fait savoir qu'un groupe de travail lié aux médias pourrait peut-être être constitué bientôt.

M. Robert NAMIAS : C'est l'occasion pour moi de noter que ce qui apparaît évident à nos yeux ne l'est pas forcément aux yeux des autorités sanitaires. Pour moi, ce qui comptera d'abord, c'est la communication et l'information. Je ne vois pas bien par quels autres canaux que par la télévision ou la radio on pourra informer les Français. Nous sommes dans une situation où, par tradition ou par culture, la communication gouvernementale privilégie le service public de la radiodiffusion et de la télévision, qu'il s'agisse de France Télévisions ou de Radio France, au détriment des médias plus puissants ; l'efficacité de la communication s'en ressentira. Cela ne concerne pas seulement seulement TF1 : on pourrait évoquer aussi les radios de la bande FM, par le biais desquelles on pourrait toucher beaucoup de Français, notamment les jeunes, et communiquer sur le risque d'épidémie.

Je profite de l'occasion qui m'est donnée pour insister, dans un esprit de service public, sur le fait qu'on voit mal comment on pourrait lutter efficacement contre le développement de la pandémie si on ne se donne pas les moyens de communiquer en permanence avec l'ensemble des Français, et pas seulement avec les adeptes et les fidèles du service public de la radio et de la télévision.

Mme Catherine GÉNISSON : Votre témoignage est assez édifiant, en tant qu'entreprise et en tant qu'entreprise de communication. En tant qu'entreprise, il semble assez incroyable que vous n'ayez été destinataires d'aucun document, dans la mesure où certaines prescriptions devront être appliquées, à commencer par la règle du maintien à domicile. En tant que première entreprise de communication, il est étonnant que vous n'ayez pas été associés au plan gouvernemental.

Malgré tout, quelles sont les dispositions que votre entreprise a prises, à la fois pour protéger ses employés et pour agir en partenaire du service public de l'information ?

M. Robert NAMIAS : Nous n'avons pas encore validé toutes nos procédures et tous nos systèmes. Nous allons donc rester relativement vagues, s'agissant du plan que nous appliquerons en cas de risque d'épidémie.

Il s'agit d'un plan très fouillé, qui intègre : les besoins de l'antenne TF1 de manière générale et des antennes du groupe, de LCI et des autres chaînes en matière de programmation 24 heures sur 24, l'information, la structure et le contenu de l'information.

S'agissant de ce contenu, il est assez facile de décider de diffuser un certain nombre de fictions, de séries. Tout ce qui relèvera de l'événementiel, comme les retransmissions de matchs sportifs de toute nature, sera, bien évidemment, supprimé. Le contenu d'antenne sera fait essentiellement de programmes enregistrés.

Les questions à se poser seront donc les suivantes : qui diffuse, quels sont les personnels dont on a besoin pour assurer les émissions ? Il y a 1 700 personnes à TF 1 et on a imaginé qu'il faudrait travailler avec à peine un tiers d'entre elles.

Mme Catherine PUISEUX : Nous avons compté d'emblée 50 % de personnes indisponibles. Nous travaillons à recenser les activités prioritaires. Le problème est de savoir comment travailler à domicile en limitant les déplacements et la présence sur site. On arrive à une présence minimale sur site de moins de 100 personnes. Cela fait partie de notre plan que de savoir comment gérer le site, sur le plan sanitaire, dans ces conditions.

Comment œuvrer pour que la communication interne soit fluide et riche à ce moment-là ? Comment conserver les activités essentielles que sont la paye et le paiement des fournisseurs ? Le traitement de ces fournisseurs et de ces prestataires sera alors important. Si nos effectifs sont touchés, les leurs le seront davantage, notamment s'il s'agit de sociétés de nettoyage et de sécurité.

Notre plan prévoit aussi le déploiement d'outils de communication à distance, ainsi que la mise en place d'une gestion de crise, ce dont nous n'avons pas l'habitude. Il sera déconseillé de tenir des réunions. Tous les dispositifs sont prêts pour qu'il n'y ait jamais plus de trois personnes ensemble dans une salle.

M. Robert NAMIAS : Toutes ces procédures sont en cours de validation, mais elles sont pratiquement toutes définies. S'il survenait une crise de cette nature à l'hiver ou à l'automne prochains, elles seraient mises en application au sein des trois grandes structures de TF1 : les programmes et l'antenne de manière générale ; la publicité, qui risque d'ailleurs d'être bloquée très rapidement ; l'information, sur laquelle je vais dire quelques mots.

Il s'agira de donner l'ensemble des informations disponibles sur l'épidémie elle-même, en faisant en sorte qu'on soit toujours à même de les donner. Pour cela il faudra protéger le personnel d'information - journalistes, diffuseurs des journaux, réalisateurs, personnel de régie, etc. Ce personnel devra être réduit au minimum sur le site même de TF1 : l'essentiel de l'activité, y compris journalistique, la fabrication des reportages et des sujets s'exerceront à l'extérieur. La plupart des tâches pourront donc être externalisées dans des lieux décentralisés ou à domicile.

Nous avons déjà défini de façon précise quel serait le personnel nécessaire à la fabrication du journal sur le site de TF1, étant entendu que l'essentiel de l'activité aura lieu à l'extérieur et par ce qu'on pourrait appeler du télétravail. Nous sommes en train d'organiser et de mettre en place cette façon de travailler.

Selon la gravité de l'épidémie et du nombre de personnes touchées, nous avons prévu une gamme de contenus d'information, allant de l'information la plus réduite qui ressemblerait à de la radio filmée, à des journaux ressemblant à ceux d'aujourd'hui.

M. le Président : Avez-vous acheté des masques, du Tamiflu, etc. ?

Mme Catherine PUISEUX : Nous avons commencé à stocker des masques et envisagé de configurer le bâtiment de manière à pouvoir contrôler les flux de visiteurs. Certains protocoles permettent de ne pas faire entre des gens malades sur le site, de soigner ceux qui développeraient des symptômes sur le site. C'est le médecin du travail, salarié à mi-temps par TF1, qui nous fait bénéficier de ses compétences en la matière.

Plus généralement, nous travaillons avec l'ensemble des compétences de la maison : le médecin, mais aussi le service des affaires générales, qui nous aideront à tracer un itinéraire pour faire en sorte que personne ne se croise dans des lieux restreints, à disposer de lieux pour se laver les mains, pour prendre le matériel de protection, etc. Toutes les compétences transverses de l'entreprise sont mises à contribution.

M. le Rapporteur : Vous avez évoqué les plans canadien et néo-zélandais : s'agit-il de plans élaborés par des chaînes de télévision ou de plans gouvernementaux ?

Mme Catherine PUISEUX : Ce sont des plans réalisés à partir de plans gouvernementaux. S'agissant du Canada, ils sont plutôt préparés par les régions, qui ont mis des sortes de boîtes à outil à la disposition des entreprises, ou par des groupements d'entreprise qui mettent à disposition de l'ensemble de leurs adhérents ces boîtes à outils, qui sont très pratiques. Pour ce qui est de la Nouvelle-Zélande, nous avons utilisé un plan particulier, celui de l'entreprise Shell.

M. le Rapporteur : Comment avez-vous eu ces plans ?

Mme Catherine PUISEUX : Ces plans sont disponibles sur Internet. Les paramètres épidémiologiques sont les mêmes d'un pays à l'autre : c'est donc parce que ces plans étaient immédiatement accessibles que j'ai choisi les plans canadien et néo-zélandais.

M. le Rapporteur : Qui valide les choix à l'intérieur de l'entreprise ? Le médecin ?

Mme Catherine PUISEUX : Chacun valide sa partie, puis la direction de TF1 valide l'ensemble. Si le lien avec les autorités gouvernementales est, selon moi, important, c'est parce que je considère qu'une validation externe est nécessaire à la pertinence du plan. J'imagine également qu'une mise à jour devra intervenir. Il faudra donc installer une dynamique dans le temps pour pérenniser notre effort.

M. le Rapporteur : Comment les représentants des salariés ont-ils été associés à cette démarche ?

Mme Catherine PUISEUX : Ce plan n'est pas secret. Pour éviter toute panique, nous avons joué la transparence. Nous avons d'abord communiqué avec le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, en répondant assez librement aux questions posées. Nous avons également organisé, à l'intérieur de l'entreprise, une session d'information.

M. Bruno CORTÈS : Il s'agissait d'une session de trois heures ouverte à tout le personnel, avec des représentants du monde scientifique, des représentants du laboratoire Roche venus exposer la différence entre grippe aviaire et pandémie grippale, les risques de transmission, la passation du virus de l'animal à l'homme, toutes les questions que peuvent se poser à la fois les journalistes et le reste du personnel. Cette séance a été filmée et rediffusés sur le circuit interne.

M. le Rapporteur : Certaines personnes vous ont-elles indiqué qu'en cas de pandémie, elles ne se rendraient pas à leurs postes ?

M. Robert NAMIAS : Nous n'avons pas eu de retour de ce genre. Mais il faut comprendre que le traitement du risque de grippe aviaire et de pandémie s'intègre à la gestion des risques dont on a maintenant l'habitude depuis cinq ans.

A TF1, il existe un plan permanent, le plan « Réagir ». Dans le cadre de ce plan, une quarantaine de personnes travaillent en permanence sur les risques qui s'imposent d'eux-mêmes comme les épidémies ou les accidents, et sur les risques qui sont signalés. Toutes les directions de l'entreprise - la direction administrative et financière, la direction juridique, la direction de la communication, la direction de l'information, la direction de l'antenne - tiennent des réunions communes au niveau des directeurs ou de leurs collaborateurs de haut niveau. Ce comité de pilotage travaille en permanence à l'élaboration des procédures du plan.

Ce travail est ensuite validé par les directeurs de chacune de ces directions et, finalement, par la présidence de TF1 et la direction générale de l'antenne, en l'occurrence par MM. Patrick LE LAY et Etienne MOUGEOTTE. Il est le résultat d'une réflexion quasi permanente au sein de ce comité de pilotage, étant entendu que le principe même de « Réagir » est la prévention et la gestion des risques quels qu'ils soient, dans la durée et dans le temps.

En termes de communication, ce système a un avantage : chaque direction est capable de restituer à son personnel l'ensemble des travaux et de l'élaboration des procédures. C'est ainsi que nous avons stocké 100 000 masques, que nous en avons averti le personnel en lui indiquant comment il faudrait l'utiliser, tout en l'avertissant des éventuels désagréments qui en résulteraient. Hormis la grande réunion dont nous vous avons parlé, nous avons organisé d'autres réunions avec le médecin du travail.

Ce travail de communication interne est donc permanent. Il se trouve, en outre, que certaines directions, dont la mienne, ont une réunion de communication interne hebdomadaire avec l'ensemble des chefs de service. Le but est de communiquer sur tout et de jouer la transparence, en particulier en matière de gestion des risques.

M. le Président : Tout est basé sur la dynamique interne de l'entreprise, sur la transparence et l'anticipation. Votre statut juridique vous permettrait-il, si vous le souhaitiez, de réquisitionner votre personnel ? Seriez-vous éventuellement demandeurs d'un tel pouvoir ?

M. Bruno CORTÈS : Dans le plan gouvernemental tel qu'il existe, tout ce qui concerne la communication est très succinct. On y trouve des banalités du style : il faut multiplier les conférences de presse, informer le grand public, se servir du relais que constituent les télévisions et les radios pour faire passer le message, etc. Même dans les phases finales, on n'évoque pas la possibilité pour les pouvoirs publics de réquisitionner des entreprises de communication privées, ce qui me paraît d'ailleurs assez sain. En effet, nous n'avons pas l'impression que des gens dont ce ne serait pas le métier pourraient faire le travail d'information mieux que nous. Nous préférons nous inscrire dans une logique de collaboration pour relayer le message, fabriquer ensemble des émissions dédiées, notamment en développant les informations services.

M. Robert NAMIAS : Nous n'avons pas encore réfléchi à la question de la réquisition parce que nous nous situons dans une culture d'entreprise où ce qu'on pourrait appeler, ailleurs, le volontariat est une règle absolue. On aura plutôt du mal à obliger les gens à rester chez eux et à travailler à l'extérieur sans passer par le site de TF1. Une bonne partie de la communication a d'ailleurs pour thème : « voilà comment travailler autrement qu'en venant tous sur le site pour faire une couverture ».

Sur le plan juridique, je crois qu'aucun dispositif de réquisition du personnel n'est prévu par notre statut, qui relève du droit privé. La seule sujétion de notre cahier des charges est relative à la diffusion des allocutions du Président de la République. On peut imaginer que le CSA nous demande de passer tel ou tel communiqué à telle ou telle heure, mais ce ne serait jamais qu'une collaboration de bonne volonté. Encore une fois, je crois que tout repose sur le volontariat. Je n'ai aucun doute sur le fait que le personnel de TF1 sera là pour assurer l'antenne.

M. Bruno CORTÈS : Je ferai une réserve. Aux États-Unis, au moment des inondations, 30 % des personnels policiers ne se sont pas rendus à leurs postes. Et on a constaté un phénomène équivalent en France, à l'occasion de l'épidémie de SRAS.

Nous sommes une entreprise comme les autres, et des mères et des pères de famille devront rester chez eux pour s'occuper de leurs enfants malades ou de leurs proches. Il y aura de toute manière un taux d'absentéisme élevé. C'est en effet d'eux-mêmes que les salariés appliquent le principe de précaution. Voilà pourquoi nous avons considéré d'office que nous devions travailler avec un minimum de gens, et bien sûr des volontaires. Mais la paye sera assurée, que les personnes soient présentes ou non.

Mme Catherine PUISEUX : Les gens qui seront amenés à rester sur le site sont plutôt des cadres que des personnes tenues par une vie de famille, à 35 heures par semaine. En effet, le contrôle de la durée du travail ne sera pas facile. Et puis, notre logique est plutôt de confier à des dirigeants des tâches plus subalternes qu'ils n'en ont l'habitude, et plus polyvalentes. On trouvera donc, parmi la centaine de personnes restant sur le site, essentiellement des patrons de service et des techniciens qui, eux, ont des tâches très précises. Comme les écoles seront fermées, tous ceux qui ont des enfants seront a priori exonérés de toute obligation de présence sur le site.

En matière de droit du travail, il nous faudra tenir compte de certains aspects, notamment du droit de retrait. Parmi la centaine de postes identifiés, on a toujours prévu la personne qui tient le poste et son suppléant. Car il peut y avoir maladie ou défection.

M. Robert NAMIAS : En aucun cas il n'y aura de pression ni de réquisition.

M. le Président : Votre organisation me paraît très achevée. Mais il se trouve que beaucoup d'autres structures sociales ne gèrent pas la crise de façon aussi anticipée que votre entreprise.

M. Robert NAMIAS : On ne peut pas exclure qu'un certain nombre de personnes soient malades en même temps et indisponibles dans le personnel de TF1, y compris parmi les cadres qui sont censés occuper les postes qui font tourner l'entreprise et permettent à la chaîne d'être alimentée et diffusée. Il se pourrait, dans l'absolu, qu'il n'y ait plus personne pour faire fonctionner TF1. Mais statistiquement, ce ne serait pas raisonnable de l'imaginer.

Le but restera de diffuser des programmes et de l'information. S'il s'agit essentiellement de fictions enregistrées, rediffusées, on n'aura besoin que d'un nombre très limité de personnes. En matière d'information, il nous faudra réfléchir à ce que sera son contenu : soit des journaux quasiment normaux parce que les journalistes seront suffisamment nombreux pour faire des reportages de toute nature, soit des journaux qui ne seront plus que de la radio filmée ou des suites de communiqués. L'information n'en sera pas moins décisive et attendue par des millions de Français.

M. Bruno CORTÈS : Nous nous demandons comment nous entrerons dans cette crise, le jour où elle se déclenchera. Il y aura sans doute un effet de sidération pendant les premières heures et les premiers jours, moments où les interdictions seront maximales. Comment réussir à travailler et à installer une antenne ? Comment seront mises en œuvre les procédures d'urgence ? Nous avons du mal à le conceptualiser.

Nous disposons de deux antennes, celle de LCI et celle de TF1. Il faudra profiter au mieux de cet atout dans une optique de continuité d'antenne. L'idée est que les deux directions travailleraient conjointement sur le même site. L'antenne serait disjointe entre LCI qui travaillerait toute la journée sur son programme, comme elle le fait actuellement, à l'exception des grands journaux télévisés de 13 heures et de 20 heures, TF1 se réservant la capacité de diffuser de l'information et de la distraction, et éventuellement des flashs extraordinaires ou des émissions spéciales.

Nous travaillons sur plusieurs scénarios. On a envisagé, au minimum, un type d'information inspiré de celui des chaînes d'information continue à l'anglo-saxonne, comme CNN, avec un présentateur unique, des correspondants au téléphone, trois ou quatre personnalités extérieures intervenant ; au maximum, un type d'information ressemblant à ce qui existe actuellement. Nous essayons de moduler ces différents types d'information en fonction des disponibilités en personnel, des scénarios qui seraient appliqués et des restrictions qui pourraient entraver notre travail.

Mme Catherine PUISEUX : Vous avez évoqué l'éventuelle défection de partenaires externes. Nous avons essayé d'associer les 70 prestataires qui sont vitaux pour notre activité. Certains ont répondu présents, avec des plans très intéressants. Je pense notamment aux prestataires de restauration collective et de nettoyage, dont il ne faut pas sous-estimer l'importance dans ces moments-là. Par contre, TDF n'a pas répondu, ce qui m'inquiète beaucoup. Car tout ce que nous développons ne sera d'aucune utilité si TDF n'assure pas la continuité le jour venu. Ce qui est vrai pour TDF, l'est aussi, par exemple, pour EDF et les compagnies des eaux.

M. le Président : Lorsque j'étais allé voir le préfet de La Réunion, à propos de la crise du chikungunya, il s'était plaint de ne pouvoir s'adresser à la population qu'à travers les journalistes qui relayaient ses propos. Il aurait voulu pouvoir parler directement aux Réunionnais.

On peut tout à fait imaginer que ce que le préfet n'a pas obtenu à La Réunion, le ministre de la santé, le Premier ministre, le Président de la République, ou encore la personne en charge de la gestion de la crise sur tel ou tel aspect l'obtienne à Paris, en cas de pandémie.

Il ne serait pas inutile qu'il y ait d'un côté les informations professionnelles, assurées par les journalistes, et de l'autre les informations publiques, une sorte d'information officielle. Est-ce que ce dualisme a un intérêt ?

M. Robert NAMIAS : De manière générale, un journaliste est très demandeur d'information et de transparence. Nous nous nourrissons d'informations. Si on nous en donne, nous la diffusons après l'avoir vérifiée et être allés sur le terrain. L'une des grandes leçons qu'on devrait retenir de la canicule de 2003 était le manque absolu de transparence de l'information donnée. On ne peut donc pas reprocher aux médias d'avoir donné des « informations » plus ou moins vérifiées à partir des données des pompes funèbres, des urgences dans les hôpitaux ou des interventions des pompiers.

La difficulté sera sans doute d'identifier le moment où l'on entre dans la pandémie. À partir de quel moment les médias prendront-ils la responsabilité et le risque de dire que la pandémie de grippe aviaire est là, qu'il va falloir se protéger et appliquer toutes les mesures de prévention qu'on aura précédemment arrêtées à l'intérieur des entreprises et dans le secteur public ?

Il va de soi que les médias ne manqueront par de relayer l'annonce de l'entrée en phase pandémique, que cette annonce émane du préfet, d'un médecin, du ministre de la santé, du Premier ministre ou du Président de la République.

Le problème, c'est l'information quotidienne : faudra-t-il faire de l'information quotidienne ? Quel type d'information ? Faudra-t-il simplement égrener le nombre de cas supplémentaires chaque jour ou bien, plus tard, évoquer la courbe descendante ? Donnera-t-on des informations pratiques ? Une communication, dont il faudra trouver le rythme, hebdomadaire, bihebdomadaire voire quotidienne, me paraît absolument indispensable.

Si le rôle des médias n'est pas stratégique, quel est-il ? Comment voulez-vous assurer cette communication, sinon par les médias ? L'idée d'un point quotidien, ou bihebdomadaire, ou hebdomadaire, me paraît tout à fait souhaitable, à la fois pour prévenir le mieux possible le développement de la pandémie, et parce que cela permet aux journalistes que nous sommes de travailler dans de bonnes conditions. Ce sera un élément d'information parmi d'autres, mais ce sera un élément très important.

M. le Président : Pendant l'affaire de la Dombes, nous avons été nterpellés sur le fait que nous mettions en cause l'avenir d'une filière économique. Les médias ont également été stigmatisés. Vos reportages avaient pourtant une forte tonalité pédagogique, expliquant que le poulet n'était pas un danger pour la santé. Comment avez-vous vécu cette crise ?

M. Robert NAMIAS : Au début, il s'agissait d'une information presque comme une autre. Puis on s'est aperçu que cette information avait un caractère anxiogène très particulier et que même si on essayait d'expliquer qu'il n'y a pas de transmission à l'homme, que si le poulet est cuit, il ne présente aucun danger, on n'était pas entendu. La seule chose qui restait, c'était : « vous nous parlez encore et toujours de la grippe aviaire ».

Pendant le mois de mars, au plus fort de la crise du CPE, on comptait plus d'une trentaine de sujets sur la grippe aviaire. Pourtant les gens ne s'y intéressaient plus. En un an, il y a eu 202 sujets sur la grippe aviaire. Je pourrai vous laisser le document, avec le contenu de chacun des sujets.

M. le Rapporteur : La difficulté majeure qui entrave la communication en période de crise semble tenir au fait que l'opinion publique ne perçoit pas toujours de façon rationnelle les informations qu'elle reçoit. Comme nous le rappelait l'expert américain de la gestion de crise, dont j'ai évoqué l'audition au début de notre réunion, quand la crise est là, l'opinion publique n'entend plus rien.

M. Bruno CORTÈS : Ayant la responsabilité des journaux du week-end, je suis soumis au flot d'informations que l'on peut recevoir. Au plus fort de la crise, au mois de novembre, un oiseau mort trouvé à Hong-Kong donnait lieu à une dépêche, de même qu'un enfant qui toussait en Anatolie. Que faire devant des dizaines de milliers d'informations de ce genre chaque jour ? Est-ce que cela traduit une réalité ? Est-ce une surenchère ? Pour autant, au mois de novembre, nous avons traité 75 sujets sur la grippe aviaire sur un mois, ce qui correspond en moyenne à deux sujets par émission, ce qui est très peu. Ils n'ont jamais occupé plus de 35 à 45 % de la durée d'un journal télévisé. Mais au bout de trois ou quatre mois, on assiste à un phénomène de répétition : on voit toujours à peu près les mêmes images et cette répétitivité peut créer de l'angoisse. Avec Robert Namias, nous nous demandions si nous n'en faisions pas trop. On nous a d'ailleurs accusés de jouer sur l'angoisse, parce que la peur ferait vendre. Or c'est faux, car lorsqu'il y a trop de sujets sur un phénomène, les gens finissent par « zapper ».

Je fais remarquer, au demeurant, que ce sont des scientifiques, des épidémiologistes réputés, qui ont publié des livres et des articles dans lesquels ils évoquaient l'hypothèse 500 000 morts ! Ils sont d'ailleurs revenus sur leurs chiffres, depuis.

J'ai travaillé, au sein de l'Institut national de la recherche scientifique (INRS), dans un groupe d'étude sur le plan gouvernemental, où je représentais les médias. Au cours de ces travaux, il a été reproché aux médias d'avoir exagéré l'importance de la menace. Mais à la réflexion, il nous est apparu que nous avions peut-être été instrumentalisés par l'OMS, qui voulait inciter les États à prendre en compte ce risque. Le ministère de la santé a fait de même pour débloquer de l'argent auprès de Bercy. Il y a donc eu, dans le milieu médical international et national, une volonté de dramatiser la pandémie, que nous avons relayée avec beaucoup de bonne foi. Cela dit, ce fut une bonne chose. Car sinon, jamais il n'y aurait le plan gouvernemental, ni d'achat de Tamiflu, ni d'achat de masques, etc. Nous avons peut-être relayé de manière exagérée cette angoisse, mais celle-ci existait bien dans les instances nationales et internationales.

M. Michel LEJEUNE : En cas de contamination humaine dans le monde, que se passera-t-il ? Avez-vous l'intention d'interrompre les programmes ? Ne risque-t-on pas de revenir au schéma qu'on a connu au moment de la guerre en Irak, ou de la révolution en Roumanie avec, toutes les cinq minutes, des informations nouvelles ? Car s'il ne faut pas affoler les populations, il ne faut pas non plus donner l'impression que ce n'est rien. Avez-vous réfléchi à cet équilibre ?

M. Jean-Claude FLORY : Vous dites que l'anxiété génère l'irrationnel. Mais si vous donnez des éléments scientifiques aux Français, au bout d'un moment, l'irrationnel s'efface et la raison revient. J'en veux pour preuve l'évolution de la courbe de consommation de poulet, qui, après avoir chuté de 30 ou 40 %, est « remontée » à moins 10 ou moins 15 %. Car les Français ont fini par être convaincus que le poulet pouvait être consommé.

M. le Président : S'il n'y avait pas eu communication, il y aurait eu la rumeur, qui aurait sapé la confiance, etc. La culture de la communication n'existe pas chez nous, y compris chez des décideurs importants de notre pays. Il serait utile que vous puissiez donner un écho médiatique à l'idée que l'information est la garantie de la transparence, que la transparence, c'est la confiance, et la confiance le retour à l'équilibre et à la rationalité.

M. Bruno CORTÈS : Nous avons des exemples du manque de cohérence au niveau gouvernemental. Le jour où le préfet de l'Ain a autorisé à nouveau les poulets de Bresse à ressortir, on annonçait l'élargissement du périmètre d'interdiction d'accès aux étangs, parce qu'on avait trouvé cinq cygnes morts.

On nous a reproché de créer un sentiment de panique et d'influencer les comportements. Mais il n'y a pas eu d'actes d'incivisme, d'achats de précaution, d'achats massifs de Tamiflu ou de trafics.

M. le Président : Aucune école n'a interdit le poulet à la cantine. Il aurait été très dur pour les élus locaux de résister si une telle décision avait été prise.

M. Bruno CORTÈS : Nous n'avons aucun intérêt à raconter des choses qui pourraient se retourner contre nous. Je ne pense pas non plus que nous ayons relayé de grosses erreurs. Quand elles ont été dites, la source en était médicale - je pense à la polémique sur la nécessité ou non de se faire vacciner contre la grippe saisonnière pour développer une certaine résistance - et elles ont été corrigées le plus vite possible.

M. Robert NAMIAS : Pour ma part, je pense que l'information est forcément bonne à prendre, qu'elle soit bonne ou mauvaise. D'ailleurs, ce qui est bonne nouvelle pour l'un est mauvaise nouvelle pour l'autre. Quand un candidat est élu et que son adversaire est battu, l'information n'a pas le même sens pour l'un et pour l'autre. Mais mieux vaut pourtant donner cette information que la taire.

Pour nous, ce débat sur l'information est tranché, même s'il ne l'est pas pour tout le monde. Ceux qui font l'information ont un sens des responsabilités qui n'a rien à voir avec ce qu'il était il y a vingt-cinq ou trente ans.

Le poids des médias en général, et de TF1 en particulier, engage notre responsabilité, dont nous sommes très conscients. Dans le cas de la grippe aviaire, elle s'exerce à l'égard des agents économiques -agriculteurs, éleveurs- mais aussi à l'égard des consommateurs, c'est-à-dire de tous les Français. Une information qui nous paraît utile sur le plan de la santé publique s'avérera désagréable pour tel ou tel acteur de la vie économique, voire catastrophique pour certains éleveurs.

D'autres affaires tout aussi importantes, je pense au sida, ont pu être gérées à la fois par un accompagnement sanitaire, une recherche et une information qui ont permis que dans des pays comme la France, privilégiés sur le plan sanitaire, l'épidémie soit contenue. En revanche, là où il n'y a pas d'information, pas d'accompagnement, comme en Afrique, l'épidémie fait des ravages. On voit bien qu'en tout état de cause, l'information est indispensable. Nous sommes tout à fait conscients qu'elle doit être équilibrée.

Comment ferons-nous lorsqu'il y aura un premier cas de transmission humaine ? C'est là qu'interviendront la responsabilité et le professionnalisme des journalistes. Dans une chaîne comme la nôtre, l'information sera à sa place. Nous ne ferons pas de flash spécial, même si ce sera sans doute le premier titre du journal. Il y aura également un ou deux sujets pour expliquer que nous sommes entrés dans une deuxième phase de la crise et que tout ce qui avait été dit de manière un peu théorique doit commencer à nous faire réfléchir. Il faudra commencer à se protéger, à vérifier que les médicaments, dont le Tamiflu, sont bien en fabrication, qu'ils pourront être stockés en quantités suffisantes, etc.

On passera donc à la deuxième phase de la crise de manière pédagogique. Un cas ne vaut pas épidémie, et encore moins pandémie. Il faudra vérifier si les cas se multiplient, à quelle vitesse... Ensuite, les pouvoirs publics auront intérêt à prendre le relais et à dire les choses. En matière de santé publique plus encore que dans toute autre, la transparence est indispensable. Nous ne sommes que les porte-parole de l'information : celle-ci est donnée par le Gouvernement. La transparence est la meilleure arme en matière de prévention.

M. le Président : Madame, Messieurs, nous vous remercions.


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